Et si la crise financière avait surtout démontré une fois
pour toutes l'absurdité de la tendance à la
"déréglementation tous azimuts" ?... Crise
financière
-
Fin
de
partie
Mais le monde sera-t-il seulement capable d'éviter ses vieux
reflexes de frilosité, surtout vis-à-vis de quoi que ce soit
qui puisse toucher à l'économie d'une façon ne serait-ce que
moindrement significative ?... Perspectives
- Querelle de banquiers
La crise pourrait-elle donc avoir modifié nos habitudes de
vie, et ce d'une façon qui puisse s'avérer ne serait-ce que
moindrement durable ?.. L'Américain
nouveau: moins cigale, plus fourmi
Et faute d'avoir causé une modification définitive de nos
habitudes de vie, la crise n'aura-t-elle pas eu le mérite
d'entraîner à tout le moins un changement dans nos
mentalités ?... Benoît
XVI invite à une réforme de l'économie mondiale
Et d'un autre côté, n'y a-t-il pas également certains plans
de relance qu'il vaut tout simplement mieux ne pas imiter
?...
Le pari de l’Espagne contre la crise
Et si les plus grandes puissances n'ont plus que
s'agenouiller devant la Récession, comment les municipalités
pourraient-elles vraiment espérer faire autrement ?...
Panique dans la ville
Serions-nous notamment en train de démontrer une certaine
incapacité à user du crédit sans pour autant en abuser, et
donc se faire soi-même abuser ?...
Et peut-on vraiment concevoir l'avenir de nos fermes
autrement que dans leur modernisation, et donc dans leur
concentration ?...
Pénurie de relève en agriculture
Se pourrait-il donc qu'il y ait toujours une place pour
l'intervention de l'État dans l'économie ? Et en fait, se
pourrait-il même que cela s'avère désormais plus pertinent
que jamais auparavant ?...
Les bougies d’allumage du gouvernement
Se pourrait-il donc que les syndicats représentent désormais
l'un des plus importants obstacles au développement
économique ?... Moins
de
syndicats,
moins
de
déficits?
Et si l'heure de gloire des syndicats se trouvait à être
tout simplement une chose du passé ?
(Et si l'ère des syndicats se trouvait à être tout
simplement révolue ?) Flying
into the two-tier wage world - MARGARET WENTE
Et si nous nous retrouvions maintenant dans un nouvel ordre
économique mondial où le pouvoir serait davantage réparti
entre les nations, et serait donc moins l'apanage d'un petit
groupe de nations, voire d'une seule nation ? China
won’t be riding to the rescue any time soon - Doug
Saunders
Mais les réunions du G20 ne font-elles pas surtout éclater
au grand jour toute la diversité, voir l'hérérogénéité des
approches qu'il se trouve à rassembler ?...
Et faut-il pour autant enterrer de sitôt les puissances
industrielles traditionnelles (notamment dans la mesure où
celles-ci peuvent se montrer capables de renouveau) ?... Le
retour du Japon
Mais surtout, tout revirement du géant chinois pourra-t-il
vraiment faire autrement qu'être au moins aussi long à
effectuer qu'il ne pourrait l'être pour un paquebot en
pleine lancée ?...
LA FAÇON CHINOISE
La Chine saura-t-elle seulement faire mieux que de
reproduire le modèle américain dans tout ce qu'il a pu avoir
de plus grossier ?... Crise
immobilière en Chine - L'imitation
Et d'ailleurs, se pourrait-il vraiment que certaines
compagnies, tout au moins, ne pensent quelquefois qu'à
empocher toujours plus d'argent, quitte à le faire dans le
plus grand mépris du consommateur ?...
LE DOUBLE DISCOURS D'UNE INDUSTRIE -
Maxime Bergeron
La vente de nos réserves d'or nationales, par le
Gouvernement du Canada, s'avérait-elle vraiment la meilleure
des idées ?... L’or
coule sur le dos du huard
La décennie du « rééquilibrage » - FRANÇOIS DUPUIS
Après des
années d’insouciance, il faut s’attaquer aux déséquilibres
structurels de l’économie mondiale
L’auteur est vice-président et économiste en chef aux Études
économiques du Mouvement des caisses Desjardins.
Si la crise financière a été aussi dévastatrice, c’est en
grande partie en raison des nombreux déséquilibres structurels
qui se sont accumulés au cours des dernières années au sein de
l’économie mondiale. La consommation effrénée d’avant la
crise financière ne doit pas se répéter, au risque
d’atténuer la reprise économique, plutôt fragile.
Si tous les agents économiques recommencent à agir comme si
rien ne s’était passé, ces déséquilibres ne feront que
s’aggraver, risquant ainsi de mettre en danger la reprise
actuelle et de nous amener d’ici quelques années vers une
autre crise encore bien plus profonde.
En premier lieu, le comportement du consommateur doit changer
de façon importante. Au cours des années 2000, le crédit
facile a gonflé la consommation, dans les économies
industrialisées, à un niveau insoutenable. Cette libéralité du
crédit a aussi entraîné une bulle immobilière. Aujourd’hui,
rien n’indique que le consommateur, et tout particulièrement
le consommateur américain, soit prêt et apte à recommencer à
dépenser de façon effrénée, mais les mauvaises habitudes
pourraient revenir.
Les prochaines années seront également marquées par
l’assainissement des finances publiques. Malgré une longue
période de prospérité depuis le milieu des années 90,
plusieurs gouvernements de l’occident ont cumulé des déficits
importants. La récession, combinée à la crise financière, a
accentué leurs niveaux d’endettement. Ceux-ci atteignent
maintenant des proportions inquiétantes, voire néfastes pour
plusieurs. À titre d’exemple, des pays comme la Grèce
connaissent déjà d’importantes difficultés à refinancer leurs
emprunts. Plusieurs autres pays sont menacés de décote et ils
doivent faire des gestes draconiens.
La meilleure solution serait de rétablir progressivement
l’équilibre budgétaire tout en mettant en place des conditions
favorisant les investissements productifs et le développement
du capital humain. De telles mesures permettraient à la fois
d’accroître davantage les revenus des économies endettées, à
moyen terme, et de réduire progressivement le poids de la
dette.
Pour les
financer, il faudrait, d’une part, abandonner d’autres
dépenses publiques moins structurantes en faisant des choix
souvent difficiles et, d’autre part, utiliser l’épargne des
nations qui sont d’importants recycleurs de liquidités, tels
que certains pays producteurs de pétrole ou la Chine.
D’autres déséquilibres pourraient à nouveau ébranler la
stabilité économique mondiale (par exemple, il y a un risque
d’éclatement d’une bulle de crédit en Chine ou de volatilité
extrême des devises, dont le dollar canadien). Quoi qu’il en
soit, il ne faut pas reproduire la situation qui prévalait
avant la crise. L’aggravation de l’endettement des ménages
doit être évitée, car les risques d’une deuxième crise
financière seront très élevés, ce qui nécessitera à nouveau
l’intervention des gouvernements. Il ne faut pas non plus que
l’octroi de crédit demeure trop anémique, comme c’est le cas
actuellement en Europe de l’Ouest et aux États-Unis, parce que
les gouvernements devront, dans ce cas, intercéder plus
longtemps que prévu, un peu à l’image du cas nippon depuis 20
ans.
Après de nombreuses années de croissance frénétique, il
importe de prendre la mesure des excès qui ont conduit au
dérapage de la fin de la décennie. Les bases de la croissance
passée, qui reposent pour l’essentiel sur le consommateur, en
particulier américain, ne sont pas viables à long terme. Il
faut redéfinir un nouvel équilibre qui passera notamment par
un meilleur partage de l’épargne et de la richesse ainsi que
par une réglementation plus efficace.
Il faut éviter que des économies, industrialisées ou en voie
de l’être, ne se retrouvent cantonnées dans des positions
extrêmes qui mènent à de nouveaux déséquilibres mondiaux (des
pays essentiellement importateurs de biens, comme le modèle
américain).
La décennie 2010-2020 serat-elle celle du «rééquilibrage»?
Dans l’affirmative, cela ne se fera pas sans heurt sur la
croissance économique, mais c’est le prix à payer pour
s’assurer d’une saine prospérité! Et, pour qu’elle le
devienne, il faut dès à présent s’atteler à redéfinir les
nouveaux points d’appui de l’économie mondiale, préciser ce
que serait un meilleur partage des forces en présence et avant
tout résorber les déséquilibres actuels.
Le déclin de la pétrochimie - Vincent
Chornet
OPINION Après
la fermeture de la raffinerie Shell, il est temps de se
tourner vers le « génie vert »
Certes, presque tout est à faire. Mais « il faut commencer par
commencer ».
L’annonce de la fermeture de la raffinerie Shell à Montréal
sonne le glas de l’expertise québécoise dans le génie
chimique. Le secteur pétrochimique est depuis plus d’un
demi-siècle un des centres d’application du génie chimique. Le
secteur intègre l’ensembledesprocédés chimiques qui permettent
aux ingénieurs d’acquérir les connaissances industrielles
nécessaires à leur métier et ainsi maintenir et améliorer ce
savoir-faire qui est nécessaire à la création de notre
richesse collective, soit à travers l’exportation de notre
génie-conseil ou de notre capacité à exécuter de grands
chantiers porteurs de valeur économique. La
raffinerie Shell était une des six que comptait le Québec.
Le Québec comptait autrefois six raffineries, il n’en compte
plus que deux, soit celles de Ultramar, à Lévis, et de
Petro-Canada, à Montréal. Ce sont autant de raffineries
perdues qui autrefois permettaient à nos jeunes ingénieurs
formés à la Polytechnique, Sherbrooke, McGill et Laval de
développer leurs compétences et de se hisser au niveau de
leurs pairs d’autres pays, voire de les dépasser. Ceci est
aussi sans oublier la fermeture de Pétromont, l’avenir
incertain de PTT Poly Canada, cédée à Imatosil, et le déclin
du secteur de la fibre qui intègre également des composantes
importantes du génie chimique.
Nos
dirigeants politiques doivent, d’une part, constater l’absence
d’installations industrielles suffisantes pour former la
nouvelle génération d’ingénieurs chimiques et maintenir la
compétitivité du Québec dans un monde global où les ingénieurs
québécois ont traditionnellement excellé. D’autre part,
puisque les centres pétrochimiques se déplacent dans le golfe
du Mexique, en Asie et au Moyen-Orient, il leur faut aussi
constater que c’est ailleurs qu’émergeront les besoins du
génie chimique et les plateformes industrielles essentielles à
l’apprentissage des ingénieurs. À moins que, comme d’autres
nations le font, nous décidions rapidement d’emboîter le pas
vers une nouvelle infrastructure industrielle de plus grande
valeur que celle qui se déplace progressivement vers les
régions mentionnées.
La solution réside dans la transformation des secteurs
associés au génie chimique vers « les technologies vertes »,
dont le bioraffinage. Certes, presque tout est à faire. Mais «
il faut commencer par commencer » ; d’autres nations se sont
d’ailleurs déjà engagées dans cette route. Aux ÉtatsUnis, les
fonds du plan de relance économique du gouvernement Obama sont
investis dans une transformation de l’économie américaine vers
un nouveau secteur manufacturier « vert ». Cette
réorientation, axée sur des nouvelles technologies développées
dans l’ensemble des pays occidentaux que les Américains
s’empressent d’attirer, est nécessaire afin que pays et
nations avancées, dont le Québec, préservent leur savoir-faire
et leur compétitivité devant les pays émergents. Pour créer
une nouvelle génération d’ingénieurs chimiques au Québec qui
sont compétitifs globalement, il nous faudra aussi développer
des projets et construire de nouvelles usines chez nous. Ces
usines joueront le même rôle que les anciennes raffineries que
nous avons perdues, mais dans la nouvelle infrastructure
industrielle occidentale qui se dessine.
Le Québec possède un savoir-faire technologique qui lui
permettrait de se positionner favorablement dans ce nouveau
monde industriel en mutation. Il n’est donc pas trop tard. Il
faut cependant que tous les acteurs du milieu,
particulièrement les ministères impliqués, la Société générale
de financement, possiblement aussi la Caisse de dépôt et
placement du Québec ainsi que les nouvelles entreprises
industrielles du génie « vert » s’ouvrent aux constats décrits
dans cette lettre et se réunissent pour y travailler de
concert.
Dompter le capitalisme - Jean-François
Lisée & Éric Montpetit
OPINION
L’occasion est belle de réinventer des solutions plus centrées
sur la personne que sur les courbes du PIB
Les auteurs sont respectivement directeur exécutif du Cérium
et directeur du CPDS de l’Université de Montréal. Ils ont
codirigé le livre
Imaginer l’après-crise, publié ces
jours-ci chez Boréal.
Destructrice, la crise lézarde le système qui l’a engendrée.
Une option est de colmater les brèches et de relancer,
inchangée, la machine – jusqu’à la prochaine crise. L’autre
est d’ouvrir au contraire ces brèches pour réorganiser
durablement le réel, en changer non seulement le
fonctionnement mais les logiques d’action, pour obtenir une
organisation nouvelle, mieux adaptée aux considérables défis
de l’heure.
PHOTO DOMINIQUE LAURENCE,
ARCHIVES LA PRESSE
La crise du capitalisme financier,
entamée en 2008, se superpose à la crise écologique. Les
coûts risquent d’être élevés dans le Nord, mais c’est une
effroyable misère humaine qui pourrait être provoquée dans
les plus pauvres des pays du Sud.
La crise du capitalisme financier, entamée en 2008, se
superpose à la crise écologique, celle d’une marche à peine
freinée versun réchauffement irréversible de la planète. Si
les coûts r i squent d’être élevés dans les pays du Nord,
c’est une effroya - ble misère humaine qui pourrait être
provoquée dans les plus pauvres des pays du Sud.
Selon l’ONU, sans changement de cap majeur, le réchauffement
poussera sur les routes, en quelques décennies, un milliard de
réfugiés. Ce défi masque à son tour celui de notre dangereuse
surutilisation des ressources de la planète. Nous en captons
aujourd’hui 30% de plus que ce qu’elle peut régénérer. Dans 20
ans, nous dépasserons de 100% la dose raisonnable.
Pour Imaginer l’après-crise, nous avons voulu, certes, mesurer
l’ampleur de la tâche, mais aussi dégager des pistes de
solution, avec l’aide de 10 collègues chercheurs et de notre
invité, l’ex-premier ministre français Lionel Jospin.
Pragmatique mais inquiet, ce dernier estime que le G20 a pour
l’instant été trop timide. Il doit, écrit-il, faire bien
davantage pour fermer les paradis fiscaux, réprimer la
spéculation, réduire l’activité financière à sa fonction
première.
Plus encore,
le G20 n’a pas traité de la question de la répartition de la
richesse, déséquilibrée en faveur du capital et au détriment
des salariés depuis des décennies. Cela va au coeur du sujet,
abordé par plusieurs de nos collègues: la finalité de
l’économie. Estelle au service de l’homme, ou l’homme doit-il
continuer d’en être le serviteur ?
Nous critiquons d’ailleurs, dans la première partie de
l’ouvrage, l’hégémonie que les économistes ont exercée sur la
formulation des politiques publiques depuis un quart de
siècle. On a trop souvent évacué les autres facettes de
l’expérience humaine: le citoyen ne vit pas que de sous, mais
de réseaux sociaux et familiaux.
Nous notons que les altermondialistes ont eu raison dans leur
critique du capitalisme depuis plus d’une décennie et que les
solutions disparates qu’ils avancent sont intéressantes en
plusieurs lieux, notamment en Amérique du Sud, mais peu
applicables à grande échelle.
Nous notons l’incapacité de la gauche européenne de profiter
électoralement de la crise, mais croyons que l’occasion est
pourtant belle de réaffirmer et réinventer des solutions plus
centrées sur la personne et son parcours de vie que sur les
courbes du PIB.
En deuxième partie, nous posons la question qui tue. Le
capitalisme lui-même, formidable créateur de richesse est une
machine à augmentation perpétuelle de la production et de la
consommation. Ce système est aujourd’hui le moteur emballé du
Titanic collectif qui nous emmène tout droit sur une
gigantesque banquise. Peut-on imaginer des réformes qui
permettent, dans un premier temps, de dompter le capitalisme
pour qu’il fasse plus de bien que de mal? Peuton se préparer à
le dépasser, pour qu’il ne soit plus le mode dominant de
l’organisation humaine? Peut-on, finalement, rompre avec lui?
C’est le débat que nous lançons
WASHINGTON Les banques ont un problème de
taille
WASHINGTON —
Un dirigeant de la Réserve fédérale américaine ( Fed), Eric
Rosengren, a affirmé hier que les grosses banques étaient
ressorties de la crise financière encore plus grosses, rendant
les États encore moins capables de résoudre leurs problèmes
potentiels.
« Bien que le problème du ’trop gros pour faire faillite’ soit
largement reconnu, beaucoup de nos plus grandes banques
mondiales se sont en fait développées pendant la crise », a
expliqué M. Rosengren, lors d’un discours à Londres.
« En vérité, dans beaucoup de cas, la taille des plus grandes
banques est devenue i mmense par rapport à la taille à la fois
de leurs pays d’origine et d’accueil », a-t-il ajouté, selon
le texte de son discours transmis à la presse aux États-Unis.
M. Rosengren
estime que le total des actifs des trois plus grandes banques
américaines, qui était d’un peu plus de 30% du produit
intérieur brut des États-Unis en 2005, avait dépassé les 40%
en 2008. En France, le rapport est passé des environs de 180%
à près de 250%, et au Royaume-Uni d’environ 200 % à plus de
400%.
« Dans un sens, elles deviennent ‘ t r op g r osses pour qu’on
permette qu’elles aient des problèmes ou de fortes
contraintes’, si l’on considère l’impact sur les emprunteurs
dépendants des banques », a souligné le responsable de la Fed,
qui dirige l’antenne de la banque centrale à Boston.
« Si les plus grandes banques devaient avoir des problèmes, il
pourrait y avoir des questions sur la capacité financière d’un
État souverain à organiser leur démantèlement ordonné », mais
même si les États étaient dotés de cette capacité, « le coût
pour les contribuables pourrait être tellement énorme qu’il
n’y aurait pas la volonté politique », a prévenu M. Rosengren.
Il a donc plaidé pour une réflexion sur des mécanismes
internationaux adaptés à ces grandes banques mondialisées,
ainsi que pour des normes en capital sévères pour ces grandes
banques, avec l’obligation de « constituer de plus grandes
réserves pendant les périodes favorables ».
Réglementation : Ottawa ne doit pas aller trop loin, dit la
Laurentienne - Sylvain Larocque
Le
gouvernement fédéral ne doit pas aller « trop loin » dans
l’encadrement des institutions financières canadiennes, a
soutenu hier le président et chef de la direction de la Banque
Laurentienne, Réjean Robitaille.
La compétitivité des banques canadiennes pourrait écoper si
Ottawa décidait de relever ses exigences réglementaires en
matière de capital de façon plus importante que les autres
pays, a fait valoir M. Robitaille dans une allocution
prononcée à la tribune de l’Association des MBA du Québec.
« Le danger, particulièrement au Canada, c’est d’aller trop
loin, a-t-il déclaré. Quand il y a (...) un marasme (comme la
récente crise financière), les gens se disent: bon bien là, on
va mettre la ceinture, les bretelles et tout le tralala. Du
point de vue de la réglementation, il va être important que
les organismes donnent quand même la place aux banques pour
pouvoir continuer de prêter, sans ça on se retrouverait
potentiellement dans un scénario en L (lente reprise
économique). »
Le dirigeant a notamment fait allusion aux ratios de capital
de première catégorie que doivent conserver les banques. Les
autorités internationales ont fixé le minimum à 4% alors
qu’Ottawa à placé la barre à 7%. Or, la moyenne des banques
canadiennes dépasse déjà les 10%.
Dans la foulée des recommandations adoptées récemment par les
pays du G20, on s’attend à ce que les exigences de capital de
première catégorie pour les banques soient relevées à
l’échelle internationale au cours de l’an prochain. Les pays
devront ensuite décider de quelle façon ils mettront en oeuvre
ces nouvelles directives.
Au cours d’une rencontre avec les journalistes après son
discours, Réjean Robitaille a dit « applaudir » les
orientations du G20. Il a en outre affirmé qu’il ne
s’attendait pas à ce que le ministre fédéral des Finances, Jim
Flaherty, cherche à « étouffer » les banques canadiennes en
adoptant des règles plus strictes qu’ailleurs dans le monde.
Un resserrement excessif des exigences en matière de capital
ferait augmenter le coût du financement pour les banques, a
rappelé M. Robitaille.
Pas de
résistance
Lundi, dans un discours percutant prononcé à Montréal, le
gouverneur de la Banque du Canada, Mark Carney, a reproché aux
institutions financières du monde de « résister » aux réformes
commandées par le G20.
Réjean Robitaille a assuré que sa mise en garde ne devait pas
être interprétée comme un signe de cette résistance, estimant
de toute façon que le message de M. Carney s’adressait
principalement aux banques étrangères.
Par ailleurs, dans l a foulée des recommandations du G20, la
Laurentienne s’apprête à modifier certaines de ses pratiques
de rémunération à l’égard des négociants de marchés et de
certains cadres, comme l’ont déjà fait plusieurs autres
banques canadiennes, a indiqué M. Robitaille.
« On veut s’assurer que les intérêts des actionnaires soient
bien en ligne avec les intérêts des employés et de la haute
direction », a-t-il expliqué.
Le PDG a toutefois fait remarquer que la Banque Laurentienne
se démarquait déjà de ses concurrentes en la matière, en
refusant notamment d’offrir des options d’achats d’actions à
ses négociants.
L’action de la Banque Laurentienne a clôturé à 38,94$ hier, en
baisse de 0,2%, à la Bourse de Toronto.
Les institutions financières doivent changer
d’attitude - Sylvain Larocque
Le gouverneur
de la Banque du Canada, Mark Carney, a reproché hier aux
institutions financières du monde de « résister » aux
tentatives de réforme de l’industrie et les a exhortées à
changer d’attitude.
PHOTO SHAUN BEST, REUTERS
Mark Carney, gouverneur de la Banque
du Canada
« Le système financier, après s’être autoproclamé centre de
l’activité économique, doit graduellement reprendre son rôle
de serviteur de l’économie réelle », a déclaré M. Carney dans
un discours prononcé à Montréal dans le cadre du 4e
Rendez-vous avec l’Autorité des marchés financiers (AMF).
« Des institutions plus solides et un système capable de
résister aux défaillances sont des conditions nécessaires.
Mais la pleine réalisation de cet objectif exige aussi un
changement d’attitude », a-t-il ajouté.
Pour éviter
l’éclosion d’une nouvelle crise financière, la Banque du
Canada dit prôner davantage une « réglementation qui se fonde
sur des principes » et « la confiance dans le jugement des
personnes » plutôt que la « foi aveugle » dans la
surcapitalisation.
« Or, une telle conception suppose une réceptivité de la part
de l’industrie, réceptivité qui a manqué à l’appel au cours
des derniers mois, a déploré le gouverneur. Le soulagement
menace de céder la place à un orgueil démesuré. Les
institutions financières doivent démontrer qu’elles sont
conscientes de leurs responsabilités élargies. Chaque jour,
les financiers devraient se demander en quoi leurs activités
influent sur le risque systémique et ce qu’ils font pour la
promotion de la croissance économique. »
Lors d’une séance de questions-réponses, Mark Carney a indiqué
que ses homologues des autres pays et lui étaient « déçus » du
comportement des banques face aux changements réglementaires
récemment proposés par le G20. Il a notamment évoqué le retour
des généreux bonus dans plusieurs institutions américaines et
européennes, à peine un an après la faillite de la banque
Lehman Brothers, qui a précipité la crise.
« À l’échelle mondiale, pas nécessairement au Canada, il y a
une pénurie de fonds propres (dans les institutions
financières), a-t-il souligné. Alors est-ce une bonne idée de
payer de fortes primes ? On peut décider. Mais peutêtre (que)
les régulateurs vont décider. »
Les énormes
profits enregistrés au cours des derniers mois par plusieurs
institutions financières occidentales s’expliquent en bonne
partie par l’aide apportée par les gouvernements, que ce
soit des injections dans le capital-actions, des prêts ou
des facilités de trésorerie extraordinaires, a rappelé M.
Carney.
C’est sans compter que les institutions financières ont
profité des politiques monétaires expansionnistes (faibles
taux d’intérêt promis pendant plus d’un an) et de la nette
diminution de la concurrence internationale, en raison de la
faillite de plusieurs institutions et de la baisse de
l’activité bancaire transfrontalière.
« Les banques à l’échelle du globe auraient tout intérêt à
saisir cette occasion qui leur est offerte », a prévenu le
gouverneur de la banque centrale, en soulignant que les
pouvoirs publics allaient être réticents à secourir les
institutions financières dans l’éventualité d’une nouvelle
crise.
L’Association des banquiers canadiens s’est empressée de
joindre les journalistes pour soutenir que Mark Carney ne
les visait pas spécifiquement.
« Mémoire
courte »
Il reste que dans le cadre du même événement, le
surintendant des marchés de valeurs de l’AMF, Louis
Morisset, a relevé que les mauvaises habitudes étaient vite
revenues au galop.
« Les progrès qu’on a accomplis jusqu’à (en matière
réglementaire) sont importants, mais il nous reste encore,
comme régulateur, beaucoup de travail à faire, a-t-il
affirmé. Les défis sont i mportants parce que les marchés
évoluent rapidement et que malheureusement, la mémoire des
investisseurs et des intervenants du marché est
excessivement courte. Dès maintenant, on est en train de
voir, de façon ponctuelle, des comportements que l’on
jugeait très répréhensibles qui reviennent graduellement
dans les marchés. »
Abordant le fiasco du papier commercial adossé à des actifs
(PCAA), M. Morisset a estimé qu’il était « peut-être temps »
pour les organismes réglementaires d’imposer aux produits
financiers complexes des « conditions » en matière de
divulgation et de transparence.
« L’expérience récente avec le PCAA nous a démontré que les
investisseurs institutionnels, même avertis, ne sont pas
toujours en mesure de bien comprendre et saisir les risques
reliés aux instruments titrisés », a-t-il fait remarquer.
L’ABUSEUR-PAYEUR - YVAN LOUBIER
Artisan de son
explosion, le secteur financier devrait contribuer à la
réduction de la dette publique
L’auteur est économiste et conseiller principal au Cabinet de
relations publiques National. I l y a quelques j ou r s , le
Fonds monétaire i nter nat i o n a l ( F MI ) me t t a i t e n
garde les pays industrialisés contre l’évolution de la dette
publique qui devrait passer d’environ 70 % du PI B à plus de
120 % en 2014 . I l les exhortait à agir sur de nombreux f r
onts pour réduire de moitié le poids de cette dette au cours
des 20 prochaines années.
PHOTO RICHARD DREW, ARCHIVES
AP
Des acteurs du secteur financier ont
fait miroiter des rendements extraordinaires, ont caché les
véritables risques associés à leurs produits financiers
fantaisistes, ont abusé du système et ont plongé l’économie
mondiale dans le marasme qu’on connaît.
Cet emballement anticipé de la dette publique, on le doit
essentiellement au sauvetage du secteur financier mondial et à
la multiplicat ion des pla ns de rela nce gouvernementaux de
la dernière année pour sortir de la crise économique,
justement provoquée pa r l e s e c t eu r financier. Il va
sans dire que nous t raînerons longtemps encore l es ef f et s
de c et t e c r i s e, s t abil i s ée à gra nds coups de
crédit.
L’évolution du fardeau de la dette de ces pays, conjuguée à
celle de la population, pourrait fragiliser l’économie
mondiale et compromettre une croissance économique durable à
long terme. À peine sortis de la récession, il faut déjà
penser à cela.
Lorsqu’elle est trop import a nt e , l a de t t e publ i q ue
agit à deux niveaux sur la c r oi s s a nce. El l e a c c a pa
r e conti nuellement des c apitaux sur le marché pour son f i
na ncement, a l or s qu’i l s devraient être disponibles pour
des initiatives privées. Ce f a i s a nt , el l e provoque des
pressions à la hausse sur les taux d’intérêt et ralentit les i
nvestissements privés, moteurs de l a c r oissa nce. Les
économistes appellent c e phénomène l ’ e f f e t de «
crowding out ».
Par ailleurs,
le service de la dette – les i ntérêts que nous payons chaque
année à nos créanciers – draine des ressources fiscales qui,
autrement, seraient utilisées pour le financement des services
publics. La croissance de ces ressources fiscales deviendra de
plus en plus limitée dans les pays i ndustrialisés au cours
des prochaines décennies avec le déclin démographique (et du
nombre de contribuables) et le vieillissement de la
population.
Bien que c e t aver t i s s e - ment du FMI soit tout à fait
fondé et j ustifié, certaines des recommandations pour
parvenir à réduire les dettes publiques sont contestables, voi
r e i nacceptables. Elles sou ffrent su rtout d’u ne omission
majeure.
Nulle part, il n’est question dans ces recommandations de
faire contribuer les véritables artisans de l’explosion de la
dette publique. Ceux qui, dans le secteur f i nancier, ont fa
it miroiter des rendements extraordinaires, ont caché les
véritables risques associés à leurs produits f i nanciers fa
ntaisistes, ont abusé du système e t ont plongé l ’é c onomie
mondiale dans le marasme qu’on connaît. On s’attaque plus
volontiers aux dépenses des gouvernements en santé que l’on
voudrait contraindre à l’avenir à l’évolution du PI B, c
’est-à-dire à une progression d’environ 3 % pa r a n née, s
oit l a moitié de la progression actuelle, nécessaire et
difficilement compressible.
C e q u i s u r p r e n d pl u s encore dans cette omission, c
’est qu’elle survient quelques jours à peine après le sommet
du G20 à Pittsburgh o ù u n ma n d a t c l a i r fut donné au
FMI en vue de la prochaine réunion de juin : analyser toutes
les avenues possibles a f i n que le secteur financier puisse
contribuer à l’avenir à réparer les torts qu’il pourrait
causer et financer son propre sauvetage. Le FMI ne semble pas
prendre ce mandat au sérieux, ni le parti pris d’une bonne
partie des leaders du G20 en faveur du principe de «
l’abuseur-payeur » !
Les États européens pressés d’agir contre les banques
- Marc Thibodeau
Après être
intervenus massivement pour sauver les banques de l’abysse,
les gouvernements de plusieurs pays européens se voient
pressés d’intervenir pour faire « payer » ces mêmes
établissements maintenant qu’ils ont retrouvé la voie de la
prospérité.
PHOTO PHILIPPE WOJAZER,
ARCHIVES REUTERS
Christine Lagarde, ministre des
Finances de la France, a évoqué la possibilité de faire
payer les établissements bancaires pour couvrir les frais
découlant de la mise sur pied d’une nouvelle instance
régulatoire.
Le public comprend mal que leurs dirigeants annoncent des
résultats trimestriels reluisa nts et met t ent des réserves
de côté pour verser des primes substantielles alors que
l’économie vivote, que le chômage continue de monter et que
les déficits publics explosent.
Le scénario est particulièrement marqué en France, où les
tribunes indignées se suivent et se ressemblent, martelant, à
qui veut l’entendre, le côté « scandaleux » du retour en forme
des banques.
Dans une lettre ouverte parue il y a quelques jours dans
Libération, trois ténors du Parti socialiste ironisent sur le
fait que les établissements bancaires ont tiré « au moins une
leçon de la crise » : elles savent qu’à présent « aucun
gouvernement ne laissera l’une d’entre elles faire faillite »
et qu’il est donc possible de « spéculer sans risque » pour
engranger des profits.
Une situation d’autant plus déplorable, écrivent-ils, que la
régulation promise par les chefs d’État pour éviter une
répétition de la crise tarde à se matérialiser.
« Tout recommence. Les primes et les profits explosent alors
que les risques ne sont pas là. Et la titrisation repart de
plus belle avec toutes sortes de produits comme les
assurances-vie. C’est le comble du cynisme », déplore en
entrevue une des signataires de la lettre, Marie-Noëlle
Lienemann.
Le gouvernement français « multiplie les moulinets » pour
donner l’impression qu’il agit en matière de régulation sans
véritablement changer grand-chose sur le fond, souligne la
militante socialiste, qui insiste sur la nécessité « d’arrêter
les mécanismes spéculatifs » à l’origine de la crise.
« Le pouvoir f i nancier a pris la main sur le pouvoir pol i t
i que » , déplore Mme Lienemann, qui préconise un plafonnement
des profits bancaires par l’impôt.
L’idée d’une ponction fiscale supplémentaire de 10 % sur les
banques doit être débattue cette semaine en séance plénière à
l’Assemblée nationale après avoir été approuvée il y a
quelques jours par une majorité de membres de la commission
des Finances, incluant plusieurs élus de droite.
« L’État a
joué le rôle de l’assureur de dernier ressort. Il est normal
qu’il reçoive la contrepartie de cette couverture
exceptionnelle en faveur de l’intérêt général », a indiqué
l’instigateur de cette initiative, Didier Migaud.
L’idée a reçu hier une fin de non-recevoir de la ministre des
Finances, Christine Lagarde. « Il n’est pas question de
prendre une mesure à caractère national qui plomberait le
système bancaire français », at-elle indiqué dans une entrevue
au quotidien économique Les Échos.
L a politic ien ne évo - que c ependa nt l a possibi l i t é
de f a i r e payer l es établissements bancaires pour couvrir
les frais découlant de la mise sur pied d’une nouvelle
instance régulatoire.
La Fédération bancaire française est montée au créneau face à
l’idée d’impôts accrus. L’organisation affirme qu’une telle
démarche affaiblirait la capacité des banques « à financer les
entreprises et les particuliers au moment où ils en ont le
plus besoin ».
Des mises en garde similaires n’ont guère troublé le
gouvernement fédéral belge, qui vient d’annoncer son intention
de prélever « une prime de garantie » aux banques en
contrepartie de l’aide massive apportée l’année dernière. La
ponction devrait générer, en quatre ans, des revenus de près
de 3 milliards de dollars.
« I l faut maintenant que l es banques paient pour la crise
qu’elles ont provoquée » , a i ndiqué la vicepremière ministre
belge, Laurette Onkelinx.
L’Allemagne songe aussi à faire payer les banques, notamment
par l’introduction d’une taxe sur les transactions financières
qui est réclamée depuis belle lurette par les courants
altermondialistes.
La Grande-Bretagne pourrait aussi emboîter le pas sous peu. Le
Sunday Telegraph a révélé dimanche que le gouvernement du
premier ministre Gordon Brown préparait un « assaut f i scal »
contre les banques.
« Il faut avoir une discussion beaucoup plus ouverte et plus
approfondie sur la manière dont les banques interagissent avec
le reste de l’économie et l’importance de ces interactions »,
a rétorqué la direction de l’association bancaire anglaise,
Angela Knight.
PARIS L’idée d’une taxe spéciale pour les
banques fait son chemin
PARIS — L’idée
d’une taxe spéciale pour les banques, s’apparentant à une «
prime » versée à l’État « assureur en dernier ressort »,
commence à faire son chemin, notamment en Belgique, où elle va
être mise en oeuvre, et en France où l’Assemblée nationale en
débattra cette semaine.
Le ministre des Finances belge a annoncé mardi dernier
l’introduction d’une taxe de 0,15%, à partir de 2012, sur la
somme des dépôts bancaires et des produits d’assurance
destinés à l’épargne, comme l’assurance vie.
La taxe a été présentée comme une « prime de garantie » par le
gouvernement. « La crise financière a démontré le rôle
fondamental de l’État comme garant de dernier ressort des
établissements financiers », une garantie qu’il faut rendre «
explicite », a expliqué le ministère des Finances. «
L’industrie bancaire n’est pas une industrie comme les autres.
Les États ont été pris en otage, contraints de les sauver de
la faillite. Cela justifie une taxe additionnelle », a f f i r
me Gunther CapelleBlancard, directeur adjoint du Centre
d’études prospectives et d’informations internationales
(CEPII).
« On offre aux
banques une assurance tous risques, elle a un coût, c’est la
prime d’assurance », poursuit-il.
En France, la commission des Finances de l’Assemblée nationale
a adopté mercredi dernier un amendement de son président
Didier Migaud (PS) prévoyant, pour 2010 seulement, une taxe
additionnelle de 10% à l’impôt sur les sociétés sur les
établissements financiers.
« L’État ayant joué le rôle d’assureur de dernier ressort au
cours de la crise bancaire de l’automne 2008, il est normal
qu’il reçoive la contrepartie de cette couverture
exceptionnelle en faveur de l’intérêt général », a justifié
Didier Migaud dans une argumentation proche de celle de
Bruxelles. L’amendement a été adopté grâce à l’apport de voix
de la majorité, dont quatre députés UMP.
Mais il est loin d’être acquis que l’Assemblée suive la
commission, à l’examen de l’amendement cette semaine.
LES ASSUREURS RETIRENT DES FONDS DES TABLETTES -
Stéphanie Grammond
Depuis trois
ans, les compagnies d’assurances ont lancé des produits très
audacieux pour se tailler une part du marché des fonds
distincts, une industrie de 64 milliards au Canada. Mais la
crise financière a ébranlé l’échafaudage de certains produits
qu’i
Les assureurs ti rent de dures leçons de la débâcle des
marchés financiers. En ce moment, ils sont obligés de refaire
leurs devoirs et d’effacer les protections les plus généreuses
de leurs fonds à capital garanti
Cette semaine, Manuvie a jeté à la corbeille la version
originale de RevenuPlus, son produit-vedette qui avait
révolutionné l’industrie lors de son lancement en grandes
pompes en 2006.
Depui s l e pr i nt e mps , Desjardins Sécurité financière et
la Financière Sun Life ont aussi biffé les protections de
leurs fonds garantis, qu’on appelle aussi fonds distincts.
Transamerica devrait retoucher bientôt à sa gamme de fonds 5 à
vie.
Et d’ici à quelques jours, AXA retirera des tablettes les 12
fonds de sa famille Cumulàvie, que l’assureur avait mis au
monde il y a seulement un an et demi.
« Pour nous qui nous lancions dans les fonds distincts,
c’était comme si nous ouvrions un restaurant de hamburgers en
pleine crise de la vache folle », illustre Robert Landry,
vice-président exécutif, assurance-vie et services financiers,
chez Axa Assurances.
Prudente, AXA a préféré suspendre l a distribution des fonds
qui avaient attiré sept millions de dollars (les c ontrats
exista nts s eront d’ailleurs honorés), quitte à revenir dans
le marché lorsque l’industrie des fonds distincts se sera
stabilisée.
Les rouages des fonds distincts
Les fonds distincts sont des proches parents des fonds communs
de placement. Mais ils sont considérés comme des produits
d’assurance, car ils sont assortis d’une protection qui
garantit le capital de départ (à 75% ou à 100%) au moment du
décès de l’investisseur ou à l’échéance de son contrat
(souvent 10 ans après l’investissement initial).
Il y a trois ans, Manuvie a innové en greffant aux fonds
distincts une « garantie de retrait minimum », qui assure non
seulement le capital, mais aussi le versement de revenus
annuels, un peu comme une rente.
Prenons l’exemple fictif de Pierre pour mieux comprendre la
mécanique. À 55 ans, Pierre investit 100 000$ dans une gamme
de fonds distincts. Cette valeur est garantie (à 75 % ou à 100
%) par l’assureur.
Pendant 10 ans, Pierre ne touche pas à son argent. Pour chaque
année sans retrait, l’assureur bonifie sa valeur garantie de
5%, soit de 5000$ par a n. Après 10 a ns, sa valeur garantie
s’élève donc à 150 000$... même si son portefeuille est en
baisse.
D’autre part, si les marchés financiers vont bien, l’assureur
cristallise les gains accumulés dans le portefeuille de Pierre
tous les trois ans. Sa valeur garantie équivaut alors à sa
valeur marchande.
Après 10 ans, disons que la valeur garantie de Pierre s’élève
à 150 000$. Pierre a 65 ans, il prend sa retraite et il
commence à puiser dans son fonds. L’assureur s’engage alors à
lui verser des revenus équivalents à 5% de la valeur garantie.
Pierre touchera donc 7500$ par année, jusqu’à la fin de ses
jours.
Notez que certains assureurs offrent d’autres options de
décaissement (ex: 7% par an durant 14 ans, ou 4% à vie dès
l’âge de 45 ans).
Des garanties rayées de la carte
Les fonds à
garantie de retra i t minimum ont fa it fureur auprès des
baby-boomers qui approchent de la retraite. Depuis trois ans,
sept autres assureurs ont lancé des produits similaires,
notamment Helios chez Desjardins Sécurité financière, Sunwise
à la Sunlife, et EcoFlextra à l’Industrielle-Alliance.
« I l y a eu beaucoup de concurrence. Certains ont été
audacieux, en utilisant des hypothèses très serrées. Avec la
turbulence des marchés financiers, les garanties de capital
leur coûtent cher. La facture des produits est remise en cause
», explique Gilles Bernier, professeur à l’ Université Laval
et titulaire de la chaire d’assurance et de services f i
nanciers L’Industrielle-Alliance
Cette semaine, Manuvie a donc cessé d’offrir la version
originale RevenuPlus. « Fini les garanties généreuses.
L’assureur a évalué ses risques liés aux 20 milliards sous
gestion de toutes ses familles de fonds garantis et ne peut
plus continuer à en offrir autant », constate Fabien Major,
conseiller en sécurité financière au cabinet Major gestion
d’actifs, qu’il a fondé il y a 10 ans.
En clair, l’assureur n’offre plus de protection du capital 10
ans après l’investissement initial, ce qui permettait aux
clients de se retirer avec leur valeur garantie cristallisée,
malgré une baisse de leur portefeuille.
Désormais, les clients qui veulent profiter de la garantie
doivent conserver leur investissement et décaisser leur
capital graduellement avec les retraits garantis. Mais ils
devront payer un peu plus cher, « afin de compenser en partie
l’augmentation des coûts du produit ». Les frais annuels ont
grimpé de 0,10 %, pour la version originale et la version
modifiée de RevenuPlus.
De son côté, Desjardins Sécurité financière a éliminé la
garantie à 100 % après 10 ans, pour l’ensemble de ses fonds
distincts. « C’est la garantie qui amène le plus de volatilité
et de risque dans les résultats des assureurs. Et avec les
événements de l’automne dernier, les assureurs ont revu leur
appétit pour le risque », avoue André Langlois, le
viceprésident du développement et de la mise en marché,
assurances et épargnes.
En outre, Desjardins a éliminé l’option de décaissement la
plus populaire d’Helios, soit l’option de retraits de 7% par
an sur 15 ans. Maintenant, les clients toucheront 4 % à vie
s’ils retirent leurs billes dès 45 ans, 5% à vie à partir de
65 ans, et 6% à partir de 75 ans.
Durant l’été, la Financière Sunlife a aussi modifié son offre.
Les frais annuels des fonds distincts ont gonf lé ( jusqu’à
0,3 % de hausse selon le fonds).
L’assureur a éliminé la version originale de Sunwise. Dans la
version revue et corrigée, la garantie du capital à 100% a
disparu, et les portefeuilles ne peuvent plus dépasser 70% en
actions, question de réduire la volatilité.
Cela dit, les contrats actuels restent en vigueur et les
garanties seront honorées. Il en va de même chez Manuvie et
Desjardins.
Par ailleurs, d’autres assureurs n’ont pas l’intention de
modifier leurs fonds distincts. C’est le cas de
l’IndustrielleAl l i a nce, dont l a fa mi l le
EcoFlextra n’a jamais offert de garantie après 10 ans. « Nos
contrats n’ont subi aucun changement. Nous sommes toujours
très à l’aise avec les caractéristiques et la tarification »,
souligne Jacques Carrière, vice-président à
l’Industrielle-Alliance.
Que reste-t-il de bon?
Malgré tous ces bouleversements, les fonds distincts ont
encore de l’attrait, selon Fabien Major, qui est aussi
l’auteur d’un blogue sur les produits financiers
(www.majorblog.net). À la demande de La Presse Affaires, il a
passé en revue les nouvelles caractéristiques des fonds
assortis d’une garantie de retrait minimum (voir tableau).
Après comparaison, quels sont ses meilleurs choix ? Il suggère
la famille SunWise, de Sunlife et C.I., car elle offre un très
bon choix de fonds (ex : C. I. revenu élevé, Harbour
croissance) à des coûts relativement faibles. « Mais je ne
prendrais pas la garantie à 75 % sur 10 ans parce que les
frais sont déraisonnables. » La
famille Astra de SSQ retient aussi son attention. Les frais
sont raisonnables. On peut investir jusqu’à 90% en actions. Et
la période de bonification est illimitée. Même s’ils ont
commencé à décaisser, les retraités peuvent encore y avoir
droit dans la mesure où ils ne font pas de retrait durant une
année.
Bernanke veut limiter les très grosses sociétés financières
WASHINGTON —
Le président de la banque centrale américaine, Ben Bernanke, a
plaidé hier devant le Congrès des États-Unis pour l’imposition
de normes plus strictes qui rendraient moins attrayant la
croissance des sociétés financières au-delà d’une taille
critique.
« Il est nécessaire de durcir les exigences non seulement pour
assurer la stabilité des institutions individuellement et du
système financier dans son ensemble, mais aussi pour réduire
les incitations poussant les sociétés financières à devenir
très grandes, de manière a être perçues comme trop grosses
pour pouvoir faire faillite », a déclaré M. Bernanke.
Le patron de la Réserve fédérale ( Fed) a laissé entendre que
ce durcissement pourrait avoir trait aux normes de capital, de
liquidité ou de gestion du risque. La question des entreprises
dont la taille est telle que leur faillite aurait des
conséquences dramatiques pour l’ensemble du système financier
est un des points clés du projet de réforme de la régulation
financière présenté au Congrès par le gouvernement du
président américain Barack Obama.
M. Bernanke
témoignait hier devant la Commission des services financiers
de la Chambre des représentants dans le cadre d’une audition
consacrée à ce projet de loi.
Celui-ci prévoit que la Fed sera chargée de surveiller et
réguler toutes les sociétés financières dites « systémiques »
, quel que soit leur statut (banques, mais aussi assurances,
fonds d’investissement...), et de donner au gouvernement le
pouvoir de placer sous la tutelle d’un r égulateu r t oute i
nst i t ution financière majeure qui menacerait de s ’é c r
ouler, en vue de la démanteler de manière ordonnée.
Pour nombre de parlementaires, d’économistes ou de
responsables de la Fed, le sauvetage en catastrophe de
l’assureur AIG en septembre 2008 par la banque centrale et le
renflouement des plus grosses banques du pays par l’État a
contribué à nourrir l’« aléa moral » laissant penser aux
investisseurs qu’ils seront toujours secourus par le
gouvernement, quelles que soient leurs erreurs de jugement et
de gestion, pour peu que leur entreprise soit suffisamment
grosse.
Limiter les banquiers - ARIANE KROL
«Nous ne
reviendrons pas à ces comportements téméraires ni à ces excès
débridés qui ont joué un rôle central dans la crise », décla
rait récemment Barack Obama dans un discours à l’intention de
Wall Street. Vraiment? C’est ce que nous verrons cette semaine
à Pittsburgh, à la réunion du G20. Un an après la déroute de L
eh ma n Brothers , les Européens sont plus déterminés que
jamais à restreindre les primes des banquiers. Une
démonstration de force qui peut plaire à l’électorat, mais qui
risque fort de rater sa cible.
L’Union européenne ne va pas jusqu’à plafonner les primes,
mais elle veut imposer de sévères restrictions. Les bonis
seraient liés au rendement à long terme et devraient même être
remboursés par le dirigeant en cas de contreperformance.
Contre toute attente, les États-Unis, ou du moins la Réserve
fédérale, ont fait un pas dans cette direction. La Fed,
rapporte le Wall Street Journal, ne surveillerait pas
seulement les pri mes des patrons, mais tous les aspects de la
rémunération qui pourraient mettre en péril la solvabilité
d’une institution financière.
Le projet, on s’en doute, fait grincer bien des dents. La Fed
va fausser les règles du libre-marché, interférer dans les
décisions des conseils d’administration et jouer dans les
plates-bandes du Congrès, disent ses détracteurs. Mais il y a
pire.
En
s’attaquant aux primes des banquiers, les États cherchent
avant tout à réformer un système de mesures incitatives jugé
dangereux. Un système qui encourage la prise de risques
excessifs et la quête de gains rapides au détriment de la
prospérité à long terme des entreprises. Quand une trop grande
partie de vos gains personnels dépend du volume de prêts que
vous générez, il se peut que vous deveniez moins regardant sur
la qualité des emprunteurs. Des remises en question s’imposent
pour que les primes à la performance retrouvent leur véritable
sens.
Cela dit, il serait naïf de croire que les financiers vont
regarder fondre leur rémunération sans broncher. Si les
politiciens réduisent leurs primes, ils s’arrangeront pour se
faire payer autrement. C’est ce que tout le secteur privé a
fait lorsque l’administration Clinton a interdit aux
entreprises de déduire plus d’un million de dollars pour le
salaire d’un haut dirigeant. Les primes et les options d’achat
d’actions ont gagné en importance… avec les résultats que l’on
connaît.
Si les membres du G20 veulent renforcer le système bancaire,
ils vont devoir s’intéresser à des aspects plus fondamentaux
de l’industrie, comme les ratios de levier fina nciers – le
nombre de dollars qu’une banque peut emprunter pour chaque
dollar qu’elle possède. Un principe pas mal moins sexy, mais
autrement plus porteur, que les primes des grosses gommes de
Wall Street. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour laquelle
les banques canadiennes s’en tirent beaucoup mieux que les
autres depuis un an.
G20 Un moment crucial - Yvan
Loubier
Les pays du
G20 doivent coordonner le retrait de leurs politiques
interventionnistes sans nuire à la reprise
L’auteur est économiste et conseiller principal au cabinet de
relations publiques National. Le sommet du G20 qui débute dans
trois jours à Pittsburgh revêt une importance toute
particulière. À un moment où des embellies semblent se
dessiner quant à une reprise économique éventuelle, tous les
pays participants, responsables de 90% de la production de la
planète, sont condamnés à s’entendre afin d’assurer une
reprise mondiale durable.
PHOTO DON WRIGHT, ASSOCIATED
PRESS
Pittsburgh (Pennsylvanie) s’apprête à
accueillir, les 24 et 25 septembre, les leaders des pays du
G20.
Le président Obama a eu raison la semaine dernière, lors de
son allocution devant les financiers de Wall Street, de
dénoncer l’attitude de certains de leurs représentants qui
agissent comme si rien ne s’était passé depuis l’automne
dernier alors que le système financier des États-Unis a failli
s’effondrer comme un château de cartes à cause de la cupidité
de quelques-uns. On connaît la suite au chapitre de l’économie
réelle où partout dans le monde, faillites et chômage record
furent au rendez-vous, avec en prime des finances publiques
qui mettront du temps à se rétablir.
Plus j amais les choses ne doivent être les mêmes et surtout
pas au nom d’une sacrosainte liberté du marché dont on a trop
souvent entendu ces jours-ci en marge de la préparation du
sommet. Quand la liberté de s’enrichir de quelques-uns menace
la stabilité financière et économique de tous, il faut savoir
ramener les premiers à l’ordre et édicter des règles claires,
coercitives et mondiales.
Le sommet du G20 doit aboutir de façon décisive à cette
volonté de réglementation mondiale du secteur fina ncier da ns
u n monde où le s c a pit au x c i rc u lent librement. Si une
approche concertée n’est pas adoptée, u ne situation
dévastatrice comme celle que nous avons vécue, le battement
d’ailes du papillon, pourrait encore une fois partir de New
York et créer une onde de choc de Londres à Pékin.
La même
logique de concertation doit s’appliquer à l’économie réelle
et cette préocc upation figu re en bonne place à l’ordre du
jour du sommet. Les signes de reprise actuels sont
encourageants. Cependant, nous savons tous qu’ils sont en
bonne partie le résultat d’un dopage des économies du monde
provenant de la multitude de plans de relance déployés par les
gouvernements, particulièrement celui des États-Unis.
Les leaders du G20 ont à définir un autre plan, soit celui du
retrait concerté de leurs politiques interventionnistes et du
moment où cette action sera posée. Le choix de ce moment est
crucial et l’on doit être convaincu, lorsqu’on le fera, que
l’économie est sur une véritable lancée et capable de se
passer des interventions de l’État, sous peine de plonger à
nouveau le monde dans un cycle de ralentissement économique.
Mais il y a bien entendu une contrepartie à la poursuite de
l’intervention gouvernementale. Les gouvernements ne peuvent
indéfiniment soutenir la consommation et les investissements à
coup de milliers de milliards de dollars empruntés ou
imprimés, car ils pourraient eux-mêmes compromettre la reprise
durable qu’ils souhaitent voir s’installer.
Voilà les grands défis auxquels sont confrontés les leaders du
monde. Reste à savoir s’ils auront la volonté, le courage et
la force de persuasion pour adopter une ligne de conduite
ferme, rigoureuse et concertée. Si l’on croyait, avec raison,
que sortir de la présente récession représentait un grand
défi, gérer la reprise pourrait être un défi de plus grande
envergure.
FAUT-IL CROIRE LES ÉCONOMISTES?
> Oui, mais
il faut savoir identifier les bons
- PIERRE FORTIN
Ma réponse à la question posée en titre est: oui, il faut
les croire, pourvu qu’on les sache honnêtes, compétents et
indépendants. Cela soulève deux autres questions: 1) comment
identifier ces bons économistes; et 2) pourquoi on ne les
croit pas même si on sait qu’ils sont bons.
Je tiens de mon père les réponses à ces questions. Modeste
médecin de famille, il lisait avidement les revues médicales
comme L’Union médicale du Canada et The Lancet. Dès la fin des
années 50, il avait appris des plus grands chercheurs que la
cigarette causait le cancer du poumon et que les aliments gras
entraînaient l’athérosclérose. Il arrêta de fumer et se mit à
boire du lait en poudre dilué dans l’eau. Il essaya de
convaincre ses patients d’abandonner la cigarette et ses
enfants de boire son lait aqueux. Bien évidemment, sans
succès. Nous appelions son lait, le «sapin», étant justement
convaincus qu’il essayait de nous en passer un.
Notre père a malheureusement souffert de sclérose en plaques
pendant 50 ans. Pour comprendre son mal, plutôt que de se fier
à L’Almanach du peuple, il alla voir les éminents chercheurs
Wilder Penfield et Roy Swank à l’Institut neurologique de
Montréal. Il combattit, également sans succès, les remèdes de
charlatans qui exploitaient sans vergogne la vulnérabilité et
la crédulité des personnes atteintes de cette terrible
maladie.
J’en ai appris deux leçons. La première, c’est que les bons
économistes, comme les bons médecins, on les trouve parmi les
grands chercheurs indépendants. Est-ce qu’ils ont su
diagnostiquer la bulle immobilière américaine des années 2000
et prévoir son éclatement? Oui, à peu près tous. Des maisons
qui se vendaient à trois fois la valeur capitalisée des loyers
qu’elles pouvaient obtenir sur le marché, ça n’avait tout
simplement pas de bon sens. Qui sont ces chercheurs? Des gens
comme Akerlof, Beaudry, Blanchard, DeLong, Krugman, Shiller,
Stiglitz, Buiter. Ils sont à Berkeley, à UBC, au MIT, à
Princeton, à Yale, à Columbia, au London School.
Plus près de
nous, au Québec, tous les économistes en chef de nos grandes
institutions financières ont fait état de leur vive
appréhension au sujet du marché immobilier américain dans les
conférences qu’ils ont présentées à des centaines d’auditoires
à partir de 2004.
Ce sont aussi les «bons économistes» américains qui ont aidé à
payer les pots cassés après que l’administration Bush ait
laissé la faillite de Lehman Brothers se produire et
déclencher un effet de domino mondial l’automne dernier. (Je
vous concède ici que l’ampleur de la contagion a été
universellement sousestimée.) Trois des meilleurs entourent le
président Obama. Ils ont formulé le plan de relance économique
qui commence aujourd’hui à porter ses fruits aux États-Unis.
Ils s’appellent Bernanke, Romer et Summers. Ils viennent de
Princeton, de Berkeley et de Harvard.
La seconde leçon apprise de mon père est qu’ici ou ailleurs
les bons économistes, comme les bons médecins, ne sont pas
nécessairement écoutés. Quand tout le monde faisait de
l’argent avec le système financier il y a trois ans, les
«casseux de veillée» n’étaient pas très populaires. Ces
«prophètes de malheur» ont été tournés en ridicule pour ne pas
comprendre que «les lois de l’économie ne sont plus les
mêmes». L’économiste français Maurice Allais, Prix Nobel de
science économique 1988, a diagnostiqué le mal sans détour:
«Les gens sont menés par leurs intérêts, leurs préjugés, leurs
passions et la logique, fût-elle scientifique, a réellement
peu de prise sur ce qu’ils font.»
Dans toute cette foire, les médias peuvent jouer un rôle
fondamental. Aider les gens à identifier les intervenants
honnêtes, compétents et indépendants. Démasquer la fourberie,
l’ignorance et les conflits d’intérêts. Donner préséance au
vrai sur le spectaculaire. À observer présentement au Québec
l’incroyable naïveté de tous ceux qui confient leurs épargnes
au premier venu (qui est parfois un bandit, n’est-ce pas?), on
m’accordera que la bataille de l’éducation économique est
encore loin d’être gagnée chez nous.
> Ils n’ont pas la prétention d’être infaillibles
- François Dupuis
Les
économistes ont bon dos par les temps qu i cou rent . On leu
r dema nde d’ausculter l’économie, d’établir un diagnostic
et de faire des pronostics, puis, on s’amuse à les prendre
en défaut sur l’exactitude de leurs prévisions.
Autre paradoxe, les divergences de vue font l’objet de
plaisanteries. On dit souvent que « même les économistes ne
s’entendent pas entre eux», alors que lorsqu’il y a
unanimité, on les accuse de manquer d’imagination! Peu
importe la position adoptée, elle ne semble jamais convenir.
Cependant, malgré le scepticisme, on continue à faire appel
à eux.
Dans le tumulte des avis économiques qui se sont multipliés
depuis deux ans, on a souvent fait écho aux points de vue
extrêmes de ceux qui cédaient à la panique. Toutefois, ces
opinions ne reposaient pas toujours sur des assises solides.
Il faut bien davantage qu’une donnée mensuelle pour bâtir
une analyse. La grande volatilité des indicateurs
économiques impose une certaine retenue dans les
commentaires. Il faut travailler avec les tendances sur
plusieurs mois puisque l’expérience révèle que chaque jour
amène son lot de nouvelles observations et d’apparentes
contradictions.
Par ailleurs, certains considèrent les marchés financiers,
notamment la Bourse, comme le miroir parfait de l’évolution
de l’économie, ce qui n’est pas le cas. Cela contribue à
embrouiller le public.
Parmi la
panoplie de données disponibles pour décrypter l’économie et
appuyer les prévisions, nombre d’entre elles sont, plus
souvent qu’autrement, des estimations qui seront révisées,
parfois de façon importante. L’économie n’est pas une
science exacte. Elle n’offre pas la certitude des lois de la
physique ou de la chimie; elle s’appuie sur des
comportements humains. L’économiste présume qu’en fonction
d’un événement donné, le comportement des acteurs
économiques sera rationnel. Dans les faits, cependant, il
faut avouer que les humains sont parfois déroutants.
En ce qui a trait à la dernière récession, les modèles de
prévisions économiques n’auraient pu prédire avec précision
le moment et, surtout, l’ampleur de la débâcle puisque aucun
d’entre eux n’inclut de variables sur la qualité des
produits financiers, tels les plus récents montages
structurés. Les problèmes sont venus de la gestion interne
des institutions financières, en particulier aux États-Unis
et en Europe de l’Ouest.
En fait, une conjonction de phénomènes microéconomiques peu
rationnels, de très forte intensité, liés à des secteurs
névralgiques comme ceux de l’habitation et de la finance, a
eu des effets macroéconomiques importants, ce qui est plutôt
rarissime. La perte de confiance dans le système financier a
créé une crise de liquidités. Elle a, à son tour, paralysé
l’octroi du crédit et entraîné la chute de certains secteurs
économiques. Celui de l’automobile est l’exemple le plus
évident: sa vulnérabilité structurelle a été exacerbée par
une conjoncture économique difficile, ce qui l’a précipité
vers l’abîme.
Enfin, la profession d’économiste ne dispose pas d’un champ
d’exercice protégé par un ordre professionnel. Certains se
drapent du titre et exposent leurs vues à qui le leur
demande, ce qui n’est pas sans engendrer une certaine
confusion dans les messages véhiculés. Toutefois, la
diversité des idées a du bon, dans la mesure où ces
dernières s’appuient sur des analyses rigoureuses. Faut-il
croire
les économistes ? À vous de voir! Ils n’ont pas la
prétention d’être infaillibles et encore moins de s’arroger
le droit de décider à votre place, cependant, ils disposent
de nombreux outils pour décoder l’économie. En somme, leur
mandat est de comprendre les phénomènes économiques pour
mieux les expliquer, ce qui en facilite d’autant votre prise
de décision.
La mission quasi impossible du G20: réglementer les
marchés - Hélène Baril
Maintenant que
la reprise se montre le bout du nez et que les capitaux ont
retrouvé leur fluidité, les investisseurs floués et les
contribuables qui paieront la note de la crise financière
attendent une seule chose de leurs gouvernements: qu’ils
fassent en sorte que ça ne se reproduise plus.
C’est pourquoi les dirigeants des 20 pays les plus
industrialisés qui se réuniront la semaine prochaine à
Pittsburgh ont mis la réglementation du secteur financier à
leur menu principal.
I l s doivent t r ouver des moyens de limiter la rémunération
excessive des dirigeants d’entreprise, d’empêcher la
spéculation excessive sur le pétrole et de protéger les
investisseurs contre les fraudeurs ou les produits financiers
viciés comme les PCAA.
C’est tout un programme, où deux philosophies vont fatalement
s’opposer, celle des Européens, qui usent facilement de l’arme
de la réglementation, et celle des Américains, qui, au
contraire, veulent éviter de brimer les marchés.
À 20 autour
de la table, les chances sont minces que des solutions
concrètes à des problèmes aussi complexes voient le jour. Il
le faudra pourtant, estime Michel Nadeau, directeur général de
l’Institut sur la gouvernance des organisations publiques et
privées.
« Ça va se faire progressivement, mais c’est vers là qu’on
s’en va », a-t-il expliqué, au cours d’un entretien avec La
Presse Affaires.
Michel Nadeau souligne que la gestion des risques de marché
est de plus en plus une question internationale, qui exige des
actions internationales.
C’est déjà commencé avec les paradis fiscaux, où l’action
concertée des principaux pays industrialisés a réussi à tordre
le bras à la Suisse et à d’autres pays permissifs en matière
fiscale, a-t-il illustré.
L’Europe et les États-Unis ont déjà des vues passablement
différentes sur la rémunération des dirigeants d’entreprises
privées.
Les
Européens voudraient limiter les primes et même forcer
leurs récipiendaires à rembourser les sommes encaissées si
les résultats se détériorent dans les années suivantes.
Une telle intervention dans les pratiques des entreprises
privées est très mal vue des Américains et même le
président Barack Obama a tenu à le dire publiquement. «
Nous sommes dans un pays où, de manière générale, on ne
dit pas: vous ne pouvez pas payer les gens à un niveau,
quel qu’il soit, à partir du moment où dans le privé, le
marché dit qu’il est prêt à l’accepter », a-t-il dit.
La rémunération n’est pas le plus complexe des problèmes
qui seront abordés à Pittsburgh jeudi et vendredi
prochains. Il y a aussi la question des produits dérivés,
qui ne sont pas réglementés et le rôle des agences de
cotation, qui a contribué à la crise financière. Des plus
grosses banques aux simples investisseurs, en passant par
les assureurs et les fonds de couverture, à peu près tout
le monde sera touché par les décisions qui seront prises
au sommet.
Pour
arriver à quelque chose, les pays devront trouver un
compromis entre la coordination internationale et
l’indépendance des marchés, selon Michel Nadeau. Le risque
est un ingrédient nécessaire au fonctionnement des
marchés, convient-il. « Il ne faut pas stopper
l’innovation mais être vigilant. »
La prochaine rencontre des leaders des pays industrialisés
est importante, mais elle ne risque pas de déboucher sur
l’unanimité, croit Michel Nadeau. « Il ne faut pas penser
qu’une autorité mondiale des marchés financiers va voir le
jour, mais on va s’entendre sur certaines choses de base
», prévoit-il.
Il a, selon lui, une obligation de résultat. « Les
gouvernements ont tellement dépensé pour réparer les
dégâts de cette crise, qui n’est pas une crise économique
mais une crise financière provoquée par Wall Street. »
LA GESTION PRIVÉE TRAVERSE LA CRISE - Jean
Gagnon
Rien de plus
rassurant que de confier sa fortune à un expert dont la
feuille de route est élogieuse.
ILLUSTRATION PHILIPPE TARDIF,
LA PRESSE
Mais quand une crise financière frappe, plus rien ne semble
suffisamment rassurant, comme on a pu le voir lors de la
dernière tourmente boursière qui a amputé la valeur nette des
actifs de la plupart des québécois de 20%, 30% et même parfois
de 50%!
Même pour la classe des nantis, qui conf ient leur patrimoine
en gestion privée à des institutions financières réputées, la
confiance a été secouée, constatent plusieurs intervenants du
milieu.
La gestion privée of f r e aux gens fortunés et à leurs
familles des services et des conseils sur l’ensemble de la
gestion du patrimoine, notamment la planification financière,
la gestion de portefeuilles, ainsi que la planification
fiscale et successorale.
Cette crise est très différente des précédentes, explique
Hélène Bronsard, vice-présidente de Raymond Chabot gestion
privée.
« Les gens ont l’impression que la spéculation à outrance,
ainsi que la malhonnêteté de plusieurs i ntervenants sur les
marchés financiers, sont à l ’origine des problèmes qu’ils ont
connus, dit-elle. Ils sont amers, et plusieurs se sentent
petits devant les événements. »
Éric Bujold, premier viceprésident et directeur général,
Gestion de patrimoine, Banque Nationale Groupe financier
constate que plusieurs investisseurs ont réagi à la crise en
modifiant certains comportements.
« Les clients nantis reviennent vers le placement plus
traditionnel et augmentent la liquidité de leurs
portefeuilles, dit-il. Ils exigent une plus grande
transparence de la part de leurs gestionnaires et expriment
une volonté de se rapprocher des marchés locaux afin de mieux
comprendre les investissements qu’ils font. »
Un pôle important
Mais, crise
ou pas, la gestion du patrimoine demeurera un des pôles
importants du développement stratégique des institutions
financières. Et la gestion privée est au coeur de ce
développement.
Continuellement à l’affût des nouvelles techniques de gestion,
les professionnels de la gestion privée demeurent convaincus
du bien-fondé de leurs méthodes et des produits qu’ils
offrent.
Pour Jean Brunelle, viceprésident gestion privée chez
Desjardins, la crise a démontré que la règle numéro un en
gestion de portefeuilles, soit de s’assurer d’avoir la bonne
répartition d’actifs, est plus que jamais valable.
« En période de crise, le client bien accompagné et bien
informé par son institution est celui qui a la meilleure
chance de bien s’en tirer, dit-il. Ceux qui se rappelaient la
crise des technos de 2001-2002 ont évité de répéter les mêmes
erreurs. »
Jean Duguay, directeur des placements pour le Groupe Eterna,
ne doute pas que la crise a renforcé le besoin de gestion
privée, c’est-à-dire d’avoir quelqu’un en qui on a confiance
et qui prend charge de tout.
« Bien sûr, la réputation du gestionnaire doit être solide »,
précise-t-il.
Les nombreuses fraudes et les scandales des dernières années
ont rendu plusieurs investisseurs craintifs, si bien que
certains sont maintenant disposés à payer une prime à la
réputation
Quelque 4 40 000 foyers canadiens, dont 18% sont au Québec,
possèdent un portefeuille d’investissements en actions et
obligations de plus d’un million de dollars.
Ce sont eux que visent les démarcheurs de la gestion privée.
« Nous ne reviendrons pas à l’époque des excès »
Wall
Street
n’a pas retenu les leçons de la crise, juge le président
Barack Obama
NEW YORK — Le président Barack Obama a relancé son effort de
réforme des règles de la finance en s’en prenant durement à
ceux qui, à Wall Street, se complaisent dans les «
comportements inconsidérés » et les « excès incontrôlés » et
refusent de tirer les leçons de la crise.
PHOTO JIM WATSON, AFP
Curieux et manifestants étaient réunis
hier devant le Federal Hall de New York, situé à quelques
pas de la Bourse.
« Malheureusement, il y en a certains, dans l’industrie
financière, qui se trompent dans la lecture du moment présent
», a déploré hier M. Obama dans un discours à deux pas de la
Bourse de New York, un an jour pour jour après que le dépôt de
bilan de la vénérable banque d’affaires Lehman Brothers eut
diffusé une onde de choc qui s’est rapidement propagée à toute
l’économie mondiale.
« Au lieu de tirer les leçons ( du dépôt de bi l a n) de
Lehman et de la crise dont ils n’ont toujours pas fini de se
remettre, ils choisissent de les ignorer », a-t-il dit devant
un parterre de dirigeants de la finance au Federal Hall, haut
lieu de l’histoire de la démocratie américaine.
« Nous ne r ev i e ndrons pas à l’époque des comportements
inconsidérés et des excès incontrôlés qui sont au coeur de
cette crise, quand trop de gens n’étaient motivés que par le
goût des marchés vite expédiés et des primes juteuses », a dit
M. Obama, qui n’en est pas à sa première diatribe contre les
pratiques de Wall Street, objet d’indignation populaire.
Il a une nouvelle fois réclamé des « règles de conduite
vigoureuses qui nous protègent contre les risques systémiques
que nous avons connus ».
Il a rappelé les propositions détaillées par son
administration en juin pour mettre fin aux fragilités d’un
système dans lequel l’emballement d’une composante peut
entraîner les autres : renforcement du contrôle exercé par la
Réserve fédérale ( Fed) sur les plus grandes institutions
financières, création d’une autorité permettant au
gouvernement de reprendre et de disposer de grandes
institutions en déconfiture.
Une nouvelle agence de protection des consommateurs verrait le
j our. Elle s upervisera i t l es c r édits immobiliers et les
crédits à la consommation.
Une dizaine de jours avant de recevoir à Pittsburgh les
dirigeants des pays avancés et des grandes économies
émergentes, le G20, Barack Obama a aussi affirmé la nécessité
d’un effort commun « énergique » pour réformer le système
mondial.
Ce sommet est précédé d’une vive querelle entre les États-Unis
et un partenaire aussi important que la Chine, depuis que M.
Obama a infligé des droits de douane supplémentaires aux pneus
chinois.
M. Obama s’est gardé de toute motivation protectionniste, mais
a certifié
qu’il ferait respecter les accords commerciaux existants (voir
la chronique de Claude Picher en page 5).
La régulation f i nancière sera un sujet primordial au sommet.
Mais la question des primes versées aux dirigeants de la
finance devrait aussi accaparer des dirigeants divisés sur la
question.
M. Obama a pressé Wall Street de renforcer la transparence et
de récompenser les visions à plus long terme plutôt que les
profits faciles, sans attendre que les parlementaires
américains ne légifèrent.
Dans une apparente concession aux partenaires des États-Unis,
M. Obama ne s’est pas contenté de montrer du doigt le monde de
la finance.
« C’est une défaillance collective du sens des responsabilités
à Washington, à Wall Street et dans toute l’Amérique qui a
conduit au quasieffondrement de notre système financier il y a
un an. »
Résistance
Cet été, la nouvelle réglementation a cédé le pas dans le
débat public américain à la réforme du système de santé.
L e gouvernement c r oit pouvoir faire inscrire dans la loi
ces deux grandes réformes présidentielles d’ici à la fin de
l’année.
Dans les deux cas, l’adoption est tout sauf acquise. Les
résistances sont fortes au Congrès et à Wall Street. Les plus
hauts dirigeants des banques n’étaient pas présents au
discours de M. Obama.
Le président américain a appelé Wall Street à « bien
accueillir » les réformes et non pas à les combattre.
« Il n’est ni juste ni responsable de votre part, après vous
être rétablis avec l’aide de votre gouvernement, d’esquiver
vos obligations quant à l’objectif d’une reprise plus étendue,
d’un système plus stable et d’une prospérité répartie sur un
plus grand nombre », a soutenu M. Obama.
Un Prix Nobel critique les banques américaines
Selon Joseph
Stiglitz, lauréat d’un prix Nobel d’économie en 2001, les
États-Unis n’ont pas réglé les problèmes sous-jacents de
leur système bancaire après la crise du resserrement du
crédit et l’effondrement de Lehman Brothers. Les courtiers de Wall Street ont
suivi avec attention le discours du président Obama.
« Aux États-Unis et dans de nombreux autres pays, des
banques " trop grosses pour s’effondrer" sont devenues
encore plus grosses », a dit M. Stiglitz dimanche au cours
d’une entrevue à Paris. « Les problèmes sont pires qu’en
2007 avant la crise », a-t-il prévenu.
Ce point de vue de M. Stiglitz fait écho à celui de Paul
Volcker, un ancien président de la Réserve fédérale
américaine (Fed), qui a conseillé au président Barack Obama
de réduire la taille des banques, et de Stanley Fischer,
gouverneur de la Banque d’Israël, qui a suggéré le mois
dernier que les gouvernements pourraient vouloir décourager
les institutions financières de croître de « manière
excessive ».
Un an après que l’effondrement de Lehman Brothers eut forcé
le Trésor américain à dépenser des millia rds de dollars
pour venir à la rescousse du système financier, les actifs
de Bank of America ont augmenté et ceux de Citigroup
demeurent i ntacts. Au Royaume-Uni, Lloyds Banking Group,
qui appartient à 43% au gouvernement britannique, a repris
les activités de HBOS, et en France, BNP Paribas possède
maintenant les actifs bancaires de l’assureur Fortis en
Belgique et au Luxembourg.
Le président
Obama souhaite soumettre certaines banques à une
surveillance plus stricte, mais son projet de réforme ne les
forcerait pas à diminuer leur taille ou à simplifier leur
structure.
Selon M. Stiglitz, le gouvernement américain hésite à défier
l’industrie financière parce que c’est difficile sur le plan
politique et parce qu’il espère que les leaders du G20
inciteront, à force de cajoleries, les États-Unis à recourir
à des actions plus fermes.
« Nous n’avons rien fait de significatif jusqu’à présent et
les banques repoussent les actions, a dit M. Stiglitz, qui
enseigne à l’ Université Columbia. Les leaders du G20 feront
quelques pas vers l’avant, étant donné le pouvoir des
banques, et tout pas en avant est un pas dans la bonne
direction. »
Les leaders du G20 se réunissent à Pittsburgh les 24 et 25
septembre prochains et ils doivent alors étudier des moyens
d’améliorer la réglementation des marchés financiers et plus
particulièrement comment imposer des limites plus strictes à
la rémunération des opérateurs de marché.
MESURES INSUFFISANTES
WASHINGTON — Sept Américains sur dix doutent que les
mesures prises par le gouvernement puissent éviter une
nouvelle crise économique et financière, selon un sondage
Associated Press-GfK rendu public hier. Par ailleurs, 80% des
personnes interrogées jugent préoccupant l’état de l’économie
américaine, 16% estimant qu’il est satisfaisant. Interrogés
sur les responsabilités de la crise et de la récession, 20%
l’imputent à Obama, contre 54% à son prédécesseur George W.
Bush et 19% à Bill Clinton. D’autre part, 79% critiquent
banques et établissements financiers, et 68% le manque de
régulation des autorités fédérales. Le sondage a été réalisé
du 3 au 8 septembre derniers par téléphone auprès d’un
échantillon de 1001 adultes, avec une marge d’erreur de 3,1
points de pourcentage.
Lehman Brothers, un an après - Maxime Bergeron
Il y a un an
presque jour pour jour, la planète économique a enregistré son
pire choc sismique en plusieurs décennies. Lehman Brothers, la
vénérable banque d’affaires new-yorkaise, déclarait faillite
après 158 ans d’existence. Une fermeture qui a cristall
Mai 2008. Le restaurant Novecento, dans le quartier SoHo à New
York, est couru par les jeunes professionnels branchés. I
mpossible ou presque d’y dénicher une table, même en milieu de
semaine, se rappelle Bruno Caron, actuaire chez Towers Perrin
à Manhattan. Quatorze mois plus tard, tout avait changé. « J’y
suis retourné, un weekend, et il n’y avait absolument
personne, ni dans les restaurants autour ! Ç’a été un peu un
choc », raconte le jeune Québécois.
PHOTO ARCHIVES GETTY IMAGES
L’économie florissante de Manhattan,
épicentre de la finance mondiale, a connu un freinage brutal
le 15 septembre 2008, quand le géant Lehman Brothers a
déclaré faillite après 158 ans d’existence.
L’économie f lorissante de Manhattan, épicentre de la finance
mondiale, a connu un freinage brutal le 15 septembre 2008,
quand le géant Lehman Brothers a déclaré faillite après 158
ans d’existence. Mais l’onde de choc ne s’est pas limitée à la
Grosse Pomme. Un an après cette chute spectaculaire,
l’économie mondiale se relève péniblement de son plus fort
recul depuis la Grande Crise de 1929.
Des millions d’emplois se sont évaporés partout sur la
planète. Des dizaines de banques et des centaines de fonds
d’investissement ont été rayés de la carte. Les gouvernements
de nombreux pays ont lancé d’ambitieux plans de relance à
coups de milliards, mais leurs effets à long terme ne sont pas
encore clairs. Dans tout ce brouillard, une seule chose
apparaît certaine : l’industrie de la finance ne peut plus
faire les choses comme avant. At-elle seulement appris de la
chute de Lehman Brothers ?
Manque de transparence
« On est encore en train de tirer des leçons », résume Philipp
Schnabl, professeur de f i nance à la New York University et
coauteur du livre Restoring Financial Stability, en entrevue à
La Presse Affaires.
Il faudra sans doute des années pour bien voir à quoi
ressemblera l’industrie financière « post-Lehman ». Mais de
nombreux changements ont déjà été amorcés depuis la faillite
spectaculaire de la banque d’investissement. Au premier chef,
la mise en place – complexe – d’un encadrement plus strict des
marchés, qui ont opéré pendant des années dans le
laisser-aller.
« Lorsque Lehman a sauté, on s’est aperçu qu’il y avait une
opacité dans le système, un manque de transparence, souligne
Stéphane Marion, économiste en chef à la Banque Nationale.
C’était clairement quelque chose de défaillant dans le
système. »
À l a surprise générale, divers produits f i nanciers obscurs
comme les PCAA (papiers commerciaux adossés à des actifs) ont
réussi à contaminer l’ensemble du système, rappelle M. Marion.
« Les autorités avaient sous-estimé les vases communicants. Ça
a été une révélation pour les autorités qui n’avaient jamais
soupçonné l’impact que pouvait avoir sur l’économie réelle
cette intégration des marchés financiers. »
Washington, comme l’ensemble des pays du G20, souhaite
maintenant encadrer de façon beaucoup plus stricte le
fonctionnement des marchés. La réunion du G20 tenue la semaine
dernière à Londres a d’ailleurs débouché sur l’ébauche d’un
plan ambitieux. L’objectif : surveiller de près les
transactions, particulièrement celles qui se négocient hors
cote ( over-the-counter). Histoire d’éviter une répétition du
fiasco des PCAA.
« On parle de
produits tiercisés qui seront beaucoup plus standardisés,
beaucoup plus échangés sur les marchés des échanges que
over-the-counter, entre deux parties, dit Pascal Gauthier,
économiste au Groupe financier TD. C’est une tendance de plus
en plus importante qu’on va voir, pas seulement pour les
hypothèques, mais pour l’ensemble des produits dérivés. »
Le taux de capitalisation requis par les banques américaines
sera aussi considérablement augmenté, pour réduire l’effet de
levier qui a mené à tant de dérapages. Ces institutions
devront détenir en propre 10 à 12% de capitaux, explique
Pascal Gauthier, ce qui s’approche des standards appliqués par
les banques canadiennes. « Préalablement, ils étaient dans le
5% à 7%. »
La réforme de Wall Street est débattue en ce moment même à
Washington, et plusieurs ficelles restent à attacher. Certains
commencent toutefois à craindre qu’elle soit éclipsée par un
autre débat qui passionne – et déchire – au plus haut point
les Américains : la refonte du système d’assurance santé.
D’autres appréhendent par ailleurs de voir un encadrement trop
strict étouffer les marchés, une fois qu’il sera mis en place.
«
On n’a pas besoin d’une réglementation plus lourde, mais
d’une régulation légère qui est véritablement appliquée
», estime Philipp Schnabl, de la New
York University.
Retour des mauvaises habitudes ?
Si l’i ndustrie f i nancière est loin d’avoir retrouvé sa
vigueur d’antan, il est clair que la forte remontée boursière
des derniers mois a injecté un enthousiasme indéniable sur les
marchés – et des milliards dans les coffres des banques.
Plusieurs institutions qui avaient reçu des milliards d’aide
financière de Washington ont remboursé leurs prêts, ce qui les
libère des contraintes quant à la rémunération de leurs
dirigeants. Les gros salaires ont fait leur retour dans plus
d’une boîte.
Le regain boursier a aussi entraîné l’arrivée de nouveaux
produits dérivés exotiques, ce qui inquiète plusieurs
observateurs. L’appétit pour le risque est de retour, en
somme. Et la possibilité de reprendre les vieilles habitudes
n’est pas bien loin. « Les banques ont le sentiment que si
quelque chose tourne mal, les contribuables seront là pour
ramasser la facture, et c’est très dangereux », avance Philipp
Schnabl.
Reste qu’il ne faut pas décourager complètement «
l’innovation financière » et la création de nouveaux
produits financiers, selon Stéphane Marion, de la Banque
Nationale. « Ce n’est pas toujours mauvais, en fait, ça
peut être souhaitable à long terme. Ce qu’on a appris,
c’est l’innovation financière dans un contexte de
laxisme ou d’opacité, c’est ça qui est dangereux. » L’économiste
est en outre persuadé que les investisseurs ont bien appris
leur leçon. « Étant donné l’ampleur de la crise et
des pertes encourues, je serais surpris que les gens
reviennent aux mêmes habitudes qu’avant, d’acheter
quelque chose sans le comprendre, dit-il. Lorsque le
rendement est trop beau pour être vrai, il y a peut-être
anguille sous roche. »
WALL STREET Des lendemains qui déchantent -
Maxime Bergeron
La forte
remontée boursière des six derniers mois a fait sourire plus
d’un investisseur. Mais à Wall Street, là où la crise a
commencé, les ex-travailleurs de la haute finance sont encore
nombreux à chercher leur place.
David*, un jeune homme de 28 ans, travaillait comme courtier
junior chez Goldman Sachs. Comme des dizaines de milliers
d’autres à New York, il s’est fait montrer la porte l’automne
dernier. Il a envoyé plus de 250 curriculum vitae depuis son
congédiement… sans j amais t rouver autre chose qu’un boulot
de conducteur de chariot-élévateur au New Jersey.
« C’est encore plus di fficile aujourd’hui qu’il y a six mois,
car beaucoup de hedge funds ont fermé, dit-il. Comme tout
Américain, je suis optimiste, mais je ressens un véritable
fossé entre ce qu’on entend sur la reprise économique et ce
qu’on vit sur le terrain. »
Luke* a été
un peu plus c ha nceu x . I l a r é ussi à décrocher un emploi
comme comptable dans un organ i s me g o u v e r n e ment a l
après avoir perdu son poste d’analyste financier chez le
détailla nt Macy’s en mai dernier. Un nouveau j ob « ennuyant
» , dit-i l , même s ’ i l s ’ e s t i me c h a n c e u x de
travailler.
« La plupart de mes anciens collègues de chez Macy’s, incluant
mon patron, n’ont pas réussi à trouver de nouveaux emplois »,
indique l’homme dans la trentaine.
Hécatombe
L’industrie de la finance et des assurances a subi une vér i t
able hécatombe au x États-Unis selon les chiffres du Bureau of
labor statistics. Quelque 435 000 postes ont été supprimés
depuis août 2008 – j uste avant la chute de Lehman Brothers –,
ce qui porte le nombre total de travailleurs à 7,7 millions
dans cette industrie. Cela se compare à un sommet de 8,4
millions en décembre 2006.
« LE PIRE CYCLE POUR LES PRODUITS DÉRIVÉS » -
Martin Vallières
Le PDG de la
Bourse de Montréal est néanmoins confiant pour l’avenir
«Nous s ubissons le pire cycle à jamais surveni r dans le
marché des produits dérivés », admet d’emblée Alain Miquelon,
président et chef de la direction de la Bourse de Montréal.
Et pour cause, a constaté La
Presse Affaires, un an après le pire krach financier en trois
quarts de siècle qui fut attribué surtout aux excès de Wall
Street avec… les produits dérivés du crédit.
Pour la deuxième année consécutive, le volume de transactions
à la Bourse de Montréal ( MX), spécialisée en produits
dérivés, fléchit de plus de 10%.
Ce ressac s’est même accentué cette année : de l’ordre de 16%
pour la période de janvier à juillet inclusivement, selon les
données internes de MX
Même que, rabaissé à 19 millions de contrats, le volume de
transactions durant ces sept premiers mois de 2009 est à son
plus bas depuis la même période en 2005.
Pour les dirigeants de MX, dont les revenus et profits
proviennent surtout des frais de transactions, un tel
revirement après des années de forte croissance pose un
sérieux défi.
« Quand 60% des revenus dépendent des activités
transactionnelles, c’est sûr qu’un tel repli du marché affecte
les résultats, en particulier la rentabilité », explique Alain
Miquelon, devenu PDG de MX après son acquisition par le Groupe
TMX, qui gère la Bourse de Toronto.
Néanmoins, souligne-t-il, ces dommages aux résultats
d’exploitation de la Bourse de Montréal demeurent modérés.
« Nous sommes encore rentables, mais moins qu’avant. Par
ailleurs, la baisse de volume provient surtout de nos produits
dérivés basés sur les taux d’intérêt. Or, tout indique qu’il
s’agit d’une conjoncture temporaire qui découle de la crise
des papiers commerciaux au Canada, en 2007, et de la crise
financière de l’an dernier. »
Ambitions
Exemple probant : le produit-vedette de MX, un contrat à terme
nommé « BAX » qui est basé sur les fluctuations de taux
d’intérêt, est en repli de volume des deux tiers depuis le
sommet atteint en 2007.
À HEC Montréal, le professeur Martin Boyer, directeur de
l’enseignement en finances, corrobore l’analyse du président
de MX.
« Le ressac du marché de contrats à terme sur les taux, tels
que le BAX, est t rès conjoncturel, comme pour les
acceptations bancaires et les papiers commerciaux. Mais ces
marchés vont reprendre lorsque les entreprises retrouveront un
meilleur niveau de liquidités à investir à court terme. »
Mais en
attendant cette relance, la Bourse de Montréal n’a pas
d’autant rangé ses autres ambitions, soutient son président.
Entre autres, des produits dérivés lancés récemment, comme des
options sur des fonds négociés en Bourse ( ETF), décollent
relativement bien.
Aussi, pendant que MX poursuit l’intégration de certaines
fonctions administratives et informatiques avec la Bourse de
Toronto, cette affiliation a déjà généré de nouveaux contrats
à terme négociés à Montréal.
Alain Miquelon cite en exemple une option nommée « GAZ » basée
sur un fonds ETF d’énergie qui est inscrit à la Bourse de
Toronto.
Ce fonds repose en partie sur un indice du gaz naturel géré
par NGX de Calgary, la filiale de marchés d’énergie du groupe
boursier TMX.
Par ailleurs, le président de MX anticipe un impact positif du
resserrement réglementaire des produits dérivés qui se prépare
à Washington.
Pourquoi? Ce resserrement cible surtout les contrats à terme
financiers qui sont échangés de gré à gré entre les grandes
firmes boursières, surnommés « OTC » dans leur jargon.
Ces produits dérivés de type OTC sont très différents des
contrats à terme transigés sur des marchés mieux encadrés
comme la Bourse de Montréal.
Or, c ’est l ’embal lement puis le krach du marché des dérivés
financiers de type OTC, aux États-Unis, qui fut l’un des
déclencheurs de la grave crise bancaire de l’an dernier.
Depuis, même atrophié, le marché des produits dérivés
financiers a migré vers les produits côtés en Bourse,
considérés moins opaques et plus fiables.
« Ce transfert structurel du marché des produits en OTC vers
ceux négociés en Bourse devrait avantager le marché canadien,
en particulier la Bourse de Montréal », estime Antoine Babule,
directeur de Newedge Canada, filiale d’un négociant i
nternational de contrats à terme qui est affilié à deux géants
financiers français : Crédit Agricole et Société Générale.
« Par ailleurs, malgré ses changements de direction en période
difficile, la Bourse de Montréal a conservé des gens très
compétents pour profiter des occasions de marché, selon M.
Babule. «
Aussi, le rapprochement de systèmes transactionnels avec la
Bourse de Toronto, spécialisée en actions, devrait s’avérer un
important atout face à l’évolution des marchés boursiers. »
Il faut surveiller les bulles financières, selon
Flaherty
L e minist r e
f é déra l des Finances, Jim Flaherty, soutient que les
banques centrales devraient songer à élargir leur utilisation
de la politique monétai re non seulement pour contrôler l ’ i
nf lation, mais aussi pour garder un oeil sur les bulles des
marchés financiers. Le
secteur de la construction a été très touché par la
récession et malgré la croissance prometteuse de ces
derniers mois, le ministre des Transports John Baird,
responsable des programmes d’infrastructures, préfère parler
d’une reprise économique « hésitante et fragile ».
Les décideurs ont posé l’hypothèse que le fait de garder
l’inflation à un bas niveau assurerait la stabilité
financière, mais c’est une approche qu’il faudrait examiner
avec « un oeil plus critique », a indiqué M. Flaherty, selon
un discours qu’il a prononcé dimanche soir à Vancouver.
« Les banques centrales, y compris celle du Canada, peuvent et
doivent chercher des moyens d’améliorer la mise en application
de la politique monétaire dans l’intérêt de la stabilité
financière », a ajouté le ministre.
Ces commentaires font écho à une idée semblable soumise
récemment par Mark Carney, le gouverneur de la Banque du
Canada, lors d’une conférence à la Réserve fédérale américaine
( Fed) à Jackson Hole, au Wyoming. En avril dernier, le Canada
a été le coauteur d’un rapport soumis au Groupe des 20 sur le
renforcement des réglementations parce qu’aucune institution
financière du pays ne s’est effondrée tandis que sévit la pire
crise mondiale du crédit depuis les années 30.
L’économie
mondiale est encore « au beau milieu » d ’ u ne récession , et
les pays ont fait preuve d’une c o opér a t i on « e x t r a
ord i - naire » dans leur réaction, a s o ut e nu M. Fl a her
t y. Le Canada a mis en place « d’importants sti mulants
fiscaux » pour faire mousser la demande, dit-il.
Il est trop tôt pour que le Canada ou d’autres pays commencent
à réduire la cadence des plans de relance, a indiqué M.
Flaherty dans un point de presse avant son discours, selon ce
qu’a rapporté l’agence Reuters. Le Canada a également
bénéficié dernièrement « d’une certaine stabilité relative »
de sa devise, a-t-il ajouté.
Le 4 août, M. Flaherty s’était dit inquiet des fluctuations «
rapides » de la valeur du huard et il avait déclaré que des «
initiatives » pouvaient être prises pour amortir ces
fluctuations.
Les perturbations, qui ont affecté le secteur du crédit, ont
aussi « cristallisé » la nécessité pour les pays d’adopter des
réglementations appelées macroprudentielles : ces dernières
concernent l’étude des r i sques que court tout le système
financier plutôt que seulement des entreprises et des
industries, a fait savoir M. Flaherty.
« L’expérience des autres pays nous a appris que des risques
systémiques peuvent surgir de tous les éléments du secteur
financier », dit-il.
Percées de soleil, risques d’orages -
André Pratte
L’envers de la
stabilisation de l’économie, c’est que les mauvaises habitudes
reviennent au galop.
Sur le front de l’économie, les nouvelles encourageantes se
succèdent. Aux ÉtatsUnis, les géants financiers Goldman Sachs
et JPMorgan Chase ont rapporté de spectaculaires profits pour
le deuxième trimestre de l’année. En Chine, la croissance a
été de 7,9% au cours des trois derniers mois, ce qui laisse
penser que l’Empire du Milieu atteindra son objectif de 8%
pour l’année.
Selon les experts consultés par Bloomberg, les ventes de
maisons chez nos voisins du Sud devraient avoir atteint en
juin leur plus haut niveau depuis octobre 2008. Et pour la
première fois, l’administration Obama fait publiquement preuve
d’optimisme: le secrétaire au Trésor, Tim Geithner, a parlé
jeudi dernier d’« importants signes de reprise ».
Bref, le pire semble passé. Toutefois, l’économie américaine
(et donc l’économie mondiale) reste exposée à des risques
considérables. Et avant que la reprise ne s’installe pour de
bon, beaucoup de gens vont perdre leur emploi, ou leur maison,
ou les deux.
Malgré son bénéfice de 3,4 milliards de dollars américains au
second trimestre, la situation de JPMorgan Chase révèle à quel
point l’économie américaine reste fragile. La banque a fait
son argent dans le secteur de l’investissement. Au chapitre du
crédit à la consommation et des prêts hypothécaires, par
contre, elle a subi des pertes importantes.
Le crédit
personnel a aussi plombé les résultats de la Bank of America.
Ainsi, sa division de cartes de crédit a perdu 1,6 milliard au
cours du deuxième trimestre. Enfin, le groupe financier CIT,
important prêteur aux PME, se retrouve au bord de la faillite.
On peut toutefois voir comme un signe encourageant le fait que
les Bourses n’ont pas paniqué devant cette perspective et que
Washington a refusé de venir en aide à CIT. De toute évidence,
on estime que l’économie est désormais assez solide pour
résister à la faillite d’un acteur de moyenne importance.
L’envers de cette stabilisation, c’est que les mauvaises
habitudes semblent revenir au galop. En vertu de son système
de rémunération, Goldman Sachs pourrait verser une moyenne de
770 000$ à chacun de ses 29 000 employés en 2009. Les plus
hauts dirigeants recevront des dizaines de millions. Ne
s’agit-il pas du genre de pratiques qui ont poussé les
banquiers à prendre des risques excessifs dans le passé?
Aveclaconfiancequirevient, le secteur financier relève la tête
et combat plus férocement les nouveaux contrôles envisagés par
les gouvernements. La semaine dernière, le patron de JPMorgan
a averti l’administration Obama que la réglementation plus
sévère imposée aux émetteurs de cartes de crédit nuira
considérablement à ce secteur déjà en difficulté.
Les gouvernements doivent certes se garder d’aller trop
loin. Mais après ce qui s’est passé depuis un an, le
secteur financier ne peut pas espérer qu’on lui fasse
aveuglément confiance.
Souhaitons par ailleurs que les petits investisseurs aient
appris de la crise que, peu importe la sévérité des
règlements, ils sont les premiers responsables de la
protection de leurs avoirs. Il leur faut s’informer,
diversifier leurs placements, épargner, ne s’endetter qu’avec
prudence. Et surtout, se tenir loin de ceux qui leur
promettent des rendements miraculeux.
Les périls de l’appât du gain -
Michel Girard
P as facile de
se protéger contre l es f i l ous de la finance. Ils sont
omniprésents. Malheureusement, lorsqu’on les découvre, il est
t oujours t rop t a rd. L’a rgent des victimes s’est bien
souvent envolé vers un de ces paradis… où l’on compte plus de
sociétés à numéros que d’habitants ! Autre possibilité : une
grande partie de l’argent a été carrément flambé dans des
placements hautement spéculatifs. Margaret
Davis
était une cliente d’Earl Jones. L’homme aurait détourné
entre 30 et 50 millions de dollars des poches de ses
clients, selon l’Autorité des marchés financiers.
Pendant qu’à Montréal on essaye encore de comprendre comment
Vincent Lacroix a réussi à détourner 130 mill ions presque… au
vu et au su de l’Autorité des marchés financiers, le tout New
York se demande encore comment la SEC (Securities and Exchange
Commission), avec son armée d’enquêteurs, a-t-elle pu se faire
déjouer par un Bernard Madoff. Non, mais quel manipulateur
financier ce Madoff : il a réussi à arnaquer ses riches
clients millionnaires de quelque 50 milliards !
On va convenir que notre nouvelle « vedette » locale de la
finance, Earl Jones, ne fait pas le poids devant Madof f.
Soupçonné d’avoir détourné de 30 à 50 millions des comptes de
ses clients, Earl Jones n’en brise pas moins la vie de ces
derniers, lesquels voient ainsi partir en f umée les épargnes
d’une vie de travail. M. Jones travaillait « illégalement »
puisqu’il ne détenait aucun permis de l’Autorité des marchés
financiers pour exercer ses fonctions de conseiller financier.
La question de l’heure sur toutes les tribunes médiatiques :
comment peut-on se protéger contre la f raude f i nancière ?
C’est tout un défi.
« Chaque année, au Canada, des milliers d’investisseurs sont
victimes de manoeuvres illégales qui rapportent à leurs
auteurs des milliards de dollars. »
Vous avez bien lu : on parle de milliards de dollars de fraude
financière, et ce, chaque année, seulement au Canada. Qui
avance ces gros chiffres ? L’Autorité des marchés financiers
(AMF) dans l’une de ses brochures destinées à aider les
épargnants québécois dans leurs placements.
L’arnaque de Vincent Lacroix ( Norbourg) a fait couler beauc
oup d’enc r e c es der nières années. Elle a démontré à quel
point les investisseurs étaient vulnérables et mal protégés
contre la f r aude f i nancière. Comme le Groupe Norbourg de
Vincent Lacroix n’était dans les faits qu’une petite société
de placements, bien des investisseurs et des épargnants se
croient aujourd’hui à l’abri des mauvais placements en faisant
strictement affaires avec des grandes institutions financières
(comme les banques, les grandes familles de fonds communs, les
maisons de courtage, etc.).
Les investisseurs ont malheureusement la mémoire sélective.
J’aimerais leur rappeler une réalité de la finance. Ce n’est
pas parce qu’un conseil provient du personnel d’une grande
institution financière que c’est automatiquement un bon
conseil. Et ce n’est pas parce qu’une institution et ses
conseillers détiennent leurs permis de l’AMF que c’est un gage
de protection de vos valeurs. Des exemples ?
De réputés analystes de grandes maisons de courtage avaient
recommandé l’achat de l’action de la société aurifère Bre-X,
sous le prétexte que la société avait, en 1995, découvert dans
la jungle indonésienne le plus important gisement d’or du XXe
siècle.
L’action de Bre-X a connu une ascension fulgurante, passant du
penny stock de 10 ou 20 cents à 260 $ l’action. En mai 1997,
le titre de Bre-X fut suspendu, après avoir révélé que le
fabuleux gisement i ndonésien ne renfermait finalement aucune
réserve significative du précieux métal jaune.
Les actionnaires ont vu la valeur boursière de Bre-X fondre de
six milliards de dollars. Les « brillants » analystes
s’étaient fait duper…
Que dire également des nombreuses recommandations des
analystes des maisons de courtage sur le titre de Nortel alors
qu’il se négociait en 2000 tout près de son zénith à 1240 $
l’action (elles ont été regroupées à raison de 10 pour 1).
Après avoir fait l’objet de manipulation comptable, le titre
ne vaut plus rien aujourd’hui.
Toujours dans
la plus grande « légalité », combien avez-vous perdu d’argent
en 2008 avec vos placements en Bourse et dans les fonds
communs de placement ? Est-ce que votre conseiller en
placement vous avait recommandé d’encaisser une partie des
profits que vous aviez accumulés sur papier avec vos valeurs
boursières avant l’effondrement de la Bourse ? Combien
avez-vous perdu d’argent avec les « précieuses »
recommandations de votre conseiller financier ?
J’aimerais rappeler que le merveilleux monde de la finance
légale nous a fait perdre en 2008 quelque 20 000 milliards de
dollars juste en Bourse. À cause de quoi ? En partie à cause
d’une crise produite par le laisseraller des grandes
institutions financières et de leurs hauts dirigeants.
Oui, nous sommes vulnérables. Non seulement se fait-on parfois
plumer le portefeuille en toute légalité, mais en plus il faut
surveiller ses arrières financiers pour ne pas se faire
arnaquer le portefeuille par des filous à la Vincent Lacroix,
Bernard Madoff et autres escrocs.
Des conseils anti-fraude?
Répartissez vos épargnes dans des institutions financières
reconnues par l’Autorité des marchés financiers ( AMF) ou
d’autres organismes de régulation financière. Lorsque le
capital dépasse les 100 000$, il est recommandé de répartir
ses placements dans au moins deux ou même trois établissements
différents.
Ne faites jamais affaire avec des conseillers financiers non
enregistrés auprès de l’AMF.
Ne vous fiez pas aux recommandations formulées sur l’internet
par les participants aux groupes de discussion. Des i
nvestisseurs peu scrupuleux peuvent se servir de ces forums de
discussion pour promouvoir des titres à leur profit personnel.
Évitez d’acquérir des placements où on vous « garantit » un
rendement de 5% ou plus.
N’investissez pas dans des placements à rendement
potentiellement miraculeux. Le rendement sera peut-être
miraculeux, mais pas pour vous!
Des placements fa it s à la cachette du fisc… c’est non
seulement illégal mais extrêmement dangereux pour vos
épargnes.
Un dernier conseil d’usage:
Vérifiez sérieusement et sans exception tous vos relevés de
comptes : courtage, fonds communs de placement, cartes de
crédit, comptes bancaires…
Je vous le dis, juste là, il y a de l’argent à faire !
Le prix de l’imprévoyance - Claude
Picher
Lorsque les
gouvernements provinciaux sont parvenus, il y a une dizaine
d’a n nées , à r e t r ouver l’équilibre budgétaire, plusieurs
d’entre elles, dont le Québec, se sont empressées de voter des
lois antidéficit.
On peut facilement comprendre pourquoi. Il a fallu demander
des sacrifices énormes aux citoyens pour en arriver là, et
personne n’avait le goût de revivre le cauchemar.
Pourtant, juste avant la fin de la session à Québec, le
gouvernement Charest s’est soustrait à cette obligation. C’est
qu’il n’avait pas le choix : le budget déposé ce printemps par
la ministre Monique Jérôme-Forget consacrait le retour
officiel aux budgets écrits à l’encre rouge : près de 12
milliards de déficits accumulés entre 2009 et 2012. Dans ces
conditions, maintenir la loi antidéficit n’avait plus aucun
sens. Le Québec n’est pas seul f a i r e marche a r r i è r e
s u r cette question. L’Ontario et la Colombie-Britannique ont
également jeté leurs lois antidéficit à la poubelle.
Quant au fédéral, après des années de surplus, il s’endette
maintenant à coups de dizaines de milliards. Le ministre des
Finances Jim Flaherty s’attend maintenant à un déficit de 50
milliards uniquement pour cette année, alors que son budget de
janvier prévoyait plutôt 34 milliards cette année, et 30
milliards l’an prochain.
C’est, dit-on, la faute à la récession. Quand l ’économie va
mal, on s’attend à ce que le gouvernement augmente ses
dépenses, quitte à créer des déficits. Grâce à l’argent
additionnel ainsi injecté dans l’économie, les consommateurs
continueront de consommer, les travailleurs continueront de
travailler, les entrepreneurs continueront d’entreprendre.
Cette façon de voir les choses rallie la majorité des
économistes, et c’est pour cela qu’on n’a pas entendu beaucoup
de protestations lorsque les administrations publiques ont
replongé dans le rouge. Or, la récession a le dos large. Une
étude minutieuse des budgets fédéraux et provinciaux des cinq
dernières années montrent que tous les gouvernements
provinciaux, ainsi que le fédéral, ont largement gonflé leurs
dépenses de programmes entre 2003 et 2009, donc bien avant la
récession.
Par définition, les gouvernements, récession ou pas, doivent
toujours augmenter leurs dépenses. Pour maintenir la même
qualité des services aux citoyens, ils doivent au moins c ouvr
i r l ’ augmentat i on des coûts, c ’est-à-dire les hausses
des prix. Mais lorsque les dépenses augmentent plus vite que
l’inflation, c’est que le gouvernement a décidé non seulement
d’assumer les hausses de coûts, mais aussi de dépenser
davantage en termes réels.
Les
administrations publiques doivent aussi tenir compte de la
croissance démographique. Lorsque la population augmente, le
gouvernement doit aussi augmenter ses dépenses s’il veut
offrir les mêmes services à tout le monde.
Un groupe d’économistes de l’ I nstitut Fraser a calculé la
croissance annuelle moyenne des dépenses de programmes des
provinces et du fédéral, entre 2004 et 2009, puis a comparé
les résultats au taux d’inflation et à la croissance
démographique.
L’exercice donne le frisson dans le dos.
Ainsi, au fédéral, si on tient compte de l’inflation et de la
croissance démographique, la croissance annuelle moyenne des
dépenses au cours des cinq dernières années aurait du se
situer à 3,1 %. En réalité, elle a atteint le double, 6,2 %.
Les chiffres correspondants pour le Québec sont 2,6 % et 4,8%.
En Ontario, la croissance des dépenses aurait du être limitée
à 3 %; elle a atteint 6,6 %. C’est la même chose dans toutes
les provinces. Toutes proportions gardées, le pire cas est
celui de la Saskatchewan, qui aurait du contenir la croissance
des dépenses à 2,9 %, alors qu’en réalité elles ressortent à
9,9% par année!
Normalement, si on admet que les gouvernements doivent
augmenter leurs dépenses en période de crise, on doit aussi
supposer qu’ils doivent les contenir en période de croissance.
Ce n’est pas ce qui s’est passé.
Les administrations publiques, cinq ans avant la récession,
ont toutes vécu, sans exception, au-dessus de leurs moyens. Et
c’est ainsi que lorsque la crise est survenue, le Canada n’a
pu faire autrement que de renouer avec le cercle vicieux des
déficits et de l’endettement. C’est le début d’un autre
dérapage financier, qui aurait pu être facilement évité avec
un meilleur contrôle des dépenses. Le pire, c’est qu’il faudra
inévitablement, un jour, imposer de nouveaux sacrifices aux
citoyens pour sortir du bourbier. C’est le prix à payer pour
l’imprévoyance des administrations publiques.
SELON UN RAPPORT AMÉRICAIN La spéculation a
dénaturé les prix du pétrole
— L’autorité
américaine de régulation des marchés de matières premières
(CFTC) va publier un rapport suggérant que la spéculation a
joué un rôle important dans les forts mouvements observés
sur le marché pétrolier, a indiqué Bart Chilton, un de ses
responsables.
Un premier rapport de la CFTC publié l’an passé, qui avait
attribué les brusques variations du marché uniquement à des
facteurs d’offre et de demande, était basé sur « des données
profondément incorrectes », a affirmé M. Chilton dans un
entretien publié hier par le Wall Street Journal.
Le nouveau rapport sera publié en août, précise le quotidien
économique.
Il s’agit d’un nouvel élément dans le débat qui s’intensifie
autour de la spéculation sur les marchés énergétiques, dans
le collimateur de la nouvelle équipe à la tête de la CFTC
(Commodity Futures Trading Commission).
Au début
de juillet, le président de la commission, Gary Gensler,
mis en place par le président américain Barack Obama,
avait déclaré qu’il fallait « utiliser de manière
déterminée tout ce qui est en notre pouvoir pour faire en
sorte que le marché fonctionne honnêtement ».
Il a réitéré sa volonté hier au cours d’une audition
publique de la commission, qui se réunissait pour la
première de trois sessions de discussions consacrées aux
limites pouvant être imposées aux prises de position sur
le marché de l’énergie et sur les dérogations accordées
aux fonds spéculatifs.
Craig Donohue, directeur général du groupe CME (Chicago
Mercantile Exchange), la princ i pale place boursière pour
l’échange de contrats énergétiques dans le monde,
participait également à ces discussions.
« Nous n’avons vu aucune preuve empirique que les fonds
indiciels et les spéculateurs aient dénaturé les prix,
comme cela a été largement dit, pas plus qu’il n’y a de
preuves qu’imposer des limitations sur les positions à ces
acteurs du marché puisse avoir un effet positif sur le
marché », avait-il déclaré lundi dans un communiqué. Dans
son intervention devant la commission, il a toutefois
reconnu que le CME était prêt à répondre aux inquiétudes
sur le rôle des acteurs « non traditionnels » sur les
marchés, comme les fonds spéculatifs, « en adoptant un
régime de stricte régulation » pour certains produits, a
rapporté l’agence Dow Jones Newswires.
ÉTATS-UNIS Le régulateur s’attaque à la
spéculation pétrolière
— L’autorité
américaine de régulation des marchés de matières premières
(CFTC) a annoncé hier son intention de s’attaquer à la
spéculation sur les marchés énergétiques en imposant des
limites aux opérateurs.
« Je crois fermement que nous devons utiliser de manière
déterminée tout ce qui est en notre pouvoir pour faire en
sorte que le marché fonctionnehonnêtement », écritGary
Gensler, président de la Commodity Futures Trading Commission
dans un communiqué.
WASHINGTON
M. Gensler a nnonce dans ce texte que la CFTC envisage
d’imposer des « limites de positions » pour « toutes les
matières premières en quantité finie, en particulier les
matières premières énergétiques, comme le pétrole brut, le
fioul de chauffage, le gaz naturel, l’essence ou autres ».
Le régulateur fixerait ainsi un plafond au nombre de contrats
d’option sur un même produit qu’un opérateur pourrait vendre
ou acheter en dehors des contrats pris pour sa couverture,
c’est-àdire pour se prémunir du risque induit par ses
positions sur le marché des contrats à terme par exemple.
Contrairement
aux contrats à terme, qui prévoient la livraison à une
échéance donnée, d’une certaine quantité de marchandise, les
contrats d’options fournissent à leur détenteur le droit (mais
pas l’obligation), d’acheter ou de vendre, à un prix convenu
d’avance, une certaine quantité soit à une date fixée, ou à
n’importe quel moment avant une certaine échéance.
Créés i nitialement comme des contrats d’assurance pour
contrebalancer des positions prises par des opérateurs, ce
sont de formidables outils de spéculation dans la mesure où
ils ne comportent pas d’obligation d’acheter ou de vendre.
La CFTC r appel l e qu’el l e impose déjà des limites de
positions pour « certains produits agricoles », mais que « ça
n’est pas le cas pour les marchés énergétiques ».
M. Gensler i ndique que la Commission organisera des
discussions avec les partenaires intéressés en juillet et en
août pour déterminer la façon de mettre en oeuvre ces
nouvelles règles.
Dans un communiqué publié à Washington, l’Association
américaine du transport aérien (ATA) a « félicité » la CFTC
pour son initiative.
« Un an après que les records atteints par les prix du pétrole
», CFTC reconnaît ainsi « les graves effets négatifs qu’une
spéculation débridée peut avoir sur les consommateurs et les
entreprises », écrit l’ATA, qui affirme fédérer les compagnies
aériennes représentant 90% du trafic aérien américain de
passagers et de marchandises.
Au tour de l’Europe de réglementer davantage la
finance
BRUXELLES —
Les dirigeants européens, réunis en sommet, se sont engagés
hier à renforcer la supervision du secteur financier mais au
prix de concessions faites aux Britanniques, soucieux de
préserver leur souveraineté nationale en matière budgétaire.
« Aujourd’hui , nous avons réussi une avancée majeure », s’est
félicité le président de la Commission européenne José Manuel
Barroso.
Les dirigeants européens ont entériné un projet de réforme
prévoyant la mise en place en 2010 de nouveaux organismes de
supervision paneuropéens ayant leur mot à dire dans le
contrôle du secteur financier au niveau national.
Cette avancée intervient après plusieurs semaines de
résistances des Britanniques. Un accord de principe avait été
atteint jeudi entre trois pays, la France, le Royaume-Uni et
l’Allemagne, qui a été validé par toute l’UE hier.
Cette réforme prévoit la mise en place de trois nouvelles
autorités paneuropéennes chargées de la surveillance des
banques, des assureurs et des marchés financiers.
Elles seront dotées de « pouvoirs de décision contraignants et
proportionnés », leur permettant notamment de « trancher en
cas de désaccord entre les autorités de surveillance » de
plusieurs États, selon un texte adopté par les dirigeants
européens. Les Britanniques étaient hostiles au départ à de
tels pouvoirs contraignants.
Toutefois «
les décisions adoptées par ces autorités ne devraient empiéter
en rien sur les compétences budgétaires des États membres »,
ajoute le document.
Cette précision répond aux préoccupations du RoyaumeUni, qui
abrite la première place financière européenne, la City de
Londres. Les Britanniques refusaient de conférer à ces
autorités des pouvoirs qui auraient pu forcer les États à des
renflouements d’établissements financiers aux conséquences
budgétaires importantes.
« J’ai fait en sorte que les contribuables britanniques soient
pleinement protégés », s’est félicité le premier ministre
britannique Gordon Brown.
« On aurait pu être plus ambitieux mais on ne peut pas être
plus ambitieux que les plus grands d’entre nous », a jugé de
son côté le chef de file des ministres des Finances de la zone
euro, Jean-Claude Juncker.
Le président français Nicolas Sarkozy a jugé pour sa part que
l’accord marquait « un changement complet dans la stratégie
anglo-saxonne ».
La réforme prévoit aussi la mise en place d’un « comité
européen du risque systémique », qui avertirait les autorités
nationales et émettrait des recommandations quand il détecte
un problème important.
En agissant de la sorte, l’Europe avance de concert avec les
États-Unis qui ont détaillé cette semaine leur propre réforme
de la supervision financière présentée comme la plus vaste
depuis les années 30.
Après la crise, la crise - ALAIN DUBUC
Les
sociétés industrialisées devront relever des défis aussi
exigeants, sinon plus, que la lutte à la récession.
Nous sortirons bientôt de la récession. Mais la crise ne
sera pas pour autant terminée. L’effondrement des marchés
financiers à l’automne 2008 a provoqué une onde de choc
qui va forcer les économies à se transformer et à
s’adapter à un monde qui ne sera plus le même. La crise énergétique ne fait que
commencer.
Ces grands changements, je les ai regroupés en six
tendances de fond, qui sont autant de défis que les
sociétés industrialisées devront relever. Des défis aussi
exigeants, sinon plus, que la lutte contre la récession,
qui a accaparé les énergies cette année.
Le premier est macroéconomique. La plupart des pays ont
déployé des efforts énormes pour contrer la récession.
C’était nécessaire. Mais les gouvernements, en parant au
plus pressé, ont aussi compromis l’avenir. Les déficits
budgétaires seront plus élevés que prévu et personne ne
croit qu’ils se résorberont d’eux-mêmes. Cela annonce une
crise majeure des finances publiques, des compressions,
des hausses d’impôt. Le Canada n’y échappera pas, comme
vient de le montrer une étude de la Banque TD. Par
ailleurs, les politiques monétaires très agressives font
craindre une forte poussée inflationniste.
Le deuxième changement est financier. Cette crise a été
provoquée par le dérapage des marchés financiers. La
nécessité de contrôles plus serrés mène à un renforcement
de réglementation au niveau national et international.
C’est une bonne chose. Mais ces contrôles accrus auront un
coût, parce que la perte de souplesse du crédit sera un
frein à la croissance. D’autant plus qu’après les excès
provoqués par l’abus de l’effet levier, on assistera au
processus inverse. En fait, cette crise aura probablement
un effet profond et durable sur le crédit, en changeant la
façon dont on prête et la façon dont on emprunte.
Le
troisième changement est géopolitique. L’affaiblissement
économique, politique et moral des États-Unis accéléra le
réalignement des rapports de force; une Chine plus forte
et moins passive, une Europe qui s’affirme plus, un dollar
qui perdra progressivement son statut. Le Canada, dont la
prospérité est liée à celle des États-Unis, devra
rapidement diversifier ses échanges.
Le quatrième changement est politique. C’est le retour du
balancier dans les rapports entre l’État et les marchés.
Les gouvernements, depuis l’éclatement de la crise,
prennent une place croissante, par leurs dépenses, par
leurs interventions de sauvetage, par leur contrôle plus
grand sur l’économie. Et quand l’État s’installe, c’est
pour longtemps. D’autant plus que la crise, qui s’explique
aussi par les excès du laisserfaire, mène à une certaine
méfiance du monde de l’entreprise et de la logique du
marché.
La cinquième grande transformation porte sur les habitudes
des citoyens. La réduction de la consommation en temps de
récession est un phénomène passager. Mais la perte de
patrimoine, le fait que les épargnes ont fondu, amènera
des changements de comportement plus permanents : le
report de la retraite pour certains, des stratégies de
placement plus prudentes pour tous, une augmentation de
l’épargne, qui aura nécessairement un effet sur le niveau
des dépenses, peut-être même sur les habitudes de
consommation.
Le dernier changement est environnemental. La crise a
accéléré le débat environnemental, notamment parce que
l’administration Obama a lié la relance au développement
durable, ce qui exerce une énorme pression sur le Canada.
Et si la crise énergétique a connu un court répit, la
réalité nous rattrapera bientôt quand les prix pétroliers
reprendront leur ascension, et imposeront ainsi des choix
douloureux.
La plupart de ces changements sont positifs. Mais ils
forceront néanmoins nos sociétés à changer, ce qui n’est
jamais facile, ils imposeront des restructurations qui
peuvent être perturbantes, qu’on pense à l’automobile.
Sommes-nous bien placés, au Québec et au Canada, pour
affronter ce monde nouveau? C’est ce que nous verrons
dimanche.
Une ère
tire à sa fin - ALAIN DUBUC
Depuis le
déclenchement de cette crise, on s’est souvent demandé si
celle-ci changerait quelque chose. Si, au-delà de ses
impacts économiques évidents, le choc serait suffisant pour
provoquer des transformations durables dans nos sociétés,
pour nous amener à apprendre de nos erreurs.
Eh bien, l’un de ces changements profonds est en train de
s’opérer sous nos yeux avec les restructurations
douloureuses de deux des trois géants américains de
l’automobile, General Motors et Chrysler. Des faillites, des
transformations, des fusions, des acquisitions, même de
géants, il y en a tout le temps. Cependant, ce qui arrive à
GM et à Chrysler peut être qualifié d’historique.
Parce que les déboires de ces deux compagnies contribuent à
affecter la place des États-Unis dans le monde. Parce que
les restructurations seront assez significatives pour
modifier les comportements des consommateurs et les
politiques environnementales. Parce que les plans de
sauvetage changent aussi les règles du jeu du capitalisme.
Tout d’abord, il ne faut pas négliger l’immense charge
symbolique de ces événements. L’industrie automobile a été,
pendant presque un siècle, l’incarnation de la puissance
économique américaine et l’expression la plus évocatrice de
l’American way of life.
L’échec des grands de l’automobile a donc une portée qui
dépasse l’industrie. C’est aussi un échec collectif qui
illustre un certain affaiblissement de la puissance
américaine dans le monde. D’autant plus que les autres pays
producteurs d’automobiles, comme l’Allemagne et le Japon,
n’ont pas connu les mêmes déboires. Le fait que la survie de
Chrysler repose sur l’intervention d’une entreprise
italienne, Fiat, ne fait qu’ébranler encore plus l’idée de
la suprématie américaine.
Par ailleurs, si GM et Chrysler en sont là, cela
s’explique largement par une mauvaise gestion et de mauvais
choix, notamment l’incapacité de produire les véhicules que
souhaitent les consommateurs et dont ils ont besoin. Les
restructurations, par définition, forceront ces compagnies à
repens e r l eur s stratégies.
Mais comme le gouvernement amér i c a i n pè s e très lourd
dans le processus de décision des compagnies, et que
l’administration Obama a fait des technologies vertes l’un des
éléments centraux de ses politiques de relance économique,
cela créera des conditions uniques pour s’attaquer avec
vigueur à l’un des éléments clés des politiques de réduction
des gaz à effet de serre, la production de véhicules moins
énergivores.
Enfin, le processus même du sauvetage annonce aussi un
déplacement de la frontière entre l’État et l’économie de
marché. Les gouvernements américain et canadien ont allongé
des milliards pour empêcher les grands de l’auto de
s’effondrer. Mais leur intervention a largement dépassé le
soutien financier.
La restructuration de GM, beaucoup plus profonde que ne
souhaitaient ses dirigeants, avec l’abandon de la marque
Pontiac, la disparition de la moitié des concessionnaires, les
dizaines de milliers de mises à pied, a carrément été imposée
et téléguidée par l’administration Obama. C’est aussi la
Maison-Blanche qui pousse Chrysler dans les bras de Fiat. Et
si un plan de transformation de ces prêts gouvernementaux en
actions est mené à terme, le gouvernement américain contrôlera
la compagnie.
Ce genre de prise en charge, assez habituel au Québec,
constitue une quasi-révolution aux États-Unis. Bien sûr, il
s’agit de mesures d’exception qui se justifient par la
situation de crise. Mais un tel déplacement du pouvoir est
rarement ponctuel. Quand l’État s’est engagé, le processus de
désengagement risque d’être lent. Nous assistons probablement
à un retour du balancier, où l’État sera plus présent, plus
interventionniste, comme on le voit également dans le secteur
financier. Cela marque sans doute la fin de la période de
laisser-faire qui a contribué à cette crise.
La reprise du secteur privé se fera attendre, craint
Carney
Les
nombreux signes que l’économie mondiale se stabilise ne
doivent pas faire illusion. C’est uniquement la preuve que
les mesures exceptionnelles de stimuli adoptées par les
gouvernements et les autorités monétaires commencent à
porter fruit et non que le secteur privé est en mesure
d’assurer par lui-même la relance. Aux yeux du gouverneur de la
Banque du Canada Mark Carney, les lacunes passées ont
engendré des formes de parasitisme et des déséquilibres
dont nous payons le prix. Rebâtir la mondialisation
prendra du temps, avertit-il.
« Un secteur privé qui vient de recevoir une leçon
d’humilité peut souhaiter de s’engager de nouveau
uniquement s’il est convaincu que le système est résilient
», prévient Mark Carney. Le gouverneur de la Banque du
Canada prononçait hier le discours de clôture de la 15e
Conférence de Montréal qui avait pour thème l’adaptation
au nouvel ordre mondial.
Élus et banquiers centraux devront montrer beaucoup de
vigilance et de doigté pour refiler au secteur privé les
risques qu’il n’est pas en mesure de prendre maintenant .
« La récente prise de risques par le secteur public crée
un aléa moral, a-t-il souligné. Si rien n’est fait, cela
finira par encourager certains comportements du secteur
privé qui intensifieront le risque global au sein du
système. »
Pour être
couronnée de succès, la prochaine vague de mondialisation
devra être mieux enracinée et ses participants plus
responsables. Cela exige une refonte des infrastructures
financières internationales.
Elles ont été très déficientes pour empêcher la crise
actuelle, a souligné pour sa part Guillermo OrtizMartinez,
gouverneur de la Banque du Mexique. « Il est fondamental
d’avoi r un mécanisme de refonte pour assurer l a
stabilité de l’économie mondiale. Malheureusement, nous
n’avons pas encore trouvé son architecture. » .
L’engagement de M. Or t i z - Ma r t i ne z au Conseil de
la stabilité financière a d’ailleurs été loué par M.
Carney.
De son côté, Compton Bourne, président de la Banque de
développement des Caraïbes, a rappelé que les membres du G20 « ont un agenda
à compléter pour les pays en développement de taille modeste
». Les critères actuels d’admissibilité aux crédits du Fonds
monétaire international sont trop élevés pour ces économies
qui dépendent de l’investissement direct étranger et du
tourisme, deux ressources qui se sont raréfiées,
déplore-t-il.
M. Carney
croit pour sa part qu’il y a quatre préalables au
renouvellement de la mondialisation : la transparence
accrue pour mieux évaluer le risque, une plus grande
efficience des marchés de financement grâce notamment à
la standardisation des produits, l’adoption de règles
macroprudentielles et l’acceptation par tous les pays de
leurs responsabilités pour l’ouverture du système
monétaire.
Aux yeux de M. Carney, les lacunes passées ont engendré
des formes de parasitisme et des déséquilibres dont nous
payons le prix. Rebâtir la mondialisation prendra du
temps, avertitil. « Sans cadres de politique crédibles
et sans infrastructure de marché robuste, la prise de
risques par le secteur privé pourrait ne pas revenir à
un niveau suffisant. »
M. Carney a rappelé que la question des actifs toxiques
dans certaines grandes banques non canadiennes n’est
toujours pas réglée, pas plus que la relance de la
titrisation privée. Bref, la stabilisation du système
financier mondial n’est pas complétée et cela retarde
les conditions d’une reprise durable à l’échelle
internationale et canadienne.
Le
gouverneur souhaite que la réunion des ministres des
Finances du G-7 ce week-end fasse avancer ce dossier.
Plus tôt durant la matinée, l’ancien ministre fédéral
Pierre Pettigrew, aujourd’hui conseiller de la
direction de Deloitte, a brossé à grands traits les 30
dernières années. Le tandem Thatcher-Reagan avait
trouvé son slogan : le problème, c’est le
gouvernement. S’ensuivit une vague de
déréglementation, de privatisation et de
libéralisation. Cette médecine de cheval contrecarrait
l’essor du multilatéralisme, pourtant à l’origine des
accords de Bretton Woods, largement dessinés par les
États-Unis, au sortir de la guerre mondiale.
« Aujourd’hui , le mult i latéralisme revient en force
et les États-Unis continueront d’en assumer le
leadership », prédit-il.
Une nouvelle ère s’ouvre, celle d’un retour à
l’équilibre public-privé, une valeur chérie par le
Canada. « J’ai confiance que le président Obama voie
dans le Canada une source d’inspiration », a-t-il dit.
Au lieu du tandem ThatcherReagan, M. Pettigrew a
déridé l’assistance en proposant celui d’Obama-Canada.
L’incurie accablante de l’AMF
- Sophie Cousineau
Un
enquêteur de la Banque Nationale avait alerté l’AMF dès
avril 2004 au sujet d’un détournement de fonds de 2
millions de dollars au profit de Vincent Lacroix.
Si vous avez perdu de l’argent en investissant dans l’un
des fonds Norbourg, il vaut peut-être mieux que vous ne
lisiez pas ceci. Parce que les informations qui viennent
d’être rendues publiques dans le cadre du recours
collectif intenté au nom des 9200 investisseurs floués
ont de quoi faire trépasser les coeurs sensibles.
PHOTO PATRICK SANFAÇON,
ARCHIVES LA PRESSE
À l’automne de 2002,
Jean Lorrain, directeur de la conformité à l’AMF, a
réclamé la tenue d’une inspection formelle de la firme
fondée par Vincent Lacroix.
On savait déjà que l’Autorité des marchés financiers
(AMF) avait ignoré certains signaux louches dans les
mois qui ont précédé les perquisitions policières dans
les bureaux de Norbourg, en août 2005. Mais on ignorait
qu’un enquêteur de la Banque Nationale avait alerté
l’AMF dès avril 2004 au sujet d’un détournement de fonds
de 2 millions de dollars au profit de Vincent Lacroix.
Or, plutôt que d’agir, l’Autorité s’est pratiquement
assise sur cette information.
Depuis l ’éclatement de l ’ a f f a i re Norbourg, tous
les observateurs s’interrogent sur l’aveuglement de
l’Autorité. Pourquoi ne s’était-elle pas intéressée de
plus près à la croissance suspecte de Norbourg, qui
achetait firme sur firme sans qu’on sache d’où
provenaient les fonds ?
Or, il
appert que l’ancien directeur de la conformité de
l’Autorité – qui portait à l’époque le nom de Commission
des valeurs mobilières du Québec – a eu des doutes dès
2001 au sujet de Norbourg, tandis que cette firme
envisageait l’acquisition du courtier Maxima Capital.
À l’automne de 2002, Jean Lorrain a réclamé la tenue
d’une inspection formelle de la firme fondée par Vincent
Lacroix. Cette i nspection a mis au j o u r des i n f o
r mat i o n s troublantes.
Norbourg était i ncapable de produire des copies
imprimées de ses états de compte chez le gardien de
valeurs Northern Trust, contrairement à la pratique
établie dans l’industrie. Et Vincent Lacroix trichait
vraisemblablement le fisc sur ses frais de
représentation. Alarmé, Jean Lorrain a ordonné le
déclenchement d’une enquête. Mais, celle-ci ne s’ouvrira
que 22 mois plus tard, soit en octobre 2004. Voir page 4
Entre-temps,
Jean Lorrain a été muté à un autre poste et le dossier
Norbourg est tombé dans les limbes, selon les avocats de
la poursuite, qui ont reconstitué le fil des événements
après avoir interviewé toutes les personnes associées au
dossier.
Le successeur de Jean Lorrain à la conformité est Pierre
Bettez, enquêteur de l a Sûreté du Québec qui est prêté
à l’Autorité. À son arrivée, il ignore que son
prédécesseur a demandé l’ouverture d’une enquête sur
Norbourg, requête qui s ’est apparemment perdue dans un
dédale administratif.
Mais il ne peut pas ignorer la gravité de l’information
que lui communique Michel Carlos en avril 2004. Cet
ancien policier à l’emploi de la Banque Nationale est
chargé de détecter les transactions frauduleuses et les
opérations de blanchiment d’argent.
Un mois plus tôt, il a découvert que Vincent Lacroix a
détourné 2 millions de dollars d’un compte de Norbourg à
la caisse populaire de La Prairie à son compte personnel
à la Banque Nationale, au moyen de faux transferts
électroniques.
Michel Carlos prend l ’ i nitiative d’appeler Pierre
Bettez parce que les deux hommes se connaissent.
L’enquêteur de la Nationale l’informe, en outre, qu’il
transmettra son dossier au Centre d’analyse des
opérations et des déclarations financières du Canada
(CANAFE), ce qu’il fera en juin. Cette agence fédérale a
pour mission de surveiller les transactions financières
pour contrer le blanchiment d’argent et le f i nancement
d’activités terroristes.
En
réaction, Pierre Bettez alerte l ’escouade des crimes
économiques de la Sûreté du Québec (SQ), puisqu’il est
déjà d’avis que Vincent Lacroix « est un bandit », selon
ce qu’il a affirmé lors de son interrogatoire, en
novembre 2008. Mais il n’informe personne d’autre à
l’Autorité, qui a pourtant les pleins pouvoirs, comme
son nom l’indique, pour intervenir et discipliner les
intermédiaires du marché. L’avertissement de l’enquêteur
de la Nationale reste donc sans suite.
Entre cet avertissement et les perquisitions qui ont
sonné le glas de Norbourg, en août 2005, Vincent Lacroix
aurait puisé 63 millions de plus dans les comptes des i
nvestisseurs de Norbourg, prétendent les avocats qui ont
intenté le recours collectif. C’est plus de la moitié
des retraits frauduleux de 115 millions de dollars qui
ont été recensés entre 2002 et 2005.
L’Autorité aurait eu une autre chance de se ressaisir. À
la suite de la dénonciation de Michel Carlos, le CANAFE
produit son propre rapport sur ce qui a toutes les
apparences de détournements de fonds chez Norbourg.
Cette agence fédérale l’envoie à l’officier de la
Gendarmerie royale du Canada (GRC) qui dirige la
nouvelle équipe intégrée de la police des marchés
financiers, composée d’agents de la GRC et de la SQ.
C’est ainsi que le rapport du CANAFE aboutit sur le
bureau de Pierre Bettez qui, entretemps, est revenu à la
SQ. Pierre Bettez l’envoie par télécopieur en avril 2005
à Claire Lewis, directrice des enquêtes et du
contentieux à l’Autorité. Celle-ci n’en a aucun
souvenir, même si une copie du rapport a été retrouvée
dans son bureau après qu’elle eut quitté ses fonctions,
en juillet 2005. « Le rapport n’a pas été analysé
sur-le-champ. Un fax qui entre chez nous, quelqu’un
prend cela, met cela là. C’est ce qui c’est passé, je ne
vous le cache pas », expliquait Jean St-Gelais, PDG de
l’Autorité, dans une entrevue accordée à La Presse en
décembre 2005.
Quoi dire de plus... Je pourrais déchirer ma chemise,
gueuler sur tous les toits. Mais très franchement, ces
faits accablants en disent plus long sur l’incurie qui
régnait à la CVMQ et à l’Autorité à l’époque que je ne
saurais jamais l’écrire. En un mot comme en mille, c’est
révoltant.
Les
banques coupables de la crise, selon une étude
À titre d'exemple, l'ancien
numéro un américain du crédit hypothécaire Countrywide
Financial, racheté en 2008 par Bank of America pour lui
éviter la faillite, a émis au moins 97,2 milliards de
dollars de prêts à risque, selon l'étude.
Les banques américaines et
européennes n'ont pas été des victimes de la crise
financière qui a éclaté aux États-Unis en 2008, mais sont
coupables de l'avoir délibérément provoquée, estime mercredi
une organisation américaine de journalisme d'investigation.
Le Center for Public Integrity estime à 25 le nombre
d'organismes de crédits immobiliers dont les prêt à risques
consentis sont à l'origine de la crise du marché immobilier
qui a éclaté en 2007 et qui a provoqué la crise économique. La
plupart de ces organismes étaient détenus par des banques
américaines et européennes ou bien n'ont pas pu consentir
leurs prêts à risque, appelés «subprime», sans la complaisance
des banques, indique l'organistation.
«Les méga banques qui ont financé l'industrie des subprime
n'ont pas été victimes d'un effondrement imprévu du secteur de
la finance, comme elles l'ont parfois dit», indique le
directeur exécutif de l'organisation Bill Buzenberg.
«Ces banques ont, de manière délibérée, facilité le
financement des prêts qui menacent maintenant le système
financier», ajoute-t-il.
Cette étude a été publiée alors que la Chambre des
représentants américaine devait approuver mercredi un projet
de loi visant à créer une commission d'enquête indépendante
pour examiner les causes de la crise économique, sur le modèle
de celle instaurée après les attentats du 11 septembre 2001.
Le Center for Public Integrity a indiqué qu'il avait étudié
des données du gouvernement américain portant sur près de 7,2
millions de prêts à risques consentis entre 2005 et 2007,
juste avant que la bulle immobilière n'éclate.
L'étude indique que ces 25 organismes de crédits immobiliers
représentaient près de 1 000 milliards de dollars, soit près
de 72% des prêts hypothécaires consentis à des emprunteurs peu
solides.
Au moins 21 des 25 organismes ont été financés par des banques
renflouées par le gouvernement américain, et 11 d'entre eux
ont payé des sommes importantes pour éviter des poursuites
judiciaires pour des abus.
Quatre de ces organismes ont reçu directement des fonds
publics, parmi lesquels l'assureur AIG et la banque Citigroup.
Parmi les autres banques citées figurent les Britanniques HSBC
et Barclays Bank.
À titre d'exemple, l'ancien numéro un américain du crédit
hypothécaire Countrywide Financial, racheté en 2008 par Bank
of America pour lui éviter la faillite, a émis au moins 97,2
milliards de dollars de prêts à risque, selon l'étude.
«Les banques ont réalisé d'énormes bénéfices pendant que leurs
dirigeants récoltaient des primes conséquentes jusqu'à ce que
le marché immobilier s'effondre», indique l'étude.
Un nouveau
président américain ça ne change pas la Bourse, sauf que…
De toute
l’histoire des ÉtatsUnis, aucun président n’a été accueilli
aussi froidement à la Bourse queBarack Obama. Alors même que le
44e président américain prononçait son discours inaugural du
haut des marches duCapitole, le 20 janvier dernier, Wall Street
s’enfonçait de 5%.
Son secrétaire au Trésor n’a guère été mieux reçu. Timothy
Geithner a eu droit à une gifle en guise de bienvenue. Le jour
de l’annonce de son plan de stabilisation financière, le 10
février, la Bourse a glissé de 5%.
Les marchés étaient sur le qui-vive. Les investisseurs nerveux
et impatients s’attendaient à un plan détaillé, des mesures
concrètes, un calendrier précis. L’annonce les a laissés sur
leur faim. Et les détails des différents volets de ce plan, qui
ont été présentés les semaines suivantes, ne les ont pas calmés.
La Bourse a poursuivi sa dégringolade pendant un mois.
Changement de psychologie
Puis, au début de mars, les investisseurs ont changé leur
perception, du tout au tout. La Bourse, qui avait perdu 22%
depuis la prestation de serment de Barack Obama, a regagné le
terrain perdu aussi vite.
« Avec les politiques fiscales et monétaires, les marchés
boursiers ont commencé à écarter la possibilité que l’économie
glisse dans une grande dépression, dans un trou sans fond. C’est
un résultat direct des mesures prises par l’administration Obama
», estime Carlos Leitao, économiste en chef pour Valeurs
mobilières Banque Laurentienne.
C’est l’annonce du volet du plan Geithner destiné à purger le
bilan des banques de leurs actifs toxiques qui a relancé la
Bourse. « C’est très ironique, à mon avis, car le plan est resté
le même. Il y a peu de différence », note M. Leitao.
Mais les marchés ont finalement compris que le gouvernement ne
laissera plus tomber les banques, comme Lehman Brothers
l’automne dernier.
« Au besoin, l’État est prêt à injecter des capitaux dans les
banques, sous forme d’actions privilégiées. Est-ce que c’est une
nationalisation ou pas? Peu importe. L’important c’est qu’il n’y
aura pas d’autres grosses faillites bancaires », dit Jean-René
Adam, gestionnaire de portefeuille sur les marchés
nord-américains chez Hexavest.
Et comme les banques sont les poumons de l’économie, on redonne
de l’oxygène à tout le monde, en assurant leur survie,
ajoute-t-il.
Des étoiles dans le bulletin
Avec un peu de recul, les marchés accordent une bonne note à
l’administration Obama, pour ses 100 premiers jours au pouvoir.
« Obama a été vraiment très énergique. Il a très bien fait du
point de vue économique, en agissant sur le front de la
politique fiscale, monétaire et internationale, lorsdes
différents sommets économiques », estime M. Leitao.
En effet,
Barack Obama a marqué des points lors du sommet du G20, au début
d’avril. Généralement, les investisseurs voient d’un oeil
cynique ces rassemblements qui débouchent sur un communiqué
flou. Pas cette fois!
Conscient que la main invisible du marché ne peut pas toujours
tout régler, le G20 s’est entendu pour renflouer le Fonds
monétaire international (FMI), à court de ressources,
marginalisé au cours des dernières années. Les Américains, qui
étaient sceptiques face aux organisations multilatérales, lui
ont accordé leur soutien. Selon M. Leitao, il est important
d’avoir une organisation comme le FMI afin d’aider des pays
comme l’Ukraine ou la Turquie, écorchés par l’implosion du
commerce mondial.
Obama mérite aussi des éloges des investisseurs pour son plan
d’évacuation des actifs toxiques des banques. « La structure du
programme au complet est ingénieuse », considère M. Adam. Par
exemple, le plan laisse le soin aux investisseurs privés de
déterminer le juste prix des actifs, et il utilise l’effet de
levier, profitant ainsi de la faiblesse des taux d’intérêt. «
C’est un bon coup! On y croit », lance M. Adam.
Des ombres au tableau
Néanmoins, certains critiquent la lenteur de l’administration
Obama à passer aux actes, alors de la crise financière nécessite
des gestes rapides.
« On ne peut pas dire qu’ils ont chômé. Ils sont très actifs,
ils jouent sur plusieurs tableaux. Mais il y a beaucoup de
délais entre les annonces et la mise en application des mesures
», souligne Pierre Lapointe, stratège à la Financière Banque
Nationale.
Par exemple, le TALF n’a pas encore atteint sa vitesse de
croisière. Dévoilé dès l’automne 2008, le programme vise à
repartir la titrisation, c’est-à-dire la structuration de
produits financiers afin d’assurer le crédit à la consommation
pour les ménages.
Obama a relancé le programme, au début de mars, parlant d’une
bouffée d’oxygène de 1000 milliards de dollars. Or, à peine
8milliards de dollar ont été accordés jusqu’à maintenan indique
M. Lapointe. « C’est essentie que ça reparte, car 65% du crédit
à l consommation n’est pas issu du sec teur bancaire »,
précise-t-il.
Il n’y a encore rien de concret no plus du côté du programme de
racha des actifs toxiques, dévoilé il y a plu d’un mois. « Ce
n’est pas encore com mencé », dit M. Lapointe. Les inves
tisseurs sont au rendez-vous. Mai les banques sont réticentes à
mettr sur la place publique leurs actifs le plus sales.
Après la crise, le désert?
Mais déjà les signes vitaux dumar ché du crédit se sont
améliorés. L crise n’est plus aussi aiguë, grâce au
interventions combinées du gouver nement et de la Réserve
fédérale.
« Oui, le crédit se remet en marche mais de manière lente,
tranquill et prudente. Cela ne reviendra plu comme avant »,
soutient M. Leitao Il faut dire que la roue du créd tournait si
vite qu’elle a surchauff la consommation et fait déraille
l’économie.
Lorsque la crise financière et l récession seront bel et bien
écartée il faudra se contenter d’un rythme d croissance beaucoup
plus modéré.
Et si l’on se fie à l’histoire, le investisseurs devront
patienter long temps avant de récupérer leurs pertes,
estime M.
Lapointe, qui a analysé 15 épisodes de crises financières
depuis 50 ans.
En moyenne, les crises financières entraînent un plongeon
boursier de 40% qui s’étire sur presque deux ans (21 mois). À
partir du creux, il faut attendre encore plus longtemps (25
mois) pour que la Bourse remonte au niveau atteint avant la
crise.
Au total,
c’est presque quatre ans de perdu, parfois encore plus. Après
la crise de la fin des années 70, l’Espagneamisplusde 10 ans à
récupérer ses pertes. Et le Japon n’est pas encore revenu au
même niveau qu’avant la crise des années 90.
Depuis le début de la crise actuelle, la Bourse américaine a
perdu 56%, pour échouer à un creux des 12 dernières années, au
début de mars. Même si elle a rebondi de 20%, il reste encore
beaucoup de chemin à parcourir.
Une route qui pourrait être longue et frustrante pour les
investisseurs. Un environnement qui pourrait ressembler à
celui des années 70, avec beaucoup de volatilité, mais aucune
augmentation soutenue des indices boursiers sur une très
longue période.
Comment les investisseurs peuvent-ils s’adapter? D’abord, en
réduisant tout de suite leurs attentes. « De 12-15% de
rendement, c’est tout à fait irréaliste », répond M. Leitao.
Et ensuite, en misant sur les bonnes entreprises. « Il faudra
bien faire ses devoirs. Ce sera une histoire de sélection de
titres, pense M. Leitao. Si on achète l’indice, on risque
d’être déçu. »
Obligations : la dette devient indigeste - RUDY LE COURS
Pour la
première fois depuis belle lurette, le Trésor américain n’a
pas trouvé facilement preneur pour ses titres de dette, la
semaine dernière.
Il faut dire que l’offre était gigantesque : 118 milliards US.
Les acheteurs étaient moins nombreux, les Chinois ayant
notamment fait la fine bouche. Les taux obligataires sur
titres de moyen et long termes du Trésor américain ont
augmenté.
« On commence à sentir une certaine indigestion du côté des
marchés » , explique en entrevue Paul-André Pinsonnault,
économiste principal à la Financière Banque Nationale.
À preuve, depuis février, les taux d’obligations américaines
venant à échéance dans 10 ans ont grimpé de 25 centièmes. En
début de semaine, ils se négociaient à 3,87 %. C’est beaucoup
plus que les titres canadiens de même échéance qui ont gagné
18 points centésimaux au cours de la même période et qui se
négocient aux environs de 3,57 %.
TantOttawaqueWashington doivent financer leurs déficits créés
pour relancer l’économie. Les taux obligataires sont donc
appelés à grimper, surtout dans un contexte où la croissance
est robuste, comme c’est le cas présentement.
Washington
doit émettre pour 2400 milliards de dette cette année,
rappelle Michel Doucet, vice-président, groupe-conseil en
portefeuille, c hez Va l e u r s mobi l i ères Desjardins.
Comme l’économie va de mieux en mieux, les marchés en sont
venus à la conclusion que la structure des taux est appelée à
grimper de 100 à 150 centièmes cette année.
Cela ramènerait les 10 ans vers des taux de 4,50 % à 4,75 %. «
On y va graduellement, surtout si les données sur l’emploi
sont bonnes vendredi. » La prévision consensuelle est
d’environ 200 000 nouveaux emplois en mars.
M. Doucet rappelle qu’avant l’éclatement de la crise
financière en 2007, les taux des 10 ans avaient atteint 5,3 %
le 1er juin 2007. Le 1er septembre, alors qu’elle commençait,
ils étaient déjà descendus à 4,50 %. Le creux de 2,07 % a été
touché le 29 décembre 2008. Après avoir j oué au yoyo en début
d’année, ils sont sur une remontée depuis le 2 mars.
M. Pinsonnault est d’avis que les taux de 10 ans vont
atteindre leur sommet de 2010 durant l’été, aux environs de
4,37 %. Ils reculeront par la suite, en parallèle avec les
perspectives de ralentissement de la croissance économique en
2011. Cette décélération sera attribuable à l’épuisement du
programme de relance de quelque 787 milliards approuvé l ’a n
dernier par la nouvelle administration Obama. De 3,0 % cette
année, la croissance de l’économie américaine sera plutôt
entre 2,0 % et 2,5 % selon le scénario économique de la
Financière. « Dans un tel contexte, les taux obligataires ont
tendance à reculer, car les marchés s’attendent à ce que la
Réserve fédérale fasse une pause dans le resserrement
monétaire », observe M. Pinsonnault.
À moyen t erme, cependant, les éléments structurels
reprendront le dessus sur les éléments cycliques : les taux
remonteront, car l’offre de dette restera élevée. Davantage
cependant aux États-Unis qu’au Canada, où les besoins
d’emprunt des gouvernements sont moins colossaux.
La crise mondiale révèle l’interdépendance entre
les nations - RUDY LE COURS
S’ il est une
grande leçon à tirer de la crise actuelle, « c’est que nous ne
vivons pas dans un monde de découplage ». Dominique
Strauss-Kahn,
directeur général du Fonds monétaire international, à la
Conférence de Montréal hier. « Il existe un seul système
financier mondial, a-t-il souligné. Aucune réglementation
nationale n’a de sens. »
Ainsi voulait résumer ce que nous traversons le président du
Groupe de la Banque mondiale Robert B. Zoellick. Il était
interviewé par l’animateur américain Charlie Rose en guise de
causerie lors de la première journée de la Conférence de
Montréal, qui en est à sa 15e présentation.
M. Zoellick s’est attardé aux difficultés posées par la
nécessité de multiplier les ententes multilatérales. Si le G20
paraît hériter du rôle de leader, son formalisme pose des
problèmes d’efficacité. Des sous-groupes influents devront
faire cheminer des dossiers importants. « Quel sera le rôle du
G8 dans cette nouvelle dynamique alors que le Canada héritera
de sa direction l’an prochain? » s’est-il demandé.
Chose certaine, le monde sortira de cette récession un peu
transformé. La mondialisation devra se montrer plus inclusive,
a-t-il ajouté. Il craint toutefois que les vieux réflexes
protectionnistes renversent la marche de l’Histoire.
Avant lui, le directeur général du Fonds monétaire
international Dominique Strauss-Kahn avait insisté que les
décisions des autorités politiques devront être de nature
multilatérale. Il faisait allusion à la refonte de la
réglementation financière. « Il existe un seul système
financier mondial, a-t-il souligné. Aucune réglementation
nationale n’a de sens. »
Vieux et
nouveaux problèmes
S’il existe de vieux problèmes à résoudre comme la
réglementation des fonds de couverture, de la prise de risque
ou la variation des prix des actifs dans la conduite de la
politique monétaire, de nouveaux apparaîtront au sortir de la
récession actuelle. « Le secteur financier sera plus petit,
mais comment le rendre efficace? Par une meilleure
réglementation, oui, mais pas par une réglementation
excessive. »
De son côté, le secrétaire général du Commonwealth Kamalesh
Sharma a présenté la mondialisation sous un jour nouveau. Le
monde se comprime et s’interpénètre, a-t-il plaidé, même des
valeurs comme la justice ne peuvent reposer seulement sur des
bases nationales. « S’il est vrai que les membres du G20
représentent 90% de la taille de l’économie mondiale, 90% des
pays ne font pas partie du G20. La croissance économique doit
devenir un instrument de solidarité pour aider les pays
émergents à s’extirper de la pauvreté. »
Son discours cohérent contrastait avec les réflexions à bâtons
rompus de M. Zoellick. Celui-ci avait quand même mentionné que
bien des pays n’ont pas les avantages des États-Unis, qui
n’ont aucun problème à financer un déficit budgétaire à
hauteur de 13% de la taille de leur économie. « Il n’existe
tout simplement pas de marché pour la dette de plusieurs
États. »
Voilà pourquoi l’assistance de 1300 milliards promise à
Londres par le G20 est si capitale pour aider ces nations à
traverser la crise qui, après avoir frappé le système
financier, puis l’économie réelle, s’attaque maintenant aux
gens en détruisant des emplois.
Or, la part promise par les États-Unis au FMI tarde à arriver,
car elle fait l’objet de débats devant le Congrès.
Robert
B.
Zoellick, président de la Banque mondiale. « Il n’existe
tout simplement pas de marché pour la dette de plusieurs
États », a-t-il affirmé hier.
Cela fait ressort i r que la crise actuelle en est aussi une
de confiance, soulignait pour sa part Anne Golden, PDG du
Conference Board du Canada. « Il faut rétablir la confiance
et l’optimisme sinon le capitalisme pourrait sombrer. La
confiance demeure la clé d’une reprise moderne et complexe.
»
Si celle des consommateurs prend du mieux, observe Jan
Hatzius, économiste en chef pour les États-Unis de la banque
d’affaires Goldman Sachs, c’est que les Américains ont
l’impression que le pire est passé, bien que plusieurs défis
demeurent. Il prédit une reprise aux États-Unis en fin
d’année, alors le directeur général duFMI la voit plutôt
l’an prochain. « On ne doit pas se contenter de regarder les
États-Unis. L’Europe et le Japon peuvent avoir des effets
sur les États-Unis », a lancé M. Strauss-Kahn à M. Hatzius
qui, avec Mme Golden, participaient à l’atelier Le système
financier après la crise : nouveaux acteurs, nouveaux
enjeux.
Dans cette grande java mondialisée, le Canada paraît un
danseur de premier ordre. Le secrétaire général de
l’Organisation de coopération et de développement
économique, Angel Gurria, a souligné que, selon l’indicateur
avancé de l’organisme situé à Paris, notre pays est moins
frappé par la récession mondiale, dispose d’institutions
plus solides et sera un des premiers à connaître la reprise.
Le premier
ministre du Québec Jean Charest n’a pas raté l’occasion de
souligner que le Québec avait créé des emplois pour le
deuxième mois d’affilée en mai.
Il a lancé un vif plaidoyer en faveur du libre-échange,
rappelant son rôle dans les négociations actuelles entre
l’Europe et le Canada en vue d’un partenariat économique qui
inclurait la mobilité professionnelle.
Il a annoncé aussi que son gouvernement déposera aujourd’hui
un projet de loi pour libéraliser la mobilité
interprovinciale de la main-d’oeuvre.
La deuxième journée de la conférence portera sur le
développement durable.
Le géant
avec les grosses clés de char - Stéphane
Laporte
Mon père avait le Chevrolet tatoué sur le coeur, comme moi
j’avais le CH. Pour lui, c’était la voiture idéale. C’était pas
une voiture d’excités. C’était pas une voiture de snobs. C’était
pas une voiture de hippies. C’était une voiture de monsieur. De
monsieur responsable qui voulait un char confortable.
La première fois que je l’ai vu, je devais avoir 5 ans. Je
m’en souviens encore. Nous roulions sur le tout nouveau boulevard
Décarie. On revenait de chez mon oncle Jacques à Joliette. Soudain
ma mère nous a dit : « Regardez à droite, c’est là que votre père
a acheté sa voiture. » Je me suis retourné. Et il était là.
Impossible de le manquer. Il devait mesurer 10 millions de pieds.
Mais il n’avait pas de corps. Juste une tête. Une énorme tête
chauve. Des gros yeux ronds. Et un gigantesque sourire de vendeur
de chars. Son nom était écrit sous son visage, en grosses lettres
attachées : Harold Cummings. Son immense main tendait des grosses
clés de char. Comme King Kong tenant la belle fille dans sa grosse
patte. Il nous invitait à acheter. Et on ne pouvait pas refuser.
Je n’avais jamais vu une aussi grosse face de ma vie. C’était
épeurant. Je savais que c’était une affiche géante, mais le
monsieur avait l’air tellement vrai. Et tellement big. Plus big
qu’Elvis. Plus big que Batman. Il devait être important. Il
l’était. Le monsieur était celui qui faisait rouler Montréal en
General Motors.
Depuis ce jour, chaque fois que nous descendions le boulevard
Décarie, je le fixais des yeux. Elle me fascinait, la grosse tête
d’Harold. Parfois j’avais l’impression de voir bouger ses
sourcils, alors je regardais ailleurs. Et le soir, j’en faisais
des cauchemars. Il échappait ses grosses clés sur ma petite tête.
Ayoye!
Mon père a toujours acheté des Chevrolet. Toujours chez
Harold Cummings. D’abord une Chevrolet Biscayne, puis une
Chevrolet Impala, puis une Chevrolet Bel Air, et enfin une
Chevrolet Monte Carlo. Quatre Chevrolet en environ 40 ans. C’est
vous dire comment il les usait. Elle était belle, son Impala grise
en 1965, fraîchement sortie du concessionnaire. Elle était poquée
en 1973, quand il a finalement décidé de la changer. C’était un
tacot. Encore plus rouillée que la Fiat à Columbo.
Chaque fois que mon père allait chez le concessionnaire,
j’avais l’impression qu’il rencontrait le géant Harold en
personne. Et que tel Yahvé donnant les tables de la loi à Moïse,
Harold se penchait pour remettre les clés de sa nouvelle voiture à
mon père.
Quand il revenait avec sa nouvelle Chevrolet, c’était
toujours le même cérémonial. Toute la famille embarquait dans le
nouveau carrosse et nous partions sur un nowhere. Un nowhere de 45
minutes environ. Le temps de passer devant la grosse pancarte
d’Harold Cummings et d’aller à l’Orange Julep, à la commande à
l’auto. On était sûrs que la serveuse se pâmerait sur notre
rutilante voiture. Mais c’est à peine si elle la regardait. Faut
dire que les autos de mon père n’étaient jamais d’une couleur
attrayante. La Bel Air, celle qui m’a conduit du collège à
l’université, était brune. Un brun foncé, peu inspirant. C’était
pas la faute à papa. C’est parce que mon père achetait toujours le
démonstrateur, pour avoir un meilleur prix. Harold était fin avec
lui.
Mon père avait le Chevrolet tatoué sur le coeur, comme moi
j’avais le CH. Pour lui, c’était la voiture idéale. C’était pas
une voiture d’excités. C’était pas une voiture de snobs. C’était
pas une voiture de hippies. C’était une voiture de monsieur.
Demonsieur responsable qui voulait un char confortable. Pour mon
père, une auto, c’était une GM, comme un mouchoir, c’était un
Kleenex, et un réfrigérateur, un Frigidaire.
Quand les Japonaises sont devenues populaires, il ne les a
même pas regardées. Mon frère s’est acheté une Honda, ça l’a fait
rire. C’était correct pour un étudiant. C’était une étape, entre
la bicyclette et une vraie voiture, une voiture de papa, une
Chevrolet.
Avec des clients comme ça, le géant avec les grosses clés de
char s’est endormi. C’est ça quand on devient trop gros. On
fatigue plus vite. On digère lentement. Et on pique des sommes. De
20 ans. Les concurrents en profitent pour nous dépasser dans la
courbe. Tasse-toi, mon oncle !
Des pat rons obèses , des syndicats obèses, des affiliés
obèses, ça ne fait pas une entreprise dynamique.
Si mon père était encore vivant, il n’en reviendrait pas.
General Motors, qui était, dans son temps, la compagnie la plus
prospère du monde, est au bord de la faillite. Au bord du
précipice. Et Obama s’apprête à peser sur le gaz. Bye bye
Chevrolet, Pontiac, Oldsmobile ! Le géant va tomber.
Mon père avait beau jurer par Chevrolet, il s’est bien rendu
compte que son dernier modèle n’était pas de la qualité des belles
d’autrefois. La finition n’était plus la même. Les lignes étaient
moins pures. On créait plein de nouvelles marques, mais c’était
toujours les mêmes pièces. Il le disait: GM, c’est plus ce que
c’était. Il le savait. Mais fidèle, il n’a jamais pensé tromper sa
belle avec une Toyota.
Il y a plein de gens qui se sont tannés avant lui. Et le
géant n’a pas eu la souplesse de les retenir, trop ankylosé à
tenir ses grosses clés.
La fin de General Motors est la fin d’une époque. Le XXe
siècle aura été le siècle de l’automobile. Le XXIe siècle est
celui de l’ordinateur. En un clic, on se rend plus loin que
n’importe quel véhicule.
Sauf qu’on se rend tout seul. On avait beau, dans le Bel Air
de mon père, avancer pare-chocs à pare-chocs sur le boulevard
Décarie, on avançait ensemble. Et ça faisait de doux souvenirs.
L’un freine, l’autre démarre - SOPHIE
COUSINEAU
Magna a en
quelque sorte créé sa chance. L’entreprise se trouve en
excellente santé financière, même si sa rentabilité se
dégrade, compte tenu des difficultés de ses principaux
clients. L’entreprise avait 1,75 milliard de dollars
américains en liquidités au 31 mars.
C’est un scénario tellement surréaliste qu’on aurait dit à son
improbable scripteur qu’il ne tient pas la route. Pensez-y.
General Motors, une entreprise centenaire qui a longtemps
symbolisé la domination de l’économie américaine, se mettra à
l’abri de ses créanciers ce matin. C’est le président Barack
Obama lui-même qui en fera l’annonce, selon les médias
américains. Émigré
au Canada à l’âge de 21 ans avec seulement 200$ dans sa
valise, Frank Stronach est maintenant à la tête de Magna,
qui affiche un chiffre d’affaires de 23,7 milliards de
dollars américains.
Même si les analystes voient venir cette restructuration
judiciaire depuis quelques semaines déjà, même si GM est
parvenu à un accord avec ses créanciers et ses travailleurs
syndiqués, l’affaire n’est pas banale. C’est la page la plus
sombre dans l’histoire de ce constructeur américain tout
déglingué, qui est porté à bout de bras par des gouvernements
fauchés. Et cela, même si GM envisage le recours au chapitre
11 de la loi sur la faillite comme le moyen le plus expéditif
de sortir des soins intensifs.
Au même moment, le Canada, ce sous-traitant de Detroit qui
joue les éternels seconds, se réveille en sursaut comme
producteur d’autos, à une époque où les constructeurs
nationaux de l’Occident cèdent la route à des constructeurs du
Japon, de la Chine, de l’Inde et d’ailleurs en Orient ! Inouï.
« Nous voulons construire des voitures Opel au Canada », a
déclaré Frank Stronach à un quotidien torontois vendredi, peu
après avoir appris que son entreprise, le fabricant de pièces
Magna International, de l’Ontario, avait remporté les enchères
pour le contrôle de la division allemande de GM.
Ce n’est pas demain la veille que l’on verra des Opel sortir
d’une chaîne de montage en Ontario! Mais on pardonnera à Frank
Stronach son enthousiasme, lui qui réalise maintenant un vieux
rêve.
Au Québec, Frank Stronach est moins connu que sa fille
Belinda. Cette fugace députée fédérale s’est fait connaître
pour avoir traversé la Chambre et avoir largué sans cérémonie
son compagnon, l’actuel ministre de la Défense nationale,
Peter MacKay. Mais il est de notoriété publique que Frank
Stronach, cet immigré autrichien qui a fondé Magna en 1957
dans un garage de Toronto, ambitionne de devenir constructeur
en propre. Celui-ci a investi plus de 1,5 milliard de dollars
dans Magna en échange d’une participation de 20%. Mais cette
association controversée s’est disloquée l’automne dernier en
raison des difficultés financières de Deripaska, qui peine à
refinancer ses dettes.
Malgré tout, les yeux de Frank Stronach sont toujours rivés
sur la Russie, le marché automobile qui connaissait la
croissance la plus forte en Europe avant que n’éclate la crise
financière. Pour prendre le contrôle de l’exploitation d’Opel,
Magna s’est associée à la banque d’État russe Sberbank.
Réunis, ces partenaires possèdent 55% d’Opel, alors queGM(35%)
et les employés (10%) se partagent le reste.
Magna a joué de chance avec Opel. Le constructeur italien Fiat
croyait l’emporter pour former un groupe industriel dominant
avec Chrysler. Mais en Allemagne, Magna s’est gagné la faveur
des dirigeants syndicaux et des politiciens en quête de
réélection, en annonçant une restructuration moins
douloureuse. La moitié des 50 000 salariés d’Opel travaille au
pays de Goethe.
En Europe, Magna fabrique déjà en sous-traitance certains
modèles, comme les BMWX3, les Jeep Commander et les camions
Mercedes-Benz de classe G.
Frank
Stronach avait tenté de racheter Chrysler au printemps de 2007
des mains de Daimler, mais il s’était fait damer le pion par
le fonds américain Cerberus – ce dont il se félicite
maintenant. À la même époque, il s’est associé à l’oligarque
russe Oleg Deripaska, qui contrôle le constructeur automobile
GAZ. Magna compte néanmoins abolir 11 000 postes.
Toutefois, Magna a en quelque sorte créé sa chance.
L’entreprise se trouve en excellente santé financière, même si
sa rentabilité se dégrade, compte tenu des difficultés de ses
principaux clients, GM en tête. L’entreprise avait 1,75
milliard de dollars américains en liquidités au 31 mars.
Frank Stronach, qui a émigré au Canada à 21 ans avec 200$ dans
sa valise, a tiré des leçons de ses mésaventures. Au début des
années 90, alors que la récession et la guerre du Golfe
faisaient rage, ce self-made-man a failli perdre son empire,
lourdement endetté à la suite d’une série d’acquisitions.
Aujourd’hui, Magna a un chiffre d’affaires de 23,7 milliards
de dollars américains et emploie 82 000 personnes dans 240
usines de par le monde.
Malg r é t out , F r a n k Stronach, passionné de courses de
chevaux, reste un gambler dans l’âme. D’ailleurs, son
entreprise de pistes de course, Magna Entertainment, s’est
mise à l’abri de ses créanciers en mars, à la suite
d’investissements insensés. Frank Stronach n’en fait
généralement qu’à sa tête, une liberté que lui procurent ses
actions à droit de vote multiple, avec 300 votes par titre!
Investir dans un constructeur d’automobiles en 2009, même au
rabais, reste un sport dangereux. À plus forte raison quand on
se met à concurrencer ses propres clients. Cela ne posera
évidemment pas de problème à GM, qui reste actionnaire d’Opel.
Cela
dit, la relance d’Opel sous une nouvelle administration ne
réglera pas le problème de fond de surcapacité de
l’industrie !
En revanche, la concurrence de Magna pourrait être mal reçue
par Fiat, Bayerische Motoren Werke et Volkswagen. Ces clients
et nouveaux rivaux pourraient exercer des représailles à
l’endroit de Magna.
Frank Stronach croit que, en cette période de collaboration et
de partenariats entre constructeurs, les fabricants européens
ne prendront pas ombrage de son investissement dans Opel. Mais
cela reste à voir.
Et puis il y a le fameux marché russe, un marché qui, malgré
les relations de Frank Stronach, reste un Far-West des
affaires.
La route
pour le premier constructeur de voitures du Canada s’annonce
sinueuse.
RÉPARER LE
CAPITALISME - Guy Sorman
Notre système
économique est aussi imparfait que les sociétés elles-mêmes,
mais il a tout de même extrait presque toute l’humanité de la
misère
Ceux qui espèrent en la crise finale du capitalisme vont, de
nouveau, être déçus. La crise dans le capitalisme n’est pas
niable, c’est la troisième récession en un siècle, mais elle
n’est pas une crise du capitalisme. Au rebours des années 30, et
des années 70, les critiques – toute critique est légitime – ne
proposent pas de système alternatif : le fascisme des années 30
et le socialétatisme des années 70 ne sont plus des choix
crédibles. Il est chez les économistes à peu près entendu que le
capitalisme est aussi imparfait que les sociétés humaines
elles-mêmes, mais qu’il a tout de même extrait l’humanité –
presque tout entière –, hors de la misère, et ceci, dans toutes
les civilisations. Il reste à réparer le système, ce qui ne sera
pas simple et exige au préalable une juste compréhension de ce
qui doit être réparé. Les économistes et les gouvernements qui
plus ou moins les écoutent sont, en fait, confrontés à deux
crises distinctes ; l’une est banale, l’autre est
révolutionnaire.
La première exigence, souvent éprouvée dans le passé, exige de
rendre la transition humainement tolérable entre des activités
surannées et des métiers futurs que l’on ne connaît pas encore.
Ce processus dit de « destruction créative » – abandonner
l’ancien pour passer au nouveau – est le moteur du capitalisme :
à un certain degré, il exige une collectivisation des risques,
c’est-à-dire une prise en charge des dégâts par l’État. Tel fut
le scénario suivi dans tous les pays industrialisés dans les
années 70, lorsque les charbonnages, la sidérurgie, le textile
partirent vers des lieux d’exploitation plus profitables, l’Asie
et l’Amérique latine, en particulier : les États ont su gérer
cette transition, ce qui sauva le capitalisme en le rendant
économiquement plus profitable et socialement plus acceptable.
Ce scénario-là se répète en ce moment, à l’identique aux
États-Unis dans l’industrie automobile et, en partie, dans le
secteur bancaire. Sans doute, la construction automobile estelle
à terme condamnée en Amérique du Nord; et le secteur financier
est certainement surdimensionné, partout, par rapport aux
besoins de l’économie réelle. Les gouvernements nord-américains
et européens s’emploient donc à anesthésier sans trop de douleur
un monde ancien pour accoucher d’un monde nouveau : cette
transition, dit Barack Obama, n’est pas une nationalisation. Et
l’art des patrons capitalistes, peaufiné au cours des siècles,
consiste à mutualiser leurs pertes : rien de très nouveau à ce
seuil.
Plus complexe est la crise financière. Il se trouve, et c’est la
cause de la crise que le marché financier est devenu un objet,
quelque peu monstrueux, distinct de l’économie réelle. On sait à
peu près comment fonctionne l’économie réelle: elle obéit à des
modèles relativement prévisibles selon des lois que les
économistes et les gouvernements maîtrisent à peu près. Mais le
marché financier obéit à ses propres lois que nul ne connaît
vraiment ni ne maîtrise: ainsi, les cours de la Bourse ne
montent-ils ni ne descendent en fonction des résultats des
entreprises cotées, mais en fonction de la stratégie financière
des investisseurs. Le choix des investisseurs agit sur les prix
qui agissent sur les stratégies d’investissement: la boucle est
autonome.
Cette
déconnexion entre économie réelle et finance virtuelle n’est pas
constante: les deux sont conduits tôt ou tard à coïncider, mais
on ne sait pas quand. Cela peut prendre 10 ans. Toutes les
tentatives de modéliser le comportement du capitalisme financier
ont jusqu’ici échoué, en particulier les grands écarts du type
présent. La loi de la finance est le « hasard sauvage »
(l’expression est du mathématicien Benoît Mandelbrot).
Pourrait-on se passer du capitalisme financier pour se recentrer
sur le capitalisme réel? Non, car il n’est pas d’innovation
réelle sans finance virtuelle. Par ailleurs, l’énorme croissance
mondiale depuis 25 ans, dont le quasi-monde entier a bénéficié,
a été rendue possible par des innovations financières,
aujourd’hui sulfureuses, mais hier bénéficiaires, comme la
titrisation du crédit hypothécaire. C’est donc l’excès de la
finance qui est périlleux, mais peut-on le réglementer? Tel est
le cri du jour.
On oublie que ce marché financier était déjà très réglementé
avant la crise boursière : ces règles se sont avérées
contre-productives et appliquées par des régulateurs
incompétents. La réglementation a accéléré la crise, obligeant
par exemple, les banques à vendre leurs actions, ce qui a fait
s’effondrer les cours.
Sans aucun doute, la crise présente fera progresser la
connaissance et la prévoyance du risque: un meilleur encadrement
devrait recoller le marché financier et l’économie réelle. La
crise sera terminée lorsque les entrepreneurs, travailleurs,
consommateurs et investisseurs, croiront que les deux
ventricules du capitalisme de nouveau battront au même rythme.
Le capitalisme, en définitive, repose sur la confiance qu’on lui
porte et les services concrets qu’il rend: nul n’est censé aimer
le capitalisme.
La «disneylandisation» de la
politique - Mario Roy
L'actuelle crise économique compte parmi
les échecs du capitalisme. Elle est unanimement vue comme telle,
bien que les opinions divergent quant à la façon de corriger et
d'empêcher à l'avenir de semblables dérives.
Unanimement? Pas tout à fait. La critique radicale du
capitalisme, exprimée notamment la semaine dernière dans un
manifeste politique de Québec solidaire, voit les choses
autrement. Ce document n'est pas unique dans sa teneur. Il possède
une parenté évidente avec, par exemple, les écrits du journaliste
et essayiste français Hervé Kempf. Nous le mentionnons ici parce
que ses deux récents ouvrages sont devenus des best-sellers, mais
on pourrait tout aussi bien évoquer plusieurs auteurs ou scribes
dont les démonstrations sont comparables.
Ainsi, il faut «dépasser le capitalisme», estime le collectif de
Françoise David et Amir Khadir; ou bien «sortir du capitalisme»,
conseille Hervé Kempf.
Dépasser ou sortir? L'idée est la même. Tant d'un point de vue
socioéconomique (Québec solidaire) qu'écologique (Kempf), la crise
actuelle n'est au fond qu'un soubresaut assez banal d'un système
dont la nature profonde a toujours été viciée et le sera toujours.
Ce qui le rend irréformable.
«Ceux qui veulent refonder le capitalisme passent à côté des
vraies questions», dit Québec solidaire. Même «la croissance verte
est une illusion», ajoute Kempf, discréditant à l'avance ce que
plusieurs, dont le président américain Barack Obama, voient comme
le prochain champ d'exercice de la stupéfiante capacité d'innover
du capitalisme.
La virulence de la critique radicale du capitalisme n'est pas
proportionnelle à l'ampleur des échecs de celui-ci. En période de
croissance et de prospérité, ce système est vu comme tout aussi
vicié et irréformable: en France et au Québec, la vulgate
anticapitaliste moderne a été boulonnée pendant les Trente
glorieuses et la Révolution tranquille, périodes fastes s'il en
fut.
Or, aujourd'hui comme hier, échafauder des scénarios dont la
prémisse est la disparition, ou le dépassement, ou la sortie, du
capitalisme est un investissement dans l'équivalent idéologique
des fameux... papiers commerciaux! Le capitalisme ne disparaîtra
pas parce qu'il n'existe rien dans le monde réel à mettre à la
place. De sorte que tout changement (même lourd, et il en faudra)
s'inscrira forcément à l'intérieur de son cadre général.
On peut plaider que nourrir l'utopie est une activité saine et
bienfaisante. Mais, dans les faits, cela concourt à la
disneylandisation du débat politique. C'est-à-dire à l'insertion
de celui-ci dans un monde merveilleux, fantasmagorique, où
s'estompe la frontière entre la réalité et la fiction; où tout
paraît concevable; où se liquéfie la nature même de la politique,
qui est précisément l'art du possible.
À y réfléchir, il est douteux que ce soit sain et bienfaisant.
Pour sortir de la crise: dépasser le capitalisme?, Québec
solidaire, www.quebecsolidaire.net/accueil Pour sauver la planète,
sortez du capitalisme, Hervé Kempf, Le Seuil.
La bulle enflait, enflait... et les Japonais
s’éclataient
TOKYO — Le 29
décembre 1989, l’indice Nikkei de la Bourse de Tokyo
atteignait en clôture 39 915,87 points : apogée de la frénésie
spéculative et de la fièvre acheteuse qui avaient contaminé la
société japonaise. Vingt ans après, on se souvient de la «
bulle » avec nostalgie ou honte. Le
Japon a mis une décennie à se remettre de la frénésie
spéculative et de la fièvre acheteuse qui avaient contaminé
la société nippone en 1989.
« Mon mari travaillait dans le secteur du bâtiment. Les primes
étaient d’un montant faramineux, à tel point qu’on a presque
pu rembourser le prêt contracté pour l’achat de notre
appartement en deux ans », témoigne anonymement une mère de
famille.
« À l’époque, j’étais femme au f oyer, mais, pour me donner de
l’importance, je me promenais avec un gros agenda, ce qui
n’avait pas de sens », reconnaît-elle.
« J’étais au collège. Mon père disait que nous étions une fa
mille pauvre, mais durant la période de la bulle, notre
situation s’est améliorée d’un seul coup », renchérit une
autre sur un forum en ligne.
« Anniversaire ou pas, je n’avais qu’à dire que je voulais
quelque chose pour qu’on me l’achète. La maison s’est emplie
des plus récents appareils électroménagers », ajoute-t-elle.
Et d’avouer : « Mon père a gagné beaucoup d’argent en
boursicotant ».
Destination préférée pour les voyages scolaires en 1989? La
Bourse de Tokyo!
« Tout le monde était devenu spéculateur : on achetait quelque
chose – un terrain, un appartement, un tableau, un bijou – en
se disant que si on le revendait le lendemain, on toucherait
le magot », souligne un ancien employé de banque, Jun Ikeido.
À la veille
de Noël, le magasin Tiffany, dans le quartier tokyoïte chic de
Ginza, avait des airs de braderie. Armani, Versace, Rolex...
le Japon était devenu pour les marques de luxe étrangères un
paradis.
Pour les fabricants et les commerçants, « baburu jidai » (
période de la bulle) rimait avec « tout se vend ». « Surtout
les produits chers », ricanaient les profiteurs, alors légion.
« Les gens avaient confiance en leur banquier, qui leur
prêtait de l’argent et leur promettait de continuer. La
responsabilité des banques dans la formation de la bulle était
énorme », selon M. Ikeido.
La spéculation boursière et immobilière toucha it d’abord les
entreprises qui investissaient dans des terrains de golf,
hôtels et autres lieux de villégiature où se ruaient des
salariés généreusement rémunérés.
Dans les feuilletons de télé, le héros était un blanc-bec
frais émoulu, mais qui habitait déjà dans un immense
appartement chèrement meublé à l’occidentale et allait draguer
dans des restaurants et bars renommés de Tokyo, souvent aux
frais de l’entreprise.
Les étudiants recevaient, plus d’un an avant la fin de leur
cursus universitaire, des centaines d’imprimés racoleurs de
sociétés et collectionnaient les promesses d’embauche. La soif
d’argent dégénéra aussi en retentissants scandales
politico-financiers que symbolisa la tentaculaire affaire de
corruption « Recruit », maison d’édition touche-à-tout qui
distribuait à qui pouvait lui être utile des actions
boursières non déclarées... à revendre au bon moment.
Une décennie pour s’en remettre
Las, six mois après avoir atteint son maximum historique du 29
décembre 1989, le Nikkei ne valait plus que 32 000 points, et
seulement 17 000 fin 1991.
La bulle n’éclata pas soudainement, dans un krach boursier,
mais se dégonfla lentement et inexorablement, étouffant
d’abord les secteurs de l’immobilier et de la finance, avant
d’asphyxier toute l’économie. Le Japon a mis 10 ans à s’en
remettre, connaissant quelques brèves périodes de rémission,
avant de replonger l’an passé, à cause de la crise financière
mondiale. Le Nikkei est tombé à 7054 points le 10 mars 2009 et
tourne aujourd’hui aux environs de 10 500 points.
La part de marché américain du subprime revenue au sommet de
2006
WASHINGTON — La
part du marché des nouveaux prêts immobiliers aux États-Unis
accordés à des ménages au profil financier risqué ( subprime)
est revenue à son sommet atteint en 2006, révèle une étude d’un
économiste de la banque centrale américaine publiée hier. Contrairement
à
la situation qui avait mené à la crise des dans un prêt sans
garantie publique. le privé ne se lance presque plus
maintenant
« La part des emprunteurs avec un score de crédit de moins de
660 ( présentant des garanties limitées) est revenue juste
au-dessus de 20 %, la même que lors du sommet de la titrisation
des s ubprimes en 2006 » , i ndique dans cette étude John
Krainer, économiste de la Banque de réserve fédérale de San
Francisco.
Selon lui, cette part était t ombée à « prat i quement zéro » au
début de 2008.
La t it r i sation des prêts immobiliers subprimes est une
technique qui consistait pour les banques à transformer ces
crédits risqués en titres financiers vendus sur des marchés ni
centralisés ni régulés.
Avec la chute du prix de l’immobilier, la valeur ces t it res
s’est ef fondrée et a entraîné une cascade de pertes pour les
banques qui ont abouti à la crise financière et économique
mondiale.
M. Krainer note toutefois de t rès fortes différences entre les
subprimes actuels et d’avant-crise.
Actuellement, « les t rois organismes de refinancement
hypothécai re parapubl i cs apportent un soutien sans précédent
au marché immobilier, détenant ou garantissant près de 95 % des
nouveaux prêts hypothécaires résidentiels », note M. Krainer.
Le privé ne
se lance donc presque plus dans un prêt subprime sans garantie
publique.
Par ailleurs, « l’écriture de nouveaux prêts hypothécaires a
considérablement ralenti ces deux dernières années (...)
L’endettement net des ménages adossé à un prêt hypothécaire a
reculé chaque trimestre depuis le début de 2006, et est
maintenant négatif pour la première fois depuis les années
1970 ».
Le volume des subprimes a chuté par rapport à 2006, le marché
du prêt immobilier s’étant effondré en trois ans.
Enfin, la nature des prêts subprimes a changé, emprunteurs et
prêteurs étant obligés de se conformer aux règles plus
strictes de Fannie Mae, Freddie Mac et Ginnie Mae.
« Les titrisations réalisées en dehors des organismes
parapublics avaient beaucoup plus de probabilité de comprendre
des prêts à taux variable (...) et de s’accompagner de
renseignements incomplets sur les revenus et actifs de
l’emprunteur », affirme M. Krainer.
« Avec la vaste majorité du prêt hypothécaire actuel désormais
intermédié sous une forme quelconque par les organismes
parapublics, il sera difficile pour le marché immobilier de
revenir à la normale », croit l’économiste.
À ce jour, le Trésor a consacré 95,6 milliards US, et la
Réserve fédérale 766,5 milliards US, au sauvetage de ces
entreprises.
En dehors d’elles, « la titrisation et les prêts détenus dans
les portefeuilles de prêteurs ( privés) se sont largement
taris », souligne l’auteur de l’étude.
Un an après, qu’est-ce qui a changé?
- ALAIN DUBUC
Qu’est-ce qui
a changé, un an après que la faillite de Lehman Brothers ait
déclenché une réaction en chaîne qui nous a menés à cette
crise financière historique ? Pas grand-chose.
Il aurait été naïf de croire que cette crise, aussi sévère
soit-elle, n’entraîne un effondrement du capitalisme ni même
l’avènement d’un nouvel ordre mondial. L’économie de marché
est un modèle souple, capable de se régénérer. On se serait
cependant attendu que les transformations soient assez
substantielles pour montrer de façon tangible que,
collectivement, nous avions appris de nos erreurs.
Mais, pour reprendre le titre de l’essai que j’ai consacré à
la crise, les démons du capitalisme sont toujours bien
vivants. Les efforts pour mieux contrôler les marchés
financiers sont certes sur la bonne voie. Cependant, la
culture qui a mené à la catastrophe, celle de l’imprudence, de
l’avidité, de la spéculation, n’est hélas pas morte, ni même
en veilleuse.
Cela tient peut-être au fait que cette crise, aussi sévère
a-t-elle été, n’a pas eu l’ampleur que l’on avait craint. La
récession ne s’est pas transformée en dépression. La reprise
est arrivée plus vite que prévu. Le système financier, quoique
fragile, n’est plus au bord du gouffre. Cela a créé un faux
sentiment de sécurité, un retour au «business as usual», et
sans doute un sentiment d’invulnérabilité chez ceux qui ont
été les principaux responsables de cette crise.
Il y a
heureusement des progrès. Le rôle nouveau que joue le G20 dans
la coordination des actions internationales est prometteur.
Les efforts pour mieux encadrer le monde financier et pour
identifier les risques systémiques avancent, quoique ce soit
long et compliqué. On pourra mesurer ces progrès la semaine
prochaine, lors de la réunion du G20 à Pittsburgh.
Mais les consensus sont difficiles, les clivages
Europe-États-Unis restent importants, notamment parce que les
Européens ont davantage la réglementation facile. Et surtout,
on ne sait pas jusqu’où les États-Unis, dont l’intervention
est pourtant essentielle, pourront aller. Le train de réformes
financières – avec un organisme de protection des
consommateurs, un rôle de policier pour la Réserve fédérale –
que le président Obama défendait encore avec passion ce lundi
à New York, fait face à d’importants obstacles.
Le président rencontre des résistances idéologiques similaires
à celles qu’il rencontre en santé: un refus de l’État, un
culte du chacun-pour-soi, le spectre du socialisme. Sa
capacité d’action est limitée par un Congrès et un Sénat qu’il
ne contrôle pas vraiment. Wall Street réagit mal à cette
réforme. Signe d’un retour à la «normale», le monde financier
reproche au président un interventionnisme qui l’a pourtant
sauvé et que son irresponsabilité avait rendu nécessaire.
Le plafonnement de la rémunération des dirigeants
d’institutions financières est une autre pomme de discorde. On
a accordé beaucoup d’importance à cette question, parce
qu’elle permet d’exprimer l’indignation des citoyens, et parce
que c’est le seul élément du dossier qui se prête au débat
public et au discours politique. Les rémunérations excessives
sont surtout importantes pour ce qu’elles révèlent, la
concentration de la richesse dans le monde financier, au
détriment de l’économie réelle.
La résistance aux réformes du président Obama, les pratiques
de rémunération qui n’ont pas assez changé, la capacité de
Wall Street de retrouver son euphorie, montrent qu’il a bien
du chemin à faire pour venir à bout de la culture responsable
de la débâcle. Les ravages de la spéculation, qu’on pense au
pétrole ou à notre dollar, montrent aussi qu’il reste bien du
chemin à faire pour nous protéger des dérèglements des marchés
financiers.
Sortirons-nous grandis de la crise? - ALAIN
DUBUC
Peu d’efforts
ont été déployés pour corriger notre principal problème
économique, notre retard en productivité.
Plusieurs pays ont tenté de se servir de la crise comme d’un
tremplin, en utilisant les énormes moyens déployés dans le
combat contre la récession pour rendre l’économie plus
compétitive, pour mieux rebondir et sortir renforcés de
l’épreuve. C’est le sens, par exemple, du plan de relance du
président Obama, qui consacre des ressources importantes à
l’éducation, à la recherche et au développement durable.L’Ontario a perdu quelque 234 000
emplois depuis le début de la récession, notamment dans le
secteur automobile.
Est-ce le cas ici? Sortirons-nous renforcés de cette crise? Ce
n’est pas évident du tout. Le risque est grand que nous nous
retrouvions avec exactement les mêmes problèmes qu’avant, dans
un contexte plus difficile, et avec moins de moyens pour les
résoudre.
Pendant que nous étions accaparés par la récession, nous avons
eu tendance à oublier les enjeux qui semblaient prioritaires
avant que la crise n’éclate. Les lucides se sont inquiétés du
choc démographique et de la crise financière vers laquelle se
dirigeait le Québec. Deux rapports, ceux de Jacques Ménard et
Claude Castonguay, décrivaient l’impasse du système de santé.
Mon essai, Éloge de la richesse, portait davantage sur les
retards du Québec en termes de productivité et de niveau de vie.
Le même constat peut être fait pour le Canada où les succès
pétroliers de l’Ouest ont créé une illusion de prospérité et
masqué le fait que le Canada est un pays en perte de vitesse.
Les pertes massives d’emplois en Ontario, 234 000 depuis le
début de la récession, illustrent cette fragilité.
Qu’est-ce qui
nous attend après la crise? Le problème démographique sera
exactement le même. Le problème financier s’aggravera. Au plan
québécois, la situation était déjà précaire, avec un endettement
élevé et une marge de manoeuvre nulle. Le dernier budget de
Monique Jérôme-Forget prévoyait des déficits pour plusieurs
années, mais ne proposait pas de démarche convaincante pour
revenir à l’équilibre. Et le risque est fort que les choses
empirent, si on regarde ce qui se passe du côté d’Ottawa. Le
déficit fédéral, prévu à 34milliards dans le dernier budget, a
explosé et dépassera plutôt les 50 milliards.
Quant à la compétitivité de l’économie, on n’observe aucun
progrès notable. Peu d’efforts ont été déployés pour corriger
notre principal problème économique, notre retard en
productivité. Le budget fédéral insistait sur des mesures de
relance immédiates – avantages fiscaux ciblés, travaux
d’infrastructures – et contenait très peu de mesures que l’on
pourrait qualifier de structurantes. Dans le budget du Québec,
où l’on trouvait peu de mesures nouvelles, l’effort de relance
reposait essentiellement sur le vaste programme
d’infrastructures déjà en marche.
En sortie de crise, nous nous retrouverons donc avec des
gouvernements endettés, sans marge de manoeuvre, peut-être
forcés d’alourdir le fardeau fiscal, avec une économie
fragilisée, par exemple dans l’automobile ou la forêt, avec des
entreprises qui auront moins de ressources pour
l’investissement. Le tout dans un contexte politique qui ne
favorisera pas autant les efforts de création de richesse, parce
que la crise a provoqué un glissement idéologique qui renforce
la méfiance à l’égard du secteur privé et des marchés.
Bien sûr, à court terme, le Québec et le Canada connaîtront sans
doute une embellie. La récession est moins forte au Canada que
dans les autres pays industrialisés, et elle est moins forte au
Québec que dans plusieurs autres provinces. Résultat, notre
classement pour le niveau de vie s’améliora sans doute. Mais ce
sera une victoire illusoire, parce qu’elle reposera sur les
problèmes des autres plutôt que sur nos propres succès. Un peu
comme un joueur de tennis qui remporte un match parce que son
adversaire a une cheville foulée.
Wall Street Un air de déjà-vu...
WASHINGTON —
Wall Street a peut-être trouvé le moyen de se débarrasser
des créances douteuses qui engorgent les marchés financiers.
Le hic, c’est que le tour de passe-passe rappelle
furieusement les méthodes à l’origine de la crise.
Depuis quelques mois, des banques d’investissement
toilettent en effet de vieux titres adossés à des crédits
immobiliers pour les revendre comme de nouveaux produits f i
nanciers sûrs. Le caractère douteux des créances se dissout
rapidement dans la masse financière, mais en cas de défaut
d’un maillon de la chaîne, comme cela s’est produit avec la
crise des subprimes (crédits hypothécaires à haut risque),
le marché s’effondre comme un château de cartes.
« Il y a comme un air de déjà-v u dans t out c ela » ,
constate Herbert Kaufman, professeur d’économie à
l’Université d’État de l’Arizona.
La méthode appliquée de façon un peu plus transparente cette
fois pourrait toutefois régler l’un des grands problèmes de
la crise financière, souligne-t-il, en recyclant les
centaines de milliers de dollars de crédits hypothécaires
qui encombrent le système et rendent les banquiers réticents
à accorder de nouveaux prêts.
Ces titres
datent de l’époque de la bulle immobilière. Pendant la
flambée des prix, les banques ont acheté des créances
risquées, leur ont attaché des c réances plus solides et ont
vendu le tout sous la forme de titres sûrs, cotés AAA.
L’appétit des investisseurs a encouragé les établissements à
accorder des crédits de plus en plus risqués, y compris à
des emprunteurs qui ne pourraient pas les rembourser.
Quand l’immobilier s’est effondré, il était à peu près
impossible de déterminer la valeur de tous ces titres. Les
banques et assureurs qui en possédaient savaient que
certains étaient réellement sûrs et ne voulaient donc pas
tout revendre à bas prix, tandis que les acheteurs
refusaient de payer le prix fort pour des titres dont
beaucoup ne valent plus rien.
L e s ba nques ont donc recommencé ces derniers mois à
proposer des lots comprenant des créances solides et des
créances un peu moins fiables, à des prix abordables. Et les
nouveaux titres adossés à des créances immobilières
reçoivent le label « AAA » qui rassure les investisseurs peu
tentés par le risque. Quant aux dernières créances vraiment
pas présentables, elles sont écoulées pour quelques sous à
des investisseurs et des fonds d’investissement à risques
prêts à tenter leur chance dans l’espoir de rafler la mise.
Pour le professeur Kaufman, cette nouvelle vague de
titrisation représente cependant moins de risque que la
précédente ca r les acheteurs connaissent la composition des
lots. « Nous sommes revenus à la cuisine financière,
indéniablement, mais je crois qu’au moins c’est fait
différemment qu’avant la crise », explique-t-il.
Les titres AAA sont proposés par les banques à des fonds de
pensions, des compagnies d’assurance et autres investisseurs
tenus à des placements sûrs. Le danger étant que si le
marché immobilier continue de s’effondrer, même l es i nvest
i ssements AAA deviennent risqués. En outre, le système
repose largement sur la clairvoyance des agences de
notation, qui ont mal évalué le risque au coeur de la crise
des subprimes.
Dette publique mondiale Explosion de 45% entre
2007 et 2010
PARIS — La
dette publique mondiale aura gonflé de près de 45% entre 2007
et 2010, soit une augmentation de 15 300 milliards US, et
devrait atteindre l’année prochaine 49 300 milliards US en
raison de la crise, selon un rapport de l’agence financière
Moody’s.
PHOTO ARCHIVES REUTERS/NASA
Près de 80% de la hausse de la dette
publique mondiale sera supportée par les sept pays les plus
avancés du globe (États-Unis, Japon, Allemagne, France,
Royaume-Uni, Italie et Canada) qui « ont été les plus
durement touchés par la crise », selon Moody’s.
À elle seule, la hausse de 15 300 milliards US représente plus
de 100 fois le coût du Plan Marshall (ajusté de l’inflation)
que les États-Unis avaient mis en oeuvre au sortir de la
Deuxième Guerre mondiale pour aider à la reconstruction de
l’Europe, note l’agence dans un communiqué transmis hier à
l’AFP.
Près de 80% de cette hausse sera supportée par les sept pays
les plus avancés du globe (États-Unis, Japon, Allemagne,
France, Royaume-Uni, Italie et Canada) qui « ont été les plus
durement touchés par la crise », selon Moody’s.
Sur l’ensemble du globe, la part de la dette publique par
rapport au produit intérieur brut ( PIB) devrait passer de 63%
en 2008, un creux depuis 10 ans, à 80% l’an prochain, est-il
indiqué.
« Avec la récession qui a touché la plupart des pays en 2009,
le poids de la dette (le paiement des intérêts aux créanciers)
devient plus difficile à porter », écrit Moody’s.
Seuil symbolique
Un seuil symbolique sera bientôt atteint. Selon l’Organisation
de coopération et de développement économique (OCDE), les 30
pays les plus avancés du globe verront leur dette publique
grimper jusqu’à 100% de leur richesse produite en 2010,
signalant le quasi-doublement de leur endettement en 20 ans.
Le Japon verrait sa dette publique flirter avec les 200% de
son PIB, suivi par l’Italie (127,3%), selon ces prévisions.
Les causes de cette flambée sont connues – chute des recettes
fiscales liée à la récession, flambée des dépenses publiques
pour soutenir l’économie – mais ses conséquences le sont
moins.
« Une dette à
100% du PIB signifie que tout ce qui a été produit pendant un
an devrait être consacré au remboursement. Les gouvernements
sont-ils en situation de le faire? » s’interroge Cinzia
Alcidi, du Centre for European Policy Studies.
La question n’est pas purement rhétorique. Si les marchés
venaient à douter de la capacité de remboursement des États
développés, ils pourraient se détourner de leurs titres
publics (bons du Trésor...) et assécher leur circuit
d’approvisionnement en argent frais.
« Si la dette continue à grimper, on peut très bien imaginer
qu’un pays ait du mal à se financer », observe Jean
Pisani-Ferry, du centre d’études Bruegel.
Sans aller jusqu’au scénario noir de la faillite d’un État,
comme l’Argentine à la fin de 2001, cette défiance des marchés
aurait un coût.
« Si l’endettement se poursuivait, cela pourrait à terme être
négatif » pour la bonne notation des États développés, qui
leur permet d’emprunter à taux réduits, prévient Brian
Coulton, de l’agence Fitch.
Un cercle vicieux pourrait s’enclencher. Contraints de relever
les intérêts qu’ils payent à leurs créanciers, les États
verraient la charge de la dette s’alourdir et pourraient
s’endetter de nouveau pour y faire face. « C’est cela qui rend
la dette explosive », souligne l’économiste Michel Aglietta.
Selon un « scénario extrême » de la Société Générale,
l’endettement pourrait même provoquer « une nouvelle récession
». Et face à cette situation, les solutions ne sont pas
légion.
Sur le papier, le retour de la croissance permettrait de
réduire les déficits et le recours à l’emprunt public, mais
cette éventualité est « très incertaine » en raison de la
timidité de la reprise, selon Brian Coulton.
Les solutions de rechange semblent donc réduites. « Il faudra
augmenter les impôts ou couper dans les dépenses publiques »,
résume Jean PisaniFerry. Et il faudra choisir le bon moment
pour le faire pour ne pas étouffer la reprise.
Attention à la dette! avertit le FMI
WASHINGTON —
Le Fonds monétaire international (FMI) a adressé hier une mise
en garde aux pays avancés en jugeant que leur dette publique
devrait at t ei ndre en moyenne 120% de leur PIB en 2014, et
les a exhortés à « agir sur de nombreux fronts pour la réduire
».
Avec la montée des dépenses de relance publiques pour sortir
leur économie de la crise, les pays avancés devraient voi r l
eur det t e publ i que atteindre 120% de leur PIB en moyenne
en 2014, estime Carlo Cottarelli, directeur du département des
affaires budgétaires du Fonds, dans un entretien mis en ligne
sur le site internet de l’institution.
Notant que la hausse de la dette publique dans les pays
avancés est « sans précédent en temps de paix », M. Cottarelli
estime que les gouvernements concernés devront « agir sur
plusieurs fronts » pour éviter que le fardeau de la dette ne
vienne couler leur économie, alors qu’ils feront face au «
choc démographique » que représente le vieillissement de leur
population.
Selon lui, « afin de ramener la dette publique à environ 60%
du PIB dans les 20 ans à venir », les pays avancés devront
passer de déficits budgétaires représentant 3,5 % du PIB en
moyenne, à des excédents de l’ordre de 4,5 %.
Pour le
responsable du FMI, « cela implique des réformes pour
maintenir les dépenses de santé et de retraite à un niveau
constant par rapport au PIB », mais aussi un gel des dépenses
publiques par tête ou encore des efforts plus grands dans le
domaine de la lutte contre l’évasion fiscale, ou la mise en
oeuvre de taxes contre les émissions de carbone.
Dans ce même entretien, José Vinals, directeur du département
des marchés financiers et monétaires du Fonds, déconseille
fermement aux autorités politiques et monétaires de laisser
filer l’inflation pour alléger le poids de la dette.
« Ça serait vraiment une mauvaise idée », dit-il, estimant que
les risques induits par une forte hausse des prix (5 % dans
son exemple) « ne valent pas le coup » d’être tentés au vu des
résultats que l’on peut en attendre sur la dette.
« Nous savons par expérience qu’une hausse de la dette peut
conduire à des pressions accrues sur les banques centrales
pour qu’elles en baissent le coût du financement »,
ajoute-t-il, exhortant les gouvernements à « soutenir
totalement l’indépendance de leur banque centrale ».
L’Amérique latine aura besoin de 400 milliards US
en prêts... mais la caisse mondiale est à sec !...
MIAMI — Les
gouvernements latinoaméricains auront besoin de prêts d’une
somme cumulée de 350 à 400 milliards US en 2010 pour faire
repartir leurs économies après la crise financière, a estimé
hier une responsable de la Banque mondiale.
L’obtention de ces prêts ne sera pas facile, y compris pour
des projets d’investissements, a mis en garde la
viceprésidente de la Banque mondiale pour l’Amérique latine et
les Caraïbes, Pamela Fox.
Les
liquidités disponibles seront en effet en quantité limitée à
cause de l’énorme demande mondiale, en particulier celle
provenant des plans de relance des pays développés. « À la
suite de la crise, les emprunts d’État ont atteint des niveaux
inimaginables jusque-là », a souligné Mme Fox qui s’exprimait
à Miami devant la Conférence des Amériques, réunissant
dirigeants et représentants du service public des pays de la
région.
Malgré une plus grande intervention dans l’économie, les États
disposent de moyens d’action limités et « exigent plus des
citoyens qui paient des impôts, en particulier ceux qui ont
les plus hauts revenus et qui doivent s’attendre à subir une
pression fiscale accrue », a-t-elle dit.
Mme Fox a souligné que, selon l’Organisation pour la
coopération et le développement économique (OCDE), moins de 4%
des revenus des États en Amérique latine proviennent de
l’imposition des personnes, comparativement à 27% dans les
pays industrialisés.
La question à 8000 milliards - Michel
Girard
Le quart des grandes multinationales américaines a bouclé l’année
2008 dans le rouge
Au cours de la
seule année 2008, la Bourse américaine a vu sa capitalisation
boursière (la valeur totale des actions négociées) fondre 8000
milliards US, soit de 41%.
V ous vous demandez encore pourquoi Wall Street vient de
traverser sa pire crise depuis la grande dépression des années
30
PHOTODANIEL ACKER, BLOOMBERG
Si le S& P 500 de la Bourse de New York s’est effondré de
56% lors du présent bear market, c’est parce que l’indice
phare de Wall Street n’a jamais vu un si grand nombre de ses
entreprises composantes subir d’aussi lourdes pertes.
Selon le magazine The Fortune, pas moins de 128 des 500 plus
grandes multinationales américaines ont bouclé l’année 2008
dans le rouge, affichant ainsi de colossales pertes de quelque
520 milliards US, soit 4,2 fois plus qu’en 2007.
Du jamais vu depuis la création de Wall Street! Lors de la
seule année 2008, les pertes de ces 128 entreprises ont
atteint à elles seules le total des pertes accumulées lors des
cinq précédentes années par les entreprises déficitaires du
S& P 500. Bon an, mal an, environ une cinquantaine de
multinationales inscrites à la cote de l’indice américain
bouclent l’année dans le rouge.
C’est l’éclatement de la bulle américaine des subprimes
hypothécaires, à partir du deuxième semestre de 2007, qui a
entraîné la planète entière dans la plus grave crise
financière et boursière des sept dernières décennies.
L’écroulement de Wall Street a provoqué l’effondrement de
toutes les grandes places boursières du monde, alors que les
baisses moyennes, entre le haut et le creux du dernier cycle
baissier, oscillaient autour des 55%.
Maintenant, pour vous montrer à quel point Wall Street est
extrêmement tributaire de la rentabilité des multinationales
de son principal indice, le S& P 500, regardons le
désastreux impact que les 128 entreprises déficitaires ont eu
en 2008 sur l’ensemble de la Bourse américaine.
Au cours de la seule année 2008, la Bourse américaine a vu sa
capitalisation boursière (la valeur totale des actions
négociées) fondre 8000 milliards US, soit de 41%.
Pour bien
comprendre l’impact de ce dégonflement de 8000 milliards de la
Bourse américaine sur les portefeuilles des investisseurs et
des caisses de retraite, sachez que cela représente plus de la
moitié du PIB des États-Unis. Autre comparaison significative
: les pertes boursières de Wall Street en 2008 équivalaient à
cinq fois le PIB du Canada!
Comme vous pouvez le constater, il ne semble pas, de prime
abord, y avoi r de commune mesure entre les réelles pertes
enregistrées par les multinationales américaines et l’ampleur
des pertes boursières, lesquelles sont 16 fois plus élevées
(8000 milliards/500 milliards). Convenons qu’i l s’agit ici
d’un épouvantable ef fet multiplicateur.
Comment peut-on justifier pareil effet multiplicateur des
pertes ? La réponse r é s i de en pa r t i e da ns l ’ i mpac
t psychologique dévastateur que les déficits des 128
multinationales américaines ont eu sur le moral non seulement
des actionnaires de ces entreprises, mais également sur celui
de tous les investisseurs.
À cela, il faut bien entendu ajouter la baisse généralisée en
2008 de la profitabilité de l’ensemble des milliers
d’entreprises inscrites à la cote des Bourses américaines. Il
ne faut jamais oublier que la valeur boursière des titres
négociés à la cote des grandes Bourses est tributaire des
bénéfices déclarés, du genre de 15 à 20 fois les bénéfices,
selon le secteur dans lequel oeuvrent les entreprises.
Pas d’odeur
Il est bien connu que l’argent n’a pas d’odeur.
C’est tellement vrai que les plus grands capitalistes du monde
ont fait le pied de grue devant les gouvernements pour que ces
derniers les sauvent de la catastrophe. Ils les ont même
acceptés comme actionnaires de contrôle dans plusieurs cas.
Mais quelle ouverture d’esprit, en échange des centaines de
milliards de dollars tirés directement des coffres de l’État.
C’est ainsi que le gouvernement Obama est notamment devenu le
principal actionnaire des cinq pires entreprises du S& P
500, soit de AIG, Fannie Mae, Freddie Mac, General Motors et
Citigroup.
Le retour de la dette publique - RUDY
LE COURS
Les États-Unis
et le RoyaumeUni appartiennent aux résilients tandis que
l’Espagne et l’Irlande, toutes deux décotées par S& P,
appartiennent aux vulnérables.
Cette distinction indique que la hauteur de la dette n’est pas
un critère unique d’évaluation. D’ailleurs, quand on considère
la dette nette, c’est-à-dire cette qui prend en compte la
valeur des actifs des pays (voir tableau) on constate que la
situation du Royaume-Uni n’est pas aussi dégradée que celle de
l’Italie et du Japon, bien qu’elle ait beaucoup à envier à
celle du Canada.
Selon la classification de S& P, seuls 15 pays ont droit à
la note AAA qui permet à ses détenteurs d’emprunter à moindre
coût. Les États-Unis se classent 14e à ce palmarès. « Il y a à
peine un an, S& P suggérait que Fannie et Freddie
pourraient faire perdre aux États-Unis sa médaille AAA s’ils
devaient venir à leur rescousse », rappelle Douglas Porter,
économiste en chef adjoint chez BMO marchés des capitaux. On
sait depuis que les deux sociétés
N’empêche. Les seules mesures de l’administration Obama
porteront la dette américaine à hauteur de 90% du PIB l’an
prochain, selon le FMI. Celles annoncées par les ministres des
Finances canadiens porteront la nôtre aux environs de 65%.
Conséquence
La conséquence
immédiate de la détérioration des finances publiques
américaines, c’est le coût de leur financement et la perte
d’attrait du billet vert.
« Pour les agences de notation de crédit, le cas des
États-Unis représente un problème intéressant au cours de la
prochaine année », écrivaient la semaine dernière Erik Nilsson
et Mary Webb économistes chez Groupe Banque Scotia dans
l’hebdo Capital Points.
Les Américains sont loin toutefois d’être les plus mal en
point. Une étude récente du FMI fait des projections à
l’horizon 2050 du coût relatif de la récession actuelle et du
vieillissement de la population. Le Canada s’en sort le mieux
parmi les pays avancés du G20 avec un coût de 1,9% du PIB
contre 6,4% pour les États-Unis et 7,9% pour le Royaume-Uni.
LesAméricainsonttoutefois un immense avantage théorique sur
les Britanniques, voire sur les Canadiens. L’État a recouru
jusqu’ici beaucoup moins à son pouvoir de taxation: 33% du
PIB, contre 38% pour le Canada et 40% pour le RoyaumeUni. «
Contenir les pressions liées au vieillissement sera peut-être
la clé pour apaiser les craintes de solvabilité fiscale au
cours de la prochaine décennie, croit Stéfane Marion,
économiste en chef à la Financière Banque Nationale. Comparée
à celle de ses pairs, la situation des États-Unis ne paraît
pas désespérée. »
Resteundéfide taille. Comment taxer davantage dans un pays où
une bigoterie étrange associe impôts au viol de propriété ou à
une entrave à la liberté? Pas facile non plus de diminuer les
dépenses au moment où une réforme de la sécurité sociale
devient d’autant plus pressante que les entreprises exigent
des concessions à leurs travailleurs dans la couverture des
soins de santé et des médicaments.
Des pays européens au bord du gouffre
— Un homme
portant des chaussures noires impeccablement cirées se tient
en équilibre précaire sur le rebord du toit d’un gratte-ciel.
Menacée
de
décote, la Grande-Bretagne est en mauvaise posture. Des
analystes réclament la tête du premier ministre Gordon
Brown.
L’image, utilisée dans la presse londonienne pour accompagner
un article sur l’économie anglaise, illustre, par l’extrême,
les difficultés éprouvées par le gouvernement de Gordon Brown.
L’agence de cotation Standard and Poor’s, dans un avis qui a
eu l’effet d’un coup de canon, a prévenu la semaine dernière
qu’elle pourrait retirer au pays sa note de crédit AAA en
raison de la détérioration des finances publiques.
« Même en assumant des restrictions fiscales additionnelles...
la dette gouvernementale nette pourrait s’approcher de 100% du
produit intérieur brut et demeurer à ce niveau à moyen terme
», ont prévenu les analystes de l’agence, qui attribue sa note
maximale aux pays honorant toujours leurs dettes.
La mise en garde était prévisible au dire d’un chroniqueur du
Daily Telegraph, Simon Heffer, qui parle d’une dette «
massive, insoutenable, susceptible de plonger le pays en
faillite ». « Les investisseurs potentiels devaient être
avisés de la situation », a indiqué le journaliste, qui
s’inquiète de l’introduction possible de nouveaux impôts pour
compenser le manque à gagner.
« Ce serait un trou dans la tête dont nous n’avons tout
simplement pas besoin », a relevé M. Heffer, qui réclame le
départ de M. Brown.
Le dirigeant britannique peut se consoler, un brin, en prenant
acte du fait qu’il est loin d’être seul à naviguer en eau
trouble par les temps qui courent.
En témoigne notamment le fait que quatre autres pays –
l’Irlande, la Grèce, l’Espagne et le Portugal – ont récemment
subi des décotes en raison de l’état de leurs comptes publics.
Il ne reste plus qu’une demi-douzaine de pays européens
disposant de la note AAA.
« Tous les
pays sont plus ou moins menacés (de décote) dans le contexte
actuel », souligne Mathieu Plane, de l’Observatoire français
des conjonctures économiques (OFCE).
Pour endiguer la crise, la quasitotalité des États de la zone
ont mis de l’avant de coûteux plans de relance, incluant de
généreuses mesures de soutien aux banques, qui pèsent
lourdement sur les finances publiques.
Le ralentissement économique réduit parallèlement les rentrées
d’argent des gouvernements, qui doivent emprunter massivement
pour financer leurs opérations.
Dans le contexte actuel de « défiance généralisée », nombre
d’investisseurs privés sont prompts à se tourner vers les
obligations étatiques, limitant le coût à payer en terme
d’intérêts, souligne M. Plane. La donne risque cependant de
changer dans les années qui viennent lorsque les capitaux
recommenceront à affluer vers le secteur privé.
La pression se fera plus forte pour réduire les dépenses
publiques, limitant d’autant les perspectives de croissance.
« On risque fort de passer d’une crise qui se voulait
conjoncturelle à une crise structurelle », prévient
l’économiste de l’OFCE, qui ne prévoit pas un retour à la
croissance sur le continent avant le second trimestre de 2010.
Plusieurs pays, en particulier en Europe de l’Est, sont déjà
obligés de réduire dans leurs dépenses pour rétablir leur
bilan. C’est le cas notamment de l’Ukraine, de la Lettonie et
de la Hongrie, qui ont dû faire appel au Fonds monétaire
international pour éviter la déroute complète.
Ces coupes, alors que flambe le chômage, risquent d’augmenter
les tensions sociales. Une évidence rappelée il y a quelques
jours par le président de la Banque mondiale, Robert Zoellick.
« Si l’on ne prend pas de mesures, il existe un risque
d’arriver à une grave crise humaine et sociale avec des
implications politiques très importantes », a-t-il déclaré la
fin de semaine dernière.
Le FMI s’inquiète pour les banques britanniques
— Le Fonds
monétaire international ( FMI), qui prévoit une sévère
récession de l’économie britannique cette année, avant le
retour à une très maigre croissance en 2010, a mis en garde
hier contre la fragilité persistante des banques du pays et la
flambée de la dette publique. Le FMI
a salué les efforts du gouvernement de Gordon Brown et de la
Banque d’Angleterre pour relancer l’économie et sauver les
établissements financiers en difficulté, mais a adressé une
sérieuse mise en garde contre la fragilité persistante du
secteur bancaire britannique et la flambée de la dette
publique.
« Les perspectives économiques sont très incertaines » pour le
Royaume-Uni, et même si « des indicateurs récents suggèrent
que l’activité économique a commencé à se stabiliser, la
reprise sera vraisemblablement lente et limitée », a résumé
l’institution sise à Washington, dans son rapport annuel sur
l’économie britannique.
Le FMI a confirmé à cette occasion ses prévisions pour le
Produit intérieur brut ( PIB) britannique, tablant toujours
sur une contraction de 4,2 % cette année, avant un maigre
rebond de 0, 2 % en 2010, comme i l l’avait indiqué au début
du mois dans ses dernières projections économiques mondiales.
Le FMI a ajouté s’attendre à une poursuite de la hausse du
chômage, à 9 % l’an prochain au sens du BIT. Il a déjà atteint
7,6 % sur les trois mois achevés en mai, un nouveau sommet
depuis 12 ans, selon les statistiques officielles.
L’organisation, dirigée par le f rançais Dominique
StraussKahn, a salué les efforts du gouvernement de Gordon
Brown et de la Banque d’Angleterre pour relancer l’économie et
sauver les établissements financiers en difficulté.
Mais el l e a a d r e s s é u ne sérieuse mise en garde contre
la fragilité persistante du secteur bancaire britannique et la
f lambée de la dette publique, appelant à un redressement des
comptes publics une fois la crise passée.
« Les vulnérabi l i t és sousjacentes de l’économie
britannique sont assez considérables », a souligné Ajai
Chopra, chef de la mission du FMI auprès de la
Grande-Bretagne, en présentant le rapport.
Concernant la
dette publique, qui devrait doubler sur cinq ans, à 100% du
PIB, il a affirmé que « le Royaume-Uni a eu jusqu’ici le
bénéfice du doute » sur les marchés financiers, que ce soit le
marché obligataire ou le marché des changes, mais que « cela
ne durera pas éternellement ».
« Le gouvernement doit faire attention à ne pas tester les
limites de la confiance des marchés » et devra prendre des
mesures pour restaurer l’équilibre des finances publiques,
s’il ne veut pas s’aliéner les investisseurs, at-il prévenu.
En ce qui concerne la santé des banques britanniques, « le
secteur financier a été gravement malade, a été emmené aux
urgences, et stabilisé, mais il n’est pas suffisamment rétabli
pour recommencer à prêter » aux entreprises et aux ménages,
a-t-il estimé, ajoutant qu’« il est important de renforcer les
capitaux des banques ».
Cependant, le FMI a refusé de se laisser entraîner dans la
polémique sur les dépenses publiques qui monte depuis
plusieurs mois entre le gouvernement travailliste et
l’opposition conservatrice, à l’approche des élections
générales qui se tiendront au plus tard en juin 2010.
Le gouvernement accuse l’opposition de vouloir tailler dans le
budget au risque de compromettre la reprise, et les
conservateurs accusent en retour le premier ministre de mener
les finances du pays à la ruine.
Il a souligné qu’il serait « prématuré » de commencer à
réduire dès maintenant les dépenses publiques, mais qu’on
pouvait néanmoins « commencer à réfléchir dès maintenant à la
taille des ajustements nécessaires ».
« Le calendrier (des mesures de redressement budgétaire) est
de la responsabilité des autorités, elles doivent s’assurer
qu’elles seront en mesure de prendre des engagements », et «
elles ne doivent pas se précipiter, ni traîner en longueur »,
a indiqué M. Chopra.
LE CANADA S’ENFONCE DANS LE ROUGE... MAIS MOINS QU’AVANT
« Les
administrateurs (du FMI) ont félicité le Canada de ses
résultats macroéconomiques remarquables, de la solidité de son
cadre d’action et de sa démarche anticipatoire face à la
crise. »
En admettant hier que le déficit budgétaire pour l’année en
cours allait dépasser les 50 milliards de dollars, leministre
desFinances Jim Flaherty établit un triste record : son nom
sera associé au pire déficit nominal de l’histoire canadienne.
L’abysse précédent appartient au progressiste-conservateur Don
Mazankowski qui avait signé en 1993 un budget où les dépenses
excédaient les revenus de 42 milliards.
Lui-même inscrivait cette triste marque en défonçant le creux
de 38 milliards établi par Marc Lalonde en 1984.
Les budget s La l onde et Mazankowski ont été présentés au
moment où le Canada sortait de récessions peut-être encore
plus graves que celle qui l’afflige aujourd’hui.
M. Flaherty s’était engagé cet hiver à créer cinq déficits
d’affilée qui devaient totaliser 84,8 milliards. Celui de
l’exercice en cours avait été fixé à 33,7 milliards.
Depuis, Ottawa a accepté de compenser l’Ontario pour
l’harmonisation de sa taxe de vente à la TPS fédérale.
Ottawa lui versera en tout 4,3 milliards en 2010 et 2011, qui
viendront s’ajouter aux déficits fédéraux déjà annoncés de
29,8 et de 13 milliards pour les années fiscales 2010-2011 et
2011-2012.
À ce rythme, le cap des 100 milliards en cinq ans est déjà
franchi. tera environ 3,3% et près de 4%, s’il devait se
creuser jusqu’à 60 milliards.
Celui de Washington dépasse les 10%.
M. Flaherty a
l’avantage de gérer la récession au moment où les finances
publiques font l’envie des autres pays.
Vendredi encore, le Fonds monétaire international n’avait que
de bons mots pour le
Mais même à 50 milliards cette année, le budget de M. Flaherty
représente un fardeau moins lourd que celui de M. Lalonde car
la taille de l’économie canadienne est bien plus grande. Les
38 milliards de l’ex-ministre libéral correspondaient à 8,6%
du PIB exprimé en dollars courants. Celui de M. Flaherty
représenCanada. « Les administrateurs (du FMI) ont félicité le
Canada de ses résultats macroéconomiques remarquables, de la
solidité de son cadre d’action et de sa démarche anticipatoire
face à la crise », lit-on dans leur note d’information au
public. Ils ont appelé les autorités à rester vigilantes et à
se tenir prêtes à agir si (d)es risques peu probables se
matérialisaient. »
Déclin démographique
À moyen terme, le Canada reste confronté à son déclin
démographique. Il réduira le potentiel de croissance de notre
économie, à moins qu’il ne soit compensé par des gains de
productivité. Au cours des dernières années, ces faibles gains
ont représenté le point le plus faible du bulletin économique
du pays.
« Pour revenir à l’équil ibre, le gouvernement devra récupérer
l’argent qu’il a beaucoup dépensé alors que le potentiel
diminue, note d’ailleurs Yves Saint-Maurice, économiste en
chef adjoint au Mouvement Desjardins. Cela suppose donc une
diminution des dépenses et/ou une augmentation de la taxation.
»
On mesure ici mieux l’ampleur du dégât fiscal causé par
l’abaissement de la TPS. Dans son énoncé budgétaire de
janvier, le ministre Jim Flaherty estimait que la baisse de un
point de pourcentage entrée en vigueur le premier janvier 2008
l’avait privée de 11,9% de revenus à ce chapitre. En fait, de
2007-2008 à 2009-2010, les recettes de la TPS passent 29,9
milliards à 25,8 milliards, soit un manque à gagner sur deux
ans de quelque 7,8 milliards.
Il faut en fait au moins doubler ce chiffre puisque c’était la
deuxième baisse de la TPS annoncée par le gouvernement de M.
Harper.
Cela dit, la brutalité de la récession s’est fait sentir
surtout durant l’hiver, soit pendant l’année financière
2008-2009. Le léger déficit de 1,1 milliard annoncé en janvier
pour cette année s’est sans doute alourdi.
Il n’est pas non plus impossible que la reprise apporte, plus
tard cette année, des recettes dont M. Flaherty ne voit pas
l’ombre aujourd’hui. « Tout reste conditionnel à l’état de
l’économie canadienne au deuxième semestre, souligne Stéfane
Marion, économiste en chef à la Financière Banque Nationale.
Bernanke plaide pour une réduction du déficit
WASHINGTON
— Le président de la Réserve fédérale américaine (Fed),
Ben Bernanke, a demandé hier aux États-Unis de réduire
leur déficit budgétaire et à des pays comme la Chine de
pousser leurs consommateurs à dépenser plus.
Les déclarations faites par le patron de la Fed au cours
d’une conférence de la Réserve fédérale à Santa Barbara,
en Californie, visent à réduire les déséquilibres
internationaux et font écho aux engagements pris par les
dirigeants du G20 lors du sommet de Pittsburgh en
septembre dernier.
Elles interviennent aussi quelques jours après l’annonce
par les autorités américaines vendredi d’un déficit de
1420 milliardsUS pour l’année financière 2009, qui s’est
achevée le 30 septembre. Le déficit de l’année précédente
s’élevait à 459 milliardsUS.
« Le plus grand défi qui se pose à moyen terme tant pour
l’Asie que pour les États-Unis est d’arriver à une
croissance économique plus équilibrée et, par la même
occasion, de réduire davantage les déséquilibres mondiaux
», a déclaré M. Bernanke.
Pour cela, a-t-il déclaré, « les États-Unis doivent
augmenter leur taux d’épargne national » et « la façon la
plus efficace d’y parvenir » passe par un « engagement
clair » des autorités de Washington « à réduire le déficit
» à long terme.
De leur côté, « la plupart des économies d’Asie » doivent
« agir... pour faire augmenter leur demande intérieure »,
a ajouté M. Bernanke, selon le texte de son allocution
distribuée à la presse.
Avec la crise, les ménages américains ont commencé à
épargner davantage, et le déficit des comptes courants
s’est réduit, tandis que, dans de nombreux pays d’Asie,
des mesures de relance ont permis de doper la demande
intérieure. Mais avec la reprise, « les déséquilibres
pourraient réapparaître d’eux-mêmes », a dit M. Bernanke,
qui s’exprimait au cours d’une conférence sur « l’Asie et
la crise financière mondiale ».
« Nous
devons éviter à tout prix que les déséquilibres non
viables, en matière de commerce et de flux de capitaux, ne
cessent de s’aggraver », a ajouté M. Bernanke, dont les
arguments rejoignent ceux déjà exprimés par le Fonds
monétaire international (FMI) et les engagements pris par
les pays avancés et émergents réunis dans le G20.
Le secrétaire au Trésor, Timothy Geithner, a redit
vendredi la volonté du gouvernement de ramener le déficit
à des « niveaux viables à mesure que l’économie se
reprendrait », mais n’a pas précisé la façon dont il
comptait s’y prendre. M. Bernanke avait estimé le 1er
octobre que le maintien de déficits budgétaires élevés
risquait à long terme de menacer le statut du dollar comme
monnaie de réserve de référence.
Ouverture des marchés
Revenant hier sur les effets de la crise financière sur
l’Asie, M. Bernanke a estimé que celle-ci avait renforcé «
l’engagement » des pays de ce continent en faveur d’une «
croissance tirée par les exportations, soutenue par de
forts excédents des comptes courants et une accumulation
des réserves de changes ».
De ce point de vue, a-t-il ajouté, « la réponse de l’Asie
à la crise semble loin d’avoir été efficace ».
Notant que les échanges commerciaux « semblent avoir été
une courroie de transmission de la crise » à « presque
toutes les économies d’Asie » et que celles dont le
système financier était le plus ouvert ont le plus
souffert du ralentissement, le chef de la Réserve fédérale
a exhorté une nouvelle fois les dirigeants de la planète à
« résister fortement au protectionnisme et à l’érection de
barrières aux flux de capitaux ».
« Il y a des preuves considérables montrant que
l’ouverture favorise une croissance économique plus forte
sur le long terme », a-t-il dit.
La tentation - JEAN-PASCAL BEAUPRÉ
La chute
surprenante du taux de chômage à 8,4% et la création de 92
000 emplois à temps plein en septembre sont des signaux
supplémentaires que l’économie canadienne prend du mieux.
Ces données encourageantes s’ajoutent à l’explosion de 61%
de la revente des maisons depuis le début de 2009 qui a
été annoncée mercredi. Cette augmentation avait déjà
poussé les économistes de la BanqueTD à soulever
l’éventualité d’un relèvement des taux d’intérêt dans un
proche avenir.
L’Australie a lancé le bal en haussant son taux de base à
3,25% mardi. Les cambistes ont été prompts à prédire que
le Canada serait le prochain pays industrialisé à emboîter
le pas. La prudence s’impose toutefois avant de tenir pour
acquis que le taux directeur figé à 0,25% décollera du
plancher auquel il est cloué depuis le printemps.
Tout comme l’Australie, le Canada peut compter sur un
système bancaire très solide. Tous deux ont mieux résisté
à la crise économique. Leur marché immobilier a aussi bien
tenu le coup. Mais là s’arrêtent les similitudes.
L’Australie a évité la récession technique et n’a connu
qu’un trimestre de PIB négatif. On y a même enregistré une
croissance de 1% au premier semestre de 2009. Au Canada,
l’économie a régressé pendant trois trimestres. Et en
juillet, nous avons connu un faux départ avec une
croissance nulle du PIB.
La
différence majeure a trait au commerce extérieur des deux
pays. L’économie australienne a été revigorée par le plan
de stimulation de la Chine, son principal partenaire.
Quant au Canada, il fait principalement affaire avec les
États-Unis, qui ont toutes les misères dumonde à
s’extirper de la crise. Leurs 263 000 pertes d’emplois le
mois dernier en sont une éclatante illustration.
En augmentant son taux directeur, la banque centrale
australienne veut éviter que le taux d’inflation ne
s’emballe. Encore là, rien à voir avec la situation
canadienne, où les prix à la consommation sont stables.
Le gouverneur de la Banque du Canada, Mark Carney,
multiplie les mises en garde contre la hausse accélérée de
la valeur du dollar, dommageable pour les exportations
canadiennes, qui sont d’ailleurs retombées de 5% en août.
Malheureusement, son appel n’a pas été entendu: le huard
avoisine maintenant les 96 cents. Augmenter les taux ne
ferait que propulser le huard davantage.
Néanmoins, il y a quelques jours, M. Carney a mis un bémol
sur son engagement de ne pas toucher au taux directeur
avant la mi-2010. Il viendra bien sûr un temps où la
banque centrale devra resserrer sa politique monétaire
pour ne pas mousser l’inf lation. Mais il faut d’abord
s’assurer qu’une remontée des taux ne contribuera pas à
tuer la reprise dans l’oeuf. Pour cela, on devra observer
une croissance du PIB et des emplois dans le secteur
privé, ce qui n’est pas le cas présentement. Compte
tenu des statistiques optimistes des derniers jours, la
tentation sera forte pour la Banque du Canada de dégeler
les taux. Il reste à savoir combien de temps elle saura y
résister.
WASHINGTON Un second plan de relance
n’est pas nécessaire
WASHINGTON
— Le chef de la majorité démocrate de la Chambre des
représentants américains, Steny Hoyer, a indiqué hier
qu’un second plan de relance de l’économie n’était pas
nécessaire, malgré les mauvais chiffres de l’emploi
publiés vendredi dernier.
« Je ne suis pas prêt à étudier un second plan de relance
» alors que « nous sommes en train de déployer les fonds »
du premier, a déclaré M. Hoyer lors de son point de presse
hebdomadaire, en réponse à une question sur les chiffres
de l’emploi pour le mois de septembre.
Le président Barack Obama a promulgué en février un vaste
train de mesures de 787 milliards US sur trois ans,
destiné à faire redémarrer l’économie. La Maison-Blanche a
indiqué lundi qu’elle n’avait « aucun plan » en
préparation pour de nouvelles mesures de relance
budgétaire.
« J’ai été déçu par les chiff r es du c hômage, comme tout
le monde », a poursuivi M. Hoyer. « Toutefois, je me
réjouis de voir que les chiffres des trois derniers mois
de la précédente administration » étaient moins bons que
ceux des « trois derniers mois ».
M. Hoyer
a toutefois indiqué qu’il fallait « garder à l’esprit la
possibilité de distiller de nouvelles mesures
d’encouragement ».
Abordant la situation des personnes ayant perdu leur
couverture de maladie à la suite de la perte d’un emploi,
i l a expliqué que l ’administration devait « s’assurer
qu’elles puissent faire le pont entre le chômage et le
retour à l’emploi ».
À ce titre, il a évoqué la possibilité d’une « extension
de la durée des allocations de chômage ».
Le département du Travail a annoncé vendredi que 263 000
emplois nets avaient été éliminés en septembre, ce qui a
fait monter le taux de chômage à 9,8 %, comparativement à
9,7 % le mois précédent.
Paul Krugman, lauréat du prix Nobel d’économie 2008, a
plaidé vendredi dans le New York Times pour de nouvelles
mesures de relance budgétaire.
Trop tôt pour un autre plan de relance,
dit le secrétaire au Trésor américain
PARIS
— Il est encore trop tôt pour envisager la possibilité
d’un second plan de relance aux États-Unis, les
mesures déjà engagées n’ayant pas encore produit leur
plein effet, a estimé hier Timothy Geithner,
secrétaire au Trésor américain.
« Je ne pense pas que nous soyons en mesure de prendre
une décision » sur un nouveau plan, a indiqué M.
Geithner à l’occasion d’un échange avec des
internautes sur le site du journal économique Les
Échos.
« Le plan de relance que nous avons adopté a été conçu
pour être efficace sur une période de deux ans, et son
plus gros impact sur les investissements devrait
intervenir au deuxième semestre de cette année »,
s’estil justifié.
Le secrétaire au Trésor avait déjà estimé vendredi que
la relance de l’économie américaine suivait « le cours
prévu », laissant entendre que le gouver nement ne c
omptait pas demander de supplément pour soutenir
l’activité d’ici à la fin de l’année.
Le président américain Barack Obama a promulgué en
février un plan de relance budgétaire doté de 787
milliards de dollars sur trois ans.
M. Geithner a ajouté hier que l’adoption de mesures
pour encadrer et réguler le secteur financier devait
venir compléter le plan de relance.
«
Nous voyons des signes très importants de reprise sur
les marchés américains (...) mais il est très
important que nous travaillions avec le Congrès pour
mettre en place une réforme globale du système
financier, pour protéger davantage les consommateurs
», a-t-il souligné.
Selon lui, cette réforme « exige des changements dans
les pratiques de rémunération, pour mieux les adapter
aux prises de risques. Nous ne voulons pas assister à
un retour des pratiques à l’origine de la crise. »
Interrogé sur les mesures de relance adoptées en
Europe, le secrétaire d’État au Trésor les a jugées «
relativement substantielles, jusqu’à présent ».
Sur les marchés de produits dérivés, que les
États-Unis souhaitent standardiser, M. Geithner a
estimé que les approches américaines et européennes «
sont très proches ». « Nous avons besoin d’une
solution commune et mondiale pour ces marchés
mondiaux, non de solutions régionales distinctes »,
a-t-il déclaré.
Le secrétaire au Trésor a par ailleurs estimé que « le
dollar resterait la principale monnaie de réserve »
internationale, alors que la domination du billet vert
est de plus en plus contestée, notamment par la Chine
et la Russie mais aussi par la France.
La prééminence du dollar « confie une responsabilité
particulière aux États-Unis dans la restauration de la
confiance dans le système financier et dans la
réduction des déficits une fois que la reprise aura eu
lieu », a déclaré M. Geithner.
Patience au G8 ANDRÉ PRATTE
Les
dirigeants des pays du G8 sont réunis à L’Aquila, en
Italie, notamment pour faire le point sur la situation
économique. La rencontre se tient au moment où dans
certains pays, des voix s’élèvent pour exiger des
mesures de relance supplémentaires.
Les chefs de gouvernement du G8 ne s’entendent pas à ce
sujet. Le président français, Nicolas Sarkozy, croit
qu’« il faut pousser les pays qui le peuvent à faire
davantage ». La chancelière allemande, Angela Merkel,
s’inquiète plutôt de la croissance rapide de la dette
publique et presse ses homologues de mettre au point des
« stratégies de sortie ».
L’administration Obama n’a pas encore fait son lit. Une
conseillère du président, l’économiste Laura Tyson, a
confié mardi que le plan de relance initial de 787
milliards s’était peut-être révélé « un petit peu trop
petit ». Par contre, le président lui-même a fait
remarquer qu’emprunter davantage pour soutenir
l’économie pourrait être « improductif ».
La version préliminaire du communiqué du sommet ne
tranche pas la question. C’est que la situation est
délicate. Comme le Fonds monétaire international l’a
noté hier, « l’économie mondiale de stabilise, avec
l’aide de politiques financières et macroéconomiques
sans précédent ». Toutefois, la reprise reste incertaine
et des risques importants demeurent. Les marchés sont
craintifs, d’ailleurs. Après une remontée rapide, le
prix du pétrole est en chute libre. Les Bourses glissent
elles aussi. Plus important encore, le taux de chômage
augmente partout et l’OCDE prévoit que cette tendance
continuera jusqu’en 2010. Le Directeur parlementaire du
budget à Ottawa s’attend à ce que le taux de chômage
atteigne 9,4% en 2010 au Canada (contre 8,7% cette
année).
Il se peut qu’après la stabilisation des dernières
semaines, l’économie mondiale subisse une rechute. L’heure
n’est donc pas venue pour les gouvernements de retirer les
stimuli mis en place.
Faut-il faire davantage ? Le Prix Nobel d’économie Paul
Krugman croit que oui. D’autres économistes pensent le
contraire. Une chose est sûre, les gouvernements qui
alourdiront davantage leur dette se retrouveront à moyen
terme dans une situation financière précaire. Surtout si
l’endettement croissant du secteur public provoque une
perte de confiance et une hausse des taux d’intérêt.
Compte tenu du contexte pol it ique à Ottawa, les partis
d’opposition ne manqueront pas d’exiger que le
gouvernement augmente encore ses dépenses. C’est pourtant
le premier ministre Harper qui a raison : « Avant
d’envisager des mesures supplémentaires, les chefs de
gouvernement devraient s’assurer que les programmes déjà
annoncés livrent la marchandise. »
Dans le cas canadien, on sait que les projets
d’infrastructure financés par les gouvernements commencent
à peine à lever de terre. Pourquoi se lancer dans de
nouvelles dépenses alors que les mesures du dernier budget
fédéral n’ont pas encore pu porter fruit?
Le point de vue de Stephen Harper ne sera pas populaire ;
c’est pourtant le plus sage.
BERLIN — Une reprise
meilleure qu’espéré
BERLIN
— L’Allemagne, considérée comme le moteur économique
de l’Europe, se remet de la récession qui l’a durement
touchée. ASSOCIATED
PRESS
En
Allemagne, la reprise économique est favorisée par
des plans de soutien à la consommation et de lutte
contre le chômage. Elle est particulièrement visible
dans le secteur automobile, BMW versant même ce
mois-ci une prime à ses employés.
La reprise y est favorisée par des plans de soutien à
la consommation et de lutte contre le chômage. Elle
est particulièrement visible dans le secteur
automobile, BMW versant même ce mois-ci une prime à
ses employés. Toutes les prévisions de croissance sont
ainsi revues à la hausse.
Le PIB allemand a rétréci de 4,9 % en 2009, sa pire
performance depuis la Seconde Guerre mondiale.
Pourtant, tandis que d’autres pays européens se
débattent encore entre ralentissement économique et
dette publique, l’Allemagne, elle, est en plein
rebond.
Jusqu’à présent, le gouvernement prévoyait une
croissance de 1,4 % en 2010. Mais le ministre de l’
Économie, Rainer Brüderle, se dit certain qu’elle sera
bien plus élevée à la fin de l’année.
L a Bundesbank ne l ui donne pas tort. Dans son
rapport du mois de juillet, la banque centrale
allemande estime que le produit intérieur brut a
probablement augmenté extrêmement fortement au
deuxième trimestre.
Elle n’avance pas de chiffre mais les estimations
tablent sur 1,5 % de croissance trimestrielle, contre
les maigres 0,2 % observés les deux trimestres
précédents. Les statistiques officielles doivent être
publiées le 13 août.
Les exportations demeurent le moteur de l’économie
allemande, confirme la Bundesbank. Cependant, il y a
un consensus parmi les économistes pour reconnaître le
rôle que la demande intérieu re a la reprise.
Le
gouvernement fédéral a injecté 80 milliards d’euros
pour améliorer les infrastructures routières et
scolaires – des chantiers qui continuent d’occuper les
entreprises du bâtiment – et pour financer une prime à
la casse automobile, qui a maintenant expiré.
Cela a soutenu les ventes de voitures en Allemagne en
2009.
joué dans Et cette année, les exportations automobiles
ont augmenté vers des marchés tels que la Chine et les
États-Unis.
Ilya quelques j ours , les constructeurs haut de gamme
Daimler et BMW ont tous deux annoncé qu’ils revoyaient
leurs prévisions de 2010 à la hausse. BMW va même
verser ce mois-ci une prime d’en moyenne 1060 € aux
employés de ses usines allemandes pour les remercier
des efforts consentis durant la crise.
Malgré la récession, l’Allemagne a réussi à maintenir
un taux de chômage relativement bas. Un programme que
soutient le gouvernement permet en effet aux
entreprises de faire travailler leurs employés en
horaires réduits au lieu de les licencier. Cette
formule, qui s’apparente au chômage partiel, a été
largement utilisée.
Le nombre de salari és concernés a connu un pic à 1,5
million de personnes en mai 2009 et a depuis fortement
diminué, au fur et à mesure que les salariés
retrouvaient leurs horaires pleins.
Le mois dernier, l’Allemagne recensait 3,15 millions
de demandeurs d’emploi, ce qui représentait un taux de
chômage de 7,5 %. Cette proportion reste bien en
dessous des nombres à deux chiffres relevés dans
d’autres pays européens.
Les États-Unis doivent se rappeler la
leçon japonaise
Les
responsables américains qui songent à mettre fin aux
stimulants économiques records risquent de répéter les
mêmes erreurs qui ont plongé le Japon dans une
stagnation de la croissance et qui ont fait perdre une
décennie au pays, estime Richard Koo, de Nomura
Research Institute Ltd. L’éclatement de la bulle des
actifs au Japon en 1990 a fait voler en fumée 16 000
milliards US, soit l’équivalent de trois fois
l’économie du pays.
« Il ne s’agit pas d’un rhume, ça ressemble plutôt à
une pneumonie », a lancé M. Koo, auteur de Balance
Sheet Recession, un ouvrage publié en 2003 et qui
porte sur les ennuis qu’a connus le Japon après que
ses marchés boursiers et immobiliers eurent sombré en
1990. « Nous avons encore besoin des dépenses
gouvernementales, a-t-il dit, et cela pourrait prendre
jusqu’à trois à cinq ans avant de sortir de ce
bourbier, même dans les meilleures circonstances. »
L e s c o mmenta i r e s d e M. Koo font écho aux
propos de divers économistes, dont Paul Krugman,
lauréat du prix Nobel, qui avertissent que le retour
des États-Unis à la croissance au cours de la deuxième
moitié de 2009 ne signifie pas qu’une reprise soutenue
soit assurée. L’administration Obama cherche à
contenir le déficit budgétaire record de 1400
milliards US au moment où la croissance reprend et à
sauvegarder la valeur du dollar, qui est mise à mal.
« S’il faut retenir une leçon de l’expérience
japonaise, c’est qu’on ne doit pas mettre fin aux
stimulants fiscaux tant que le désendettement du
secteur privé n’est pas terminé », a estimé M. Koo, 55
a ns, économiste en chef de la division de recherches
de la plus importante maison de courtage du Japon. M.
Koo a fait ces commentaires lors d’une entrevue dans
ses bureaux à Tokyo la semaine dernière. « Lorsque
nous verrons le secteur privé recommencer à emprunter,
je serai celui qui criera le plus fort sur terre pour
réclamer une réforme fiscale. Ce sera le moment de
mettre fin aux stimulants », a-t-il dit.
M.
Koo a calculé que l’éclatement de la bulle des actifs
au Japon en 1990 a fait voler en fumée pas moins de 16
000 milliards US, soit l’équivalent de trois fois
l’économie du pays. Les entreprises se sont alors
concentrées sur le remboursement de leur dette plutôt
que de lancer de nouveaux projets, ce qui a fait
chuter la demande et provoqué un cycle marqué par la
dégringolade des liquidités et des prix des actifs et
la détérioration des bilans.
En ce moment, ce sont les consommateurs américains qui
sont criblés de dettes. La dette des ménages
américains s’est gonflée de plus de 10% chaque année
de 2002 à 2005 alors que l’économie a progressé de
2,75% en moyenne.
La solution que préconise M. Koo, qui a déjà travaillé
à la Federal Reserve Bank de New York, fait appel à
des dépenses gouvernementales soutenues pour combler
le vide laissé par la réduction des dépenses des
consommateurs et des entreprises.
Les efforts de la Réserve fédérale américaine (Fed)
sont insuffisants, a-t-il dit : « Les taux d’intérêt
sont à zéro et rien ne se passe. Les entreprises et
les ménages ne veulent pas emprunter de l’argent même
à des taux de zéro; ils sont trop occupés à refaire
leurs épargnes et à régler leurs dettes. »
LA FED JOUE DE PRUDENCE - RUDY LECOURS
La Réserve
fédérale américaine ( Fed) redouble de prudence pour
s’assurer que la reprise désormais visible de l’activité
économique soit durable.
PHOTO JIM YOUNG, ARCHIVES
REUTERS
Ben Bernanke, président de la
Réserve fédérale américaine (Fed).
Voilà pourquoi elle ne se contente pas de reconduire la
fourchette de négociation, mise en place en décembre, de
son taux directeur au « niveau exceptionnellement bas » de
zéro à 0,25% « pour une période prolongée ». La Fed
réaffirme aussi que l’inf lation restera faible pendant
quelque temps encore.
À l’unanimité, les membres de son Comité de politique
monétaire indiquent aussi qu’elle va ralentir le rythme de
ses achats de titres adossés à des créances hypothécaires
(TACH) et de créances de ces émetteurs de titres afin de
donner plus de temps aux marchés pour prendre le relais.
La Fed
s’était engagée à acheter 1250 milliards de TACH et 200
milliards d’obligations émises par Freddie Mac et Fannie
Mae d’ici la fin de l’année. Le délai est prolongé jusqu’à
la fin du premier trimestre de 2010. Freddie et Fannie ont
été mises en tutelle il y a un an.
« En août, elle avait agi de même en annonçant qu’elle
étendait d’un mois, jusqu’à la fin d’octobre, son
programme de rachat de 300 milliards de titres de dettes
du gouvernement américain (Treasuries) », rappelle Sal
Guatieri, économiste principal chez BMO Marchés des
capitaux.
Ces trois programmes représentent les moyens inhabituels
mis en place par les autorités monétaires américaines pour
stimuler l’économie quand elles eurent épuisé l’effet
d’abaisser le taux directeur.
Jusqu’ici, la Fed
a acheté 862 milliards de TACH et 129,5 milliards en
obligations de Freddie et de Fannie, ce qui aura facilité
« l’augmentation de l’activité dans le secteur de
l’habitation ».
« La Fed réaffirme sa volonté de soutenir l’économie pour
la remettre en santé bien qu’elle entend diminuer le
dosage », explique Millan Mulraine, économiste chez TD
Valeurs mobilières.
Les mesures d’assouplissement quantitatif de la Fed dans
le secteur immobilier ont poussé à la baisse les taux
d’intérêt hypothécaires.
Leur interruption soudaine aurait pu provoquer une hausse
de 50 à 100 centièmes des taux hypothécaires de 30 ans,
les plus populaires aux États-Unis, selon Peter Hooper,
économiste en chef de la Deutsche Bank à New York, cité
par l’agence Bloomberg.
Le communiqué de la Fed souligne que ses efforts, de même
que ceux du gouvernement, jumelés aux forces du marché, «
soutiendront un renforcement de la croissance économique
et un retour graduel à des niveaux plus élevés
d’utilisation des ressources » même si l’activité restera
faible pendant quelque temps encore.
Il s’agit
d’un ton nettement plus optimisme que celui adopté dans
son communiqué du 12 août, où elle parlait plutôt « d’une
contribution à un retour graduel à de la croissance
soutenue ».
« La Fed est maintenant en mode d’attente, estime Francis
Généreux, économiste principal chez Desjardins. Avant de
procéder à un changement de politique, elle voudra
s’assurer que la reprise est durable. »
Si tel est le cas, la Fed paraît en harmonie avec la
Banque du Canada. Son gouverneur, Mark Carney, a affirmé
mardi soir que la reprise présente résulte des moyens
extraordinaires déployés par les autorités monétaires et
politiques. « Il y a du chemin à faire avant d’assister à
une vraie croissance, une croissance attribuable au
secteur privé. »
Cette i nterprétation est celle retenue par les marchés
boursiers très enthousiastes depuis quelques mois. Après
quelques minutes d’euphorie suivant l’annonce de la Fed,
ils ont battu en retraite. Plusieurs i nvestisseurs
craignent un retrait prématuré des moyens extraordinaires
déployés pour sortir l’économie de sa torpeur.
Cela pourrait survenir plus vite que ce que suggère le
communiqué de la Fed. « Les dernières semaines ont révélé
que la situation peut s’améliorer relativement rapidement
autour d’un point de retournement du cycle économique,
rappelle Paul-André Pinsonnault , économiste principal à
la Financière Banque Nationale. Il deviendra évidemment de
plus en plus difficile de justifier le maintien des taux à
zéro dans un avenir prévisible. »
Il faut maintenir les plans de relance,
selon le FMI
Dominique Strauss-Kahn, directeur général du Fonds
monétaire international (FMI), a appelé les chefs du
Groupe des 20 à poursuivre leurs efforts pour extirper
l’économie mondiale de la récession, précisant en guise
de mise en garde que la crise n’est pas finie.
« Cette reprise sera plutôt modeste et la croissance
sera en moyenne plus timide que ce que nous connaissions
avant la crise », a indiqué M. StraussKahn au cours
d’une entrevue à Washington avant le sommet du G20 qui
commence aujourd’hui à Pittsburgh. « Il est trop tôt
pour dire que la crise est chose du passé », a-t-il
averti.
Le responsable du FMI a aussi incité les décideurs à
saisir l’occasion de s’attaquer aux déséquilibres
commerciaux et aux flux d’investissements qu’on a blâmés
pour avoir contribué à l’effondrement du crédit. Le fait
de confier à la Chine un rôle plus important au sein du
fonds aidera à stimuler la coopération, a-t-il ajouté,
tandis que les responsables cherchent à s’entendre pour
réduire les emprunts par les États-Unis et pour étayer
la demande intérieure dans les pays qui présentent des
surplus commerciaux.
«
L’incapacité de rééquilibrer l’économie mondiale ferait
en sorte que toute reprise serait ultimement vouée à
l’échec », soutient pour sa part Gerard Lyons,
économiste en chef de Standard Chartered Plc, à Londres.
« Tendre vers une économie mondiale équilibrée est une
situation qui ne ferait que des gagnants », ajoute-t-il.
« Soudainement, nous sommes en meilleure position pour
obtenir cette sorte de coopération et de coordination
économique que nous ne l’étions naguère », a soutenu M.
StraussKahn au cours d’une entrevue ce lundi. Les
pourparlers du G20 fournissent la chance « de décider
comment nous travaillerons ensemble pour la gouverne de
la mondialisation et cela pourrait marcher ».
De s on c ô t é , T i mothy Geithner, le secrétaire
américain au Trésor, a indiqué au cours d’une conférence
de presse mardi que les leaders du G20 « feront le point
sur là où ils sont rendus dans leurs efforts pour mettre
le monde sur une voie vers une croissance plus vive,
plus durable et mieux équilibrée. » Ces objectifs
comprennent un système financier plus fort qui serait
mieux à même d’absorber les chocs, at-il dit.
« Nous observons les premiers signes de croissance et
les marchés financiers se sont améliorés
considérablement, a ajouté M. Geithner. Nous voulons
nous assurer de nous appuyer sur les progrès que nous
avons réalisés. »
Les défilés à un million US survivent -
Vincent Brousseau-Pouliot
La
récession a tout de même fait mal à l’industrie de la mode
NEW YORK — La récession américaine a fait mal à
l’industrie de la mode. Mais pas au point d’annuler ses
défilés à prix d’or – jusqu’à un million US pour une
quinzaine de minutes de gloire. Fern Mallis organise la Semaine de
la mode de New York depuis 1993. On la voit ici en plein
travail, sous des tentes installées dans Bryant Park.
Durant la Semaine de la mode de New York, qui se termine
jeudi, 63 designers défileront devant la presse
internationale, les représentants de grandes chaînes de
magasins et les fashionistas new-yorkais. Le coût des
défilés, qui durent environ une quinzaine de minutes
chacun, varie entre 50 0 0 0 $ US et 1 million.
« Les designers qui peuvent se permettre de dépenser 1
million sont très rares, mais c’est encore possible
d’atteindre ce plateau, surtout s’ils payent beaucoup de
vedettes pour assister à leurs défilés et porter leurs
vêtements », dit Fern Mallis, vice-présidente d’IMG
Fashion, qui organise la Semaine de la mode de New York
depuis 1993.
Les organisateurs newyorkais offrent aux designers le
choix entre trois types de plateaux, dont le coût de
location varie entre 26 000 $ US et 50 000$ US. « Ça
inclut le son, l’éclairage, la sécurité, le marketing, dit
Fern Mallis. Les designers décident ensuite des autres
coûts. S’ils engagent Gisele Bündchen comme mannequin, le
défilé va être plus cher. »
Plus de
designers
Fait étonnant : i l y aura cette a nnée davantage de
designers qui présenteront leurs collection de printemps
que l’an dernier, alors que les défilés avaient lieu au
moment même de la faillite de Lehman Brothers, l’événement
déclencheur de cette crise financière doublée d’une r
écession. « Nous avons un designer de plus cette année (63
contre 62), mais les défilés seront plus courts et moins
chers, dit Fern Mallis. Tout le monde peut économiser de
l’argent. Il faut seulement être un peu imaginatif. »
Si certains designers tentent de réduire la facture de
leurs défilés, c’est que les clients se font plus rares.
Selon une étude de l’American Apparel and Footwear
Association, le consommateur américain moyen a acheté en
moyenne 64 vêtements et sept paires de souliers en 2008,
alors qu’il avait acheté 67 vêtements et huit paires de
chaussures l’année précédente. « L’industrie de la mode a
été touchée par la récession comme toutes les industries,
dit Fern Mallis. Il y a moins de ventes et il y a des
pertes d’emplois, des fermetures de boutiques, des
entreprises en faillite. Beaucoup de designers tentent de
survivre. Il faut dire que l’industrie vivait à un rythme
un peu excessif avant la récession. »
En 1993, l orsque Fern Mallis a organisé la première
Semaine de la mode de New York, le Conseil des designers
de mode des États-Unis – dont elle venait d’être nommée
directrice – voulait regrouper la quarantaine de défilés
sous le même chapiteau, au parc Bryant, à Manhattan. « Il
y avait 40 défilés dans 40 endroits différents, se
souvient-elle. C’était compliqué et cher, car personne ne
partageait les coûts. »
Aujourd’hui vice-présidente d’IMG Fashion – qui a racheté
l’événement en 2001 –, Fern Mallis croit que ses défilés
peuvent venir à bout de tout. Même d’un profond marasme
économique. « C’est un rite de passage obligé dans le
milieu de la mode, dit-elle. Vendre des vêtements haut de
gamme, ce n’est pas comme vendre des sous-vêtements, qui
sont un produit plus essentiel. Le consommateur doit se
dire: "Je veux ce vêtement car il va changer ma vie!" Et
tout ce processus commence à la Semaine de la mode de New
York. »
Magasiner contre la récession - Vincent
Brousseau-Pouliot
qu’Aldo a
célébré le début de la Semaine de la mode en grand: un DJ
en permanence et un concours de défilé animé par un
animateur de MTV et une mannequin de l’émission de télé
America’s Next Top Model. « Pour nous, c’est davantage une
soirée symbolique, dit Douglas Bensadoun. C’est une façon
d’aider l’industrie à prendre un peu d’élan. On dit aux
gens de prendre confiance, NEW YORK — Vin et horsd’oeuvre
à volonté. Musique criarde crachée par des DJ. Orchestres
de rue. Pendant quelques heures jeudi soir, l’industrie
new-yorkaise de la mode a décidé de faire la fête et
d’oublier cette récession qui lui fait la vie dure depuis
un an.
PHOTO MARTIN TREMBLAY /
LA PRESSE 10-09-2009
Le magasin Aldo de New York a
célébré le début de la Semaine de la mode en grand ,
avec entre autres un DJ en permanence. Jeudi soir, 4500
clients sont entrés dans la boutique de chaussures de la
34e Rue.
En marge de la Semaine de la mode de New York, plus de 800
boutiques de la Grosse Pomme ont participé à la première
édition de Fashion’s Night Out. Le concept : étirer la
fermeture des boutiques jusqu’à 23 h dans une ambiance
festive.
L’idée du maire Michael Bloomberg et de l’éditrice toute
puissante du magazine Vogue aux États-Unis, Anna Wintour,
a profité aux boutiques québécoises ayant pignon sur rue à
New York. Aldo a reçu 4500 clients j eudi soir, une hausse
de 200 % comparativement à son achalandage habituel de
1500 clients. « Les gens restent quand même prudents, dit
Douglas Bensadoun, directeur artistique d’Aldo. I ls ont
moins la tentation d’acheter, i ls font plus de
lèche-vitrine. »
L’aff luence de Fashion’s Night Out a tout de même permis
de doubler les revenus de la soirée chez Aldo – une hausse
qui arrivera à peine à couvrir les coûts supplémentaires
de la soirée. C’est de sortir plus, de mettre plus
d’argent dans l’économie »
Aldo peut
bien se payer quelques extravagances. Malgré la récession,
le détaillant québécois de chaussures a gagné des parts de
marché dans ses 330 magasins aux États-Unis, dont une
quinzaine dans la Grosse Pomme. « Nous avons récupéré des
parts de marché, car les clients plus fortunés qui
magasinaient dans des boutiques haut de gamme reviennent
chez nous, où les souliers coûtent entre 50 $ et 150 $ »,
dit Douglas Bensadoun.
La soirée d’ouverture de Fashion Week a été aussi
couronnée de succès chez Tristan, qui a réalisé l’une de
ses meilleures journées de ventes de l’année – à
l’exception du temps des Fêtes, évidemment. Jeudi soir,
son magasin situé au coeur du quartier des affaires de
Manhattan a accueilli 800 clients jusqu’à 22h30. Malgré
les rabais de 20% offerts sur toute la marchandise,
Tristan a doublé ses revenus habituels. « Ça fait du bien
», dit en riant Marc Gaucher, le superviseur du magasin
pour Tristan.
L’engouement de Fashion’s Night Out a été plus mitigé chez
Parasuco. Le géant québécois du jeans possède un superbe
magasin dans le quartier branché de SoHo, mais celui-ci
était presque vide jeudi soir. « Ce n’est pas la grosse
affaire ce soir, mais nos ventes en 2009 ont augmenté par
rapport à l’an dernier à cause des touristes européens qui
viennent profiter du taux de change à New York, dit la
gérante Melissa Komery. J’ai notamment beaucoup
d’Allemands qui achètent mes jeans, qui sont entre 75$ et
210$. En Europe, ils paient au moins 300$ pour la même
qualité. »
Certaines marques québécoises profitent de la récession
afin de tenter leur chance dans la capitale de la mode en
Amérique du Nord. C’est le cas de Mackage, un fabricant de
manteaux et de sacs qui loue un local pour le mois de
septembre dans le quartier industriel retapé de
Meatpacking, à Manhattan. « Nous avons pris cette décision
à cause de Fashion’s Night Out, dit la designer Elisa
Dahan. C’est un événement pour encourager les gens à faire
du shopping et il faut en profiter. »
Question de faire les choses en grand, Mackage a invité la
mannequin québécoise Irina Lazareau à agir comme DJ pour
la soirée. Bonne idée pour l’entreprise québécoise, qui ne
peut de toute façon se payer une vedette comme Justin
Timberlake, qui passait la soirée chez Sasks sur la 5e
Avenue, ou encore comme Gwen Stefani, engagée par
Bloomingdale’s.
L’OPEP maintient sa production
Le cartel
du pétrole confiant quant à une reprise
VIENNE — Les représentants de l’OPEP, qui se réunissaient
hier à Vienne, ont assuré qu’ils maintiendraient leur
production à l’identique, reflétant un optimisme prudent
sur l’évolution des prix du baril comme sur la conjoncture
internationale.
Le message envoyé par les ministres présents à Vienne est
sans équivoque : alors que les prix du baril se sont
redressés plus rapidement que prévu et que la reprise é c
onomique s e dessi ne , modi f i e r l e s pa r a mèt r e
s du marché pétrolier serait risqué.
Rédui r e l a produc t i on de l’Organisation des pays e x
por t a t e u r s de pét r ole (OPEP) serait « aventureux
», a expliqué à Vienne le ministre équatorien des Mines et
du Pétrole, Germanico Pinto.
Le c omité r e s t r ei nt de l’OPEP responsable d’étudier
le marché a formellement recommandé mardi soir un statu
quo de la production, à 24,84 millions de barils par jour
(mbj). Toute autre décision serait donc un coup de
théâtre.
« Nous sommes à l ’a i se avec le marché », a affirmé Moha
mmad a l - H a mel i , ministre émirati de l’ Énergie,
arrivé hier. Depuis plus d’un mois, le prix du baril
s’échange autour de 70 $ US, proche du niveau de 75 $ US
voulu par l’OPEP.
Le ton avait été donné la veille par le chef de file du
cartel, le ministre saoudien Ali Al-Nouaïmi, qui avait j
ugé l e ma r c hé « en t r ès bonne forme ». Les analystes
considèrent eux aussi que le statu quo promis est l’option
la plus sage.
« Sachant que les prix du pétrole évoluent dans une
fourchette stable depuis plusieurs mois et que
l’environnement macroéconomique évolue positivement,
l’OPEP juge que tout changement significatif de sa
politique actuelle serait inutile à ce stade », estime
Amrita Sen, analyste chez Barclays Capital.
Si les prix du baril donnent satisfaction aux producteurs,
un sujet d’inquiétude subsiste : le niveau des stocks
pétroliers reste élevé, symptôme d’engorgement du marché
et de demande toujours anémique.
Mais les
ministres ont fait savoir qu’ils comptaient sur un
meilleur respect des décisions prises à la fin de 2008
pour éponger ce surplus, la reprise devant faire le reste.
Pour stopper l’effondrement des prix, t ombés j usqu’à
32,40 $US le baril, et faire face à une demande en chute
libre, l’OPEP a pris les mesures les plus radicales depuis
sa création en 1960 : l’organisation s’est engagée à
retirer 4,2 mbj du marché, plafonnant sa production à
24,84 mbj depuis le 1er janvier.
Les pays membres de l’OPEP ont fait preuve d’une rigueur
sans précédent dans le suivi de ces décisions, mais
restent encore loin de l’objectif assigné. Alors que les
pays arabes du Golfe ont joué le jeu, d’autres États,
notamment l’ I ran et l’Angola, pompent plus de brut
qu’ils ne le devraient.
Au total, la production des 11 pays soumis aux quotas,
excluant l’ Irak, dépasse de 1,28 mbj le plafond autorisé,
selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE).
Hier, les prix du pétrole ont fini avec une modeste hausse
à New York, dans un marché qui a vu ses gains se réduire
en fin de séance en fonction de l’évolution de la monnaie
américaine.
Sur le New York Mercantile Exchange (NYMEX), le baril de
light sweet crude pour livraison en octobre a terminé à
71,31 $US, en progression de 21 cents US par rapport à la
clôture de mardi.
Peu avant la clôture, le prix du baril, qui est monté
jusqu’à 72,52$US en séance, a connu un bref passage dans
le rouge avant de terminer en hausse.
« I l semble que ce soit une correction du dollar », a
expliqué Antoine Halff, de Newedge Group.
Le fort repli de la monnaie américaine soutenait les prix
des matières depuis quelques j ours, mais le dollar s’est
un peu redressé après la publication du Livre Beige de la
Réserve fédérale américaine sur l’état de l’économie
américaine.
OPEP La production inchangée pour soutenir
l’économie
LONDRES —
L’OPEP devrait se décider à maintenir sa production à sa
réunion demain et se contenter d’exhorter ses membres à
mieux respecter les baisses décidées l’automne dernier, un
nouveau tour de vis risquant d’être perçu comme un danger
pour la reprise économique.
« Le système de quotas actuel ne devrait pas être modifié
», a déclaré le ministre angolais du Pétrole, José Maria
Botelho de Vasconcelos, actuel président du cartel.
Ses propos confortent les experts dans l’idée que
l’Organisation des pays exportateurs de pétrole, qui se
réunira demain à Vienne, ne devrait pas toucher à son
objectif de production, fixé à 24,84 millions de barils
par jour (mbj) depuis le 1er janvier.
Même les membres durs du cartel, comme l’Iran ou le
Venezuela, n’ont pas réclamé cette fois un sevrage plus
poussé du marché.
Avec des prix du pétrole à 70$US le baril, « il n’y a pas
de pression ni dans un sens ni dans l’autre », explique
Frédéric Lasserre, analyste à la Société Générale. « Les
producteurs gagnent bien leur vie » et les consommateurs
peuvent supporter un pétrole à ce prix, précise-t-il.
Les cours du brut ont plus que doublé depuis le mois de
décembre, où ils s’étaient écroulés à 32,40$ US, et ils
évoluent depuis un mois autour de 70$US. Autrement dit,
ils se situent à une encablure des 75$US le baril, le prix
que l’OPEP juge nécessaire pour continuer à investir.
Un élément pourrait toutefois plaider en faveur d’une
baisse de la production: le niveau des stocks reste très
élevé, et la demande n’est pas franchement repartie.
« Une baisse de production doit être envisagée » car «
l’équilibre offredemande est très faible », estime ainsi
David Hirsch, directeur du cabinet d’analyse PFC.
Mais une
telle décision pourrait embarrasser l’Arabie Saoudite,
chef de file du cartel et alliée traditionnelle des
États-Unis, car elle risque d’être perçue comme une menace
pour la reprise balbutiante de l’économie mondiale.
« Au moment où le monde lutte pour sortir de la récession,
une hausse des prix de l’énergie serait malvenue, et
l’Arabie Saoudite en est consciente », explique ainsi John
Hall, analyste indépendant à Londres.
Respect des baisses
De fait, l’organisation devrait plutôt insister sur le
respect des baisses de production adoptées l’automne
dernier, totalisant 4,2 mbj. Car, voyant les prix monter,
les producteurs se sont montrés moins disciplinés et ont
pompé plus de brut: en juillet, la production de l’OPEP 11
(les membres soumis aux systèmes de quotas, excluant
l’Irak), dépassait de 1,28 mbj l’objectif officiel, selon
l’Agence internationale de l’énergie (AIE).
Les pays du Golfe, qui ont appliqué à la lettre les
consignes, pourraient donc faire pression sur les «
tricheurs », notamment l’Angola ou l’Iran, deux pays qui
seraient responsables de la moitié du surplus constaté par
l’AIE.
Mais pour David Hirsch, il serait imprudent d’écarter
entièrement la possibilité d’une surprise.
« L’excédent des stocks de produits distillés porte en
germe la perspective prochaine d’une chute brutale des
cours, ce qui fait que la réunion de Vienne n’aura rien
d’une formalité », juge-t-il.
Si l’OPEP attendait jusqu’à décembre pour diminuer ses
quotas, « il faudrait qu’elle procède à une baisse bien
plus prononcée » pour que les stocks de l’OCDE reviennent
à des niveaux normaux, anticipe-t-il.
En incluant l’Irak, l’OPEP a pompé 28,64 millions de
barils par jour en juillet.
La Fed maintient son taux... et sa prudence
- Marc Jourdier
WASHINGTON
— La Banque centrale des ÉtatsUnis (Fed) a décidé hier de
maintenir son taux directeur proche de zéro et de rester
mobilisée dans son soutien à l’économie américaine,
préférant jouer de prudence même si l’activité semble « en
train de se stabiliser ».
Comme la Banque centrale européenne ( BCE) la semaine
précédente, la Réserve fédérale a décidé de ne pas toucher
à son taux directeur. Celui-ci reste historiquement bas,
confiné dans la marge de fluctuation de 0 à 0,25 % qui lui
est assignée depuis le mois de décembre.
Les
informations depuis la réunion précédente en juin «
laissent penser que l’activité économique est en train de
se stabiliser », écrit le Comité de politique monétaire (
FOMC) de la Réserve fédérale dans un communiqué publié à
l’issue de deux jours de réunion à Washington.
La Bourse de New York, pour qui le maintien du taux
directeur de la Fed ne faisait aucun doute, est restée en
forte hausse après ce message, saluant un petit signe
d’optimisme de la Banque centrale. Les conclusions restent
néanmoins quasi identiques à celles de juin.
La Fed semble en
effet prendre soin de ne pas susciter d’espoirs exagérés
qui risqueraient de compromettre la reprise, attendue pour
le trimestre en cours, et même peut-être déjà en marche.
« Les conditions sur les marchés financiers se sont de
nouveau améliorées ces dernières semaines », et les
dépenses des ménages, vitales pour l’économie américaine,
« ont continué à montrer des signes de stabilisation »,
reconnaît-elle.
Néanmoins, ajoute le FOMC, celles-ci restent « contraintes
par la poursuite des pertes d’emplois, une croissance très
lente du revenu, une baisse du patrimoine immobilier, et
un crédit restreint ».
Et , c
omme en j ui n , le Comité juge que « les conditions
économiques vont probablement garantir des taux
extrêmement bas pour le taux de l’argent au jour le jour
pendant une longue période ». La hausse des taux ne
s’annonce donc toujours pas.
Les États-Unis sont entrés en récession en décembre 2007.
Les chiffres (encore provisoires) du PIB publiés fin
juillet montrent que l’activité américaine a reculé pour
le quatrième trimestre de suite au printemps, mais que
cette baisse a fortement ralenti pour n’atteindre que 1%
en rythme annuel, après une chute de 6,4 % pendant
l’hiver.
Mais le pays n’est pas tiré d’affaire, semble dire la Fed.
Elle a maintenu en place son dispositif contre la crise,
qui mobilise des centaines de milliards de dollars pour
continuer d’« améliorer les conditions globales sur les
marchés du crédit ».
Plus spécifiquement en ce qui concerne son programme de
rachat de 300 milliards de dollars d’obligations à long
terme du Trésor américain, la Fed indique qu’elle va «
ralentir le rythme » de ses achats afin de l’achever fin
octobre et non plus fin septembre, pour permettre « une t
ransition en douceur sur les marchés au moment où ces
achats de titres » s’achèveront.
La Fed s’en tiendra à son plan de match -
Rudy LeCours
Le comité
de politique monétaire de la Réserve fédérale (FOMC)
amorce ce matin une réunion de deux jours, alors que se
multiplient les signes de reprise de l’économie
américaine, déjà menacée par une nouvelle crise
hypothécaire, concentrée cette fois dans l’immobilier
commercial.
PHOTO YURI GRIPAS,
ARCHIVES REUTERS
Dans son témoignage devant le
Congrès le mois dernier, le président de la Fed, Ben S.
Bernanke, s’est dit très préoccupé par la situation du
marché de l’immobilier non résidentiel.
Tout le monde s’attend à ce que le FOMC reconduise son
taux directeur, exceptionnellement faible, « pour une
durée étendue ». Il oscille dans une fourchette de 0 % à
0,25 %, un creux historique depuis le printemps, dans le
but de relancer les activités de prêts, compromises depuis
la faillite de Lehman Brothers, il y aura bientôt 11 mois.
Il serait étonnant aussi que les autorités monétaires
américaines fassent marcher la planche à billets, car la
menace d’une baisse générale des prix, ou déflation,
paraît dissipée.
Depuis leur dernière rencontre du 24 juin, les membres du
FOMC ont été alimentés par beaucoup de données leur
permettant de croire que le pire de la récession est
traversé.
Mentionnons seulement la décroissance au deuxième
trimestre, limitée à 1% en rythme annualisé (alourdi de
surcroît par le déstockage), le ralentissement de la
cadence des licenciements en juillet, la stabilisation
apparente du marché de l’habitation et la forte
augmentation des nouvelles commandes des acheteurs de
biens.
« Il y a de bonnes chances que l’économie américaine
puisse renouer avec la croissance au troisième trimestre
pour la première fois depuis le deuxième trimestre de 2008
», soutient Milan Mulraine, stratège à TD Valeurs
mobilières.
Il reste que la récession a frappé très durement les
travailleurs américains. Plus de 6,7 millions d’entre eux
ont grossi les rangs des chômeurs, depuis son début en
décembre 2007, selon les données du département du
Travail. Il serait étonnant que la Fed ose augmenter son
taux directeur avant une certaine amélioration du marché
du travail, laquelle va exiger encore des mois.
La reprise de la production a jusqu’ici résulté en gains
de productivité. Beaucoup de capacité industrielle est
encore sous-utilisée, comme c’est le cas au sortir de
chaque récession.
Ce qui
diffère peut-être cette fois-ci, c’est la brutalité avec
laquelle les entreprises ont licencié. Alors que le recul
de la production de biens a été de 9 %, celui de l’emploi
dans cette sphère d’activités a atteint 15 %, fait
remarquer Yanick Desnoyers, économiste en chef adjoint à l
a F i na nc i è r e Ba nque Nationale. « La dynamique
récente de la productivité, de nature strictement cyclique
causée par des licenciements démesurés nous laisse croire
que la réaction du marché du travail face à une hausse de
la production devrait être plus rapide cette fois-ci »,
écrit-il dans la dernière livraison de L’Hebdo économique
intitulée : États-Unis : place à la reprise.
Il n’est pas seul à penser de la sorte.
Selon le Nobel d’économie Paul Krugman, i nterviewé hier à
Kuala Lumpur par l’agence Bloomberg, « il est fort
possible, bien que ce ne soit pas une certitude, que,
rétrospectivement, nous disions que la récession a pris
fin en juillet ou en août, peutêtre en septembre. Je pense
que nous touchons le fond, qu’août marquera le creux. »
Voilà pourquoi Laura Tyson, conseillère économique du
président Barack Obama, aussi à la conférence dans la
capitale de Malaisie, a déclaré qu’un deuxième plan de
stimuli économique ne sera sans doute pas nécessaire
puisque le premier commence à porter ses fruits.
Il n’en demeure pas moins que la récession aura fait mal
aux locateurs d’immeubles à bureaux et de locaux
commerciaux. I l s doivent refinancer cette année pour 165
milliards de prêts hypothécaires alors que la valeur de
leurs propriétés a fondu du tiers environ depuis deux ans,
selon Moody’s Investors Service.
Voilà de quoi compromettre une reprise fragile, car les
prêteurs sont surtout des banques régionales qui
pourraient faire faillite ou resserrer leurs conditions de
prêts aux ménages et aux entreprises.
Dans son témoignage devant le Congrès le mois dernier, le
président de la Fed, Ben S. Bernanke, s’est dit très
préoccupé par cette question.
Cer t a i n s obser vateu r s croient que les autorités
monétaires iront même jusqu’à faciliter le crédit dans le
marché de l’immobilier non résidentiel, comme elles le
font par exemple pour les cartes de crédit ou les prêts
étudiants.
La Fed n’a toutefois pas besoin de l’annoncer en même
temps que la reconduction de son taux directeur.
Éclaircies dans le ciel de la Fed
WASHINGTON
— La banque centrale américaine, qui se réunit demain et
mercredi pour discuter de ses mesures d’aide à l’économie,
se retrouve dans une position plus confortable, avec une
conjoncture qui donne raison à sa politique et à ses
prévisions.
Habitué à devoir peser ses mots pour ne pas enfoncer plus
encore la première économie mondiale dans la récession, le
Comité de politique monétaire ( FOMC) de la Réserve
fédérale a désormais la tâche d’aider la reprise.
Sans surprise, son taux directeur devrait rester une
nouvelle fois i nchangé. I l est depuis décembre compris
dans une fourchette de 0 à 0,25%, et le président de la
Fed, Ben Bernanke, s’est engagé fin juillet devant le
Congrès à l’y maintenir « pendant une longue période ».
Les
analystes de Barclays prévoient que le Comité « fasse part
d’un optimisme accru quant à la possibilité que la
croissance économique devienne positive au second semestre
».
Plus audacieux peut-être, M. Bernanke a tâché, face à des
caméras de télévision fin juillet, une première pour un
président de la Fed, de convaincre des citoyens ordinaires
que son institution avait pris les bonnes mesures, malgré
leur coût vertigineux.
Et depuis la dernière réunion de la Fed fin juin, les
statistiques lui donnent raison. Le PIB du deuxième
trimestre, en recul de 1% en rythme annuel, a été moins
mauvais que prévu. Et le marché du travail a connu une
mince éclaircie, avec une baisse inattendue du taux de
chômage à 9,4% en juillet.
« Ce sera intéressant de voir ce que la Fed a à dire sur
la conjoncture. S’ils sont un peu plus positifs, ou un peu
moins négatifs, alors ils pourraient commencer le
processus de faire savoir aux marchés qu’un changement de
politique arrive », souligne l’économiste Joel Naroff.
La Fed promet des taux bas pendant
longtemps
ÉTATS-UNIS
WASHINGTON — Le président de la Réserve fédérale des
États-Unis, Ben Bernanke, a indiqué hier au Congrès que la
banque centrale gardera très bas ses taux d’intérêt «
pendant un long moment », malgré l ’ a mél i orat i on de
la conjoncture et la nécessité de les remonter plus tard.
Le président de la Réserve
fédérale des États-Unis, Ben Bernanke, devant le Congrès
hier.
« À la lumière du marasme économique considérable et de
pressions inf lationnistes limitées, la politique
monétaire reste concentrée sur le fait de favoriser la
reprise économique », a-t-il déclaré lors de son
témoignage semestriel devant les parlementaires sur l’état
de l’économie.
La Fed « croit qu’une politique monétaire très souple sera
adéquate pendant un long moment », a-t-il poursuivi, en
réitérant son engagement à maintenir le taux d’intérêt
directeur actuel, proche de zéro.
M. Bernanke a estimé qu’il y avait eu « une amélioration
notable » de la conjoncture économique ces derniers mois,
mais qu’il restait un risque que « la stabilisation
récente de la consommation ne se révèle éphémère ».
Les États-Unis, entrés en récession en décembre 2007,
attendent toujours une reprise de l’activité économique.
Ils font face à une montée spectaculaire du chômage (9,5 %
en juin, au plus haut depuis 1983), un taux de crédit jugé
insuffisant par les autorités monétaires et un secteur
immobilier en plein marasme.
Dans ce contexte, M. Bernanke a tâché d’évacuer le débat
sur la nécessité de revenir sur la politique
expansionniste actuellement en place.
Avant même son témoignage au Congrès, il avait détaillé sa
« stratégie de sortie » dans le Wall Street Journal, à
l’attention de ceux qui craignent que la Fed perde de vue
la stabilité des prix. Il avait assuré que la banque
centrale disposait de « nombreux outils » pour revenir à
une situation plus normale, après avoir injecté des sommes
colossales dans l’économie au pire de la crise.
« L’i
nsécurité de l ’emploi, ajoutée à la baisse de la valeur
de l’immobilier et à la rareté du crédit, devrait limiter
les gains dans la consommation », a-t-il souligné devant
le Congrès.
La Fed, pour qui le plein emploi est un objectif
fondamental, prévoit que le taux de chômage (9,6 % en
juin) connaîtra « un pic à la fin de l’année » (entre 9,8
% et 10,1 %) et restera ensuite « bien au-dessus » de ce
qu’elle souhaite. En revanche, l’inflation n’est pas pour
elle un risque à court terme.
« Ce témoignage révèle que M. Bernanke est toujours très
prudent concernant la reprise économique », a commenté
Marie-Pierre Ripert, de Natixis. Selon elle, il est, parmi
les dirigeants de la banque centrale, l’un des plus
favorables à des taux bas.
« L’accent mis par M. Bernanke sur la déprime du marché du
travail laisse penser qu’un resserrement de la politique
monétaire ne commencera pas tant que le chômage ne
commencera pas à baisser », a affirmé Ian Shepherdson, de
HFE Economics.
« Dans nos calculs, cela signifie en 2011 au plus tôt »,
a-t-il ajouté.
Question plus urgente qu’une hausse des taux d’après lui,
M. Bernanke a exhorté le Congrès à contenir le déficit
budgétaire des États-Unis sous peine de « n’avoir ni
stabilité financière ni croissance économique durable ».
« S’attaquer aux problèmes budgétaires du pays exigera des
choix difficiles, mais retarder ces choix les rendra
encore plus difficiles », a insisté le président de la
Fed.
M. Bernanke a également vigoureusement plaidé pour
l’indépendance de la politique monétaire de la banque
centrale, garante selon lui de « stabilité économique et
financière » du pays.
G8 Les plans de relance restent... pour l’instant
L’AQUILA,
Italie — Les leaders du G8 réunis à L’Aquila en Italie – dans
le cadre du Sommet actuel – ont annoncé qu’ils reporteront les
mesures visant à désamorcer les plans de relance économiques
actuels tant que la reprise économique ne sera pas confirmée.
Du même coup, ils ont assuré qu’une reprise économique stable
et durable les ramènera tous à la table des négociations.
D’ici là, chacun des leaders assumera la responsabilité de
trouver les portes de sortie qui conviendront à l’économie de
leur pays. Les stratégies « varieront d’un endroit à l’autre
et tiendront compte des finances publiques et des conditions
de l’économie locale » propre à chacun des pays du Groupe des
huit.
Alors que certains observateurs parlent avec optimisme de
l’amoindrissement de la récession globale, plusieurs rapports
indiquent que la reprise économique n’arrive que très
lentement.
Le Fond monétaire international (FMI) a fait l’annonce que la
contraction économique annuelle globale prévue atteint
maintenant les 1,4%. Cette nouvelle prévision dépasse à la
baisse la précédente qui, au mois d’avril dernier, la
chiffrait à 1,3%. En revanche, sans qu’aucun chiffre ne soit
toutefois avancé, le taux de croissance économique,
préalablement estimé à 2,5% pour l’année 2010, sera plus fort
que prévu.
À la
mi-juin, forts de cette nouvelle prévision, les ministres
des finances du G8 avaient conclu que le temps serait
dorénavant venu de dessiner des plans visant à rééquilibrer
les budgets déficitaires et la précarité bancaire.
Instabilité économique
Hier, un proche conseiller de Barack Obama a signifié que
l’économie demeure actuellement i nstable, beaucoup trop
pour que les plans de relance soient désamorcés.
Rencontré par des j ournal i stes à L’Aquila, Mike Froman,
haut responsable de la National Security, a parlé des «
incertitudes et des risques » minant toujours le système
économique actuel. Le président Obama est arrivé hier en
Italie, après une visite au président italien Giorgio
Napolitano à Rome, ainsi qu’un séjour en Russie où il a
rencontré le président Dmitri Medvedev et le premier
ministre Vladimir Poutine. Obama a laissé la porte ouverte à
l’éventualité de l’établissement d’un second plan de
relance. Celui-ci ferait suite au premier, dont l’adoption
légale fut entérinée en février dernier au montant de 787
milliards US.
Tous les leaders se sont par ailleurs entendus sur la
nécessité de rejeter toutes formes de protectionnisme, ainsi
que sur la conclusion rapide de pourparler concernant les
échanges entre pays.
La Fed veut apaiser les craintes
Les
dirigeants de la Réserve fédérale américaine ( Fed) étudient
la possibilité d’utiliser l’énoncé de politique de mercredi
pour stopper toute conjecture voulant qu’ils soient disposés
à hausser les taux d’intérêt dès cette année.
PHOTO RON EDMONDS, AP
Le président de la Fed, Ben S.
Bernanke, et ses collègues du Comité fédéral d’open market
(FOMC) se réuniront à Washington demain et mercredi.
Les décideurs de la Fed ont déjà indiqué qu’ils acceptent
une augmentation des taux de rendement des bons du Trésor de
plus long terme, mais certains d’entre eux craignent toute
attente prématurée concernant une hausse des taux d’intérêt.
Par ailleurs, le personnel de la Fed s’est penché sur la
décision de la Banque du Canada de renoncer à toute hausse
de son taux directeur jusqu’en 2010, selon une personne au
courant de cette question, sans en être venu à la conclusion
que cette annonce s’est avérée efficace.
Ainsi, le 21 avril dernier, la Banque du Canada a réduit son
taux directeur à 0,25%, soit le plus bas de son histoire,
précisant que « l’on peut s’attendre à ce que le taux cible
des prêts d’un jour demeure à son niveau actuel jusqu’à la
fin du deuxième trimestre de 2010, la situation étant
subordonnée aux perspectives relatives à l’inflation. »
Pour la Fed, une option pourrait consister à mettre l’accent
lors de son énoncé de mercredi prochain sur le fait que le
ralentissement plus marqué sur le marché du travail et
l’activité manufacturière aux États-Unis gardera l’inflation
à un niveau bas et tempérera la reprise, estime Michael
Feroli, économiste de JPMorgan Chase à New York et ancien
membre de la Fed.
Ce qui est en jeu, c’est de garder les coûts d’emprunt
suffisamment bas pour favoriser une reprise soutenue sans
lier la banque centrale américaine à un seul plan d’action.
« Il existe
des manières (pour les décideurs de la Fed) de mettre en
lumière leurs attentes concernant des taux d’intérêt bas
sans s’engager outre mesure », soutient Lou Crandall,
économiste en chef de Wrightson ICAP, de Jersey City, au New
Jersey.
Le président de la Fed, Ben S. Bernanke, et ses collègues du
Comité fédéral d’open market ( FOMC) se réuniront à
Washington demain et mercredi. Les économistes prévoient
qu’ils laisseront le taux directeur de la Fed dans une
fourchette de 0 à 0,25%. Les décideurs discuteront également
de tout changement éventuel à leur engagement d’acheter
jusqu’à 300 milliards US en bons du Trésor et 1450 milliards
US en titres de dette liés à l’immobilier.
Dans ses deux derniers énoncés, le FOMC a indiqué que « les
conditions économiques sont susceptibles de justifier des
taux exceptionnellement bas des fonds fédéraux pour une
longue période. »
Les marchés ont déjà indiqué qu’ils ne tiennent plus compte
de ce discours. Les bons du Trésor de deux ans ont glissé
depuis qu’un rapport du gouvernement fédéral américain a
fait état, le 5 juin dernier, de la plus modeste perte
d’emplois en huit mois, le taux de rendement des bons étant
de 1,14% hier en début d’aprèsmidi à New York,
comparativement à 0,91% au début de juin.
Les contrats à terme sur les fonds fédéraux américains pour
mars présentent un taux de rendement de 0,705%, ce qui
indique une certaine probabilité de hausse des taux d’ici le
premier trimestre de 2010.
Si les pertes d’emplois sont en régression, des responsables
de la Fed ont toutefois souvent répété que le taux de
chômage va vraisemblablement augmenter au cours des mois à
venir.
Hydro au secours des grandes entreprises
Les grandes
entreprises qui souffrent du ralentissement économique ont
réussi à attendrir le coeur d’Hydro-Québec, qui réduira leurs
tarifs d’électricité le temps que la conjoncture s’améliore.
Quatre des plus importants clients industrielsd’Hydro-Québec
ont déjà demandé une baisse de leurs tarifs, selon la société
d’État. La réduction de la facture de ces quatre clients
pourrait atteindre 6 millions de dollars.
Hydro a 250 clients qui paient le tarif L ( grande industrie).
Ensemble, ces clients consomment près de la moitié de toute
l’électricité vendue au Québec.
Comme les tarifs d’HydroQuébec sont réglementés, la Régie de
l’énergie doit approuver les rabais consentis à certains de
ses clients, ce qu’elle a fait le 11 mai dernier.
Hydro a donc
le feu vert pour réduire les tarifs de ses gros clients les
plus mal en point. Ce n’est pas la première fois qu’Hydro se
porte au secours de la grande industrie. En 1993, à la suite
de la récession de 1991-1992, huit grandes entreprises
avaient profité d’une réduction de leur facture, pour une
économie totale de 20 millions. Le rabais correspondait à
une réduction de 7% de leur facture d’électricité.
Tous les clients qui paient le tarif industriel (tarif L)
sont admissibles à ces réductions, à condition de prouver
qu’ils sont en réelles difficultés. En 1993, les entreprises
devaient dévoiler leurs états financiers et démontrer
qu’elles avaient demandé une réduction de coûts à leurs
autres fournisseurs avant qu’Hydro accepte de réduire leur
facture.
Ces conditions avaient été jugées trop lourdes par les
entreprises, qui ont réclamé leur allègement. Il n’a pas été
possible de savoir si, cette fois, les conditions
d’admission ont été modifiées comme le souhaitaient les
entreprises. Hydro-Québec n’a pas rappelé La Presse
Affaires.
Ça fait des mois que les grandes entreprises réclament une
réduction de leur facture d’électricité pour leur permettre
de traverser la récession. Elles ont réclamé en vain un gel
des tarifs en 2009-2010. La Régie de l’énergie a accordé une
augmentation de 1,2% à Hydro, en vigueur depuis le 1er avril
dernier.
Hydro-Québec a toutefois accepté de discuter avec ses gros
clients de mesures d’aide qui pourraient être mises en
place. Il était question d’assouplissement des conditions de
crédit, entre autres.
Ces
discussions ne sont pas allées très loin, a indiqué hier Luc
Boulanger, directeur général de l’Association québécoise des
consommateurs industriels d’électricité, qui regroupe les
entreprises les plus énergivores.
Les réductions de tarifs qui viennent d’être permises par la
Régie sont unemesure de dernier recours, selon Luc
Boulanger, qui ne profitera qu’aux entreprises qui sont sur
le point de fermer leurs portes.
Toutes les
autres continueront à souffrir, estime Luc Boulanger.
Les réductions de tarifs qui seront accordées aux grandes
entreprises généreront un manque à gagner qui sera récupéré
par Hydro plus tard. Comment? Il faudra attendra à la
prochaine demande d’augmentation de tarifs, en août, pour
savoir si ces rabais seront récupérés chez cette catégorie
de clients seulement ou si l’ensemble de la clientèle
d’Hydro-Québec paiera la note.
La Régie de l’énergie entendra les avis des parties
intéressées lors des prochaines audiences tarifaires.
Le Fonds FTQ ouvre ses goussets
Récession oblige, selon son président, le Fonds de
solidarité FTQ vient deboucler la plus grosse année
d’investissements de son histoire.
Au moins 848 millions de dollars ont été i nvestis dans
des entreprises et des projets d’affaires au Québec
durant l’exercice de 12 mois terminé le 31 mai.
C’est quelque 100 millions de plus que l’année
précédente.
Et presque 2 0 0 mil l i ons de plus que les capitaux
frais recueillis par le Fonds avec la vente de parts aux
particuliers, à hauteur de 660 millions « malgré un
marché difficile », a souligné Yvon Bolduc, en entrevue
avec
« Même si nous cherchons à équilibrer nos sorties et nos
entrées de fonds, nous avons f a i t un ef f or t s
pécia l pour investir en cette année un peu
exceptionnelle. L’économie du
La
Presse Affaires. Québec en avait besoin face à la
récession et la pire crise financière depuis les années
30. »
Ainsi, un nombre élevé de 280 entreprises de diverses
tailles a bénéficié d’un apport financier du Fonds
durant cet exercice 2008-2009, par l’entremise d’un prêt
à conditions particulières ou d’une injection au
capital-actions.
Aussi, autre réalisation spéciale pour contrer la
récession : le Fonds de solidarité s’est engagé, en plus
de ses investissements directs, à contribuer un peu plus
d’un demi-milliard dans des nouveaux fonds à
partenaires.
Ça comprend le fonds technologique Teralys Capital, avec
la Caisse de dépôt et placement, ainsi que le Fonds de
la relance avec l a société d’ État SGF, pour les
entreprises en mal de liquidités.
D’ailleurs, les premiers débours de ce fonds spécial de
500 millions, créé avec le dernier budget provincial,
seront annoncés « très bientôt », selon M. Bolduc.
Imprimer de l’argent pour défendre le huard
?
La
Banque du Canada pourrait devoir « imprimer » de
l’argent et acheter des actifs comme des obligations
gouvernementales pour contrer la hausse de la devise
canadienne, qui risque de nuire à la reprise économique
Ainsi, la progression de 16% du huard par rapport au
dollar américain depuis le 9 mars dernier menace de
faire mal aux exportations du pays déjà malmenées. Cette
situation augmente les probabilités que Mark Carney,
gouverneur de la Banque du Canada, imite la Réserve
fédérale américaine (Fed), la Banque d’Angleterre et la
Banque Nationale de Suisse qui ont eu recours à ce qu’on
appelle de l’assouplissement quantitatif, estime
Nicholas Rowe, économiste de l’Université Carleton, à
Ottawa.
« Chaque hausse de la devise augmente véritablement les
probabilités » que M. Carney achète des actifs avec de
l’argent frais, ajoute M. Rowe, qui fait partie d’un
comité de l’Institut C.D. Howe, un groupe de recherche
indépendant.
Des
achats d’actifs répondraient à un double objectif de la
banque centrale: ils contribueraient à diminuer les
coûts d’emprunt des entreprises et des ménages et ils
affaibliraient le huard en rendant les investissements
de court terme libellés en dollars canadiens moins
attrayants.
La différence entre les taux de rendement des bons du
Trésor canadiens et américains d’un an a augmenté la
semaine dernière à plus de 20 points de base pour la
première fois depuis février dernier. Ainsi, les
investisseurs peuvent obtenir des rendements plus élevés
sur les actifs canadiens comparativement aux actifs
américains sur toutes les valeurs dont l’échéance est de
trois ans ou moins.
La Banque du Canada avait annoncé le 23 avril dernier
qu’elle pourrait acheter des actifs au besoin pour
stimuler l’économie, mais M. Carney n’a pas eu recours à
cette mesure depuis lors. Cela a contribué à la montée
du huard, qui s’est apprécié en mai à la cadence
mensuelle la plus rapide depuis que le Canada laisse
flotter sa devise par rapport au dollar américain, soit
depuis 1950.
Les exportateurs canadiens écopaient déjà même avant la
récente appréciation du huard. Ainsi, les expéditions
canadiennes à l’étranger ont chuté de 31% au cours des
neuf mois terminés en avril dernier, précisait
Statistique Canada le 10 juin dernier. Bombardier,
troisième avionneur au monde, fait partie des
entreprises canadiennes qui ont mis des travailleurs à
pied, ce qui a fait porter le taux de chômage à 8,4%, un
sommet de 11 ans.
Harper ne bloquera pas la vente d’actifs à Ericsson
PANAMA
CITY — Le premier ministre Stephen Harper n’entend pas
adopter de mesures extraordinaires pour bloquer la
vente d’actifs de Nortel à la suédoise Ericsson.
Nortel, une entreprise spécialisée en
télécommunications qui a déjà été l’entreprise
canadienne dotée de la plus forte capitalisation
boursière, est en voie de vendre ses principaux actifs
après s’être placée à l’abri de ses créanciers au
Canada et aux États-Unis.
Le premier ministre a été questionné à son sujet lors
d’une conférence de presse au Panama. I l a répondu
qu’il laissera l’affaire suivre son cours, en vertu de
la Loi sur Investissement Canada.
Il a ensuite ajouté qu’il n’a pas l’i ntention
d’adopter de nouvelle mesure protectionniste pour
bloquer la transaction.
M.
Harper a rappelé qu’il demande depuis longtemps aux
États-Unis d’éviter le protectionnisme, et qu’il ne
serait donc pas correct pour le Canada d’adopter
lui-même des mesures protectionnistes.
Nortel est sous la protection des tribunaux depuis le
mois de janvier. Ses dirigeants s’affairent à vendre
diverses composantes de l ’entreprise dans le cadre
d’un processus d’enchères.
La première ronde impliquait la vente des actifs
sans-fil de Nortel, dont Ericsson se porte acquéreur
pour 1,3 milliard. L’entente comprend le maintien de
800 emplois.
Le Parti libéral du Canada et le Nouveau Parti
démocratique ont demandé au gouvernement Harper de
bloquer la transaction, faisant valoir qu’elle
placerait entre des mains étrangères une technologie
canadienne de pointe.
NORTEL : LA HAUTE DIRECTION DÉCIMÉE
Les
revenus et les profits en forte baisse
TORONTO — Nortel Networks, géant insolvable du secteur
technologique, dit adieu à son PDG, Mike Zafirovski,
au moment où l’entreprise se défait de précieux
actifs. Mike Zafirovski, 55 ans,
ancien cadre supérieur de Motorola Corp., avait été
embauché par Nortel en 2005 dans l’espoir qu’il
puisse revitaliser la société. Son départ n’a pas
surpris les analystes hier. Sa présence à la barre
de l’entreprise était associée dès le début à une
phase de sa restructuration.
M. Zaf i r ovski , 55 a ns, ancien cadre supérieur de
Motorola Corp., avait été embauché pa r Nortel en 20
05 dans l ’ espoi r qu’i l puisse revitaliser la
société. Il quitte immédiatement ses fonctions de
président et de PDG.
I l ne sera pas remplacé. L’entreprise demandera
plutôt que l’on confie de plus grandes responsabilités
à la firme Ernst & Young, nommée par le t r i
bunal , qui travaille avec Nortel depuis que
l’entreprise a demandé la protection de la cour contre
ses créanciers au Canada et aux États-Unis.
Le conseil d’administration de Nortel passera de neuf
membres à trois. Parmi les administrateurs qui
partent, on compte Harry Pearce, qui a été président
de Nortel et qui a joué un rôle de premier plan dans
l’embauche de M. Zafirovski.
L’entreprise a aussi fait s avoi r qu’une équipe de
cadres, dont le responsable de la restructuration,
Pavi Binning, et l e r esponsable de la stratégie,
George Riedel, surveillera les opérations et fera
rapport au conseil d’administration et à Ernst &
Young.
Nortel, fournisseur mondial de réseaux de
télécommunicat i ons , qui a déjà été la société ayant
la plus grande valeur au Canada, est à vendre ses
actifs principaux dans le cadre de sa restructuration.
Pertes accrues
Hier, l ’entreprise a fa it s a voi r q ue s e s r e
ve nus avaient chuté de 25 % au deuxième trimestre, à
1,97 milliard US, et précisé que sa perte avait plus
que doublé, à 274 millions US, soit 55 cents US par
action, comparativement à la période correspondante de
2008.
Cette perte, attribuable en partie à des coûts de
réorganisation de 130 millions de dollars canadiens,
se compare à une perte de 113 millions, ou 23 cents
par action, au cours de la période correspondante
terminée le 30 juin de l’an dernier.
Da n s
u n c o mmuniqué publié hier, M. Zafirovski a dit
croire que la société est en voie de stabiliser ses
activités tout en finalisant la vente de sa division
sans-fil.
« La direction a été établie et nous sommes maintenant
parvenus à un point naturel de transition tandis que
nous continuons à fournir des services à nos clients,
à maximiser la valeur grâce aux ventes et à poursuivre
les activités de restructuration », a souligné M.
Zafirovski.
Au départ, M. Zafirovski ava i t a f f i r mé en j a
nvier dernier que Nortel visait à conserver ses
activités principales et à poursuivre à titre de
fournisseur de technologie plus modeste. Toutefois, la
société a modifié ses objectifs et elle procède en ce
moment à la vente de ses divisions et de ses actifs.
« Nous avons atteint un point de départ logique, a dit
M. Pearce. Mike avait pris l’engagement de veiller au
processus de stabilisation de la compagnie, à la vente
de ses principaux actifs et à la mise en place des
bons plans et du personnel qui convient pour poursuive
nos activités et servir nos clients. Et c’est ce qu’il
a fait. »
M. Pearce estime que M. Zafirovski a réalisé « de
grands progrès » sur de nombreux fronts, y compris la
résolut ion de grands problèmes juridiques et
comptables et la nouvelle orientation donnée à Nortel,
qui est passée d’une compagnie axée sur des produits «
de patrimoine », plus anciens, à des investissements «
de croissance ».
Pas de surprise
Duncan Stewar t , directeur de l ’a nalyse à DSam
Consulting et observateur de Nortel depuis longtemps,
ne voit pas dans le départ de M. Zafirovski un geste
prématuré ou une surprise.
« M. Za f i r ovski e s t un homme d’opérations, et ce
n’est pas sur cet aspect que Nortel met l ’accent en
ce moment, dit-il. Ce n’est pas quelqu’un qui possède
une énorme expérience en ce qui concerne les fusions
et acquisitions. C’est la raison de la présence de
George Riedel au sein de la compagnie. »
M. Stewart fait observer que M. Zafirovski avait déjà
indiqué publiquement qu’il quitterait ses fonctions au
moment où Nortel se délesterait de nombreux actifs.
Flou total pour les salariés
- Martin Vallières
La l
iquidation des act i f s de Nortel, accélérée depuis
hier, risque de toucher plusieurs dizaines de
salariés à Montréal même si l ’entreprise n’y a plus
d’usine depuis des années.
PHOTO MARTIN
CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE
La division Metro Ethernet
demeure la principale occupante des quatre
immeubles identifiés à Nortel au Technoparc du
quartier Saint-Laurent, à Montréal. C’est la
prochaine et troisième des quatre divisions de
Nortel à devoir trouver preneur, selon les
analystes, pour une valeur estimée à un peu plus
d’un milliard de dollars américains.
Après l ’ a n nonce de la vente de la division
sans-fil à la firme suédoise Ericsson, qui concerne
de nombreux emplois de R& D à Montréal et à
Ottawa, il s’agit cette fois des employés de la
division de Réseaux Metro Ethernet.
C’est la prochaine et troisième des quatre divisions
de Nortel à devoir trouver preneur, selon les
analystes, pour une valeur estimée à un peu plus
d’un milliard de dollars américains.
Cette division est spécialisée dans les technologies
de très grande bande passante pour les réseaux de
télécommunications de type internet, notamment pour
les transmissions audiovisuelles.
Or , c e t t e d i v i s i o n de Metro Ethernet
demeure la principale occupante des quatre immeubles
identifiés à Nortel au Technoparc du quartier
Saint-Laurent , à Montréal, a-t-on confirmé hier à
La Presse Affaires.
Selon le dernier chiffre divulgué par Nortel, près
de 500 personnes étaient employées à ce principal
centre d’activités qui lui reste au Québec. C’est
aussi quatre ans après la revente puis la fermeture
subséquente de son usine à Montréal, également dans
le quartier SaintLaurent, qui a déjà employé plus de
1000 personnes.
« Effectivement, la division Metro Ethernet fait
partie des actifs qui devront être vendus par
Nortel. Toutefois, on ne peut encore présumer du
sort de ses employés, à Montréal ou ailleurs dans l
’ ent r eprise » , a soul i gné Ryan Hill,
porte-parole de Nortel au Canada.
L’échéancier de la vente de cette division demeure i
mprécis. Du moins, t a nt que n’aura pas été ajusté
le processus d’administration judiciaire de
protection de faillite dans lequel Nortel évolue
depuis janvier.
Un élargissement du rôle du c ontrôleu r déjà
mandaté par la Cour, la firme Ernst & Young, est
requis a près l ’ a n nonce hier du départ du
président de Nortel et de la réduction de son
conseil d’administration.
Mais
de l’avis d’analystes, la division Metro Ethernet
renferme plusieurs technologies de pointe qui font
partie des « joyaux » résiduels de Nortel. « Cette
division pourrait valoir plus que celle du sans-fil,
même si cette valeur a sans doute baissé depuis un
an en raison d’une chute des ventes », a récemment
affirmé Mark Tauschek, analyste principal
d’Info-Tech Research Group, de London, en Ontario.
Les résultats du deuxième t r i mestre 2009
divulgués hier par Nortel confirment un déclin de 27
% des ventes de sa division Metro Ethernet sur une
base annualisée, pire que celle de 25 % pour toute
l’entreprise.
Aussi , c e s vente s o nt décl i né de 8 % entre l
es premier et deuxième trimestres 2009, alors que
les ventes totales de Nortel progressaient de 14 %.
Quant à la vente de la division sans fil, rappelons
qu’une entente a été annoncée à la fin de j uillet
avec la société suédoise Ericsson, au prix de 1,1
milliard US.
Toutefois, cette annonce a suscité des requêtes en
blocage au fédéral, au motif que les technologies de
sans-fil de Nortel devraient rester en mains
canadiennes parce que leur mise au point a été
largement subventionnée.
À Ottawa, vendredi dernier, le Comité parlementaire
de l’industrie à la Chambre des communes a tenu une
séance extraordinaire à ce sujet.
Pa r mi l e s s uj e t s d’ i nquiétude : le sort
des 400 employés de la division de sans-fil au
principal centre de recherche et développement ( R
& D) de Nortel au Canada, en banlieue d’Ottawa.
Par ricochet, leur sort sous une direction prochaine
d’Ericsson pourrait avoir un effet sur le principal
centre de R& D en sans-fil de cette entreprise
au Canada, situé lui à Montréal.
Quelque 600 personnes t ravaillent à ce centre de
R& D d’Ericsson en bordure du bouleva r d Déca r
i e, à Montréal.
Depui s l ’ e nt e nt e a ve c Nortel, la direction
d’Ericss on au Ca nada s outient qu’elle n’a pas
l’intention de fusionner ou de rationaliser ses
activités de R & D entre Montréal et Ottawa.
Mais déjà, des intervenants du milieu des télécoms à
Montréal doutent du maintien de deux centres de
R& D dans le sans-fil à deux heures de route
l’un de l’autre.
Audiences d’urgence des députés
fédéraux - Karine Fortin
«
Compte tenu des circonstances entourant la transaction
et le nombre de choses en jeu, j’ai pensé qu’il était
important que le Parlement tienne un débat public », a
dit le député néo-démocrate Brian Masse.
OTTAWA — Des députés fédéraux préoccupés par la vente
d’actifs de l’équipementier de télécommunications
Nortel Networks à la multinationale suédoise Ericsson
ont accepté de suspendre leurs vacances estivales, le
temps de tenir des audiences d’urgence sur la
transaction annoncée le mois dernier et dont la valeur
est d’environ 1,13 milliard de dollars US.
Le comité permanent de l’Industrie, des Sciences et de
la Technologie se réunira demain au parlement pour
entendre les dirigeants de Nortel et d’Ericsson ainsi
que ceux de Research in Motion ( RIM), qui s’est
élevée contre le processus de vente aux enchères des
actifs et le fait qu’ils soient vendus à une
entreprise étrangère.
Des représentants du gouvernement fédéral devraient
également assister à la rencontre. Le ministre de
l’Industrie a en effet le pouvoir de bloquer une
transaction ou d’imposer des conditions à l’acheteur
pour des raisons de sécurité nationale s’il estime que
cela est dans l’intérêt du pays.
Une première séance aura lieu demain et d’autres
pourraient suivre.
Conséquences
L e néo - démoc r a t e Br i a n Masse, qui a eu
l’idée de tenir des audiences sur Nortel, dit vouloir
poser des questions sur les conséquences potentielles
de la vente de la quasi-totalité des activités CDMA
(système appliqué dans les réseaux de téléphonie
mobile) et les actifs LTE Access ( prochaine
génération) de Nortel.
« Compte tenu des circonstances entourant la
transaction et du nombre de c hoses en j eu, dont la
technologie, j ’ai pensé qu’il était important que le
Parlement tienne un débat public », a-t-il expliqué en
entrevue à La Presse Canadienne.
Le
député, qui représente la ville ontarienne de Windsor,
trouve important que les parlementaires examinent les
tenants et aboutissants du t ra nsfert de propriété i
ntellectuelle et d’autres actifs et formulent des
recommandations au ministre, s’ils le jugent à propos.
I l souligne que les contribuables canadiens ont payé
une partie des frais de recherche et développement de
l’entreprise et qu’il est normal qu’on les tienne au
courant de ce qu’il advient de leur investissement.
Il était urgent d’organiser une rencontre puisque la
transaction a déjà obtenu l’aval des tribunaux au
Canada et aux États-Unis, en dépit de l’opposition de
RIM, qui souhaitait acquérir les technologies en jeu
mais s’est vu refuser l’occasion de présenter une
offre en bonne et due forme.
Garanties
Pour leur part, les libéraux entendent profiter des
audiences pour obtenir des garanties qu’Ericsson
continuera à investir au Canada après avoir mis la
main sur les actifs de son ancienne rivale.
I ls veulent aussi en savoir plus sur la stratégie du
gouvernement Harper en matière de haute technologie.
« Ça fait plusieurs mois que l e processus de f a i l
l i t e de Nortel et ensuite l’encan pour une partie
de la compagnie se déroulent, et tout ça s’est fait
dans les médias et derrière des portes fermées. Le
gouvernement n’a certainement pas partagé sa stratégie
ou les informations qu’il a recueillies » , a fait
valoir le député libéral Marc Garneau. Comme c’est son
habitude, le Bloc québécois tentera de voir quels sont
les avant ages du rachat pour le Québec. Le
porte-parole en matière d’ I ndustrie, Robert
Bouchard, a aussi indiqué qu’il s’intéresserait au
sort des travailleurs et de leur régime de retraite.
Longtemps considérée comme le f leuron du secteur des
télécoms au Canada, Nortel s’est placée sous la
protection des t ribunaux en j anvier dernier après
plusieurs années de restructuration. L’entreprise est
en voie d’être démantelée.
Adieu Nortel - ANDRÉ PRATTE
Des
voix s’élèvent en faveur d’une intervention
gouvernementale pour bloquer la vente des actifs
sans-fil de Nortel à la multinationale suédoise
Ericsson. Ottawa doit faire la sourde oreille aux
chants des sirènes nationalistes.
Au cours des dernières semaines, la vente-débarras de
Nortel s’est déroulée dans l’indifférence la plus
totale. Il a fallu que Research in Motion (fabricant
du BlackBerry) lance un pavé dans la mare pour que,
brusquement, le sort des morceaux de Nortel devienne
une question de vie ou de mort nationale.
Les actifs sans-fil de Nortel ont été mis aux enchères
par les tribunaux supervisant la faillite de
l’entreprise. Trois investisseurs étrangers ont
participé au processus; Ericsson est sortie gagnante
grâce à une mise de 1,1 milliard US. RIM a refusé de
se plier à certaines des conditions des enchères et,
plutôt que de les contester devant les tribunaux, a
décidé de porter sa cause devant l’opinion publique en
faisant vibrer la corde nationaliste. Demandant au
gouvernement d’examiner soigneusement la transaction,
RIM soutient que ces précieux actifs, qui comprennent
des centaines de brevets, devraient rester entre des
mains canadiennes (c.-à-d. les siennes).
Ericsson n’est pas un prédateur. Établie au Canada
depuis plus de 50 ans, elle y est un des plus
importants investisseurs en R& D grâce aux
activités de son centre de recherche de Montréal (600
employés). Bien qu’une rationalisation est à prévoir,
il est certain qu’Ericsson ne se sauvera pas du pays
avec les actifs de Nortel dans une valise à double
fond. Il est aussi plus que probable qu’elle les
gérera mieux que les fiers Canadiens ayant provoqué le
gâchis que l’on sait.
Le gouvernement fédéral enverrait un bien mauvais
message aux investisseurs étrangers s’il rejetait la
proposition d’Ericsson, faite dans le respect des
règles, pour ouvrir la voie à l’offre d’une entreprise
canadienne qui n’a pas voulu jouer le jeu. Une telle
décision découragerait l’investissement étranger dont
profite grandement le Canada et susciterait des
représailles à l’endroit des compagnies canadiennes
souhaitant étendre leurs activités ailleurs sur la
planète.
Le gouvernement Harper doit bien sûr se pencher sur la
transaction Nortel-Ericsson, comme le lui commande la
Loi sur Investissement Canada. En vertu de cette loi,
Ottawa a bloqué l’an dernier la vente de la division
spatiale de MacDonald Dettwiler and Associates,
fabricant du satellite Radarsat II et du Canadarm, à
l’américaine Alliant Techsystems. Cependant, il n’y a
pas de commune mesure entre les deux transactions.
Contrairement à Ericsson, Alliant n’est pas présente
au Canada. Contrairement aux actifs sans-fil de
Nortel, la division spatiale de MDA a une valeur
stratégique irremplaçable pour le Canada. Enfin, MDA
est une entreprise florissante, ce qui n’est
évidemment pas le cas de Nortel.
Certes, comme le soutient le patron de RIM, Jim
Balsillie, il faut une « solution canadienne » à la
vente des actifs sans-fil de Nortel. Or, cette
solution canadienne, c’est-à-dire la solution la plus
conforme aux intérêts du Canada, c’est la vente de ces
actifs à Ericsson.
Nortel : Le vieux réflexe
- Adrien Pouliot
Ottawa ne devrait pas bloquer la vente d’actifs de
Nortel pour conserver un « contrôle » canadien
Ce qui compte, c’est d’avoir un climat
d’investissement attrayant au Canada pour
encourager la croissance de compagnies locales
et l’établissement de filiales étrangères.
L’auteur est président de Draco Capital Inc., une
société d’investissement privée. Le vieux réf lexe
nostalgique nationaliste canadien de conserver
sous contrôle canadien les actifs de Nortel n’est
pas fondé sur de sains principes économiques.
C’est la meilleure offre, celle d’Ericsson, qu’il
faut accepter pour rembourser les créanciers
garantis de Nortel qui, à défaut, pourraient
recevoir un paiement moindre.
Pour avoir des marchés de capitaux qui
fonctionnent bien, les créanciers doivent pouvoir,
en cas de défaut de paiement de leur débiteur,
exercer leur garantie et vendre les actifs au plus
offrant pour se faire rembourser. Si le
gouvernement intervient pour empêcher la vente, on
risque de faire augmenter le coût d’emprunt des
entreprises, car les prêteurs vont demander un
rendement plus élevé pour compenser la perception
de risque accru.
De plus, les investisseurs en capital de risque,
qui espèrent vendre leurs actions à profit à des
étrangers, pourraient investir moins ou ailleurs
qu’au Canada, par crainte qu’Ottawa n’intervienne
au moment de la vente.
La somme de 1,13 milliard d’Ericsson, importée de
l’étranger et investie ici, servira à rembourser
les prêteurs de Nortel qui recycleront ces fonds
dans l’économie canadienne à un moment on ne peut
plus opportun. De plus, en supposant que Research
In Motion, la concurrente canadienne frustrée
d’avoir perdu les enchères pour ces actifs,
investisse dans les télécommunications canadiennes
la somme de 1,1 milliard qu’elle était prête à
débourser pour acheter ces actifs de Nortel, le
Canada pourrait bénéfera fructifier son
investissement en moussant la mise au point et la
mise en marché partout dans le monde des nouvelles
technologies canadiennes sur lesquelles planchent
déjà les ingénieurs de Nortel.
Finalement, l’argument du ministre ontarien des
Finances selon lequel il faudrait garder la
propriété canadienne parce que les contribuables
ont aidé à financer la mise au point de la
technologie de Nortel consiste à utiliser comme
prétexte une mauvaise politique (subventionner des
compagnies privées) pour appuyer une seconde
mauvaise politique (intervenir pour bloquer des
investisseurs étrangers).
Ceux qui veulent une solution protectionniste ont
une vision statique et se concentrent sur la seule
nationalité de l’acheteur. Ce qui compte, c’est
plutôt d’avoir ficier d’un total de 2,23 milliards
d’investissements. La solution protectionniste
aurait pour effet de garder un « contrôle »
canadien plus grand sur une industrie plus petite,
qui grandirait probablement moins vite en
conséquence d’une telle décision.
Par contre, la solution de libre marché ferait en
sorte de rendre l’industrie des télécommunications
plus forte, plus importante et plus dynamique, ce
qui ne peut que bénéficier aux Canadiens. Entre
les mains d’Ericsson, les brevets et la propriété
intellectuelle canadienne ne disparaîtront pas. Au
contraire, Ericsson un climat d’investissement et
de production attrayant au Canada pour encourager
la croissance de compagnies locales (qui pourront
ultérieurement connaître une expansion à
l’étranger), de même que l’établissement ici de
filiales étrangères.
En intervenant pour contrer Ericsson, le
gouvernement enverrait aux étrangers le message
que le Canada souhaite rester à l’écart des
réseaux de production multinationaux. Un tel geste
encouragerait des représailles similaires contre
nos propres compagnies lorsqu’elles feront des
offres d’achat à l’étranger.
La béquille inflationniste -
Laurent Desbois
Il y a
un danger réel que les gouvernements remplacent de plus
en plus le secteur privé comme source d’emplois
Seule l’innovation du secteur privé peut augmenter la
capacité productive de l’économie, augmentation requise
pour limiter les hausses de prix.
L’auteur est président de la société d’investissements
Fjord Capital. Le tsunami financier de l’été 2007 a été
caractérisé par l’éclatement de la bulle du crédit. S’en
est suivi la crise économique en 2008 générée par un
consommateur qui ne veut (et qui ne peut) plus
emprunter, réduisant du coup l’activité économique.
La réponse gouvernementale au Canada, et surtout aux
États-Unis, a été d’augmenter de façon substantielle les
dépenses et les déficits. Ces déficits sont nécessaires
afin d’éviter que le taux de chômage n’augmente trop.
La culture de la dette cependant n’a pas changé avec
l’éclatement de la bulle du crédit. On remplace tout
simplement la dette privée par la dette publique. La
nature humaine étant ce qu’elle est, la liste de
demandes d’interventions de la part des gouvernements
risque de s’allonger de façon substantielle. La pression
sera grande, surtout aux États-Unis après avoir tant
dépensés pour sauver les banques et les compagnies
d’assurance.
Par contre, à long terme, ces dépenses ne rendront pas
nos économies dynamiques. Il y a un danger réel que la
béquille gouvernementale remplace le secteur privé comme
source d’emplois.
La conséquence de cette intervention sans fin des
gouvernements sera l’inflation. Tout simplement parce
qu’il sera plus facile de réduire la dette en imprimant
de l’argent qu’en taxant les revenus. Et aussi parce
que, malgré la crise, seule l’innovation du secteur
privé peut augmenter la capacité productive de
l’économie, augmentation requise pour limiter les
hausses de prix.
Dans un
contexte de fortes dépenses gouvernementales, les
banques centrales n’auront pas l’indépendance nécessaire
pour restreindre l’inflation. Si les gouvernements élus
engrangent des déficits qui génèrent de l’inflation, sur
quelle légitimité démocratique les banques centrales
peuvent-elles s’appuyer pour réduire l’inflation? Les
pressions seront énormes pour ne pas augmenter les taux
d’intérêt.
Au Canada, nous avons le bénéfice d’être producteur de
matières premières dont les prix augmenteront. Nous
deviendrions de grands rentiers en recevant nos
royautés. Comme dit l’investisseur américain Jim Rogers,
dans ce monde inflationniste, ce ne sont pas les
banquiers, mais les fermiers qui vont conduire des
Lamborghini.
Cependant, les conséquences seront désastreuses pour les
pays manufacturiers qui importent des matières
premières, et pour les États-Unis. Outre le transfert de
richesse massif vers les producteurs de matières
premières, ainsi que le transfert des poids politique,
économique et probablement militaire qui y seront
associés, le désordre social inhérent à l’inflation ne
peut être sousestimé. Lénine aurait dit que la meilleure
façon de détruire le capitalisme est de dévaluer sa
devise, car l’inflation provoque un transfert massif de
richesse entre épargnants et emprunteurs, entre rentiers
et producteurs, et entre générations, tout en écrasant
la classe moyenne d’une combinaison d’impôts élevés et
des prix qui ne cessent de monter.
Il n’y a pas eu de discussion sur la place publique
quant à la nature temporaire que doit avoir cette
augmentation du rôle des gouvernements. En effet, en
laissant ainsi le génie sortir de sa bouteille, on
risque fortement de semer les graines de la prochaine
crise.
Clairement, cette route ne doit pas être prise. La classe politique aura-telle le
courage de faire demi-tour dans un an ou deux
lorsque la crise financière sera derrière nous ? Le
débat doit commencer aujourd’hui, surtout chez nos
voisins du Sud.
Un « BS corporatif » - Adrien
Pouliot
GM et
Chrysler auraient pu trouver du financement sans
l’intervention de l’État
Si les deux entreprises disparaissaient complètement comme
par magie, le chômage créé ne serait pas permanent.
L’auteur est président de Draco Capital Inc., société
d’investissement privée.
L’implication du gouvernement amér ica i n ( et canadien)
dans la réorganisation de GM et Chrysler soulève plusieurs
interrogations.
On a justifié cette intervention en disant que ces
entreprises sont trop importantes pour faire faillite. La
vraie question n’est-elle pas plutôt celle-ci : « Pourquoi
le contribuable doit-il subventionner deux entreprises qui
n’ont pas su répondre aux besoins de leurs clients tout en
générant un profit? »
On a aussi dit que de permettre aux deux entreprises de
déclarer banqueroute jetterait au chômage des milliers de
travailleurs. C’est un argument alarmiste, car souvent les
entreprises réussissent leur réorganisation et émergent
avec une structure de production plus réaliste pour
poursuivre leurs opérations (comme Chrysler après sa
première faillite).
Mais même
si GM et Chrysler disparaissaient complètement comme par
magie, le chômage créé ne serait pas permanent : les
travailleurs, après une période de transition, se
replaceraient. Cette étape de « nettoyage » est salutaire
et nécessaire: ce chômage temporaire permet aux acteurs du
marché de déplacer ces ressources qui sont mal utilisées à
construire des voitures dont on ne veut pas à trop haut
coût là vers d’autres activités où elles produiront des
biens que les consommateurs veulent.
L’intervention de l’État dans ces deux restructurations
aurait aussi permis, selon ses partisans, aux deux
entreprises d’obtenir du financement pour survivre pendant
la réorganisation. Or, depuis le début de la crise
économique, des milliards de dollars ont été prêtés par
des prêteurs spécialisés en financement d’entreprises en
difficulté et par les actionnaires, fournisseurs, employés
et clients de celles-ci. On se demande donc pourquoi GM et
Chrysler n’auraient pas pu trouver un tel financement. Si
aucun financement n’avait été trouvé, les actifs les plus
attrayants des deux compagnies auraient pu être vendus au
plus offrant (comme Opel a été vendue à Magna) et les
autres actifs dont personne ne voulait auraient pu être
liquidés sous la supervision d’un juge de faillite.
Par contre, la présence de l’Oncle Sam a eu comme effet
pervers de court-circuiter le processus de restructuration
déjà bien établi par les lois d’insolvabilité aux
ÉtatsUnis. En effet, l’Oncle Sam a décidé de favoriser
certains groupes de créanciers au détriment d’autres. Par
exemple, le fonds d’assurance-maladie des travailleurs de
GM, géré par le syndicat, recevra 39% des actions de la «
nouvelle GM » restructurée contre l’annulation de 10
milliards de dettes qui lui étaient dues par GM, alors que
les porteurs d’obligations, à qui GM doit 27 milliards,
n’en recevront que 10%.
La confiance des prêteurs en l’inviolabilité des contrats
et de la règle de droit dans de telles circonstances en a
pris pour son rhume! Et chaque fois qu’on augmente
l’incertitude et le risque lié à des investissements, on
peut s’attendre à ce qu’il y ait moins d’investissements
dans l’avenir, donc moins de croissance et moins de
prospérité. Enfin,
cette
approche interventionniste favorise une attitude de «
bien-être social corporatif ». Si vous étiez Ford, Toyota
ou Honda, ne seriez-vous pas tentés d’appeler au secours
de l’État? Et comme investisseur, voudriez-vous acheter
des actions de Ford (et Ford pourra-t-elle à l’avenir se
financer en émettant des actions?) en sachant que votre
concurrent appartient au gouvernement des États-Unis,
lequel peut changer les règles du jeu en tout temps en sa
faveur ?
Québec doit
dire non - Il serait inéquitable de garantir les rentes des
retraités des régimes à prestations déterminées
Il serait
injuste de protéger les retraités déjà privilégiés d’avoir
un régime à prestations déterminées et de ne rien faire
pour ceux qui ont un REER collectif.
L’auteur est président de Girardin – Actuariat et
Communication inc. Face à un déficit de plus de 1,3
milliard, parions que les retraités d’AbitibiBowater
demanderont l’aide de Québec si la compagnie fait
faillite... avec pour résultat que tous les autres
retraités verront leurs rentes réduites.
Récemment, La Presse titrait : « Les retraités de
Boisbriand demandent l’aide de Québec », dans le cadre de
la faillite appréhendée de GM. Face à un déficit de plus
de 1,3 milliard, les retraités d’AbitibiBowater feront de
telles demandes si la compagnie fait faillite… et tous les
autres retraités qui verront leurs rentes réduites aussi.
Le gouvernement du Québec doit refuser de les aider.
Les régimes de retraite à prestations déterminées
garantissent les rentes promises contrairement aux REER,
dont les participants assument tous les risques. La
garantie est donnée par la caisse de retraite et la
solvabilité de l’employeur. Un problème survient quand
l’entreprise fait faillite et qu’il manque d’argent dans
la caisse… la loi prévoit que l’on doit réduire les
prestations promises incluant celles des retraités.
Au Québec, à peine 40% des travailleurs ont la chance de
participer à de tels régimes de retraite, et ils sont
principalement dans le secteur public et parapublic.
Le régime de retraite fort généreux de GM Canada est un
des éléments qui a rendu l’usine GM de Boisbriand non
compétitive.
Les
régimes de retraite des papetières sont aussi parmi les
plus généreux et les parties négociantes n’ont pas arrêté
d’augmenter les prestations de ces régimes lors du
renouvellement des conventions collectives en sachant fort
bien que les régimes de retraite n’étaient pas dans une
bonne situation financière. On reportait le problème à
plus tard, on étalait le paiement du déficit au maximum…
Faire payer les déficits de ces régimes par les
contribuables, qui dans la grande majorité n’ont pas la
protection d’un régime de retraite à prestations
déterminées et qui ont subi des pertes importantes dans
leur REER est totalement inéquitable.
Faire payer les employeurs qui ont un régime de retraite à
prestations déterminées? On appelle cela un fonds de
garantie et cela existe en Ontario et aux États-Unis.
C’est une catastrophe financière, les fonds de garantie
ont des déficits importants et en bout de piste, c’est
l’ensemble des contribuables qui doivent combler les
déficits des fonds de garantie. C’est inéquitable et
inacceptable socialement.
Il serait injuste de protéger les retraités déjà
privilégiés d’avoir un régime à prestations déterminées et
de ne rien faire pour ceux qui ont un REER collectif et
qui ont eux aussi subi les conséquences de la crise
financière. Que dira-ton à ceux qui perdent leur emploi et
qui n’ont pas de régimes de retraite si on aide seulement
les retraités des régimes à prestations déterminées?
Comprenons-nous bien, je trouve dramatique que les rentes
des retraités soient réduites en cas de faillite de
l’employeur qui parraine le régime. Mais ce n’est pas au
gouvernement du Québec, et par ricochet l’ensemble des
contribuables, de garantir le paiement des rentes des
retraités des régimes à prestations déterminées.
On devrait mieux protéger les prestations des régimes de
retraite, non seulement celles des retraités, mais aussi
celles de tous les autres participants non retraités.
Le projet de loi 30 adopté par Québec et qui entrera en
vigueur le 1er janvier 2010 apporte des améliorations à la
sécurité des prestations en exigeant la création d’une
réserve de contingences qui diminuera les probabilités
qu’un régime se termine en position déficitaire. Mais
entendons-nous bien, ce n’est pas une garantie que les
prestations seront toujours payées à 100%. Avant de créer
cette réserve de contingences, il faut tout d’abord
combler les déficits actuels.
Le Canadien : Un investissement discutable
La
participation du Fonds de solidarité à l’achat du Canadien
coûtera des millions au Trésor québécois.
Les auteurs sont respectivement professeur au département
d’économie de l’Université de Montréal et fellow au CIRANO,
et économiste et directeur de projet au CIRANO.
Quelques heures après que la rumeur de la vente du Canadien
de Montréal à la famille Molson ait été confirmée, on
faisait déjà valoir que les acheteurs ne bénéficieraient
d’aucun support public pour conclure la transaction, même
pas du « prêt avec intérêt » qui leur avait été offert par
le gouvernement du Québec. Une transaction 100% privée, en
somme. C’est faux, puisque cette transaction représentera un
coût de plusieurs millions de dollars pour l’État québécois.
C’est l’implication du Fonds de solidarité de la FTQ dans le
groupe d’acheteurs qui vient troubler les cartes. Pour
chaque dollar investi dans le Fonds, l’État québécois offre
un crédit d’impôt de 15 cents. Si ce placement est fait sous
forme d’une contribution à un REER, la valeur de l’aide
fiscale passe alors à 39 cents par dollar investi.
On ne
connaît pas encore le montant réel de la transaction, ni la
valeur de la participation du Fonds de solidarité dans le
montage financier. Néanmoins, si le Fonds contribue 50
millions, soit 10% de la somme totale de la transaction
estimée par les commentateurs, il en coûtera entre 7,5 et
19,5 millions au Trésor québécois. Sans compter que les
mêmes déductions s’appliquent également au niveau fédéral.
Bien que le gouvernement ne fasse aucun versement en argent
sonnant et trébuchant, ces mécanismes fiscaux représentent
tout de même un coût puisque l’État renonce à percevoir un
revenu. On appelle cela une dépense fiscale.
À l’origine, ce traitement privilégié a été consenti aux
actionnaires du Fonds de solidarité parce que l’objectif
premier de celui-ci est de « de créer, maintenir ou
sauvegarder des emplois au Québec ». Cette mesure était fort
louable dans le contexte de création du Fonds, en 1983,
alors que le taux de chômage était de 14,6%. Mais quels
emplois étaient réellement menacés par la vente du club de
hockey?
Peut-être que cet investissement répond alors à l’objectif
du Fonds de « stimuler l’économie québécoise par des
investissements stratégiques » ? Cet argument reste à
démontrer. Le moins qu’on puisse dire, c’est que le départ
de l’équipe de Montréal ne semble jamais avoir été
réellement envisagé. Dans ces conditions, on voit mal
comment le dynamisme économique de la métropole puisse
servir de prétexte à l’implication du Fonds. Si au moins cet
investissementavait servi à amener les Coyotes de Phoenix à
Québec, on aurait alors pu évoquer la stimulation
économique!
En somme, bien que la transaction annoncée ce week-end
recèle de bonnes nouvelles pour les partisans montréalais du
club, elle se conclura avec un coût net pour l’ensemble des
Québécois. Sans compter qu’elle s’inscrit apparemment en
faux avec les objectifs du Fonds de solidarité. Son
président-fondateur, Louis Laberge, a dû se retourner dans
sa tombe en voyant pour quelles fins le fonds qu’il a créé
fait désormais « appel à l’épargne et à la solidarité de
l’ensemble de la population québécoise ».
« JE SUIS PROFONDÉMENT DÉSOLÉ » - Richard
Hétu
Le PDG
de Toyota offrira ses excuses devant une commission du
Congrès américain aujourd’hui
« Je crains que le rythme auquel nous avons grandi ait
été trop rapide. Nos priorités se sont embrouillées et
nous n’avons pas pris le temps de réfléchir afin
d’apporter les améliorations voulues comme nous le
faisions par le passé. »
Les dirigeants de Toyota ont fait un mea-culpa officiel,
hier, en affrontant les critiques et les questions des
parlementaires américains à l’orée de deux jours
d’auditions sur les défaillances techniques des voitures
du constructeur japonais. L’exercice s’annonce
particulièrement difficile pour le PDG, Akio Toyoda, un
homme discret et timide qui a été propulsé à la tête du
conglomérat fondé par son grand-père. Conductrice d’une Lexus, Rhonda
Smith a témoigné devant une commission du Congrès de
son expérience horrifiante alors qu’elle n’arrivait
pas à arrêter son véhicule roulant à 160 km/h.
NEW YORK — Au moment même où le PDG de Toyota diffusait
le texte du meaculpa qu’il doit prononcer aujourd’hui
devant une commission du Congrès, la conductrice d’une
Lexus racontait aux membres d’une autre commission son
expérience horrifiante au volant de son véhicule dont
elle n’aura réussi à arrêter la course folle qu’au bout
de 9 km parcourus à 160 km/h.
« Honte à vous, Toyota, pour avoir été si avare et honte
à la NHTSA pour ne pas avoir fait votre travail », a
lancé Rhonda Smith en utilisant le sigle de l’agence de
sécurité routière américaine.
L a déclaration d’Akio Toyoda, qui attribue à la
croissance trop rapide de son groupe les problèmes de
sécurité auxquels celui-ci fait face, et le témoignage
de Rhonda Smith ont représenté deux des faits marquants
de la première des deux journées d’auditions du Congrès
américain sur les rappels massifs de Toyota.
Les audiences d’hier ont également permis aux
parlementaires américains de critiquer la façon dont
Toyota a géré la crise ainsi que d’exprimer leur
scepticisme face aux explications du constructeur sur la
cause des problèmes d’accélération soudaine à l’origine
de la majorité des rappels.
Quant au directeur de l’exploitation de Toyota aux
ÉtatsUnis, Jim Lentz, il a reconnu lors de son audition
que tous les rappels de son groupe – plus de 8 millions
de véhicules dans le monde et plus de 6 millions aux
États-Unis – pourraient ne pas avoir réglé une fois pour
toutes le problème des accélérations involontaires.
« Nous sommes vigilants et nous continuons à examiner
toutes les causes possibles », a-til déclaré devant la
commission de l’Énergie et du Commerce de la Chambre des
représentants.
Audition très attendue
Le mea-culpa d’Akio Toyoda doit intervenir au début de
son audition très attendue devant la commission de la
Surveillance et de la Réforme gouvernementale de la
Chambre des représentants.
« Je
crains que le rythme auquel nous avons grandi ait été
trop rapide, affirmet-i l dans le texte du discours
qu’il doit prononcer aujourd’hui. Nos priorités se sont
embrouillées et nous n’avons pas pris le temps de
réfléchir afin d’apporter les améliorations voulues
comme nous le faisions par le passé. »
« Je déplore que cela ait débouché sur les problèmes de
sécurité décrits dans les rappels auxquels nous faisons
face aujourd’hui et je suis profondément désolé pour
tout accident qu’auraient subi des conducteurs de Toyota
», ajoute le petitfils du fondateur du constructeur
japonais, qui présentera ses condoléances à la famille
Saylor, impliquée dans un accident de la route ayant
coûté la vie à quatre de ses membres l’automne dernier à
San Diego.
Le PDG de Toyota poursuit son mea-culpa en assurant
qu’il a redonné la priorité à la qualité des véhicules
plutôt qu’aux volumes de production depuis son accession
à la tête du groupe en juin dernier.
Il reste à savoir si son discours amadouera les
parlementaires américains. Hier, le président de la
commission de l’Énergie et du Commerce de la Chambre des
représentants, Henry Waxman, s’est dit « déçu par la
réaction de Toyota aux problèmes d’accélérations i
nvolontaires », précisant que « les plaintes des
consommateurs doivent être prises au sérieux ». Il a
également déploré le fait que « ni Toyota ni le
gouvernement ne se soient penchés sérieusement sur le
fait que des dysfonctionnements électroniques pourraient
être à l’origine » des accélérations soudaines.
« La NHTSA n’a même pas d’ingénieur en électronique »
dans ses effectifs, a-t-il dénoncé.
Malgré les témoignages de deux experts en électronique
contredisant Toyota, Jim Lentz, directeur de
l’exploitation du groupe aux États-Unis, a répété que
des problèmes de tapis de sol ou de pédales se coinçant
étaient la cause des accélérations involontaires.
Il a précisé que le constructeur préparait
l’installation d’un nouveau système de freinage qui
permettra aux conducteurs de presque tous les véhicules
Toyota de surmonter tout problème lié à la pédale
d’accélérateur.
Dans le texte qu’il a lu au début de son audition, Jim
Lentz a présenté des excuses au public.
« Pour le dire simplement, nous avons mis trop de temps
à prendre en compte un rare mais sérieux ensemble de
problèmes de sécurité, malgré tous les efforts que nous
avons déployés de bonne foi », a-t-il déclaré.
« Nous reconnaissons ces erreurs, nous nous en excusons
et nous avons appris de ces erreurs », a-t-il ajouté.
Toyota: le charme est rompu - Denis
Arcand
Toyota
semblait s’enfoncer dans la crise, hier, en étendant sur
trois continents ses rappels de sécurité à des millions
de véhicules. Plusieurs analystes de l’industrie
automobile mondiale se demandent si le géant japonais va
perdre son actif le plus précieux: la confiance de ses
clients. Plusieurs experts affirment que
Toyota a peu à peu vendu son âme, lorsqu’elle s’est
lancée dans une expansion rapide aux États-Unis,
produisant davantage de grosses voitures et des VUS.
Jusqu’à récemment, Toyota était le premier de classe
incontesté de l’industrie automobile, s’étant patiemment
taillé une réputation enviée de fiabilité et de
sécurité, à bon prix. Il lui faudrait un musée pour
regrouper sous un même toit les prix de qualité et de
fiabilité remportés par ses véhicules.
Sa réputation se mesurait même en dehors de son
industrie. Exemple: en octobre 2009, au beau milieu de
la crise mondiale dans l’automobile, Toyota a été
l’unique constructeur automobile à se classer parmi les
10 plus grandes marques du top 100 annuel de la firme de
marketing Interbrand, très loin au-dessus de
Mercedes-Benz, BMWet Honda.
C’est durant cette année où toute l’industrie a perdu
des revenus que Toyota a ravi à l’américaine General
Motors sa couronne de No 1 mondial de l’automobile.
Mais depuis quelque temps, les enjeux de sécurité et de
fiabilité qui touchent Toyota se suivent en cascade,
alors que la qualité des américaines et des coréennes
est meilleure que jamais.
Les pédales d’accélération suspectes (il y a eu des
accidents mortels) de Lexus et de Toyota ont un impact
tel que certains clients américains qui viennent
d’acheter une Toyota refusent d’en prendre possession
chez le concessionnaire, rapportait mercredi la revue
Automotive News. Ils attendent que Toyota ait trouvé la
solution.
En
attendant, Toyota a suspendu ses ventes de huit modèles
nord-américains et fermera six chaînes de montage ce
soir, jusqu’à nouvel ordre.
«Cette décision sans précédent dans l’industrie
automobile montre le sérieux de cet enjeu de sécurité»,
a écritMichelle Krebs, une analyste chevronnée du marché
automobile chez Edmunds. com. «On a commencé avec des
tapis d’appoint; ensuite, c’était l’usure d’une pièce;
nous voici maintenant devant un arrêt de production
total. Je ne peux m’empêcher de penser que la
crédibilité de l’entreprise est remise en question»
Plusieurs experts affirment que Toyota a peu à peu vendu
son âme, il y a une dizaine d’années. À cette époque,
Toyota s’est lancée dans une expansion rapide aux
États-Unis, se lançant dans les grosses voitures et les
VUS. Elle s’est ainsi éloignée du domaine d’expertise où
elle est imbattable, les compactes et les
intermédiaires, à la poursuite de GM et du 1er rang
mondial. Les experts pensent que cette expansion s’est
faite aux dépens du contrôle de la qualité qui a fait sa
réputation et qui, justement, l’a amenée au premier
rang.
Or, « il n’y a rien d’autre dans cette marque », a dit
au Los Angeles Times John Wolkonowicz, spécialiste
automobile chez IHS Global Insight. « La marque n’est
pas bâtie sur l’élégance des voitures, ni sur une
conduite exceptionnelle, ni sur la performance. Elle est
bâtie sur la qualité et sur le coût d’entretien bas. »
Selon Shigeru Matsumura, analyste chez SMBC Friend
Securities, les rappels récents « ont terni la
réputation de qualité de Toyota, qui est à la base de sa
force. Cela donne une nouvelle chance aux constructeurs
comme General Motors. »
Mais les problèmes actuels de Toyota ne doivent pas être
exagérés. Le constructeur japonais demeure une force
formidable. Le nouveau président de Toyota, Aiko Toyoda,
n’obsède pas sur la croissance. Il a promis de recentrer
Toyota vers ses valeurs originales de qualité et de
minutie.
Tata veut lancer sa Nano sur le marché
américain
NEW DELHI
— Le constructeur indien Tata veut lancer sur le marché
américain une version de la Nano, présentée comme la
voiture la moins chère du monde, dotée d’un moteur plus
puissant et de normes de sécurité plus élevées, a-t-il
annoncé hier lors du salon AutoExpo de New Delhi.
« Nous reconnaissons qu’il y a un marché des voitures à
bas prix, non seulement dans l es pays émergents mais
aussi dans les marchés développés », a déclaré à des
journalistes le président du groupe Tata Motors, Ratan
Tata, au premier jour du 10e salon automobile de la
capitale fédérale.
« Pour l es Américains, nous avons besoin d’une voiture
avec un moteur plus puissant, ce qui i mplique des t e s t
s de s i mulat i on d’accident supplémentaires et des
modifications. Nous sommes en train de procéder à tout
cela », a-t-il précisé.
La Nano, une voiture compacte à quatre portes vendue
2500 $ US dans sa version de base et 3700 $ US avec options,
avait été présentée lors du précédent salon auto de New
Delhi en 2008.
Elle a été l a nc é e s u r l es r outes i ndienne l ’ été
dernier.
Le l a ncement médiatique de cette voiture a créé un
engouement parmi les constructeurs mondiaux qui s
’engouffrent t our à t our dans le créneau des petites
citadines économiques.
L’effet des primes à la casse s’estompera
bientôt
— Des
immatriculations en hausse dans les grands marchés
européens et au Japon, de bons résultats-surprises de
Ford aux États-Unis: la prime à la casse continue de
soutenir le marché automobile, mais ses effets devraient
s’estomper l’an prochain.
La France, l’Allemagne et l’Espagne ont enregistré des
bonds de plus de 20 % des immatriculations le mois
dernier, et la Grande-Bretagne de plus de 30%, la hausse
la plus forte depuis le début de l’année. Le Japon et
l’Italie ne sont pas en reste, selon des chiffres
publiés cette semaine.
Aux États-Unis, Ford a réalisé au troisième trimestre
ses meilleures ventes depuis quatre ans, tandis que le
géant General Motors a justifié sa volte-face sur Opel,
qu’il a décidé finalement de garder dans son giron, par
une amélioration de la situation en Europe.
Ces bonnes performances s’expliquent principalement pa r
deux f ac t eurs, s elon Bertrand Rakoto, analyste du
cabinet d’études Polk France, interrogé par l’AFP.
Tout d’abord, « un effet de comparaison » favorable,
explique M. Rakoto. L’automne 2008 avait en effet été
particulièrement mauvais pour les constructeurs
automobiles en raison de la crise.
Surtout, les marchés sont dopés depuis plusieurs mois
par des mesures d’incitation à l’achat mises en place
par les gouvernements, comme la prime à la casse.
« Le fait que le marché des véhicules utilitaires et des
poids lourds soit toujours sinistré est assez révélateur
de l’impact de la prime à la casse » sur celui des
voitures particulières, commente Guillaume Mouren,
analyste du cabinet d’études Xerfi.
Cet effet joue à plein depuis le début de l’année en
Allemagne ou en France, depuis moins longtemps en
Espagne ou en Italie, qui ont adopté la même mesure plus
tardivement. Sur le plan des constructeurs, les aides
gouvernementales ont particulièrement profité aux
groupes japonais.
Aux
États-Unis, la situation est un peu moins rose. « C’est
un marché qui mettra du temps à panser ses blessures »
car il est saturé, estime M. Rakoto.
Ce coup de pouce devrait se prolonger dans les mois à
venir, même dans les pays où les primes ont été épuisées
ou vont diminuer, car des véhicules commandés cet été
peuvent être livrés avec plusieurs mois de décalage,
explique M. Rakoto, se basant sur l’exemple de
l’Allemagne.
Mais les ristournes accordées aux automobilistes ne vont
pas porter éternellement les marchés, avertissent les
analystes. M. Rakoto table sur une fin d’année et un
premier trimestre 2010 plutôt positifs, puis de nouveau
un creux avant un rebond attendu au quatrième trimestre.
« Les bons chiffres de 2009 sont artificiels »,
ajoute-t-il.
Son homologue de Xerfi est plus négatif. « Dès que les
primes à la casse vont disparaître, on peut s’attendre à
une rechute des marchés » et une nette reprise n’est pas
à attendre avant 2011.
Pour lui, les ménages ont été fortement incités à
remplacer leurs voitures cette année et i ls vont
ensuite consacrer leur argent à d’autres dépenses.
Cer t a i ns c onst r ucteu r s pourront compenser part
iellement ce recul par la reprise sur les marchés
émergents. Le numéro un européen Volkswagen, très bien
implanté en Chine, compte ainsi sur la reprise observée
dans ce pays et au Brésil pour faire mieux que les
autres constructeurs cette année.
Cela pourrait aussi être le cas pour PSA ou Hyundai,
pour qui les marchés émergents « sont des relais de
croissance », selon M. Mouren.
En attendant une reprise des marchés mondiaux, « les
primes à la casse ont pleinement joué leur rôle »,
conclut M. Rakoto.
Les principales réactions face à Opel
Voici
les principales réactions hier à l’annonce du revirement
du constructeur automobile américain General Motors, qui
a finalement décidé de garder le constructeur Opel dans
son giron. > L’Allemagne exprime son étonnement et sa
colère, son ministre de l’Économie Rainer Brüderle
jugeant « inacceptable » la décision de GM. > Les
syndicats allemands d’Opel annoncent des « actions de
protestation » sur tous les sites allemands dès
aujourd’hui, qui doivent ensuite s’étendre à l’échelle
européenne. > La Maison-Blanche se dit étrangère au
revirement. « Les décisions de GM sont prises par sa
direction, elles ne sont prises par personne à la
Maison-Blanche. » > La Russie veut un examen des
recours juridiques possibles après ce refus de GM de
céder sa filiale Opel au canadien Magna associé à la
banque publique russe Sberbank, une transaction chère à
l’ homme fort du pays Vladimir Poutine. > La
Commission européenne espère que l e nouveau plan de
restructuration est « fondé sur des motifs économiques
solides, en vue d’assurer la viabilité à long terme
d’Opel et des emplois durables » pour ses travailleurs.
> Le gouvernement britannique dit vouloir travailler
étroitement avec GM sur ses futurs projets pour Opel,
n’excluant pas d’injecter de l’argent dans une
restructuration. Le syndicat Unite, plus grosse
organisation syndicale du pays, se félicite du
revirement. > Espagne : gouvernement et représentants
syndicaux espagnols affichent leur méfiance quant aux
projets, pour l’heure inconnus, de GM pour l’usine de
Figueruelas. > La Pologne affiche sa satisfaction,
jugeant que cette décision est avantageuse pour l’usine
polonaise d’Opel à Gliwice (sud du pays). > Pour
Frank Stronach, le patron de l’équipementier Magna, qui
devait à l’origine racheter Opel, « la vie continue ».
FORD
RETROUVE SES COULEURS - Charlotte Raab
WASHINGTON — Ford, seul constructeur américain à avoir
traversé la crise financière sans injection de fonds
fédéraux, a enregistré ses meilleurs résultats depuis
quatre ans, s’installant largement dans le vert grâce à
la prime à la casse américaine et à des efforts de
réduction de coûts.
PHOTO DAVID ZALUBOWSKI,
ARCHIVES ASSOCIATED PRESS
Le constructeur automobile Ford
a tiré le plus grand bénéfice du redémarrage du marché
américain, enclenché par la prime à la casse instituée
durant l’été par l’administration Obama.
En outre, le constructeur automobile a annoncé hier une
série d’opérations financières destinées à renforcer ses
liquidités : une augmentation de capital pouvant
atteindre jusqu’à 1 milliard US, une émission obl
igataire d’au moins 2 milliards US et une opération de
renégociation de sa dette existante.
Ford a publié un bénéfice net de 997 millions US pour la
période juillet-septembre, mais surtout son premier
bénéfice d’exploitation depuis un an et demi, à hauteur
de 1,107 milliard US. Mieux encore, le résultat
d’exploitation est positif aux États-Unis pour la
première fois depuis 2005.
Trois
ans après l’a rrivée a u x c o mmandes d ’A l a n
Mulally, directeur général embauché chez Boeing pour
enrayer un effondrement que l’héritier Bill Ford n’avait
pas su arrêter, le constructeur de Dearborn, en banlieue
de Detroit, tire les dividendes d’une restructuration
qui a réduit les coûts, amélioré la compétitivité et
rationalisé la production.
Le constructeur a supprimé 4,6 milliards US de coûts
pour les neuf premiers mois de l’a nnée, au-delà de ses
objectifs (4 milliards US), et tout près de l’objectif
annuel (5 milliards US).
Le constructeur a aussi tiré le plus grand bénéfice du
redémarrage du marché américain, enclenché par la prime
à la casse instituée durant l’été par l’administration
Obama.
Grâce à cette incitation à l’achat, Ford a enregistré
entre juillet et septembre sa première progression des
ventes sur un trimestre depuis quatre ans aux
États-Unis.
1 Les analystes
n’ont pas caché leur surprise, Douglas McIntyre, sur le
site 247WallSt. com, allant jusqu’à saluer « un petit
miracle ».
L’action a bondi de 8,29%, à 7,58 $US, dans la journée.
À la Deutsche Bank, l’analyste Rod Lache a noté que,
au-delà des restructurations, Ford avait bénéficié
durant le troisième trimestre de la baisse des coûts
d’approvisionnement, la plus grande surprise venant
cependant des prix de vente, que Ford a réussi à
maintenir sans accorder trop de ristournes.
L’agence d’évaluation financière Moody’s a par ailleurs
relevé d’un cran, à B3, la note du constructeur. Cela
laisse Ford au rang des valeurs spéculatives, mais
souligne les progrès accomplis en matière de
rentabilité.
Au total, les résultats sont très supérieurs aux
attentes du marché, qui tablait sur une perte nette de
12 cents US par action, alors que le constructeur a
enregistré un bénéfice de 26 cents US par action, hors
éléments exceptionnels.
Le
chiffre d’affaires s’est établi à 30,9 milliards US au
troisième trimestre, un recul de 800 millions US par
rapport à l’an dernier dû à une baisse de l’activité de
la filiale financière Ford Credit, mais qui reste t rès
au-delà des attentes des analystes (28,31 milliards US).
Ford dit s’attendre désormais à un retour à une «
rentabilité solide », hors éléments exceptionnels, en
2011, selon ce communiqué.
Le constructeur reste prudent pour l’an prochain, où il
s’attend à une baisse de volume des ventes « notable »
en Europe, qui pourrait bien ne pas être compensée par
le marché américain.
Ford pourrait également encaisser une déception avec le
refus, prédit par plusieurs journaux, des membres du
syndicat d’UAW d’aligner leurs conditions sur celles en
vigueur chez les deux autres constructeurs américains,
General Motors et Chrysler, contraints à d’importants
sacrifices après leur redressement judiciaire et les
aides fédérales.
M. Mulally a refusé hier de commenter ces informations,
mais il s’est félicité de la décision des ouvriers du
syndicat frère au Canada, le CAW, de valider la nouvelle
convention collective. « Cela va faire en sorte que les
activités de Ford au Canada soient concurrentielles »,
a-t-il dit.
« L’UAW a clairement indiqué qu’il ne voulait pas que
nous soyons désavantagés », a-t-il ajouté, laissant
entendre que les discussions allaient se poursuivre avec
les syndicats.
Les ventes de GMet Chrysler chutent, Ford s’en tire mieux
Les
constructeurs américains d’automobiles Chrysler et
General Motors ( GM) ont divulgué hier des chiffres de
ventes pour septembre qui laissent présager un automne
difficile, tandis que Ford semble tirer son épingle du
jeu malgré tout.
PHOTO REED SAXON,
ARCHIVES ASSOCIATED PRESS
Chrysler a vendu 62 197
véhicules aux États-Unis au mois de septembre, soit un
plongeon de 42% comparativement à un an plus tôt, en
partie à cause de stocks insuffisants, après une chute
de 15% sur un an en août.
Chez GM, la chute s’est poursuivie : General Motors a
vendu 156 673 véhicules aux États-Unis au mois de
septembre, soit une chute de 45% sur un an, après un
déclin de 20% en août, a indiqué le groupe dans un
communiqué.
« Septembre a été un mois de transition difficile pour
le secteur, et la comparaison annuelle ne joue pas en
faveur de GM. Heureusement, le quatrième trimestre
promet d’être meilleur et nos ventes devraient mieux se
comporter comparé à la même période il y a un an », a
commenté Mark LaNeve, vice-président des ventes
américaines.
Au chapitre des marques, Saturn et Hummer enregistrent
le plus fort déclin de leurs ventes (respectivement 81,5
% et 83,8 % sur un an), Cadillac ( - 8 %) et Buick
(-33%) le moins prononcé.
De nouveau x modèles « arrivent à présent chez les
concessionnaires et génèrent un intérêt significatif de
la part des clients », a fait valoir M. LaNeve.
Chez Chrysler
De son côté, Chrysler a vendu 62 197 véhicules aux
États-Unis au mois de septembre, soit un plongeon de 42%
comparé à un an plus tôt, en partie à cause de stocks
insuffisants, après une chute de 15% sur un an en août.
Chrysler i ndique qu’i l détenait un stock de 138 456
véhicules à la fin du mois de septembre, soit 56 jours
de ventes et une baisse de 64% comparé au niveau d’il y
a un an.
« En
dépit de quelques points positifs en septembre, le
climat reste très difficile pour les ventes dans
l’ensemble du secteur », commente Peter Fong, PDG de la
marque Chrysler, ajoutant que des stocks insuffisants
sur certains modèles ont nui aux ventes de Chrysler,
Jeep et Dodge début de septembre.
« Le groupe a r éagi en accéléra nt sa production,
finissant le mois avec une part de marché en hausse par
rapport à septembre 2008 », précise-t-il.
Moins dramatique chez Ford
Les ventes de Ford, pour leur part, ont enregistré une
baisse de 6 % sur un an en septembre après un bond de 17
% en août et une hausse de 2 % en juillet, a indiqué le
constructeur.
Il précise que ses ventes sont en hausse sur l’ensemble
du troisième trimestre, soit « la première progression
depuis quatre ans sur un trimestre ».
Hors Volvo, Ford a vendu 109 939 véhicules en septembre
comparativement à 116 734 un an plus tôt, soit un recul
de 5,8 %.
Dans son communiqué, Ford, le seul constructeur
américain à avoir échappé à la faillite cette année,
estime avoir gagné 2 points de pourcentage de part de
marché depuis un an, en termes mensuels et trimestriels.
« Je pense qu’octobre sera un bon mois pour nous », a
ajouté M. George Pipas, principal analyste de ventes du
groupe, au cours d’une téléconférence.
L’industrie automobile poursuit sa remontée
- Vincent Brousseau-Pouliot
TORONTO
— La reprise cyclique du marché de l’automobile poursuit
sa remontée partout dans le monde, selon le dernier
rapport sur le sujet publié hier par Études économiques
Scotia, qui souligne que la vigueur vient surtout des
marchés émergents.
PHOTO REUTERS
L’industrie automobile continue
sa remontée partout dans le monde, mais
particulièrement dans les pays émergents comme la
Chine, l’Inde et le Brésil, où les ventes ont
progressé de 55% en août par rapport à 2008.
Les achats records sur les marchés émergents viennent en
tête, affirme dans ce rapport Carlos Gomes, économiste
principal et spécialiste du secteur automobile au sein
du service des études économiques de la Banque Scotia,
ajoutant que dans ces pays, notamment en Chine, en Inde
et au Brésil, les ventes ont progressé de 55% en août
par rapport à l’année précédente.
Cependant, fait-il remarquer, l’activité reprend aussi
de la vigueur sur les marchés établis de l’Amérique du
Nord et de l’ Europe de l’Ouest. En août, le programme
de la « prime à la casse » des ÉtatsUnis a attiré de
nombreux acheteurs dans les salles d’exposition des
concessionnaires, écrit M. Gomes, indiquant que cela a
fait augmenter les ventes de véhicules de tourisme par
rapport au mois d’août 2008, une première depuis octobre
2007.
Même si l’on ne tient pas compte de la prime à la casse,
les ventes aux États-Unis ont atteint un sommet de neuf
mois avec 10,5 millions d’unités, en hausse par rapport
à un creux cyclique de 9,1 millions en février, a ajouté
l’économiste.
Au
Canada, les ventes de voitures et de camions légers sont
demeurées solides en août, selon la Scotia, totalisant
1,51 million d’unités sur une base annualisée. Il s’agit
du deuxième mois de suite qui affiche un chiffre de plus
de 1,50 million d’unités et du meilleur rendement
consécutif depuis octobre dernier.
Selon le rapport, les bons résultats des ventes
enregistrés en août aux États-Unis ont fait baisser les
stocks des concessionnaires à des niveaux record,
incitant les constructeurs automobiles à se préparer à
une reprise de la production en 2010. Les constructeurs
ont même commencé à augmenter la pr o duc t i o n a va
nt même l’épuisement des stocks en août, et les usines
de montage partout en Amérique du Nord ont atteint une
production annualisée de 9,3 millions d’unités en
juillet et en août, en hausse par rapport aux 7 millions
d’unités produites au premier semestre de 2009. Les
calendriers de production seront sans doute augmentés,
en dépit d’une diminution des ventes après la récente
ruée engendrée par la « prime à la casse », selon le
rapport de la Scotia.
Les stocks de modèles fabriqués au Canada sont également
très faibles, peut-on lire dans le document, surtout
pour les modèles les plus populaires comme la Toyota
Corolla, la Honda Civic et la Chevy Camaro. Selon les
économistes de la banque, le nombre de véhicules
assemblés au Canada devrait grimper à 1,7 million
d’unités, sur une base annuelle, durant les derniers
mois de 2009, ce qui est près de 40% de plus que la
moyenne de 1,2 million enregistrée au premier semestre
de 2009.
Au Canada, toujours, indique la Scotia, le taux de
production augmentera davantage au début de 2010, une
fois que Toyota aura accru la production de la Corolla à
son usine de Cambridge, en Ontario, à la suite de la
fermeture, prévue au début de l’année prochaine, de son
usine exploitée en coentreprise en Californie.
Au tour de GMCanada d’offrir une prime à la casse
OSHAWA,
Ontario — General Motors Canada offre à ses clients
jusqu’à 3000$ à l’achat d’un nouveau véhicule du
constructeur en échange de leur vieille voiture.
L’entreprise devient ainsi le quatrième constructeur à
proposer une telle initiative au Canada.
Le programme de GM fournit aux clients, qui participent
au programme fédéral de prime à la casse, un rabais de
500$, de 1000 $, de 2000 $ ou de 3000$ selon le véhicule
qu’ils achètent. Pour avoir droit au rabais, le client
doit posséder un véhicule du modèle 1995 ou plus ancien,
en état de marche, enregistré et assuré correctement
pendant les six derniers mois ou 12 mois en
Colombie-Britannique.
Marc Comeau, vice-président de GM Canada, a précisé au
cours d’une entrevue que le nouveau programme s’appuie
sur le succès d’un partenariat que GM avait conclu
antérieurement avec la Fondation Air pur, un organisme à
but non lucratif, pour offrir aux clients un rabais de
1000 $ pour remplacer leur vieux véhicule par un nouveau
modèle GM plus efficace sur le plan énergétique.
« GM Canada, a dit M. Comeau, a été le premier
constructeur à soutenir la Fondation Air pur dans ses
efforts pour faire disparaître des routes des véhicules
plus vieux et plus polluants de manière à réduire de
manière marquée les émissions de gaz à effet de serre. »
Le
programme fédéral de prime à la casse offre 300$ ou
d’autres mesures d’incitation encore plus modestes aux
consommateurs qui décident de se débarrasser de leur
tacot. Jim Prentice, ministre fédéral de l’
Environnement, a déjà indiqué qu’Ottawa n’a pas
l’intention de bonifier son programme malgré le succès
de l’incitation de 4500$ US versé par le gouvernement
américain dans le cadre d’une initiative semblable,
laquelle s’est traduite récemment par la vente de 700
000 véhicules neufs.
Environnement Canada prédit que 100 000 véhicules auront
disparu de nos routes en vertu du programme fédéral
d’ici la fin mars, soit plus d’un an après la mise en
oeuvre du programme.
Par ailleurs, le gouvernement fédéral a fait savoir hier
qu’un programme de garantie qu’il avait mis sur pied
pour dissiper les craintes des clients de GM et de
Chrysler pendant la restructuration de ces deux
constructeurs, vient de prendre fin.
« Étant donné que les deux compagnies se sont extirpées
de la faillite, les clients sont assurés que les
garanties seront honorées et le programme du
gouvernement fédéral n’a plus sa raison d’être », a dit
le ministre.
O u t r e G M, Hy u n d a i Canada, Chrysler Canada et
Ford Canada offrent des primes à la casse à l’achat de
leurs véhicules.
Les ventes de véhicules s’accélèrent
Le
marché automobile américain est reparti à la hausse en
août pour la première fois en près de deux ans, dopé par
l’incitation fédérale à l’achat de nouveaux véhicules,
qui a profité à Ford et aux constructeurs asiatiques, là
où GM et Chrysler ont failli.
Au Canada, Ford a également connu du succès malgré le
recul de ses rivaux japonais.
Le mois dernier, il s’est écoulé 1,26 million de
véhicules neufs aux États-Unis, soit une hausse de 1%
des volumes sur un an, selon des chiffres publiés hier.
Le marché n’avait plus connu de hausse depuis octobre
2007.
Ce chiffre fait suite à une baisse de 12% des ventes en
juillet, sur un an. Un repli bien moins marqué que le
fort déclin constaté depuis le début de l’année – sur
fond de consommation grippée par la récession –, grâce
aux débuts du programme fédéral d’incitation à l’achat
fin juillet.
For t de c e s u r s aut de consommation, le cabinet
spécialisé Autodata a relevé sa prévision de ventes
annuelles aux États-Unis, tablant sur 14,1 millions
d’unités contre un pronostic de 11,2 millions encore le
mois dernier.
C’est l a première f oi s qu’Autodata envisage un
redémarrage du marché depuis le début de la crise : il
s’inscrirait en hausse de 6,4 % sur les 13,24 millions
d’unités vendues en 2008. Cela reste encore bien en deçà
d’un marché de 16-17 millions d’unités vendues par an
avant la crise.
Le programme de « prime à la casse » a proposé aux
Américains de recevoir jusqu’à 4500$US s’ils acceptaient
de se débarrasser de leur ancienne voiture pour acheter
un modèle plus économe en carburant. Lancé fin juillet,
il a été prolongé jusqu’au 24 août face au succès massif
rencontré.
Faisant le bilan de cette « prime à la casse », le
département américain des Transports s’est réjoui ces
derniers jours de son effet dopant sur la consommation,
avec 700 000 véhicules vendus de la sorte, estimant que
l’automobile « devrait soutenir la hausse du PIB au
quatrième trimestre ».
Parmi
les ténors du marché, Ford a réalisé en août la
meilleure performance avec des ventes en hausse de 17%
sur un an.
Ford l ’a att r i bué à « l a gamme la plus f raîche de
nouveaux véhicules dans cette industrie ».
Son compatriote General Motors (GM), sorti en juillet du
régime des faillites avec un nombre de marques réduit,
signe en revanche l’une des pires performances, avec une
chute de 20,2% des ventes.
L’autre constructeur national Chrysler, sorti en juin de
faillite, accuse une chute de 15%.
Chez les rivaux étrangers, le japonais Toyota, pionnier
des modèles hybrides aux ÉtatsUnis, affiche une hausse
de 10,5 % des ventes.
Ses compatriotes Honda et Nissan affichent
respectivement une hausse de 14,2 % et une baisse de 2,9
%.
Le grand gagnant de la prime à la casse est le petit
coréen Hyundai, spécialiste de modèles compacts et bon
marché, qui affiche un bond de 47% de ses ventes.
GM et Chrysler ont préféré mettre en avant la
progression de leurs ventes en août par rapport à
juillet plutôt que sur un an, jugeant la comparaison
plus parlante pour l’effet prime à la casse : +30% pour
GM et +5% pour Chrysler.
Au Canada, Ford a de nouveau connu beaucoup de succès en
août, mais deux de ses principales sociétés rivales –
Toyota et Honda – ont vu leurs ventes chuter d’au moins
18 % par rapport à l’an dernier.
La « prime à la casse » a permis la vente
de 700 000 automobiles
NEW YORK
— Le programme a méricain d’ i ncit at i on à l’achat
d’un nouveau véhicule dit « prime à la casse » a permis
quelque 700 000 ventes, a i ndiqué hier le département
des Transports américain, qualifiant l’expérience de «
franc succès » pour la consommation, l’emploi et la
croissance.
Lancé fin juillet, ce programme ayant pour double
objectif de stimuler un marché automobile atrophié par
la crise et d’encourager l ’ a c hat de véhic ules moins
polluants avait été prolongé début août par le Congrès
face à son succès foudroyant.
La « pri me à la casse » a pris f i n l undi soi r. Le
programme proposait aux Américains de recevoir jusqu’à
4500 $ s’ils acceptaient de se débarrasser de leur
ancienne voiture pour acheter un modèle plus économe en
carburant.
Selon un communiqué du département des Transports (
DoT), le rabais moyen par véhicule acheté s’est situé
autour des 2877 $.
« Les
consommateurs et les employés américains sont les
premiers bénéficiaires de la prime à la casse », estime
le DoT, précisant que l’explosion des ventes
d’automobiles avait nécessité l’ajout d’équipes dans les
usines des constructeurs.
Cela a notamment été le cas chez les constructeurs
nationaux General Motors et Ford, qui ont tous deux
récemment annoncé relever leurs volumes de production
d’ici à la fin de l’année grâce au succès de la prime à
la casse.
Selon les chiffres préliminaires compilés par le
Ministère, l a pr i me à la casse va « créer ou
préserver » 4 2 0 0 0 e mplois au second semestre et ces
postes « devraient être maintenus bien après la fin du
programme ».
Les bienfaits de ce coup de pouce à la consommation en
juin et juillet vont se traduire par un gain de
croissance 0,3 à 0,4 point de pourcentage au troisième
trimestre, estime le DoT, pour qui ce regain de
dynamisme sur le marché automobile « devrait soutenir la
hausse du PIB au quatrième trimestre ».
GM accélère sa production - Philippe
Mercure
L’idée
de Barack Obama d’envoyer les vieux tacots à la
ferraille a un effet jusque chez nous. Devant la hausse
de la demande pour les voitures neuves, GM a annoncé
hier qu’il accélérera sa production des deux côtés de la
frontière.
PHOTO J.P. MOCZULSKI,
ARCHIVES REUTERS
Le constructeur de Detroit a rappelé hier 1350
travailleurs dans ses usines, la plus grosse
augmentation annoncée d’un coup depuis 2006.
Des quarts de travail sont ajoutés dans des usines de
l’Ohio, du Michigan et de l’Ontario, et les vannes des
heures supplémentaires sont ouvertes à plusieurs
endroits.
Une nouvelle « formidable », a dit le président de GM
Canada, Arturo Elia, qui voit là un « signe
encourageant. » Il faut dire que GM ne nous a pas
particulièrement habitués aux bonnes nouvelles au cours
des derniers mois.
En Ontario, 350 travailleurs sont rappelés à l’usine de
Cami, dans la ville d’Ingersoll, qui est détenue
conjointement par GM et Suzuki. Un nouveau quart de
travail y sera ajouté dès le 19 octobre pour répondre à
la demande pour la nouvelle Chevrolet Equinox et le
nouveau GMC Terrain.
GM Canada a aussi annoncé aux travailleurs d’Oshawa qui
planchent sur la Camaro que les heures supplémentaires
sont maintenues au moins jusqu’à la fin d’octobre.
Pour GM Canada, ces bonnes nouvelles s’expliquent en
grande partie par le programme de primes à la casse du
gouvernement Obama. Question de stimuler les ventes, le
gouvernement américain offre jusqu’à 4500$ US à ceux qui
veulent envoyer leur vieille bagnole à la ferraille en
échange d’une voiture neuve moins énergivore.
Jenni fer Wright, porteparole de GM Canada, a rappelé
que 90% de la production de GM au Canada est exportée
vers les États-Unis.
De
nouveaux quarts de travail ont aussi été annoncés hier
par GMen Ohio et au Michigan pour répondre aux demandes
pour la Malibu et la Colt.
Jeudi dernier, Ford avait annoncé qu’il augmenterait sa
production de 26% pour la deuxième partie de l’année.
Toyota, Honda, Chrysler et Hyundai ont aussi appuyé sur
l’accélérateur récemment pour produire davantage de
véhicules.
En entrevue à Ken Lewenza, le président des Travailleurs
canadiens de l’automobile (TCA), avait peine à cacher
son enthousiasme.
« Nous sommes excités, a admis M. Lewenza. On parle de
bonnes nouvelles, on parle d’une bouffée d’air frais
pour les travailleurs », a-t-il dit, rappelant que les
augmentations de production provoquent des effets domino
positifs sur les nombreuses usines de pièces automobiles
de Windsor, dans le sud de l’Ontario.
« Nous ne sommes pas sortis du bois, nous ne devons
induire personne en erreur, a-t-il tenu à préciser. Il y
a encore beaucoup de travail à faire, il y a encore
énormément de volatilité dans les chiffres de vente et
dans l’économie en général. Nous serons rassurés
seulement quand nous verrons de bons chiffres de vente,
mois après mois, sur une longue période. »
Un programme canadien ?
Les constructeurs implantés au Canada et les
concessionnaires font maintenant pression sur Ottawa
pour que le pays adopte lui aussi un programme de type «
on vous donne un magot pour votre tacot. » Ken Lewenza,
des TCA, se montre favorable à une telle mesure, mais à
condition que le gouvernement encourage les
consommateurs à changer leur véhicule pour un modèle
fabriqué au Canada.
Derek Holt, économiste chez Scotia Capitaux, doute quant
à lui de l’utilité d’une telle mesure. « Même si on
lançait un programme comme ça, nous serions encore
dépendants des États-Unis puisque les ventes canadiennes
représentent un faible pourcentage de la production des
usines canadiennes », souligne-t-il.
Il croit aussi qu’un tel programme « transfère des
ventes futures vers le présent » et risque de faire
augmenter la consommation de voitures au détriment
d’autres achats.
GM veut damer le pion à Toyota - Amandine
Ambregni
NEW YORK
— Un mois après sa sortie de faillite, le constructeur
automobile General Motors a frappé un grand coup en
annonçant la commercialisation de son modèle électrique
Volt, de Chevrolet, qui promet quatre fois plus
d’économies de carburant que le modèle pionnier, la
Prius du japonais Toyota.
PHOTO REBECCA COOK,
REUTERS
La Volt de Chevrolet. Un modèle
important pour la relance de General Motors.
L’ex-numéro 1 mondial de l ’ automobi l e, r essort i
considérablement a maigri du redressement j udiciaire au
t e r me duquel il est aujourd’hui contrôlé à plus de 60
% par l’ État américain, a annoncé hier la production en
série fin 2010 de sa voiture électrique, qui sera
commercialisée en 2011.
La berline Volt « sera le premier véhicule produit à
grande échelle capable d’atteindre des économies de
carburant à trois chiffres », a vanté le patron de GM,
Fritz Henderson, à l’occasion d’une présentation au
grand public et à la presse.
La Volt , dont le protot ype avait été dévoi lé au début
de 2007, promet une consommation de 1 L/100 km. La
Prius, initialement introduite en 1997 aux États-Unis et
qui en est à la quatrième génération cette année,
affiche quant à elle 4 L/100 km.
Cette performance était saluée par plusieurs analystes,
alors que GM, à l’instar des deux autres construct eu r
s nat i onaux Ford e t Chrysler, s’est fait distancer
par les constructeurs asiatiques dans les voitures «
vertes » ces dernières années.
Techniquement, la Chevy se présente comme une voiture
électrique plus qu’une hybride.
Elle aura pourtant une double motorisation, mais « l e
moteur à essence ne propulsera pas la voiture, il
permettra de générer l’énergie nécessaire à recharger la
batterie », explique Michelle Krebs, analyste du cabinet
Edmunds.
« Là où la Volt va apporter beaucoup plus, c’est par la
technologie qu’elle utilise », avec la batterie au
lithium au coeur du dispositif, souligne Bertrand
Rakoto, du cabinet Polk.
« De
nombreux propriétaires de Volt pourront rouler en mode
100 % électrique au quotidien sans avoir à utiliser de
carburant », a assuré Fritz Henderson.
L e modèle peut f o nc - tionner avec une charge de
batterie sur près de 65 km, soit la distance quotidienne
moyen ne q ue f o nt hu i t Américains sur 10, selon une
étude du département des Transports.
I nterrogé par l’A FP, GM n’a pas donné le prix de vente
de la Volt. Des analystes évoquent un prix de 40 000 $,
à mi-chemin entre l es hybr i des d’entrée de gamme – 20
0 0 0 $ – et les modèles haut de gamme, plus chers.
C’est plus c her que le prix d’une berline de taille
moyenne, véhicule le plus acheté sur le marché, qui
oscille autour de 25 000 $.
Même s i l e s hybr i des représentent moins de 3 % du
marché américain, « c’est un segment où il faut être
présent pour l’image de la gamme », juge M. Rakoto.
Une image que GM a plus que jamais besoin de redorer,
alors que le groupe a passé un mois en dépôt de bilan et
existe aujourd’hui sous quatre marques seulement, Buick,
Cadillac, Chevrolet et GMC, contre une dizaine avant la
crise.
Diane Swonk, analyste à Mesirow Financial, fait partie
des sceptiques quant au bond technologique de GM face à
son rival Toyota.
« Je serais t rès surprise que Toyota n’ait pas mis au
point cette technologie. Mais c’est une chose d’avoir la
technologie, c’en est une autre d’en faire un marché de
masse », avance-t-elle.
Michelle Krebs émet pour sa part des doutes quant à la
consommation effective de 1 L/100 km, se faisant l’écho
« d ’ e x p e r t s , c o mme de s constructeurs de
batteries, selon qui ces chiffres ne sont pas réalistes
».
GM DÉBARQUE SUR EBAY - Philippe
Mercure
UN
CROC-EN-JAMBE AUX CONCESSIONNAIRES ?
Acheter une voiture neuve sur eBay? C’est maintenant
possible grâce à GM, qui offre à partir d’aujourd’hui
ses véhicules sur le populaire site d’achats en ligne.
Et même si l’expérience est réservée pour l’instant aux
Californiens, elle suscite déjà le débat au Québec. Au
centre de la controverse, une question : un
concessionnaire, à quoi ça sert ?
En se rendant à l’adresse www. g m. e b a y. c o m, les
Ca lifor niens peuvent auj ourd’hui a c heter u ne
Chevrolet, une Buick ou une Pontiac d’un clic de souris,
dans le confort de leur salon. Les consommateurs ont le
choix entre acheter directement au prix proposé ou faire
une mise et négocier en ligne avec le vendeur.
GM a présenté son i nitiative comme une façon de «
simplifier le magasinage de voitures ». Loin de
court-circuiter les concessionnaires, le site internet
permet de comparer les offres de 225 salles
d’exposition, et de « poser des questions, de négocier
les prix et arranger le financement » en ligne avec eux.
Ma i s J a c ques Na nt e l , professeur titulaire en
marketing à HEC Montréal et s pécial i s t e du c
ommerce éle c t r onique, c r oi t qu’ i l s’agit bel et
bien d’un crocen-jambe que fait GM à ses
concessionnaires.
« Cette expérience n’est que la pointe de l’iceberg,
croit le spécialiste. À terme, ce que ça va entraîner,
c’est une réduction de l’importance du réseau de
concessionnaires. Ça, c’est très clair. »
La
raison, à ses yeux, est simple : « Un concessionnaire
appor t e aujourd’hui une contribution relativement
faible à l’acte de vente. »
« On a déj à plu s i e u r s études qui montrent qu’en
moyenne, les consommateurs qui entrent dans une salle
d’exposition en savent plus que le vendeur sur la
voiture qu’ils veulent acheter et surtout sur les
modèles concurrents », dit-il.
Selon lui, la progression des ventes de voitures en
ligne est « i ncontournable » . Et elle se fera au
détriment des concessionnaires.
Les concessionnaires sont évidemment d’un tout autre
avis et se disent peu inquiets de voir GM vendre ses
voitures sur eBay.
« Certains constructeurs ont essayé la vente directe par
le passé, et ça s’est toujours soldé par des échecs
monumentaux, dit Jacques Béchard, président-directeur
général de la Corporation des concessionnaires du
Québec, qui croit que c’est pour cette raison que GM a
bâti son expérience eBay autour d’eux.
« Il faut garder en tête que le concessionnaire assume
une grande partie du risque pour le constructeur. Il
assume le risque de la bâtisse et le risque de la
gestion des i nventaires, sans compter l’expertise des
hommes et des femmes d’affaires que sont les
concessionnaires. »
Que ce
soit pour l’information, le service après vente ou
l’essai d’un véhicule, le concessionnaire, dit-il, aura
toujours son rôle à j ouer. « Internet est un formidable
outil d’information, dit-il, mais ce n’est pas un outil
de transaction. »
« Pour l’instant, on regarde ça avec curiosité, dit de
son côté Renée Cardinal, directrice des communications
de la Corporation des concessionnaires automobiles de
Montréal. On attend d’avoir plus de détails, mais toute
initiative qui permettrait de relancer GM est bienvenue.
»
L’expérience
marque-t-elle le début du déclin pour les
concessionnaires ? Elle n’y croit pas. « Tout le monde
sait que le succès de GM passe par les concessionnaires.
Il y plein de choses qu’on ne peut pas faire sur
l’internet. Le consommateur va encore vouloir aller
voir, toucher, palper et essayer les véhicules. On parle
du plus gros achat après celui d’une maison. »
Vrai, admet le professeur Jacques Nantel. « Mais vous
n’avez pas besoin d’une quinzaine de concessionnaires GM
à Montréal pour faire l’essai de véhicules. Vous avez
peutêtre besoin d’un ou deux endroits, c’est tout. À
terme, je suis convaincu qu’on s’en va vers un rôle de
plus en plus i mportant du web dans la vente
d’automobiles. »
Comme quoi eBay, en plus de faire miser les
consommateurs, suscite aussi les paris des spécialistes.
Ford renoue avec les profits
— Le
constructeur automobile américain Ford, régulièrement
déficitaire depuis trois ans, a fait état hier d’un
bénéfice net de 2,3 milliards US au deuxième trimestre,
comparativement à une perte de 8,7 milliards US un an
plus tôt, grâce à un gain exceptionnel.
PHOTO WILFREDO LEE, AP
Aux États-Unis, la part de
marché des marques Ford, Lincoln et Mercury a
progressé au deuxième trimestre.
Le groupe de Dearborn, au Michigan, le seul des
constructeurs américains à ne pas avoir déposé son bilan
cette année, a fait mieux qu’attendu par les analystes
financiers.
Au cours de ces trois mois, Ford a engrangé pour 2,8
milliards US de profits exceptionnels, résultant de la
restructuration réussie de sa dette. Cette opération
financière lui a permis de dégager un gain de 3,4
milliards US, selon un communiqué publié par
l’entreprise.
Hors éléments exceptionnels, Ford a accusé une perte de
638 millions US, à comparer avec une perte de 1,4
milliard US au deuxième trimestre de 2008.
Rapporté par action, le bénéfice net représente 69 cents
US. Avant éléments exceptionnels, mesure privilégiée par
les analystes, la perte courante s’établit à 21 cents
US, moitié moindre qu’attendu par le marché (48 cents
US).
Ford a dégagé sur le trimestre un chiffre d’affaires de
27,2 milliards US, soit 11 milliards US de moins que
celui engrangé un an plus tôt. Il reste toutefois
supérieur aux estimations, qui étaient de 24,7 milliards
US.
Dans son communiqué, Ford a dit « rester en bonne voie »
pour achever ses objectifs de l’horizon 2011 de retour
durable à la rentabilité.
Le constructeur s’est dit aussi en mesure « d’atteindre
ou de dépasser » ses objectifs pour l’année en cours, en
matière de réduction de coûts ( plus de 4 milliards US)
et de niveaux de trésorerie notamment. Le groupe prévoit
notamment cesser de consommer des liquidités au deuxième
semestre.
Ford
table aussi sur une progression de ses parts de marché
aux États-Unis, son fief et source principale de ses
difficultés. Il maintient son estimation d’un marché de
10,5 à 11 millions de véhicules, comparativement à 13,2
millions en 2008.
Le groupe a relevé son estimation pour le marché
européen, à 15-15,5 millions de véhicules vendus en
2009.
Aux États-Unis, la part de marché des marques Ford,
Lincoln et Mercury a progressé au deuxième trimestre,
a-t-il souligné.
Les activités industrielles de Ford ont réduit leurs
coûts de 1,8 milliard US sur le trimestre, dont 1,2
milliard US en Amérique du Nord.
La filiale automobile a dégagé une perte avant impôt –
seule mesure livrée par Ford – de 1 milliard US,
comparativement à - 699 millions US un an plus tôt, en
raison de l’effondrement du marché américain. La région
Amérique du Nord est responsable de la quasi-totalité
des pertes de la filiale (851 millions US).
Dans les services financiers, Ford a dégagé un bénéfice
avant impôt de 595 millions US, à comparer avec une
perte de 334 millions US un an auparavant.
Ford a fini le trimestre avec une trésorerie brute de 21
milliards US dans sa filiale automobile, après avoir
consommé 1 milliard de liquidités sur le trimestre.
L’amélioration est très nette par rapport aux trois
premiers mois de 2009 pendant lesquels Ford avait brûlé
3,7 milliards US.
La dette a été réduite à 10,1 milliards US, ce qui doit
permettre au constructeur d’économiser 500 millions US
par année en versement d’intérêts.
Ces résultats ont été très bien accueillis par les
investisseurs ; l’action de Ford a bondi de 9,4 %, à
6,98 $US hier.
La relance de GM suspendue au succès des
modèles - Amandine Ambregni
Les
dirigeants du « nouveau » GM ont assuré devant la presse
qu’une « nouvelle ère » commençait pour le constructeur
centenaire et se sont engagés à vendre les « meilleurs
véhicules du monde ».
NEWYORK— Le nouveau General Motors est né hier, moins de
six semaines après son fracassant dépôt de bilan, en
promettant de faire de sa clientèle sa priorité absolue
et de lui offrir enfin des voitures moins gourmandes.
PHOTO SAM PANTHAKY,
ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE
L’ancien numéro un mondial de
l’automobile va se recentrer sur 4 marques principales
– Buick, Cadillac, Chevrolet et GMC – délaissant les
marques jugées non rentables comme Saturn, Pontiac et
Hummer aux États-Unis, mais également Opel et Saab en
Europe.
« L a nouvel l e e nt r e pr i s e General Motors a
commencé son activité aujourd’hui dotée d’une nouvelle
structure, d’un bilan plus solide et d’un engagement
renouvelé de placer les consommateurs au coeur de tout
ce que fait le nouveau GM », a annoncé le groupe, au
lendemain du dernier feu vert de la justice américaine à
son plan de sortie de faillite.
L’ancien numéro un mondial de l’automobile va se
recentrer sur 4 marques principales – Buick, Cadillac,
Chevrolet et GMC – délaissant les marques jugées non
rentables comme Saturn, Pontiac et Hummer aux
États-Unis, mais également Opel et Saab en Europe.
Il renaît avec des effectifs réduits de 30% et ne
conserve que ses actifs les plus sains, avec un
actionnariat profondément remanié d’où ont été écartés
les anciens actionnaires. L’État américain détient 60,8%
du groupe et l’État canadien 11,7%, en échange des fonds
publics avancés. Le syndicat automobile américain UAW
détient 17,5% et les créanciers 10%.
Les dirigeants du « nouveau » GM – son directeur général
Fritz Henderson et son président du conseil Ed Whitacre
– ont assuré devant la presse qu’une « nouvelle ère »
commençait pour le constructeur centenaire et se sont
engagés à vendre les « meilleurs véhicules du monde » en
terme de qualité, de design et d’économies de carburant.
« Nous voulons profiter de l’intensité et de la rapidité
des dernières semaines pour transformer cette entreprise
», a noté M. Henderson, faisant allusion au rythme
trépidant du redressement judiciaire depuis le dépôt de
bilan du groupe le 1er juin.
Il n’aura en effet fallu à GM que 40 jours pour sortir
du régime de faillite, contre 42 pour son compatriote
Chrysler, pourtant trois fois plus petit.
Les élus américains ont exprimé leur soulagement. Le
sénateur démocrate Carl Levin (Michigan) a rappelé les
milliers d’emplois perdus mais reconnu qu’il « n’y avait
pas d’alternative ».
Les
grandes lignes stratégiques – vendre moins de modèles
mais de meilleure qualité, produire plus de véhicules
économes en carburant, innover dans le marketing – ont
pourtant laissé sceptiques les analystes.
« Cela fait 25 ans que je couvre GM, j’ai vu beaucoup de
leurs restructurations. Je pense que c’est leur dernière
chance de faire les choses correctement », lâche
Michelle Krebs, analyste du cabinet Edmunds, selon qui «
des défis importants sont à venir ».
GM « supprime des emplois, mais où est le sang neuf ?
critique-t-elle. Ils rappellent Bob Lutz, qui a 77 ans,
pour diriger le marketing et trouver de nouveaux moyens
de vendre des voitures ! »
« Leur plus gros problème », renchérit Rebecca Lindland,
du cabinet Global I nsight, « c’est la perception »
qu’ont les consommateurs des véhicules GM, copieusement
critiqués ces dernières années pour leur qualité
médiocre et leur inadéquation à la demande.
L’image, « c’est le plus difficile à réparer », avertit
cette analyste.
Pour redorer son image, GM a d’ai l leurs promis d’aller
à la rencontre des consommateurs et de se rapprocher du
site de vente aux enchères eBay.
C’est sans compter la faiblesse du marché automobile,
qui souffre toujours de la récession, rappelle Mme
Lindland.
Comme d’autres analystes, elle table sur un marché
américain sous les 10 millions d’unités cette année,
alors que GM table justement sur des ventes de 10
millions d’unités pour revenir à l’équilibre.
Feu vert à la création du nouveau GM
NEW
YORK— Letribunaldesfaillites new-yorkais chargé du
dossier de la restructuration de General Motors (GM) a
approuvé dans la nuit de dimanche à hier la vente des
actifs sains du géant de l’automobile à un « nouveau »
GM.
PHOTO PAUL SANCYA,
ARCHIVES ASSOCIATED PRESS
Allégé de ses plus grands foyers
de pertes, GM va devoir désormais faire la preuve de
sa viabilité sur un marché automobile américain qui
reste sinistré.
La transaction « est approuvée », a écrit le juge chargé
du dossier, Robert Gerber, en conclusion d’une décision
de 95 pages publiée dans la nuit.
Ce jugement vient au terme d’un processus de
redressement judiciaire très court, puisque General
Motors avait déposé le bilan seulement cinq semaines
plus tôt, le 1er juin. Les débats au tribunal des
faillites de New York sur ce plan de restructuration
avaient pris fin dès jeudi.
Le « nouveau » GM doit être détenu à 60,8% par l’État
américain, à 11,7% par l’État canadien et à 17,5% par le
syndicat automobile américain UAW. Les créanciers
détiendront 10% du capital en échange de l’annulation de
27 milliards US de dettes.
Les actifs non repris auront vocation à être liquidés
par la justice.
Allégé de ses plus grands foyers de pertes, comme des
usines non rentables et des prestations sociales qui
noyaient son bilan comptable, le groupe va devoir
désormais faire la preuve de sa viabilité sur un marché
automobile américain qui reste sinistré.
GM, qui fut à une époque la plus grande entreprise du
monde, a accumulé 88 milliards US de pertes entre 2005
et le premier trimestre de 2009, et n’a dû sa survie
qu’à l’apport de 50 milliards US de l’État fédéral
américain.
Dans sa
décision, le juge Gerber a indiqué avoir examiné environ
850 objections au plan de restructuration, soulevées par
des actionnaires, des créanciers et des retraités du
groupe, et a conclu qu’elles n’étaient pas valables à
ses yeux
Il a souligné l’urgence à agir, affirmant que « les
autres solutions qu’une vente se sont révélées
infructueuses, et n’offrent aucun espoir de réussite
désormais ».
« GM est désespérément insolvable, et il n’y a plus rien
à faire pour les actionnaires. Et si GM est liquidé, il
n’y aura non seulement plus rien pour les actionnaires,
il n’y aura plus rien pour les créanciers de la dette
garantie », a-t-il considéré.
Il a rappelé qu’au 31 mars, l’ancien numéro un mondial
de l’automobile avait 82 milliards US d’actifs et 172
milliards US de dettes. « Si GM doit être liquidé, la
valeur de ses actifs après liquidation (...) se
monterait à moins de 10% de ces 82 milliards US »,
a-t-il estimé.
Par ailleurs, a-t-il insisté, « il n’y a pas de
partenaire prêt à une fusion, d’acquéreur ou
d’investisseur désireux et capable de reprendre
l’activité de GM. À part le Trésor des États-Unis et
(l’État canadien), il n’y a pas de créanciers désireux
et capables de financer la poursuite des opérations de
GM ».
Le tribunal a également rejeté l’argument selon lequel
les pouvoirs publics auraient traité injustement les
créanciers privés, « qui ont été aidés et non pas lésés
par les efforts du Trésor pour maintenir GM en vie et
pour empêcher une liquidation du groupe ».
Le juge a indiqué avoir fondé sa décision sur la même
jurisprudence que celle soulevée dans l’affaire
Chrysler, autre constructeur automobile restructuré sous
supervision judiciaire un mois plus tôt.
Le processus judiciaire pourrait toutefois ne pas être
complètement achevé pour GM: le juge Gerber a donné
quatre jours aux opposants pour faire appel. Dans
l’affaire Chrysler, la décision du juge des faillites
avait fait l’objet de recours, avant d’être entérinée
par la Cour suprême au bout de huit jours.
GM joue son avenir demain devant la justice
— Le groupe
automobile américain General Motors (GM) espère convaincre
demain le juge des faillites du bien-fondé de son plan de
restructuration prévoyant la vente d’actifs à une nouvelle
société libérée des vieilles dettes et soutenue par les
milliards de dollars de prêts du gouvernement fédéral.
Le juge
Robert Gerber a jusqu’à présent toujours tranché en faveur
de GM dans chacune des requêtes soumises devant ce tribunal
depuis que le groupe a demandé à être placé sous la
protection de la loi sur les faillites le 1er juin.
La rapide
sortie du processus de règlement judiciaire de Chrysler le
10 juin pourrait servir de précédent pour une procédure
rapide.
« Nous espérons faire démarrer la nouvelle société dès que
possible, une fois que la cession de ces actifs est
approuvée », a déclaré la porte-parole de GM, Julie
Gibson, tout en refusant de se prononcer sur la date à
laquelle le constructeur pourrait émerger de la faillite.
Mais, selon une source proche du dossier, cela pourrait se
produire d’ici la mi-juillet.
Un seul obstacle
Après avoir accepté, sous la pression des consommateurs et
de l’ État, de conserver la responsabilité légale des
voitures produites jusqu’à sa sortie de faillite (
permettant ainsi des poursuites pour défaut de fabrication
pour des accidents à venir), GM ne fait plus face
véritablement qu’à un obstacle de taille.
Ce sont les objections d’un groupe de concessionnaires que
l’ancien numéro un mondial de l’automobile entend éliminer
de son réseau de distribution.
General Motors compte parvenir à un accord avec la plupart
des concessionnaires et il est probable que le juge
rejette les plaintes des autres, estime John Pottow, un
expert du droit des faillites à la faculté de droit de
l’Université du Michigan.
Selon M. Pottow, « l’audience devant le tribunal des
faillites ne devrait pas durer plus d’un jour ou deux »,
et le juge décidera probablement que la vente de ces
actifs à une nouvelle entité est dans le meilleur intérêt
des créanciers.
Après le
feu vert de la justice, la cession peut être réglée en
quelques jours, ou quelques semaines, selon ce juriste.
Il explique que les mois de préparation en vue du dépôt de
son bilan et les accords déjà conclus avec les principaux
syndicats et créanciers ont permis à GM de procéder
rapidement pour f i naliser s on pla n de restructuration.
M. Pottow souligne aussi l’importance dans ce processus de
l’intervention de l’administration du président Barack
Obama. La justice a approuvé jeudi le déblocage de la
deuxième moitié d’un financement fédéral de 30 milliards
de dollars accordés à GM pour se restructurer.
Les fonds publics octroyés par Washington et Ottawa vont
permettre à General Motors de payer ses employés et
fournisseurs ainsi que d’autres dépenses liées au plan de
redressement, au terme duquel l’État américain détiendra
60,8% du capital de la nouvelle société et le Canada 11,7
%.
Le fonds d’investissement du syndicat de l’automobile
United Auto Workers en détiendra lui 17,5 %.
Les créanciers de GM détenant des obligations représentant
27,1 milliards de dollars de dettes obtiendront les 10%
restant avec la garantie de pouvoir acquérir
ultérieurement 15% de plus d’actions du nouveau GM.
Grâce à un ensemble de nouveautés de qualité dans ses
gammes, le nouveau GM a une très bonne chance de réussir,
prédit Jeremy Anwyl, président du groupe de recherche sur
l’automobile Edmunds.com.
Automobiles : LES VENTES REPARTENT VERS LE HAUT - Maxime
Bergeron
Oubliée, la
crise du crédit, du moins dans l’industrie automobile. Le
marché des prêts-auto a retrouvé son aplomb de l’été 2008 –
avant la crise –, ce qui devrait se traduire par une remontée
des ventes de véhicules en Amérique du Nord d’ici la fin de
l’année, prédit une étude publiée hier par la Banque Scotia.
« Le rapport prêt-valeur des prêts pour voiture neuve aux
États-Unis, qui était de 86,4 % en février, est passé
récemment à 89,1 % », a expliqué Carlos Gomes, économiste
principal à la Scotia.
Ce ratio indique que les banques sont beaucoup moins
hésitantes à prêter des fonds, et que les acheteurs doivent
verser un acompte plus faible lorsqu’ils font financer leur
nouveau véhicule.
« L’aspect
le plus important, c’est que ce ratio atteint son niveau le
plus haut depuis août 2008, soit avant la chute de Lehman
Brothers et le gel du marché du crédit », a souligné M.
Gomes en entrevue téléphonique à La Presse Affaires.
Le « t aux d’approbation » des prêts commence aussi à aller
mieux au Canada, a ajouté le spécialiste de l’industrie
automobile.
Ce dégel marqué du crédit a poussé Carlos Gomes à revoir à
la hausse ses prévisions de ventes de véhicules neufs pour
2009. Il s’attend à ce que 1,45 million de véhicules
trouvent preneur au Canada, 70 000 de plus que ce qu’il
prévoyait en début d’année.
Aux États-Unis, l’économiste estime que 10,2 millions de
véhicules seront écoulés, plutôt que les 9,5 millions prévus
au départ. Ces ventes seront nettement inférieures à celles
des années récentes, mais elles permettront aux
constructeurs de ne pas descendre sous la marque symbolique
– et honnie – des 10 millions.
Indicateurs
multiples
Le mois de mai a déjà marqué une embellie pour plusieurs
constructeurs au Canada, tant dans le créneau abordable
que dans celui des voitures de luxe.
Mercedes-Benz , Hyundai et Kia ont tous enregistré les
meilleures ventes mensuelles de leur histoire au pays, la
hausse atteignant 25,5 % pour Kia !
Volkswagen a de son côté a f f ic hé sa meilleure
performance depuis août 2002.
Outre la
remontée du rapport prêt-valeur, l a Banque Scotia note
plusieurs autres i ndicateurs qui pointent en faveur d’un
regain des ventes dans la deuxième moitié de 2009 en
Amérique du Nord. Le prix des véhicules d’occasion a
grimpé au cours des derniers mois, tout comme la confiance
d e s c o n s o mma t e u r s , n o t e l’institution.
« De plus, le crédit global aux ménages, dans lequel les
prêts automobi l es comptent pour environ 20 %, a
récemment commencé à augmenter, ajoute la Scotia. Cette
tendance laisse à penser que le crédit automobile dans son
ensemble augmente encore une fois au Canada après avoir
dégringolé de 5 % en 2008. »
À l’échelle mondiale, les ventes de véhicules sont
revenues en mai à leurs niveaux les plus élevés depuis
août 2008, tout j uste avant l ’écroulement de la banque
américaine Lehman Brothers.
La reprise est surtout visible dans les marchés émergents,
mais les pays développés ne sont pas en r este, souligne
l’étude de Scotia.
La restructuration de GM avance sans encombre
Le
constructeur s’est engagé à réduire cette année de 35% ses
équipes d’encadrement et de 20% ses effectifs de salariés,
intensifiant même les réductions de postes de cols blancs
prévues aux États-Unis.
— General Motors a obtenu hier l’aval de la justice pour le
déblocage de la seconde tranche des 30 milliards US de fonds
publics nécessaires à son fonctionnement d’ici la fin de sa
restructuration, une simple formalité dans ce redressement
judiciaire voulu aussi rapide que celui de Chrysler.
« Le financement est approuvé », a déclaré le juge des
faillites Robert Gerber responsable du dossier, après avoir
écouté pendant une quinzaine de minutes les avocats de
plusieurs parties prenantes s’estimant lésées dans le plan
de redressement du premier constructeur automobile
américain.
Ce plan, orchestré par l’administration Obama, prévoit qu’un
« nouveau GM » considérablement réduit, centré autour de ses
actifs les plus rentables, émerge de la faillite. L’ État
américain doit être l’actionnaire principal, avec 60,8% du
capital en échange des 30 milliards US de fonds
supplémentaires accordés – qui portent à plus de 50
milliards US l’aide fédérale accordée à GM depuis décembre.
L’État canadien – qui a aussi accordé plus de 3 milliards de
dollars au GM en faillite – doit détenir 11,7 % du futur
groupe et le syndicat automobile américain UAW 17,5 %,
laissant 10 % aux créanciers et rien aux actionnaires de GM.
Une première tranche de 15 milliards US avait été accordée à
GM dans la foulée de son dépôt de bilan le 1er juin, devant
servir à payer ses frais courants, comme les salaires et les
commandes aux équipementiers.
Le déblocage de la seconde t r a nche vient s ’aj outer aux
développements favorables à ce redressement judiciaire
rapide de GM devant le tribunal new-yorkais des faillites.
« Il est raisonnable de penser que (le nouveau) GM pourrait
émerger vers l a mi-j uil let » , estimait une source
judiciaire assistant aux débats au tribunal, ajoutant que,
jusqu’à présent, des centaines d’objections soulevées par
des parties prenantes avaient été écartées.
Si c’était
le cas, GM, dont le dossier est bien plus complexe que
Chrysler, trois fois plus petit que lui, émergerait du
contrôle j udiciaire en moins de deux mois, alors que
Washington avait tablé sur un délai de 60-90 jours. Chrysler
avait mis 40 jours.
Depuis le 1er juin, diverses motions du plan ont été
validées et GM a avancé dans sa réduction de périmètre.
GM a ainsi bouclé des accords pour vendre ou éteindre ses
marques Hummer, Saturn et Pontiac, dans le cadre de son
recentrage sur quatre marques seulement : Buick, Cadillac,
Chevrolet et GMC. En Europe, il vient de céder sa marque
suédoise Saab et fait monter les enchères pour l’allemande
Opel.
Le constructeur s’est engagé à réduire cette année de 35%
ses équipes d’encadrement et de 20% ses effectifs de
salariés, intensifiant même les réductions de postes de cols
blancs prévues aux États-Unis, visant 6000 suppressions
comparativement à 3400 précédemment.
Face à GM, les mécontents du plan, des créanciers aux
retraités en passant par les équipementiers et les
associations de consommateurs, ont essuyé revers sur revers
devant le juge Gerber.
Un comité « officiel » de la majorité des créanciers a
plaidé sans succès pour la reconnaissance des engagements
financiers du futur GM envers les accidents et défauts de
production à venir des véhicules de l’actuel GM.
Pour l’heure, le plan de redressement prévoit que le futur
GM, tout comme cela a été le cas pour Chrysler, soit dégagé
des obligations juridiques associées à des accidents,
lesquelles ont été évaluées à 2,2 milliards US.
La prochaine étape-clé pour GM est l’audition du 30 juin, au
cours de laquelle le juge devra se prononcer sur le plan de
sortie de redressement judiciaire en tant que tel.
« LE GOUVERNEMENT SE DEVAIT D’AGIR » -
HUGO DE GRANPRÉ
Laisser filer
GMaurait eu des conséquences « larges et incalculables »,
estime Stephen Harper
« Nous n’avons pas l’intention d’être propriétaires à long
terme. Nous vendrons nos actifs quand le prix sera favorable.
»
Le Canada ne pouvait faire aut rement que d’aider GM s’il
voulait sauver des centaines de milliers d’emplois au pays, a
fait valoir le premier ministre Stephen Harper, hier,
visiblement mal à l’aise d’avoir à défendre une telle
incursion de son gouvernement dans le privé. L’entente
prévoit
que GM Canada recevra 16% de la production nord-américaine
de l’entreprise jusqu’à 2016.
En conférence de presse à Toronto, le chef conservateur a
convenu que la décision avait été difficile à prendre, et
particulièrement dure à avaler pour certains membres de son
entourage. Mais laisser filer GM, « de loin le plus grand
consommateur de pièces d’auto au Canada », ou même Chrysler,
aurait eu des conséquences « larges et incalculables », a-t-il
dit.
« Les pertes d’emplois atteindraient les six chiffres très
rapidement, en quelques mois. Et ce n’est tout simplement pas
possible pour notre économie. »
Ottawa s’est engagé à verser 7 milliards de dollars et
l’Ontario, 3,5 milliards au géant automobile américain pour
lui permettre d’émerger de sa faillite déclenchée à New York,
hier.
Le gouvernement canadien souhaite se désengager de GM au plus
tard en 2018. M. Harper a toutefois convenu qu’il était
possible qu’Ottawa soit contrainte de vendre ses parts à un
prix moindre que les 7,1 milliards payés à l’achat.
Réticences au Parlement
Seule la portion américaine de General Motors s’est placée
sous la protection de la loi sur la faillite, hier. Sa filiale
canadienne a été épargnée.
Le président des Travailleurs canadiens de l’automobile, Ken
Lewenza, s’attend néanmoins à ce que des usines du pays
suspendent leurs activités pendant le processus judiciaire.
Les gouvernements américain et canadien souhaitent que GM
puisse émerger de cs processus d’ici deux à trois mois.
À Ottawa, les
partis de l’opposition ont exprimé leurs réticences face à
l’annonce commune des gouvernements ontarien, canadien et
américain.
Le député libéral ontarien Francis Valeriote a critiqué
l’absence de certaines garanties dans l’entente, comme le
nombre d’emplois qui seront réellement préservés au Canada.
« Nous devrions considérer d’avoir un vérificateur indépendant
qui examine cette entente, a-t-il ajouté. Je ne suis pas
convaincu de sa prudence corporative et fiscale. » Au cours
d’une séance d’information technique, des fonctionnaires
fédéraux ont convenu qu’Ottawa pourrait perdre son
investissement si la relance du constructeur automobile
échouait. « Il n’y a pas de garanties », a dit l’un d’eux.
Mais lors d’un point de presse commun avec le premier ministre
ontarien Dalton McGuinty, Stephen Harper a tenté de se faire
rassurant. « Nous ne mettons pas d’argent dans une compagnie
si nous croyons qu’elle échouera », a-t-il tranché, promettant
du coup de ne pas répéter l’expérience avec GM.
En échange, les Canadiens obtiendront 11,7% des parts de
l’entreprise. L’entente prévoit aussi que GM Canada recevra
16% de la production nord-américaine de la compagnie jusqu’à
2016.
Le premier ministre Harper a promis de vendre ses parts le
plus rapidement possible. « Nous n’avons pas l’intention
d’être propriétaires à long terme, a-t-il dit. Nous vendrons
nos actifs quand le prix sera favorable. »
Deux poids, deux mesures ?
Le Bloc québécois a parlé de deux poids, deux mesures par
rapport au secteur forestier. « Si c’est 10 milliards dans
l’automobile, ce n’est que 170 millions dans le forestier,
plus le 100 millions à la sylviculture sur deux ans, a lancé
Gilles Duceppe. Vous voyez la disproportion, alors qu’il y a
davantage d’emplois directs et indirects dans le forestier. »
Le chef du NPD, Jack Layton, a quant à lui applaudi
l’assistance portée aux travailleurs. Selon lui, cependant, le
gouvernement devrait en faire davantage.
« Ce sont de bonnes nouvelles, mais on cherche encore une
politique globale pancanadienne concernant les autos, pour la
production d’autos vertes, par exemple. On a une politique aux
États-Unis, mais on n’a pas une vision pour le secteur ici au
Canada. »
INVESTISSEMENT DANS GM L’État devra patienter
Le « nouveau
GM » devra grimper une côte immense avant que les
contribuables revoient unepartiedes milliards de fonds
publics investis dans la relance du constructeur.
Washington, Ottawa et Queen’s Park détiendront 72,5% des
actions quand General Motors se réinscrira en Bourse, au
terme de sa restructuration judiciaire. Mais avant que les
gouvernements pensent seulement à rentrer dans leur argent,
la capitalisation boursière de cette nouvelle entité devra
atteindre environ 70 milliards US.
C’est 140
fois la valeur de GM à la fin de la semaine dernière, et
sept fois plus qu’il y a un an!
« Les contribuables vont clairement revoir une partie de
leur argent quand nous commencerons à vendre des actions,
mais honnêtement, nous n’y comptons pas trop », a admis
lundi le premier ministre Stephen Harper en conférence de
presse, peu après le dépôt de bilan de GM à New York.
« La
question la plus sensible, c’est de savoir si GM sera
capable d’arriver avec une gamme de produits que le public
voudra acheter. »
Les gouvernements du Canada et de l’Ontario ont versé 10,5
milliards en échange de 11,7% du « nouveau GM ».
L’entreprise, qui conservera seulement ses actifs les plus
sains après sa restructuration, devrait inscrire ses
actions en Bourse au premier trimestre de 2010.
L’État compte se départir de ses actions peu à peu d’ici
2018, a indiqué Darren Cunningham, porte-parole du
ministre de l’Industrie, Tony Clement. Les ventes de
titres devraient se faire deux fois par année, selon un
calendrier qui sera déterminé par le tribunal des
faillites.
Washington, qui héritera de 60,8% des actions de GM en
échange d’un investissement de 50 milliards US de deniers
publics, se départira lui aussi graduellement de ses
titres.
Trop tôt pour un PAPE?
Ottawa mise sur un premier appel public à l’épargne (PAPE)
du « nouveau GM » au premier trimestre de l’an prochain.
Selon d’autres sources officielles citées par Bloomberg,
l’entrée en Bourse pourrait se faire jusqu’à 18 mois après
la fin de la restructuration, soit au milieu de 2011.
Dans un cas comme dans l’autre, ce PAPE apparaît précipité
à Marc Chabot, spécialiste des faillites au département
des sciences comptables de l’UQAM. La société nouvellement
dégraissée commencera à peine à se remettre sur pied dans
18 mois, souligne-t-il. « C’est tôt pour voir une
éclaircie. »
Jo
D’Cruz, professeur de gestion stratégique à l’Université
de Toronto, estime que la restructuration judiciaire
devrait se conclure rapidement . Mais le plan d’affaires
pour la relance – qui dictera en bonne partie le prix de
l’action en Bourse – soulève plusieurs craintes, selon
lui.
« La question la plus sensible, c’est de savoir si GM sera
capable d’arriver avec une gamme de produits que le public
voudra acheter, a-t-il dit. Auront-ils des véhicules de
qualité, économes d’essence et joliment dessinés? En ce
moment, il y a peu de raisons d’être optimiste à cet
égard. »
La majeure partie des 10,5 milliards investis par les
gouvernements du Canada et de l’Ontario sera convertie en
actions du « nouveau GM », à l’exception d’une somme de
1,3 milliard US qui se transformée en prêt.
GM devra avoir remboursé un minimum de 30% du prêt au bout
de trois ans, 65% d’ici six ans et la totalité d’ici 2018,
a-t-on appris. Le taux d’intérêt a été fixé à 7%.
L’injection de fonds publics est massive, mais nécessaire,
font valoir depuis lundi les responsables du gouvernement
Harper.
« Nous comprenons ce que pourrait être le pire scénario et
les risques que nous avons pris, mais nous voyons aussi le
potentiel de la société et c’est pour cela que nous avons
pris ces risques », a fait valoir le porteparole du
ministre de l’Industrie Tony Clement.
Le baratin du vendeur de «chars» - SOPHIE
COUSINEAU
Barack Obama
est si digne qu’on a du mal à l’imaginer dans le costume
empesé d’un vendeur de « chars ». Et pourtant, lorsque le
président des États-Unis a fait le point sur General Motors,
hier, il a servi aux Américains un boniment digne d’un
redoutable vendeur. Barack Obama a répété hier qu’il
n’avait « aucun intérêt à administrer GM ».
Barack Obama a cherché à se faire rassurant sur la suite des
choses, maintenant que le constructeur s’est mis à l’abri de
ses créanciers. Mais disons qu’il a un peu embelli la
réalité. Tout en passant sous silence plusieurs difficultés.
Deux points ressortent de son baratin. De un, invoquer le
fameux chapter 11 de la loi américaine sur la faillite, ce
n’est pas la fin du monde. Chrysler n’est-elle pas sur le
point d’émerger de sa restructuration judiciaire ?
De deux, ce n’est pas parce que le gouvernement américain
devient le principal actionnaire de GM, avec une
participation de 60,8%, que le président aura les deux mains
sur le volant.
Dans les deux cas, il faut nuancer. Une restructuration
judiciaire n’est peut-être pas la fin du monde, mais ce
n’est pas une promenade dans les bois. En faisant appel à la
protection des tribunaux, GM a les coudées franches pour
mener rondement une restructuration « accélérée » qu’elle
espère compléter d’ici trois mois. L’entreprise n’a
d’ailleurs pas perdu de temps en annonçant hier la fermeture
de 17 autres usines et centres de distribution de pièces aux
États-Unis.
Toutefois, GM se trouve maintenant à la merci d’un juge.
Celui-ci pourrait se montrer sympathique aux derniers
créanciers mécontents qui forment une poche de résistance.
Bref, tout peut arriver.
Par ailleurs, GM croit qu’avec les concessions que le
constructeur a arrachées aux créanciers et aux travailleurs
syndiqués, l’entreprise sera en mesure de faire ses frais
dans un marché nordaméricain ravagé par la récession. Même
si les Américains n’achetaient que 10 millions de véhicules
neufs en 2009 – ce qui est conforme aux prévisions –, ce ne
serait plus l’hémorragie.
Survivre, c’est une chose. Mais séduire des clients qui
refusent d’être vus au volant d’une GM, c’est une autre
histoire. Surtout que le marché ne renouera peutêtre jamais
avec les sommets de 15 à 17 millions de véhicules neufs
vendus par an, à l’époque insouciante où les Américains
finançaient leurs voitures en rouvrant leurs hypothèques.
Bref, GM devra gagner des parts de marchés au détriment de
rivaux affamés comme Chrysler, qui profitera des
technologies et du design de Fiat. Et cela, avec des
véhicules qui ne sont pas encore arrivés sur le marché, mais
qui souffrent déjà de la perception d’un manque de fiabilité
associée à GM. Bien plus qu’un simple changement d’image, GM
devra entreprendre une transformation extrême. Sans succès
assuré.
Barack Obama aimerait faire croire aux Américains
qu’investir 50 milliards de dollars dans General Motors,
cela ne change pas le monde… Sauf que si, cela change la
donne, et pas seulement pour GM, mais pour toute
l’industrie.
« Je n’ai
aucun intérêt à administrer GM », a réitéré hier le
président, bien conscient du malaise que provoque la
nationalisation « temporaire » de GM aux États-Unis.
Ainsi donc, le gouvernement serait un investisseur
silencieux qui laisserait à la direction de GM toute
latitude? Bien voyons ! L’influence de Barack Obama est déjà
perceptible. Rappelons, accessoirement, que c’est son
administration qui a remercié l’ancien président de GM, Rick
Wagoner.
Par ailleurs, la conversion soudaine et totale de GM aux
voitures vertes, un dada d’Obama, paraît légèrement
suspecte. On a longtemps reproché à GM d’ignorer les désirs
des consommateurs. Mais, en larguant la marque Hummer, en
lançant la voiture électrique Volt et en promettant 14
modèles hybrides d’ici 2012, GMest-il en train de passer
d’un extrême à un autre? Tout en étant aussi déconnecté de
ses clients ?
Les analystes s’attendent à ce que la Volt se détaille 40
000$US, près du double du prix d’une Toyota Prius. Ainsi, GM
s’expose à produire cette voiture électrique à perte. Or, en
attendant un choc pétrolier à la Jeff Rubin, les ventes des
petites voitures avec des moteurs efficaces ne représentent
que 17% du marché américain, note le Wall Street Journal.
Évidemment, les choses sont appelées à changer, et c’est
tant mieux. Mais, est-ce que cela va permettre à GM de
renouer avec les profits dans un proche avenir ? Ce n’est
pas acquis.
En fait, c’est tout le terrain de l’environnement qui est
miné. Quels mesures incitatives le gouvernement américain
offrira-t-il pour l’achat de quels véhicules ? De quelle
façon est-ce que les émissions pol luantes seront
réglementées ?
L’impartialité de l’administration Obama risque d’être mise
en doute par les concurrents de GM, comme Ford. Ou par les
pays avec des constructeurs rivaux, par l’entremise de
l’Organisation mondiale du Commerce.
Dans le même esprit, est-ce que GM favorisera une production
locale, aux États-Unis, pour des considérations politiques,
au détriment de sa rentabilité ? Il est permis de se le
demander, alors que le constructeur annonçait hier qu’une
plus grande proportion des véhicules vendus aux États-Unis
sera assemblée en sol américain. Barack Obama a dit vouloir
léguer, aux générations futures, une « Amérique qui fabrique
encore des choses ».
Mais si son pari risqué échoue, son héritage dans
l’industrie automobile pourrait se résumer à un déficit
énorme.
« Notre objectif à court terme, c’est de remettre sur pied
GM et de sortir le plus rapidement possible », a dit Barack
Obama.
Rapidement. C’est le mot clef.
GM : La (nouvelle) ligne de départ -
ARIANE KROL
Si tout se passe bien, General Motors émergera du tribunal
des fai l l ites dans deux ou trois mois, libérée de ses
dettes et de nombreuses obligations. « Une nouvelle GM »,
claironnait le constructeur hier. Reste à voir s’il saura
profiter de cette nouvelle chance qui s’offre à lui.
La restructuration n’est qu’un préalable. L’avenir de
l’entreprise se jouera après, dans l’exécution de sa mission
première: vendre des véhicules à profit. Or, il est loin
d’être certain que GM puisse tirer avantage de la reprise.
Les restructurations à l’abri des créanciers, sous la
protection du fameux chapitre 11, ont donné de bons
résultats dans le passé. Ce procédé a permis à plusieurs
transporteurs aériens de redécoller, après avoir nettoyé
leur bilan et allégé leurs frais de fonctionnement. La
croissance économique, toujours favorable aux ventes de
billets d’avion, faisait le reste. L’effet ne sera pas aussi
automatique pour GM. Dans l’industrie aérienne, il n’est pas
rare que le consommateur se résigne à faire affaire avec la
compagnie qu’il déteste le plus parce que c’est la seule qui
puisse le transporter au prix et au moment désiré.
L’acheteur d’automobile nord-américain a autrement plus de
choix.
Et ce n’est
pas tout. Le prix du pétrole a dépassé les 68 dollars le
baril hier. En pleine récession, alors qu’onn’entrevoit
pasde sortie de crise avant l’an prochain – une reprise
timide dans le meilleur des cas. Ça donne une idée de la
flambée à laquelle on aura droit lorsque l’économie
repartira vraiment. Le pétrole à 147$ le baril a suscité un
intérêt jamais vu pour le covoiturage, les transports en
commun et le télétravail l’an dernier. Un attrait qui
deviendra encore plus marqué lorsque les prix à la pompe
vont se remettre à grimper, et qu’il deviendra évident
qu’ils ne redescendront pas.
Et si les travailleurs se servent beaucoup moins de leur
voiture, ou de leur deuxième voiture, il leur faudra de
fichues bonnes raisons pour la remplacer. La fin de sa vie
utile – sauf qu’une auto qui roule peu s’use pas mal moins
vite. Sa consommation trop élevée – à condition de pouvoir
s’en payer une qui génère des économies vraiment
significatives. On n’est même pas certain que les ventes de
véhicules neufs reviendront à leur sommet de 2007, alors que
les concessionnaires américains avaient écoulé 17 millions
d’unités. Ils en vendront moins de 10 millions cette année.
Ça donne une idée de la côte que l’ensemble de l’industrie a
à remonter.
Avec une structure de coûts allégée, GM sera en mesure
d’offrir ses produits à des prix plus concurrentiels. Encore
faudra-t-il qu’ils séduisent le marché. Ce n’est pas gagné
d’avance. La « nouvelle GM » n’est pas une nouvelle venue.
C’est une entreprise à laquelle de nombreux consommateurs
ont tourné le dos en jurant qu’on ne les y reprendrait plus.
Regagner les coeurs, et des parts de marché, s’annonce un
défi considérable, d’autant que les concurrents ne vont pas
rester les bras croisés.
GM vient de se placer sur la ligne de départ. Va-t-elle
démarrer au quart de tour ou caler lamentablement?
Washington, Ottawa et les syndicats, qui l’ont commanditée à
grands frais, ne peuvent que se croiser les doigts.
HONDA : 50 ans pour devenir un grand de
l’automobile
CHICAGO
— Cinquante ans après être entré sur la pointe des pieds
avec ses petites motos sur le marché américain, Honda
est devenu un grand de l’automobile aux États-Unis, où
il s’apprête à rafler la place de quatrième constructeur
à Chrysler.
PHOTO AP
En 1973, la Civic se
vendait 2150$. Les modèles bon marché et économes en
carburant de Honda ont fait un malheur lors du choc
pétrolier.
« Leur croissance méthodique et concentrée pendant ces
50 ans est vraiment admirable », observe l’analyste
automobile Jeff Schuster, du cabinet JD Power.
Le 11 j uin 1959, le groupe japonais, né 11 ans plus tôt
dans l’archipel, ouvre aux États-Unis sa première
filiale à l’étranger. Convaincu que le constructeur
court à la catastrophe, le gouvernement japonais lui
interdit d’investir plus de 250 000$ outre-Pacifique.
Honda doit se résoudre à acheter un vieux studio de
photographie à Los Angeles en guise d’entrepôt, à partir
duquel ses huit vendeurs font la tournée des magasins de
deux-roues avec des camionnettes remplies de motos «
made in Japan ».
Les engins nippons sont nettement plus petits que les
grosses cylindrées américaines, souvent pilotées par des
costauds en blouson de cuir. Honda prend le contrepied
de l’image du « biker » avec un slogan: « C’est en Honda
que l’on rencontre les personnes les plus agréables ».
En 1968, Honda avait écoulé un million d’exemplaires,
devenant au passage le numéro un de la moto aux
États-Unis.
Un an
plus tard, le japonais lance ses automobiles sur le
marché américain. Après un démarrage confidentiel, ses
modèles bon marché et économes en carburant font un
malheur à la faveur du choc pétrolier de 1973. Avec ses
chaînes de montage universelles qui permettent de
fabriquer plusieurs modèles, le constructeur parvient à
s’ajuster rapidement aux fluctuations de la demande.
Même recette
Aujourd’hui, la recette n’a pas changé et Honda a vu sa
part de marché augmenter l’an dernier à 10,8% contre 9,7
% en 2007, malgré un recul de 8% de ses ventes du fait
de la crise économique.
« Honda a r r ive vraiment à prospérer en période
difficile », observe son vice-président John Mendel,
directeur des ventes aux États-Unis. « Les consommateurs
se replient vers les valeurs sûres. Ils savent qu’avec
une Honda, ils n’auront probablement jamais de
problèmes, elle durera longtemps et sans perdre trop de
valeur à la revente ».
Honda est désormais en passe de prendre la quatrième
place du marché américain à Chrysler, tout comme Toyota
a chipé la deuxième place à Ford derrière le géant
General Motors. Le groupe emploie 28 000 salariés aux
États-Unis, où il dispose de 10 usines et de 14 centres
de recherche. Deux autres usines sont en construction.
Honda a été le premier constructeur asiatique à ouvrir
des lieux de production aux États-Unis, d’abord pour ses
motos en 1979 puis pour ses voitures trois ans plus
tard. En 1988, le groupe exportait sa première Accord de
fabrication américaine au Japon.
Un an plus tard, ce même modèle devenait la voiture la
plus vendue aux États-Unis, première automobile
étrangère à décrocher ce titre qu’elle détiendra pendant
trois ans.
La recette Ford pour traverser la crise
- Maxime Bergeron
INDUSTRIE AUTOMOBILE
De petites voitures « globales » distribuées partout sur
la planète. Une dette renégociée avant la crise. Un
portfolio de marques simplifié à l’extrême. La recette
appliquée par Ford lui a permis d’éviter la déroute de
ses concurrents américains, même si sa situation demeure
précaire. Ford est le seul des trois
grands de Detroit à ne pas s’être placé sous la
protection des tribunaux – et à avoir levé le nez sur
une injection de fonds publics. Un exploit, disent
certains, qui découle d’une série de décisions prises
depuis trois ans.
Le constructeur au logo ovale est le seul des trois
grands de Detroit à ne pas s’être placé sous la
protection des tribunaux – et à avoir levé le nez sur
une injection de fonds publics. Un exploit, disent
certains, qui découle d’une série de décisions prises
depuis trois ans.
« La grande chance de Ford, c’est qu’elle a réussi à
refinancer sa dette et repositionner complètement ses
finances avant la crise, explique Christian Navarre,
professeur de gestion stratégique à l’Université
d’Ottawa. Ainsi, quand la crise est arrivée,
l’entreprise ne s’est pas retrouvée sans capacités de
trésorerie. »
Le coup de génie, selon les experts, remonte à 2006, peu
après l’arrivée du nouveau PDG Alan Mulally. Sentant
venir la récession, l’ex-dirigeant de Boeing a
hypothéqué tous les actifs de Ford aux États-Unis en
échange de prêts de 23,6 milliards US. Un geste jugé
choquant à l’époque, qui a toutefois assuré des
liquidités suffisantes à l’entreprise pour fonctionner.
Le PDG a aussi simplifié au maximum la structure de Ford
depuis son arrivée. Entre mars 2007 et juin 2008 – avant
la crise –, il a réussi à vendre les bannières de luxe
Aston Martin, Jaguar et Land Rover, toutes jugées non
stratégiques. Une très bonne affaire, en rétrospective.
« Ils ont été capables de se délester de leurs activités
avant les autres », dit Louis Hébert, professeur
titulaire de gestion stratégique à HEC Montréal.
Ford se retrouve aujourd’hui avec une gamme de produits
très limitée, centrée autour des marques Ford, Lincoln,
Mercury et Volvo (que le groupe cherche à vendre).
Pour capitaliser au maximum sur cette simplicité, Ford
offrira de plus en plus de voitures « globales »,
distribuées partout dans le monde sans trop de
modifications. La petite Fiesta incarne en tous points
cette stratégie.
Cette sous-compacte – qui jouit d’un accueil très
favorable de la presse spécialisée – a été lancée l’an
dernier en Europe, cette année en Asie et arrivera à
l’été 2010 en Amérique du Nord. La Focus, un cran plus
grande, suivra la même trajectoire.
« On a
le sentiment que Ford a pris un virage produit qui va
s’avérer payant, surtout au fur et à mesure que la
réglementation de l’administration Obama sur les
émissions de CO va faire sentir ses effets », dit
Christian Navarre.
Ford a par ailleurs fermé une série d’usines et licencié
des milliers de travailleurs au cours des dernières
années, en plus de renégocier les conditions salariales
de ses syndiqués à la baisse. Le constructeur a ainsi
ramené ses coûts de production plus près de ceux des
constructeurs japonais.
Des écueils
Ford fait peut-être meilleure figure que GM et Chrysler,
mais le constructeur est lui aussi frappé de plein fouet
par un recul de ses ventes. L’entreprise a perdu 1,4
milliard US au premier trimestre de 2009, en plus de
voir ses ventes reculer de 43%.
Aussi, la restructuration de ses deux concurrents sous
la protection des tribunaux risque de la désavantager,
soulignent les experts. GM et Chrysler sortiront de la
faillite avec un bilan nettement allégé, et moins
d’obligations envers leurs retraités.
La lourdeur des fonds de retraite des dizaines de
milliers de travailleurs de Ford aux États-Unis pourrait
devenir problématique, dit Louis Gialloreto, professeur
de marketing à McGill. « Si le marché ne reprend pas
d’ici 12 à 18 mois, ils vont être vraiment mal pris avec
ces coûts-là. »
Dans un communiqué publié lundi, Ford a émis des
inquiétudes quant à la participation massive de
Washington dans le capital de GM. L’État détiendra 61%
du constructeur en échange d’une aide financière totale
de 50 milliards US, ce qui pourrait remettre en cause la
« dynamique de la concurrence », selon Ford.
Christian Navarre, de l’Université d’Ottawa, reconnaît
que Ford sera « légèrement handicapé » par rapport à ses
concurrents. Mais l’entreprise a selon lui un atout que
GM et Chrysler n’ont pas: de nouveaux véhicules éprouvés
et économiques qui débarqueront d’ici un an sur le
marché nord-américain.
« Le temps que les autres mettent leurs produits en
marché, Ford aura les siens », tranche-t-il.
Le titre de Ford est demeuré stable à 6,36$ hier à la
Bourse de New York. Il a grimpé de 177% depuis le début
de l’année.
GM : QUATRE ERREURS FATALES - Gaétan
Frigon
Le
roman-savon de General Motors se termine dans la honte
GM a longtemps renfloué ses pertes nord-américaines grâce à
ses activités européennes ou australiennes, ou encore grâce
à la
profitabilité de sa division financière GMAC.
Après avoir occupé différents postes de direction dans le
commerce de détail pendant près de 40 ans, notamment à la
SAQ, l’auteur est aujourd’hui copropriétaire de plusieurs
entreprises, dont Publipage Inc.
En 1952, année où le président de General Motors avait
déclaré: « Ce qui est bon pour General Motors est bon pour
l’Amérique », mon père achetait sa première voiture : une
rutilante Buick de l’année qui faisait l’envie de tout le
village de Saint-Prosper de Champlain, dont il était le
maire.
Cette Buick ainsi que la Pontiac station wagon 1957 qui
l’avait remplacée étaient de véritables chars d’assaut.
Elles ont honorablement résisté à la pire des épreuves, à
savoir les folies de trois adolescents (mes deux frères et
moi-même) qui ne s’étaient pas gênés pour leur faire subir
les pires sévices.
À cette époque, General Motors imposait sa philosophie. Les
grandes villes, les unes après les autres, abandonnaient les
transports en commun pour faire place à l’automobile,
emblème du rêve américain tel que décrété par GM. Cette
époque avait fait de moi un inconditionnel de General
Motors.
D’ailleurs, avec au-delà de 50% du marché, GM dictait les
règles du jeu et personne n’osait les contredire, même pas
les gouvernements. GM était proactive et ne laissait
personne lui dire quoi faire. C’est d’ailleurs, selon moi,
fondamentalement ce qui a été à l’origine de la lente
descente aux enfers de l’entreprise.
À partir du milieu des années 70, ma confiance en General
Motors s’est effritée au point d’en arriver à
l’inconcevable: l’achat d’une européenne. Pour moi, GM
représentait le passé. La seule question dans mon esprit
était de savoir si le géant passerait au travers ses
difficultés et pourrait s’adapter au XXIe siècle.
Aujourd’hui, le roman-savon se termine dans la honte. Le
Goliath d’hier n’est plus que l’ombre de lui-même. Je vais
laisser à d’autres le soin d’analyser les aspects financiers
négatifs de cette aventure et parler plutôt du manque de
vision stratégique qui a coulé GM, beaucoup plus que
l’argent.
Voici,
selon moi, les quatre éléments qui sont à l’origine de la
débâcle d’aujourd’hui:
1 > Dans les années 70, les Chevrolet, Pontiac,
Oldsmobile, Buick et même Cadillac ont perdu leur
personnalité propre quand, pour diminuer les coûts, GM a
décidé de toutes les fabriquer à partir du mêmemoule. Il
arriva ce qui devait arriver:
3 > Quand les Japonais ont décidé d’envahir le marché
avec des automobiles de luxe (Acura, Lexus et Infiniti), GM
n’a pas cru en leur réussite. C’était leur domaine de
prédilection et les Japonais allaient simplement se casser
la gueule. GM a alors perdu lentement ce qui lui restait du
marché profitable des automobiles de luxe. Quand ses patrons
se sont réveillés, la moyenne d’âge des propriétaires de
Cadillac dépassait les 65 ans.
4 > Dans les années 90, voyant que le goût des Américains
revenait aux grosses bagnoles, plutôt que de préparer son
avenir en développant des petites voitures économiques, GM
s’est lancés à fond de train dans des segments profitables
comme les véhicules utilitaires sport (VUS), avec des
moteurs qui consomment beaucoup d’essence. Ce fut un grand
succès temporaire, mais la graine d’un échec évident à moyen
et long terme.
GM a longtemps renfloué ses pertes nord-américaines grâce à
ses activités on a nivelé la qualité par le bas et les
différences majeures entre les marques, autres
qu’esthétiques, ont disparu, une Buick étant simplement une
Chevrolet glorifiée.
2 > Quand les premières petites autos japonaises sont
arrivées sur le marché, GM a refusé d’emboîter le pas pour
ne pas nuire à sa profitabilité. Sa conclusion était qu’il
s’agissait là d’une mode passagère. Et quand ils ont décidé
par obligation d’entrer dans ce segment de marché en plein
développement, ce fut notamment avec des citrons qui ont
donné naissance au phénomène Ralph Nader. européennes ou
australiennes, ou encore grâce à la profitabilité de sa
division financière GMAC. Mais quand le château de cartes
s’est écroulé partout dans le monde, il était devenu
impossible de camoufler plus longtemps l’inévitable.
Il y a environ cinq ans, Ford était dans une situation
semblable à celle de GM. Mais ce constructeur a pris les
grands moyens et, aujourd’hui, Ford est le seul des trois
grands à ne pas demander l’aide de l’État et à ne pas
recourir à la protection des tribunaux. Il y a certes là une
leçon à retenir.
GM : NOUVEAU DÉPART - Maxime Bergeron
En dépit de
l’injection massive de fonds publics, le président américain
Barack Obama s’est défendu de vouloir intervenir dans les
affaires de GM après la restructuration judiciaire.
La bombe était attendue depuis des semaines. Maintenant que
les documents de faillite sont déposés, GM espère se
restructurer rapidement et prendre un virage vert en
introduisant 14 modèles hybrides d’ici trois ans.
« Nous le ferons une seule fois et nous le ferons comme il
faut », a déclaré Fritz Henderson, PDG de General Motors,
peu après le dépôt de bilan de l’entreprise devant un
tribunal new-yorkais, hier matin.
La faillite de GM est la quatrième en importance de
l’histoire des États-Unis et représente un aveu de défaite
pour ce symbole de la puissance industrielle américaine. Au
terme de sa restructuration judiciaire, le constructeur sera
délesté d’une bonne partie de sa dette, de cinq bannières,
de 14 usines et de 21 000 employés.
Aucune des filiales de GM ne s’est protégée de ses
créanciers à l’extérieur des États-Unis. La filiale
canadienne est épargnée et conservera toutes ses usines. Le
départ de 3000 travailleurs licenciés au cours des derniers
mois au Canada a toutefois été officialisé hier.
Selon des documents déposés en cour, la dette totale de GM
atteint 172,8 milliards US, et ses actifs, 82,3 milliards
US. L’entreprise a plus de 100 000 créanciers.
Washington
actionnaire
Le gouvernement américain – et dans une moindre mesure ceux
du Canada et de l’Ontario – sera de loin le principal
actionnaire du « nouveau GM », composé seulement des actifs
les plus sains du groupe.
En échange d’une aide financière totale de 50 milliards US,
Washington recevra 61% des actions de l’entreprise. Ottawa
et Queen’s Park détiendront 12% des titres en circulation,
en contrepartie d’un financement de 10,5 milliards CAN.
En dépit de cette injection massive de fonds publics, le
président américain Barack Obama s’est défendu de vouloir
intervenir dans les affaires de GM après la restructuration
judiciaire. « Nous nous comportons en actionnaires
récalcitrants parce que c’est la seule façon d’aider GM,
a-t-il déclaré pendant une conférence de presse télévisée.
Ce que ne nous ne ferons pas, ce qui ne nous intéresse pas,
c’est de gérer GM. »
Les impacts d’une liquidation de GM auraient été «
dévastateurs » pour l’économie du pays tout entier, d’où la
nécessiter d’allonger les milliards, a dit Barack Obama.
Les
gouvernements comptent se départir peu à peu de leurs
actions, au fur et à mesure que GM verra sa valeur
boursière augmenter. La nouvelle entité pourrait mettre
entre 6 et 18 mois avant d’effectuer son premier appel
public à l’épargne, selon une source officielle citée par
Bloomberg.
General Motors espère sortir de la protection des
tribunaux d’ici de 60 à 90 jours. Les accords intervenus
avec ses principaux syndicats en Amérique du Nord, de même
qu’avec la majorité des créanciers obligataires non
garantis, devraient permettre de mener les démarches assez
rondement, estiment les dirigeants du groupe.
Au sortir du processus, le « nouveau GM » sera capable
d’être rentable aux États-Unis avec un volume de vente de
10 millions de véhicules pour l’ensemble de l’industrie, a
affirmé l’entreprise. Cela se compare aux niveaux de 15 à
17 millions enregistrés entre 1995 et 2007, avant la crise
économique.
GM misera aussi à fond sur les technologies écologiques,
avec le lancement prévu de la Chevrolet Volt l’an
prochain, véhicule hybride révolutionnaire dont la
viabilité économique n’apparait pas encore assurée. Le
constructeur veut par ailleurs que 65% de ses véhicules
soient compatibles avec l’éthanol et d’autres
biocarburants d’ici 2014.
« Toutes les choses qui peuvent être mises de l’avant pour
que GM progresse sont là ; si l’entreprise ne progresse
pas, c’est carrément qu’elle a unemauvaise stratégie ou
que l’exécution est inférieure à ce qu’elle devrait être
», a fait valoir à La Presse Affaires Louis Gialloreto,
expert de l’industrie automobile de l’Université McGill.
Joseph D’Cruz, professeur de gestion stratégique à
l’Université de Toronto, souligne lui aussi le besoin
urgent de changer les façons de faire. Il faut non
seulement concevoir de nouveaux véhicules de qualité, mais
surtout gérer l’entreprise de façon plus efficace, dit-il.
L’administration Obama a fait un premier pas dans cette
direction en chassant l’ancien PDG Rick Wagoner au profit
de Fritz Henderson il y a deux mois.
« Je suis
assez optimiste: GM a un grand bassin de talents en
ingénierie, a souligné M. D’Cruz. Ce qui ne marche pas
chez GM, ce sont les processus de prise de décision qui
devraient mener à une bonne utilisation de ces talents. »
GM poursuivra normalement ses activités pendant la
restructuration judiciaire et continuera d’honorer toutes
les garanties en vigueur, a indiqué l’entreprise hier. Les
gouvernements du Canada et des États-Unis se sont engagés
à respecter les garanties de GM et Chrysler (aussi en
dépôt de bilan) dans le cas où les constructeurs seraient
incapables de fournir le service.
Au sortir de sa refonte, GM offrira seulement quatre
bannières en Amérique du Nord: Chevrolet, Cadillac, Buick
et GMC. Le réseau de concessionnaires sera réduit de 42%
d’ici octobre 2010, ce qui se traduira par environ 10 000
pertes d’emplois au Canada.
Le grand patron de GM, Fritz Henderson, a tenu à saluer
les importants sacrifices consentis par les travailleurs,
créanciers, fournisseurs et plusieurs autres parties
pénalisées par la déconfiture de l’entreprise.
La faillite de GM, estimée à 91 milliards US, est la
quatrième plus importante de l’histoire des ÉtatsUnis,
après celles des banques Lehman Brothers (691 milliards
US) et Washington Mutual (328 milliards US) l’an dernier
et de l’entreprise de télécoms WorldCom en 2002 (104
milliards US).
GM, fondé à Detroit en 1908, emploie aujourd’hui 234 500
personnes dans le monde et vend ses véhicules dans 140
pays. L’entreprise a perdu plus de 82 milliards US depuis
cinq ans.
GM : LA CHUTE D’UN GÉANT - MAXIME
BERGERON
L’État
américain contrôlera 60% du capital de GM
« On vient d’acheter quelques années de survie à General
Motors, mais dans le long terme, ça reste risqué », fait
valoir le professeur de gestion stratégique à HEC Montréal
Louis Hébert.
C’est la fin d’une époque. Les États-Unis ont annoncé hier
que le constructeur automobile General Motors allait déposer
son bilan, pour s’engagerdansunprocessusde redressement
judiciaire qui devrait durer de 60à90 jours et implique la
fermeture de 11 de ses usines et la mise au chômage
technique de trois autres.
Une nouvelle société sera créée pour reprendre les actifs
les plus rentables du groupe, dont les engagements
financiers seront réduits de plus de moitié, a expliqué un
haut responsable de l’administration de Barack Obama à
l’Agence France-Presse.
L’État fédéral américain lui apportera 30,1 milliards US et
contrôlera 60% de son capital. L’État canadien et la
province de l’Ontario verseront 9,5 milliards US et
obtiendront 12% des actions.
Le fonds de retraite des salariés de General Motors prendra
17,5%.
Enfin 10% reviendront aux anciens créanciers détenteurs
d’obligations non garanties ayant souscrit au plan de
restructuration.
GM Canada
Les dirigeants de GM Canada, entité indépendante de la
maison mère américaine, étaient toujours en pourparlers hier
soir pour déterminer s’ils recourront à la protection des
tribunaux pour se restructurer. « C’est encore en train de
se décider, on va travailler ça jusqu’à la dernière minute
ce soir », a indiqué à La Presse Sandra Perron, porteparole
de l’entreprise.
Des dizaines de milliers de travailleurs et retraités en
Ontario et au Québec attendent avec appréhension l’annonce
du président de GM Canada, Arturo Elias, cet après-midi.
Aux États-Unis , le grand patron de GM, Fritz Henderson, de
même que le président Barack Obama tiendront des conférences
de presse en fin d’avant-midi pour exposer leur vision de
l’entreprise « post-restructuration ».
Dans une « fiche technique » publiée par l’administration
Obama, GM a confirmé que, conformément à son plan de
redressement présenté en février, il allait fermer 11 sites
et en mettre trois au chômage technique. 42% de ses
concessionnaires au Canada et aux États-Unis.
Les détenteurs d’obligations, qui avaient rejeté la semaine
dernière une première proposition, recevront 10% des
actions.
Les actionnaires actuels de l’exnuméro un mondial de
l’automobile perdront l’intégralité de leur mise.
Louis Hébert, professeur de gestion stratégique à HEC
Montréal, s’attendait depuis deux ans à un dépôt de bilan de
GM. La restructuration judiciaire est selon lui nécessaire
pour assurer « à court terme » la survie de l’entreprise,
qui a accumulé des pertes titanesques de 82 milliards de
dollars américains depuis cinq ans.
« On vient
d’acheter quelques années de survie à General GM se mettra à l’abri de ses créanciers
en vertu de la loi américaine sur les faillites, le
fameux Chapter 11.
Selon des sources gouvernementales, un « nouveau GM »
pourrait émerger de la faillite au plus tard à la Fête du
travail, soit le 7 septembre prochain.
L’entreprise fondée il y a 101 ans aura un tout autre visage
une fois la restructuration terminée. General Motors
prévoyait licencier plus de 20 000 employés au cours des
prochains mois, en plus de se départir de quatre bannières
(Saturn, Saab, Hummer et Opel) et de supprimer la marque
Pontiac. GM fermera aussi Motors, mais dans le long terme,
ça reste risqué », a fait valoir M. Hébert pendant un
entretien téléphonique.
Échéance pour Chrysler
La semaine sera aussi mouvementée pour le constructeur
américain Chrysler, qui s’est placé sous la protection des
tribunaux en avril dernier aux États-Unis. Le juge Arthur
Gonzales, du tribunal newyorkais des faillites, doit se
prononcer aujourd’hui ou demain sur la création d’un «
Chrysler nouveau » composé seulement des actifs les plus
sains du constructeur.
La nouvelle société serait détenue à 20% par le constructeur
italien Fiat, à 55% par un fonds géré par les syndicats et à
10% par les gouvernements américain et canadien. Fiat
pourrait hausser sa participation jusqu’à 35%.
La division canadienne de Chrysler ne s’est pas placée sous
la protection des tribunaux, malgré son dépôt de bilan au
sud de la frontière. Ce qui, selon des experts, est de bon
augure pour GM Canada.
« Je crois que GM a pris grand soin de mettre en place un
processus lui permettant de continuer à aller de l’avant et
de continuer à payer ses fournisseurs », a dit à La Presse
Canadienne leprésident de la firme AutomotiveCompass, Bill
Pochiluk.
Aux États-Unis, le gouvernement plani f ie de nommer Albert
A. Koch, un partenaire principal de la firme AlixPartners,
comme chef de la restructuration judiciaire de GM,
rapportait hier le site internet du New York Times. Les
associés de cette firme travaillent depuis des semaines à
l’ébauche d’un plan de redressement de l’entreprise,
indique-t-on.
Le président Barack Obama tentera de se faire rassurant ce
matin dans son discours au peuple américain, soulignant
l’importance de l’industrie automobile pour le pays et le
besoin d’un nouveau départ pour GM, rapportent d’autres
sources.
Le discours aura lieu à 11h55, suivi quelques minutes plus
tard par la conférence de presse du PDG de General Motors.
FAITS SAILLANTS
Voici les principaux points du plan gouvernemental de
restructuration du constructeur automobile américain General
Motors, rendu public hier soir à Washington:
« DES SACRIFICES PARTAGÉS »
> GM devra être rentable avec un marché américain de 10
millions d’unités vendues chaque année, alors que son point
d’équilibre était de plus de 16 millions d’immatriculations.
> Le syndicat de l’automobile UAW a fait des « concessions
importantes » sur les salaires et la couverture médicale de ses
retraités. > Les créanciers obligataires ont accepté
d’échanger leurs 27,1 milliards US de dette contre 10% de la
nouvelle société, auxquels s’ajoutent des bons permettant
d’acheter 15% supplémentaire du capital. > GM va fermer 11
usines et en mettre 3 autres au chômage technique.
LA CRÉATION DU « NOUVEAUGM »
> Le Trésor apportera 30,1 milliards US pour aider GM
pendant sa restructuration. Il n’envisage pas que cette aide
puisse être augmentée. En échange, le Trésor recevra 60% du
capital de la nouvelle société. > Le Canada et la province de
l’Ontario (où GM possède de nombreuses usines) avanceront 9,5
milliards US. Ils recevront 12% du capital. > Le « nouveau GM
» va mettre en place un fonds chargé de financer la couverture
santé des retraités du groupe. Ce fonds détiendra 17,5% du
capital et recevra des bons lui permettant d’acquérir 2,5%
supplémentaires. > Le nouveau GMaura « bien moins de dette et
un bilan de classe mondiale » qui va lui permettre de réinvestir
dans ses activités. > Le nouveau GM va assembler une nouvelle
petite voiture dans une usine désaffectée pour porter de 66% à
plus de 70% la part de ses voitures vendues aux États-Unis qui
sont fabriquées dans ce pays.
LA GESTION DES PARTICIPATIONS DE L’ÉTAT
> Le
gouvernement « ne souhaite pas détenir des participations au
capital de sociétés plus qu’il est nécessaire et cherchera à
céder ses intérêts aussitôt que cela sera possible ». > Le
gouvernement n’interviendra pas dans la gestion au jour le
jour de ces entreprises.
Les retraités québécois retiennent leur
souffle
Les
retraités de GM au Québec retenaient leur souffle hier en
attendant de voir si la filiale canadienne du constructeur
se placera elle aussi sous la protection des tribunaux.
« Tout le monde est inquiet », a confié à La Presse
Jean-Pierre Labrosse, premier vice-président de
l’Association des retraités de GM au Québec, qui regroupe
230 anc iens cadres.
La valeur de la caisse de retraite des anciens cadres
québécois a chuté d’environ 50% en raison de la crise
économique, et une restructuration judiciaire de GM Canada
– indépendante de la maison mère américaine – viendrait «
cristalliser » ces pertes, craint M. Labrosse.
La seule
usine de GM au Québec, qui se t rouvait à Boisbriand,
comptait environ 1200 employés quand le constructeur a
cessé d’y produire la Chevrolet Camaro, en 2002.
Les ex-syndiqués n’ont pas encore vu leurs rentes de
retraite amputées, mais elles sont gelées jusqu’en 2015, a
indiqué Eddy Roussy, président du Club des retraités de
l’usine de Boisbriand. De nombreux avantages liés aux
assurances santé ont aussi été abolis, de même qu’un
rabais automatique sur les véhicules GM.
Les retraités, qui se réuniront aujourd’hui à 13h30,
croisent les doigts dans l’attente du verdict sur le sort
de GM Canada. « On devrait avoir des réponses », a lancé
M. Roussy hier soir.
Les retraités de Boisbriandmilitent pour que le
gouvernement québécois crée un fonds qui viendrait combler
leurs pertes si leurs rentes devaient être réduites.
QUEL AVENIR POUR GM? - MAXIME BERGERON
Les prochaines
heures seront cruciales pour GM. Le constructeur doit
s’entendre avec ses créanciers et présenter d’ici demain soir
un nouveau plan de relance à Washington. La restructuration
sous la loi des faillites est quasi assurée. Mais que fera le
gé
ébut des années 2000. Arnold Schwarzenegger, Jon Bon Jovi et
une flopée de vedettes se baladent fièrement au volant de leur
Hummer dans les rues d’Hollywood. Le rutilant camion de GM
atteint des sommets de popularité, comme plusieurs autres
véhicules lourds du constructeur.
Neuf ans plus tard, tout a changé. L’intérêt pour les grosses
cylindrées s’est effondré avec la hausse des cours du pétrole
et la dégradation de l’économie. General Motors est à deux
doigts de la faillite. Exsangue. Le géant déchu a effectué une
série de compressions draconiennes dans ses usines et son
personnel, mais il devra faire beaucoup plus pour refaire sa
place – et survivre – dans le paysage automobile du XXIe
siècle, disent les experts.
« GM doit absolument arriver avec de nouveaux modèles
best-sellers d’ici un an ou deux », lance Anil Verma,
professeur à la Rotman School of Management de l’Université de
Toronto.
La clé de la relance se résume en trois mots, selon les
spécialistes consultés par La Presse Affaires. Fiabilité.
Durabilité. Design. Des attributs qui expliquent selon eux la
montée en flèche des voitures japonaises depuis trois
décennies… et la descente aux enfers de General Motors.
« GM a prouvé aux baby-boomers, et à leurs enfants de la
génération X, que c’était difficile de faire des voitures qui
combinaient à la fois un beau design, de la qualité et de la
durabilité, dit Louis Gialloreto, professeur de marketing à
l’Université McGill. Ils ont vraiment perdu les deux plus
grandes générations qu’on a eues dans les 100 dernières
années! »
Le constructeur de Detroit s’est éparpillé au fil des
décennies en multipliant les marques – huit en Amérique à
l’heure actuelle – et les modèles, fait valoir M. Gialloreto.
Chaque gamme a ses forces et ses faiblesses, mais aucune n’a
réussi à cristalliser toutes les qualités qui font une bonne
voiture, selon lui.
À l’opposé, le
géant japonais Toyota s’est taillé une place de choix en
Amérique avec trois marques bien circonscrites: Toyota, Lexus
et Scion. Toutes reconnues pour leurs hautes normes de
qualité. « Ils ont une gamme de produits beaucoup moins
complexe à produire, à renouveler et à vendre, mais les parts
de marchés qu’ils sont capables de générer avec ces trois
marqueslà sont énormes », souligne le professeur.
Toyota a d’ailleurs dépassé GM comme premier constructeur
mondial l’an dernier. Une gifle symbolique, qui est venue
s’ajouter aux maux financiers du géant de Detroit, bien réels
ceux-là.
Se remettre sur pied
GM n’est pas le seul constructeur automobile à souffrir du
recul des ventes de véhicules neufs. Chrysler s’est placée
sous la protection de la loi des faillites le mois dernier, et
tous les constructeurs voient leurs revenus affectés par la
crise économique mondiale.
General Motors est toutefois dans un bien pire état que la
plupart de ses concurrents. L’entreprise a perdu 82 milliards
de dollars depuis 2004. Ses ventes mondiales ont chuté de 11%
l’an dernier, et de 21% pendant le premier trimestre de 2009.
Son manque de liquidités est tellement criant qu’elle a dû
recevoir plus de 19 milliards d’aide du gouvernement américain
– et d’autres milliards du Canada – au cours des derniers mois
pour poursuivre ses activités.
Le constructeur doit présenter d’ici demain soir un nouveau
plan de relance solide à Washington, sans quoi l’État cessera
de lui prêter des fonds.
« GM doit
absolument arriver avec de nouveaux modèles best-sellers
d’ici un an ou deux. »
La mise en faillite apparaît quasi assurée pour GM, qui
devra vraisemblablement se restructurer sous la protection
des tribunaux.
Parmi toutes les mesures de redressement annoncées à ce jour
(fermeture d’usines et de concessionnaires, licenciements
massifs, baisses de salaires), la simplification du
portfolio de marques constitue l’une des plus prometteuses,
selon les experts.
En plus d’abandonner sa mythique bannière Pontiac, GM vendra
ses filiales Saturn, Saab, Hummer et l’européenne Opel.
L’entreprise centenaire se retrouvera avec seulement quatre
marques en Amérique du Nord : Chevrolet, Buick, Cadillac et
GMC. Une bénédiction, d’après le professeur Louis
Gialloreto, qui entrevoit même la disparition possible de
GMC.
« Ils vont être capables de faire plus d’innovations sur
moins de gammes, dit-il. Par conséquent, ils seront capables
d’avoir plus de succès en ce qui concerne le dessin, la
qualité et la durabilité, tout ça dans la même auto, au lieu
d’avoir la qualité dans une, la durabilité dans l’autre et
le design dans l’autre. »
Les dirigeants de GM doivent absolument « changer la culture
de l’entreprise » et offrir aux consommateurs ce qu’ils
veulent, souligne pour sa part Anil Verma, de l’Université
de Toronto. Exit les gros véhicules clinquants et polluants,
bienvenue aux voitures compactes et économiques.
« Autrement, GMne va pas seulement perdre des parts de
marché, mais il y a de fortes chances que le constructeur se
retrouve encore au même point dans cinq ans », dit le
spécialiste de l’Université de Toronto.
L’entreprise
a fait un pas dans cette direction hier en annonçant la
construction d’une future petite voiture aux États-Unis. La
production initiale du modèle (qui n’a pas été identifié)
atteindra 160 000 unités et se fera dans une usine de GM
présentement désaffectée.
Une telle production n’aurait pu être envisagée sans les
importantes concessions salariales faites par les syndiqués
américains de GM, a affirmé Fritz Henderson, le nouveau PDG
du groupe, dans un communiqué. « Cela nécessite un effort de
la part de tous pour produire une petite voiture domestique
de façon concurrentielle et profitable, mais c’est ce que
nous ferons tous ensemble. »
Chevrolet doit lancer l’an prochain la Cruze, une compacte
qui suscite déjà un fort engouement dans la presse
spécialisée. La Spark représentera pour sa part une première
incursion dans le secteur des minis, avec ses petits moteurs
de 1,0 et 1,2 litre.
Toutefois, selon plusieurs observateurs, c’est la Chevrolet
Volt qui pourrait représenter le salut de GM. Cette jolie
berline hybride promet de parcourir 64 kilomètres avec son
moteur électrique sans consommer une seule goutte de
carburant, après quoi un système à essence entrera en
fonction.
La mise en marché de la Volt est prévue en 2010, bien que
certains détails techniques restent à régler. Et la
viabilité économique du projet n’est pas assurée, ce qui
soulève des inquiétudes, indique le professeur Anil Verma.
Les prochains mois seront cruciaux à tous les égards pour
GM. Tant pour ses avocats que pour ses ingénieurs, qui
devront mettre les bouchées doubles pour vite finaliser les
nouveaux modèles.
UN WEEK-END CRUCIAL POUR LE CONSTRUCTEUR
Tout pointe
maintenant vers un dépôt de bilan de General Motors d’ici 48
heures aux États-Unis. La
Chevrolet Volt 2009.
Le gouvernement américain assemblait méthodiquement hier les
dernières pièces du puzzle d’une mise en faillite du
constructeur américain, voulant régler un maximum de dossiers
avant que le juge ne se saisisse de l’affaire.
Selon plusieurs sources, la mise en faillite devrait se
produire lundi, après l’échéance de demain soir imposée à GM
pour le dépôt d’un nouveau plan de redressement à Washington.
L’administration du président Barack Obama a déjà expliqué
qu’elle voulait que les actifs sains du constructeur
automobile soient repris par un « nouveau GM » aussitôt que
possible après un dépôt de bilan. Le Trésor contrôlerait dans
un premier temps 72,5% du capital du groupe restructuré.
Pour éviter que l’entreprise languisse des années sous
contrôle judiciaire, le gouvernement souhaite présenter au
juge un plan de restructuration tout ficelé, avec l’accord des
principales parties prenantes.
La nouvelle offre de restructuration de la dette obligataire
non garantie présentée jeudi reflète cette ambition. Les
créanciers se sont vu offrir 25% du capital du « nouveau GM »,
au lieu de 10% refusés plus tôt cette semaine, à la condition
expresse de soutenir devant le tribunal le plan
gouvernemental.
Un premier
groupe de créanciers, représentant environ 20% de la dette
concernée, a déjà donné son accord. Selon le New York Times,
le Trésor est en discussions avec un nouveau groupe, pesant
30% de la dette. En revanche, plusieurs associations de petits
porteurs campaient toujours sur leur refus initial.
Les obligataires ont jusqu’à aujourd’hui 17h pour se
prononcer.
GM a par ailleurs obtenu en milieu de journée le feu vert des
adhérents du syndicat de l’automobile UAW à l’accord signé
entre leurs représentants et la direction de GM. Cette
ratification à 74% va permettre au constructeur d’annoncer de
nouvelles mesures d’austérité, incluant la disparition de
milliers d’emplois et la fermeture d’usines en Amérique du
Nord. Et le Canada? La mise en faillite probable de GM aux
États-Unis ne se traduira pas automatiquement par une
restructuration judiciaire au Canada, a indiqué à La Presse
Affaires la porte-parole du groupe, Sandra Perron. La filiale
canadienne demeure « distincte » de la société mère, a-t-elle
dit.
GM Canada doit elle aussi présenter d’ici demain soir un
nouveau plan de redressement aux gouvernements du Canada et de
l’Ontario, en vue d’obtenir une nouvelle aide financière.
Toutes les avenues demeurent possibles. « Il reste encore
certaines choses à concrétiser, a dit Mme Perron. Le travail
va se poursuivre toute la fin de semaine et les décisions vont
se prendre à la dernière minute », a-t-elle dit.
Le titre deGMa clôturé à 75 cents hier, en baisse de 37 cents.
42% du réseau de concessionnaires disparaîtra au Canada
et aux États-Unis
CONCESSIONNAIRES
Entre désolation et acquisitions
« Vente de fermeture ». Le slogan placardé dans le
pare-brise des véhicules de SteThérèse Chevrolet ne laisse place
à aucune ambiguïté: les choses vont mal chez GM. Très mal.
Le constructeur en déroute a annoncé il y a 10 jours qu’il ne
renouvellera pas les contrats de franchise de 42% de ses
concessionnaires au Canada, environ 300 au total. La succursale
de Sainte-Thérèse, au nord de Montréal, n’a pas attendu cet
ultimatum avant de fermer. Le directeur Marcel Béliveau a
annoncé la triste nouvelle à ses employés à la mi-mai et tente
ces jours-ci d’écouler ses derniers modèles.
Partout au pays, l’humeur des franchisés de GM oscille entre
colère, stupéfaction et résignation. Une importante
réorganisation du réseau s’est aussi mise en branle depuis 10
jours, qui se traduira par de multiples transactions entre les
concessionnaires.
« Tout le monde est dans cette game-là d’acheter et de vendre en
ce moment, dit Jean-Claude Gravel, qui possède quatre
concessions GM à Montréal. Le réseau va se refaire au complet.
Je dirais que le 1er septembre, ça va être une nouvelle
géographie. »
Les marchands se sont tous vu offrir une compensation de GM pour
fermer leurs commerces d’ici octobre 2010. Certains, comme le
copropriétaire de Laurier Pontiac Buick GMC de Québec, Alexandre
Saillant, jugent les sommes offertes « absolument »
insuffisantes.
D’autres ont carrément refusé les offres de GM et tenteront de
maintenir leur commerce ouvert coûte que coûte. Ils n’auront
malheureusement pas beaucoup de recours, dit Michael Hatch,
économiste en chef de la Corporation des associations de
détaillants d’automobiles du Canada.
« Je ne vois pas
quels recours les concessionnaires pourraient avoir, indique M.
Hatch. Pour qu’un contrat soit valide, il doit être signé par
deux parties. Si une des deux parties refuse, il n’y a pas de
contrat. »
Les commerçants récalcitrants sont toutefois minoritaires,
souligne la porteparole de GM, Sandra Perron. Un « très haut
nombre » de concessionnaires a accepté les offres de
dédommagement, particulièrement au Québec, a-t-elle dit à La
Presse Affaires.
Des dizaines de succursales fermeront ainsi leurs portes dans la
province, jusqu’à 70 sur 148 selon certaines informations que
l’entreprise refuse de confirmer.
Aussi, malgré l’importante réorganisation à venir, la crise chez
GM ne signifiera pas la disparition pure et simple de 300
concessionnaires au Canada. Plusieurs tenteront d’attirer de
nouvelles bannières concurrentes dans leurs installations,
notamment des constructeurs japonais.
« Dans certains cas, le gars perd Pontiac mais dans sa ville, il
n’y a pas de Mazda, souligne Jean-Claude Gravel, propriétaire de
quatre succursales GM. Peut-être que Mazda va rentrer dans la
bâtisse. Il ne ferme pas nécessairement. »
Autre lueur d’espoir pour les marchands de voitures: le nombre
de véhicules vendus au Canada est resté stable en avril, révèle
une étude publiée hier par la Banque Scotia. Il s’en est écoulé
1,42 million en nombre annualisé, « bien au-dessus » du volume
de 1,34 million enregistré au premier trimestre, souligne le
document.
GENERAL MOTORS -
Le spectre de la faillite se rapproche
Lespectredelafaillitequirôdedepuis des mois autour de
General Motors est sur le point de se matérialiser.
Le constructeur automobile a été incapable de s’entendre avec
ses obligataires, qui ont refusé d’échanger 27 milliards US de
dette contre 10% des actions de GM. Cet échec, annoncé hier,
devrait forcer l’entreprise à se placer sous la protection des
tribunaux au cours des prochains jours, estiment les experts.
La réduction de la dette est cruciale à la relance de GM.
Washington a déjà injecté plus de 19 milliards US dans le
constructeur et exigeait un accord avec les obligataires avant
d’allonger d’autres fonds publics. Sans entente, le robinet sera
fermé dès lundi prochain, ce qui accule l’entreprise au mur.
Le dépôt de
bilan de la société mère risque aussi de se traduire par une
mise en faillite de la filiale canadienne de GM, même si sa
santé est moins précaire. « Comme les obligataires détiennent
des obligations dans les deux pays, c’est plus probable qu’ils
doivent passer par une faillite au Canada », explique Louis
Gialloreto, professeur de marketing à McGill.
Une restructuration au Canada se ferait sous le chapeau de la
Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies,
semblable au « chapitre 11 » américain, souligne Marc Chabot,
professeur titulaire de sciences comptables à l’UQAM et expert
des faillites.
À contrecoeur
C’est à contrecoeur que GM cherchera la protection des
tribunaux, après des mois de cure minceur extrême. Le groupe a
déjà fermé des usines, licencié des milliers de travailleurs,
supprimé la bannière Pontiac et annoncé la fermeture de plus de
40% de ses concessionnaires au Canada et aux États-Unis. Des
accords de réduction des salaires ont aussi été ratifiés des
deux côtés de la f rontière, promettant des milliards
d’économies annuelles.
Malgré tous
ces efforts, la dette demeure étouffante. GM espérait être
capable de l’abaisser de 44 milliards US d’ici lundi
prochain, mais le refus de ses obligataires d’accepter un
échange contre des actions rend ce scénario impensable.
Les détenteurs d’obligations « ont le gros bout du bâton »,
puisqu’ils sont souvent considérés comme créanciers garantis
quand une entreprise se place sous la protection de la loi
des faillites, dit le professeur Marc Chabot. Ils espèrent
obtenir plus d’argent en cour que ce que GM leur a offert
dans sa dernière proposition.
Selon l’expert, la restructuration judiciaire est « une
bonne chose », malgré la connotation négative qui y est
souvent associée. « L’objectif visé avec ces lois, c’est de
favoriser la conclusion d’un accord quand les parties
restent assises sur leurs positions et que les compromis ne
se font pas. »
Le conseil d’administration de GM doit se réunir cette
semaine pour convenir de la suite des choses. Le temps
presse : le groupe a jusqu’à dimanche soir pour présenter un
plan de redressement à l’administration américaine... ou
déposer son bilan. Tant le président Barack Obama que les
dirigeants de GM ont déjà évoqué le spectre d’une faillite
au cours des dernières semaines.
Les investisseurs attendent le verdict avec anxiété. Le
titre de GM a fortement chuté hier à la Bourse de New York,
pour clôturer à 1,15$US, en baisse de 20%.
L’exemple
de Chrysler?
Si la restructuration judiciaire est probable au Canada,
elle pourrait aussi être évitée grâce à la meilleure tenue
de l’économie canadienne. Chrysler, qui s’est protégée de
ses créanciers aux États-Unis le mois dernier, poursuit pour
l’instant ses activités normales ici.
Michael Hatch, économiste en chef de la Corporation des
associations de détaillants d’automobi les du Canada, estime
qu’un scénario à la Chrysler est « possible ». Il admet
toutefois que les concessionnaires sont réalistes et
s’attendent à faire d’importantes concessions. GM souhaite
fermer 42% de son réseau au pays, soit environ 300
succursales.
Comme aux États-Unis, GM a jusqu’à dimanche soir pour
présenter un plan de redressement aux gouvernements du
Canada et de l’Ontario, en vue d’obtenir davantage d’aide
financière.
L’entreprise a fait savoir par communiqué qu’un nombre
d’obligataires « significativement » moins élevé que
nécessaire avait accepté les offres d’échange de dette. La
société devait recevoir l’appui de 90% d’entre eux pour voir
son plan accepté par Washington.
Sandra Perron, porte-parole de GM au Québec, n’a pas rappelé
La Presse Affaires hier.
Seconde chance pour les créanciers de GM
Le Trésor
américain a donné hier une seconde chance aux créanciers de
General Motors (GM), qui avaient refusé la veille son plan de
restructuration de la dette du constructeur, enmaniant la
carotte (une offre améliorée) et le bâton (la menace de perdre
leur mise).
Les détenteurs de dette obligataire non garantie, à qui on
proposait 10% des actions de GM en échange de leurs titres, se
sont vu offrir en plus des warrants leur permettant d’acheter
15% supplémentaires du capital.
La première mouture de la restructuration des 27,2 milliardsUS
de dette non garantie de GM avait échoué la veille, en raison
du manque d’intérêt des investisseurs qui se trouvaient plus
mal traités que d’autres parties prenantes au dossier, en
particulier les syndicats.
Pendant ce temps, la menace de faillite continue à planer sur
le constructeur d’autos fondé il y a 77 ans. Selon Bloomberg,
GM aurait l’intention de demander, le 1er juin prochain, la
protection judiciaire contre la faillite.
Cela dit, la nouvelle offre aux créanciers a reçu un accueil
positif. Le comité officieux des porteurs de titres
obligataires non garantis, qui rassemble environ 20% de la
valeur de cette dette, s’y est dit favorable. La nouvelle
proposition « ouvre la possibilité aux créanciers de récupérer
une plus grande partie de leur mise que ce qui était offert
précédemment », a-t-il noté.
En revanche, une association de petits porteurs – ils sont
plus de 100 000 à détenir des titres GM – est restée campée
sur son refus initial, en notant que les créanciers
recevraient une indemnisation cinq fois inférieure à celle des
syndicats.
Une nouvelle date butoir a été fixée aux créanciers pour se
prononcer: ils devront avoir montré leur soutien au nouveau
plan, en quantités « suffisantes », avant demain 17h. Un
responsable gouvernemental a précisé qu’aucun seuil minimal
d’acceptation n’avait été fixé par l’État.
En cas de nouvel échec, les créanciers risquent de perdre
l’essentiel de leur mise : le Trésor a averti que, dans cette
situation, les nouveaux titres qui leur sont destinés seront «
réduits substantiellement ou éliminés ».
Dépôt de bilan
La nouvelle
offre s’inscrit clairement dans le cadre d’un dépôt de bilan
du constructeur, qui paraît donc désormais acté par toutes les
parties.
Une fois le bilan déposé, les créanciers devront en effet
s’engager à soutenir le plan gouvernemental, qui prévoit la
vente rapide des actifs sains du groupe à un « nouveau GM »,
qui sortirait rapidement du processus de faillite.
En revanche, les actifs délaissés resteraient logés dans un «
ancien GM », dont la liquidation sous contrôle judiciaire
pourrait prendre des années.
Après sa restructuration, le « nouveau » GM sera détenu à
72,5% par le Trésor américain, à 17% par le fonds à gestion
syndicale chargé de financer la couverture médicale des
retraités du groupe, et à 10% par les créanciers obligataires
(avant exercice de leurs warrants). La proportion revenant au
Trésor pourrait être réduite en cas d’apport financier du
Canada.
Comme c’était prévu, le syndicat de l’automobile UAW recevra
lui aussi des warrants lui permettant obtenir 2,5% du capital
du constructeur.
Pour aider le constructeur pendant sa restructuration, le
Trésor lui apportera plus de 50 milliardsUS de financement.
Dans leur communiqué, les créanciers ont souligné que le
nouveau montage prévoit que, sur ce total, 40 milliardsUS
soient transformés en capital, au lieu de 10 milliardsUS
auparavant.
Le bilan du « nouveau GM » sera ainsi considérablement plus
solide que dans la mouture précédente, se sont réjouit les
créanciers obligataires.
Selon Cesare de Novellis, de Meeschaert New York, la plus
grande « flexibilité » des créanciers est bienvenue, mais « ne
change pas vraiment les choses ». GM continue d’avoir des
fonds autogénérés négatifs et n’arrive pas à se débarrasser
d’Opel ».
« Plus tôt i nterviendra la faillite, le plus tôt la société
pourra en ressortir restructurée », note l’analyste.
GM : Une longue convalescence - Jacques
Duval
Les pronostics
de survie de GM sont encourageants, mais tout dépendra de la
compétence de la nouvelle administration
Les coupes auront permis de créer une entreprise capable de
répondre aux besoins du marché dans des délais compétitifs. Et à
corriger ses erreurs avec la même célérité.
L’auteur est chroniqueur automobile. Aujourd’hui
et
au cours des prochains mois, quelque 3900 concessionnaires GM
vont devoir fermer leurs portes et mettre à la rue des
dizaines d’employés.
Avec la déroute de General Motor s , c ’ e s t tout un pan de
l’histoire américaine qui vient de s’écrouler. Rappelons-nous
simplement cette belle époque où il suffisait de suspendre une
bannière Chevrolet chez un concessionnaire pour que l’affaire se
transforme en une mine d’or. Combien d’hommes d’affaires plus ou
moins doués sont devenus millionnaires à vendre les produits de
General Motors ? En ces temps bénis pour eux, les lettres GM
brillaient de tous leurs feux et étaient synonymes de succès, de
rentabilité, de prospérité et de respect. Ce qui était bon pour
GM était bon pour l’Amérique.
Aujourd’hui et au cours des prochains mois, 3915 de ces
ex-millionnaires de l’automobile (dont 310 au Canada) vont
devoir décrocher leur bannière Chevrolet, Buick ou autre et
mettre à la rue des dizaines d’employés qui avaient toujours cru
que leur avenir était assuré et leur emploi sécurisé.
La question qu’il faut se poser a trait aux chances de succès de
la restructuration de General Motors. Faillite ou pas,
qu’adviendra-t-il d’un constructeur qu i , hier encore, se bat
tait contre Toyota pour rester le plus gros constructeur
automobile du monde? Chose certaine, l’entreprise ne retrouvera
jamais ses parts de marché d’antan, celles qui, en 1976, se
situaient encore à 50%. Triste coïncidence, c’est aussi l’année
où les choses ont commencés à mal tourner pour le numéro 1 de
l’automobile.
Avec tous les
correcti fs mis en place au cours des derniers mois et le fameux
plan de restructuration dont on ne connaît pas tous les tenants
et aboutissants, General Motors pourrat-il continuer d’exister
et retrouver un jour le chemin de la rentabilité ? En ce qui a
trait à sa survie, il serait très étonnant que l’entreprise
meure de sa belle mort et qu’il n’en reste qu’un triste chapitre
dans les livres d’histoire.
Car les problèmes majeurs ont été résolus, que ce soit les
surcapacités de production, le taux horaire des travailleurs
d’usines, la caisse de retraite des employés , le c roisement
des marques, la surabondance de concessionnaires et, bien sûr,
l’équilibre du nombre total d’employés en regard des ventes. En
éliminant les marques les moins productives ( Pontiac, Saturn et
Hummer), on évitera les coûts astronomiques engendrés par toute
la paperasse qui entoure l’existence d’une raison sociale
différente pour vendre le même produit.
Ce qui a miné General Motors, c’était sa taille gigantesque qui
l’empêchait de prendre des décisions aussi rapidement que la
concurrence. Les coupes à tous les stades auront permis de créer
une compagnie capable de répondre aux besoins du marché dans des
délais compétitifs. Et à corriger ses erreurs avec la même
célérité.
Il ne faut pas perdre de vue que GM a des acquis, ne serait-ce
par exemple que son succès dans un marché comme la Chine qui
s’est découverte une affection particulière pour les produits
Buick. Et que dire de Cadillac, anciennement le symbole absolu
de la réussite, devenue une marque vieux jeu et qui a retrouvé
sa superbe depuis quelques années ? Bizarrement, dans toute
cette saga du constructeur américain, il est rarement question
de l’essence même d’une firme comme General Motors, c’est-àdire
le produit, les automobiles et les véhicules utilitaires. C’est
en majeure partie à ce chapitre que se joue la survie de la
compagnie. À part la Volt, il n’y a rien de révolutionnaire à
l’horizon, mais la gamme de modèles devrait être solide avec
l’arrivée prochaine de la Chevrolet Cruze déjà vendue en Europe
et comparable à une Toyota Corolla. GM possède aussi un vaste
assortiment de petits camions et d’utilitaires sport, un secteur
qui représente en ce moment un fort pourcentage du marché.
Voilà autant de raisons d’espérer voir les nuages disparaître et
le soleil poindre à l’horizon. La seule question épineuse qui
reste en suspens porte sur la compétence de la nouvelle
administration de cette compagnie dont les pronostics de survie
sont encourageants, mais qui demeurera encore longtemps en
convalescence.
L’ACCORD
ENTRE FIAT ET CHRYSLER EST CONCLU - Maxime Bergeron
9400
travailleurs canadiens « incroyablement satisfaits »
Après six semaines de chômage forcé, les 9400 employés de
Chrysler au Canada reprendront bientôt le travail grâce à
l’alliance conclue hier avec le constructeur italien Fiat.
Le « nouveau Chrysler », qui misera sur les petites voitures
de Fiat pour reprendre des parts de marché, commencera «
immédiatement » ses activités, ont annoncé les deux groupes
dans un communiqué conjoint. Les travailleurs jubilent.
« C’est une bonne nouvelle, parce que tant le gouvernement du
Canada que celui des États-Unis ont dit que Chrysler ne
pourrait survivre en tant que société indépendante, a dit Ken
Lewanza, président des Travailleurs canadiens de l’automobile
(TCA), pendant un entretien téléphonique. Je suis
incroyablement satisfait. »
Chrysler a fermé temporairement toutes ses usines
nord-américaines le 1er mai dernier, au lendemain de son dépôt
de bilan aux États-Unis. Les trois usines canadiennes du
groupe devraient redémarrer la production le 29 juin, selon
Ken Lewanza, une information que la porte-parole de Chrysler
Canada a refusé de confirmer.
Chrysler aura un tout autre visage au sortir de sa
restructuration judiciaire éclair, bouclée en seulement 42
jours. Le troisième constructeur américain sera détenu à 20%
par Fiat, proportion qui pourrait grimper jusqu’à 35 % quand
certaines conditions seront remplies. Son plus important
actionnaire sera – et de loin – un fonds du syndicat américain
des Travailleurs unis de l’automobile ( UAW), avec 55% du
capital.
Ottawa et Washington, qui ont injecté ensemble plus de 8
milliards US dans l’entreprise, détiendront respectivement 2%
et 8% des parts. Les gouvernements menaçaient de retirer leur
aide financière à défaut d’une alliance avec Fiat, ce qui
aurait signifié la mort du constructeur fondé en 1925.
Le PDG de Fiat, Sergio Marchionne, a été nommé président de
Chrysler Group LLC. La nouvelle entité reprendra l’essentiel
des actifs du constructeur en faillite, à l’exception de
certaines dettes.
« Je sais que
le processus a été difficile pour toutes les parties
impliquées, mais nous sommes prêts à prouver aux consommateurs
américains que Chrysler peut de nouveau être une entreprise
forte et concurrentielle », a déclaré M. Marchionne dans un
communiqué.
Fiat n’allonge pas d’argent dans la transaction, mais fera
plutôt profiter Chrysler de ses technologies évaluées à
plusieurs milliards. Le constructeur italien devrait
introduire sur le marché nord-américain son petit modèle 500,
très populaire en Europe. La marque Alfa Romeo pourrait aussi
être ramenée aux États-Unis.
Fiat, qui a elle-même frôlé la faillite il y a quelques
années, veut faire profiter Chrysler de son « expertise dans
le redressement d’entreprise ». Le constructeur américain
bénéficiera aussi du réseau international de distribution de
Fiat, avec un accent particulier mis sur la Russie et
l’Amérique du Sud, a indiqué le groupe hier.
D’autres compressions ?
Richard Powers, spécialiste de l’industrie automobile de
l’Université de Toronto, s’attend à ce que des produits Fiat
apparaissent sur le marché nord-américain d’ici de 12 à 24
mois. Mais plusieurs questions restent à régler,
souligne-t-il.
« Ils doivent augmenter la production en Europe et décider
s’ils vont produire certaines de ces voitures en Amérique du
Nord, ce qui impliquerait un réoutillage de certaines usines
», a-t-il dit.
D’autres coupes et fermetures d’usine sont à prévoir au sein
de la nouvelle entité, ajoute M. Powers. La société pourrait
avoir du mal à faire accepter ces compressions en raison de la
forte participation du syndicat UAW dans le capital de
l’entreprise, selon lui.
Foutaise, dit Ken Lewanza, président des TCA. Il soutient que
la forte présence syn-
La transaction en cinq questions
QQuelle
est l a structure du « nouveau Chrysler » ? R Le
constructeur italien Fiat détient 20 % des parts du groupe,
le régime de retraite du s y ndicat a mér i c a i n des
Travailleurs unis de l’automobile ( UAW), plus de 55 %, le
gouvernement américain, 8 % et les gouvernements de
l’Ontario et du Canada, 2 %. Fiat pourra augmenter sa
participation à 35 % une fois qu’elle aura remboursé les
milliards prêtés par Ottawa, Washington et Queen’s Park. La
nouvelle entité (appelée Chrysler Group LLC) reprendra
l’essentiel des actifs de Chrysler, à l’exception de
certaines dettes. QQui
dirigera l’entreprise ? R Sergio Marchionne, PDG de Fiat, a
été nommé hier grand patron. Une série de nouveaux
dirigeants font aussi leur arrivée dans les différentes
divisions du groupe. Le conseil d’administration de ce
Chrysler 2.0 comptera neuf membres : quatre seront nommés
par le gouvernement américain, trois par Fiat, un par le
gouvernement canadien et un par le syndicat UAW. QQuels
changements
sont à prévoir dans le portfolio de véhicules Chrysler ? R
Le constructeur compte offrir plus de petites et moyennes
voitures. La Fiat 500, qui rappelle la Mini par son look
arrondi, devrait notamment arriver en Amérique d’ici de 12 à
24 mois, selon certains experts. L’ent r eprise n’a pas
encore détaillé ses plans à cet égard. QD’autres
compressions sontelles à prévoir ? R Le nouveau PDG Sergio
Marchionne n’en a pas fait mention, hier. Chrysler a déjà
fortement dégraissé ses activités depuis le début de 2007:
le groupe a aboli 32 000 emplois ( presque le tiers de ses
effectifs), réduit sa production de 1,2 million de véhicules
et retranché 3 milliards de dollars à ses coûts de
fonctionnement annuels. Au Canada, les 9400 travailleurs
devraient conserver leur emploi et les t rois usines
devraient demeurer ouvertes, a indiqué une porte-parole.
L’entreprise a supprimé 1500 emplois et fermé une usine au
pays ces dernières années. QEt
qu’en est-il des concessionnaires ? R Chrysler fermera 25 %
de ses succursales aux ÉtatsUnis, mais le réseau canadien de
450 concessionnaires devrait être intouché, a affirmé la
porteparole Mary Gauthier.
LE
FÉDÉRAL ET L’ONTARIO VIENNENT EN AIDE À CHRYSLER
— Dans l’espoir
que Chrysler continue ses activités au Canada malgré la
restructuration, le gouvernement fédéral et l’Ontario mettent la
main à la pâte, offrant à l’entreprise des prêts totalisant 3,8
milliards de dollars.
Cette aide financière du Canada se veut proportionnelle au
soutien de 12 milliards annoncé plus tôt dans la journée par
l’administration de Barack Obama. Un cinquième de la production
de Chrysler en Amérique du Nord se trouve au Canada.
L’enveloppe canadienne comprend un prêt provisoire existant, un
prêt en fonds de roulement à court terme et un prêt de
restructuration à moyen terme, qui visent tous les opérations
canadiennes de Chrysler.
Conjointement avec les Américains, les gouvernements canadien et
ontarien participeront à la supervision juridique de la
restructuration de Chrysler LLC, par l’intermédiaire de prêts
débiteur-exploitant.
En échange, le Canada et l’Ontario détiendront 2% des parts de
l’entreprise restructurée – contre 8% pour les ÉtatsUnis. Ottawa
pourra par ailleurs nommer un des neuf gestionnaires au conseil
d’administration, « pour s’assurer que les intérêts des
contribuables canadiens soient protégés », a dit le premier
ministre Stephen Harper.
Fin mars, Ottawa a rejeté le premier plan de relance proposé par
Chrysler, mais le gouvernement estime cette fois que le
constructeur automobile a fait ses devoirs.
« Les gestionnaires, les syndicats, et les institutions
financières de Chrysler ont fait les sacrifices nécessaires pour
assurer la viabilité à long terme de l’entreprise », a souligné
M. Harper.
La décision d’ouvrir les coffres et de débourser ces 3,8
milliards de dollars était devenue inévitable, a-t-il précisé.
« Avec la décision de l’administration américaine d’intervenir,
nous avons rapidement conclu que la seule option réaliste, pour
le Canada, était de participer au processus de restructuration.
Autrement, nous aurions couru un risque important de voir
l’entreprise se restructurer totalement à l’extérieur de notre
pays. Ce n’est tout simplement pas une solution viable pour
l’économie canadienne », a expliqué le premier ministre.
Si l’entente
prévoit que 20% des investissements et des emplois de Chrysler
après la restructuration seront maintenus au Canada, Ottawa n’a
toutefois aucune garantie que l’ensemble des usines actuelles
continueront leurs activités.
« Ça va dépendre de la performance de l’entreprise, a dit M.
Harper. Chrysler sera dans l’avenir une compagnie plus petite.
Mais soyons clairs, nous avions à choisir entre une plus petite
entreprise ou l’effondrement complet et la disparition de 100%
des emplois. Ce qui n’était pas une option. »
Le premier ministre de l’Ontario, Dalton McGuinty, abonde dans
son sens. « C’est impossible de garantir qu’on va maintenir le
nombre de travailleurs ici en Ontario. Mais c’est dans l’intérêt
de Chrysler de maintenir une présence importante en Ontario »,
dit-il.
Manque de vision
À Ottawa, les partis de l’opposition ont convenu que le
gouvernement ne pouvait faire autrement que de s’engager dans
cette voie. Selon eux, toutefois, Stephen Harper aurait pu en
faire plus.
Le député libéral du sud de l’Ontario Frank Valetiote a déploré
le fait que l’entente ne garantisse pas que les emplois
resteront au Canada, surtout compte tenu que le pays ne détient
qu’un siège sur 9 au conseil d’administration.
Des questions restent aussi en suspens, a-t-il ajouté. «
J’espère aussi qu’il y a un plan chronologique pour nous
permettre de nous retirer de tout cela. »
Le chef du NPD, Jack Layton, a déploré le manque de vision du
gouvernement Harper. « On devrait ajouter, d’abord, une
dimension de véhicules verts à toute l’affaire, a-t-il dit.
Deuxièmement, une indication que les communautés qui bâtissent
ces véhicules sont importantes », a-t-il dit.
Le président des Travailleurs canadiens de l’automobile ( TCA),
Ken Lewenza, a pour sa part poussé un soupir de soulagement,
hier, et se dit confiant de voir Chrysler se restructurer de
façon à continuer de produire des véhicules au Canada.
UN NOUVEAU DÉPART : CHRYSLER
CONFIE LE VOLANT À FIAT, SOUS LA PROTECTION DE LA LOI SUR LES
FAILLITES
WASHINGTON— Le président américain
Barack Obama a annoncé hier le dépôt de bilan de Chrysler en
même temps qu’une alliance avec son concurrent italien Fiat,
qui doit non seulement assurer la survie du groupe américain,
mais faire de lui le sixième constructeur automobile mondial.
L’opération de sauvetage de l’un des trois grands de Detroit
prévoit une prise de participation initiale de 20% et pouvant
aller jusqu’à 35% de Fiat dans Chrysler, une autre de 8% du
gouvernement américain (une intervention historique de sa part
dans l’industrie automobile), et une de 2% du gouvernement
canadien, a indiqué la Maison-Blanche.
Un nouveau fonds assurant la couverture santé des retraités de
Chrysler recevra 55%.
Le gouvernement américain se dit prêt à accorder 8 milliards
US de plus à la survie de Chrysler, pendant la procédure de
dépôt de bilan et après.
Selon de
hauts responsables de l’administration, le plan ne devrait
entraîner ni suppression d’emplois ni fermeture immédiate
d’usine.
Quant à la procédure de dépôt de bilan, devant être
introduite à New York, elle devrait être courte, entre 30 et
60 jours, et « chirurgicale », selon un de ces responsables
s’exprimant sous couvert de l’anonymat.
Ce dépôt de bilan n’est pas « un signe de faiblesse, mais
bien plus (un) pas de plus sur la voie clairement tracée
menant à la survie de Chrysler », a dit M. Obama.
Comme l’administration a les syndicats et les principaux
créanciers de son côté, « cette procédure sera rapide, elle
sera efficace, elle est destinée à traiter avec les quelques
derniers réfractaires (aux termes actuels d’une
restructuration) et elle sera contrôlée », a-t-il dit.
Quant au partenariat avec Fiat, il a « de grandes chances de
réussite », a-t-il assuré.
Selon un
communiqué de la Maison-Blanche, Fiat va offrir à Chrysler
l’accès à son réseau de distribution mondial. Il doit surtout
permettre à Chrysler, grâce à son savoir-faire technologique,
de construire dans les usines américaines de nouveaux
véhicules consommant moins et répondant mieux à la demande du
moment.
Comptant 38 000 salariés aux États-Unis, Chrysler, victime
comme le numéro américain General Motors de la crise
économique, de la chute de ses ventes et de ses erreurs
stratégiques, se bat depuis des mois pour sa survie.
À la suite de l’administration Bush, le gouvernement Obama a
accepté de le maintenir sous perfusion et, depuis décembre,
Chrysler a reçu 4 milliards US. En échange du maintien de
l’aide fédérale, Chrysler et GM ont été sommés de soumettre
des plans de restructuration drastiques.
M. Obama a recalé les premières versions en mars, et donné
jusqu’à hier à Chrysler, et un mois de plus à GM pour
présenter des projets garantissant qu’ils reviendraient à la
viabilité et n’auraient plus besoin de l’argent du
contribuable.
Les syndicats ainsi que les grandes banques ont fait des
concessions.
Mais,
mercredi, à la veille de l’échéance gouvernementale, d’ultimes
négociations sur les dettes de Chrysler ont échoué.
Selon un haut responsable de l’administration, une partie des
créanciers de Chrysler ont refusé l’offre du Trésor de
recevoir 2,25 milliards US en numéraire en échange de
l’effacement de 6,9 milliards US de dette.
Le gouvernement est alors arrivé à la conclusion que la
meilleure solution pour Chrysler était de poursuivre son
effort de restructuration en se plaçant sous la protection
garantie par le chapitre 11 de la loi sur les faillites.
Cependant, M. Obama, qui fait face à la pire récession depuis
les années 30, est accusé par ses adversaires d’un
interventionnisme sans précédent dans les affaires
économiques.
Alors que l ’ État pourrait entrer dans Chrysler, « je pense
que notre premier rôle, en tant qu’actionnaires, doit être de
chercher à sortir de là. Vous savez, je n’ai pas envie de
diriger les constructeurs automobiles », a-t-il dit mercredi.
Alliance
Chrysler-Fiat : Tout un défi !
Le succès de
l’alliance Chrysler-Fiat dépendra de la capacité des deux
entreprises d’intégrer leurs opérations et leurs cultures
Même si Chrysler et Fiat parviennent à réaliser cette fusion,
leur alliance mettra au moins deux
ans à porter des fruits.
L’auteure est professeure assistante à la John Molson School
of Business de l’Université Concordia.
Complétéen1931, l’édificeChrysler a brièvement régné sur New
York comme le plus haut gratte-ciel au monde. Avec ses
gargouilles inspirées des voitures Chrysler, il reflétait la
force de la firme dont il porte le nom. Chrysler a connu son
apogée entre 1930 et 1950, quand elle était deuxième aux
États-Unis en matière de ventes grâce à ses prouesses
d’ingénierie.
Après une détresse financière en 1979, Chrysler s’est
réorganisée sous la direction du célèbre Lee Iacocca. En 1998,
la firme allemande Daimler-Benz a acheté la compagnie pour 37
milliards US. Cette acquisition fut un échec: en 2007, Daimler
vendait 80% de Chrysler au fonds d’investissement privé
Cerberus.
La semaine dernière, Chrysler a entamé une autre
réorganisation en s’alliant avec le constructeur italien Fiat.
Fiat a obtenu 20% de participation dans Chrysler et, en
contrepartie, il apporte sa technologie pour la construction
de petites voitures, économes en énergie. Le succès de
l’alliance Chrysler-Fiat dépendra de leur capacité à
s’intégrer.
Fiat vient de
traverser une transformation dont il est sorti avec une équipe
de direction plus jeune et efficiente sous la direction de son
PDG, Sergio Marchionne, un Canado-Italien probablement bientôt
responsable de ChryslerFiat étant donné que le PDG de
Chrysler, Robert Nardelli, a démissionné. L’équipe de gestion
deChrysler est plus imposante et léthargique. L’importance de
la capacité d’intégration est illustrée par l’échec de la
fusion de Daimler et Chrysler, deux firmes de culture
différente qui n’ont pu réussir la délicate opération.
Même si Chrysler et Fiat parviennent à réaliser cette fusion,
leur alliance mettra du temps – au moins deux ans – à porter
des fruits. Entre-temps, elles devront se financer. Chrysler
est en grave détresse financière. Elle doit 6,9 milliards à 46
obligataires et des montants salariaux élevés à ses 54 000
employés. Les plus récentes négociations promettaient
d’alléger ce fardeau. Le syndicat a accordé à la compagnie des
concessions salariales substantielles. Le Trésor américain et
quatre obligataires principaux (JP Morgan Chase, Citigroup,
Morgan Stanley et Goldman Sachs) proposaient un plan de 2,25
milliards pour éteindre la dette envers les obligataires.
Cependant, quelques-uns de ceux-ci ont rejeté ce plan.
Voilà pourquoi Chrysler se retrouve sous la protection du
Chapitre 11 du Code de la banqueroute des ÉtatsUnis. Le
Chapitre 11 permet la réorganisation d’une firme et la
renégociation de ses contrats, supervisées par un tribunal.
Chrysler avait déjà largement planifié sa réorganisation avant
d’amorcer le Chapitre 11. Ainsi, Chrysler utilise le Chapitre
363 du Code, qui permet d’accélérer le processus. Chrysler
espère qu’un tribunal accepte, via ce Chapitre 363, la vente
de ses actifs principaux à une nouvelle firme résultant de son
alliance avec Fiat pour 2 milliards payables à ses
obligataires. Les actifs restants de Chrysler seraient sujets
au Chapitre 11.
Le gouvernement américain versera 3,3 milliards à l’entreprise
dans le cadre du Chapitre 11 et 4,7 milliards après la
réorganisation. Les gouvernements canadien et ontarien
contribuent pour leur part 2,5 milliards. Bien que
considérables, ces sommes pourraient être insuffisantes pour
financer le quotidien de Chrysler. En effet, la société a
presque entièrement consommé les 4 milliards empruntés au
gouvernement américain au début de l’année. De plus, on l’a
dit, l’alliance Chrysler-Fiat mettra du temps à générer des
liquidités. Entre-temps, Chrysler pourrait tomber encore plus
bas si sa détresse financière pousse des acheteurs potentiels
à douter de sa survie et à se tourner vers ses concurrents.
Chrysler devra donc trouver les moyens de rassurer ses
clients. La souscription du gouvernement américain des
garanties après-vente de Chrysler constitue un geste crucial à
cet égard. Néanmoins, la nécessité de financer les activités
courantes de Chrysler est réelle et pourrait être compliquée
par un marché du crédit sérieusement affaibli. Tout un défi
pour Sergio Marchionne, le sauveur de Fiat!
Vers un nouveau GM
La consolidation
des concessionnaires au Québec sera salutaire
L’auteur est propriétaire de quatre concessionnaires GM dans la
région de Montréal. Propriétaire
de quatre concessionnaires GM dans la région de Montréal,
Jean-Claude Gravel se dit optimiste pour l’avenir malgré la
restructuration du constructeur américain.
General Motors a annoncé lundi un imposant plan de
restructuration. Ce plan fera mal : mises à pied de milliers de
travailleurs, fermeture de centaines de concessionnaires. Mais
ce plan est nécessaire.
Au Canada, il y aura une consolidation des concessionnaires.
Assurant la solidité des commerces restants, cette consolidation
sera salutaire.
C’est pourquoi j’ai confiance dans l’avenir de GM. Les gens de
l’industrie travaillent comme jamais, ils ont accepté de sortir
des sentiers battus. Et puis, je suis très impressionné par le
président Obama. Il a eu raison d’imposer des changements à la
tête de l’entreprise: quand on reçoit 50 milliards de fonds
publics, il faut être prêt à se plier à des conditions, ce que
l’ancien président, Rick Wagoneer, n’était pas disposé à faire.
GM fabrique des modèles de qualité, les études de J. D. Power
le démontrent. Il faut maintenant en convaincre les
automobilistes. C’est certainement réalisable, Lee Iacocca y est
parvenu lorsqu’il a pris la direction de Chrysler en 1978. Quand
les travailleurs mettent l’épaule à la roue, tout est possible.
On a beaucoup reproché aux fabricants américains de ne pas
produire de petites voitures. On a tort. C’est GM qui vend le plus
de petites automobiles au Canada. Le problème, c’est qu’aux
États-Unis, les automobilistes n’en voulaient pas. C’est ce qui
vient de changer.
Les grands de l’auto américains vont toutefois devoir revoir la
profitabilité de la petite voiture. Les consommateurs recherchent
des véhicules plus petits, mais de grand luxe.
Par ailleurs, je ne crois pas au concept hybride, c’est un modèle
de transition. L’avenir, selon moi, appartient aux voitures tout
électriques comme la Volt, de Chevrolet.
Pour les gens de l’industrie, comme nous, les derniers six mois
ont certes été difficiles. Mais je suis dans le métier depuis 1983
alors des périodes dures, j’en ai vu d’autres. Beaucoup de gens
ont retardé l’achat d’une automobile en raison de l’incertitude
quant à la survie des fabricants. Mais un jour ou l’autre, ils
vont revenir acheter.
GENERAL MOTORS Un scénario « à la Chrysler » de plus
en plus probable
WASHINGTON— Un
scénario « à la Chrysler » apparaît de plus en plus probable
pour le constructeur automobile américain General Motors, qui
devrait annoncer d’ici à la fin de la semaine son dépôt de bilan
pour mener une restructuration « chirurgicale » avec un fort
soutien du gouvernement.
GM a jusqu’au 1er juin pour présenter un plan de restructuration
viable. Mais nombre d’analystes estiment qu’il devrait d’ici là
suivre l’exemple de son concurrent Chrysler, qui s’est placé
sous la protection du chapitre 11 de la loi sur les faillites
fin avril.
« Je pense que GM va apprendre beaucoup de la faillite de
Chrysler », a déclaré sous le couvert de l’anonymat un avocat
spécialisé dans les faillites.
Selon le Washington Post, l’État fédéral s’est résolu à une
telle solution alors même que GM a beaucoup progressé dans sa
restructuration, notamment en arrachant la semaine dernière à ses
syndicats américains et canadiens des accords qui lui permettent
de ramener ses coûts salariaux à ceux de la concurrence. Les
membres du syndicat des Travailleurs canadiens de l’automobile (
TCA) devaient voter hier et aujourd’hui pour entériner l’entente
de principe annoncée vendredi dernier.
Procédure de restructuration
Le schéma retenu dans les deux cas serait celui d’une vente rapide
des actifs sains du constructeur à des investisseurs. Le reste des
actifs et des engagements du groupe devrait languir pendant des
années sous administration judiciaire pendant que les parties
prenantes se disputeraient ses dépouilles.
« Je
m’attendrais à ce que GM engage sa procédure de faillites
devant le même tribunal (de New York) que Chrysler. Celui-ci a
engagé les choses au pas de course, ce qui est capital pour GM
autant que cela l’a été pour Chrysler. »
endant le dépôt de bilan, l’État fédéral continuerait à
alimenter massivement les caisses de GM, à qui il a déjà
fourni 19,4 milliards de dollars depuis l’hiver. Au départ,
l’aide gouvernementale était seulement destinée à durer
jusqu’à la fin du mois de mai
«Je m’attends à ce que GM engage sa procédure de faillite
devant le même tribunal (de New York) que Chrysler. Celuici a
engagé les choses au pas de course, ce qui est capital pour GM
autant que cela l’a été pour Chrysler », a ajouté cet avocat
spécialisé, qui connaît bien le dossier.
La restructuration de GM sous la protection de la justice
serait bien plus compliquée que celle de Chrysler puisqu’elle
mettrait en jeu les intérêts de milliers d’investisseurs et
d’autres parties.
Dans les deux cas, les banquiers doivent consentir des
sacrifices plus importants que les autres parties, notamment
le syndicat de l’automobile UAW.
Kent Engelke, de Capitol Securities Management, a relevé que
le gouvernement demande aux porteurs de dette obligataire
garantie de renoncer à 27 milliards de dollars en échange de
10% de la compagnie. « Le Trésor et l’UAW vont renoncer à 20
milliards et recevront 89% de la nouvelle compagnie ».
Ce plan, a
dénoncé M. Engelke, « sacrifie les porteurs de dette garantie
au profit des syndicats. C’est injuste, sans précédent
juridique et en contradiction avec les règles juridiques et
financières de base ».
Le juge. des faillites Arthur Gonzales doit décider mercredi
s’il approuve le plan poussé par l’État pour Chrysler, qui
prévoit la vente des principaux actifs du groupe à un
consortium mené par le constructeur italien Fiat.
Son feu vert pourrait permettre à un « nouveau » Chrysler de
sortir du processus de restructuration judiciaire dans les 30
jours, mais ce scénario optimiste peut toujours prendre du
retard en cas d’éventuelles contestations.
Jonathan Lipson, professeur de droit de la Temple University,
explique le rôle prééminent de l’administration Obama par un
souci de contrebalancer l’inf luence des fonds
d’investissement, qui ont accumulé massivement de la dette des
deux constructeurs.
« Il se pourrait que le gouvernement fédéral ait reconnu qu’on
ne peut pas faire confiance aux fonds d’investissement qui
détiennent de larges quantités de dettes de Chrysler (et
peutêtre de GM) pour conduire une restructuration réussie », a
souligné M. Lipson.
J e r emy Anwyl , qu i dirige le cabinet spécialisé Edmunds.
com, s’est dit « mal à l’aise » face à l’importante
implication du gouvernement dans ces deux dossiers, mais il
reconnaît que « ce ne serait pas possible pour une compagnie
d’engager une telle restructuration sans que le gouvernement
agisse à titre de médiateur. C’est un rôle que personne, en
dehors du gouvernement, ne peut jouer ».
Faillite possible de Chrysler : Sauver ce qui peut l’être -
ARIANE KROL
Chrysler arrive
aujourd’hui au terme de son sursis. Si le constructeur ne
parvient pas à arracher les concessions nécessaires de ses
créanciers, il devra compléter sa restructuration dans le cadre
plus contraignant de la loi sur les faillites. Dans un cas comme
dans l’autre, l’entreprise qui en résultera ne sera plus que
l’ombre d’elle-même.
La menace d’une faillite, confirmée le mois dernier par Barack
Obama, a porté fruit. Les syndicats ont fait des concessions
importantes. Plusieurs gros débiteurs ont accepté d’effacer leur
ardoise en échange de sommes forfaitaires. Fiat est prête à
signer un partenariat historique. Pourtant, malgré les progrès
remarquables accomplis au cours des derniers jours, la
possibilité d’une faillite n’était pas toujours pas écartée,
hier en début de soirée. Chrysler doit rallier près d’une
cinquantaine de créanciers et apparemment, certains résistent
encore.
Chose certaine,
l’entreprise qui émergera de ce processus n’aura plus
grand-chose à voir avec le géant industriel qui a marqué
l’histoire économique nord-américaine. Le syndicat deviendrait
le principal actionnaire avec une participation de 55%. Le
constructeur italien occuperait le second rang avec une part
pouvant aller jusqu’à 35% – elle serait initialement de 20%. Les
contribuables et les autres créanciers détiendraient les 10%
restants. On ignore encore comment les sièges seront répartis au
conseil d’administration, mais on sait déjà que le syndicat,
malgré son poids économique, ne contrôlera pas la compagnie.
N’empêche, la situation ne manque pas d’ironie. Comme le faisait
remarquer un chroniqueur du Wall Street Journal hier, Chrysler
deviendrait, de facto, une filiale des United Auto Workers
(UAW). Tout un changement de perspective!
Le puissant syndicat américain de l’automobile ne sera pas le
premier à réchapper son employeur en déroute. Ron Bloom, le
stratège de l’équipe créée par Obama pour sortir l’industrie
automobile de l’impasse, a piloté des opérations du genre dans
plusieurs aciéries américaines. Mais les UAW, eux, ne rêvaient
pas de s’asseoir de l’autre côté de la table des négociations.
S’ils acceptent de le faire, c’est parce qu’ils ont encore plus
à perdre en laissant Chrysler tomber en faillite sans avoir
conclu d’accord préalable. Dans les circonstances, ils s’en
tirent honorablement. Mais qu’arrivera-t-il si la réorganisation
orchestrée par Fiat ne fonctionne pas et qu’il faut, dans un an
ou deux, demander de nouveaux sacrifices aux travailleurs? Le
syndicat sera mal placé pour crier à l’exploitation et dénoncer
la voracité des actionnaires…
Les négociations menées avec les employés, les créanciers, les
fournisseurs et les concessionnaires de Chrysler et de GM
permettront d’éviter le chaos de faillites désordonnées. Mais le
résultat sera quand même extraordinairement douloureux. Des
dizaines de milliers d’Américains et de Canadiens vont perdre
leur emploi en usine et en magasin. Un grand nombre d’entre eux
n’en retrouveront pas d’équivalent, et des centaines de
municipalités en seront gravement affectées. On a sauvé ces deux
grands de la disparition, mais c’est tout un monde qui disparaît
dans cette opération de sauvetage.
Six dirigeants deGeneralMotors liquident leurs actions
— Six
dirigeants du constructeur automobile américain
GeneralMotorsont soldé leurparticipationdans legroupeencédant
au total plus de 200000 actions en deux jours, alors que leur
entreprise tente difficilement de convaincre ses créanciers
d’entrer dans son capital. Troy
Clark, Gary Cowger, Carl-Peter Forster et Ralph Szygenda,
tous quatre vice-présidents du groupe, ainsi que Robert Lutz
(notre photo) et Thomas Stephens, vice-présidents du conseil
d’administration, ont cédé vendredi ou lundi toutes les
actions de GM en leur possession.
Troy Clark, Gary Cowger, CarlPeter Forster et Ralph Szygenda,
tous quatre vice-présidents du groupe, ainsi que Robert Lutz
et Thomas Stephens, vice-présidents du conseil
d’administration, ont cédé vendredi ou lundi toutes les
actions de GM en leur possession, selon des documents publiés
lundi sur le site internet de la Securities and Exchange
commission (SEC).
Les six hommes ont cédé au total 204 711 titres de GM à un
prix unitaire compris entre 1,45 et 1,61$US. L’action de GM
avait ouvert à 1,63$US vendredi à la Bourse de New York et a
clôturé lundi à 1,44$US.
La SEC ne révèle pas l’identité des acheteurs.
La plus grosse cession a été réalisée par M. Lutz : celui-ci a
vendu 81 300 titres à 1,61$ US vendredi.
Le marché a fortement réagi à cette nouvelle et aux
perspectives de restructuration de GM, envoyant le titre du
constructeur à creux jamais atteint depuis 1933.
En début de
séance, hier, l’action de GM se vendait 1,09$US à la Bourse de
New York. À la clôture des marchés, le titre s’échangeait à
1,15$US, ne baisse de 29 cents US pour la journée.
Ces cessions ont eu lieu alors que le groupe de Detroit tente
de se restructurer, et elles ont toutes les chances d’être
interprétées comme un manque de confiance des dirigeants de GM
dans leur propre entreprise.
GM doit boucler d’ici au 1er juin tous les volets de son plan
de restructuration, conformément au délai qui lui a été
imparti par le gouvernement américain.
Le groupe peine à convaincre ses créanciers d’accepter de
remettre la dette de l’entreprise en échange d’une entrée dans
son capital, et son directeur général, Fritz Henderson, a jugé
lundi « plus probable » que GM dépose son bilan plutôt qu’il
s’en sorte sans en passer par là.
Offre
GM a proposé à ses porteurs de titres obligataires de
convertir 27 milliards US de dette en actions, opération à
l’issue de laquelle ces créanciers détiendraient 10% de son
capital, ce qui est bien peu au regard des 89% qui seraient
détenus par le Trésor et le syndicat de l’automobile UAW.
Pour réussir, cette offre nécessite une participation de 90%
des créanciers d’ici au 26 mai, et ce pari est d’autant plus
difficile que les créanciers, mécontents, ont récemment fait
une contre-offre qui leur permettrait de détenir 58% du
capital du constructeur.
Volkswagen veut rivaliser avec Toyota
- Étienne Balmer
FRANCFORT
— Le constructeur allemand Volkswagen a fait passer hier
son projet de prise de contrôle de son rival Porsche et
ambitionne désormais ravir à Toyota la place de numéro un
mondial de l’automobile.
PHOTO ARCHIVES BLOOMBERG
Les conseils de surveillance des deux entreprises, dont
les liens historiques et familiaux sont très étroits, mais
qui se disputaient depuis des années pour prendre le
contrôle l’une de l’autre, ont validé un projet d’union
dominé par Volkswagen qui devrait être complété d’ici la
mi-2011.
Martin Winterkorn, le patron de Volkswagen, va d’ores et
déjà reprendre la direction de Porsche, et l’actuel
directeur financier de Volkswagen, Hans Dieter Pötsch,
fera le même cumul de fonctions.
Désormais Volkswagen a « plus que jamais l’outil (pour
devenir) le numéro un de l’industrie automobile », a
claironné M. Winterkorn dans un communiqué de VW après
l’annonce du plan de fusion.
Dans le sillage de M. Winterkorn triomphe le puissant
Ferdinand Piëch, dit « le patriarche », président du
conseil de surveillance de Volkswagen et grand artisan de
l’élargissement patient du groupe depuis les années 90,
devenu entre-temps le premier constructeur européen.
En juillet, M. Piëch, également grand actionnaire familial
de Porsche, avait obtenu la démission du patron de ce
dernier, Wendelin Wiedeking.
Porsche
tentait depuis des années de prendre le contrôle total de
VW par des achats d’actions, mais il avait dû finalement y
renoncer en mai, acculé par des dettes devenues intenables
(environ 9 milliards d’euros, ou 14 milliards de dollars
canadiens), la crise financière et un chiffre d’affaires
en berne.
À ces ennuis f i nanciers s’ajoute une question d’honneur:
le chef du comité d’entreprise de Porsche, l’ancien boxeur
Uwe Hück, faisait encore savoir début août que Volkswagen
ne pourrait pas « acheter l’âme des ouvriers de Porsche »
et que l’on ne construisait pas « une Porsche avec des
morceaux de Polo ».
Porsche c ompte 11 0 0 0 employés qui redoutent notamment
des conséquences sociales de leur intégration dans le
groupe Volkswagen, fort de près de 400 000 salariés dans
le monde.
Le constructeur de la célèbre 911 est cependant parvenu à
inclure dans le projet d’union une clause selon laquelle «
aucun contrat de domination ni de transfert de bénéfices »
ne pourra être signé avec Volkswagen jusqu’en 2020.
Volkswagen va commencer par débourser d’ici la fin de
l’année 3,3 milliards d’euros ( 5,1 milliards de dollars)
pour s’emparer de 42 % de Porsche. Suivront ensuite une
augmentation de capital chez Volskwagen au premier
semestre 2010 pour financer cet achat, puis une autre chez
Porsche début 2011 pour augmenter la part de Volkswagen.
Mais celui-ci devra partager son butin avec un invité,
l’émirat du Qatar, qui doit entrer dans le capital de
Volkswagen via un rachat d’actions VW encore détenues par
Porsche.
AbitibiBowater La production
suspendue dans cinq usines
AbitibiBowater poursuit la pénible rationalisation de
ses activités : la société papetière a annoncé hier
qu’elle allait suspendre sa production pour une durée
indéterminée dans cinq usines, dont deux au Québec, à
partir du 31 octobre.
Les syndicats craignent que ces fermetures ne deviennent
permanentes, comme cela a été le cas pour les usines de
Shawinigan ( Belgo) et de Donnacona, ces dernières
années.
« L’entreprise avait annoncé qu’elle allait éliminer
au-delà d’un million de tonnes sur le marché et qu’elle
allait cesser de faire des arrêts temporaires pour
plutôt faire des arrêts indéterminés, alors c’est sûr
qu’on s’attendait à des mauvaises nouvelles, mais on
souhaite toujours que ça ne soit pas chez nous », a
commenté Renaud Gagné, vice-président du Syndicat
canadien des communications, de l’énergie et du papier
(SCEP), au cours d’un entretien téléphonique.
Le coup le plus dur est porté à l’usine de papier pour
impression numérique de Beaupré, où l’on cessera
complètement les activités, ce qui enverra au chômage
quelque 340 employés.
À Clermont, dans Charlevoix, l’entreprise fermera l’une
de ses deux machines à papier journal, ce qui affectera
120 travailleurs.
À Fort Frances, en Ontario, l’usine de papiers
d’impression commerciale suspendra ses activités,
entraînant la mise à pied de 75 personnes.
À Coosa Pines, en Alabama, l’usine de papier journal
interrompra sa production, privant de travail 85
employés.
EnfinàBrooklyn, enNouvelleÉcosse, AbitibiBowater réduira
de moitié la production de son usine de papier journal,
de sorte que 300 employés verront leur semaine de
travail réduite.
Ces
mesures permettront à AbitibiBowater de diminuer sa
capacité de 750 000 tonnes de papier par année, ce qui
porte à 1,3 million de tonnes la réduction totale à ce
jour.
Renaud Gagné ne serait pas surpris que l’entreprise
procède à d’autres arrêts de production au cours des
prochains mois. « La direction semblait dire (hier) que
ce n’était pas terminé, a-til affirmé. C’est donc très,
très inquiétant. »
M. Gagné reconnaît néanmoins que, face à la surcapacité
de production, AbitibiBowater doit « rationaliser » ses
activités.
Aide demandée
Mais ce que les syndicats redoutent par-dessus tout,
c’est la faillite pure et simple d’AbitibiBowater, qui
se traduirait par la disparition de quelque 7500 emplois
au Québec. C’est sans compter que les 9000 retraités de
l’entreprise montréalaise pourraient voir leurs rentes
amputées du tiers en raison de l’important déficit
actuariel de leur régime de pensions, qui s’élève à 1,5
milliard.
Les syndicats veulent que le gouvernement du Québec
envisage de se porter acquéreur d’AbitibiBowater, une
possibilité qui demeure cependant purement théorique à
l’heure actuelle.
Gaétan Ménard, secrétairetrésorier du SCEP, a prétendu
que les fermetures annoncées hier auraient pu être
évitées si le gouvernement fédéral avait offert des
garanties de prêts aux forestières.
Le SCEP réclame la création d’un groupe de travail
fédéralprovincial, avec participation syndicale, dans
chacune des collectivités touchées par les fermetures
afin de s’assurer que la capacité de production des
usines affectées ne soit pas « détruite » et de trouver
un nouveau propriétaire pour les installations.
AbitibiBowater est en restructuration judiciaire depuis
avril. Au deuxième trimestre, qui a pris fin le 30 juin,
la société a essuyé une perte nette de 510 millionsUS,
alors que ses revenus ont plongé de 39% par rapport à la
même période de l’an dernier.
Une coalition pour promouvoir le bois dans
la construction
Une
coalition vient de voir le jour pour promouvoir
l’utilisation du bois dans la construction afin de
lutter contre les changements climatiques... et nous
faire perdre quelques préjugés sur le bois.
Construire en bois n’est pas nécessairement plus
coûteux, soutiennent les membres de la coalition, qui
proviennent à la fois des milieux de l’industrie, des
municipalités, des groupes écologistes et des syndicats,
entre autres.
Et contrairement à ce que l’on pourrait penser, même en
cas d’incendie, une structure en bois est sécuritaire,
affirme la coalition.
Et l’on
peut même recourir au bois pour construire de vastes
structures comme des centres sportifs en planifiant la
construction d’arches pour le toit. C’est d’ailleurs
dans une structure de ce type que la conférence de
presse pour lancer la coalition a eu lieu, hier matin,
au Collège MarieVictorin, dans le nord-est de Montréal.
Le centre sportif est l’une des nombreuses « nouvelles »
constructions à st r ucture de bois, comme l’édifice du
Fondaction CSN à Québec, qui a même six étages.
La coalition soumet un autre argument en faveur du
recours au bois dans la construction : sauvegarder des
emplois dans une industrie qui traverse la pire crise de
son histoire.
Le régime actuel tire à sa fin - Hélène
Baril
Les
règles qui gouvernent l’industrie forestière depuis 25
ans s’apprêtent à disparaître pour être remplacées par
un nouveau régime forestier qui n’augure rien de bon
pour AbitibiBowater et les autres géants forestiers qui
luttent pour leur survie.
Plutôt que de voir le coût de la matière première
baisser comme elle le réclame, l’industrie a maintenant
la certitude que ses coûts vont augmenter, a expliqué
hier Guy Chevrette, porte-parole du Conseil de
l’industrie forestière du Québec, qui participait à
Québec aux consultations sur le projet réforme du régime
forestier.
Le coût
du bois pourrait en effet augmenter, estime Luc
Bouthillier, professeur à l’Université Laval et
spécialiste de la forêt. « On n’aura pas le choix,
explique-t-il. Si on veut davantage de bois, il faudra
mettre de l’effort humain et ça, ce n’est pas gratuit.
On est rendus là parce qu’on a grugé l’inventaire. »
Selon lui, le nouveau régime forestier marque la fin du
monde tel que l’ont connu les grandes sociétés
papetières qui ont régné en maîtres dans la forêt
québécoise. Ça fera mal, parce qu’il y aura des
fermetures d’usines et des pertes d’emplois, surtout
dans les régions. « C’est normal qu’elles s’y opposent.
Mais la solution n’est pas de prolonger l’agonie des
AbitibiBowater de ce monde », souligne-t-il.
Le nouveau régime forestier proposé par Claude Béchard
est maintenant piloté par celle qui lui a succédé au
ministère des Ressources naturelles, Nathalie
Normandeau.
Au cours
d’un entretien avec La Presse Affaires hier, elle a
indiqué que son intention était de faire adopter le
nouveau régime forestier rapidement, et avant la fin de
l’année si possible.
En plus d’abolir les contrats d ’ a pprov i s i o n
nement e t d’aménagement forestier (les CAAF), le régime
accorderait une responsabilité aux régions dans la
gestion de leur forêt et mettrait aux enchères le bois
de 30% de la forêt publique. Le projet vise aussi à
donner plus de matière première aux entreprises de
transformation du bois et à d’autres activités
prometteuses, comme le bioraffinage.
Faire une place aux PME est une nécessité, selon
Luc Bouthillier. « Actuellement, quelqu’un qui
arrive avec l’idée du siècle ne peut même pas
avoir de bois pour la réaliser », précise-t-il.
La presque totalité du bois de la forêt publique est en
effet alloué par des contrats d’une durée de 25 ans aux
grandes entreprises intégrées qui coupent le bois et en
font des 2X4, de la pâte et du papier, des activités de
moins en rentables.
LeConseildel’industrie forestière du Québec en
convient, les entreprises du Québec ont le panier
de produits le moins rentable au monde.
L’industrie t ient malgré tout à conserver les garanties
d’approvisionnement qu’elle a actuellement, précise Guy
Chevrette, de même que le contrôle sur les activités en
forêt.
Les entreprises ne voient pas d’un bon oeil les
responsabilités accrues déléguées aux régions. « Ça
risque de technocratiser encore davantage la gestion de
la forêt », estime Guy Chevrette.
Le porte-parole de l’industrie forestière s’attend à ce
que la ministre Normandeau apporte des « amendements
majeurs » au projet de régime forestier, qui répondront
aux inquiétudes des entreprises.
« Il y a aura des changements,
mais pas sur le fond », a i ndiqué hier Nathal i e
Normandeau. (NDE : QUOI !?!....)
LeprofesseurLucBouthillier, pour sa part, croit que le
projet sera adopté en dépit des défis qu’il soulève pour
l’industrie.
« On n’a pas le choix. C’est de notre avantage
comparatif qu’il s’agit. Si toutes les entreprises
existantes ferment, les arbres ne déménageront pas en
Chine. »
AbitibiBowater s’enlise - Martin Vallières
La
société papetière envisage d’autres fermetures d’usines
La situation d’affaires s’aggrave à la société papetière
AbitibiBowater, au cinquième mois de sa protection de
faillite.
PHOTO JACQUES
BOISSINOT, PC
Au point où pour réduire sa perte, doublée à 510
millions US durant les seuls trois mois d’avril à juin,
l’entreprise doit accentuer ses arrêts de production et
envisager d’autres fermetures complètes d’usines.
« Aucun scénario n’est écarté pour le moment, surtout
dans la production de papier journal où la baisse de la
demande est encore pire que ce que nous avions prévu en
début d’année », acquiesce Pierre Choquette, principal
porte-parole au siège social d’AbitibiBowater, à
Montréal.
De
fait, des chiffres tirés de documents déposés par la
société papetière auprès des autorités américaines et
consultés par La Presse Affaires sont pour le moins
troublants.
Dans son plus important secteur d’affaires, la
production de papier journal, les revenus
d’AbitibiBowater durant les mois d’avril à juin étaient
en chute annualisée de 44%.
Au 30 juin dernier, la société papetière subissait une
perte d’exploitation d’au moins 19 cents pour chaque
dollar de vente de papier journal. Mais
depuis,
en juillet seulement, le prix moyen du papier perçu par
AbitibiBowater s’est encore replié d’au moins 6%, selon
les derniers documents déposés en Cour supérieure, à
Montréal. Du coup, cette détérioration accentuée du
marché du papier journal aggrave le risque de pénurie de
liquidités chez AbitibiBowater au cours des prochains
mois, alors qu’elle devra présenter un règlement à ses
créanciers pour éviter la faillite.
Malgré sa
très grande taille, la société papetière doit se
débrouiller d’une semaine à l’autre avec guère plus
de 125 millions US en liquidités, selon le plus
récent rapport du contrôleur nommé par la Cour
supérieure.
Même les gains nets attendus de reventes d’actifs au
cours des prochaines semaines – 60% d’une centrale
hydroélectrique sur la Manicouagan vendue à
Hydro-Québec et Alcoa, 121 000 hectares de forêts au
Québec vendues à sociétés régionales – pourraient ne
s’avérer qu’un baume financier à court terme.
Autre indice troublant : en début d’année, avant sa
déclaration d’insolvabilité de la miavril,
AbitibiBowater espérait s’en tenir à une réduction
mensuelle de capacité papetière de l’ordre de 20 000
tonnes métriques par année.
Or, depuis ce temps, elle a dû faire cinq fois pire,
à hauteur de 100 000 tonnes métriques de capacité
annualisée, confirme-t-on au siège social.
Il s’agissait surtout d’arrêts sporadiques de
machines à papier dans la plupart des usines, ou
d’usines au complet pour une courte période.
Encore ce mois-ci, 15 des 21 usines papetières
d’AbitibiBowater au Canada et aux ÉtatsUnis sont
affectées par des arrêts partiels et temporaires de
production.
Au Québec seulement, au moins quatre des neuf usines
papetières d’AbitibiBowater sont touchées par des
interruptions « de quelques jours à trois semaines
», dit-on au siège social.
Fermetures
Mais
pour la suite, face à l’aggravation du marché du
papier journal, AbitibiBowater risque d’avoir à
décider de fermetures complètes d’usine s « pou r u
ne pér i o de indéterminée ».
Ce fut le cas le mois dernier à l’usine de papier
journal de Thunder Bay, dans le nord de l’Ontario,
d’une capacité de 250 000 tonnes par année. De
l’avis d’analystes, d’autres fermetures d’usines de
ce genre sont inévitables à court terme.
« Le marché du papier j ournal en Amérique du Nord a
plongé. L’industrie se retrouve avec un autre
surplus de capacité de l’ordre de 1,5 à 2 millions
de tonnes métriques, soit de 15 % à 20 % du total »,
explique Richard Kelertas, analyste chez Capitaux
Dundee, à Montréal, dans une récente note à ses
clients-investisseurs.
L’inquiétude monte aussi pa r mi l e s r e présenta
nt s s y nd i c a u x de s mi l l i e r s de
salariés et de retraités d’AbitibiBowater.
« Il faut s’attendre à d’autres arrêts de production
et même des fermetures d’usines qui pourraient être
d’envergure au Québec au cours des prochains mois »,
appréhende Sylvain Parent, président du Syndicat des
travailleurs du papier et de la forêt (CSN).
Ce syndicat représente 3000 salariés actuels
d’AbitibiBowater au Québec et un peu plus de 4000
retraités.
Néa n moi n s , s e l o n M. Parent, ces autres
amputations manufacturières qui menacent chez
AbitibiBowater, aussi graves soient-elles,
représentent sans doute une étape incontournable
pour la survie de l’entreprise.
« La survie d’AbitibiBowater, même rapetissée, est
la principale préoccupation de nos membres parce
qu’en cas de faillite, c’est le tiers de leur caisse
de retraite qui disparaîtrait », a-t-il indiqué.
« Entre-temps, c’est dans nos conventions
collectives que nous nous attendons d’être très
sollicités d’ici peu, pour le plan de redressement.
»
L’industrie forestière enregistre encore des
pertes
VANCOUVER
— Le secteur forestier, papetier et des produits
d’emballage du Canada a continué de souf f ri r du r a l
entissement é c onomique mondial au deuxième t r i mestre,
selon la f i r me PricewaterhouseCoopers.
Pour les 15 sociétés canadiennes examinées par PwC, les
pertes globales, pour le deuxième trimestre, se sont
chiffrées à 660 millions de dollars, comparativement à des
pertes de 462 millions pendant la même période, en 2008.
Au deuxième trimestre de 2009 terminé à la fin juin, les
sociétés papetières et forestières de l’Ouest canadien ont
déclaré des pertes globales de 83 millions, ce qui
constitue une amélioration par rapport aux pertes de 128
millions enregistrées au cours de la même période en 2008.
Quatre des neuf sociétés étudiées par PwC ont dégagé de
meil l eurs résultats qu’au deuxième trimestre de 2008.
Trois d’entre elles ont affiché un bénéfice.
Les sociétés de l ’est du Canada ont subi des pertes
globales de 577 millions comparativement à une perte de
334 millions au deuxième trimestre de 2008. Quatre des six
sociétés examinées ont publié des résultats en hausse,
cependant ces améliorations modestes étaient éclipsées par
les c harges pour fermeture, moins-value ou réorganisation
de 384 millions comptabilisées par AbitibiBowater.
Deux des sociétés canadiennes ont bénéficié, aux
États-Unis, de crédits d’impôt pour carburants et
combustibles de remplacement de 191 millions US.
Globalement,
les pertes du deuxième trimestre s’ajoutent à celles de
480 millions enregistrées au premier trimestre de 2009.
Selon PwC, le fléchissement des produits de base et la
faiblesse de la demande ont caractérisé ce dernier
trimestre, alors que les tentatives de réduction des
coûts, elles, n’ont créé qu’une demande sporadique.
PwC a toutefois indiqué, en dévoilant les résultats de son
étude hier, que le deuxième t r i mestre s ’e st achevé
sur une note positive avec l’amélioration du prix de la
pâte à papier en raison d’exportations accrues à
destination de la Chine.
Pour la même période, aux États-Unis, 10 des principales
sociétés forestières et papetières ouvertes ont affiché
des bénéfices de 839 millions US, contre 593 millions US
l’an dernier. Ces résultats ont été obtenus grâce,
notamment, à une aide gouvernementale de 1 milliard US
sous forme de crédits d’impôt pour carburant de
remplacement.
Les 10 plus i mportant es sociétés forestières et
papetières européennes ont, quant à elles, subi des pertes
de 412 millions d’euros ( 647 millions CAN). Elles avaient
affiché des bénéfices de 459 millions d’euros (721
millions CAN) l’année dernière.
Dans le reste du monde, 10 des principales entreprises du
secteur ont réalisé des profits nets de 538 mill ions US,
contre 377 millions US un an auparavant.
ABITIBIBOWATER Grosses coupes à Montréal
- Stéphane Paquet
« Les
employés touchés ne recevront pas les indemnités
habituelles. »
Alors que le grand patron d’AbitibiBowater, John Weaver, a
eu droit à une indemnité de départ de 17,5 millions plus tôt
cette année, plus d’une centaine d’employés devront quitter
le siège social de Montréal sans indemnité.
La papetière a annoncé cette semaine à ses 700 employés et
contractuels du siège social – dont un peu plus de 400 à
Montréal – que 25% d’entre eux allaient se faire montrer la
sortie au cours des prochaines semaines. En tout, ce sont
donc 175 employés qui devront t rouver un nouveau boulot ,
dont u n peu plu s de 100 dans la métropole.
Ces
employés partiront les poches vides. « À la suite du dépôt
de demandes de protection contre les créanciers et à la
lumière des décisions des tribunaux, écrit la direction à
ses travailleurs, les employés touchés ne recevront pas
les indemnités de cessation d’emploi habituelles. »
La direction mentionne toutefois que les employés
licenciés auront droit à des sommes correspondant « aux
congés annuels accumulés ». L’entreprise promet aussi de
les aider à se replacer.
« Ces mesures sont très difficiles et nous sommes
conscients de l’impact qu’elles auront sur les employés et
leur famille », soutient le président et chef de la
direction, David Paterson, dans le même message.
La
majorité
des personnes mises à pied connaîtront leur sort d’ici
au 1er septembre. Leur départ se fera d’ici la fin de
l’année. Ces employés ne sont pas syndiqués, indique
un porte-parole de l’entreprise, Jean-Philippe Côté.
Le printemps dernier, l’indemnité de départ de John
Weaver a créé une controverse. Tant et si bien que,
quand Québec a consenti un prêt de 10 0 mi l l i ons à
l ’ ent r eprise en difficulté, le ministre du
Développement économique de l’époque, Raymond Bachand,
a t enu à souligner dans un communiqué les raisons
pour lesquelles l’aide était versée : « Il faut
s’assurer que les opérations se poursuivent. Quant aux
dettes antérieures, pour moi, la prime de M. Weaver ne
doit pas passer avant les indemnités auxquelles les
travailleurs ont droit. »
Hier, Éric Prud’Homme, l’attaché de presse du nouveau
ministre Clément Gignac, précisait qu’AbitibiBowater
n’avait pas encore remboursé les 100 millions prêtés.
En ce qui concerne le porteparole d’AbitibiBowater, il
a refusé de commenter la différence de traitement
entre John Weaver et les employés qui seront bientôt
licenciés.
Pas de bonus
Les
quelque 300 employés qui resteront au siège social de
Montréal auront aussi une fin d’année plus austère.
Ils seront également privés de bonus et ce, jusqu’à
nouvel ordre. Cela inclut les régimes spéciaux
d’octroi d’actions.
Pour a r r iver à économiser 100 millions US comme
elle le souhaite, AbitibiBowater veut aussi réduire
ses stocks et imposer des limites au recours à des
employés contractuels engagés à temps plein.
La papetière songe aussi à se retirer de plusieurs
associations. Les dépenses engendrées par les voyages
d’affaires seront réduites. Les baux signés par la
société seront également passés au crible.
« Nous avons encore beaucoup à faire pour stabiliser
notre entreprise, écrit encore M. Paterson à ses
employés. Nous mettons la dernière main à des
programmes visant à réduire notre capacité de
production afin d’améliorer notre rentabilité et de
rationaliser la stratégie d’AbitibiBowater en ce qui a
trait aux temps d’arrêt (des usines). »
Jeudi dernier, l ’entreprise a d’ailleurs a nnoncé l a
fermeture pour une durée indéterminée de deux machines
à papier à Thunder Bay à partir du 21 août, ce qui
touchera 360 employés.
CRISE DANS LES PÂTES ET PAPIERS LE PIRE RESTE À
VENIR - Maxime Bergeron
A rrêts de
production dans trois usines de Kruger. Congé forcé à Papier
Masson. Nouvelles menaces de f er meture à Tembec. Le
secteur des pâtes et papiers traverse une crise sans
précédent au Québec, et le pire est loin d’être passé. « Il
y a sûrement plusieurs usines en trop présentement et c’est
clair que ça va fermer », a lancé à La Presse Affaires Guy
Chevrette, président du Conseil de l’industrie forestière du
Québec, au terme d’une semaine marquée par plusieurs
nouvelles déprimantes.
Jeudi, Tembec a souligné la nécessité de « rationaliser
davantage » ses usines après avoir vu ses revenus fondre au
troisième trimestre. Puis hier, son concurrent Kruger a
annoncé la mise au chômage forcé de 1130 travailleurs d’ici
à la mi-septembre à Brompton et Trois-Rivières.
L’industrie est frappée de plein fouet par une importante
baisse de la demande de papier journal. Ce recul, d’environ
30% depuis un an, a contribué à pousser les prix à des
niveaux « insoutenables » et « irrationnels », a déploré
avant-hier le président de Tembec, James Lopez.
La
remontée rapide du dollar canadien par rapport au billet
vert depuis quelques mois n’a rien fait pour arranger les
choses. Kruger l’a citée comme une des principales causes
de la fermeture temporaire de trois usines, hier.
« On exporte 85 % de notre production à l’extérieur du
Canada, donc c’est sûr qu’un dollar canadien élevé a un
impact direct sur nos revenus », a indiqué Jean Majeau,
vice-président principal aux affaires corporatives.
Kruger souffre elle aussi de la baisse marquée de la
demande de papier. Un « très grand pourcentage » de ce
recul est toutefois conjoncturel – conséquence de la crise
des médias imprimés – et non structurel, a fait valoir M.
Majeau.
Décroissance accélérée
Qu’importe le bilan de santé des médias, un fait demeure:
l’industrie des pâtes et papiers décroît à une vitesse
fulgurante depuis le milieu de la décennie. Une vingtaine
d’usines ont définitivement cessé leurs activités au
Québec depuis le 1er avril 2005, détruisant au passage
3775 emplois, selon les données les plus récentes du
ministère des Ressources naturelles.
Les nombreuses
fermetures temporaires ont quant à elles mis au c hômage
forcé 3498 t ravailleurs, en comptant les mises à pied
annoncées hier par Kruger.
« Et on verra encore plus de fermetures », a prédit
Stephen Atkinson, a nalyste à BMO Marché des capitaux, qui
suit de près plusieurs papetières québécoises.
Un sombre constat partagé par ses collègues. « Les
entreprises ne peuvent fermer leurs usines assez vite pour
affronter la baisse de la demande, a lancé à La Presse
Affaires un analyste torontois qui a demandé à garder
l’anonymat. À moins d’un revirement radical de la devise,
on verra beaucoup d’annonces comme celle de Kruger. »
Effet de cascade
La présente crise est désast r euse pour l ’ i ndust r i e
des pâtes et papiers, mais elle pourrait aussi frapper de
plein fouet le secteur du sciage, également en pleine
tourmente.
Les papetières utilisent des copeaux de bois pour
fabriquer leurs produits. Or, si les usines de papier
continuent à fermer au rythme actuel, l’industrie pourrait
se retrouver avec un surplus annuel de 500 000 à 600 0 0 0
tonnes de copeaux, avance Guy Chevret t e. Une
catastrophe.
« Pour les scieries qui vendent leurs copeaux, actuel
lement entre 140 $ et 150 $ la tonne, c’est un revenu qui
leur permet de boucler positivement dans bien des cas leur
chiffre d’affaires, a-t-il expliqué. Si elles ne sont pas
capables d’écouler ces copeaux, elles perdent ce
revenu-là. »
Produits
« à forte valeur ajoutée »
Le président du Conseil de l ’ i ndust r i e forestière mi
l i t e pour la mise au point accélérée de produits « à
forte valeur ajoutée », qui pourraient être fabriqués à
partir des copeaux. Par exemple, des granules pour le
chauffage ou de la litière. « Il y a un marché qui
commence à se développer, mais qui est embryonnai r e » ,
f a i t va l oi r M. Chevrette.
L’ancien ministre péquiste dénonce le sous-f i nancement
public pour la recherche et le développement de nouveaux
débouchés. Un manque d’argent d’autant plus dommageable
que l’industrie, exsangue, peine à allonger elle-même des
fonds pour la R & D.
Congrès annulé
Les affaires sont tellement mauvaises que le Conseil, voué
à la défense des entreprises forestières, a dû annuler son
congrès a nnuel cette a nnée pour la première fois depuis
1953. L’organisme craint même pour sa survie.
Selon les données du ministère de la Faune, l ’ i ndustrie
des pâtes et papiers employait 24 107 personnes au Québec
en date du 15 juillet 2009, en première, deuxième et t
roisième transformation. Cela se compare à 30 250 au 1er
avril 2005.
Quelque 35 usines de papiers, pâtes, cartons et panneaux
sont en activité à l’heure actuelle dans l a province,
comparativement à 63 en 2007, indique le Conseil de
l’industrie forestière.
AIDE AU SECTEUR FORESTIER Applaudissements et
récriminations
« Aux
États-Unis, c’est du cash. Au Canada, tu reçois de l’argent
seulement si tu investis d’ici trois ans. »
Derrière leurs applaudissements, l’industrie forestière et
les syndicats ont quelques récriminations à l’égard du
nouveau programme fédéral d’écologisation des pâtes et
papiers.
Ceux qui n’attendaient plus l’aide d’Ottawa ne peuvent
s’empêcher de la comparer à celle de Washington, octroyée en
argent sonnant. Ottawa a plutôt choisi d’aider ses sociétés
papetières en subventionnant la modernisation de leurs
installations. « Aux États-Unis, c’est du cash, résume Guy
Chevrette, PDG du Conseil de l’industrie forestière du
Québec. Au Canada, tu reçois de l’argent seulement si tu
investis d’ici trois ans. Mais quand tu n’as pas une cenne
et que tu cours après ta survie... »
« On aimerait toujours mieux avoir l’argent dès le départ,
mais on s’assure de cette façon que tous les fonds seront
investis dans les usines canadiennes », dit Avrim Lazar,
président et chef de la direction de l’Association des
produits forestiers du Canada.
Au Québec, seulement huit usines de pâtes et papiers sur une
cinquantaine produisent de la liqueur noire, une condition
obligatoire pour toucher à une partie du milliard d’Ottawa.
Heureusement, les subventions pourront être transférées
d’une usine à l’autre au sein d’un même groupe. C’est donc
dire que les projets environnementaux dans les usines
québécoises pourraient être subventionnés grâce à la liqueur
noire produite ailleurs au pays.
Les deux
usines québécoises les plus importantes qui produisent de
la liqueur noire sont celles de SFK Pâte à Saint-Félicien
et de Papiers Fraser à Thurso. Le nouveau programme
fédéral permettra-t-il le retour au travail à l’usine de
Thurso, actuellement fermée? Aucun représentant de Papiers
Fraser n’a rappelé La Presse Affaires hier. Quant à
l’usine de SaintFélicien, fermée pendant 66 jours depuis
le début de l’année, impossible de connaître les plans
d’avenir de son propriétaire SRK Pâte. « Le programme
constitue une bonne nouvelle, mais nous allons attendre
avant de commenter davantage », dit Rick Leckner,
porte-parole de SRK Pâte.
Cascades, qui verra deux de ses 47 usines québécoises
profiter de la manne fédérale, s’interroge sur les
objectifs du programme. « Il faut applaudir toute forme
d’aide à l’industrie, mais comme 80% de nos activités sont
du papier recyclé (qui n’utilise pas de liqueur noire),
c’est quasiment une mauvaise nouvelle pour Cascades », dit
Hubert Bolduc, vice-président aux communications et aux
affaires publiques de Cascades.
Cascades fait notamment valoir que les usines de pâtes et
papiers qui utilisent de la liqueur noire sont loin d’être
les moins polluantes dans l’industrie – surtout en les
comparant à ses usines de papier recyclé. « Certaines
personnes pensent que les usines vont réduire leur
empreinte énergétique en utilisant de la liqueur noire au
lieu d’autres combustibles fossiles, mais ils vont aussi
utiliser plus de bois, dit Hubert Bolduc. Il faut regarder
l’empreinte écologique totale d’une usine. »
Les syndicats ne sont pas convaincus eux non plus de
l’efficacité du plan d’Ottawa, dont l’objectif – cibler
les usines utilisant de la liqueur noire – est calqué sur
celui de Washington. Ils rappellent que les subventions de
Washington n’étaient pas destinées au départ à l’industrie
forestière. C’est plutôt celle-ci qui a commencé à brûler
des combustibles fossiles polluants afin d’être admissible
aux subventions, soutiennent-ils.
« Ce fut l’un des effets pervers du programme américain,
dit Gaétan Ménard, secrétaire-trésorier du Syndicat
canadien des communications, de l’énergie et du papier.
Avant, l’industrie forestière ne brûlait pas de
combustibles, mais elle a commencé à le faire pour être
admissible aux subventions. C’est tellement ridicule,
tellement absurde! »
Actionnaires de GM! - Simon Bissonnette
Je suis heureux! Comment ne pas l’être alors que le
gouvernement du Canada a choisi d’investir des milliards
provenant des taxes et des impôts que je paye à Ottawa
pour sauver GM, une entreprise uniquement présente en
Ontario. Pendant ce temps, le gouvernement du Canada se
réveille en retard en annonçant un fonds favorisant la
modernisation des équipements des entreprises du secteur
forestier alors que celles-ci auraient dû être appuyées il
y a déjà plusieurs mois. Depuis, plusieurs dizaines de
compagnies oeuvrant dans ce secteur ont mis la clef dans
la porte, jetant au chômage des milliers de travailleurs
québécois. Bonne nouvelle pour eux: ils sont dorénavant
actionnaires de GM!
Un milliard sur la « liqueur noire »
Le
nouveau programme vise à encourager le virage vert dans
un secteur durement touché par la récession.
OTTAWA — Afin de venir en aide à une industrie des pâtes
et papiers en crise, le gouvernement fédéral annonce un
investissement de 1 milliard de dollars, exclusivement
dédié aux entreprises produisant de la « liqueur noire
». Ottawa répond ainsi à une petite partie des demandes
de l’industrie, soulevant la grogne des travailleurs et
de l’opposition, qui réclament davantage.
PHOTO ALAIN ROBERGE,
ARCHIVES LA PRESSE
Le nouveau programme « d’écologisation des pâtes et
papiers », annoncé hier par la ministre des Ressources
naturelles, Lisa Raitt, et le ministre responsable du
développement économique pour le Québec, Denis Lebel,
vise à encourager le virage vert dans un secteur
durement touché par la récession, mais aussi par la
baisse générale du tirage des journaux.
Les
entreprises qui participeront au programme recevront du
gouvernement un crédit de 16 cents par litre de liqueur
noire produite, jusqu’à l’épuisement du milliard promis.
Mais elles devront obligatoirement i nvesti r les sommes
obtenues dans l’a mélioration de l’efficacité
énergétique ou d’autres mesures de performance
environnementale de leurs usines.
La liqueur noire est un sous-produit du processus de
pâtes et papiers utilisé comme carburant, et considérée
comme une énergie propre par les États-Unis.
L’administration américaine subventionne d’ailleurs à
grands frais, 6 milliards de dollars, ses usines de
pâtes et papiers, créant une concurrence jugée déloyale
par l’industrie canadienne.
Avec cette mesure, Ottawa estime ainsi aider les
entreprises à maintenir leur compétitivité face aux
voisins du Sud.
Le
gouvernement estime par ailleurs que ce coup de pouce ne
contrevient pas à l’Accord sur le bois d’oeuvre.
Seules 27 usines au Canada produisent de la pâte Kraft
et seront donc admissibles, mais les ministres se
défendent bien d’avoir favorisé une région du pays
plutôt qu’une autre.
« Les entreprises qui font affaire un peu partout au
pays vont pouvoir utiliser dans l’ensemble de leurs
usines les crédits générés par ce programme-là qui est
mis en place », a dit le ministre Lebel. Par exemple,
une entreprise qui recevra des crédits du gouvernement
grâce à son usine en Colombie-Britannique pourra
dépenser les sommes obtenues dans un autre de ses
usines, à pâte mécanique, ailleurs au pays. Les
investissements devront être complétés d’ici trois ans.
Au Québec, seule une poignée des 50 sociétés papetières
de la province sera admissible au programme, dont les
deux plus grosses sont SFK, à Saint-Félicien, et Papiers
Fraser, à Thurso, fermée depuis le début du mois de
juin, pour une durée indéterminée.
Néanmoins, le ministre estime que plus de 2500
travailleurs québécois pourront en profiter.
Plus de 300 communautés dépendent de la forêt au Canada,
particulièrement au Québec et en Ontario. Plus de 55 000
personnes ont perdu leur emploi dans les deux dernières
années, sur les 300 000 travailleurs forestiers de
l’ensemble du Canada.
L’opposition à Ottawa a décrié le programme annoncé par
le gouvernement conservateur, jugeant que c’est « trop
peu, trop tard ».
« Les
régions de production forestière vont être très déçues
de l’annonce des conservateurs aujourd’hui, a dit le
député néodémocrate Thomas Mulcair. Ça ne fait rien pour
venir en aide immédiatement. Lorsqu’on parle de dépenses
en capital, il faut avoir les liquidités, et le problème
c’est que l’on n’a pas de garanties de prêts. »
L’annonce de la ministre Raitt ne sera qu’« un coup
d’épée dans l’eau », sans ces garanties de prêts aux
entreprises en difficulté, estime le député d’Outremont.
Pour plusieurs, cette mesure ne viendra qu’aider les
entreprises qui avaient déjà les reins suffisamment
solides pour traverser la crise.
« C’est bon pour des entreprises qui ont des liquidités.
Mais les entreprises aux prises avec des difficultés
n’ont rien », a ajouté M. Mulcair.
Au Bloc québécois, on estime que si le gouvernement
conservateur avait agit plus vite, « ça aurait pu éviter
des fermetures et éviter de mettre en péril certaines
usines qui pourront même peutêtre ne pas rouvrir », a
dit le chef bloquiste, Gilles Duceppe.
Selon le critique libéral Denis Coderre, la mesure est
insuffisante car elle ne touche que quelques usines au
Québec.
Au son des scies mécaniques, des milliers de
travailleurs de la forêt avaient manifesté au début du
mois dans les rues d’Ottawa, pour réclamer une aide
d’urgence du fédéral, incluant des garanties de prêts,
des modifications à l’assurance emploi et la protection
des régimes de retraite. Les forestiers rappelaient
alors à grands cris que, pour sauver l’industrie
automobile, les gouvernements n’ont pas hésité à délier
les cordons de la bourse.
Un milliard en trois ans pour l’industrie
forestière
— Le
gouvernement fédéral annoncera aujourd’hui un plan d’aide de
1 milliard en trois ans pour le secteur forestier, selon ce
qu’a appris La Presse Canadienne.
D’après des sources, l’aide serait destinée aux usines de
pâte et papier, qui doivent faire face à des concurrents
américains dont la consommation d’énergie est subventionnée
à hauteur de 6 milliards US par an.
L’objectif est d’aider les entreprises canadiennes à prendre
le virage vert en subventionnant leur conversion à des
énergies renouvelables et l’amélioration de leur
productivité.
La création du nouveau programme sera annoncée à Ottawa par
la ministre des Ressources naturelles, Lisa Raitt, et le
ministre d’État responsable de l’Agence de développement
économique pour les régions du Québec, Denis Lebel.
Selon des
responsables de l’industrie, ce type de soutien financier
d’Ottawa ne contreviendrait ni à l’Accord sur le bois
d’oeuvre, ni à l’Accord de libre-échange nordaméricain
(ALENA).
Le patron de l’Association des produits forestiers, Avrim
Lazar, souhaitait la semaine dernière que l’aide d’Ottawa
soit suffisante pour neutraliser les effets d’un crédit
d’impôt remboursable dont bénéficient les entreprises
forestières qui utilisent du carburant contenant de la
liqueur noire.
Ce sous-produit de la production de pâte employé depuis les
années 1930 est désormais considéré comme une source
d’énergie « verte ».
Les usines de pâtes et papier demandent depuis des mois à
Ottawa de les aider pour faire face à la concurrence
américaine dont les effets sont exacerbés par la récession
et la baisse généralisée du tirage des journaux.
L’industrie forestière reste sceptique
Les échos
provenant d’Ottawa à propos d’un plan spécial d’aide pour les
usines de pâtes à papier, afin de contrer les bonis fiscaux
obtenus par leurs concurrentes américaines, suscitent un
certain scepticisme dans l’industrie papetière.
Car avant que se précisent ces échos, encore amplifiés hier
par un quotidien torontois, des représentants de l’industrie
forestière doutent de la suffisance des intentions attribuées
au gouvernement Harper.
« Tant mieux si les usines de pâte à papier obtiennent un coup
de pouce fédéral. Mais ailleurs dans l’industrie forestière,
il y a une crise qui continue d’empirer », a indiqué Yves
Lachapelle, directeur au Conseil de l’industrie forestière du
Québec.
« De plus en plus d’entreprises de produits forestiers qui ont
survécu à la crise jusqu’à maintenant parviennent au bout de
leur réserve financière. Et pour continuer, leurs banques
demandent des taux exorbitants, jusqu’à 15% à 20% dans
certains cas », a soutenu M. Lachapelle, en entretien avec La
Presse Affaires au sortir d’une réunion avec le ministre
Claude Béchard, responsable des Ressources naturelles au
gouvernement du Québec.
Cette réunion préparait la présentation, ce matin à
l’Assemblée nationale, de la réforme du régime
d’approvisionnement forestier.
Mais dans l’immédiat, selon Yves Lachapelle, en surplus d’une
aide fédérale spécifique aux usines de pâte, c’est d’un coup
de pouce pour l’accès au crédit à moindre coût dont
l’industrie des produits forestiers aurait le plus besoin.
Ce sentiment est partagé par les principaux représentants
syndicaux de l’industrie forestière.
« Nous espérons qu’il y aura plus que des rumeurs d’un plan
fédéral d’aide, et que le premier ministre Harper s’éveillera
enfin à la gravité de la crise dans l’industrie forestière » a
commenté Dave Coles, président du Syndicat canadien des
communications, de l’énergie et du papier.
« Pour le moment, cette rumeur d’un plan d’aide d’un milliard
pour les producteurs de pâtes à papier n’apparaît qu’une
manoeuvre de relations publiques par le gouvernement
conservateur », selon M. Coles.
Selon les
échos provenant d’Ottawa, le plan temporaire d’aide aux usines
de pâtes viserait à compenser le crédit d’impôt spécial obtenu
par les usines américaines pour leur usage comme carburant
industriel de la « liqueur noire », un sous-produit de la
production de pâtes à papier de type kraft.
Ce crédit d’impôt aux « biocarburants », étendu aux papetières
l’an dernier par Washington, a rapidement gonflé à hauteur de
8 milliards US en équivalence de subventions fiscales.
Par conséquent, un tel crédit fiscal est devenu un désavantage
financier considérable pour les usines canadiennes de pâtes à
papier face à leurs concurrentes américaines, même si elles
ciblent les mêmes marchés.
D’ailleurs, dans sa plus récente analyse de l’industrie
papetière, publiée hier, le Conference Board du Canada
assimile cette subvention fiscale aux usines américaines à une
situation où « la liqueur noire s’est transformée en or noir
».
Selon l’organisme, ce crédit d’impôt permettrait aux usines
américaines de pâte de couvrir jusqu’à 60% de leurs coûts de
production.
Par ailleurs, en attendant un plan fédéral spécifique à ce
sujet, le Conference Board a aussi mis à jour un pronostic
économique encore sombre pour l ’ industrie papetière au
Canada.
Il anticipe pour 2009 une septième année consécutive de
déficit d’exploitation, de l’ordre d’un demi-milliard de
dollars en tout.
Quant à un éventuel retour à la rentabilité, le Conference
Board ne l’envisage pas avant deux ans, vers la fin de 2011.
Et encore, ce retour à la rentabilité devrait s’avérer très
timide. De l’ordre de quelques maigres points de pourcentage
au moins jusqu’en 2013, anticipe le Conference Board.
L’auto contre la forêt?
- ALAIN DUBUC
Les deux industries ne se comparent pas. Il faut venir en
aide à la forêt pour les bonnes raisons et de la bonne façon.
Le géa nt c a nadien de la f or ê t , AbitibiBowater, le
plus grand producteur de papier journal au monde, s’est mis sous
la protection de la loi sur la faillite. Son possible
effondrement menace 15 800 emplois, dont 11 000 au Canada. Le
Québec, avec 7500 emplois, serait, et de loin, le plus touché.
Québec a donné un petit coup de pouce de 100 millions, mais
Ottawa ne semble pas vouloir se porter à son secours, disant
craindre qu’une aide, comme des garanties de prêts, soit perçue
par les États-Unis comme contraire à l’entente sur le bois
d’oeuvre et mène à des représailles.
Cela a suscité, surtout au Québec, une indignation qui a
pris la forme suivante. Pourquoi les gouvernements aident-ils GM
et Chrysler, mais pas AbitibiBowater, quand on sait que la
forêt, avec ses 825 000 emplois, est bien plus importante dans
l’économie que l’automobile avec ses 500 000 emplois?
Malgré les apparences, c’est un très mauvais argument. Les
deux industries ne se comparent pas. Cela ne veut pas dire qu’il
ne faut pas venir en aide à la forêt. Mais il faut le faire pour
les bonnes raisons et de la bonne façon.
Tout d’abord, attention aux statistiques. Les chiffres sont
gonflés à l’hélium, et englobent les emplois indirects et
induits. Il est plus sage de s’en tenir aux emplois directs: 300
000 emplois dans la forêt, 130 000 dans l’automobile.
La structure des industries est très différente. La forêt,
c’est deux secteurs, liés mais distincts, les produits du bois
et les pâtes et papiers. Certaines activités, comme les portes
et fenêtres, peuvent prospérer même si la forêt connaît des
problèmes. En outre, c’est une industrie éclatée. Abitibi, la
plus importante entreprise, avec ses 11 000 emplois, ne compte
même pas 4% du total. Sa disparition serait un choc terrible,
mais elle n’emporterait pas l’ensemble du secteur dans sa chute.
L’industrie de l’automobile, par contre, est très
concentrée. Au Canada, 75% de la production dépend des trois
géants américains. Le sort d’environ la moitié des 130 000
emplois dans la fabrication, l’assemblage et les pièces dépend
de GM et de Chrysler.
La logique n’est donc pas la même. Soutenir GM et Chrysler,
c’est vraiment sauver l’industrie automobile. Soutenir
AbitibiBowater, c’est seulement sauver cette entreprise. On peut
aller plus loin. Si on a des milliards, peut-être vaut-il mieux
les déployer pour soutenir le secteur forestier dans son
ensemble, par la rationalisation, la formation, la réduction du
coût de la ressource.
Les perspectives des deux industries sont par ailleurs fort
différentes. Du côté de la forêt, le bois, malmené par la
récession, a toujours un avenir. Mais le papier journal est
menacé par les changements dans la façon dont on s’informe et
dont on produit les journaux. Par contre, l’industrie automobile
a un potentiel si elle réussit à fabriquer les bons véhicules.
Il y a toutefois une similitude entre Abitibi, Chrysler et
GM. Ils ont besoin d’aide parce que ce sont des dinosaures. Les
deux géants de l’auto sont victimes de leur incompétence. On
peut dire aussi la même chose de l’industrie de la forêt en
général et d’Abitibi en particulier, qui n’a pas suffisamment
préservé la ressource, qui n’a pas réduit sa dépendance au
papier journal, qui n’a pas assez investi, qui n’a pas fait le
virage vert.
Cela met d’ailleurs en relief la grande faiblesse de
l’argumentaire qui repose sur l’opposition entre la forêt et
l’auto. L’aide aux grands de l’automobile n’est pas
inconditionnelle. L’administration Obama est en train de pousser
GM à la faillite, pour qu’elle se débarrasse de ses activités
non rentables. La survie de Chrysler passe par son rachat par
Fiat, possible seulement si les travailleurs font d’importantes
concessions. Oui, on aide l’auto, mais c’est une aide qui fait
mal. Ne l’oublions pas.
200 millions pour la forêt
Québec et Ottawa
se donnent la main pour donner un coup de pouce à l’industrie
forestière. Les deux gouvernements investiront 100millions
chacun pour des travaux sylvicoles qui permettront selon eux de
préserver environ 8000 emplois dans la province.
« Ce qu’on envoie comme signal, c’est qu’il y aura du travail,
ne vous inquiétez pas », a dit le ministre provincial des
Ressources naturelles, Claude Béchard, à l’intention des
collectivités touchées par la déroute de l’industrie forestière.
La nouvelle mesure, annoncée hier à Montréal par le ministre
Béchard et le ministre fédéral de l’Agence du développement
économique du Canada pour les régions du Québec, Denis Lebel,
est le premier fruit de l’Équipe spéciale Canada-Québec mise en
place en avril pour aider au secteur forestier.
Le programme d’appui aux travaux sylvicoles comprend entre
autres des travaux de reboisement, de réhabilitation de la forêt
et la réalisation de chemins d’accès. « On va au maximum de la
capacité actuelle des travaux, dit Claude Béchard. Si on voulait
en faire plus, on manquerait de débroussailleuses au Québec. »
La moitié des investissements sont prévus dans la prochaine
année, et le ministre Lebel prévoit des effets bénéfiques dès cet
été. L’objectif est que les travailleurs qui perdent leur emploi
en usine puissent trouver un autre emploi en forêt si leur
formation le permet.
Le comité spécial fédéral-provincial continuera de se réunir
toutes les deux semaines pendant les prochains mois, et le
ministre Béchard prévoit que d’autres mesures seront annoncées
avant la Saint-Jean-Baptiste.
Les deux ministres ont salué la collaboration entre les deux
ordres de gouvernement hier.
Mais M. Béchard n’avait pas le même ton il y a un mois, quand il a
demandé au gouvernement fédéral « de se mettre en mode solution ».
« Il n’est pas minuit moins cinq, il est minuit, avait-il déclaré.
Il est temps que les lumières s’allument. »
Hier, il se
réjouissait de voir que « les lumières sont non seulement
allumées, mais que le courant passe ».
PHOTOALAIN ROBERGE, ARCHIVES LA
PRESSE
Québec et Ottawa ont promis
de donner 100 millions de dollars chacune pour des travaux
sylvicoles.
Le fédéral déçoit
Ce n’est toutefois pas suffisant pour convaincre la FTQ et le
Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier
(SCEP), qui soutiennent toujours que le fédéral aide davantage
l’industrie automobile que l’industrie forestière.
Da n s u n c ommu n i q ué conjoint , les deux syndicats saluent
l’annonce des 200 millions pour les travaux sylvicoles, mais se
disent toujours insatisfaits du gouvernement fédéral. « C’est
nettement insuffisant, Ottawa a les moyens de faire plus »,
déclare le viceprésident du SCEP-Québec, Renaud Gagné.
Le Conseil de l’industrie forestière du Québec se réjouit pour
les travailleurs sylvicoles, a dit le PDG Guy Chevrette à La
Presse Affaires.
Mais M.
Chevrette est déçu de ne voir aucune mesure fédérale concernant
l’accès au crédit. « Le ministre Lebel nous parle de la fin
juin, mais ma foi baisse énormément. Il faudra que je vois pour
que je croie. »
Le ministre Lebel a défendu les actions de son gouvernement dans
le secteur forestier et a soutenu que « le fédéral est au
travail depuis très longtemps dans le secteur ».
Il a déclaré qu’Exportation et Développement Canada avait
apporté un soutien d’une valeur de 9 milliards à l’industrie
forestière québécoise, un chiffre que Guy Chevrette juge digne «
d’une euphorie non crédible ».
Personne dans l’entourage du ministre Lebel n’a pu fournir plus
d’explications à La Presse Affaires sur ces 9 milliards, et on
nous a plutôt référé au ministère des Ressources naturelles.
EDC a finalement fait savoir que cette somme représentait sa
contribution à tous les secteurs économiques de la province en
2008, et non pas seulement le secteur forestier.
Les plans de relance portent leurs fruits
11 millions
d’emplois seront sauvés dans les pays du G20
GENÈVE— Les plans de relance mis en place par les pays du
G20 vont « créer ou sauver » jusqu’à 11 millions d’emplois
cette année, ce qui n’empêchera toutefois pas le chômage
mondial d’atteindre des records en 2009, a indiqué hier le
Bureau international du travail (BIT).
« Les mesures de protection sociale prises par le G20 depuis
le début de la crise économique mondiale vont créer ou
sauver entre 7 et 11 millions d’emplois » dans le G20, selon
les estimations du BIT qui seront présentées au sommet de
Pittsburgh les 24 et 25 septembre.
Sans ces mesures, le chômage dans les 20 premières économies
de l a pla nète aurait été de 29 % à 43 % supérieur durant
les six premiers mois de l’année, souligne l’agence
onusienne dans un communiqué.
Toutefois, le BIT a revu à la hausse ses prévisions de
chômage mondial pour l’année en cours, estimant qu’il
pourrait atteindre le record de 241 millions, soit une
augmentation de 61 millions du nombre de chômeurs entre 2007
et 2009.
Dans ses dernières prévisions datant de mai, le BIT tablait,
au pire, sur un chômage de 239 millions de personnes dans le
monde.
Tout en saluant les effets des gigantesques plans de relance
activés par les gouvernements des économies riches, le BIT
s’est inquiété de leur maintien dans le temps, d’autant plus
important que le nombre d’entrants sur le marché du travail
ne cesse de progresser sous la pression démographique (45
millions de personnes chaque année).
« Le
chômage reste massif aujourd’hui. Si les mesures spéciales
qui ont été prises sont retirées trop tôt, la crise de
l’emploi pourrait encore s’aggraver », a prévenu le
directeur du BIT, Juan Somavia, cité dans le communiqué.
L’organisation estime qu’on ne pourra parler de réelle
reprise économique avant une réelle amélioration du marché
de l’emploi, ce qui ne devrait pas arriver avant plus d’un
an. Elle préconise ainsi que tous les pays du G20
maintiennent leurs mesures en faveur de la demande et de
l’emploi « au moins jusqu’à la fin de 2010, jusqu’à ce qu’il
y ait une reprise réelle du marché du travail ».
« L’indicateur de l’emploi est le seul vrai i ndicateur de
reprise économique », a insisté lors d’une conférence de
presse le vice-directeur du BIT, Philippe Egger.Le BIT
recommande notamment que les États poursuivent l’effort à
soutenir les dépenses consacrées aux infrastructures, les
réductions d’impôts, subventions et crédits pour les petites
entreprises ainsi que les sommes a l louées directement à la
protection sociale.
Bombe à retardement
Si de nombreuses personnes vulnérables dans les pays en
développement ont pu bénéficier d’aides, le Bureau s’est dit
soucieux de leur sort tant ces États auront encore besoin de
financement pour lutter contre le chômage.
En juin, le BIT avait alerté que le chômage constituait une
véritable bombe à retardement en cette période de crise
aiguë, aux « grands risques » de déstabilisation politique
et sociale.
Le BIT compte une nouvelle f ois défendre c et t e position
ainsi que son proj et de Pacte mondial pour l’emploi au
sommet du G2O la semaine prochaine où la question du chômage
devrait être largement abordée.
WASHINGTON Un million d’emplois sauvés par le plan
de relance
WASHINGTON Un million d’emplois
sauvés par la relance
WASHINGTON —
La MaisonBlanche a publié hier un rapport dans lequel elle
affirme qu’« un peu plus d’un million d’emplois » aux
États-Unis ont été sauvés ou créés grâce à sa politique
économique pendant les six premiers mois du plan de relance
promulgué par Barack Obama.
« La l oi sur l e pla n de relance et d’autres mesures de
politique économique ont permis au nombre d’emplois en août
d’être plus élevé d’un peu plus d’un million qu’il ne
l’aurait été sinon », a expliqué la Maison-Blanche dans ce
rapport.
« Nous estimons que la loi a eu des effets particulièrement
forts dans l’industrie, le commerce de détail, et les
services de travail temporaire », a ajouté la présidence.
« Les effets sur l’emploi sont répartis à travers les États,
avec un impact plus important dans ceux gravement touchés
par la récession », selon la Maison-Blanche.
L’objectif de ce plan de 787 milliards US lancé en février
était de sauver ou créer plus de trois millions d’emplois en
deux ans.
« Je pense que nous sommes en bonne voie pour parvenir à cet
objectif », a estimé au cours d’une t éléconférence une
conseillère économique du président, Christina Romer.
L’économie américaine a déjà perdu 6,9 millions d’emplois
depuis le début de la récession en décembre 2007, et le taux
de chômage était en août au plus haut depuis 1983, à 9,7 %.
Mme Romer a répété l’estimation de l’exécutif selon laquelle
le chômage devrait connaître son sommet « aux alentours de
10 % » et « au début de 2010 ».
La Maison-Blanche chiffre également dans son rapport la
contribution du plan de relance à la croissance.
« Il y a un accord large sur l’idée que la loi sur le plan
de relance a ajouté deux ou trois points de pourcentage à la
croissance du produit intérieur brut au deuxième trimestre
de 2009 et qu’elle joutera environ trois points au troisième
trimestre », a souligné le comité des conseillers
économiques de M. Obama.
D’après l e c omité, « l a relance budgétaire semble être
efficace pour atténuer la récession mondiale ». « Nous avons
découvert que les pays qui ont adopté des plans de relance
plus grands ont réalisé de meilleures performances par
rapport aux prévisions que ceux qui ont adopté de plus
petits plans. »
À la fin
d’août, 151,4 milliards US sur les 787 milliards US avaient
été employés sous forme de baisses d’impôts, et 128,2
milliards US de plus dépensés ou mis à la disposition de
leurs destinataires.
La Maison-Blanche a estimé que le plan de relance en était
en « encore à ses débuts » et que ces chiffres étaient «
préliminaires et sujets à une incertitude considérable ».
Par ailleurs, le secrétaire au Trésor américain, Timothy
Geithner, a indiqué hier que le temps était venu pour les
autorités américaines de passer de la lutte contre la crise
à la réparation de l’économie.
« Nous sommes désormais dans l a position de fa i re évoluer
not r e st r atégie à mesure que nous passons de la réponse
à la crise à la reprise, de la rescousse de l’économie à la
réparation et à la reconstruction des fondations pour la
croissance à venir », a déclaré M. Geithner devant la
commission parlementaire mixte responsable du contrôle de
l’action du Trésor contre la crise.
« La confiance et la stabilité naissantes en septembre 2009
sont bien loin de la peur débilitante et de la panique de
septembre 2008 », a déclaré M. Geithner, faisant allusion au
mois où le système financier américain avait manqué
s’écrouler.
« Le consensus au sein des prévisionnistes privés est que
notre économie est désormais en train de croître. Le système
financier montre des signes de réparation, et le coût du
crédit a chuté de manière spectaculaire », a ajouté le
ministre.
Néanmoins, a-t-il rappelé, « la route est encore longue
avant que la reprise véritable soit installée ».
« Le chômage atteint toujours à un niveau i nacceptable »
(9,7% en août), et « il est réaliste de supposer que la
reprise sera graduelle, avec un nombre de hauts et de bas
plus élevé que d’habitude », a estimé M. Geithner, qui avait
déclaré la semaine précédente avoir « vu les premiers signes
de la reprise aux États-Unis ».
La récession américaine a commencé officiellement en
décembre 2007, et le produit intérieur brut américain a
chuté quatre trimestres de suite de l’été 2008 au printemps
2009.
Le rapport de conjoncture (livre beige) publié mercredi par
la banque centrale américaine (Fed) est venu conforter
l’idée que la récession américaine s’est achevée en août,
même s’il appartient à un organisme indépendant, le Bureau
national de la recherche économique (NBER), de le déclarer
officiellement.
M. Geithner a promis que le Trésor ferait « tout ce qui est
nécessaire, aussi longtemps que nécessaire, pour faire en
sorte que les familles américaines et les petites
entreprises voient leur vie s’améliorer durablement ».
La Banque du Canada garde le cap
OTTAWA —
L’économie canadienne se remet de la récession avec plus de
vigueur que prévu, malgré les inquiétudes persistantes sur
l’impact de la hausse du dollar canadien, a indiqué hier la
Banque du Canada, qui a laissé du même coup son taux d’intérêt
directeur inchangé à 0,25% – son plus bas niveau praticable.
Le gouverneur
de la banque centrale, Mark Carney, avait semblé courir un
risque en juillet, lorsqu’il avait déclaré que la récession
était terminée. Il était à ce moment un des premiers à le
faire, mais il semble maintenant qu’il pourrait même avoir
sous-estimé l’ampleur de la reprise.
« L’adoption de politiques monétaires et budgétaires
expansionnistes, l’amélioration des conditions financières, le
renchérissement des produits de base et un regain de confiance
chez les entreprises et les ménages soutiennent la croissance
de la demande intérieure au Canada », a affirmé hier la banque
centrale dans un communiqué.
« Cette
évolution, de même que l’information récente sur les
ajustements des stocks et la production automobile, donne à
penser que la progression du produit intérieur brut ( PIB)
pourrait être plus vigoureuse pendant le deuxième semestre
de 2009 que la Banque ne l’entrevoyait en juillet. » Les déclarations de la Banque du
Canada laissent croire que Mark Carney, gouverneur de la
Banque, est toujours inquiet de l’impact de la hausse du
huard sur le secteur de l’exportation, mais peut-être pas
autant que par le passé.
Cette vigueur inattendue n’aura cependant pas d’impact sur
les taux d’intérêt. La Banque du Canada a indiqué qu’elle
comptait toujours garder son taux directeur à son niveau
actuel au moins jusqu’en juillet prochain, comme elle
l’avait déjà promis au printemps.
La vigueur de l’économie nationale a émané des données sur
le commerce pour le mois de j uillet. Cellesci l aissent c
roire que les consommateurs canadiens recommencent à
dépenser, les importations affichant une hausse de 8,3 %.
Le secteur des exportations a lui aussi offert une
performance acceptable en juillet, s’appréciant de 3,3 % –
ou même de 5,9 % au chapitre du volume – grâce à la reprise
de la production automobile.
La Banque du Canada a pourtant insisté, à plusieurs
reprises, sur les dangers d’un dollar canadien supérieur à
90 cents US, et de l’impact que cela pourrait avoir sur les
exportations. La banque favorise davantage un huard à
environ 86 cents US.
« À mon avis, cela montre que la banque est de plus en plus
confiante dans son évaluation (...)
La récession est terminée et l’économie prend du
mieux », a observé
l’économiste en chef de BMOMarchés des capitaux, Douglas
Porter.
« Je crois aussi qu’ils révisent à la baisse, lentement mais
sûrement, leurs craintes par rapport à la devise. Je crois
qu’ils veulent simplement s’assurer que les choses restent
sous contrôle. »
La Banque du
Canada n’a pas fourni de nouvelle prévision de croissance
pour la deuxième moitié de l’année, sauf pour dire qu’elle
sera plus importante qu’elle ne l’avait prévu en juillet. À
ce moment, la banque misait sur une croissance de 1,3 % pour
le troisième trimestre, et de 3% pour le trimestre suivant.
La plupart des économistes s’attendent maintenant à voir une
croissance d’entre 2,5 et 3% au troisième trimestre.
Mais selon l ’économiste Derek Holt, de la Banque Scotia, la
période qui suivra les prochains trimestres pourrait devenir
une source d’inquiétude plus i mportante, puisqu’une plus
forte croissance immédiate pourrait signifier que l’activité
ne grimpera pas aussi rapidement par la suite.
M. Holt croit que plusieurs entreprises canadiennes, à
l’exception de celles du secteur automobile, restent aux
prises avec une importante quantité de stocks invendus et ne
prévoient pas encore raffermir leur production. « Cela
signifie que toute reprise de la production canadienne et de
l’activité d’exportation sera amoindrie significativement et
retardée par rapport à celle d’autres pays », a-t-il
expliqué.
Les déclarations de la banque centrale laissent croire que
M. Carney est toujours i nquiet de l ’ i mpact de la hausse
du huard sur le secteur de l’exportation – principalement
les automobiles, les pièces d’automobiles et les produits
forestiers – mais peut-être pas autant que par le passé.
« La banque conserve une flexibilité considérable dans la
conduite de la politique monétaire en contexte de bas taux
d’intérêt, conformément au cadre exposé (en) avril », a
affirmé la Banque du Canada dans son communiqué hier. Le
rapport d’avril était une r é f é r e nce à l ’ a
ugmentation de la masse monétaire par l’entremise de mesures
quantitatives.
Le dollar canadien a clôturé hier à 92,7 cents US, en hausse
de 0,19 cent US.
Banque centrale européenne : Le taux directeur
devrait rester à 1 % - Étienne Balmer
FRANCFORT —
La Banque centrale européenne ( BCE) ne devrait pas toucher
à ses taux directeurs jeudi prochain, attendant de vérifier
si l’air de reprise observé en zone euro a des chances de
durer.
La BCE devrait maintenir son principal taux directeur à son
plus bas niveau historique de 1%, auquel il est rivé depuis
mai, selon les analystes financiers.
Une politique monétaire n’a pas besoin d’être « activiste »
pour être efficace, a récemment déclaré JeanClaude Trichet,
président de la BCE: en clair, la politique monétaire ne
doit pas varier à la moindre nouvelle économique de court
terme.
En revanche, des changements des prévisions de croissance
annuelle de la BCE sont attendus. L’institution doit en
effet dévoiler jeudi sa réévaluation t r i mestrielle des
chi ffres de croissance et d’inflation en zone euro.
Et
l’amélioration récente des indicateurs devrait inciter
l’institution monétaire « à se sentir plus optimiste »
concernant ses prévisions de croissance, soutient Jennifer
McKeown de Capital Economics.
Si la zone euro est restée en récession au printemps pour le
cinquième trimestre consécutif, le rythme de baisse a
nettement ralenti (-0,1 %) par rapport au premier trimestre
(-2,5 %), alimentant les espoirs d’une sortie anticipée de
la récession.
La France et l’Allemagne ont même enregistré des taux de
croissance positifs sur la période (+0,3 %).
Ils sont davantage liés, il est vrai, aux aides
gouvernementales qui ont soutenu la consommation intérieure,
comme la prime à la casse dans l’automobile, et à la
reconstitution des stocks des entreprises. La demande
globale, elle, n’a pas encore repris.
La BCE prévoit une
récession de - 4,6 % en zone euro pour 2009 et de - 0,3 % en
2010, d’après sa dernière évaluation trimestrielle en juin.
E l l e pour r a i t a t t é nuer sa prévision de récession
pour l ’a nnée en cours et même miser sur une petite c r oi
s s a nce l ’ a n née pr o - chaine, estime l’économiste de
Commerzbank Michael Schubert.
L’éventualité
d’une crise du crédit, menaçant de faire caler l’activité en
zone euro dès son redémarrage, devrait également être
discutée jeudi à la réunion du conseil des gouverneurs, même
si la BCE s’est montrée réservée sur ce risque jusqu’à
présent.
La BCE ne devrait pas modifier en profondeur ses prévisions
d’inf lation pour 2009 (+0,3 %) et 2010 (+1%), selon les
économistes.
Obama reconduit le mandat de
Ben Bernanke à la barre de la Fed
Obama opte pour la continuité
Le président
reconduit le mandat de Ben Bernanke à la barre de la Fed
OAK BLUFFS — Le président américain Barack Obama a confirmé
hier la reconduction de Ben Bernanke comme président de la
Réserve fédérale des États-Unis, faisant le choix de la
continuité à la tête de la banque centrale au moment où
l’économie du pays semble prête à repartir.
PHOTO JASON REED, REUTERS
M. Bernanke a su diriger la Fed au milieu de « l’une des
pires c r i ses f i nancières que ce pays et le monde aient
j a mais connues » , a déclaré M. Obama de son lieu de
vacances dans l’île de Martha’s Vineyard, dans le
Massachusetts, pour expliquer son choix.
En t ant qu’expert de la Gra nde Dépre s s i o n de s années
30 et grâce à sa détermination, son courage et sa
créativité, M. Bernanke est l’homme idéal pour remettre les
États-Unis sur les rails de la prospérité, a expliqué le
président.
Son maintien à la tête de la Fed montre à quel point l e pat
r on de l a ba nque centrale, en première loge dans la lutte
contre la crise aux États-Unis, a gagné la confiance du
président, à qui l’on prêtait au départ l’intention de se
débarrasser de cet économiste de 55 ans, qui fut conseiller
du prédécesseur de M. Obama, le républicain George Bush
fils.
C’est ce dernier qui avait nommé M. Bernanke à la présidence
de la banque centrale pour un mandat de quatre ans expirant
fin janvier 2010.
Mais M. Obama avait loué en juin le « travail extraordinaire
» et les « bons résultats » de cet ancien élève de Harvard
et docteur de l’Institut technologique du Massachusetts
(MIT), ouvrant ainsi la voie à sa reconduction pour un
nouveau mandat.
Le moment c
hoisi pour cette a nnonce, a l ors que la reprise économique
est attendue aux États-Unis d’ici à la fin du mois de
septembre, si elle n’est pas déjà en cours, devrait rassurer
les marchés et les investisseurs. La banque centrale éta nt
en t héor i e i ndépenda nte du gouvernement dans la
conduite de sa politique, son président est susceptible de
survivre aux changements politiques à la tête du pays,
surtout en temps de crise, ou le choix de la continuité dans
la conduite de la politique monétaire présente une certaine
logique.
Avant M. Bernanke, trois de ses quatre prédécesseurs ayant
été au bout de leur premier mandat depuis 1951 ont ainsi été
reconduits par un président du camp opposé à celui qui les
avait nommé.
Vote au Sénat
De par la capacité de la banque centrale à pouvoir débloquer
des milliards de dollars du j our au lendemain sans avoir
besoin de consulter le Congrès, le président de la Fed est
souvent présenté comme la personne la plus puissante des
ÉtatsUnis après le président américain lui-même.
M. Bernanke devra néanmoins obtenir confirmation de sa
reconduction par un vote au Sénat, où ses opposants, surtout
républicains, qui lui reprochent d’avoir abandonné les
principes de l’économie de marché en ne laissant pas couler
les grandes banques, ne devraient pas manquer de le
chahuter.
Aprè s a v o i r p r é s e n t é pendant plusieurs mois les
stigmates de la fatigue, de nuits t r op cour t es, et de
week-end passés à élaborer des plans pour empêcher le pire,
M. Bernanke est apparu physiquement plus serein ces derniers
temps.
En déclarant vendredi que l’économie américaine avait «
évité le pire » et semblait offrir de « bonnes »
perspectives de reprise à court terme, malgré les nombreux
défis restant à relever, il a l ivré son message le plus
optimiste sur la conjoncture depuis plusieurs mois.
Bernanke veut éviter les erreurs du passé
WASHINGTON
— Ben Bernanke, dont Barack Obama a confirmé hier la
reconduction à la tête de la Réserve fédérale, est un
spécialiste reconnu de la Grande Dépression qui semble
comme hanté par la volonté d’éviter la répétition d’un tel
scénario.
Le président américain avait loué en juin le « travail
extraordinaire » de cet homme de 55 ans, qui a engagé son
institution dans une intervention sans précédent pour
soutenir l’économie, convaincu que la crise de 1929 avait
été amplifiée par les erreurs de la banque centrale.
C’est son travail sans relâche pour sauver l ’économie
américaine de ce qu’il a qualifié de « la pire crise
financière depuis les années 30 » qui a valu à M. Bernanke
de gagner la confiance du président.
M. Bernanke a eu la lourde tâche de prendre la tête de la
Réserve fédérale en février 2006 après 18 ans de
présidence d’Alan Greenspan, alors au pinacle de sa
gloire. Mais il est rapidement revenu sur l’héritage de
l’ancien oracle de Wall Street.
La face la plus évidente de sa « révolution » à la Fed est
la polit ique de sauvetage d’institutions financières et
de relance monétaire sans précédent mise en oeuvre au plus
fort de la crise.
Mais en douceur, ce barbu posé, discret et bonhomme que
tout ou presque oppose à son prédécesseur, a profondément
bouleversé les habitudes à la banque centrale, en refusant
d’abord de tomber dans le « culte » dont faisait l’objet
M. Greenspan – dont les propos sibyllins pouvaient faire
vaciller ou f lamber les marchés –, et en amenant la Fed à
communiquer énormément sur ses actions et ses attentes.
Fils d’un pharmacien et d’une institutrice ayant grandi à
Dillon, petite ville de Caroline-du-Sud, Ben Shalom
Bernanke, a échappé à un destin qui semblait tout tracé
après qu’un de ses camarades d’école afroaméricain un peu
plus vieux que lui eut convaincu ses parents de le laisser
le rejoindre à Harvard.
Après des
études brillantes dans cette université renommée vint le
doctorat en économie de l’ Institut t echnologique du
Massachusetts (MIT) et les années d’enseignement à la
célèbre université de Princeton, dont il a présidé le
département économique de 1996 à 2002.
« Ben l’Hélicoptère »
Nommé gouverneur à l a Fed, en 2002, il quittera son poste
en 2005 pour présider le groupe des conseillers
économiques du président George Bush, avant que celui-ci
le nomme à la tête de la banque centrale pour un mandat de
quatre ans.
M. Bernanke, qui a raconté récemment avoir rencontré sa
femme Anna lors d’un rendez-vous surprise, s’est vu
surnommer « Ben l ’ Hélicoptère » après un discours
prononcé en novembre 2002, peu après son arrivée au
Conseil des gouverneurs de la Fed.
Dans cet t e a l l ocution i ntitulé « Déflation :
s’assurer que cela n’arrive pas ici », il faisait
référence à une théorie de l’économiste Milton Friedman
selon laquelle les autorités monétaires peuvent sortir un
pays d’une « trappe à liquidités » (quand les taux
d’intérêt sont à zéro et ne peuvent plus stimuler
l’économie) en donnant de l’argent directement aux
entreprises ou aux consommateurs.
L’image de Friedman était celle d’un banquier central
arrosant la foule de billets à partir d’un hélicoptère.
Face à l’intensification de la crise, la Fed de M.
Bernanke est passée de la théorie à la pratique.
L’a c t i on de M. Ber na n ke e s t comme marquée par le
souvenir des erreurs de la Fed dans les années 30, qui
avaient débouché sur une déflation transformant la
récession de 1929 en une dépression historique, ainsi
qu’il l’a écrit dans son livre Essais sur la Grande
Dépression, paru en 2004.
Wall Street rassurée par Bernanke
REVUE
BOURSIÈRE
Le grand nombre de résultats meilleurs que prévu «
conforte l’argument que l’économie serait en rémission ».
Après avoir beaucoup hésité, la Bourse de New York a terminé
en hausse hier, rassurée par les explications du président
de la Réserve fédérale, BenBernanke, et par quelques bons
résultats de sociétés : le Dow Jones a gagné 0,8% et le
NASDAQ, 0,4%.
Cependant, la Bourse de Toronto a subi un premier recul
après six séances de hausses consécutives.
L’indice Dow Jones a pris 67,79 points, à 8914,94 points,
enregistrant sa septième progression quotidienne
consécutive, et le NASDAQ, à dominante technologique, 6,91
points, à 1916,20 points.
L’indice Standard& Poor’s 500, plus représentatif du
fait de sa composition élargie, a avancé de 0,36% (3,45
points), à 954,58 points.
« On a commencé dans une bonne position, puis le marché
s’est un peu replié pendant le discours de Ben Bernanke.
Mais le patron de la Fed a bien tenu, assurant qu’il avait
une stratégie de sortie » une fois que la situation
économique sera stabilisée, a résumé Lindsay Piegza, de FTN
Financial.
Le discours semestriel du président de la Réserve fédérale
américaine devant le Congrès est toujours très suivi. Cette
fois, les investisseurs étaient surtout à la recherche
d’indications sur un calendrier de retrait des
exceptionnelles mesures mises en place par la Fed pour faire
face à la crise.
« Le plus important pour le marché, c’est qu’il a affirmé
que la Fed avait les outils nécessaires pour supprimer la
relance monétaire quand le temps sera venu », ont souligné
Stephen Gallagher et Aneta Markowska, de la Société
générale.
L’indice
Dow Jones a été soutenu durant toute la séance par le bond
de Caterpillar, qui a fini à 39,46$US, en hausse de 7,7%.
Le constructeur d’engins de chantier est revenu dans le vert
au deuxième trimestre, avec un bénéfice net de 371 millions
US.
Le grand nombre de résultats meilleurs que prévu « conforte
l’argument selon lequel l’économie serait en rémission »,
ont observé les analystes de Charles Schwab.
Le Dow Jones, capitalisant sur cette série de bonnes
surprises, a accumulé des gains dépassant désormais 9%
depuis le 10 juillet.
Merck a également aidé le Dow Jones: ce titre a progressé de
6,1%, à 29,65$US. Le groupe pharmaceutique a enregistré au
second trimestre un bénéfice net en recul de 12%, mais
supérieur aux attentes du marché, et a confirmé ses
prévisions pour l’ensemble de 2009.
Pour sa part, la Bourse de Toronto a clôturé la séance en
baisse, en dépit de la publication d’une nouvelle série de
résultats financiers positifs, renforcés par des
perspectives optimistes.
L’indice S&P/ TSX a mis fin à une séquence de six
séances haussières consécutives et a cédé 25,39 points, pour
terminer à 10 515,32 points. Cette retraite survient après
que l’indice eut profité, ces derniers jours, de la
publication de résultats trimestriels d’entreprises qui ont
rehaussé l’espoir de voir l’économie reprendre du poil de la
bête d’ici la fin de l’année.
Le dollar canadien a terminé les échanges en baisse de 0,02
cent US, à 90,33 cents US, après que la Banque du Canada eut
averti que la vigueur du huard modérait significativement le
rythme de la reprise.
Le plan Obama stimule la consommation -
Marc Jourdier
— Les
premiers effets du plan de relance budgétaire promulgué en
février commencent à se faire sentir aux États-Unis, où la
consommation des ménages est repartie en hausse en mai, même
si les Américains épargnent une grande part des subsides
reçus du gouvernement.
Selon les chiffres publiés hier par le département du
Commerce à Washington, la consommation des Américains a
progressé en mai pour la première fois en trois mois, de 0,3
% par rapport au mois précédent, ce qui est conforme au
pronostic des analystes.
Les consommateurs ont profité du coup de pouce du plan de
relance budgétaire promulgué en février par le président
Barack Obama : leurs revenus ont augmenté de 1,4 % en mai.
C’est leur plus forte hausse depuis un an, au moment où un
premier plan de relance, voté sous la présidence de George
Bush, se faisait sentir.
Sans l’aide du gouvernement, les revenus des Américains
n’auraient augmenté que de 0 , 2 %, f a i t r emarquer Paul
Ferley, économiste de RBC Economics Research.
Comme le relève Ryan Sweet, de Moody’s Economy.com, « le
soutien de l’État à la trésorerie des ménages a atteint son
sommet et va diminuer au cours des mois à venir, ce qui
mettra à l’épreuve la stabilisation récente de la
consommation ».
Le plan de relance promulgué en février mobilise 787
milliards de dollars sur trois ans sous la forme
d’investissement dans les chantiers publics et de réductions
d’impôt.
La plus grande partie des crédits du gouvernement pour
l’année en cours est parvenue aux ménages en mai sous la
forme de paiements uniques.
Jugeant que les résultats du plan de relance n’étaient pas
encore palpables, M. Obama a estimé mardi que le pays
n’avait pas besoin pour le moment d’un nouveau plan de
soutien à l’économie.
Les chiffres
du Ministère montrent que les ménages restent prudents et
mettent de côté une bonne part des fonds qu’ils reçoivent de
l’État puisque leur taux d’épargne (rapporté à leur revenu
disponible) a bondi de 1,3 point, pour atteindre 6,9 %, du
jamais vu depuis décembre 1993.
Le total de l’épargne des ménages américains atteignait
ainsi 768,8 milliards de dollars fin mai, un montant record
dans les annales de cette statistique publiée depuis janvier
1959, indique le Ministère.
Pour Marie-Pierre Ripert, économiste de Natixis, « l’effet
de la relance budgétaire sur les dépenses de consommation a
été assez faible en mai ».
Cependant, estime-t-elle, il faut généralement plusieurs
mois pour voir les effets des crédits d’impôt, et le taux
d’épargne devrait diminuer dans les mois à venir.
La consommation des ménages est essentielle pour l’économie
américaine. En temps normal, elle assure plus des deux tiers
de la croissance du pays, mais elle a été très affectée
depuis le début de la crise déclenchée par l’explosion de la
bulle des produits immobiliers à risques à l’été 2007.
Soutenue par des mesures de relance budgétaire au printemps
2008, la consommation s’est effondrée comme jamais depuis le
début des années 1980 au second semestre de 2008, entraînant
le PIB du pays dans sa chute.
Au premier t r i mestre, elle a connu une hausse fragile de
1,4 % en rythme annuel, mais les analystes pensent qu’elle
devrait, au mieux, être stable au deuxième trimestre.
« Aidé en partie par la loi de relance, le consommateur
dépense et devrait nous aider à sortir de la récession »,
estime l’économiste indépendant Joel Naroff.
« Cependant , note-t-i l , les ménages ne se rendent pas
dans l es magasins aussi souvent qu’ils en avaient
l’habitude et ils semblent s’habituer à rester à distance.
Cela implique qu’il ne faut s’attendre qu’à une consommation
modérée » dans les mois à venir.
La Fed garde intact son plan de match
- Rudy Le Cours
La Réserve
fédérale américaine (Fed) avait bien peu de neuf à offrir
aux investisseurs en reconduisant hier son taux directeur
et son programme d’assouplissement non conventionnel
annoncé plus tôt ce printemps. Elle n’a pas non plus
fourni d’indications précises sur la stratégie qu’elle
devra avant longtemps adopter pour mettre fin aux
injections extraordinaires de liquidités dans le système
financier.
Ces choix
ont été faits à l’unanimité par les membres de son Comité
de politique monétaire (FOMC). Ils ont peu influencé le
tempo des marchés boursiers, mais affaibli quelque peu
l’enthousiasme des acheteurs d’obligations.
La Fed apporte tout au plus quelques nuances dans sa
description de la situation économique actuelle. En
répétant que le rythme de contraction de l’économie
ralentit, le communiqué publié par le FOMC constate pour
la première fois « l’amélioration générale des conditions
des marchés financiers ».
Autre
nuance encourageante, la Fed affirme que « les
entreprises diminuent leurs investissements en
immobilisations et leur effectif, mais paraissent
réaliser des progrès en ajustant le niveau de leurs
stocks à leurs ventes ».
La Fed adoucit aussi le ton à propos de l’inflation,
mentionnant seulement qu’elle sera plus faible que
désiré pendant un moment. On la sent moins préoccupée
qu’au printemps par des perspectives de déflation.
Les investisseurs qui s’attendaient à une accélération
prochaine de la planche à billets resteront sur leur
faim. Les autorités monétaires américaines s’en tiennent
au cadre annoncé: achat pouvant aller jusqu’à 1250
milliards de titres hypothécaires émis par Fanny Mae et
Freddie Mac, de 200 millions des obligations de Freddie
et de Fanny et, enfin, achat jusqu’à concurrence de 300
milliards de dettes du gouvernement américain, d’ici
l’automne.
Selon Bloomberg, la Fed a jusqu’ici acheté 177,5
milliards de Treasuries toutes échéances confondues,
soit bien peu, compte tenu des besoins quasi insatiables
de financement de Washington cette année.
Ce statu quo a eu pour effet immédiat de faire grimper
les taux obligataires sur les marchés, en particulier
dans les longues échéances qui servent d’ancrage à la
fixation des taux hypothécaires.
Les échéances 10 ans ont gagné six centièmes, à 3,69%,
et les 30 ans tout autant, à 4,41%.
« Il se
peut que la Fed reconnaisse qu’ajouter des liquidités
n’apporte rien de plus », suggèrent Karen Cordes et
Derek Holt, économistes chez Scotia Capitaux.
À leurs yeux, la Fed est prise dans un cercle vicieux.
Dans un contexte normal, abaisser les taux d’intérêt
stimule la demande de prêts et relance la consommation.
Dans le contexte présent, la baisse des taux d’intérêt
incite les ménages à rembourser leurs dettes et les
banques à renforcer leurs bilans. Les torrents de
liquidités émises par la Fed lui reviennent sous forme
de dépôts par les institutions. Ses initiatives n’ont
plus beaucoup d’influence sur l’économie réelle.
Bien des observateurs étaient aussi à l’affût d’indices
qui indiqueraient comment la Fed entend retirer
rapidement du marché ces liquidités extraordinaires afin
d’éviter que la reprise soit entachée par une poussée
inflationniste ou par des bulles spéculatives, comme
cela a été le cas après la récession de 2001.
La lenteur avec laquelle la Fed d’Alan Greenspan avait
remonté les taux est perçue aujourd’hui comme une des
causes ayant provoqué la crise de l’habitation en 2006
et toujours loin d’être résorbée.
Le communiqué précise que « le FOMC surveille la taille
et la composition de son bilan et apportera les
ajustements à ses programmes de crédits et de liquidités
qui s’imposent ».
« Il s’agit peut-être là d’une étape vers l’esquisse
d’une éventuelle stratégie de sortie » suggère
timidement Milan Mulraine, économiste chez TD Valeurs
mobilières.
La politique de la Fed fonctionne
TAUX À
LACONSOMMATION
La politique de la Réserve fédérale américaine (Fed)
consistant à acheter des bons du Trésor et des titres de
dette liés à l’immobilier a poussé les coûts d’emprunt
du secteur privé à leur niveau le plus bas en près d’un
an. La compilation des taux
d’emprunt, qui comprend l’immobilier, a baissé à 6,68%
le 3 juin dernier, le niveau le plus bas depuis qu’il
était à cette hauteur le 18 juillet 2008.
Ainsi, l’indice Merrill Lynch Private Sector Interest
Rate Proxy, une compilation des taux d’emprunt
comprenant l’immobilier, les autos et les prêts à la
consommation, a baissé à 6,68% le 3 juin dernier, le
niveau le plus bas depuis qu’il était à cette hauteur le
18 juillet 2008.
« L’assouplissement quantitatif semble marcher », selon
Jim Caron, chef de la division de stratégie touchant les
taux d’intérêt aux ÉtatsUnis de Morgan Stanley, à New
York, qui faisait référence aux achats de titres de
dette par la Fed. « Si le signe ultime de
l’assouplissement quantitatif consiste à rendre les
emprunts dans le secteur privé disponibles et bon
marché, je dirais que c’est ce qui se produit,
ajoute-t-il. Selon ce critère, le crédit est bon marché.
»
L’indice
de Merrill Lynch a atteint un sommet record de 8,55% le
15 décembre dernier, la veille du jour où la Fed a
annoncé qu’elle était « prête à augmenter » ses achats
de titres de dette liés à l’immobilier. La banque
centrale américaine avait indiqué le 25 novembre dernier
qu’elle achèterait pour 500 milliards US de titres de
dette adossés à des hypothèques et 100 milliards US de
titres de dette émis dans le public par des organismes
gouvernementaux.
Depuis lors, les responsables ont bonifié le programme à
hauteur de 1750 milliards US, y compris des achats de
bons du Trésor jusqu’à 300 milliards US, pour ramener à
la baisse les coûts d’emprunt dans une foule de
domaines, depuis les hypothèques jusqu’aux prêts sur
cartes de crédit et aux dettes d’entreprises.
Jusqu’à présent, la Fed a acheté pour 533 milliards US
en titres adossés à des hypothèques, 153 milliards US en
bons du Trésor et 85 milliards US en titres de dette
émis dans le public par des organismes gouvernementaux,
selon des analystes d’UBS Securities.
L’indice de Merrill Lynch comporte une pondération égale
entre les taux d’intérêt sur prêts hypothécaires géants
et à taux variables, les prêts pour l’achat de voitures
neuves, les prêts sur valeur nette du logement, les
obligations à risque élevé, les prêts bancaires de 5 à
10 ans et le taux interbancaire de trois mois offert à
Londres.
Dix banques vont pouvoir rembourser Washington
CRISE
DUCRÉDIT
JPMorgan Chase& Co. et Morgan Stanley font partie
des 10 prêteurs qui ont obtenu du Trésor américain la
permission de racheter pour 68 milliards US d’actions
détenues par le gouvernement américain, ce qui les
libère d’une surveillance accrue qui a affecté leurs
pratiques concernant l’octroi de prêts, l’embauche et la
rémunération de leur personnel.
« Ces remboursements sont un signe encourageant que la
situation financière se rétablit », a souligné hier dans
un communiqué le secrétaire américain au Trésor Timothy
Geithner. « Mais nous avons encore du travail à faire »,
a-t-il ajouté.
Cette décision reflète les pressions plus grandes
exercées par les banques pour se libérer des
participations gouvernementales qui les ont rendues
vulnérables aux interférences politiques à la suite de
la grogne populaire à l’encontre du sauvetage de firmes
de Wall Street.
Le Trésor n’a pas nommé les banques. Mais en plus de
JPMorgan Chase et Morgan Stanley, American Express, Bank
of New York Mellon, BB& T Corp., Capital One
Financial, Northern Trust, State Street Corp. et U.S.
Bancorp ont toutes indiqué hier qu’elles procédaient à
des remboursements.
« D’une certaine façon, le Trésor choisit les gagnants
et les perdants », estime
Jennifer Thompson, analyste de Portales Partners, à New
York. « Il se peut qu’au départ, le ciel s’éclaircisse
au-dessus de la tête des banques qui sont en mesure de
rembourser le gouvernement » , ajoute-t-elle.
Les firmes qui ont obtenu la permission de Washington
d’effectuer des remboursements ne comprennent pas Bank
of America, plus grosse banque américaine sur le plan
des actifs, ni Citigroup, chacune d’elles ayant accepté
une aide de 45 milliards US du gouvernement américain.
Wells Fargo, premier prêteur hypothécaire aux États-Unis
et qui a reçu une aide de 25 milliards US, ne figure pas
non plus sur la liste.
Avec les
remboursements déjà reçus de 20 autres firmes, le
gouvernement américain a récupéré environ 70 milliards
US, a précisé hier le Trésor. Les paiements de
dividendes sur les actions émises pour le gouvernement
en vertu du Programme d’achat de capital atteignent
environ 4,5 milliards US jusqu’à présent, y compris 1,8
milliard US versé par les 10 banques indiquées
ci-dessus.
Les firmes qui rachètent les actions privilégiées du
gouvernement ont également le droit de racheter les bons
de souscription détenus par le Trésor et ce, à « leur
juste valeur marchande », selon le communiqué du Trésor
émis hier.
Herb Allison, le responsable nommé par l’administration
Obama pour diriger le Troubled Asset Relief Program
(TARP), a précisé aux législateurs américains la semaine
dernière que le Trésor annoncerait bientôt les détails
concernant sa politique à l’égard des bons de
souscription. La valeur totale de ces bons est d’environ
5 milliards US, selon des calculs du Trésor effectués le
mois dernier.
Huit mois
Ces remboursements surviennent près de huit mois après
que le Trésor, désireux d’enrayer la panique sur les
marchés à la suite de la faillite, le 15 septembre, de
Lehman Brothers Holdings, eut fourni à neuf banques les
premiers 125 milliards US pigés dans le fonds de 700
milliards US mis à la disposition du TARP.
Les banques américaines ont dévoilé des projets pour
lever plus de 100,2 milliards US depuis que les tests de
tension effectués par le gouvernement sur les 19 plus
importantes compagnies financières des États-Unis eurent
démontré que 10 d’entre elles avaient besoin de 74,6
milliards US en capital additionnel pour survivre à une
récession plus grave.
Le produit des remboursements au TARP contribuera à
réduire les emprunts du gouvernement fédéral américain
et la « dette nationale », indiquait le communiqué
publié hier. Les titres des sociétés financières
américaines ont bondi récemment et le sous-indice qui
leur est consacré au sein du Standard& Poor’s 500 a
progressé de 49% au cours des trois derniers mois.
Le soutien au crédit des entreprises porte
fruit, dit Flaherty
Le ministre
des Finances fédéral, Jim Flaherty, estime que son plan d’aide
au financement des entreprises porte fruit, bien que la
reprise économique réelle se fasse encore attendre.
De passage à Montréal, hier matin, le ministre des Finances a
rencontré la presse, en compagnie du président et chef de la
direction de la Banque de développement du Canada, Jean-René
Halde, afin de faire le point sur les mesures d’aide au crédit
qui ont été offertes aux entreprises dans le dernier budget
fédéral.
Davantage de prêts
« Comme vous le savez, il y a une certaine rareté du crédit,
ce qui rend la vie assez difficile (aux entrepreneurs), a
souligné M. Halde. Nous faisons plus de prêts, avec un effort
réel de prêter à nos entrepreneurs. Notre portefeuille de
prêts, pour l’année qui s’est terminée à la fin de mars 2009,
a connu une augmentation de 11%, malgré une situation de
récession, où, en temps normal, le nombre de projets de nos
entrepreneurs diminue. »
Le ministre Flaherty, de son côté, a précisé que le programme
Facilité canadienne de crédit garanti avait été adapté afin de
pouvoir offrir des prêts de moindre importance, au besoin. Une
somme de 1 milliard de dollars a ainsi été ajoutée à cette
enveloppe.
Au total, 11 milliards ont été attribués dans le cadre de ce
programme.
L’autre grand
programme d’aide au financement des entreprises auquel
participe la Banque de développement du Canada, le Programme
de crédit aux entreprises, a connu un « départ très rapide »,
selon M. Halde.
Un financement de 578 millions a ainsi été accordé aux
entreprises, de février à mai dernier.
Une reprise incertaine
Malgré ces bonnes nouvelles sur le crédit des entreprises, la
reprise économique tarde à se faire sentir. Certains évoquent
une reprise en « W », d’autres en « V » ou en « L » avec des
sursauts.
Le ministre des Finances, lui, n’a pas voulu s’avancer. « Ce
que je vois dans l’économie canadienne, ce sont certains
signes de stabilisation et certains signes positifs de la
volonté des citoyens de recommencer à dépenser », a-t-il dit.
Il a relevé, par exemple, la « grande popularité » des crédits
d’impôt pour la rénovation résidentielle offerts aux
contribuables dans son dernier budget.
Quant au déficit, il a répété qu’il devait être « à l’heure
actuelle, légèrement supérieur à 50 milliards ». Il doit faire
rapport au Parlement à ce sujet prochainement.
HARPER DÉFEND SON PLAN DE RELANCE ÉCONOMIQUE
OTTAWA— Les
effets de la récession commencent à s’atténuer, estime le
premierministreStephen Harper, qui continue de croire que le
Canada sera le premier pays industrialisé à sortir de la
crise économique.
Comme il s’était engagé à le faire auprès des libéraux de
Michael Ignatieff en janvier afin d’obtenir leur appui pour
adopter le dernier budget fédéral, M. Harper a fait hier une
mise à jour des mesures prises par son gouvernement pour
contrer les effets de la récession et relancer l’économie
canadienne.
À l’instar de certains organismes internationaux comme
l’OCDE ou le Fonds monétaire international, qui prévoient
que le Canada tirera mieux que tout autre pays son épingle
du jeu, le premier ministre se montre plutôt optimiste au
sujet de la reprise économique qui pointerait à l’horizon.
Dans son dernier budget, adopté en mars, le gouvernement
Harper a annoncé des dépenses de 40 milliards de dollars
pour relancer l’économie au cours des deux prochaines
années.
Selon M. Harper, le plan économique commence à donner des
résultats encourageants. Tout près de 80% des fonds prévus
dans le plan économique ont été engagés, a-t-il soutenu.
Il a aussi affirmé que près de 3000 projets
d’infrastructures ont été démarrés d’un bout à l’autre du
pays depuis le début de la saison de la construction. Il a
donné en exemple les projets de réfection du pont Champlain
à Montréal, du pont Alexandra à Ottawa et du pont Lift de
Burlington.
Il a aussi cité plusieurs projets lancés de concert avec les
cent à s’atténuer. Et les points forts du Canada commencent
à être remarqués au-delà de nos frontières. (…) Plus que
jamais, nous devons garder le cap », a soutenu le premier
ministre.
Au sujet des t ravai l leurs qui perdent leurs emplois, M.
Harper a affirmé que la machine gouvernementale a mis le
pied sur l’accélérateur pour traiter leur demande de
prestations d’assurance-emploi plus rapidement. La moyenne
d’attente est d’environ 28 jours pour obtenir un premier
chèque, a affirmé le premier ministre. Il a aussi rappelé
que les chômeurs que le programme ne répond pas aux réalités
de la récession que nous vivons », a dit M. Harper.
Durant sa
présentation, le premier ministre a rappelé que la crise
économique entraînera un déficit considérable en raison de
la chute des rentrées des impôts, de l’aide au secteur
automobile et de la hausse des coûts des programmes sociaux
comme l’assurance-emploi. Le déficit devrait atteindre les
50,2 milliards de dollars. Mais dans son rapport, le
gouvernement Harper s’abstient maintenant de dire quand il
prévoit éliminer ce déficit. Dans son budget, le ministre
des Finances, provinces au cours des dernières semaines,
notamment la construction de deux éoliennes géantes à
Summerside, à l’Îledu-Prince-Édouard, qui permettront
d’alimenter en électricité le quart de la population de la
ville. Ce projet permettra aussi de réduire les émissions de
gaz à effet de serre.
« Les mesures sans précédent que nous avons prises
commencent à produire des résultats. Les effets de la
récession commenpeuvent obtenir des prestations pendant cinq
semaines de plus cette année.
En outre, 100 000 Canadiens se sont prévalus du programme de
partage de travail financé à même le régime
d’assuranceemploi depuis le début de l’année.
« Le programme d’assurance emploi n’est pas parfait. Nous
envisageons d’y apporter des améliorations à l’automne. Mais
ne laissez personne vous dire JimFlaherty, avait prédit le
retour à l’équilibre budgétaire en 2013.
Cela dit, le bilan financier du Canada demeure le plus
étincelant de tous les pays industrialisés, selon M. Harper.
Et le premier ministre maintient ce qu’il dit depuis des
semaines : le Canada a été le dernier à subir les
contrecoups de la crise économique et il sera le premier à
en sortir. Selon les prévisions contenues dans le rapport,
la croissance devrait reprendre au troisième trimestre de
2009 et s’accélérer au quatrième trimestre pour atteindre 2%
et 3% en 2010.
« Comme l’ont constaté tous les autres pays du G20, dans les
circonstances actuelles, un déficit est nécessaire. Et notre
déficit sera considérable. Mais il est abordable. En fait,
comparativement à celui d’autres pays, il est plutôt modeste
», a-t-il affirmé.
M. Harper a décidé de faire cette mise à jour à Cambridge,
en Ontario, la province la plus durement touchée par la
crise économique, notamment à cause de l’effondrement de
l’industrie automobile.
Les libéraux de Michael Ignatieff avaient exigé que le
gouvernement Harper soumette des rapports tous les trois
mois après l’adoption du budget pour expliquer les progrès
réalisés pour combattre la récession.
Hier, M. I gnatieff a refusé de dire s’il juge ce rapport
d’étape suffisamment acceptable pour que ses troupes
appuient le gouvernement Harper la semaine prochaine à
l’occasion du vote de confiance sur les crédits budgétaires.
L’avenir du gouvernement minoritaire repose entre les mains
des libéraux puisque le Bloc québécois et le NPD ont fait
savoir qu’ils voteraient contre les crédits, jugeant
insuffisantes les mesures du gouvernement pour relancer
l’économie.
Le crédit à la rénovation attire un tiers des
Canadiens
OTTAWA —
Un nouveau sondage indique que plus du tiers des Canadiens
comptent profiter du crédit d’impôt qu’offre le
gouvernement fédéral pour la rénovation résidentielle.
Interrogés dans le cadre d’une enquête menée par La Presse
Canadienne– Harris Decima, 82 % des répondants ont dit
connaître le programme, grâce auquel les personnes
admissibles peuvent toucher un crédit d’impôt pouvant
s’élever à 1350 $ si elles investissent jusqu’à 10 000 $
en rénovations.
L e s p e r s o n nes â gé e s de moins de 35 ans et
celles dont le revenu annuel est inférieur à 60 000 $
semblaient moins connaître le programme.
Selon Jeff Walker, vice-président principal chez Harris
Decima, le gouvernement du Canada est parvenu à bien
communiquer la mise sur pied de ce crédit d’impôt, alors
que bien d’autres programmes semblables ne sont remarqués
que par les comptables et les actuaires.
M. Walker
a ajouté que le programme semblait avoir un effet positif
sur l’économie canadienne.
Globalement, 35% des répondants envisageaient de profiter
du programme, mais la proportion des personnes interrogées
attirées par ce crédit d’impôt était plus élevée parmi les
plus hauts salariés.
Ainsi, parmi les répondants touchant plus de 100 000$ par
année, 51% ont affirmé vouloir profiter du programme. La
proportion glisse à 41% parmi les personnes gagnant entre
60 000$ et 100 000$, tandis qu’elle chute à seulement 27%
parmi les gens dont le revenu est inférieur à 60 000$.
Un peu plus de 1000 Canadiens ont pris part au sondage,
mené entre les 18 et 21 juin. La marge d’erreur d’un
échantillon de cette taille est de 3,1 points de
pourcentage, 19 fois sur 20.
L’impact sur l’emploi surestimé
WASHINGTON — Un rapport d’étape préliminaire sur le
plan de relance de Barack Obama surévalue d’au moins
5000 le nombre d’emplois créés ou sauvés grâce au
dispositif, sur un total de 30 000, selon une étude de
l’Associated Press. La Maison-Blanche a promis de
corriger l’erreur.
La question pourrait prendre une nouvelle ampleur
aujourd’hui lorsqu’une série de rapports devraient
faire apparaître la création ou la sauvegarde de
centaines de milliers d’emplois grâce au plan.
Selon le premier bilan des effets sur l’emploi du plan
de 787 milliards de dollars, ce sont 30 000 postes qui
ont été créés ou sauvés. Mais en examinant des
contrats financés avec l’argent du dispositif, l’AP a
constaté que le chiffrage des créations d’emploi était
dans certains cas jusqu’à 10 fois supérieur à la
réalité. Certains emplois sont comptés deux fois et
parfois même plus de quatre fois, et d’autres emplois
ont été indûment mis au crédit du plan de relance.
Par exemple, une entreprise travaillant avec la
Commission fédérale des communications rapporte que
les fonds de relance ont financé 4231 emplois alors
qu’environ 1000 l’ont été effectivement. Une
université de Géorgie rapporte de son côté la création
de 280 emplois avec l’argent du plan alors qu’en
réalité aucun des postes n’a été créé grâce à ces
fonds.
L’étude de l’AP montre que certaines entreprises ont
également sous-évalué le nombre d’emplois financés par
les fonds de relance en ne signalant pas des postes
sauvegardés.
Rien
ne montre que la MaisonBlanche ait délibérément
cherché à gonfler les statistiques, mais des
responsables de l’administration ont toutefois
interprété le chiffre de 30 000 comme un premier signe
encourageant au regard de la promesse de Barack Obama
de créer ou sauver 3,5 millions d’emplois d’ici la fin
2010.
La Maison-Blanche se dit consciente du problème s
oulevé pa r l ’AP. Dans une interview, Ed DeSeve, un
conseiller de M. Obama sur le plan de relance, précise
que des agences gouvernementales travaillent avec des
entreprises bénéficiaires du plan pour rectifier le
tir. D’autres erreurs découvertes par le public seront
également corrigées, promet-il.
La Maison-Blanche a publié tôt hier un communiqué sur
la manière dont les emplois ont été comptabilisés dans
le rapport préliminaire diffusé il y a deux semaines.
Elle précise que le document n’était qu’un galop
d’essai portant sur un petit échantillon de données et
que ces chiffres n’avaient fait l ’objet que de t rois
j ours de vérifications.
La présidence américaine assure aussi avoir déjà
corrigé « quasiment toutes » les erreurs relevées par
l’AP, ajoutant que la découverte des erreurs « ne
donne pas une indication statistiquement significative
» sur la qualité des rapports complets qui seront
publiés vendredi.
Reste qu’hier, sur son site Internet, l’administration
citait encore le chiffre de 30 383 emplois liés
jusqu’à présent au plan de relance, malgré les erreurs
identifiées par l’AP. Tom Gavin, porteparole du
service budget de la MaisonBlanche, a attribué les
erreurs à des responsables ainsi qu’à des
bénéficiaires du plan qui devaient recenser ces
données pour la première fois.
Des salaires réduits de moitié
Les
patrons
des firmes renflouées par Washington subiront une
coupe d’environ 50%
Les salaires des 25 employés les mieux payés seront
réduits de 90 % en vertu du plan de M. Feinberg, plan
qui sera annoncé cette semaine, a précisé l’une des
sources qui a requis l ’a nonymat. Les employés de la
division des produits dérivés d’American I
nternational Group ( AIG), qui ont été blâmés pour le
quasi-effondrement de l’assureur l’a n dernier, ne
peuvent pas recevoir plus de 200 000 $ US en
rémunération totale, a dit l’une des personnes.
PHOTO RON EDMONDS,
ARCHIVES ASSOCIATED PRESS
La semaine dernière, Kenneth
Lewis, PDG de Bank of America (notre photo), a
consenti à renoncer à son salaire et à ses primes de
2009.
M. Feinberg, 63 ans, qui fut le patron responsable du
Fonds de compensation des victimes du 11 septembre
2001, a été nommé en juin dernier au sein de
l’administration Obama pour s’occuper des questions de
rémunération. La paie des patrons d’entreprise a été
passée sous la loupe après que des firmes eurent reçu
des milliards en aide fédérale l’an dernier tandis que
sévissait la pire crise financière depuis les années
1930. L’indignation du public a été à son comble en
mars dernier après que la firme new-yorkaise ait versé
165 millions US en primes aux employés de sa filiale
de produits dérivés.
Scrutés à la loupe
Tous les avantages particuliers de plus de 25 000 $ US
liés à un poste, tels que le service de limousine et
des aéronefs privés, doivent être approuvés par M.
Feinberg, a indiqué l’une des sources.
Dans s
on r a ppor t , M. Feinberg incitera les patrons d’AIG
qui avaient promis de remettre leurs primes à honorer
cet engagement.
L a s e ma i n e d e r n i è r e , Kenneth Lewis, PDG
de Bank of America, a consenti à renoncer à son
salaire et à ses primes de 2009. Par ailleurs,
Citigroup a accepté le 9 octobre dernier de vendre sa
filiale de transactions dans le secteur de l’énergie,
Phibro L LC, pour éviter un af f rontement potentiel
avec M. Feinberg au sujet de la rémunération de 100 mi
l l ions US prévue pour Andrew Hall, PDG de cette
filiale de Citigroup.
Au cours d’un discours prononcé mardi à Washington, M.
Feinberg a dit qu’il « travaillait chaque j our » avec
les firmes pour en arriver à un accord concernant les
rémunérations. « Les résultats parlent d’eux-mêmes »,
a-t-il dit lorsqu’on lui a posé des questions à propos
des négociations avec Citigroup concernant la paie de
M. Hall.
En plus des rémunérations à AIG, Citigroup et Bank of
America, M. Feinberg surveille la paie des patrons de
Chrysler Group, de Chrysler Financial Corp., de
General Motors et de GMAC.
WASHINGTON Les primes restent sur
la sellette
WASHINGTON — La sa nté retrouvée de grandes banques va
de nouveau poser à l’administration américaine la
question des primes de Wall Street, un sujet piège que
l’exécutif va vouloir prendre avec des pincettes,
notent des experts du secteur.
Si l’administration du président Barack Obama « en
fait une grosse affaire du point de vue politique,
elle va devoir prendre des mesures dont elle n’a pas
envie », note Douglas Elliott, de la Brookings
Institution, alors que les précédents appels à
plafonner ces primes ont été rejetés par Wall Street.
Afin de soutenir la progression des sociétés
financières sans provoquer la colère d’Américains
toujours englués dans les conséquences de la crise
économique, le gouvernement « préfèrerait ne pas
passer trop de temps sur cette question », explique M.
Elliott à l’AFP.
Le géant de Wall Street Goldman Sachs a dépassé jeudi
dernier toutes les attentes en publiant un bénéfice de
3,19 milliards de dollars au troisième trimestre,
trois fois plus que pour la période correspondante de
2008.
Son
concurrent JPMorgan Chase a également vu son résultat
trimestriel s’établir à 3,6 milliards de dollars. Même
Citigroup, pourtant en difficulté, a pu s’enorgueillir
d’un bénéfice de 101 millions de dollars.
Dans le même temps, le Wall Street Journal a estimé
que les 23 premières banques et sociétés financières
américaines s’apprêtaient à verser 140 milliards de
dollars en primes à leurs employés au titre de 2009,
soit davantage qu’en 2007, année record.
« La question des primes est l’une des dernières qui
peuvent beaucoup fâcher les gens », souligne M.
Elliott, alors que nombre de ces institutions
financières ont été sauvées par l’argent du
contribuable. Pour lui, tant l’exécutif que les
banques veulent « payer leurs employés pour qu’ils
restent motivés » sans créer une révolte dans
l’opinion publique.
Le secrétaire général de la Maison-Blanche, Rahm
Emanuel, a indiqué hier comprendre que de grosses
primes provoquent l’ire des Américains et souligné que
les banquiers devaient jouer un rôle-clé pour rétablir
la confiance dans le système financier.
« I ls sont responsables à l’égard de tout le système.
Et cela commence par ne pas s’opposer au système de
régulation et aux réformes nécessaires pour protéger
les consommateurs, les propriétaires et les autres »,
a déclaré M. Emanuel à CNN.
Les banquiers n’ont rien appris
NEW
YORK — La rémunération dans les 23 grandes
institutions financières américaines est en passe de
dépasser les 140 milliards US cette année, un record,
en dépit des tollés provoqués par diverses affaires de
bonus versés dans des établissements en faillite ou en
difficultés, selon le Wall Street Journal.
Le cru 2009 des rémunérations perçues par les
financiers américains est en passe de dépasser le
sommet atteint pour 2007 (130 milliards US), avec une
progression de 20% par rapport à l’an dernier (117
milliards US), selon les calculs du quotidien.
En moyenne, les employés de ces établissements
devraient toucher 143 400$ US, presque 2000$ US de
plus qu’en 2007.
Après la crise financière de l’an dernier, qui a
poussé le gouvernement à lancer un programme sans
précédent de sauvetage du système financier doté de
centaines de milliards de dollars, beaucoup
d’établissements financiers ont bénéficié cette année
du rebond des Bourses, du dégel du crédit, de la
reprise des fusions-acquisitions – et des retombées
positives des programmes d’aide fédérale.
Résultat,
les
banques et les autres i nstitutions financières
comprises dans cette étude devraient générer un
chiffre d’affaires total de 437 milliards US cette
année, bien au-delà des 345 milliards US de 2007, ce
qui est pour partie dû à la consolidation du secteur,
explique le quotidien.
Parmi les institutions couvertes par cette étude, la
banque d’affaires Goldman Sachs pourrait verser de 20
à 21,85 milliards US à ses employés, comparativement à
20,19 milliards US en 2007.
Cette étude est publiée alors que l ’administration
Obama pourrait publier dès cette semaine ses
recommandations sur les rémunérations en vigueur dans
sept entreprises bénéficiaires d’aide fédérale, parmi
lesquelles les banques généralistes Bank of America et
Citigroup.
D’après le quotidien, la première, qui a
considérablement grossi avec notamment l’acquisition
de la banque d’affaires Merrill Lynch, pourrait voir
son budget de rémunération bondir de 64% par rapport à
l’an dernier, à 30 milliards US. Citibank serait
partie pour verser 22 milliards US, soit 32% de moins
que l’an dernier.
Il n’est peut-être pas si méchant -
SOPHIE COUSINEAU
(NDE : N'y a-t-il pas plutôt chez lui tout ce qu'on
pourrait attendre d'un véritable chef d'entreprise ?... À
savoir quelqu'un qui préfère encore le défi à la simple
perspective de profit en tant que telle ?...)
Si vous
av iez Ca li n Rovinescu devant vous, je soupçonne que
vous auriez des tonnes de questions à lui poser. Le
service d’Air Canada, les liaisons au départ de
Montréal, le prix (obscur) des billets, la survie du
transporteur, la qualité du français en vol : ce ne sont
pas les sujets qui manquent. Air Canada ne connaîtra pas le
succès tant qu’il ne changera pas son service et son
image.
Mais en rencontre avec lui, hier, il n’y en avait qu’une
qui me brûlait les lèvres. Pourquoi diable a-t-il
accepté de présider Air Canada au pied levé ?
Ce n’est pas c omme si l’homme qui a copiloté la
restructuration du transporteur en 2003 et en 2004 ne
savait pas dans quel avion il montait. Et cela, même si
la situation financière d’Air Canada au printemps était
« plus dramatique qu’il ne l’avait imaginée ».
Ce n’est pas comme s’il ne connaissait pas cette
industrie qui souffre de surcapacité chronique.
N’importe quel bozo peut affréter des avions, décoller
en affaires et casser les prix des billets sur les
meilleures liaisons.
Accro à l ’adrénaline de la vie au bord du précipice
d’Air Canada, des palpitations qu’ils ne retrouvaient
pas, à l’évidence, chez Genuity, la banque d’affaires
que cet avocat a cofondée en 2004, Calin Rovinescu n’a
pourtant pas hésité.
« C’est un défi que je ne pouvais pas laisser passer »,
dit-il.
Calin Rovinescu concède qu’il aime le trouble, comme on
dit ; seule la créativité permet de résoudre les
problèmes qui semblent insolubles. Ce Montréalais de 54
ans – c’était son anniversaire hier – juge même qu’il a
décroché « le poste le plus intéressant » de sa vie.
Avant même qu’il ne s’assoit, le 1er avril, dans le
fauteuil encore chaud qu’occupait Montie Brewer, la
réputation de Calin Rovinescu l’avait précédé chez Air
Canada, où il a travaillé de 2000 à 2004. Tous se
souvenaient du bras droit de Robert Milton, qui était
perçu – à tort ou à raison – comme l’exécuteur des
basses oeuvres lors de la restructuration de 18 mois.
D’aucuns en ont conclu – moi la première – qu’Air Canada
ferait encore appel à la protection des tribunaux pour
se délester de ses dettes.
Le transporteur faisait face à une crise de liquidité et
était incapable de faire face à ses obligations, dont le
déficit de solvabilité de près de 3 milliards de dollars
de ses régimes de retraite. Mais Calin Rovinescu a jugé
l’opération trop risquée. Compte tenu de la frilosité
des marchés au printemps, il doutait que le transporteur
montréalais puisse obtenir un financement intérimaire.
Bref, Air Canada risquait d’y laisser sa peau.
À la surprise générale, Calin Rovinescu a négocié le gel
des salaires des employés de cinq syndicats, obtenu un
moratoire sur la capitalisation des régimes de retraite
et négocié un financement (onéreux) de 1 milliard de
dollars. Mais, pour y parvenir, ce dirigeant a changé
son approche, notamment en faisant le point sur la
situation du transporteur lors d’entrevues diffusées sur
YouTube.
« Une
chose que j’ai changée, c’est la communication. Moi,
je ne suis pas là pour gagner des concours de
popularité. Je vais faire les choses que je considère
comme nécessaires. Mais, il faut que les gens
comprennent très bien les gestes que je vais poser. »
Six mois après son arrivée, Air Canada a survécu à
cette crise. « Mais nous ne sommes pas sortis du bois
», dit Calin Rovinescu.
Et comment. L’IATA, l’association internationale du
transport aérien, s’attend à ce que l’industrie perde
11 milliards US cette année. Les transporteurs
souffrent encore des prix du carburant élevés et de la
chute de la demande. Au mieux, l’industrie renouera
avec la rentabilité en 2011, prévoit son directeur
général, Giovanni Bisignani.
Calin Rovinescu entrevoit des profits dans le même
horizon, mais refuse de s’y commettre. Encore
faudra-til qu’Air Canada dégage 500 millions de
dollars par année en économies (400 millions) et en
revenus supplémentaires (100 millions). Un programme
ambitieux pour un transporteur qui a déjà coupé dans
le gras.
Comment Air Canada estil revenu là ? Nombreux sont
ceux qui jugent que le holding qui le chapeaute,
Gestion ACE Aviation, a menacé la pérennité du
transporteur en le morcelant pour des profits rapides.
Comme président d’Ai r Canada, Calin Rovinescu
n’aimerait-il pas pouvoir compter sur les revenus plus
stables de ses ex-filiales Aéroplan ( programme de
fidélisation), Jazz Air (transporteur régional) et
Aveos (services techniques)? Calin Rovinescu refuse de
porter un jugement en bloc sur ces délestages. Selon
lui, il faut juger au cas par cas.
« Aéroplan a été un énorme succès. Quant aux deux
autres, le j ury dél i bère encore… L’argent récolté a
permis à Air Canada de renouveler sa flotte et
d’acheter des systèmes de divertissement. Au final,
c’est positif. »
Air Canada ne reviendra pas à la rentabilité en
rétrécissant comme peau de chagrin. Le transporteur
devra accroître ses revenus, surtout à
l’international. Après avoir été dépendante des
voyageurs d’affaires, Air Canada courtisera les
vacanciers et les familles éclatées avec de nouveaux
vols directs.
Ma i s , A i r Ca n a d a ne connaîtra pas le succès
tant qu’il ne changera pas son service et son image,
le talon d’Achille de ce transporteur que les
Canadiens aiment détester. Le grand défi de Calin
Rovinescu, il est là.
Le transporteur s’est déjà attaqué à certaines soucres
d’irritation. Par exemple, les voyageurs qui veulent
discuter avec un agent n’ont plus à débourser 25 $. «
Payer pour parler à quelqu’un dans un centre d’appel,
je n’ai jamais été d’accord avec cela », dit le
président d’Air Canada.
On est fait pour s’entendre.
LONDRES Les bonus des banquiers au
centre des débats
LONDRES — Les ministres des Finances et banquiers
centraux du G20 seront ce weekend à Londres au chevet
d’une économie mondiale au mieux convalescente, pour
évaluer les moyens de prévenir une nouvelle crise,
avec les bonus des banquiers en ligne de mire. Les ministres des Finances et
banquiers centraux du G20 se réuniront ce week-end à
Londres. Ils tenteront entre autres de trouver des
moyens pour prévenir une autre crise.
L a r éu nion , c e s oi r et demain, prépare le
sommet des chefs d’État du G20 à Pittsburgh, aux
États-Unis, les 24 et 25 septembre.
La quest i on des bonus devrait être au centre des
débats, ces rémunérations sensationnelles pouvant être
une cause du dérapage des banques vers la bulle du
crédit qui a explosé mi-2007.
La France, active à domicile, s’est démenée pour
rallier l’ensemble de l’Union européenne ( UE) à son
combat, parvenant à ce que le premier ministre
britannique Gordon Brown signe avec le président
Nicolas Sarkozy et l a chancelière allemande Angela
Merkel, hier, une lettre réclamant des « règles
obligatoires » sur les rémunérations dans les pays du
G20, assorties de sanctions le cas échéant.
Les trois dirigeants veulent notamment « examiner les
moyens de limiter le montant des rémunérations
variables (bonus) dans les banques », en proportion
des rémunérations totales ou des bénéfices. M. Brown,
encore réticent mardi à demander une limitation des
bonus, « difficile » selon lui dans un environnement
international, semble donc avoir trouvé un compromis
avec ses voisins.
Les poids lourds de l’ UE devront batailler cependant
contre l’inertie des États-Unis, pour qui les bonus
sont « un non-sujet », selon ce que déplore un
officiel européen. La ministre des Finances française
Christine Lagarde a résumé: « Il faudra dérouler le
rouleau compresseur européen (...) pour convaincre nos
amis américains. »
Quel que soit le résultat de la réunion, les bonus des
banquiers n’ont jamais été autant sur la sellette. Le
propre président de l’Autorité des marchés financiers
(AMF), Jean-Pierre Jouyet, a considéré que « les r
émunérations excessives n’avaient aucune légitimité ».
Celui de la Financial Services Authority (FSA)
britannique, Adair Turner, a même suggéré une taxe
pour les limiter.
Poursuivre les efforts
La réunion survient alors que l’économie mondiale
semble se rétablir. Le président de la Banque centrale
européenne ( BCE), Jean-Claude Trichet, a signalé hier
la quasi-fin de la récession en zone euro (voir autre
texte). La France et l’Allemagne, mais aussi le Japon,
sont sortis du rouge au deuxième trimestre, et
l’économie américaine s’améliore.
Alors que d’exceptionnelles mesures de soutien aux
banques et aux économies ont été prises depuis un an,
engendrant des déficits énormes, le G20 Finances
devrait ainsi évoquer la nécessité de coordonner les «
stratégies de sortie » de la crise.
Mais dans un entretien au quotidien The Independent,
le ministre britannique Alistair Darling a mis en
garde hier contre tout arrêt prématuré des mesures de
relance, pour ne pas contrecarrer une reprise «
durable » de l’économie.
M. T r i c het a noté que « beaucoup de travail
restait à faire ». « La pire attitude », selon lui,
serait de revenir trop vite à « business as usual ». «
Ce serait une erreur totale », a-t-il bien prévenu.
Outre les bonus, les paradis fiscaux, autre thème cher
à la France, seront au menu du G20 Finances. Les
grands pays européens veulent des s a nc t i ons dès
mars 2 010 contre les pays en infraction. Mais les
Américains considèrent pour leur part la question déjà
réglée par la déclaration du G20 du 2 avril à Londres.
Le débat portera aussi sur les normes comptables ou
sur les fonds propres des banques.
Mais Américains et pays émergents s’intéressent plutôt
à la réforme du Fonds monét aire i nternational (
FMI). Ils demandent une meilleure représentation des
émergents, l’ UE craignant que ce soit à ses dépens.
Les ministres se mobilisent pour encadrer
les bonus bancaires
BRUXELLES — Les ministres européens des Finances ont
promis hier de militer pour mieux encadrer les bonus
bancaires au niveau mondial en vue du prochain sommet
du G20, mais le flou règne encore sur la forme précise
que cet encadrement pourrait prendre.
« Il y a eu une position européenne commune forte sur
la question des rémunérations et des bonus », a
déclaré le ministre suédois des Finances, Anders Borg,
dont le pays préside l’UE, à l’issue d’une réunion
avec ses homologues européens.
Cette réunion visait à préparer le sommet du G20 de
Pittsburgh des 24 et 25 septembre sur l’économie
mondiale, et avant cela une réunion des ministres des
Finances du G20 demain et samedi à Londres.
Les ministres des Finances de l’UE ont adopté un texte
dans lequel ils appellent notamment le G20 à plaider
pour « augmenter le lien entre les rémunérations », en
particulier les bonus, « et les performances ».
« L’UE appelle les pays du G20 à s’engager à prendre
des mesures efficaces à l’encontre des banques qui ne
suivent pas les principes » en ce sens, indiquent-ils
également.
« Clairement, il y aura beaucoup de travail à faire »,
a reconnu M. Borg. Mais, a-t-il dit, « je crois qu’il
est assez clair que maintenant nous avons mis une
forte pression de l’autre côté de l’Atlantique » et
des ÉtatsUnis, où l’appétit pour une limitation
autoritaire des primes aux banquiers est faible.
La ministre française des Finances, Christine Lagarde,
s’est de son côté félicitée que l’Europe ait désormais
« une position très claire » consistant « à encadrer
rigoureusement avec des mécanismes de sanctions et
avec un principe de plafond les rémunérations
variables ».
Plusieurs
grands argentiers européens, dont le chef de file des
ministres des Finances de la zone euro, Jean-Claude
Juncker, ont soutenu la position française d’une
limitation internationale des bonus bancaires.
Bonus-malus
Le président français Nicolas Sarkozy a annoncé la
semaine dernière son intention de faire une
proposition en ce sens au G20, à la suite de l’annonce
dans son pays de mesures pour limiter les primes des
courtiers.
Les banques françaises ont accepté la mise en place
d’un système de bonus-malus, avec versement différé
d’une partie du bonus. En vertu de ce nouveau système,
si les performances ne sont pas au rendez-vous dans la
durée, la partie différée du bonus ne serait pas
versée.
Les initiatives prises par la France ont été « un
élément clé » des discussions entre les ministres des
Finances européens, a indiqué M. Borg.
Mais les ministres n’ont cependant pas abordé
précisément hier la forme que pourrait prendre
l’encadrement plus strict des bonus, alors que la
GrandeBretagne, qui abrite la City, principale place
financière européenne, est très réticente face à une
limitation internationale.
Le maire de Londres, Boris Johnson, en déplacement à
Bruxelles, a d’ailleurs indiqué hier à l’AFP qu’il
jugeait « difficile » de trouver un « système
satisfaisant » pour limiter les bonus des banquiers.
Selon lui, les banques pourront trouver facilement un
autre moyen de rémunération équivalent pour leurs
courtiers.
La ministre des Finances française, Christine Lagarde,
a du reste reconnu qu’il n’y avait pas eu, au niveau
de l’UE, « la capacité d’engager un tour de table
aussi serré » qu’au niveau des ministres de la zone
euro.
« Le ministre ne veut pas faire rire de
lui »
Clément Gignac était encore à Ottawa quand le patron
d’AbitibiBowater, John Weaver, a pris sa retraite avec
17,5 millions dans les poches… pendant que l ’ entrepr
i s e demandait à Québec de la sortir du gouffre avec
un prêt de 100 millions. De l’autre côté de la rivière
des Outaouais, il a appris une leçon. « Il est évident
que je veux resserrer les normes de gouvernance et
d’éthique. Ce n’est pas vrai que le gouvernement
québécois va lancer des bouées de sauvetage à des
entreprises et que, 12 ou 24 mois après, on apprend
qu’il y a des primes de séparation et des bonus qui
sont versés. »
Clément
Gignac
fa it la distinction entre les entreprises qui r
eçoivent une aide de l’ État pour i nvest i r a u
Québec e t c e l l e s dont la survie dépend des fonds
publics. Celles de la deuxième catégorie devront
montrer patte blanche. « Le ministre du Développement
économique ne veut pas faire rire de lui sur la place
publique », dit-il.
Il veut s’assurer que « si je lance une bouée de
sauvetage, qu’avant d’organiser un party, on rembourse
peut-être les contribuables québécois ». Cette mesure
s’appliquerait tant à l’aide versée par I
nvestissement Québec que la Société générale de
Financement, deux sociétés qui relèvent de lui.
Inspiré des mesures mises en place par le président
Obama quand il est allé à la rescousse des banques
américaines, il veut s’assurer « un droit de regard »
avant « que la haute direction se verse des bonus ou
verse des dividendes aux actionnaires ou des primes de
séparation ».
RÉMUNÉRATION DES PATRONS Plus de pouvoir aux actionnaires
Le Mouvement
d’éducation et de défense des actionnaires fait part de sa
vision
Le chef de la direction d’une grande entreprise devrait laisser
ses actionnaires approuver ou rejeter, lors d’un vote
consultatif, sa politique de rémunération telle qu’établie par
un comité indépendant: voilà la vision du Mouvement d’éducation
et de défense des actionnaires (MEDAC). L’organisme fondé par
Yves Michaud a publié hier un document qui étaye cette vision et
qui précise ses attentes auprès des entreprises. « La
cupidité étant forte dans la nature humaine, on se retrouve
avec des situations qui sont inacceptables, a constaté Claude
Béland, président du conseil du Mouvement d’éducation et de
défense des actionnaires. Notre démarche consiste à revenir à
des normes plus raisonnables, plus justes. »
Le MEDAC souhaite, en gros, la mise en place de systèmes de
rémunération transparents, la formation de comités de
rémunération tout à fait indépendants et un assainissement de la
participation des actionnaires.
Le président du conseil de l’organisme, Claude Béland, admet
qu’il en demande beaucoup aux grands patrons, mais il demeure
optimiste. « Je sais personnellement que les institutions y
travaillent actuellement, a-t-il assuré en conférence de presse.
On aura des rencontres avec elles. La volonté me semble être
d’arriver à quelque chose de pas trop mou ou trop insultant pour
leurs actionnaires. »
Une transparence digne de ce nom implique pour le MEDAC la
divulgation des principes et mécanismes de la politique de
rémunération, en plus du montant global et de ses principales
composantes – notamment le salaire de base fixe, les primes, les
contributions à des régimes de retraite et les indemnités de
départ. Il recommande aussi qu’on justifie tous les montants.
« Nous souhaitons connaître l’écart qui existe entre la
rémunération du plus haut dirigeant et celle du salarié moyen »,
a ajouté Louise Champoux-Paillé, secrétaire du conseil du MEDAC.
Elle a souligné que cet écart atteint souvent un niveau qui peut
paraître indécent. « Ce ratio est aujourd’hui (aux États-Unis)
de 300 fois, 400 fois! »
« La cupidité étant forte dans la nature humaine, on se retrouve
avec des situations qui sont inacceptables, a constaté M.
Béland. Notre démarche consiste à revenir à des normes plus
raisonnables, plus justes. »
« On veut
contenir ou rendre raisonnable la rémunération globale, on
veut réduire la portion variable pour éviter la prise de
risques trop importants, et on veut réduire l’écart entre le
salaire moyen et celui de la haute direction », a précisé Jean
Legault, trésorier du conseil.
Claude Béland a souligné que des rémunérations excessives
basées en trop grande partie sur un système de primes peuvent
constituer des coûts importants et même mettre en danger la
pérennité des entreprises, car elles peuvent inciter les
dirigeants à prendre des décisions hautement risquées et miner
la confiance des investisseurs en accaparant une trop grande
part des bénéfices.
« On se dit : " coudonc, l’entreprise existe-t-elle pour les
hauts gestionnaires ou pour les actionnaires?" a lancé
l’ancien président du Mouvement des caisses Desjardins. Ça
fait aussi naître une perception d’injustice chez les employés
et chez les collaborateurs. »
Le MEDAC estime non seulement que les membres des comités de
rémunération devraient être indépendants de l’entreprise, mais
également que le chef de la direction ne devrait, en aucune
façon, ni être impliqué dans leur sélection ni participer ou
assister à leurs travaux. Et pas plus du tiers du comité ne
devrait être composé de chefs de la direction d’entreprises de
taille similaire. Des conseillers externes devraient également
être consultés.
Et une saine participation des actionnaires passe par la mise
sur pied d’un processus de consultation leur permettant
d’obtenir d’organismes indépendants leur appréciation du
système de rémunération proposé bien avant le vote, d’après
l’organisme.
Toutes les banques canadiennes ainsi que les sociétés BCE,
Manuvie, Industrielle-Alliance, Sunlife et le Groupe TSX ont
déjà accepté de tenir auprès de leurs actionnaires des votes
consultatifs sur la rémunération de leurs gestionnaires à
partir des assemblées générales de 2010.
Des experts suggèrent de plafonner les salaires
des PDG - Francis Vailles
CRISE
FINANCIÈRE
Abolir les options d’achat d’actions, plafonner la paye des
PDG et accorder un droit de vote aux seuls actionnaires qui
détiennent leurs titres plus d’un an. Voilà le genre de
propositions que font deux éminents auteurs québécois dans
leur livre pour réformer le capitalisme.
Yvan Allaire et Mihaela Firsirotu estiment qu’il faut une
série de changements fondamentaux pour empêcher une autre
crise financière. Et pour ce faire, ils estiment que c’est
au gouvernement d’intervenir, notamment en changeant la Loi
canadienne sur les sociétés par action.
« Il faut redonner aux entreprises une structure de
propriété plus stable, une durée. Le modèle classique «une
action un vote» est à la base des fiascos à répétition
depuis 25 ans », affirme Yvan Allaire, au cours d’un
entretien avec La Presse Affaires.
Dans le
livre Black Markets… and Business Blues, les auteurs passent
en revue les changements du système ces dernières années,
déterminent les lacunes qui ont provoqué la crise et
proposent des solutions.
Dans les années 60, les actionnaires détenaient en moyenne
leurs actions durant sept ans. Cette détention est passée à
deux ans en 1992 et à sept mois en 2006, année la plus
récente disponible. Autrement dit, les actionnaires des
entreprises en Bourse sont souvent de passage et donc guère
intéressés à la pérennité de l’organisation. Les dirigeants
ne se soucient plus des petits actionnaires, mais des fonds
spéculatifs ( hedge fund), des fonds vautours, etc.
Ces actionnaires veulent des rendements à court terme et
peuvent changer le sort d’une entreprise en acquérant
rapidement un gros bloc d’actions et donc des votes.
«
L’équivalent de cette pratique démocratique serait de donner
le droit de vote dans un pays à quiconque serait sur place
le jour des élections (voyageurs, touristes, etc.) »,
écrivent les auteurs.
I l s proposent donc que le gouvernement intervienne pour
encourager la détention à long terme. La Loi pourrait
carrément n’accorder le droit de vote qu’après un an de
détention des actions.
D’autres mesures incitatives sont proposées : donner deux
votes par action après trois à cinq ans de détention,
permettre aux entreprises de bonifier le dividende des
actionnaires à long terme, réduire le taux d’imposition sur
le gain en capital pour les vieux actionnaires.
Abolir les options
Le mode de rémunération des dirigeants est un autre vice de
cette dynamique du court terme. Selon M. Allaire, lier la
rémunération directement aux actions a été une erreur et le
principal véhicule de cette f or me de r émunération, l es
options d’achats d’actions, doit être aboli.
« Le prix
des actions est trop volatil et influencé par une série de
facteurs indépendants de la volonté des gestionnaires et ils
peuvent, dans une large mesure, être manipulés à court terme
», est-il écrit dans le livre.
Les auteurs proposent de remplacer cette rémunération par
des paiements basés sur des variables plus stables et
prévisibles, comme le rendement de l’actif ou la valeur
économique ajoutée.
Autre suggestion : plafonner la rémunération des patrons à
un multiple d’au plus 50 à 100 fois le salaire moyen des
employés. « Il faut que les employés sentent que les
dirigeants sont sur le même bateau », dit M. Allaire, qui
est président du conseil de l’ Institut pour la gouvernance
( IGOPP).
Les auteurs remettent par ailleurs en valeur les actions
multivotantes, qui donneraient davantage de stabilité aux
organisations. Ils vantent également les coopératives et
parlent même des sociétés d’État. Certes, ces structures de
détention sont imparfaites, mais elles n’ont pas provoqué la
catastrophe planétaire de l’automne dernier.
« L’entreprise devrait rester privée le plus longtemps
possible sans aller en Bourse dans la mesure où elle peut
avoir accès à des fonds », dit-il.
Le livre est rédigé en anglais, dit M. Allaire, pour
rejoindre un auditoire plus large, notamment au Canada
anglais. « Aucune entreprise ne prendra individuellement de
telles décisions. Elle se ferait lapider par les marchés. Il
faut que le nouveau terrain de jeu soit fixé par les
gouvernements », dit M. Allaire.
Le
vote consultatif ou l'avenir de la rémunération... - SOPHIE
COUSINEAU
LA POLITESSE BRITANNIQUE
Très rares
sont les entreprises qui ont perdu le vote sur leur
rémunération.
Les salaires et primes au Royaume-Uni n’ont rien à voir avec
les rémunérations stratosphériques aux États-Unis, même à la
City, le coeur financier de Londres. C’est pourtant ce pays
qui, le premier, a forcé ses entreprises en Bourse à soumettre
la rémunération de leurs grands patrons au vote des
actionnaires.
La grogne a commencé au début des années 90. À l’époque, les
dirigeants d’anciennes sociétés des travaux publics
privatisées par le gouvernement de Margaret Thatcher ont reçu
de faramineuses hausses de salaires pour des profits qui
tenaient davantage de leurs clientèles captives qu’à leurs
talents de gestion.
Puis il y a eu, plus largement, un rattrapage salarial
accéléré chez les grands patrons britanniques. Ils ont vu leur
rémunération progresser de 600% entre 1979 et 1994, souligne
Randall Thomas, professeur de management à l’école de droit de
l’Université Vanderbilt, au Tennessee.
Le gouvernement conservateur de John Major s’en est remis à un
comité patronal britannique. Sa conclusion : une transparence
plus grande suffira à contenir les excès.
Toutefois, selon certains experts, la divulgation de la
rémunération a plutôt eu l’effet contraire. Les consultants en
ressources humaines ont entré ces salaires et primes dans
leurs bases de données. Puis les comparaisons entre
entreprises ont alimenté la spirale inflationniste.
Au début des années 2000, un PDG britannique gagnait le tiers
de son équivalent américain, selon une étude des consultants
Mercer. Mais au fil des années, l’écart entre les
rémunérations des PDG, d’un côté et de l’autre de
l’Atlantique, a rétréci, pour le plus grand bonheur des
tabloïds, qui s’en sont donné à coeur joie.
« Le sujet est devenu très politisé », dit Colin Melvin, chef
de la direction de Hermes Equity Ownership Services, le
consultant en gouvernance af filié au gestionnaire de fonds
Hermes, de Londres.
Le gouvernement travailliste de Tony Blair est intervenu en
2002. Depuis, les entreprises en Bourse doivent soumettre leur
rapport de rémunération à un vote consultatif, une fois l’an.
Seules exceptions : les entreprises étrangères inscrites à la
cote d’une Bourse britannique et celles dont les titres se
négocient sur le marché parallèle AIM.
Les actionnaires britanniques ont utilisé ce nouveau droit
avec beaucoup de discernement. Très rares sont les entreprises
qui ont perdu le vote sur leur rémunération. L’un des cas les
plus publicisés est celui de GlaxoSmithKine. En 2003, la
généreuse prime de départ accordée au chef de la direction,
Jean-Pierre Garner, a révolté les actionnaires. Ils ont voté à
50,7% contre.
La société
pharmaceutique s’est défendue en faisant valoir que sa
rémunération devait être concurrentielle avec celle des rivaux
de Glaxo aux États-Unis. Mais, à la suite de cette déconvenue
publique, elle a changé son fusil d’épaule en multipliant les
rencontres avec les groupes d’actionnaires. C’est ainsi qu’à
l’assemblée annuelle de 2004, Glaxo a présenté une
rémunération sensiblement transformée.
« La plupart des entreprises préfèrent négocier avec les
représentants des actionnaires, plutôt que de soumettre au
vote une rémunération controversée et de perdre la face, note
Colin Melvin. Toute l’action se passe donc avant le vote. »
Selon ce consultant, le vote consultatif a contribué à
démocratiser les entreprises. Auparavant, seuls les grands
investisseurs institutionnels avaient accès aux
administrateurs pour discuter de rémunération. « Les
investisseurs petits et moyens ont maintenant leur mot à dire
», dit-il.
Élever le débat
À ses yeux, le vote consultatif a non seulement élargi, mais
élevé le débat au Royaume-Uni. « Les investisseurs portent
plus d’attention à la perspective à long terme, en repoussant
les mesures incitatives qui amèneraient les dirigeants à
prendre des décisions qui sont payantes à court terme, mais
mauvaises à long terme », dit Colin Melvin.
Quel a été l’effet du vote des actionnaires sur la
rémunération ? À partir de cas isolés, certains observent que
les indemnités de départ, qui atteignaient deux ou trois fois
la rémunération annuelle, se sont dégonflées à une année de
salaire et de prime.
Deux chercheurs de Harvard, Fabrizio Ferri et David Maber, ont
étudié plus scientifiquement la loi, en comparant la
rémunération des entreprises avant et après son adoption.
Le vote consultat i f n’a pas fait tomber, d’un grand coup, la
rémunération au Royaume-Uni, concluent-ils. Pas plus qu’il n’a
mis un terme à l’hyperinflation des salaires et des primes,
qui découle des lois du marché. Mais, il a diminué les «
récompenses à l’échec » les plus grossières, en arrimant mieux
les primes aux résultats de l’entreprise. En ce sens, il a
fait mouche.
Le vote consultatif pose une question fondamentale : qui
détermine la rémunération des grands patrons ? Les défenseurs
des droits des actionnaires considèrent qu’ils devraient avoir
un droit de veto sur les décisions du conseil. Alors que les
administrateurs jugent que seul le conseil peut établir la
rémunération.
« Le vote consultatif, conclut le professeur Randall Thomas,
c’est au mieux un compromis malaisé entre les deux. »
Le vote consultatif est à la frontière
Ce n’est qu’une
question de jours, semble-t-il, avant que les démocrates ne
soumettent au Congrès un projet de loi pour mieux défendre les
intérêts des actionnaires qui comprendrait un vote consultatif
sur la rémunération des patrons.
Carol Bowie, chef de l’Institut de gouvernance de RiskMetrics,
des consultants de New York, cache mal son impatience. « On
s’attendait à ce que cela survienne avant, mais on comprend que
le Congrès ait été distrait. »
Les experts en gouvernance croyaient que le vote consultatif
figurerait au bilan des 100 premiers jours de l’administration
Obama. Il faut savoir que le président a fait campagne sur cette
question. C’est même lui qui a parrainé au Sénat un projet de
loi en ce sens qui avait reçu un appui sans équivoque à la
Chambre des représentants. Mais le projet de loi est mort au
feuilleton avec le changement de gouvernement.
Il n’empêche que
toutes les institutions financières à capital ouvert qui ont été
renflouées par le gouvernement doivent soumettre leur
rémunération à un vote consultatif. Avec la vingtaine
d’entreprises qui ont accepté de tenir de tels votes, l’assureur
Aflac étant le premier, ce sont près de 300 votes consultatifs
qui se tiendraient cette année.
« Les entreprises qui se sont portées volontaires veulent passer
pour des leaders en gouvernance. Mais comme les votes ne sont
pas uniformisés, cela donne parfois de drôles de choses. »
Ainsi, l’assureur MBIA a choisi de faire voter ses actionnaires
sur des aspects très précis et limités de sa rémunération, ce
qui fait sourciller Carol Bowie. Selon elle, cela démontre la
nécessité d’une réglementation, pour que tous les actionnaires
disposent des mêmes recours.
Mais est-ce qu’un vote consultatif limitera l’escalade des
primes et des salaires. « C’est la question à 64 millions de
dollars! »
L’exubérance australienne
Les Australiens
ont emboîté le pas aux Britanniques en 2004, avec un règlement
sur le say on pay qui a révolutionné les assemblées annuelles
des entreprises. Mais ils sont beaucoup moins réservés que les
Britanniques quand vient le temps d’exprimer leur opposition à
la politique de rémunération d’une entreprise.
En 2005, la première année au cours de laquelle les entreprises
étaient tenues de soumettre leur rémunération à un vote
consultatif, une seule société a vu sa rémunération rejetée à
plus de 50%. Il n’empêche que le tiers des grandes entreprises
australiennes ont enregistré des votes de protestation de 10% et
plus, selon une analyse du Australian Financial Review.
Depuis, les cas d’actionnaires qui se révoltent, par un vote
majoritaire ou presque, ne cessent de croître, constate Jennifer
Hill, professeur à l’école de droit de l’Université de Sydney.
En 2006, six entreprises – Oxiana, Zinifex, Tabcorp,
Tattersall’s, Coles Myer et Telstra – ont été huées de la sorte
par leurs actionnaires.
Le cas le plus intéressant est celui de Telstra, le Bell Canada
de l’Australie. En 2007, des actionnaires représentant 66% des
actions en circulation ont rejeté le rapport de rémunération de
cette société de télécoms. Ils considéraient que les primes
étaient mal calibrées, étant axées sur la performance à court
terme plutôt que sur celle à long terme.
« Une question
de culture »
Au lieu d’en prendre acte, le conseil d’administration de
Telstra n’a pas changé sa politique de rémunération d’un iota.
Pis, elle a rejeté le blâme sur les actionnaires, qui n’auraient
pas compris les subtilités de son rapport de rémunération!
Comment se fait-il que les actionnaires australiens semblent
moins réservés que les actionnaires britanniques quand vient le
temps de protester ? « C’est peut-être une question de culture
», suppute Jennifer Hill. Cette professeure note que de petits
votes de protestations sont souvent décrits, dans la presse
britannique, comme des « rébellions ». À
moins que les excès soient plus répandus en Australie.
RÉMUNÉRATION
DES PATRONS : UN MOT À DIRE - SOPHIE COUSINEAU
Tous les printemps, Louise ChampouxPaillé, administratrice
du Mouvement d’éducation et de défense des actionnaires, part en
pèlerinage aux assemblées annuelles des grandes entreprises du
pays, sa valise et ses documents sous le bras. Voilà trois ans
que le MEDAC réclame, au nom des petits investisseurs, une voix
au chapitre de la rémunération des grands patrons.
Les propositions du MEDAC ont toujours mordu la poussière, tout
comme celles de Meritas, un gestionnaire de fonds communs de
l’Ontario. Jusqu’à cette année, où le vent a tourné.
Depuis le début de 2009, 11 entreprises – dont toutes les
grandes banques– ont promis de tenir un vote consultatif sur les
émoluments de leurs dirigeants (voir encadré en pages 2 et 3).
Et BCE se joindra vraisemblablement à elles, puisque son conseil
d’administration recommande à ses actionnaires d’approuver
pareil vote à son assemblée, jeudi.
« C’est l’une des plus grandes victoires que nous ayons
arrachées, dit Louise ChampouxPaillé, ex-directrice du Bureau
des services financiers du Québec. C’est la participation
actionnariale qui prend son envol. »
Les salaires pharaoniques ne datent pas d’hier. Mais depuis
quelques mois, la moutarde monte au nez des petits
investisseurs. Alors qu’ils ont vu leurs portefeuilles fondre à
vue d’oeil, ils constatent que certains PDG sont relativement
épargnés par la tourmente financière. Pour ces dirigeants,
l’ascenseur de la rémunération semble toujours monter plus vite
qu’il ne redescend.
Les primes de
rétention versées aux dirigeants de la filiale délinquante de
l’assureur AIG ont scandalisé les États-Unis. Mais le Canada
n’est pas en reste.
Gonflées par des primes de départ ou des « primes de
reconnaissance pour services exemplaires », les rémunérations
des PDG démissionnaires choquent (voir encadré). Il en va de
même des années de service au régime de retraite qui se
multiplient plus rapidement que les rides au visage des grands
patrons…
Ce sont ces exagérations qui font sauter le couvercle de la
marmite. Voilà pourquoi des actionnaires réclament le droit de
dire non, c’est assez.
Leaders craintifs
Cela ne coûte rien à l’entreprise, contrairement aux salaires,
aux primes qu’elle offre à ses dirigeants! Mais cela suscite de
grandes craintes chez certains leaders économiques.
Crainte de voir des actionnaires ignorants des réalités
d’affaires dicter la conduite de l’entreprise. Crainte de
gaspiller du temps à gagner l’adhésion des actionnaires. Crainte
d’avoir l’air fou si les investisseurs expriment malgré tout
leur mécontentement.
Au Royaume-Uni
, les entreprises en Bourse n’ont plus le choix. Depuis 2003,
elles doivent soumettre la rémunération de leurs plus hauts
salariés à leurs actionnaires. Les Australiens ont emboîté le
pas aux Britanniques avec une loi sur le vigueur en 2005.
Plus près, les États-Unis sont sur le point d’obliger les
entreprises à tenir un vote consultatif sur la rémunération,
une promesse électorale de Barack Obama. Cette exigence se
trouvera dans le projet de loi sur la bonne gouvernance que
déposera bientôt le sénateur Charles Schumer, a révélé le Wall
Street Journal samedi dernier.
say on pay
entrée en
Mais déjà, les institutions financières que le gouvernement a
renflouées grâce au programme TARP doivent soumettre leur
rémunération à un vote consultatif. Près de 250 entreprises
seront touchées dès cette année, estime Carol Bowie, chef de
l’Institut de Gouvernance de RiskMetrics, une firme de
consultation de New York.
Pas de consensus
Pendant ce temps, le Canada reste en marge du débat qui fait
aussi rage en Allemagne et en Suisse. L’occasion s’est
pourtant présentée en décembre, alors que les 13 autorités en
valeurs mobilières du pays ( ACVM) ont accouché d’une réforme
des règles de gouvernance, encore en consultation.
L’un de ses principes directeurs, c’est que les entreprises
doivent « entretenir un dialogue avec les actionnaires ». Mais
les entreprises peuvent le faire à leur façon, explique Louis
Morisset, surintendant aux marchés des valeurs de l’Autorité
des marchés financiers du Québec.
« Nous n’avons pas réussi à avoir de consensus (entre les
autorités), dit-il. À la lumière de ce qui s’est fait dans le
monde, certains prétendent que le temps passé à préparer le
vote – une diversion– devrait être mis sur la gestion. »
Même Teachers’
s’oppose au say on pay.
Pourtant, la caisse de retraite des enseignants de l’Ontario
intervient auprès des conseils d’administration lorsqu’elle
considère que la rémunération dépasse les bornes, comme elle
l’a récemment fait à la Bourse de Montréal. « Nous croyons que
la rémunération est mieux conçue et gérée par les conseils
d’administration qui sont, après tout, les représentants élus
des actionnaires », a récemment expliqué son chef de la
direction, Jim Leech, à un quotidien torontois.
Louis Morisset reconnaît toutefois que le Canada peut
difficilement être insensible à ce qui se passe aux
États-Unis. « On va assurément en rediscuter », dit-il.
Cet intérêt est beaucoup trop timide aux yeux de Laura
O’Neill, directrice, droit et politique, du Shareholders
Association for Research& Education (SHARE), un organisme
de Vancouver. « Le régulateur devrait s’impliquer maintenant,
plutôt que de nous forcer à mener des batailles, entreprise
par entreprise », dit-elle.
Il n’y a qu’une poignée d’entreprises « plus responsables »
qui aient accepté de tenir des votes, et celles-ci se
concentrent dans le secteur bancaire. Ainsi, les moyens à la
disposition des actionnaires, pour inciter les entreprises à
se départir de politiques de rémunération excessives, sont
très inégaux, déplore Laura O’Neill.
Autre problème: faute de réglementation, les entreprises
peuvent faire voter leurs actionnaires sur n’importe quoi.
Ainsi, même les défenseurs des petits investisseurs ne
s’entendent pas !
SHARE aimerait que les actionnaires puissent s’exprimer sur la
rémunération qui a été versée aux hauts dirigeants l’année
précédente, telle que détaillée dans la circulation de
procuration. C’est ce qui se fait au Royaume-Uni.
Le MEDAC a abandonné l’idée d’exiger un vote contraignant;
c’est le cas au Danemark, où les actionnaires dictent la
partie variable de la rémunération. En revanche, il tient
mordicus à ce que les actionnaires se prononcent sur la
politique de rémunération avant que celle-ci soit mise en
oeuvre, soit avant que le salaire et les options ne soient
versés.
La Banque Nationale du Canada, qui s’est engagée à tenir un
vote consultatif l’an prochain, n’a pas encore déterminé de
quelle façon elle sondera ses actionnaires. « On a des
discussions à l’interne, mais les modalités restent à préciser
», explique son porte-parole Denis Dubé.
Pour ou contre. Lorsque les actionnaires auront enfin un mot à
dire, leur réponse sera d’une simplicité manichéenne. Mais le
débat que soulève le vote sur la rémunération est tout sauf
simple.
Le vote consultatif à l’usure
- Sophie Cousineau
C’est la
petite surprise d’une assemblée des actionnaires sans
grande histoire. Pierre Beaudoin, président et chef de la
direction de Bombardier, s’est montré ouvert hier à ce que
les actionnaires de l’entreprise montréalaise puissent
éventuellement se prononcer sur la rémunération de la
haute direction. Le président du conseil de
Bombardier, Laurent Beaudoin, est arrivé hier à
l’assemblée des actionnaires en compagnie du président
et chef de la direction, Pierre Beaudoin.
Pas lors de l’assemblée, au cours de laquelle la
proposition sur un vote consultatif du Mouvement
d’éducation et de défense des actionnaires (MÉDAC) a mordu
la poussière de façon tout à fait prévisible. Mais à la
toute fin d’un point de presse, alors que Pierre Beaudoin
se frayait un chemin pour se rendre à la réunion du
conseil.
« On va essayer de mieux comprendre comment cela va être
mis en application (ailleurs au Canada), a-t-il dit. On ne
ferme pas nécessairement la porte, même si on pense que le
processus qu’on utilise aujourd’hui est bon.
« S’il y a une autre méthode qui peut satisfaire tout le
monde dans le futur, a-til poursuivi, bien, on va la
regarder. »
Cette petite ouverture à la tenue d’un vote consultatif
peut surprendre, compte tenu de l’opposition sans
équivoque à une consultation sur la rémunération des cinq
plus hauts salariés de Bombardier exprimée dans la
circulaire de sollicitation des procurations.
« Le conseil d’administration croit fermement que la
proposition du MEDAC restreint sa flexibilité et sa
capacité de fournir (…) des programmes de rémunération
concurrentiels afin d’attirer, de retenir et de
récompenser les membres de la haute direction les plus
qualifiés et talentueux dont la contribution est
nécessaire pour soutenir la rentabilité de Bombardier. »
Mais cet adoucissement s’explique peut-être par le
résultat du vote d’hier. Des quatre propositions soumises
par le MEDAC, c’est celle sur le vote consultatif qui a
recueilli le plus d’appuis, avec près de 13% des votes des
actionnaires.
Cet appui peut sembler timide à première vue, mais il est
plus important qu’il n’y paraît, compte tenu de la grande
emprise de la famille BombardierBeaudoin sur l’entreprise.
La famille contrôle Bombardier au moyen de ses actions de
catégorie A, qui comportent 10 votes chacune. Ces actions
sont presque toutes détenues par les descendants de
Joseph-Armand Bombardier et quelques proches (amis,
employés clés, administrateurs), selon le relevé de
l’agence Bloomberg. Or, les actions de catégorie A
représentent 68,8% des droits de vote sur tous les titres
en circulation (au 31 janvier dernier).
Ainsi, les actions de catégorie B, celles que peuvent
acheter monsieur et madame Tout-le-monde, ne pèsent pas
lourd. Elles représentent seulement 31,2% des votes.
Comme il
est hautement improbable qu’un membre de la famille
Bombardier/ Beaudoin ou qu’un dirigeant de l’entreprise
ait ignoré les directives du conseil d’administration, il
faut plutôt considérer l’appui envers le vote consultatif
en proportion des actions de catégorie B. Or, cet appui
équivaut à 41,6% de ces actions.
Clairement, les actionnaires « ordinaires » de Bombardier
veulent avoir un mot à dire, même si les administrateurs
de l’entreprise devaient ignorer leur opinion.
D’ailleurs, il est assez ironique qu’au Royaume-Uni et en
Australie, là où les entreprises à capital ouvert sont
tenues de sonder leurs actionnaires sur leurs
rémunérations depuis quelques années déjà, une opposition
de l’ordre de 40% suffise généralement à faire revenir une
entreprise sur sa décision…
Mais, les entreprises n’attendent habituellement pas de
recevoir une petite gifle en public. Ils discutent avec
leurs actionnaires avant de se présenter devant eux avec
des rémunérations qui pourraient choquer, question de
parer les coups. Un dialogue intéressant qui permet de
dissiper les malentendus.
Le vote consultatif n’a pas freiné la spirale
inflationniste des salaires et des primes, selon des
chercheurs qui ont étudié l’expérience britannique. Mais,
il a coupé court aux excès les plus choquants, notamment
les primes de départ qui récompensaient généreusement les
échecs. En ce sens, il permet un tout petit rééquilibrage
des forces.
Les opposants au vote consultatif font valoir que la
rémunération représente une question trop « complexe,
technique et circonstanciée » pour être appréciée de façon
juste par les petits actionnaires. « Un tel exercice ne
ferait que créer une confusion inutile », juge le conseil
de Bombardier.
Mais, c’est faire montre d’un certain mépris envers les
actionnaires, qui sont de plus en plus sophistiqués dans
leur compréhension des enjeux d’affaires. Et puis, si
c’est si difficile à comprendre, c’est peut-être que les
entreprises adoptent des politiques de rémunération trop
complexes au départ. Ou que ces mêmes politiques sont
tellement mal expliquées que même des personnes informées
peinent à les déchiffrer. Ce qui revient du pareil au
même!
De toute façon, le temps est, à l’évidence, en train de
faire son oeuvre. Quand 12 des plus grandes entreprises du
pays donnent l’exemple, dont toutes les grandes banques et
BCE, cela devient plus gênant de s’inscrire en faux. En ce
sens, l’influence des pairs à la chambre de commerce peut
devenir tout aussi redoutable que celle qui opère dans une
cour d’école.
C’est d’autant plus vrai que les ÉtatsUnis sont sur le
point d’emboîter le pas au Royaume-Uni et à l’Australie,
le vote consultatif étant l’un des dadas de Barack Obama.
Qui voudra être perçu comme le dernier de la classe en
bonne gouvernance ? À l’usure, le vote consultatif
s’enracinera.
RIO
TINTO
ALCAN : La crise a le dos large...
LES ACTIVITÉS QUÉBÉCOISES RÉSISTENT À LARÉCESSION
Rio Tinto
Alcan n’a jamais cessé de faire des profits avec ses usines
du Québec, malgré la crise qui secoue l’industrie de
l’aluminium. La multinationale, qui vient de recevoir une
aide financière additionnelle du gouvernement Charest,
faisait des profits même lorsque le prix de l’aluminium a
atteint un creux au premier trimestre de 2009, révèle une
étude réalisée par Bill Murnighan, économiste des
Travailleurs canadiens de l’automobile (TCA) à Toronto.
En se servant des données du groupe CRU de Londres qui sont
utilisées par l’industrie de l’aluminium partout dans le
monde, l’économiste a calculé que même au prix très bas des
premiers mois de 2009, soit 1396$US la tonne d’aluminium,
Rio Tinto Alcan a continué d’encaisser des profits de
l’exploitation de ses usines au Québec et de sa seule autre
au Canada, celle de Kitimat en Colombie-Britannique.
Après avoir atteint un creux au premier trimestre, le prix
de l’aluminium est en remontée. Selon la plupart des
analystes, il repassera le cap des 2000$US la tonne en 2010.
À ce prix, même les plus anciennes usines de Rio Tinto
Alcan, comme Shawinigan et Beauharnois, font des profits,
démontre l’économiste.
Cette rentabilité qui a résisté à la dégringolade du prix de
l’aluminium s’explique principalement par le coût très bas
de l’énergie dont profite Rio Tinto Alcan. L’entreprise
produit elle-même à peu près toute l’électricité dont elle a
besoin, à un coût qui s’approche de zéro. Selon les chiffres
de CRU, le coût de revient de l’électricité produite par Rio
Tinto Alcan est de moins d’un cent le kilowattheure, soit
0,6 cent. C’est quatre fois moins que le prix payé par les
autres alumineries du Québec, qui bénéficient pourtant des
tarifs préférentiels négociés dans des ententes secrètes
(environ 2 cents le kilowattheure).
Situation enviable
Comparativement aux autres producteurs d’aluminium dans le
monde, la situation de Rio Tinto Alcan au Québec est encore
plus enviable. L’entreprise paie six fois moins cher que les
autres acteurs de l’industrie ailleurs dans le monde. « Il
est permis de penser que les coûts d’énergie canadiens de
Rio Tinto Alcan sont parmi les plus bas de toute l’industrie
mondiale de l’aluminium », conclut l’étude de Bill
Murnighan.
Rio Tinto
Alcan a annoncé la fermeture de son usine de Beauharnois
au début de l’année, en raison du retournement de la
conjoncture. Celles de Shawinigan et d’Arvida, au
Saguenay, qui sont aussi des vieilles installations,
pourraient être les prochaines à fermer leurs portes.
L’entreprise a aussi diminué sa production dans son usine
Vaudreuil (alumine) au Saguenay et gelé ses
investissements, à l’exception de la construction d’une
usinepilote à Arvida utilisant une nouvelle technologie,
l’AP-50. Ce projet avait déjà reçu une aide publique de
400 millions lors de son annonce, en décembre 2006. Le
gouvernement a accordé un prêt supplémentaire de 175
millions la semaine dernière pour poursuivre le projet « à
un rythme que l’entreprise n’aurait pu soutenir sans cet
apport », a justifié le ministre des Finances, Raymond
Bachand.
Pour les syndiqués qui ont commandité l’étude sur la
rentabilité de Rio Tinto Alcan au Québec, il est clair que
Rio Tinto fait payer à ses usines canadiennes l’énorme
dette qu’elle a contractée pour acheter Alcan.
« La crise a le dos large », a commenté Alain Gagnon, qui
représente les 2000 travailleurs du complexe Arvida, au
Saguenay.
Selon lui, Rio Tinto Alcan continue de mettre de la
pression sur les travailleurs québécois comme si elle
perdait beaucoup d’argent. « Encore la semaine dernière,
lorsque le gouvernement a annoncé un prêt supplémentaire
de 175 millions à Rio Tinto Alcan, la direction nous a
répété qu’on n’était pas sortis du bois ».
Rio Tinto Alcan, pour sa part, refuse de donner des
détails sur la rentabilité de ses usines. « Dans la
conjoncture actuelle, l’ensemble de nos usines ont un défi
de taille », se contente de dire Stefano Bertolli,
porteparole de l’entreprise.
Rio Tinto Alcan vient de recevoir 175 millions
supplémentaires du gouvernement du Québec pour poursuivre
la construction d’une usine pilote pour mettre à l’essai
une nouvelle technologie au Saguenay-Lac-Saint-Jean.
LE CHÔMAGE AUTOUR DU MONDE - Karim Benassaieh
AUSTRALIE
De tous les pays industrialisés, l’Australie est le
seul à ne pas avoir une caisse d’assurance emploi à
laquelle contribuent employés et employeurs. C’est l’État
qui assume les coûts de ce programme social dont la durée
est illimitée – comme l’aide sociale au Canada. La durée
et les conditions d’obtention des prestations sont
complexes et dépendent de l’âge et de la situation
familiale des chômeurs. Elles ne dépendent pas des
antécédents d’emploi ou des cotisations. La prestation
maximale est d’environ 900$ par mois.
ÉTATS-UNIS
Les conditions varient énormément d’un État à
l’autre, mais notre voisin du Sud a adopté une politique
globale : les prestations durent moins longtemps qu’au
Canada mais les chômeurs y ont droit après moins de
semaines de travail. Au Michigan, l’État le moins exigeant
à ce chapitre, on a droit à l’assurance emploi après 20
semaines. La plupart des États imposent un maximum de six
mois de prestations, établies à environ 50% du salaire
brut. Un délai de carence d’une semaine s’applique
généralement, mais 10 États n’en imposent aucun. Cinq
États sur 49 accordent des prestations en cas de départ
volontaire.
FRANCE
Le chômeur doit avoir travaillé six mois au cours des
22 derniers mois pour avoir accès aux prestations.
Contrairement au Canada, le départ volontaire ne constitue
pas un motif automatique d’exclusion : après quatre mois
de recherche d’emploi, le chômeur peut refaire une
demande. Le délai de carence est de huit jours, les
chômeurs peuvent recevoir des prestations pendant une
période maximale de 23 mois – et même de 36 mois pour les
chômeurs âgés de 50 ans et plus. Le chèque couvre entre 57
et 75% du salaire brut, ce dernier taux étant réservé aux
plus bas salariés. Le chômeur a droit à une prestation
minimale de 26€ (40$) par jour, chèque qui peut atteindre
la somme de 5600€ (8790$) par mois pour les hauts
salariés.
FINLANDE
Ce pays, comme ses voisins scandinaves de la Suède et
du Danemark, a adopté une forme originale d’assurance
emploi : l’adhésion y est volontaire. Les grands syndicats
ont cependant tous mis sur pied leur propre système
d’adhésion, de sorte que l’écrasante majorité des
travailleurs sont couverts. En Finlande, la prestation est
de l’ordre de 45% du salaire, mais elle est compensée
essentiellement par un programme, le revenu minimal, dont
la somme se calcule de façon complexe selon l’âge et la
situation familiale. Un chômeur marié avec deux enfants
aura ainsi droit à un minimum de 1100€ (1700$) par mois.
EN GÉNÉRAL
Record de durée : C’est au Danemark (48 mois) et en
Islande (60mois) que la durée maximale des prestations est
la plus longue. Aux États-Unis, en République tchèque et
au Royaume-Uni, elle est la plus courte, soit six mois.
Travail minimal : Pour avoir droit aux prestations, on
doit généralement travailler entre six mois et un an dans
la plupart des pays membres de l’OCDE. C’est en Islande
qu’on est le moins exigeant (10 semaines) et au RoyaumeUni
et en Slovaquie qu’on l’est le plus, avec des durées de
deux et trois ans.
Les provinces réclament un régime
simplifié - Malorie Beauchemin
CONTEXTE ÉCONOMIQUE DIFFICILE OBLIGE, LE CHÔMAGE EST À
L’AVANT-PLANDESDISCUSSIONSDES PREMIERS MINISTRES AU
CONSEIL DE LA FÉDÉRATION. BIEN CONSCIENTES DE L’ENJEU,
LES TROUPES DE STEPHEN HARPER ET DEMICHAEL IGNATIEFF
CONTINUENT LEUR DUEL SUR LES RÉFORMES À
Malgré leurs importantes divergences d’opinions, les
premiers ministres des provinces et territoires ont
convenu de réclamer, d’une seule voix, des
améliorations au régime d’assurance emploi.
PHOTO GEOFF HOWE, PC
Les premiers ministres réunis
à Regina.
Simpl i f ication du régime, rationalisation du nombre
de régions, l’assurance emploi « doit offrir un
soutien équitable aux Canadiens, sans égard au lieu où
ils résident », écrivent les premiers ministres dans
un communiqué conjoint rendu public en fin de journée
hier.
La veille, le premier ministre Jean Charest s’était
montré très frileux à l’idée de revoir l’aspect
géographique des critères d’admissibilité. « Sur le
plan du nombre d’heures requis, à nos yeux, il faut
maintenir une reconnaissance des différences
régionales », a dit M. Charest, mercredi, à son
arrivée au Conseil de la fédération, à Regina. Hier,
le premier ministre s’est dit très satisfait de la
position consensuelle adoptée avec ses homologues.
« Nous, on voit ça comme une affaire de bon sens, la
reconnaissance du fait que le marché du travail est
très différent d’une région à l’autre. Le Canada,
c’est un grand pays. Le marché du travail est
diversifié », a dit M. Charest.
Dans les demandes faites à Ottawa, les premiers
ministres provinciaux précisent que les réformes ne
doivent pas diminuer l’accès aux prestations ni leur
niveau et que « le régime doit être abordable, viable
et financé à partir d’un fonds autonome et indépendant
».
Les premiers ministres somment aussi le gouvernement
fédéral d’accroître les sommes pour la formation, les
prestations de maternité et les mesures actives pour
l’emploi.
De l’eau dans leur vin
Les premiers ministres de l’ouest du Canada s’étaient
présentés à ce Conseil de la fédération avec l’espoir
de rallier leurs homologues à un plan de réforme en
profondeur de l’assurance emploi. Plutôt que les 58
zones économiques qui servent actuellement pour
définir les critères d’admissibilité, les premiers
ministres de la région proposaient de simplifier le
processus en créant trois catégories: milieu urbain,
milieu rural et régions éloignées.
Le
premier ministre de l’Ontario, Dalton McGuinty,
plaidait quant à lui pour une norme nationale unique,
avec un traitement égal pour tous.
Les demandes finales, approuvées par tous, s’éloignent
grandement de ces propositions. Elles reconnaissent
seulement que le nombre de régions pourrait être
réduit, sans toutefois préciser de quelle manière.
Pour le premier ministre Charest, l’important était de
mettre l’accent sur la formation, afin que les
chômeurs retournent le plus vite possible au travail.
La liste des demandes parle d’ailleurs d’une « aide
transitoire pour aider les travailleurs sans emploi à
traverser ces périodes économiques difficiles ».
Les premiers ministres des provinces et territoires ne
se risquent toutefois pas à chiffrer le nombre
d’heures de travail requis pour être admissible aux
prestations, alors que le débat fait rage à Ottawa.
Selon le taux de chômage dans la région, il faut
actuellement avoir travaillé entre 420 et 700 heures
pour être admissible à l’assurance emploi.
Chômage en essor
Le Parti libéral de Michael Ignatieff juge «
inéquitables » ces critères d’admissibilité variant
d’une région à l’autre. Libéraux, néo-démocrates et
bloquistes suggèrent d’abaisser le seuil à 360 heures.
Le gouvernement conservateur de Stephen Harper a été
accusé à maintes reprises par l’opposition de traîner
les pieds dans le dossier.
Bon an, mal an, environ la moitié des Canadiens qui se
retrouvent sans travail ne sont pas admissibles à
l’assurance emploi, une situation que déplorent les
partis de l’opposition.
En mai dernier, on comptait plus de 778 000 chômeurs
au pays, une augmentation de 66 % par rapport à la
même date l’année précédente. Au Québec seulement, 206
720 personnes étaient au chômage en mai, une
augmentation de 33% par rapport à 2008.
En cette période difficile, les questions économiques
ont meublé la majeure partie des discussions entre les
premiers ministres réunis à Regina. Ils ont d’ailleurs
convenu de demander au gouvernement fédéral
d’organiser un sommet national sur les revenus de
retraite. D’une seule voix, les premiers ministres ont
réitéré leur inquiétude face aux velléités
protectionnistes de certains États américains.
Aujourd’hui, il sera davantage question des
changements climatiques, un sujet épineux pour lequel
les divergences de positions sont souvent fréquentes.
BRASDE FER ÀOTTAWA
La
réforme de l’assurance emploi pourrait être l’enjeu
décisif qui plongera le Canada en élections.
— Sept semaines après avoir évité de justesse le
déclenchement d’une campagne électorale sur la
question sensible d’une réforme de l’assurance
emploi, libéraux et conservateurs peinent toujours à
s’entendre sur des solutions communes. Le premier ministre du
Québec, Jean Charest, est arrivé mercredi au
Conseil de la fédération, à Regina. On le voit ici
avec son ministre des Affaires
intergouvernementales, Claude Béchard.
À l’issue de la deuxième rencontre du comité
bipartite libéralconservateur sur la question, les
deux camps estiment que les discussions «
progressent », mais les obstacles demeurent
nombreux.
« Nous sommes en train de discuter. Ça a été dur de
leur faire faire leurs devoirs. On a dû pousser fort
», a souligné Marlene Jennings, députée libérale de
Notre-Dame-de-Grâce– Lachine, qui représente, avec
son collègue Mike Savage, les troupes de Michael
Ignatieff au sein du comité conjoint.
« On espère que les conservateurs mettront de l’eau
dans leur vin. Tant que les discussions continuent,
il y a de l’espoir », at-elle ajouté.
La réunion d’hier a surtout permis au Parti libéral
de clarifier ses propositions, a expliqué Mme
Jennings, accusant à demi-mot les conservateurs
d’avoir mené une campagne de désinformation en
gonflant les coûts associés aux idées libérales.
« C’est un jeu que les conservateurs font
continuellement. Ils inventent des choses et disent
que c’est ce que les autres proposent. Mais c’est
une pure invention. C’est de la foutaise », a lancé
la députée libérale.
La réforme de l’assurance emploi promet d’être le
dossier chaud de l’automne, et pourrait être l’enjeu
décisif qui plongera le Canada en élections
générales.
En juin dernier, M. Ignatieff avait menacé de
retirer sa confiance au gouvernement si une réforme
de l’assurance emploi n’était pas entreprise. Le
déclenchement d’une campagne électorale avait été
évité in extremis quand le chef libéral s’était
entendu avec le premier ministre Stephen Harper pour
créer ce comité bipartite.
Les
libéraux réclament des normes nationales
d’admissibilité plutôt que par région économique,
comme c’est le cas actuellement. Pour Michael
Ignatieff, il s’agit d’une question d’équité. Son
parti propose d’abaisser de 420 à 360 le nombre
d’heures de travail nécessaire pour être admissible
aux prestations, sans pour autant augmenter le temps
de couverture.
« On travaille ensemble »
La semaine dernière, la ministre des Ressources
humaines et du développement des compétences, Diane
Finley, aussi membre du comité, avait qualifié de «
fantaisistes » les demandes libérales, estimant que
la facture serait trop élevée pour la capacité de
payer des contribuables canadiens. Hier, elle s’est
montrée plus conciliante, affirmant vouloir trouver
« un terrain d’entente ». « On travaille ensemble.
On ne s’entend pas toujours sur les politiques, mais
onpartagedes idées et on essaie d’en trouver de
nouvelles », a dit la ministre Finley.
Or, les trois partis de l’opposition à Ottawa
s’entendent sur plusieurs changements au système. Le
seuil de 360 heures et l’abolition du délai de
carence ont fait l’objet de projets de loi présentés
par le NPD et par le Bloc québécois. L’opposition,
majoritaire, a aussi fait adopter une motion à la
Chambre des communes réclamant une réforme en
profondeur de l’assurance emploi.
« Les besoins, on les connaît et les mesures à
prendre aussi », a estimé hier le porte-parole du
Bloc québécois en matière de ressources humaines et
de développement social, Yves Lessard, qui qualifie
de « trompe-l’oeil » la mise sur pied du comité
bipartite sur l’assurance emploi.
« Ils gagnent du temps sur le dos des travailleurs.
Il fallait agir il y a longtemps. Pendant ce
temps-là, la crise continue », s’est insurgé M.
Lessard.
Le Bloc québécois est particulièrement critique à
l’égard de M. Ignatieff. « C’est au printemps qu’il
aurait dû mettre son pied à terre, a souligné le
député bloquiste. Les libéraux manquent à leurs
responsabilités envers la population. »
Libéraux et conservateurs se rencontreront à nouveau
les 13 et 20 août. Le comité bipartite doit remettre
son rapport en chambre le 28 septembre. Le Parti
libéral dispose d’une journée de l’opposition la
même semaine. Les troupes de Michael Ignatieff
pourraient présenter une motion de défiance et
tenter de faire tomber le gouvernement s’ils sont
insatisfaits des mesures conservatrices pour venir
en aide aux travailleurs.
Chômage : les provinces touchées par ricochet
TOUCHÉES PAR RICOCHET
Les
provinces risquent de voir grimper le coût de leurs
programmes d’aide sociale à cause d’une réforme à la
pièce de l’assurance emploi
Une fois leurs prestations d’assurance emploi épuisées,
les chômeurs n’ont d’autre choix que d’avoir recours aux
filets sociaux provinciaux pour faire face à leurs
obligations financières.
Les auteurs sont respectivement professeur au
département d’économie de l’Université de Montréal et
fellow au CIRANO, et économiste et directeur de projet
au CIRANO.
Àla suite de la situation économique difficile, un débat
fait rage sur les modifications à apporter au programme
d’assurance emploi. A priori, celui-ci est pertinent. Il
semble toutefois que ses principaux acteurs aient perdu
de vue qu’une récession entraîne non seulement une
hausse du nombre de chômeurs, mais également un
allongement de la durée moyenne du chômage. Plus tôt que
tard, ce problème de nature fédérale pourrait d’ailleurs
faire pâtir les finances publiques provinciales.
De fait, une fois leurs prestations d’assurance emploi
épuisées, les chômeurs n’ont d’autre choix que d’avoir
recours aux filets sociaux provinciaux pour faire face à
leurs obligations financières. Les données statistiques
sur le Québec montrent qu’il y a effectivement un
transfert de bénéficiaires du programme d’assurance
emploi vers les programmes d’assistance sociale.
Celui-ci survient environ 12 mois après le début de la
période de chômage.
Ce transfert de prestataires du programme fédéral vers
les programmes provinciaux n’est pas sans poser
problème. En période de ralentissement économique, la
durée moyenne du chômage s’accroît puisque les
travailleurs qui ont perdu leur emploi peinent à s’en
trouver un nouveau. Si ce scénario se répète à la faveur
de la récession actuelle, les gouvernements provinciaux
pourraient être confrontés à une hausse marquée des
coûts de leur programme d’assistance sociale. Or, depuis
1996, ceux-ci ne touchent plus de subventions du
gouvernement fédéral liées directement aux dépenses
d’aide sociale.
Il est vrai qu’avec l’adoption du dernier budget
fédéral, la durée maximale des prestations a
temporairement été allongée de 45 à 50 semaines. Pourtant,
les propositions de réforme du programme qui ont le plus
fait discuter depuis visent surtout une meilleure
accessibilité à l’assurance emploi. De l’abolition du
délai de deux semaines avant de recevoir des prestations à
l’uniformisation et à la réduction du nombre d’heures
travaillées requis pour être admissible, toutes ces
propositions méritent certainement d’être considérées.
Elles ne répondent toutefois pas au problème de finances
publiques engendré par le transfert des prestataires.
Pis encore, elles abordent la révision du programme
d’assurance emploi isolément, sans tenir compte des effets
de ces changements sur les incitations données aux
travailleurs. Or, toute modification à l’assurance emploi
a un impact sur l’offre de travail et, par ricochet, sur
les entrées fiscales des gouvernements. L’adoption d’une
modification apparemment mineure à ce programme peut donc
résulter dans une baisse des impôts perçus.
Notre propos ne vise pas à ajouter au fardeau que vivent
les familles touchées par les pertes d’emplois. Il ne vise
pas non plus à nier la nécessaire révision du programme
d’assurance emploi, dont la dernière réforme date de près
de 15 ans.
Nous croyons toutefois qu’il importe d’aborder la
modification de ce programme avec un certain recul. Pour
prendre les meilleures décisions, il faut soupeser
l’efficacité et l’impact de chaque modification envisagée.
Estce qu’un nombre d’heures travaillées uniforme pour être
admissible est souhaitable ? Rendra-t-il les prestations
d’assurance emploi plus faciles à obtenir dans des régions
du pays au détriment d’une certaine équité interrégionale
? Quel impact aurait une abolition du délai de deux
semaines sur la prudence des ménages ? Seraient-ils
incités à réduire leur épargne pour les jours plus
difficiles? Est-ce que l’allongement actuel des
prestations sera suffisant pour éviter d’augmenter les
dépenses des gouvernements provinciaux déjà accrues par la
récession, entre autres pour participer au programme de
relance du gouvernement fédéral ?
Le risque sur les finances publiques, notamment
provinciales, est trop grand pour se permettre d’adopter
une réforme à la pièce. Le Globe and Mail a publié
récemment une opinion de Charles Cirtwill, de l’Institut
AIMS, qui proposait de créer une véritable assurance
contre le risque de perte d’emploi en temps de récession.
Cette assurance complémenterait le programme actuel
d’assurance emploi, sans empêcher la réforme de celui-ci.
Voilà exactement le genre de réflexion structurelle qui
doit alimenter le débat actuel et dont l’étude risque
pourtant d’être compromise advenant l’adoption d’une
réforme prématurée.
Le Canada, « refuge » de l’Europe ?
OTTAWA
— Les investisseurs cognent à la porte du Canada et
ils seront de plus en plus nombreux à le faire alors
que les questions de dette souveraine continuent de
prendre de l’ampleur en Europe et aux ÉtatsUnis, selon
un nouveau rapport.
D’aprè s u ne é t ude de Marchés mondiaux CIBC, le
Canada est de plus en plus considéré comme un « refuge
» à la crise du crédit qui secoue le sud de l’Europe
et qui pourrait, affirment certains, frapper bientôt
les États-Unis.
Malgré un déficit record de 56 milliards cette année,
Ottawa a toujours une longueur d’avance sur ses
compagnons du Groupe des Sept et affiche la meilleure
situation financière parmi eux.
L a
det t e nat i ona l e du Canada s’établit à 35% de son
économie, ses banques sont en bonne santé, sa cote de
crédit est solide et plusieurs s’attendent à voir le
pays se placer au premier rang du G7 au chapitre de la
croissance, ces prochaines années.
Mais le Canada a une autre carte dans son jeu – une
carte qui pourrait en surprendre plusieurs, autant à
l’intérieur qu’à l’extérieur du pays. Le Canada
pourrait devenir une zone de faible imposition pour
les entreprises, avec un taux combiné fédéral/
provincial d’environ 25% après 2012, a fait valoir le
stratège des questions gouvernementales de la Banque
CIBC, Warren Lovely.
En conséquence, les investisseurs étrangers seront de
plus en plus attirés par le Canada en raison de ses
bonnes perspectives économiques et de sa devise, qui
est vouée à s’apprécier davantage qu’à se déprécier.
L’économie canadienne poursuit sa remontée
OTTAWA
— Un autre indicateur économique vient confirmer le
mouvement de reprise ressenti depuis quelque temps au
Canada.
PHOTO ALAIN ROBERGE,
ARCHIVES LA PRESSE
L’effervescence du
marché de la revente de maisons s’est traduite par
une hausse de 7,2 % de l’activité des courtiers et
des agents immobiliers en octobre au Canada.
Statistique Canada a publié hier les données relatives
au produit intérieur brut ( PIB) par industrie qui
font état d’une croissance de 0, 2 % pour le mois
d’octobre. I l s’agit de la deuxième hausse mensuelle
consécutive.
La production s’est accrue dans la plupart des grands
secteurs d’activité, tout comme en septembre.
Le
secteur des services a crû de 0, 2 %. Une hausse
marquée a été observée du côté des activités des
agents et des courtiers immobiliers. L’effervescence
du marché de la revente de maisons s’est notamment
traduite par une hausse de 7,2 % de l’activité des
courtiers et des agents immobiliers en octobre.
Des hausses ont également été enregistrées dans les
commerces de détail et de gros ainsi que dans
certaines industries liées au tourisme. En revanche,
le secteur de la finance et des assurances, autre
sous-catégorie du secteur des services, s’est replié.
Les industries productrices de biens ont pour leur
part progressé de 0,1 %, grâce à la vigueur des
services publics. Le secteur de la construction a
gagné du terrain avec une croissance de 0,1 %, alors
que les activités minières ont baissé et que le
secteur de la fabrication est resté inchangé.
Si le PIB a crû sur une base mensuelle, soit de
septembre à octobre, il affiche encore un recul par
rapport à octobre 2008 alors que la crise financière
mondiale s’amorçait. La variation d’une année à
l’autre est de -3,2 %.
LE MARCHÉ DU TRAVAIL REPREND VIE - Rudy
LeCours
L e
rebond de l’emploi au sortir d’une récession survient
souvent plusieurs mois après le retour de l’économie à
la croissance. Cette fois-ci, c’est bien parti pour
être différent.
En novembre, l’économie canadienne a généré 79 100
emplois, dont 21 4 0 0 au Québec, selon Statistique
Canada. Le t aux de chômage recule d’un dixième de
point à 8,5%, d’un océan à l’autre, mais de quatre
dixièmes à 8,1%, dans sa société distincte.
En fait, le marché du travail s’est beaucoup moins
détérioré au Québec au cours de la récession qui a
officiellement pris fin cet été. Depuis août, le taux
de chômage a reculé d’un point de pourcentage. Selon
les calculs de Desjardins, un écart de seulement 42
200 emplois reste à combler pour revenir au sommet de
3 891 700 emplois atteint en novembre 2008.
Au Canada, il reste 320 800 emplois à trouver pour
revenir au pic de 17,2 millions d’octobre 2008.
Vrai,
les données mensuelles de l’Enquête sur la population
active sont très volatiles et 79 100 est un chiffre
mensuel très élevé.
Vrai aussi, la tendance des trois derniers mois montre
cependant la création nette de 22 200 postes par mois.
Vrai surtout, on assiste à un retour en force du
travail à temps plein avec 48 900 jobs en moyenne par
mois depuis septembre.
« L’emploi affiche à ce j our une hausse de 0,9 % ( à
r ythme a nnualisé) au quatrième trimestre, ce qui
constitue la première progression trimestrielle depuis
la fin de 2008 », calcule Benoit P. Durocher,
économiste principal chez Desjardins.
Il
ne s’agit pas que d’un phénomène régional ou
concentré dans une ou deux industries. « La
tendance des trois derniers mois ne peut que nous
encourager puisque toutes les provinces, sauf le
Manitoba, ont créé des emplois », note Pascal
Gauthier, économiste chez Groupe financier Banque
TD.
En novembre, le gros des emplois nouveaux vient du
secteur privé à hauteur de 56 900. Il s’agit
seulement de la deuxième fois en 14 mois que les
entreprises grossissent leurs effectifs. Il faut
remonter presque deux ans dans le temps pour
retrouver pareil engouement pour l’embauche.
Le secteur des services accapare la part du lion
des nouveaux postes avec 71 000. Font exception,
la finance et les loisirs qui enregistrent de
légers reculs. Dans leur ensemble, les services
ont retrouvé leur niveau d’emploi d’avant la
récession.
Dans les biens, c’est une autre histoire. La
création de 6200 jobs est largement insuffisante
pour récupérer les quelque 300 000 emplois
disparus avec la récession, dont 172 000 en
usines, la moitié en Ontario.
Le
Québec s’en tire en apparence beaucoup mieux avec
un peu plus de 13 000 emplois à rattraper. Mais il
ne faut pas s’y méprendre. « Au début de la
récession, le Québec avait déjà perdu bien des
emplois au cours des années précédentes, notamment
dans les secteurs du bois, du meuble, du vêtement,
rappelle Joëlle Noreau, économiste principale chez
Desjardins. En Ontario, la débâcle de l’emploi
manufacturier s’est manifestée plus tard » avec
les déboires de l’industrie automobile.
Cela dit, novembre est le troisième mois d’affilée
où le travail en usine augmente en Ontario, ce qui
est un signe indubitable de reprise.
I l n’y a qu’une ombre au tableau des chiffres de
novembre. Le nombre d’heures travaillées est
légèrement à la baisse. À quoi faut-il attribuer
le phénomène? À la diminution de 32 000 de la
cohorte des travailleurs autonomes, cette
catégorie souvent contrainte de se trouver des
clients pour manger? (En prenant en compte de
cette baisse, la création d’emplois rémunérés est
plutôt de 111 100 durant novembre).
Chose certaine, « cela masque cependant un élan
positif i mportant, font remarquer Yanick
Desnoyers et Marco Let t i er i de l a Financière
Banque Nationale. Le salaire horaire moyen est en
hausse de 2,9 % jusqu’ici au quatrième trimestre,
contre 2 % au t r oisième et 1,7 % au deuxième.
Comme le taux de chômage diminue et que le taux de
participation augmente, il ne fait aucun doute que
le marché de l’emploi canadien progresse. »
Ruée sur les actions canadiennes
OTTAWA —
La demande étrangère de titres canadiens a fortement
augmenté en septembre, indiquent les données publiées
hier par Statistique Canada.
Les non-résidants ont ajouté pour 13,6 milliards à leurs
portefeuilles et ce, principalement par l’intermédiaire
d’acquisitions d’actions canadiennes qualifiées de
considérables pour l’agence fédérale de la statistique.
Les investissements étrangers en actions canadiennes ont
ainsi atteint 12,9 milliards de dollars en septembre,
soit la plus forte rentrée de fonds enregistrée depuis
avril 2004.
Les investisseurs étrangers ont également continué à
rééquilibrer leurs portefeuilles de titres d’emprunt
canadiens en privilégiant les titres à plus long terme,
surtout dans le secteur du gouvernement fédéral. Ils ont
notamment fait l’acquisition de 2,6 milliards
d’obligations canadiennes et se sont départis de 1,9
milliard d’instruments du marché monétaire canadien.
L’immobilier atteint un niveau record en
octobre
La
Chambre i mmobi l i ère du Grand Montréal (CIGM) i
ndique que le marché de la revente dans la région
métropolitaine de Montréal est revenu le mois dernier
au n i veau e n r e g i s t r é e n octobre 2007,
l’année ayant battu tous les records, mais demeure pr
udente da n s son interprétation de cette performance.
Selon les données du système MLS (Multiple Listing
Service) servant de base aux calculs de la Chambre,
3543 ventes ont été conclues dans la région de
Montréal en octobre dernier, une hausse de 23 % par
rapport à octobre 2008 et une croissance de 3 %
comparativement à octobre 2007.
« Octobre 2008 marquait le début officiel de la
récession », a souligné Michel Beauséjour, chef de la
direction de la CIGM, i ndiquant que les ventes
résidentielles dans la région de Montréal avaient
alors reculé de 17% par rapport à octobre 2007.
« Il faut donc interpréter les données d’octobre 2009
avec prudence, le t aux de croissance des ventes étant
amplifié par la piètre performance de l ’a n dernier.
Octobre 2007 offre un autre point de comparaison
intéressant, puisqu’il s’agissait du meilleur mois
d’octobre jamais enregistré. »
En
termes de ventes, la copropriété a mené le bal en
octobre dernier avec une hausse de 28% comparativement
à octobre 2008 et une croissance de 12% par rapport au
même mois en 2007. Les ventes d’unifamiliales et de
plex, soit les immeubles de deux à cinq logements,
sont demeurées stables par rapport à octobre 2007,
alors qu’elles ont augmenté de respectivement 23% et
16% comparativement à la même période en 2008.
Sur le plan géographique, les cinq grands secteurs de
la région de Montréal ont réussi à rejoindre, voire
dépasser, le niveau des ventes enregistré en octobre
2007 à l’exception de la couronne nord, qui a connu
une hausse des ventes de 13 % par rapport à octobre
2008, mais un repli de 13 % comparativement à octobre
2007. À Laval, le nombre de transactions a progressé
de 35 % en octobre 2009 par rapport à octobre 2008 et
de 29 % comparativement à 2007. L’île de Montréal, la
Rive-Sud et le secteur de Vaudreuil-Soulanges ont
plutôt enregistré des hausses respectives de 24 %, 21
% et 51 % comparat i vement à octobre 2008, alors que
le nombre de t ransactions conclues dans chacun de ces
secteurs a augmenté de respectivement 3 %, 9 % et 4 %
par rapport à octobre 2007.
Au chapitre des prix, les trois catégories de
propriété ont vu l eur pri x médian progresser de 6 %
en octobre 2009 par rapport à octobre 2008. Le prix
médian de l’unifamiliale a atteint 240 000 $ dans la
région de Montréal, celui d’une copropriété, 195 0 0 0
$ et celui des plex, 350 000 $. Le prix médian est le
prix se trouvant exactement au centre de l’échelle des
prix de vente.
« En octobre 2008, malgré une baisse des ventes, le
prix des propriétés était toujours à la hausse.
Aujourd’hui, la situation n’a pas changé, les prix
continuent d’augmenter, ce qui démontre que
l’immobilier demeure un bon investissement dans la
région. »
« Un drôle d’optimisme » - Vincent
Brousseau-Pouliot
L’optimisme est de retour chez les économistes
québécois. Selon un sondage interne, 42% des
économistes prévoient une amélioration de l’économie
québécoise au cours des six prochains mois.
Même si les optimistes sont presque deux fois plus
nombreux que lors du dernier coup de sonde en mai (42%
comparativement à 24%), cette opinion reste
minoritaire : 50% des économistes québécois pensent
que l’économie restera stable, tandis que 7% d’entre
eux estiment qu’elle se détériorera d’ici six mois. «
C’est un drôle d’optimisme. Le pire semble passé, la
roue tourne dans l’autre sens, mais elle tourne très
lentement », dit Jean-Michel Cousineau, président du
comité des politiques publiques de l’Association des
économistes québécois et professeur d’économie à
l’École des relations industrielles de l’Université de
Montréal.
Préoccupés
par les déficits gouvernementaux, les économistes
québécois suggèrent au gouvernement fédéral de
diminuer ses dépenses (75%) et d’augmenter la TPS
(76%), tandis que le gouvernement québécois devrait
hausser les tarifs des services gouvernementaux ( 76
%) et la TVQ (74%). L’idée de réduire les dépenses du
gouvernement québécois récolte moins d’appuis (66%).
Le sondage a été réalisé par Léger Marketing pour le
compte l’Association des économistes québécois auprès
de 213 de ses 819 membres entre le 7 et le 14 octobre
dernier. La marge d’erreur est de 6 points de
pourcentage, 19 fois sur 20.
Embellie sur le marché de l’emploi au
Canada
Le
nombre de personnes qui ont touché des prestations
d’assurance emploi a chuté pour la première fois en
près d’un an en j uillet dernier et le nombre de
nouveaux bénéficiaires a baissé pour le deuxième mois
de suite, signes supplémentaires que le marché de
l’emploi s’améliore au Canada.
En j uillet, le nombre de prestataires de l’assurance
emploi a baissé de 31 500, à 787 000, soit une
diminution de 3,8 % par rapport à juin, a précisé hier
Statistique Canada.
Ces changements reflètent en partie le ralentissement
des pertes d’emplois, tandis que l’économie recommence
à croître au cours du présent trimestre après trois
trimestres de récession et une période pendant
laquelle le Canada a dû procéder à une pénible
restructuration des industries de l’auto et la forêt,
ce qui a fait disparaître des dizaines de milliers
d’emplois au cours de la dernière année.
Mais c ’est l a baisse du nombre de nouveaux
prestataires de l’assurance emploi, que les
économistes considèrent comme le meilleur signal du
progrès sur le marché de l’emploi, qui n’a guère été
reluisant à la fin de 2008 et au début de 2009.
Les premières demandes de prestations ont chuté de 8,5
%, à 274 700, en juillet, suivant une baisse semblable
observée en juin, a indiqué Statistique Canada.
« I l
y a moins de gens qui font appel à l’assurance emploi
et c’est une très bonne nouvelle », soutient Millan
Mulraine, de l a Banque Toronto-Dominion.
Les statistiques relatives à l’emploi recueillies
depuis octobre dernier, période où la récession a
commencé à se faire sentir, démontrent que les pertes
d’emplois ont grimpé brutalement au cours des cinq
premiers mois du r a l entissement é c onomique,
atteignant un total de 357 000.
Puis, les pertes d’emplois ont diminué et elles n’ont
totalisé que 31 000 au cours des cinq mois suivants
jusqu’en août dernier.
En juillet, il y a eu 44 000 pertes nettes d’emplois,
mais le marché a rebondi en août et le nombre
d’emplois a alors augmenté de 27 000.
Depuis o c t o br e 2 0 0 8 , 486 000 emplois à temps
plein ont disparu au Canada, mais Statistique Canada
précise que les pertes nettes d’emplois s’établissent
plutôt à 387 000 à cause de l’augmentation du nombre
de travailleurs à temps partiel.
ONTARIO : LE COEUR FINANCIER A TENU LE COUP
- Stéphane Paquet
Le
peloton de queue. C’est là que se retrouve l’Ontario
cette année lugubre en matière de croissance
économique. Depuis le début de la récession, en
octobre, ce sont 207 000 emplois qui ont été éliminés
dans la province. Le coeur économique du Canada bat
Mercredi soir au Bymark, LE bar où les financiers de
Bay Street se donnent rendez-vous après le travail, à
l’ombre des grandes tours noires de la Toronto
Dominion. Bière, vin, martinis et une odeur de cigare
aident à décoincer un tant soit peu l’ambiance créée
par les hommes aux complets rayés et les femmes aux
sacs Louis Vuitton.
« C’est un peu plus calme que l’an dernier », explique
un membre du personnel qui préfère ne pas être nommé.
À 35 $, le burger Bymark laisse maintenant un
arrièregoût dans la gorge de certains. « Tu peux a l
ler dans des endroits moins tape-à-l’oeil », explique
Susan Thompson, qui s’occupe des relations avec les
clients chez TD Valeurs mobi l ières, quand on lui
demande si elle ou ses collègues ont changé leurs
habitudes dans la dernière année en raison de la
crise.
S’ils sont moins nombreux au Bymark, ce n’est pas
parce que les bureaux des gratte-ciel qui entourent le
bar sont clairsemés. Les plus récentes données de
Statistique Canada ont ceci de surprenant : alors que
les emplois ont été éliminés par dizaine de milliers
dans la finance à New York et à Londres, l’Ontario
s’en sort à merveille. Des 289 392 emplois des
secteurs de la finance et de l’assurance que comptait
la province en juin 2008, il en restait exactement 289
037 un an plus tard, soit une diminution de 355
postes. Pour les amateurs de statistiques, cela
représente un maigre recul de 0,1 %.
L’ensemble du Canada fait encore mieux, avec une
progression de 2 % à 673 049 emplois en juin de cette
année. Un constat qui peut surprendre compte tenu de
l’ampleur de l’inquiétude qui a gagné Bay Street
l’automne dernier.
« J’ai vraiment eula chienne », se rappelle Pat
Meneley, lui qui conclut des fusions, des acquisitions
ou des appels publics à l’épargne depuis 20 ans. Il
était même derrière la vente avortée de BCE au
consortium mené par Teachers’.
Il y a
un an, le vice-président du conseil, Services
bancaires de placement chez TD Valeurs mobilières,
était de passage à Vancouver quand il est tombé sur la
conférence Des 289 392 emplois des secteurs de la
finance et de l’assurance que comptait la province en
juin 2008, il en restait exactement 289 037 un an plus
tard. de presse annonçant le rachat de Merrill Lynch
par Bank of America. Une entente conclue en une fin de
semaine, c’était trop rapide pour celui qui connaît
les rouages du secteur. Le minimum, dit-il, c’est six
semaines. « Ça voulait dire que la situation était
pire que ce qu’on nous disait. »
La frousse a été telle qu’il se réveillait en plein
milieu de la nuit, lui qui a pourtant l’habitude de
dormir comme un loir. « Je n’avais pas peur pour ma
sécurité personnelle, je craignais pour celle du
monde. »
Un an et quelques cadavres financiers plus tard au sud
de la frontière, M. Meneley a retrouvé le sommeil. La
crainte a fait place à la stabilité, puis a laissé
apparaître des occasions d’affaires. « Il y a deux
semaines, on a connu notre semaine la plus occupée »,
dit-il, donnant en exemple des émissions de Barrick
Gold (3 milliards) et Fairfax (1 milliard).
« On est facilement de retour au niveau de 2007 (…) Il
y a de bonnes sommes d’argent dans le marché. »
Sa collègue Susan Thompson est moins enthousiaste.
Elle parle d’un climat « prudemment optimiste » sur
Bay Street. « C’est mon opinion personnelle et le
sentiment que je ressens », précise celle qui peut
parler une dizaine de fois dans la journée avec un
client qui veut effectuer des transactions ou
simplement comprendre ce qui se passe.
La journée de notre rencontre, par exemple, elle
devait leur expliquer pourquoi la Ville de Montréal
avait offert aux enchères ses dernières obligations.
Une manoeuvre inhabituelle, précise-t-elle.
Outre le fait d’aller dans des restos et des bars
moins tapeà-l’oeil, qu’est-ce que ses collègues et
elle ont appris dans la dernière année, celle qui a
failli voir le système financier s’écrouler ? «
S’assurer d’avoir le bon compromis entre le risque et
le rendement », dit-elle.
L’économie du Québec bien moins
touchée - Rudy LeCours
Le
Québec a amorcé le trimestre qui s’achève la semaine
prochaine avec beaucoup plus d’allant que le reste du
Canada.
En j u i n , der n i e r mois du deuxième trimestre,
sa croissance mensuelle réelle s’est élevée à 0,5 %,
selon les données de l’ Institut de la statistique du
Québec ( ISQ). L’ensemble du Canada a connu un gain de
seulement 0,1 % durant la même période, ce qui a
néanmoins permis à nombre d’experts d’affirmer que la
récession canadienne avait pris fin dès lors.
Pour la période d’avril, mai et juin, l’économie du
Québec s’est quand même contractée pour le troisième
trimestre d’affilée, cette fois au rythme de 2,8 % sur
une base annualisée. D’un océan à l’autre, le recul
était plus prononcé, à hauteur de 3,5 %.
En fait, durant la dernière récession, le Québec aura
été bien moins touché que l’ensemble du pays. En 2008,
l ’expansion de l ’économie canadienne a été contenue
à 0,5 % alors que celle du Québec aura tout de même
atteint 1,2 %.
Après
six mois en 2009, le fléchissement de la production
québécoise de biens et services atteint 1,5 %, soit la
moitié moins que celle de l’ensemble du Canada.
Si le troisième trimestre se solde par de la
croissance, cela signifie que la récession aura duré
trois trimestres. C’est bien moins que les deux ans de
la précédente, celle de 1990-1991.
« De toutes les provinces, l’économie du Québec est,
avec celles du Manitoba et de la Nouvelle-Écosse, la
moins c ycl i que, note Sébastien L avoie, é c
onomiste c hez Valeurs mobilières Banque Laurentienne.
En soi, ce n’est pas une mauvaise chose. »
Cela repose avant tout sur sa diversité. La belle
progression de juin est là pour en témoigner. La
croissance a été générée par une poussée de 0,8 % de
la production de biens et par une avancée de 0,4 % des
services. Dans le premier cas, l’extraction minière a
bondi de 8,6 %, la fabrication de 1,2 %, tandis que la
production, le transport et la distribution de gaz et
d’électricité généraient un gain de 0,2 %.
Du
côté
des services, 10 industries sur 13 étaient à la
hausse, dont le commerce de détail, le transport
et l’entreposage et les services aux entreprises.
Frappé depuis le début de la décennie par les
déboires de la foresterie, le Québec a été plutôt
épargné par la crise de l’industrie automobile et
par l’effondrement du prix du gaz naturel qui ont
fait du tort à l’Ontario, la Saskatchewan,
l’Alberta et la Colombie-Britannique.
Cela signifie aussi qu’il profitera moins de la
reprise de ces secteurs, en particulier de la
production automobile, ranimée en début d’été.
« Je m’attends à un rebond de 1% du PIB (produit
intérieur brut) canadien pour juillet, mais avant
les données d’hier, je pensais que le Québec avait
stagné en juillet », poursuit M. Lavoie. Il estime
désormais possible une croissance modeste, compte
tenu du rebond spectaculaire des exportations.
«
Juillet va être probablement positif malgré un
léger repli des ventes au détail, affirme sans
ambages Hélène Bégin, économiste principale chez
Desjardins. Pour le trimestre, ça reste à voir. »
Dans son scénario économique, Desjardins voit une
mince contraction de 0,1% au troisième trimestre,
tant pour le Canada que pour sa société distincte.
En cela, l’institution lévisienne demeure parmi
les plus pessimistes du monde financier où la
majorité des experts estiment plutôt que l’été
aura été marqué par un net retour à la croissance.
Desjardins s’inquiète surtout du niveau des
stocks, en particulier ceux des grossistes.
Certaines i ndustries par contre sont très
avancées dans leur déstockage, comme la production
d’aluminium.
Dans une analyse publiée hier, l’économiste en
chef adjoint chez BMO Marchés des capitaux,
Douglas Porter, réitère que la reprise repose
avant tout cette fois-ci sur la demande
intérieure, compte tenu du temps qu’il faudra aux
ménages américains pour rétablir leur bilan. « Si
l’Ontario va rebondir à court terme de son creux
des derniers mois, la province va devoir continuer
de se débattre plus que le reste du pays. »
Rebond des exportations québécoises -
Vincent Brousseau-Pouliot
Après
une disette de quatre mois, les produits québécois ont
de nouveau la cote à l’étranger.
En juillet, le Québec a vu ses exportations croître de
14,6 % par rapport au mois précédent, sa première
hausse mensuelle depuis quatre mois. Et sa hausse
mensuelle la plus importante depuis mars 2001. « Ça
surprend, admet Hélène Bégin, économiste au Mouvement
Desjardins. I l semble y avoir un virage dans
l’économie québécoise. »
L’ampleur de la hausse des exportations est surtout
attribuable aux ventes d’avions à l’étranger, qui sont
passées de 450,6 à 939,6 millions de dollars en
juillet.
Bombardier ne dévoile pas ses l ivraisons mensuelles,
mais la société montréalaise a livré 80 avions lors de
son dernier trimestre (entre mai et juillet), soit
cinq de plus qu’au t rimestre précédent (entre février
et avril).
« Les
ventes d’avions gonflent les chiffres et
l’aéronautique est un secteur où les ventes varient
beaucoup d’un mois à l’autre », dit l’économiste
Hélène Bégin.
Les bonnes nouvelles ne se limitent pas aux avions de
Bombardier. Au total, 15 des 26 secteurs de l’économie
québécoise répertoriés par l’Institut de la
statistique du Québec ont connu une hausse de leurs
exportations en juillet. Sans tenir compte du secteur
de l’aéronautique, les exportations sont tout de même
en hausse de 4,4 % en juillet. Un résultat
encourageant, mais l’économiste Hélène Bégin reste
prudente dans ses prévisions pour les prochains mois.
« Ce n’est pas nécessairement reparti pour de bon,
ditelle. L’économie américaine semble sortie de la
récession en théorie, mais le dollar canadien reste
élevé et les ÉtatsUnis adoptent des mesures
protectionnistes. »
Depuis le début de l’année 2009 ( janvier à juillet),
les exportations québécoises sont en baisse de 13,9 %
par rapport à la même période en 2008. Une baisse
attribuable essentiellement aux difficultés de son
voisin immédiat, les États-Unis, qui a diminué ses
importations québécoises de 19,8 % durant cette
période.
Heureusement que s e s autres partenaires commerciaux
comme le RoyaumeUni (+ 5,0 %), l ’Allemagne (+ 8,0 %),
la France (+5,2 %) et la Chine (+13,4 %) ont augmenté
les leurs. Les quatre pays restent néanmoins
marginaux, ne représentant e nsemble que 9, 6 % des
exportations québécoises. Les États-Unis achètent 69,5
% des produits québécois vendus à l’étranger. Cette
proportion était de 81,8% en 2004.
Les Canadiens retrouvent l’optimisme
Les
Canadiens sont devenus optimistes sur les perspectives
économiques de leur pays pour la première fois depuis
2007, selon un sondage Nanos Research, ce qui représente
un signe de reprise de plus.
La proportion de Canadiens qui disent croire que
l’économie gagnera de la force au cours des six
prochains mois est passée à 45%, selon une version
préliminaire du sondage économique trimestriel Nanos
fournie exclusivement à Bloomberg News. C’est plus de
deux fois les 18% de Canadiens qui prédisent que
l’économie s’affaiblira.
Les résultats vont dans le même sens que des chiffres
récents qui font croire que l’économie a émergé de la
récession au cours du trimestre, ce qui a aidé à
entraîner des hausses des marchés boursiers et du dollar
canadiens. Les ventes en gros, les ventes
manufacturières et les principaux indicateurs au Canada
ont augmenté plus que les prévisions la semaine
dernière, selon des rapports gouvernementaux, tandis que
le prix des maisons a atteint un sommet cette année.
« Les perceptions de la direction future de l’économie
étant un des principaux indices, l’humeur actuelle est
un signal clair que, pour la première fois en presque
deux ans, les Canadiens sont optimistes à propos du
futur », a dit Nik Nanos.
Le sondeur d’Ottawa a dit que les résultats augmentaient
les chances de plus grandes « dépenses à court terme,
puisque la confiance des consommateurs favorise les
achats qui avaient été remis à plus tard, et à plus long
terme un retour à des habitudes de consommation presque
normales, s’il n’y a pas de changements négatifs
importants dans l’économie ».
L’immobilier en hausse
La confiance est la plus forte en Ontario et en
Alberta, en Saskatchewan et au Manitoba. Elle est la
plus faible au Québec, selon une analyse régionale des
résultats.
Le sondage a aussi constaté que les Canadiens ont
trois fois plus de chances d’affirmer que la valeur de
leur propriété va augmenter au cours des six prochains
mois que d’affirmer qu’elle va diminuer.
« Les perceptions de l’immobilier sont un élément clé
de l’humeur optimiste », a dit M. Nanos.
Le sondage a été réalisé auprès de 1003 Canadiens,
entre le 28 août et le 2 septembre, et comporte une
marge d’erreur de 3,1 points de pourcentage.
Les prix résistent mieux au Québec -
Philippe Mercure
On
savait déjà que les prix des maisons résistaient mieux
à la récession au Québec qu’ailleurs au Canada. Mais
voilà qu’on apprend que c’est aussi vrai pour le coût
des vêtements. Et des meubles, de la nourriture, des
soins de santé, des loisirs...
Les chiffres dévoilés hier par Statistique Canada
montrent que pendant que le montant des factures des
consommateurs baisse au Canada, il grimpe au Québec.
L’ i ndice des pr i x à la consommation a reculé de
0,8 % en août au Canada par rapport à l’an dernier. Il
s’agit d’une t roisième baisse en autant de mois, une
première en 56 ans. Le Québec est toutefois la seule
province avec la Saskatchewan à échapper à la
tendance. Chez nous, les prix ont augmenté de 0,4 %.
Si les consommateurs québécois risquent d’être déçus
de ne pas pouvoir profiter de rabais comme leurs
confrères des autres provinces, les économistes, eux,
y voient plutôt de bonnes nouvelles.
«
C’est un signe que la demande au Québec a été plus
vigoureuse que dans l’ensemble du Canada, dit Benoit
P. Durocher, économiste principal au Mouvement
Desjardins. Si la demande est plus forte, l es pri x
se maintiennent mieux. Ça veut dire que le Québec a
été moins durement touché par la récession. »
Une partie de « l’exception québécoise » s’explique
par un fait déjà connu: la résilience de son marché
immobilier. En Ontario, mais surtout dans l’Ouest
canadien, les prix des maisons ont beaucoup grimpé au
cours des dernières années, avant de se dégonfler
pendant la crise.
Le marché québécois a été plus stable. Le prix du
logement n’a baissé que de 0,3 % en août dans la
province, comparativement à 2,2 % en moyenne au
Canada.
Pascal Gauthier, économiste à la Banque TD, souligne
que les prix des services comme l’eau, le gaz et
l’électricité ont aussi moins varié au Québec qu’en
Ontario. « Les prix des services sont plus stables au
Québec parce qu’ils sont davantage réglementés »,
écrit-il.
Le plus intéressant, cepend a nt , c ’ e s t q ue l e
c o ût du logement n’est pas le seul à mieux r ésister
au Québec qu’ailleurs. Benoit P. Durocher, du
Mouvement Desjardins, s’est amusé à comparer les
autres postes de dépenses des consommateurs. Résultat
: t ant dans l’habillement et la nourriture que
l’ameublement, les soins de santé et les loisirs, les
prix augmentent plus (ou diminue moins) au Québec que
dans le reste du Canada (voir tableau en page 4)
«
C’est probablement une i ndication que le Québec s’en
est mieux t i ré qu’en Ontario, acquiesce Paul-André
Pinsonnault, économiste principal à la Financière
Banque Nationale. Le secteur aéronautique s’est quand
même bien tiré d’affaire jusqu’à tout récemment, ce
qui a permis au Québec de mieux traverser la
récession. Ça a provoqué moins de ventes dans les
magasins. »
Les
économistes ont répété hier qu’il ne faut pas
s’alarmer en voyant de la déflation (un recul des
prix) au pays. Les chiffres du mois d’août sont
comparés à ceux du même mois l’an dernier, alors que
l’essence était beaucoup plus chère (21% de plus). En
excluant l’essence, l’inflation aurait atteint 1,4% au
Canada. M. Pinsonnault souligne qu’en plus de
l’essence, le prix des voitures et les taux
hypothécaires ont aussi beaucoup reculé par rapport à
l’an dernier, et qu’ils devraient maintenant amorcer
leur remontée. Le résultat, c’est qu’ils risquent
d’entraîner l’inflation en territoire positif d’ici
quelques mois.
Les économistes sont d’avis que les données publiées
hier n’influenceront pas la décision de la Banque du
Canada de maintenir son taux directeur à son niveau
plancher de 0,25% jusqu’au milieu de l’an prochain.
Plus de chômage… et de postes à combler -
Maxime Bergeron
Le
nombre d’emplois offerts sur le web a fait un bond au
Canada le mois dernier... ce qui n’empêchera pas le
taux de chômage de grimper jusqu’à 10 % l’an prochain.
C’est ce qui ressort de deux études discordantes
publiées hier par l’Organisation de coopération et de
développement économique (OCDE) et le Conference
Board.
L’une
prédit une hausse continue du chômage j usqu’à l’an
prochain au pays, tandis que l’autre voit déjà des
signes de reprise – et une stabilisation du nombre de
sans-emploi au cours des prochains mois.
Le Conference Board du Canada se montre le plus
optimiste. L’orga nisme a dévoilé hier un nouvel
indice, qui comptabilise les emplois offerts sur les
différents sites de r e c herc he c a nadiens .
Verdict : les offres ont grimpé de 2,6 % en août par
rapport à juillet. Un bon signe.
« Ça i ndique v r a i ment que les données d’emploi
devraient se stabiliser, et c’est vraiment un indice
que la récession tire à sa fin quant à l’emploi et à
la production des entreprises », a fait valoir Pedro
Antunes, directeur des prévisions nationales et
provinciales, pendant un entretien à La Presse
Affaires.
L’indice
donne un bon aperçu du marché « à très court terme
» – septembre et octobre – et laisse croire que la
chute de l’emploi est presque terminée, a expliqué
M. Antunes. Le Conference Board s’attend à ce que
le taux de chômage atteigne « un maximum » de 9,5%
d’ici la fin de l’année ou au début de 2010.
L’OCDE, pour sa part, croit que le pire est loin
d’être passé pour les travailleurs. Le taux de
chômage devrait grimper de 8,7% le mois dernier à
près de 10% l’an prochain au Canada, a avancé hier
l’organisme.
Selon l’OCDE, le marché de l’emploi canadien
pourrait subir des conséquences « plus importantes
» que pendant la récession du début des années 90.
Et mettre un bon bout de temps à reprendre son
aplomb.
« Pendant la récession du début des années 90, le
taux de chômage a atteint son sommet en 1993, mais
il a mis huit ans par la suite avant de revenir à
son niveau prérécession », indique l’étude.
L’effet Ottawa
L’OCDE estime néanmoins que le plan de stimulation
économique d’Ottawa devrait avoir un effet «
relativement important » dans l’atténuation des
pertes d’emplois. Sans ce bouquet de mesures de
plusieurs milliards de dollars, le taux de chômage
pourrait être de 0,7% à 1,1% plus élevé l’an
prochain que les presque 10% prévus, écrit l’OCDE.
La Banque RBC a el l e aussi souligné l’effet réel
des « vigoureuses » mesures de relance mises en
place par Ottawa, dans un r apport publ ié hier.
L’i nstitution prévoit une croissance de l
’économie canadienne de 2 % et 2,4 % aux troisième
et quatrième trimestres de cette année, et de 2,6
% l’an prochain.
« Nous pensons que cette récession au Canada sera
la moins grave des trois dernières, même après les
reculs spectaculaires qu’a connus le PIB (produit
intérieur brut) à la fin de 2008 et au début de
2009 », a commenté Craig Wright, premier
vice-président et économiste en chef de RBC, dans
le rapport.
Mais la reprise ne fera pas décroître
instantanément le taux de chômage l’an prochain,
nuance la RBC. Il devrait atteindre 10%, pour
descendre à 9,7% à la fin de 2010, avance la
Banque Royale.
DEUX CAMIONNEURS, DEUX ÉCONOMIES -
Stéphane Paquet
Tout
le monde en convient, le Québec traverse mieux la
crise actuelle que l’Ontario, l’Alberta ou la
Colombie-Britannique, grâce notamment à une économie
plus diversifiée et au programme d’infrastructures
lancé dès 2007. Avec ce portrait du Québec économi
C’est l’histoire de deux camionneurs, mais ce pourrait
être celle de milliers d’autres. Un qui roule comme un
bon. Et l’autre, dont les activités reprennent bien
lentement. Le premier profite indirectement des
programmes d’infrastructures. Le second a changé de
camion, faute de produits industriels à transporter.
Bienvenue au Flying J de Vaudreuil-Dorion, en bordure
de l’autoroute 40, là où les camions-remorques
emplissent l’immense stationnement asphalté, pendant
que leurs propriétaires vont casser la croûte ou faire
un roupillon. Les gros moteurs tournent, l’air vicié
vient nous gratter le fond de la gorge.
Pierre Philipps détonne un peu dans le paysage, avec
son camion à benne de 10 roues qui a l’air tout petit
à côté des autres mastodontes.
Alors, M. Philipps, comment ça va, l’économie ? « Ça
va très bien », répond-il sans hésiter. « Avant les
vacances de la construction, c’était plus lent. Mais
là, c’est pas mal occupé. »
Vous ne verrez pas le camion de M. Philipps ni sa
petite rétrocaveuse sur les grands chantiers routiers
qui font tant grogner les automobilistes. Lui, son
affaire ces temps-ci, ce sont les cours d’école et les
parcs où on installe de nouveaux jeux.
Mais comme plusieurs de ses confrères qui possèdent
des camions semblables au sien sont occupés sur les
mégachantiers d’infrastructures, il peut travailler en
paix, sans craindre trop de concurrence. « Ils ont un
budget à dépenser, donc, il faut qu’ils le dépensent
», dit-il de ses donneurs d’ouvrage.
Mais n’allez pas c roi re que tous les camionneurs ont
le même large sourire que M. Phi l i pps. Ramon
Aberasturi, lui, a trouvé les derniers mois
difficiles.
L’hiver dernier, il a perdu son emploi. Les fils
électriques, câbles et autres planches en vinyle qu’il
avait l’habitude de transporter ne trouvaient plus
preneur.
« Ça recommence très lentement », dit-il en descendant
de son nouveau camion, celui de Simard Transport, où
il travaille depuis trois mois.
Désormais, ce ne sont pas
des produits industriels qu’il t r a nsporte. Quand on
l ’a rencontré, son camion était chargé d’un
conteneur, plein de produits à destination de
Wal-Mart.
Chez T
r a n s F o r c e , qu i emploie 6000 personnes au
Québec, dont les trois quarts sont des camionneurs et
des manutentionnaires, ces deux histoires sont un fait
connu. « Dans les produits manufacturés, c’est
épouvantable les baisses qu’on subit, raconte le grand
patron, Alain Bédard. Notre chiffre d’affaires en
transport, ce qu’on appelle les truck loads ou charges
complètes, est en baisse de 20%, 25% cette année par
rapport à l’année passée. Puis ça fait depuis 2006
qu’on a des baisses comme ça. »
Depuis trois ans, pendant que des usines québécoises
fermaient, le tiers de ses affaires a disparu dans le
secteur i ndustriel. En 20 0 9, son groupe a mis à
pied 10% du personnel au Québec.
Heureusement pour TransForce, d’autres secteurs, comme
le transport du ciment, se portent mieux. Celui des
denrées alimentaires a même t r aversé l a c r i se
actuel l e comme un gros Kenworth roulant sur de
l’asphalte neuf.
Évidemment, pourrait-on arguer, le secteur du
transport et de l’entreposage ne représente que 4,5 %
du poids total de l’économie du Québec, son PIB. Mais,
comme l’indique l’économiste Hélène Bégin de
Desjardins, ces 4,5 % agissent comme un bon reflet de
l’activité économique. « C’est l a mei l l eure c
ourroie de transmission de l’économie »,
explique-t-elle.
Et dans les magasins ?
Claude Guévin t ravaille c hez Rona depuis 198 6 .
Aujourd’hui premier vice-président et chef de la
direction financière du groupe, il est à même de
sentir le pouls de l’économie d’un bout à l’autre du
pays. « Je t rouve qu’à date, à part Terre-Neuve,
c’est probablement la province du Québec qui s’en sort
le mieux sur le plan de la récession. »
Les données de Statistique Ca n a d a c o n f i r ment
s o n pifomètre. Au Québec, de j uin 2008 à j uin
2009, les ventes au détail ont baissé de 1, 4 %,
contre 4,4 % au Canada.
Quand on lui demande si, dans ses 365 magasins Rona du
Québec, il voit une différence d’une région à l’autre,
M. Guévin commence par les plus éloignées : « Ça me fa
it beaucoup penser aux Maritimes, dit-i l . Pas de
grande croissance, pas non plus de grand choc quand
arrive la récession. »
La région de Québec, c’est un peu comme Ottawa à ses
yeux, stable grâce à la fonction publique.
À Montréal, il voit davantage de montagnes russes. Et,
ces derniers temps, c’est plus le bas de la pente que
le haut. « Il y a moins de grues, moins de
construction de tours, moins de projets » que dans les
autres grandes villes du pays, a-t-il observé.
Retour dans le stationn e ment d u F l y i n g J d e
Vaudreui l - Dor i on, l à où Pierre Philipps fait le
plein. En 26 ans de camionnage, il a vécu d’autres
ralentissements. Son appréciation de cette récession :
« Je la trouve moins dure que celle de 1990. Je
pensais que ça allait être plus dur, parce qu’elle a
été plus médiatisée, mais j ’ai passé à travers plus
facilement », dit-il, avant de repartir installer ses
jeux dans la cour d’école.
Le petit miracle québécois - ALAIN
DUBUC
Le
niveau d’emploi a augmenté au mois d’août : 8300 au
Québec et 27 100 dans l’ensemble du Canada. Ces
données renforcent l’idée qu’il y a eu un revirement
et que nous sortons de la récession. Elles montrent
également à quel point le Québec a été moins touché
par la crise que le reste du Canada et que la
plupart des économies occidentales.
Il y a eu un petit miracle au Québec, qui mérite
d’être souligné, même lourdement. Pour trois
raisons. Premièrement, on critique si souvent – moi
le premier – la sous-performance de l’économie
québécoise, qu’il est important de parler de ses
succès. Deuxièmement, ce succès relatif, et quand
même étonnant, nous force à jeter un regard nouveau
sur les forces et les faiblesses de notre économie.
Troisièmement, le fait que les entreprises, les
consommateurs, les travailleurs québécois aient été
moins malmenés et moins fragilisés peut nous aider à
mieux relever les défis de l’après-crise.
On mesure souvent la gravité d’une récession par son
impact sur l’emploi. Entre le sommet d’avant la
récession et son creux, en juillet, le Québec a
perdu 70 000 emplois, dont 8300 ont été retrouvés en
août. Le chômage, qui atteint maintenant 9,1%, peut
augmenter encore, et il faudra du temps pour le
ramener au niveau de 7% que nous avons connu.
Mais cette baisse du nombre d’emplois, de 1,6%, est
bien plus faible que la chute de 3,5% qui a frappé
l’Ontario et celle de 2,4% pour le Canada. Et
surtout, on est très loin de la récession de 1981
qui avait fait disparaître 8,3% des emplois ou celle
de 1991 qui en avait emporté 4,7%.
Pourquoi? Il y a plusieurs séries de facteurs.
Certains sont liés au hasard, comme le «timing»
providentiel des travaux d’infrastructures du
gouvernement Charest, ou encore le fait que certains
secteurs, comme la forêt, avaient été frappés deux
ans plus tôt. D’autres reflètent ce que l’on
pourrait appeler l’envers de la médaille: une
présence importante de l’État devient un avantage en
période de crise, ou encore une absence de dynamisme
économique nous protège contre les pièges de la
prospérité, comme les bulles immobilières. D’autres
facteurs sont liés à notre structure industrielle,
qui s’est diversifiée, qui s’est modernisée, qui
s’est débarrassée de ses canards boiteux, et qui
n’est pas trop dépendante d’un seul secteur, comme
l’Ontario avec l’automobile.
Dans l’ensemble, on peut dire qu’on a évité le pire,
non pas parce que l’économie est très performante,
mais parce qu’elle est résiliente. Ce n’est pas
rien. Mais ce n’est pas assez. La récession nous a
tellement préoccupés qu’on a peut-être oublié que le
Québec avait de sérieux problèmes économiques avant
la crise. Ils sont toujours là. Et ils sont encore
plus aigus.
On peut bien sûr se consoler que le Québec réduira
l’écart de niveau de vie avec l’Ontario et les
États-Unis. Pas parce que nous avons progressé, mais
parce que les autres ont plus reculé. Cette illusion
de succès ne doit pas masquer le fait que les
finances publiques, déjà en crise, le seront encore
davantage. Que les échéances démographiques,
notamment une baisse prochaine de la main-d’oeuvre,
avec son effet négatif sur le potentiel de
croissance, restent essentiellement les mêmes. Ou
que la productivité, trop basse avant la récession,
l’est tout autant après.
Notre résilience nous confère un avantage à
condition de s’en servir comme d’un levier. Il est
certainement plus facile de rebondir quand on n’est
pas par terre. Mais n’oublions pas que nous ne
sommes pas seuls et que tous les pays se préparent à
l’après-crise, que tous les pays veulent profiter de
cette sortie de crise pour se donner un nouvel élan.
Ajout record de locaux commerciaux au
Canada
Les
promoteurs canadiens ont ajouté des locaux pour
commerces de détail à une cadence record pendant que l
’économie du pays ét a i t aux prises avec la
récession. Cette progression est attribuable aux
consommateurs et aux investisseurs tels que le Régime
de retraite des enseignants de l ’ Ontario (
Teachers’).
L e s c o n s t r uc t e u r s o nt ajouté environ 6,8
millions de pieds carrés de locaux pour commerces de
détail au cours de la première moitié de 2009, soit
davantage que pendant tout 2008, selon la division
canadienne de CB Richard Ellis Group, plus important
courtier de biens commerciaux dont l’action est
inscrite en Bourse.
« Une superf i c i e r ecord de locaux pour commerces
de détai l continue d’être construite et offerte bien
que le secteur de détail montre des signes qu’il est
soumis à une tension », explique Ricky Hernden, a
nalyste de CB Richard Ellis à Toronto.
Les dépenses affectées au secteur du détail au Canada
ont repris plus vite que tout autre volet de
l’économie, comme l a production des usines, en partie à cause des baisses
d’impôts et des taux d’intérêt bas qui ont
soutenu la situation financière des ménages.
Les prêts se sont aussi maintenus étant donné que les
banques canadiennes ont dans l’ensemble évité les
écueils provoqués aux ÉtatsUnis par les prêts
hypothécaires à risque.
Différent des États-Unis
L’essor
constaté
du côté du secteur du détail au Canada fait contraste
avec la situation aux États-Unis, où des détaillants
en faillite ont laissé inoccupés 2 millions de pieds
carrés de locaux cette année.
Le taux d’inoccupation de l’immobilier commercial au
Canada a grimpé à 7,5 % au cours du premier trimestre
de 2009 comparativement à 6,3 % pendant la période
correspondante un an plus t ôt , d’après des données
de CB Richard Ellis. Aux États-Unis, le taux a été de
15,5 %.
Au cours des derniers mois, les titres des sociétés de
développement et celles actives dans le domaine
immobilier ont fait mieux que le reste du marché
canadien. Ainsi, depuis le début de mai dernier,
l’action de Brookfield Asset Management a grimpé de 2
6 % à l a Bourse de Toronto tandis que celle de
FirstService Corp. a bondi de 45 %. Pendant la même
période, l’indice composite St a nda r d & Poor ’
s / T SX a progressé de 11 %.
P a r mi les t r a vau x e n cours au Canada, on note
l’agrandissement de 175 000 pieds c a r rés du Chinook
Centre, à Calgary, un projet de Teachers’ d’une valeur
de 300 millions. Autre proj et à venir : celui de The
Remi n g t o n Group, u n e société privée, qui
prévoit construire à Markham, en Ontario, 800 000
pieds carrés de locaux pour commerces de détail et
d’immeubles résidentiels, le tout au coût d’un
milliard de dollars.
« On e s t c onvaincu au Canada qu’au moment où l a
récession sera f i nie et que l’économie commencera à
r ebondi r , l e s c onsommateu r s r ecommenceront à
dépenser beaucoup plus vite », estime John Sullivan,
vice-président du développement de la division
immobilière Cadillac Fairview de Teachers’.
Ce dernier précise que Cadillac Fairview a entamé du
travail pour une somme de 1,5 milliard de dollars pour
augmenter ou améliorer des locaux pour commerces de
détail.
Le Canada, havre bancaire selon Global Finance
- Hugo Fontaine
Pendant
que la crise du crédit affligeait plusieurs grandes
banques du monde, les institutions financières
canadiennes ont tenu bon. Si bien que six d’entre elles
se retrouvent au palmarès des 50 banques les plus sûres
du monde, établi par le magazine La Banque Royale bondit
de quatre places par rapport à l’an dernier pour
atteindre le top 10. La CIBC (37e) et les caisses
Desjardins (26e) font une belle entrée dans le
classement annuel, tandis que la Banque Nationale du
Canada est absente.
La poussière de la crise retombe, affirme le mais les
banques durement frappées par la crise n’ont pas regagné
leurs galons.
La
première banque américaine, Bank of New York Mellon,
apparaît au 32e rang, tout juste derrière la Banque de
Montréal. Trois autres banques américaines sont du
groupe, dont Wells Fargo, qui a dégringolé de la 9e à la
42e place. Citigroup a été éjectée du classement.
La moitié des huit premières banques sont allemandes,
dont la KfW, tout en haut de la liste. Le classement est
basé sur les cotes de crédit et les actifs totaux des
500 plus grandes banques du monde.
Banques québécoises : Des « résultats
impressionants » - Martin Vallières
Le
vif rebond des marchés boursiers compense l’impact
de la récession à la Banque Nationale. Les résultats de la Banque
Nationale ont éclipsé les attentes des analystes.
Ceux-ci anticipaient une baisse de 20% du bénéfice
par action, autour de 1,37$. La Nationale a fait
bien mieux avec un bénéfice par action de 1,78$.
Même que le tonus de ses activités boursières a
permis à la principale banque québécoise de dégager
un profit record à son troisième trimestre.
Ce bénéfice net a atteint 303 millions de dollars au
trimestre terminé le 31 juillet, 6% de plus qu’à
pareille date l’an dernier.
Le chiffre d’affaires de la Nationale a aussi crû de
7% au troisième trimestre, sur une base annualisée.
Ce gain reflète le rebond des activités boursières
mais aussi la relative résilience à la récession de
son marché principal : le Québec.
«Malgré la récession, notre portefeuille de prêts
(actif primordial de la banque) n’a pas subi de
détérioration significative », a vanté Louis Vachon,
président et chef de la direction de la Nationale,
lors de la téléconférence avec les analystes.
D’ailleurs, les résultats de la banque ont amplement
éclipsé les attentes des analystes. Ils anticipaient
une baisse de 20% du bénéfice par action, autour de
1,37$. La Nationale a fait bien mieux avec un
bénéfice par action de 1,78$.
« Ces résultats sont impressionnants dans les
circonstances », a admis John Aiken, analyste
bancaire et vice-président chez Dundee Securities, à
Toronto.
Quant à sa provision de pertes sur prêts, un
important élément comptable des banques en période
de récession, la Nationale a aussi fait mieux que
s’y attendaient les analystes.
La banque a décidé de s’en tenir à une provision de
46 millions au troisième trimestre. C’est 27% de
plus qu’il y a un an, et 5 millions de plus qu’au
deuxième trimestre précédent.
Toutefois, cette provision est i nférieure d’au
moins 10 millions aux prévisions d’analystes.
«La Nationale a le risque de prêts le moins élevé
parmi les six principales banques canadiennes. Elle
devrait maintenir cet avantage pour quelques
trimestres grâce à son implication moindre dans le
marché du crédit aux États-Unis », selon John Aiken.
Mais pour son vis-à-vis Michael Goldberg,
spécialiste des banques chez Valeurs mobilières
Desjardins, le portefeuille de prêts de la Nationale
incite à la prudence.
«Même si la dernière provision pour pertes sur prêts
est inférieure aux attentes, elle demeure en hausse
par rapport au deuxième trimestre précédent et au
troisième trimestre de l’an dernier. Si cette
détérioration s’accentue, les prochains résultats
trimestriels de la Banque Nationale risquent encore
d’être affectés », a avertit M. Goldberg.
Dans l’immédiat, en Bourse, les investisseurs ont
préféré célébrer hier les résultats meilleurs que
prévus de la Nationale, plutôt que de s’inquiéter
déjà des prochains.
Ils ont poussé ses actions en hausse de 4% à 60,89$,
alors que stagnait l’indice de marché S&P/TSX.
Il s’agit d’une cote inégalée depuis deux ans pour
la Nationale, suffisante aussi pour faire remonter
sa valeur totale au-delà des 10 milliards.
En fait, la Nationale a récupéré toute la perte de
valeur boursière qu’elle avait subie lors de la
crise des papiers commerciaux (PCAA), à l’automne
2007, ainsi que la grave crise financière de
l’automne 2008.
Divisions
Parmi les principales divisions de la Nationale,
celle des marchés financiers a aisément raflé la
palme de croissance au troisième trimestre.
Cette division menée par la filiale boursière
Financière Banque Nationale a augmenté ses revenus
de 35% sur un an et de 15% par rapport au deuxième
trimestre précédent.
Son bénéfice a crû encore plus fortement : en hausse
de 54% sur une base annuelle et de 35% par rapport
au trimestre précédent.
Quant à la plus grosse division de la Nationale,
celle des services aux particuliers et aux
entreprises, plus sensible à la récession, elle a
accru ses revenus de 7% et son bénéfice de 13% par
rapport au deuxième trimestre précédent.
Cette croissance de bénéfice est survenue malgré une
hausse de dépenses, conséquence de l’ajout de
personnel de services aux clients.
Ainsi, en dépit des coupes de postes administratifs,
et sans ajout aux 446 succursales, l’effectif de la
Nationale s’est accru de 626 employés au cours des
neuf derniers mois, à 17 772 personnes.
«Nous venons d’embaucher 250 personnes pour nos
services clients. Nous sommes à les former et à les
doter de nouveaux outils informatiques, ce qui
devrait avoir un impact positif sur nos ventes d’ici
un an», a précisé Patricia Curadeau-Grou, c hef des
finances et vice-président exécutive de la
Nationale.
D’ailleurs, au t roisième t r i mestre, les
activités de «gestion de patrimoine» de la
Nationale, qui comprennent les fonds
d’investissement, affichaient encore une baisse de
8% pour les revenus et de 21% pour le bénéfice, sur
une base annualisée.
Profits en or pour la Royale
La
Banque TD annonce aussi des profits au-delà des
attentes
La Banque Royale du Canada a fait état hier de
bénéfices records, tandis que les profits dégagés
par la Banque Toronto-Dominion ont été supérieurs
aux estimations des analystes. Les prêteurs
canadiens ont profité de la hausse des r evenus t
i r és de transactions et aussi du rebondissement
du marché immobilier. Le bénéfice net de la
Banque Royale a bondi de 24% à 1,56 milliard
CAN, ou 1,05$ par action, au troisième
trimestre. De son côté, la Banque
Toronto-Dominion, deuxième banque en importance
au pays, a annoncé que ses profits avaient
baissé de 8,5% à 912 millions, soit 1,01 $ par
action.
La Banque Royale, premier prêteur au pays, a
précisé que son bénéfice net au troisième t r i
mestre ava i t bondi de 24 % à 1,56 milliard CAN,
ou 1,05 $ par action. De son côté, l a Banque
TorontoDominion, deuxième banque en importance au
pays, a annoncé que ses profits ava i e nt ba i s
s é de 8 , 5 % à 912 millions, soit 1,01 $ par
action.
Ces deux firmes rejoignent la Banque de Montréal
et la Banque Nationale au sein des prêteurs dont
les résultats sont supérieurs aux prévisions des
analystes, ce qui fait en sorte que la plupart des
banques canadiennes sont en voie de faire mieux
que l e s prévisions pour le deuxième t r i mestre
de suite. Le bond de 16 % de l’indice composite
canadien Standard & Poor’s/ TSX a fait grimper
les commissions de transactions tandis que les
prêts hypothécaires ont augmenté après que les
reventes de maisons eurent progressé pendant six
mois de suite au Canada.
« Il semble que le pire est peut-être derrière
nous » , estime John Kinsey, qui participe à la
gestion d’actifs d’environ 1 milliard CAN chez
Caldwell Securities, à Toronto, y compris des
titres de banques canadiennes. « Elles [les
banques] vont probablement s’en tirer sans trop de
mal cette année », ajoute-t-il.
Hier, l’action de la Banque Royale du Canada a
bondi de 3,46 $, ou de 6,52 %, à 56,55$ à la
Bourse de Toronto, plus fort gain en plus de cinq
mois. Le titre de la Banque Toronto-Dominion a
progressé de 3,23% à 68,39$.
Avant éléments non récurrents, la Banque
TorontoDom i n i o n a réalisé un profit de 1,47 $
par action, soit davantage que la prévision
médiane de 11 analystes sondés par Bloomberg, qui
se situait à 1,24 $ par action. Sur lystes avaient
prévu un profit de 93 cents par action.
Les bénéfices de la Banque Royale ont bondi pour
la première fois en sept trimestres au moment où
les commissions sur les transactions portant sur
des titres de revenu fixe, des actions et des
devises ont compensé les pertes sur prêts. Les
revenus de transactions ont plus que quadruplé, à
1,61 milliard, par rapport à un an plus tôt.
« On ne peut pas parler de la Banque Royale sans
évoquer l’énorme paquet d’argent que la banque
obtient grâce à ses opérations de transactions »,
soutient Craig Fehr, un analyste de la société
Edward Jones & Co., à St. Louis.
Les prêteurs ont mis plus d’argent de côté en
prévision de c réances douteuses au moment où le
taux de chômage au Canada a atteint un sommet en
11 ans et tandis que les faillites se sont
multipliées.
Ainsi, la Banque Royale a c onstit ué u ne r é s e
r ve de 770 mi l l i ons pour l es prêts i r
récouvrables, soit plus du double du montant mis
de côté i l y a un an. Michael Goldberg, un
analyste de Valeurs mobilières Desjardins, dit
prévoir que la Banque Royale subira des pertes sur
prêts de 979 millions.
Les profits de la Laurentienne étonnent
les analystes
La
Banque Laurentienne a affirmé hier être en position
de connaître une année record au chapitre des
volumes de prêts et dépôts, après avoir étonné les
analystes avec l’annonce de revenus nets d’intérêts
plus élevés ayant contrebalancé les pertes sur prêts
et les dépréciations.
« Bien que les défis posés par l’économie et les
marchés demeurent, comme le contexte de faibles taux
d’intérêt sans précédent, nous s ommes satisfaits de
la performance de tous nos secteurs d’affaires au
troisième trimestre », a déclaré le président et
chef de la direction de la banque, Réjean
Robitaille, lors d’une conférence téléphonique.
La banque montréalaise a enregistré au troisième
trimestre un bénéfice net de 28,7 millions, en
baisse de 7,1 % par rapport à celui de 30,9 millions
réalisé à la même période l’an dernier, alors
qu’elle avait tiré profit de la vente de sa
participation dans la Bourse de Montréal.
Le bénéfice net par action de l a Laurent i enne s
’e s t chiffré à 1,08$ pour le trimestre terminé le
31 juillet, contre 1,17 $ au troisième trimestre de
l’exercice précédent.
L’institution a vu ses revenus augmenter de quelque
3 %, à 176,7 millions, contre 171,1 millions.
Les résultats du troisième trimestre de l’an dernier
incluaient un gain net de 11,1 millions réalisé
grâce à la vente d’actions de la Bourse de Montréal,
contrebalancé en partie par une augmentation de 8
millions de la provision générale pour pertes sur
prêts destinée à améliorer le niveau global des
provisions.
Abstraction faite de ces éléments, le bénéfice net
est en hausse de 13%, soit 15 cents par action.
Supérieurs aux attentes
Ces résultats sont supérieurs aux attentes des
analystes. Ces derniers avaient prédit que l es
bénéfices ajustés de la banque chuteraient de 20 %,
à 88 cents, comparativement à 1,09 $ l’an dernier,
sur des revenus de 162 millions, selon Thomson
Reuters.
L e s mesu r e s mises e n oeuvre depuis le début de
l’exercice financier afin de contrer l’impact de la
crise financière et économique ont contribué à
l’amélioration des résultats de la banque, a indiqué
M. Robitaille.
Par ailleurs, le rendement des capitaux propres
attribuables aux actionnaires ordinaires s’est
établi à 11,6 % pour le trimestre de mai, juin et
juillet, comparativement à 13,4% pour la même
période en 2008.
Au total, la provision pour pertes sur prêts s’est
établie à 16 millions, comparativement à 18,5
millions.
Le cours des actions de la Banque Laurentienne a
clôturé hier à 37,94 $ à la Bourse de Toronto, en
hausse de 1,71 $, soit près de 5%.
L’indice vin - ANDRÉ PRATTE
Comme
le reste de la planète, le Québec a vu sa croissance
freinée par les contrecoups de la crise aux
États-Unis. Cela n’a apparemment pas empêché les
Québécois de profiter des plaisirs de la vie. Ainsi,
au cours du printemps, les ventes de la Société des
alcools ont continué d’augmenter.
Les dirigeants de la SAQ s’attendaient à ce que la
récession ait un impact négatif sur les ventes des
Fêtes 2008; ça ne s’est pas produit et la société a
terminé son année financière 2 0 0 8 -2 0 0 9 avec un
bénéfice record. La crise allait-elle frapper avec
quelques mois de retard ? Non. D’avril à juin 2009,
les ventes de la SAQ ont augmenté de 7,3% par rapport
à la même période l’a n der nier. Presque toute
l’augmentation des ventes en volume provient du vin :
les Québécois ont acheté 1,8 million de litres de plus
de vin pendant ces trois mois que durant la même
période en 2008.
Les Québécois auraient-ils choisi de noyer leurs
soucis dans l’alcool? Ce n’est pas ce qu’ils avaient
fait lors de la récession du début des années 90; de
1990-1991 à 1991-1992, les ventes de la SAQ avaient
chuté de 8,8%.
Serait-ce que le vin fait tellement partie du mode de
vie des Québécois qu’ils n’y renonceraient qu’en
dernier recours? Peut-être. Mais il faut noter que les
ventes de la Liquor Control Board of Ontario ont
également augmenté au printemps, bien que la hausse
soit plus faible que celle constatée au Québec.
Les
Québécois auraient-ils déserté les restaurants pour
cuisiner à la maison, le tout agrémenté d’une bonne
bouteille? En tout cas, cela ne se reflète pas dans
les ventes des restaurants, qui ont augmenté de 4% au
Québec de mai 2008 à mai 2009.
Alors quoi? L’hypothèse la plus vraisemblable
expliquant les bons résultats de la SAQ, c’est que la
crise économique a épargné la grande majorité des
Québécois. Il est vrai que depuis le début de l’année,
62 000 Québécois ont perdu leur emploi. Le taux de
chômage se situe maintenant à 9%. Pour les gens
touchés, il s’agit d’une catastrophe. Mais,
historiquement, un tel niveau de chômage n’a rien
d’exception nel ; en 1992 et 1993, 13% des
travailleurs québécois étaient en chômage.
De façon générale, la sit uation financière des
Québécois s’est moins dégradée que celle des autres
Canadiens. Les prix des maisons se sont maintenus et,
grâce à la baisse des taux d’intérêt, les
propriétaires d’ici consacrent une part moindre de
leur budget à leur hypothèque. Au cours de la dernière
année, les ventes au détail ont à peine glissé au
Québec (-1,4% contre -4,5% en Ontario et -8% en
Alberta et en Colombie-Britannique).
En somme, le Québec semble avoir évité le pire de la
crise. Toutefois, les Québécois auraient tort de...
sabler le champagne. Le vieillissement de la
population et le poids croissant de la dette publique
risquent de nous faire connaître d’ici peu des années
difficiles.
Un vent d’optimisme souffle sur l’immobilier
- Philippe Mercure
C’est comme si la récession était déjà loin
derrière. Le secteur immobilier est en feu au
pays, si bien que les analystes ont dû
dépoussiérer leurs boules de cristal et revoir
complètement leurs prévisions.
Et
on ne parle pas de petites révisions. Pas plus
tard qu’en mai dernier, l’Association canadienne
de l’immeuble (ACI) prédisait que le nombre de
reventes de maisons dégringolerait de 14,7% cette
année. Rectification de tir majeure, hier: la
baisse, finalement, ne devrait atteindre que 0,4%.
«
Ce sont de grosses révisions, a admis hier Gregory
Klump, économiste en chef à l’ACI. Le rebond a été
vraiment spectaculaire, tant par sa rapidité que
son amplitude. »
Ce qui a motivé les économistes à revoir leurs
prévisions, ce sont les ventes vigoureuses du
deuxième trimestre, qui ont poursuivi leur lancée
au début du troisième. « La différence entre le
marché de la revente actuel par rapport au début
de l’année est comme le jour et la nuit », a dit
M. Klump
Ce
rebond est particulièrement spectaculaire dans
l’Ouest et en Ontario, où le marché a dégringolé
rapidement… avant de remonter rapidement.
En Colombie-Britannique, les prévisions des
analystes de l’ACI ont complètement changé de cap.
Alors qu’on prévoyait une baisse de 18,7 % du
nombre de transactions pour 2009, on prédit
maintenant une hausse de 5,2 %. Même chose en
Ontario, qui passe d’une prévision à la baisse de
12,7% à une prévision à la hausse de 0,5 %.
L’Alberta améliore aussi considérablement ses
prévisions, passant d’une baisse majeure de 24,7%
à une légère baisse de 2,5 %. Le Québec n’échappe
pas à la tendance. L’ACI prévoit que le nombre de
transactions baissera de 2% en 2009, alors qu’elle
tablait sur un plongeon de 10,8% en mai.
« Nous aussi on a revu nos prévisions à la hausse,
autant pour les transactions et les constructions
neuves que pour les prix », dit d’ailleurs Hélène
Bégin, économiste principale au Mouvement
Desjardins, qui étudie le marché québécois.
« Le marché s’est redressé beaucoup plus
rapidement que prévu et on a été déjoué, comme la
plupart des analystes », ajoute-t-elle.
Pour
ce qui est des prix, le recul généralisé qui a
balayé le Canada (mais épargné le Québec) semble
ainsi terminé. L’ACI prévoit une hausse des prix
de 1,5 % en 2009 à l’échelle nationale. Les prix
se stabiliseront d’ici la fin de l’année et
resteront stables en 2010.
Au Québec, le Mouvement Desjardins prévoit que «
la baisse des prix qui était initialement
anticipée n’aura pas lieu ». Les prix n’ont fait
qu’une pause et on déjà commencé à remonter. La
hausse s’élève déjà à 2,6 % entre janvier et
juillet et Desjardins prévoit qu’elle atteindra 3
% pour l’ensemble de l’année. Desjardins croit
qu’elle pourrait excéder 5% en 2010.
Une vigueur surprenante
Qu’est-ce qui fa it ainsi mentir les boules de
cristal ? « Les taux d’intérêt ont diminué et les
gens ont commencé à croire que le gros de la
récession était derrière. Ça a propulsé la
confiance des consommateurs et fait monter les
ventes », analyse M. Klump, qui mentionne aussi
que les i mportantes baisses de prix dans
plusieurs régions du Canada ont incité bien des
consommateurs à sauter sur les aubaines.
Hélène Bégin, de Desjardins, avoue quant à elle
trouver étrange de voir le marché immobilier si
vigoureux alors que les pertes d’emplois ne sont
pas terminées ( 37 000 pertes au Québec pour le
seul mois de juillet) et que le taux de chômage
trône à 9%.
« Habituellement, quand il y a des pertes
d’emplois importantes, la consommation et le
marché immobilier continuent de battre de l’aile.
On se disait que même si la confiance des
consommateurs revenait, il faudrait que le secteur
emploi soit bon pour qu’on voie un redressement
dans l’immobilier. Dans ce cas-ci, ça s’est avéré
nonnécessaire et c’est assez curieux. On dirait
que le ressac a été vraiment occasionné par le
côté psychologique de la crise. »
Le recul des bénéfices ralentit
OTTAWA— L e s bénéf i c e s d’exploitation des
entreprises canadiennes ont diminué de 6,4 % au
deuxième trimestre de 2009 par rapport au t
rimestre précédent de l’an dernier, pour se
chiffrer à 50,2 milliards de dollars.
Le recul est moindre que ceux enregistrés au
premier trimestre de 2009 et au quat rième t
rimestre de 2008, qui étaient, respectivement de
14,1 % et de 19,2 %.
D’une année à l’autre, soit par r appor t au
deuxième trimestre de 2008, les bénéf i c e s d ’
e x ploi t a t i on des entreprises canadiennes se
sont repliés de 32 %. I l s étaient de 73,7
milliards au deuxième t ri mestre de 2008.
Les bénéfices nets ont , pour leur part, augmenté
de 51,7 % entre le premier trimestre et le
deuxième trimestre de 2009. Mais, par rapport au
deuxième trimest re de 2008, les bénéfices nets
des entreprises affichent un recul de 18,3 %.
Les revenus d’exploitation des sociétés se sont,
de leur côté, situés à 738,2 milliards au deuxième
t ri mestre de l’exercice en cours, contre 743,7
milliards au premier trimestre et 802,3 milliards
au deuxième t ri mestre de 2008. La baisse du
premier au deuxième t ri mestre de 2009 est de 0,7
% et de 8,0 % d’une année à l’autre.
Le commerce s’active Cinquième hausse
des ventes au détail en six mois
OTTAWA — Les ventes au détail au Canada ont augmenté
de 1% en juin pour s’établir à 34,4 milliards de
dollars, une hausse alimentée en grande partie par
les achats d’essence et de pièces d’automobiles, a
indiqué hier Statistique Canada.
Il s’agit du cinquième gain en six mois à ce
chapitre, a souligné l’agence gouvernementale. Et la
progression de 1% des ventes surpasse largement les
attentes des économistes, qui tablaient sur une
hausse de 0,2 % en moyenne, selon un sondage
Bloomberg.
« La progression des ventes au détail apporte de
nouvelles preuves que la récession au Canada s’est
terminée en juin, a dit l’analyste Krishen
Rangasamy, de Marchés mondiaux CIBC. Les gains ont
été bien répartis, la progression de 1% en juin
étant épaulée non seulement par les prix mais aussi
par les volumes. »
Signe encourageant
«
Je ne m’attendais pas à une telle vigueur (des
ventes au détail), a renchéri Jonathan Basile,
économiste au Crédit Suisse, à New York. Ce rapport
(de Statistique Canada) est un signe encourageant
qui renforce l’hypothèse de la Banque du Canada – et
la nôtre – voulant que la reprise va se concrétiser
au troisième trimestre. »
L’augmentation des prix de l’essence de mai à juin a
entraîné une progression de 4,7 % des ventes dans
les stations-service, principal facteur à l’origine
de la hausse de 2,1 % enregistrée en juin dans le
secteur de l’automobile.
Dans le reste du secteur de l’automobile, les ventes
des concessionnaires de véhicules automobiles
d’occasion, de plaisance et de pièces ont progressé
de 2,2 %. Les ventes chez les concessionnaires
d’automobiles neuves ont affiché une croissance de
0,4 % en juin.
Au total, les ventes ont augmenté dans six des huit
secteurs du commerce de détail en juin, a indiqué
Statistique Canada.
Les deux secteurs ayant affiché des baisses sont
celui des magasins de marchandises diverses et celui
des magasins de matériaux de construction et de
produits extérieurs pour la maison. La diminution a
été de 0,6 % dans les deux cas.
Les ventes au détail ont été en hausse dans neuf
provinces en juin. Les taux d’augmentation les
plus élevés ont été enregistrés dans les
Prairies, soit au Manitoba (+2,8 %) et en
Saskatchewan (+2,3 %).
Au Québec, l es ventes se sont accrues de 1, 8
%, ayant ainsi contribué le plus à la
progression i nscrite à l ’échel le nationale.
Cet t e hausse reflète en outre des ventes plus
élevées dans les stations-service attribuables
aux prix ainsi que de fortes ventes chez les
concessionnaires de véhicules automobiles neufs.
En Ontario, les ventes au détail ont été
essentiellement inchangées en juin.
Le Nouveau-Brunswick est la seule province où
les ventes ont diminué en juin. Le recul y a été
de 0,2 %.
L’économie va mieux...
Les
données de juin pour l’ensemble du pays semblent
démontrer que la récession s’est bel et bien
terminée pendant le deuxième trimestre, comme
l’avait prédit la Banque du Canada, a noté
l’analyste Andrew Pyle, de la firme Scotia
McLeod.
En juillet, le gouverneur de la Banque du
Canada, Mark Carney, avait proclamé la fin de la
récession, tout en prévenant que l’économie en
ressortirait diminuée et avec un potentiel de
production amoindri.
... mais l’emploi bat de l’aile
Malgré tout, le marché de l’emploi tarde à aller
mieux et d’autres pertes d’emplois sont
attendues, ce qui pourrait freiner la croissance
des ventes au détail.
Krishen Rangasamy explique que l’augmentation du
volume des ventes en juin pourrait gonfler le
PIB canadien pour la première fois en 11 mois.
Il croit que le PIB s’est amélioré de 0,3 % en
juin, mais les données officielles ne seront
rendues publiques que lundi prochain.
La reprise s’amorce au Canada
- Julian Beltrame
OTTAWA
— Les preuves voulant que la récession soit terminée
au Canada se multiplient, ce qui en fait l’une des
plus courtes périodes de marasme économique – quoique
aussi l’une des plus importantes – à avoir frappé le
pays depuis la Seconde Guerre mondiale.
Statistique Canada a rapporté hier que l’indicateur
avancé composite avait augmenté de 0,4 % en j uillet.
L’augmentation enregistrée le mois dernier est la
première depuis août 2008, juste avant que les
perturbations des marchés financiers mondiaux ne se
soient accentuées de façon prononcée.
De son côté, la Banque CIBC a annoncé que, en dépit
d’une hausse du taux de chômage, les nouveaux chômeurs
n’avaient en moyenne besoin que de 15 semaines pour
trouver un nouvel emploi, soit seulement une semaine
de plus qu’avant la récession.
Lors d’une récession comparable en 1991, i l fallait
compter une moyenne de 20 semaines avant de retrouver
du travail.
« I l y a actuellement un million de Canadiens (soit
environ les deux tiers des sans emploi) qui ont été au
chômage pendant moins de trois mois », a affirmé hier
Benjamin Tal, économiste à la CIBC.
« Le taux de sortie du chômage (...) laisse croire que
les nouveaux chômeurs sont plus susceptibles de se
trouver un emploi ou de lancer leur propre entreprise
lors des prochains mois qu’ils ne l’étaient pendant la
majeure partie des années 90 », a-t-il ajouté.
La plupar t des experts avaient prédit que l’économie
canadienne cesserait de chuter pendant le troisième
trimestre, qui se termine le 30 septembre. D’autres,
dont la Banque du Canada, prévoyaient même un retour à
la croissance pendant cette période.
Au
cours des deux derniers jours, autant le Fonds
monétaire international (FMI) que l’Organisation de
coopération et de développement économique (OCDE) ont
fait état d’un ralentissement de la détérioration
rapide de l’économie mondiale, le FMI soulignant même
une reprise de la croissance.
Bien que la majeure partie de la planète ait été en
récession pendant plus longtemps que le Canada, un tel
scénario voudrait dire que la période de marasme
économique aura duré un total de trois trimestres au
pays, soit une période relativement courte.
La Banque du Canada prévoit que la croissance
économique atteindra en moyenne 3 % au pays, l’an
prochain. Cette prévision est considérablement plus
optimiste que celle de 2,3 % formulée par le secteur
privé.
Dans l’ensemble, 6 des 10 composantes ont enregistré
des hausses en juillet, soit le plus grand nombre
depuis mai 2008.
L’indicateur avancé composite mensuel du Canada
comprend les 10 éléments de l’activité cyclique de
l’économie qui représentent les principales catégories
de la dépense i ntérieure brute. I l t raduit donc les
divers mécanismes qui peuvent engendrer l es c ycles
des entreprises.
De plus, le taux annuel d’inflation au Canada a glissé
à son plus bas niveau en 56 ans le mois dernier, alors
que les prix à la consommation ont baissé de 0,9 % par
rapport à juillet 2008.
La baisse a été principalement attribuable à un repli
sur 12 mois des prix des produits énergétiques,
particulièrement de l’essence, de l’ordre de 23,4 %.
Le revenu personnel disponible a augmenté
de 4% au Québec
QUÉBEC
— Le revenu personnel disponible par habitant au
Québec s ’est accru de 4 % en 2008 pour s’établir à 25
494 $, selon les données publiées hier par l’ Institut
de la statistique du Québec. En 2007, il avait connu
une hausse de 4,9 %.
De toutes les régions administratives, c’est le
Nord-duQuébec qui a enregistré, de loin, la plus forte
augmentation en 2008. Dans cette région, le revenu
disponible a plus que doublé, passant de 25 867 $ en
2007 à 53 527 $ en 2008. Cette situation s’explique
par le versement spécial du gouvernement fédéral à
l’Administration régionale crie pour le règlement des
questions liées à la mise en oeuvre de la Convention
de la Baie-James et du Nord québécois.
La région de la Capitalenationale, avec une hausse de
4,2 %, a connu la deuxième hausse en importance, grâce
en bonne partie à la vigueur du marché du travail.
Le
Saguenay-Lac-SaintJean (+ 2,5 %), l’ Estrie (+ 2 , 6
%) e t l e Centre-duQuébec (+ 2,7 %) affichent des
progressions plus lentes en raison du repli de
l’emploi en 2008. L’augmentation du revenu disponible
dans ces régions a été, respectivement, de 2,5 %, 2,6
% et 2,7 %.
Les régions de la GaspésieÎ l e s - de-l a - Madelei
ne e t du Bas-Saint-Laurent ont continué de se situer
au bas du classement avec un revenu d i s ponible pa r
habit a nt de 21 022 $ et de 21 806 $ respectivement.
À l’inverse, le Nord-duQuébec, avec 53 527 $ , a
présenté, pour la deuxième année consécutive, le
revenu disponible le plus élevé de la province.
Viennent ensuite l e s r égions de Mont r éa l (26 605
$), de la Montérégie ( 26 408 $), de la
CapitaleNationale ( 26 363 $) et de Laval (26 048 $).
Le revenu personnel disponible c or r e s pond à la
somme de tous les revenus reçus par les particuliers
et les entreprises individuelles résidant dans un
territoire donné, moins l es i mpôts di r e c t s des
pa r t i c ul i er s , les cotisations aux régimes
d’assurance sociale et autres transferts versés par
les particuliers aux administrations publiques tels
que les primes d’assurance médicaments et les permis.
Bulletin prévisionnel du Conference Board : LE
CANADA FERA UN BOND AU CLASSEMENT - Hugo
Fontaine
Pendant que la majorité des pays industrialisés ont
peine à passer l’examen de la récession, le Canada
pourrait devenir l ’ un des meilleurs élèves de la
classe en 2010.
Selon le nouveau bulletin prévisionnel du Conference
Board, qui attribue une note à 17 pays représentant la
moitié du PIB mondial, le Canada passera du onzième au
cinquième rang du classement de la performance
économique.
En fait, le Canada est moins déstabilisé par la
récession que la plupart des autres pays, qui voient
leur note affaiblie. Le Canada en profite.
-0,4%
« Nous sommes entrés dans la récession dans une
position plus forte que d’autres pays, et notre
système financier est encore très stable », note Glen
Hodgson, premier vice-président et économiste en chef
du Conference Board.
Le groupe de recherche prévoit que le Canada, qui a
obtenu un « faible B » en 2008, obtiendra en 2010 un «
B élevé », à quelques poussières d’un A.
Les plans de relance économiques ont un grand rôle
dans la note qu’ont reçue les pays. « Au Canada, les
gouvernements ont bien répondu, a dit Glen Hodgson à
La Presse Affaires. Cela donne un peu d’énergie à
notre économie. »
Selon
lui, cela permettra au Canada de revenir à la
croissance économique dans la deuxième moitié de 2009.
Le défi sera de rétablir l’équiliDécroissance prévue
de l’emploi au Canada en 2010, bien mieux que la
moyenne de -1,2%. Le taux de chômage canadien
atteindra alors 9,8%. Cette année, le Conference Board
prévoit une décroissance de l’emploi de 1,9%, contre
une moyenne de -3,2% bre budgétaire une fois que la
reprise sera complétée.
Croissance en 2010
Les notes et les classement du bulletin du Conference
Board sont basés sur sept indicateurs économiques : le
revenu par habitant, la croissance du PIB, la
croissance de la productivité au travail, l’inflation,
le taux de chômage, la croissance de l’emploi et les
investissements étrangers entrants et sortants.
Le PIB canadien devrait diminuer de 2,6 % en 2009, une
prévision beaucoup plus
0,7% enviable que la moyenne des autres pays à l’étude
(-4,1 %). En 2010, le Canada retrouvera la croissance
annuelle (0,7 %), avec un niveau tout juste audessus
de la moyenne (0,6 %), estime le Conference Board.
La décroissance de l’emploi sera aussi moins brutale
au Canada, particulièrement en 2010 (-0,4 % contre
-1,2 %).
Sur le plan de la productivité du travail, par contre,
le Canada n’a pas de quoi pavaner : il devrait glisser
du 12e au 14e rang. « C’est le facteur qui me trouble
le plus », souligne M. Hodgson. Croissance anticipée
du PIB canadien en 2010, légèrement mieux que la
moyenne de 0,6%. En 2009, le Canada devra se contenter
d’un recul de 2,6% malgré la fin anticipée de la
récession, mais c’est tout de même largement mieux que
la moyenne de -4,1%.
Bon
an, mal an, le Canada est à la traîne dans ce
domaine, note l’économiste. « Il nous manque un plan
collectif de la productivité. »
Cette question de la productivité est cruciale,
selon M. Hodgson. Elle sera déterminante quand la
récession sera chose du passé et que les autres
grandes économies du monde auront repris leur
croissance. Le cinquième rang du Canada, toujours à
l’état de prévision, pourrait aussi être très
éphémère.
« Je suis i nquiet que le Canada glisse de nouveau
vers la huitième ou la dixième place », dit M.
Hodgson.
Bond des États-Unis
Outre
le Canada, les ÉtatsUnis (du huitième au troisième
rang) et la Belgique (du douzième au quatrième)
enregistrent aussi des progressions remarquables au
classement.
« J’étais un peu surpris de voir le bond des
États-Unis, de voir une reprise aussi forte que ça,
admet Glen Hodgson. Mais toutes les choses négatives
dans le marché du travail vont se passer cette année
et le retour à la croissance de l’emploi aura lieu
en 2010. Et ça, c’est le facteur le plus important.
»
Quant à la Belgique, sa progression s’explique par
sa capacité à conserver un flot élevé
d’investissements étrangers, alors que d’autres pays
font face à des réductions massives de ces
investissements sur leur territoire.
C’est la première fois que le Conference Board
publie le bulletin du Canada sur une base
prévisionnelle. Le bulletin se fonde sur des
prévisions des Perspectives économiques de l’OCDE de
juin 2009 et, pour l’investissement étranger, sur
des données de l’ Economist Intelligence Unit. Les
Américains ont au moins de quoi se réjouir. Ils
devraient être les seuls à enregistrer une
croissance de l’emploi en 2010, si minime soit-elle.
Leur PIB gagnera 0,9% la même année. Pour 2009, les
Américains souffriront encore un peu. L’emploi
régressera de 3,2%.
L’EXCEPTION QUÉBÉCOISE - Maxime Bergeron
Le
Québec a fait figure d’exception le mois dernier en
enregistrant une hausse de ses mises en chantier,
alors qu’elles ont diminué partout ailleurs au pays.
PHOTO MARTIN
CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE
Le nombre « réel » de mises en
chantier a reculé de 8% au Québec par rapport à
juillet 2008, pour atteindre 3080 le mois dernier.
La donnée désaisonnalisée et annualisée — en hausse
de 16,6 % — est toutefois celle qui revêt le plus
d’importance dans l’analyse du marché par les
économistes.
Selon les données publiées hier par la Société
canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL), le
nombre de mise en chantier a baissé de 4,1 % dans
l’ensemble du Canada en juillet, et augmenté de 16,6 %
au Québec.
Ce recul porte à 132 100 le nombre « désaisonnalisé
annualisé » de mises en chantiers en juillet au
Canada, lequel atteignait 137 800 en juin. Il s’agit
de chiffres mensuels corrigés des variations
saisonnières, et multipliés par 12, afin de refléter
le rythme d’activité sur un an.
La SCHL continue toutefois à viser 141 900 mises en
chantier cette année... ce qui signifie que le rythme
de construction devra augmenter au cours des prochains
mois pour atteindre cette cible. « On prévoit que la
deuxième moitié de 2009 va être plus forte que la
première », a dit Bob Dugan, économiste en chef au
Centre d’analyse de marché de la SCHL, à La Presse
Affaires.
M. Dugan attribue la baisse de j uillet au segment des
logements collectifs, « dont les volumes tendent à
varier beaucoup ». Québec
Au Québec, l a c adence élevée des grues et des
marteaux-piqueurs a fait passer le niveau
désaisonnalisé de construction de 32 600 en juin à 38
000 en juillet, dans les centres urbains de 10 000
habitants et plus.
« Il s’agit du niveau le plus élevé au pays, une
performance remarquable qui témoigne à quel point la
province est relativement épargnée par les récentes
difficultés du marché immobilier », a commenté Benoît
Durocher, économiste principal chez Desjardins.
Le
nombre « réel » de mises en chantier a reculé de 8%
dans la province par rapport à juillet 2008, pour
atteindre 3080 le mois dernier. La donnée
désaisonnalisée et annualisée — en hausse de 16,6% —
est toutefois celle qui revêt le plus d’importance
dans l’analyse du marché par les économistes.
À Montréal, quelque 1424 fondations ont été coulées le
mois dernier, comparativement à 1737 en juillet 2008.
Il s’est construit 40% moins de logements locatifs,
13% moins de copropriétés et 19% moins de maisons
individuelles. Le secteur des maisons jumelées et en
rangée a quant à lui bien tiré son épingle du jeu.
« Quoique toujours en baisse par rapport à l’an
dernier, le recul enregistré en juillet n’assombrit
pas le portrait actuel des mises en chantier dans la
RMR de Montréal, a déclaré Stéphane Duguay, analyste
de marché à la SCHL. Dans un contexte marqué par des
conditions de financement favorables, conjugué à un
repli relativement contenu de l’emploi, la demande
d’habitations neuves demeure présente. » Embellie en
vue
Malgré leur déception par rapport aux mises en
chantier de juillet, plusieurs économistes continuent
d’entrevoir une embellie du marché de l’habitation
neuve au cours des prochains mois.
Pour Robert Kavcic, de BMO Marché des Capitaux, le
recul de juillet est probablement « un obstacle
temporaire sur la voie de la guérison, surtout quand
on considère la hausse des permis de bâtir et des
reventes de maisons ».
Mi l l a n Mul r a i ne, é c o - nomiste à la Banque T
D, note pour sa part que la faiblesse des taux
hypothécaires, combinée aux incitatifs gouvernementaux
et à des prix relativement abordables, devrait aider à
relancer le marché de la construction.
Dans l’ensemble du pays, le nombre annualisé
désaisonnalisé de mises en chantier a reculé de 17 %
dans l es P r a i r i es , de 15 % en Ontario, de 10%
en ColombieBritannique et de 1,4 % dans la région
atlantique.
Même si les mises en chantier atteignent les 141 900
prévues par la SCHL cette année, elles demeureront
très en deçà du sommet de 233 400 enregistré en 2004.
L’an dernier, 211 056 unités sont sorties de terre au
Canada.
LA REVENTE SUR UNE LANCÉE -
Maxime Bergeron
«
Aussitôt inscrit, aussitôt vendu. Je n’ai jamais été
occupée comme ça de toute ma carrière ! »
Claude Vezina, agente i mmobilière depuis 28 ans, fait
des affaires d’or ces jours-ci dans les quartiers
centraux et périphériques de la métropole. « Et tous
les collègues à qui je parle vivent la même chose »,
dit-elle à La Presse Affaires entre deux rendez-vous.
Les
données publiées hier par la Chambre immobilière du
Grand Montréal (CIGM) donnent raison à l’agente de la
firme Sutton. Le nombre de transactions a bondi de 19
% dans la métropole le mois dernier par rapport à
juillet 2008, et les prix ont progressé dans presque
toutes les catégories d’habitation. Les maisons
unifamiliales, par exemple, se vendent 7 % plus cher
qu’il y a un an, à 246 000$.
Cette hausse des ventes – la troisième en autant de
mois – vient effacer toutes les craintes d’assister à
une chute des prix à Montréal, selon Hélène Bégin,
économiste principale au Mouvement Desjardins.
« Au cours des mois passés, on voyait vraiment que le
marché était en train de virer de bord, mais c’est
maintenant clair qu’il a repris le chemin de la
croissance », a-t-elle souligné.
Électrochoc d’Ottawa
Selon plusieurs sources, c’est en avril que le marché
immobilier a repris vie dans la région montréalaise,
après un début d’année difficile. La Banque du Canada
a alors confirmé qu’elle maintiendrait son taux
directeur à 0,25% – un plancher historique – jusqu’au
milieu de 2010. Un électrochoc.
Le téléphone s’est remis à sonner frénétiquement dans
les bureaux de Georges Bardagi, de Remax du Cartier,
peu après l’annonce. Le nombre d’appels a bondi de 40%
en un mois, affirme-t-il. « Ça commence par ça un
marché immobilier : ça prend quelqu’un qui téléphone
pour demander une visite ou des informations. Ça ne
ment pas. »
Outre la faiblesse des taux hypothécaires, la CIGM
explique le rebond de juillet par la reprise
économique qui s’amorce et par la hausse de la
confiance des consommateurs.
« Il y avait aussi des gens qui s’attendaient à ce que
les prix baissent en début d’année, mais ça n’est
jamais arrivé, a fait valoir en entrevue Michel
Beauséjour, chef de la direction de la CIGM. Tôt ou
tard, il faut faire la transaction. »
Nathalie Clément, directrice de La Capitale du
Mont-Royal, avance une autre cause possible de
l’explosion des ventes en juillet : la météo. Selon
elle, le temps frais et pluvieux a pu contribuer à
sortir les acheteurs potentiels de « l’oisiveté »
caractéristique de la saison chaude. Le nombre de
transactions réalisées par ses agents dans le Plateau
Mont-Royal a bondi de 25% par rapport à l’an dernier.
Le
prix médian des copropriétés est demeuré stable en
juillet dans la région métropolitaine, à 204 197$,
tandis que celui des « plex » (deux à cinq logements)
a grimpé de 3%, à 349 500$.
Dans l’île de Montréal, le prix médian des
unifamiliales a progressé de 2% (325 000$) tout comme
celui des copropriétés (239 000$). Seuls les « plex »
ont vu leur valeur reculer légèrement de 1%, à 350
000$.
De toutes les régions de la métropole, Laval a
enregistré la plus forte hausse du nombre de
transactions (+24%), suivi de l’île de Montréal et de
la RiveNord (+19%). La Rive-Sud et Vaudreuil-Soulanges
ont toutes deux enregistré des augmentations de ventes
de 16%.
Ce réveil massif des acheteurs s’est produit dans tous
les grands centres du pays le mois dernier. Les
transactions ont grimpé de 28% à Toronto, de 22% à
Calgary et de 89% à Vancouver ! Les prix médians ont
quelque peu baissé dans l’Ouest – de 4,5 % à Calgary
et de 5% à Vancouver – et ont progressé de 6% à
Toronto.
Dans l’ensemble du Canada, le prix moyen des
propriétés existantes est repassé au-dessus de la
barre des 300 000$ pendant le deuxième trimestre, pour
atteindre 305 000$. C’est environ 4000$ de moins que
le sommet du deuxième trimestre de 2008, mais beaucoup
plus que le creux de 285 000$ atteint pendant les
trois premiers mois de 2008.
« On a pratiquement regagné tout le terrain perdu », a
commenté l ’économiste Hélène Bégin.
LES CANADIENS PROTÈGENT LEUR
BAS DE LAINE - Philippe Mercure
RÉCESSION
PHOTO
PATRICK SANFAÇON, ARCHIVES LA PRESSE
Un sondage d’ ING Direct
montre que seulement 23% des Canadiens ont
diminué leur épargne au cours des six derniers
mois. « Les Canadiens ont toujours été de bons
épargnants et ils le prouvent encore ici »,
constate Peter Aceto, président et chef de la
direction d’ING Direct Canada.
« Les Canadiens gardent le cap sur la prudence.
Ils sont constants, beaucoup plus que nos cousins
américains, dont le comportement est beaucoup plus
changeant avec le temps. »
Récession oblige, les consommateurs de la planète
modifient leur comportement : les Américains ont
mis un frein à leurs dépenses ; les Canadiens,
quant à eux, ont légèrement modifié leurs
habitudes de consommation, tout en consolidant
leurs épargnes, révèle un sondage. Une bonne
nouvelle pour l’économie canadienne.
C’est en temps de crise qu’on sépare les hommes
des enfants, diton, et les Canadiens semblent
garder la tête froide en période de récession. Non
seulement ils résistent à la tentation de piger
dans leur bas de laine pour traverser la tempête,
mais ils font même preuve d’un optimisme qui
dépasse celui des Américains, des Australiens et
de bien des Européens.
Un sondage d’ I NG Direct mené dans neuf pays
montre que les Canadiens sont parmi ceux qui
réagissent le mieux à la crise quand on examine
leurs habitudes d’épargne. Seulement 23 % d’entre
eux ont diminué leur épargne au cours des six
derniers mois, soit moins que les Américains (28
%), les Français (40 %) ou les Italiens (42 %). En
fait, parmi les neufs pays où ING Direct fait des
affaires, seuls les Autrichiens sont moins
nombreux à avoir réduit leur épargne (22 %).
« Les Canadiens ont toujours été de bons
épargnants et ils le prouvent encore ici »,
constate Peter Aceto, président et chef de la
direction d’ING Direct Canada. M. Aceto note que
si l’épargne des Canadiens a diminué au cours des
dernières années, il semble revenir à ses niveaux
historiques depuis 12 ou 18 mois.
« Les Canadiens gardent le cap sur la prudence,
dit-il. Ils sont constants, beaucoup plus que nos
cousins américains, dont le comportement est
beaucoup plus changeant avec le temps. »
Mais prudence ne veut pas dire pessimisme, et M.
Aceto ne croit pas que les Canadiens mettent de
l’argent de côté parce qu’ils sont inquiets pour
l’avenir. « Malgré la récession mondiale, les
Canadiens sont demeurés plus optimistes au sujet
de leurs finances que les habitants des autres
pays », soutient-il.
Pour mesurer l’optimisme des différents peuples, I
NG Direct a mitraillé les citoyens de questions
pour voir comment ils réagissent au
ralentissement.
Comme tout le monde, les Canadiens ne demeurent
pas inactifs ; 80 % d’entre eux ont modi f ié
leurs habitudes. I l s r éduisent l es dépenses
non nécessaires et se privent de petits luxes (56
% d’entre eux), essaient d’économiser l’énergie
(50 %) et passent plus de temps à la maison (50
%). En ce sens, ils ne sont pas très différents
des Américains, des Australiens et des Européens.
Mais s’ils réduisent les petites dépenses, les
Canadiens ont moins tendance à reporter les
dépenses plus importantes comme l’achat d’un
véhicule, la rénovation de leur maison ou l’achat
d’une nouvelle propriété. Et ça, aux yeux d’ING
Direct, est un signe d’optimisme.
Ainsi, 22 % des Canadiens ont remis à plus tard
leur rêve de s’acheter une nouvelle voiture, l’une
des proportions les plus faibles de tous les pays
é t udiés . Même phénomène quand on regarde du
côté des rénovations et de l’achat d’une nouvelle
maison.
Selon M. Aceto, l’optimisme des Canadiens se
révèle aussi lorsqu’on examine leurs attentes face
à la retraite. Seulement 29 % des Canadiens
croient que le ralentissement économique les
obligera à retarder l’âge de leur retraite – une
proportion beaucoup plus faible qu’aux ÉtatsUnis,
où pas moins de 40% des répondants croient qu’ils
devront travailler plus longtemps à cause de la
récession actuelle.
La proportion atteint 41 % en Australie et 43 % en
Allemagne. En fait, seuls les Espagnols et les
Britanniques sont plus optimistes que les
Canadiens à ce chapitre.
Cet optimisme a cependant une contrepartie. Si
relativement peu de Canadiens sont inquiets pour
leur retraite, ceux qui le sont le sont
réellement. Quand on demande à ceux-là combien
d’années supplémentaires ils prévoient devoir
travailler à cause de la récession, le tiers
d’entre eux répondent 10 ans ou plus, une
proportion beaucoup plus élevée que partout
ailleurs, sauf aux États-Unis.
« Dix a ns, c ’est beaucoup, s’étonne M. Aceto.
C’est une surprise – une terrible nouvelle, en
fait, qui est effectivement décevante. Mais je
vous parie que si on refaisait le sondage dans un
an ou deux, les résultats seraient bien
différents. »
LA RÉCESSION MONDIALE, UN PLUS POUR
MONTRÉAL - Hugo Fontaine
À
quelque chose malheur est bon. La récession qui
afflige la planète vient renforcer l’attrait qu’exerce
Montréal auprès des entreprises et des investisseurs
étrangers. Pour André Gamache,
président-directeur général de Montréal
International, deux indicateurs significatifs font
la grande force de Montréal : les faibles coûts
d’exploitation d’une entreprise, de même que la
compétence de la main-d’oeuvre.
Les faibles coûts d’exploitation d’une entreprise à
Montréal sont un des principaux arguments de vente de
l’organisme de promotion Montréal international ( MI).
Ils prennent une importance encore plus grande en
période de récession.
« Le moment est opportun, a confirmé le
président-directeur général André Gamache au cours
d’un entretien avec La Presse Affaires. On est encore
plus attrayant. Le rapport qualité-coût dans le choix
d’une ville d’établissement devient encore plus
important pour les entreprises. »
«
Pendant cette r écession, le Canada, le Québec et
Montréal s’en sortent mieux qu’ailleurs », ajoute M.
Gamache. La diversité industrielle de Montréal et la
solidité du système bancaire canadien expliquent en
partie cette situation.
Signe que les entreprises ont des préoccupations
nouvelles qui pourraient favoriser la métropole
québécoise, un indicateur de la stabilité des banques
– qui place le Canada au premier rang mondial – a fait
son apparition dans le numéro 2009-2010 des
Indicateurs d’attractivité, principal « document de
vente » de Montréal international auprès des
investisseurs étrangers.
Ces « indicateurs d’attractivité » permettent de
comparer (avantageusement, il va sans dire) les
attributs de Montréal par rapport aux autres villes du
Canada et des États-Unis. On y apprend par exemple que
le nombre d’étudiants universitaires par habitant est
le plus élevé des grandes agglomérations
nord-américaines, ou que les avantages fiscaux y sont
les plus intéressants.
André
Gamache insiste sur deux indicateurs qui, à ses
yeux, font la plus grande force de Montréal: les
faibles coûts d’exploitation d’une entreprise et la
compétence de la main-d’oeuvre.
Mais la récession a beau représenter une occasion,
elle n’a pas que de bons côtés. « Pour l’instant, il
y a plus de projets en attente qu’en réalisation,
note-t-il. Plusieurs entreprises ont le pied sur le
frein, elles révisent leurs plans d’affaires et sont
plus prudentes. »
Et la récession n’efface pas non plus ce qui joue
contre Montréal. Sauf que M. Gamache a des réponses
aux objections. Le climat est difficile, « mais la
ville est opérationnelle malgré les tempêtes
hivernales ». Les centres financiers se déplacent
vers Toronto, « mais les outils financiers sont
quand même à Montréal, nous avons ce qu’il faut ».
La c roissa nce économique n’est pas énorme au
Québec, surtout en raison de la faible croissance
démographique, mais « on mise sur l’innovation pour
contrer cela et on résiste avec la diversité
économique ».
Un front commun canadien
Si M. Gamache est convaincu et convaincant quand il
présente les avantages de Montréal, il sait que rien
n’est immuable. « On n’est pas les seuls, les autres
font des efforts », dit-il.
Il note les milliards de dollars que Barack Obama a
consacré à la recherche et au développement, qui
laissent présager une concurrence féroce dans
l’avenir.
C’est justement pour faire face à la concurrence
mondiale que Montréal i nternational et ses
homologues de 10 autres grandes villes canadiennes
ont choisi de faire front commun (un front
officieusement nommé le C-11).
« On a décidé de commencer à travailler ensemble
pour un meilleur climat d’affaires, se réjouit André
Gamache. Avant, c ’ ét a i t c hacun de son côté.
Aujourd’hui, on partage nos trucs et nos
préoccupations. Et si 1 $ s’investit à Toronto, on
est content car on en tire quand même des bénéfices.
»
Reste que la collaboration n’a pas effacé totalement
les rivalités interurbaines. André Gamache, qui a
évoqué une nouvelle stratégie pour attirer des
investissements à Montréal, n’a pas voulu en dire
plus, « parce que les gens de Toronto lisent aussi
La Presse », a-t-il précisé en souriant.
Rapport du vérificateur
En mai, le vérificateur général a déploré dans un
rapport le chevauchement et le manque de
coordination des différents organismes de
prospection des investissements étrangers.
Le vérificateur Renaud Lachance notait entre autres
choses qu’il « n’existe aucun mécanisme officiel de
collaboration entre Investissement Québec et
Montréal international concernant les activités de
prospection à l’étranger, alors que certains
territoires sont couverts par les deux entités ».
André Gamache n’en fait pas de cas. « Aucune note ne
nous critique directement, répond-il. Et le volet
coordination, c’est notre force. Sur le terrain, il
n’y a pas de problème », assure-t-il.
« Il n’y a peut-être pas de mécanisme officiel, dit
le directeur des communications de Montréal
international, Louis Arseneault. Mais dans la
réalité, ça marche. »
Les Canadiens retrouvent le
chemin des magasins - Rudy LeCours
Si on
exclut le secteur automobile, les consommateurs ont
dépensé 0,7% de plus en mai qu’en avril.
Signe que la récession battait de l’aile au printemps,
les Canadiens avaient repris goût au magasinage. Ils
ont fréquenté en mai la plupart des magasins, mais en
particulier les concessionnaires d’automobiles et les
centres de rénovation.
La valeur des ventes des détaillants a bondi de 1,2%
d’avril à mai, d’un océan à l’autre, a indiqué hier
Statistique Canada, soit au moins deux fois plus que
ce à quoi s’attendaient les experts. Au Québec, elle a
aussi progressé de 1,2%. L’agence fédérale atténue
aussi le repli d’avril qui passe de 0,8% à 0,6%.
La hausse a été généralisée. Six des sept grandes
catégories de commerces ont amélioré leurs chiffres
d’affaires au cours du mois dans neuf provinces sur
10. Les deux exceptions sont les magasins de
vêtements, dont les ventes ont stagné, et
l’Île-du-Prince-Édouard, la minuscule province
atlantique.
Si on
exclut l’effet des prix, le volume des ventes
progresse de 0,7%.
Le chiffre d’affaires des concessionnaires de
véhicules neufs a bondi de 2,4% au cours du mois, mais
il reste de 16,5% plus faible que son niveau de mai
2008.
Si on exclut le secteur automobile, les consommateurs
ont dépensé 0,7% de plus en mai qu’en avril. Les
ventes accusent néanmoins un repli annuel de 3,3% par
rapport à celles des 12 mois précédents. Les ventes
annuelles des magasins d’alimentation, de boissons, de
produits de soins personnels et des pharmacies sont en
hausse par rapport à celles de l’année précédente.
Le
repli annuel de 4,9 % toutes catégories confondues est
concentré dans les produits de consommation
discrétionnaire, à commencer par les véhicules. Le recul annuel des ventes des
détaillants canadiens est deux fois moins élevé
que celui enregistré aux États-Unis pour la même
période.
PHOTO RÉMI LEMÉE,
ARCHIVES LA PRESSE
Le repli annuel de
4,9% des ventes de détaillants toutes catégories
confondues est concentré dans les produits de
consommation discrétionnaire, à commencer par les
véhicules.
Cela montre que les ménages canadiens sont moins
endettés, que les banques canadiennes font crédit plus
facilement et que les consommateurs canadiens sont
désireux de profiter des aubaines des marchands et des
crédits fiscaux à la rénovation. « Il faut la volonté
des emprunteurs d’emprunter et celle des prêteurs de
prêter pour transformer des aubaines en moteurs des
dépenses de consommation et de la reprise économique,
résume Michael Gregory, économiste principal à BMO
Marchés des capitaux. Voilà pourquoi le Canada devance
les États-Unis. »
En combinant les résultats d’avril et de mai, les
volumes de ventes des détaillants sont jusqu’ici en
hausse de 1,2 % en rythme annualisé par rapport à ceux
du premier trimestre.
Les
résultats de mai représentent la quatrième hausse des
ventes en cinq mois cette année, note Marco Lettieri,
économiste à la Financière Banque Nationale. « Comme l
’augmentation est généralisée entre les secteurs et
les provinces, nous voyons en cela un indice que la
reprise est en cours au Canada. »
Cela dit, il faut se rappeler que les ventes ont
plongé de 8,4 % au cours du dernier trimestre de 2008.
Elles ont depuis récupéré un peu plus du tiers
seulement. « Il y a reprise,
mais la remontée jusqu’au volume des ventes
d’avant la récession sera sans doute assez lente »
, prévient Pascal Gauthier, économiste
chez Banque TD Groupe financier.
Si l a demande i ntér i eure était en voie de se
redresser au deuxième trimestre, le secteur extérieur
aura sans doute plombé la croissance. En mai, le
Canada a enregistré un déficit commercial record. Il
ne pourra s’estomper qu’avec la relance de l’économie
des États-Unis et l’appétit renouvelé de ses
consommateurs.
La récession n’était pas terminée au printemps. Ses
effets se feront sentir encore pendant plusieurs mois
sur le marché du travail, où d’autres pertes d’emplois
sont à craindre, et sur le nombre de faillites
personnelles et commerciales.
« J’ATTENDAIS LES SOLDES »
VENTES
AU DÉTAIL
« La région de Québec a tendance à être moins touchée
» en raison de la forte concentration d’employés de
l’État.
Hier matin, rue Sainte-Catherine. Dominique Dumontier
se balade avec ses emplettes sous le bras : deux
paires de chaussures et un bermuda.
Quand on lui parle de la reprise des ventes au détail,
elle lance sans hésiter : « J’en suis la preuve
vivante ! »
« J’attendais les soldes », poursuit cette retraitée,
qui avait pris une pause dans les achats au printemps,
quand la valeur de son REER a fondu. Mais le REER a
pris du mieux et elle a repris ses habitudes,
confie-t-elle en face du Complexe Les Ailes.
Quelques pas à l’est, Mann Hour sort de chez Future
Shop les mains vides. Il veut acheter un ordinateur
portable de 1100 $, soldé à 800 $. « C’est une bonne
affaire », explique-til. Malheureusement pour lui, il
devra le chercher dans un autre magasin.
Les soeurs Ricard s’apprêtent à entrer à La Baie quand
on les aborde. Résidante de Québec, Francine n’a pas
vu passer le ralentissement économique. « Nous autres,
on n’a pas arrêté (de magasiner) », confie la
représentante publicitaire.
« La région de Québec a tendance à être moins touchée
» en raison de la forte concentration d’employés de
l’État, confirme Gaston Lafleur, du Conseil québéc o i
s du c o mmerce de détail.
« Moi , mon salaire n’est pas fonction de l’économie,
explique aussi Frédér i c Laurin, professeur
d’économie à l ’ Université du Québec à TroisRivières,
croisé lui aussi en train de faire ses emplettes.
Donc, je dépense quand j’en ai besoin. »
« Je
pense qu’on est plus fatigués. On a dû travailler
plus fort pour obtenir les mêmes ventes », explique
le directeur du marketing et de la publicité chez
Piscines Trévi, Alain Gravel.
Ses sacs contenaient des articles importés :
des souliers italiens et un pantalon fabriqué en
Ukraine. « L’argent économisé, je vais le dépenser
dans un restaurant ici. Donc, ça crée de l’emploi au
Québec », précise le spécialiste du développement
régional.
Dans la bijouterie Birks – au plafond magnifiquement
orné – les clients se font rares. Il faut revenir à
l’heure du midi, nous i ndique une employée. C’est à
ce moment qu’ils sont plus nombreux.
D’avril à juin, les ventes de Birks au Canada ont
baissé de 13% dans les magasins ouverts depuis au
moins un an. Mais la porte-parole du groupe, Anny
Kazanjian, se fait rassurante : « Au Canada, on fait
mieux que prévu. On a vu un mouvement positif
dernièrement. »
Ailleurs, la récession a eu des effets inattendus
chez certains détaillants, qui ont dû faire preuve
d’imagination ces derniers mois. « Je pense qu’on
est plus fatigués. On a dû travailler plus fort pour
obtenir les mêmes ventes », explique le directeur du
marketing et de la publicité de Piscines Trévi,
Alain Gravel.
Un
exemple : en février, une piscine a été vendue
assortie d’une condition, soit que les acheteurs
aient conservé leur emploi en avril. « Finalement,
ils n’ont pas perdu leurs jobs et on a vendu la
piscine », souligne M. Gravel.
Chez Chomedey Hyundai, le propriétaire André
Leclair, qui définit sa marque comme « le Walmart de
l’automobile », a aussi vu apparaître une nouvelle
clientèle en raison de la récession. Des clients
plutôt âgés qui sont entrés avec une Lexus en fin de
bail et sont ressortis avec une Hyundai, beaucoup
moins chère. « Il y en a beaucoup qui ont pris une
débarque (financière) cette année », indique M.
Leclair.
Et le facteur météo dans les ventes actuelles ? Chez
le détaillant de meubles Philippe Dagenais, on y
voit un effet positif. « Quand i l ne f a i t pas
beau, l es conseillers me disent que les gens sont
plus portés à acheter », dit l’adjointe au
marketing, Andrée-Anne Méthot. À preuve, les ventes
en juillet sont en hausse...
Mais les affaires ne sont pas nécessairement aussi
bonnes dans les magasins de vêtements, un secteur «
influencé grandement par les conditions climatiques
», rappelle M. Lafleur, du Conseil du commerce de
détail.
Et ce n’est pas cette fin de semaine, qui s’annonce
encore pluvieuse, qui permettra de réparer les
dégâts.
Immobilier au Canada : Le marché de la
revente rebondit
— Le
marché de la revente au Canada a rebondi de façon
marquée au cours du deuxième trimestre, dépassant même
les niveaux de la période c or r e s pondante de l ’ a
n née dernière, selon les données publiées hier par
l’Association canadienne de l’immeuble. Sur une base ajustée pour
éliminer l’effet des saisons, le nombre de ventes de
résidences s’est élevé à 114 173 au deuxième
trimestre de l’année en cours. Il s’agit d’une
augmentation record de 31,5% par rapport au
trimestre précédent.
Selon les données de l’organisme, en chiffres réels,
c’està-dire non ajustés, le nombre de ventes de
résidences dans le réseau multi-agences MLS a été de
147 351 unités au cours de la période de trois mois
terminée à la fin juin. Il s’agit du quatrième plus
solide résultat trimestriel enregistré j usqu’à
maintenant.
L e nombre de ventes du deuxième t r i mestre de 2009
est de 1,4 % supérieur à celui du trimestre
correspondant de 2008. Il s’agit de la première
augment a t i on t r i mest r i el l e d’une année à
l’autre depuis le quatrième trimestre de 2007.
Sur une base ajustée pour éliminer l’effet des
saisons, le nombre de ventes s’est élevé à 114 173 au
deuxième trimestre de l’année en cours. Il s’agit
d’une augmentation record de 31,5 % par rapport au
trimestre précédent.
La
revente au deuxième trimestre a été à la hausse, sur
une base désaisonnalisée, par rapport au premier
trimestre, dans environ 85 % des marchés locaux au
Canada. À Toronto, la croissance a été de 45%, à
Vancouver, de 77 %, à Montréal, de 33 %, à Calgary, de
66 %, à Edmonton, de 39 %. Ces cinq marchés ont été
ceux qui ont le plus contribué à la performance
enregistrée au cours du deuxième trimestre.
Le prix moyen des résidences vendues au cours du
deuxième trimestre a, par ailleurs, atteint 318 696 $,
soit son plus haut niveau jamais observé.
Pour le mois de juin, dernier mois du deuxième t
rimestre, pour lequel les chiffres ont également été
dévoilés hier, le nombre de résidences vendues a été
de 41 304 sur une base désaisonnalisée, en hausse de
8,7 % par rapport au mois de mai. En chiffres réels,
le nombre de ventes en juin a été de 54 616, en hausse
de 17,9 % par rapport à juin 2008.
Le prix moyen d’une résidence moyenne vendue en juin a
été de 326 613 $, en hausse de 3,6 % par rapport à
juin 2008.
Regain d’optimisme chez Canada inc.
- Martin Vallières
Le
pire de la récession est-il passé? Oui, selon le plus
récent coup de sonde de la Banque du Canada parmi les
dirigeants d’entreprise, devenus nettement plus
optimistes.
Toutefois, la reprise devra attendre encore quelques
mois, avertit pour sa part le Conference Board du
Canada dans ses nouvelles perspectives économiques,
aussi publiées hier. Chose certaine, il faudra encore
quelques mois pour décider d’un pronostic gagnant.
« Cette reprise économique n’aura rien de
spectaculaire. Il y aura des difficultés persistantes
pour les entreprises même lorsque le PIB (produit
intérieur brut) canadien reviendra en zone positive »,
a résumé Meny Grauman, économiste principal à la
Banque CIBC, à Toronto.
Mais dans l’immédiat, parmi les négociants en dollars
canadiens, c’est le net regain d’optimisme parmi les
dirigeants d’entreprise qui retient le plus
d’attention.
À
preuve, le dollar canadien a connu hier sa meilleure
séance après quelques semaines de faiblesse induite
par le repli des prix des matières premières et du
pétrole.
Le dollar canadien a rebondi de 1% face à son voisin
américain pour terminer la séance à 86,82 cents US.
C’est aussi presque un cent et demi de plus que le
récent creux de 85,28 cents US, atteint mercredi
dernier.
Bref, le net regain d’optimisme parmi les dirigeants
d’entreprises canadiennes apparaît crédible sur les
marchés financiers.
D’autant plus que les résultats divulgués hier par la
Banque du Canada sont venus appuyer ceux publiés
depuis deux semaines par d’importants regroupements
d’entreprises.
Selon l’enquête de la Banque, réalisée au début de
juin parmi une centaine de dirigeants d’entreprise,
leur optimisme envers une hausse de leurs ventes et
contrats d’ici 12 mois serait même à son plus haut en
une décennie. Voir page 4
Au moins 61% des répondants anticipent un chiffre
d’affaires accru d’ici un an, alors que 23% anticipent
le contraire.
Or, cet écart de presque 40 points de pourcentage est
le plus élevé depuis le début de 1999 pour cette
enquête trimestrielle de la Banque du Canada.
En contrepartie, l’enquête de la Banque indique que le
marché du crédit demeure difficile pour les
entreprises, en dépit d’une certaine détente depuis l
a grave c r i se f i nancière de l’automne 2008.
« Ces difficultés d’accès au c rédit pour l es
entreprises, même moins importantes que précédemment,
risquent encore de retarder la reprise économique », a
commenté Jayson Myers, président des Manufacturiers et
Exportateurs du Canada (MEC), l’un des plus importants
regroupements d’entreprises au pays.
Néanmoins, a-t-il souligné, le regain d’optimisme
observé par l’enquête de la Banque du Canada concorde
avec les plus récents résultats de l’enquête mensuelle
de MEC parmi ses membres.
On fait un constat semblable au chapitre québécois de
la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante
( FCEI), à la suite de son dernier sondage mensuel
parmi ses milliers de PME membres.
« Les conséquences de la crise du crédit parmi les
entreprises se résorbent peu à peu. Toutefois, le
problème qui persiste est celui de la faiblesse de la
demande provoquée par la récession. C’est pourquoi nos
membres sont optimistes envers une relative
stabilisation de leur situation d’affaires, mais
encore très hésitants envers un retour de la
croissance », a indiqué Simon Prévost, vice-président
de la FCEI pour le Québec.
N ’ e
mpêc h e , d u c ô t é d u Conference Board, les
perspectives économiques publiées hier tendent
assurément vers une reprise au cours des prochains
mois.
Rien de bien excitant, toutefois. Car il faudra
attendre le début de l’an prochain, en 2010, pour
confirmer la fin de la récession.
Entre-temps, l’économie canadienne, même moins touchée
que sa voisine américaine, continuera de subir les
contrecoups de la récession presque mondiale.
Résultat, prévoit le Conference Board: un recul du PIB
canadien d’au moins 1,9 % cette année. En 2010,
toutefois, la croissance en fin d’année pourrait
s’avérer à hauteur de 2,7 %.
« La récession actuelle est si généralisée que ses
effets vont continuer à se faire sentir plus longtemps
que lors d’un cycle conjoncturel t ypique » , selon
Pedro Antunes, directeur des prévisions économiques au
Conference Board.
En contexte, toutefois, ces prévisions du Conference
Board s’avèrent parmi les plus optimistes publiées ces
dernières semaines à propos de l’économie canadienne.
Par exemple, mercredi dernier, le Fonds monétaire
international (FMI) a dit s’attendre à un recul d’au
moins 2,7 % du PIB canadien cette année. Et la reprise
de croissance, l’an prochain, serait d’à peine 1,6 %.
EMPLOI Le Québec résiste bien - Rudy LeCours
Les
travailleurs québécois sont jusqu’ici beaucoup moins
touchés par la récession que leurs collègues ontariens,
encore loin d’être au bout de leurs peines.
De janvier à juin, l’économie a détruit 25 300 emplois
au Québec, mais 178 600 dans la province voisine, selon
les données de l’Enquête sur la population active de
Statistique Canada publiées hier.
Le mois dernier, il s’est créé 1200 emplois en Ontario
alors que 4600 ont disparu ici, mais ces chiffres sont
pur mirage. Chez nous, 3000 nouveaux emplois à temps
plein n’ont pu compenser la destruction de 7600 postes à
temps partiel. En Ontario, le faible gain total masque
la destruction de 56 200 jobs à temps plein portant
l’hécatombe dans la meilleure catégorie d’emplois à 244
200 cette année.
Au
final de mai à juin, le taux de chômage est passé de
8,7% à 8,8% au Québec, et de 9,4 à 9,6% en Ontario où
l’on a aussi assisté à un soubresaut de la population
à la recherche active d’un emploi. « Les pertes
ontariennes sont sept fois plus nombreuses, constate
Joëlle Noreau, économiste principale chez Desjardins.
Le secteur manufacturier est trois fois et demie plus
éprouvé. »
Taux de chômage des 15-24 ans
L’Ontario fait face à un autre défi. Le taux de
chômage chez les 15-24 ans a bondi de 17,1% à 19,1% en
un mois. Au Québec il a plutôt diminué d’un point de
pourcentage à 14,9%, allant ainsi à l’encontre de la
tendance canadienne.
Cela signifie que, hors Québec, les étudiants ont du
mal à trouver du travail cet été. Or, les droits de
scolarité y sont beaucoup plus élevés. Les parents
contraints d’aider leurs grands enfants devront
diminuer leurs dépenses discrétionnaires, ce qui
freinera la relance de l’activité économique dans ces
provinces.
À
l’échelle canadienne, le taux des demandeurs d’emploi
a grimpé de deux dixièmes à 8,6%. En juin, il s’est
perdu 7400 emplois, soit beaucoup moins que ce à quoi
les experts s’attendaient, mais encore ici, il
convient de gratter un peu. Ce résultat est le fruit
de la disparition de 47 500 jobs à temps plein que n’a
pas compensée la création 40 100 temps partiel. En
outre, 37 200 personnes ont créé leur emploi car tant
les secteurs public que privé ont réduit leurs
effectifs.
Pour le deuxième trimestre, les pertes nettes
canadiennes se limitent à quelque 13 000 emplois. Cela
tranche avec les destructions de l’hiver et laisse
croire que le marché est en voie de se stabiliser.
Le nombre d’heures ouvrées a augmenté pour le deuxième
mois d’affilée en juin, ce qui accrédite la thèse
d’une stabilisation. « Si les heures travaillées
restent au même niveau en juillet, nous entamons le
troisième trimestre avec un élan, le meilleur depuis
le dernier trimestre de 2007 », pensent Yanick
Desnoyers et Marco Lettieri, de la Financière Banque
Nationale.
Quel contraste avec ce qui se passe aux États-Unis où
la destruction d’emplois a été brutale le mois dernier
et a fait grimper le taux de chômage à 9,5%!
C’est
d’ailleurs la faiblesse de l’emploi aux États-Unis qui
pèse le plus sur celui du Canada dont les exportations
au sud continuent de fléchir. Cela pèse sur le secteur
manufacturier. Encore 25 700 emplois en usine détruits
le mois dernier, surtout concentrés au Québec. Cela
porte le solde cette année à 187 800, dont la moitié
en Ontario où sont concentrées les activités de GM et
Chrysler, qui émergent d’une faillite.
La consolidation du marché du travail est assurée par
la construction et par l’ensemble des services, hormis
le commerce.
Stabilisation ne signifie pas encore regain toutefois,
comme le remarque Sébastien Lavoie, économiste chez
Valeurs mobilières Banque Laurentienne. Le temps de
chômage moyen a bondi de 11% en juin à 16,2 semaines.
« On peut se consoler en se rappelant qu’il était
beaucoup plus élevé durant les récessions précédentes
(20 semaines dans les années 1980 et 25 dans les
années 1990). »
Aux États-Unis, on atteint les 24 semaines et demie,
un triste sommet.
TRAVAILLEURS DE LACONSTRUCTION Des sommes records
pour les vacances de 2009
Ce sont
279 millions de dollars qui ont été versés aux 139 231
travailleurs de la construction du Québec pour leurs
vacances. L’année dernière, la Commission avait versé
246 millions à 132 000 travailleurs.
Malgré la crise économique qui sévit, les 117 000
travailleurs de la construction qui prendront leurs
traditionnelles vacances entre le 19 juillet et le 1er
août auront collectivement dans leurs poches une somme
record d’argent à dépenser.
Sur les 139 000
travailleurs de la construction qui ont reçu leur «
paye de vacances », environ 117 000 rangeront leurs
outils pendant le congé officiel de la construction,
qui commence le 19 juillet.
Au total,
selon les chiffres dévoilés aujourd’hui par la
Commission de la construction du Québec, ce sont 279
millions de dollars qui ont été versés aux 139 231
travailleurs de la construction du Québec pour leurs
vacances. L’année dernière, la Commission avait versé
246 millions à 132 000 travailleurs, soit 33 millions de
moins.
Les sommes que reçoivent les travailleurs correspondent
à 12,5% de leur salaire brut pour les six derniers mois
de 2008. Or, avec 137 millions d’heures travaillées sur
les chantiers, 2008 a été la meilleure année qu’a connue
le secteur de la construction depuis les années 1970. «
Dans l’histoire récente du Québec, il faut retourner aux
années du règne de Robert Bourassa, avec le chantier de
la Baie-James et celui du Stade olympique, pour
retrouver un aussi grand nombre d’heures travaillées »,
a souligné le ministre du Travail, David Whissell.
Sur les 139 000 travailleurs de la construction qui ont
reçu leur « paye de vacances », environ 117 000
rangeront leurs outils pendant le congé officiel de la
construction, qui commence le 19 juillet. Environ 26 000
autres travailleurs – principalement des secteurs de la
voirie et du génie civil – resteront actifs pendant ce
temps sur les chantiers et prendront leurs vacances à un
autre moment de l’année.
L’organisme estime que 85% des sommes versées en «
payes de vacances » seront réinvesties dans l’économie
de toutes les régions du Québec.
L’année 2009 reste vigoureuse sur les chantiers
En dépit des turbulences économiques qui secouent le
monde de la construction depuis le début de l’année,
le secteur devrait s’en tirer encore cette année avec
des résultats très favorables. « L’année 2009 sera la
deuxième meilleure en 32 ans pour le secteur de la
construction » , a prédit André Ménard, PDG de la
Commission de la construction du Québec. Pour la
période de janvier à avril 2009, l’activité sur les
chantiers a été conforme aux prévisions, qui
établissent à 132 millions le nombre d’heures qui
seront travaillées sur les chantiers en 2009.
Des investissements majeurs qu’a faits le gouvernement
dans les infrastructures expliquent largement pourquoi
le milieu de la construction échappera à la crise. Le
gouvernement dépensera 42 milliards en cinq ans dans
le renouvellement de ses infrastructures, en plus de
30 milliards en 10 ans dans des projets énergétiques.
L’EXCEPTION CANADIENNE - Rudy
LeCours
Selon,
l e FMI , l e Canada t raverse l a grave récession
actuelle avec moins de mal que ses partenaires du G8
et il est celui qui connaîtra la croissance la plus
vigoureuse l’an prochain.
L’organisme a révisé à la hausse ses prévisions pour
l’économie canadienne tant pour cette année que l’an
prochain, par rapport à ses perspectives d’avril. La
décroissance est évaluée 2,3% cette année (une
amélioration de deux dixièmes) alors que la croissance
atteindra 1,6 % l’an prochain (plus quatre dixièmes).
L’ampleur du recul prévu cette année est bien moins
grande que l es 3 % estimés par l a Banque du Canada,
en avril. La Banque publiera son nouveau scénario dans
deux semaines.
I l faut dire que, même à 5,4 % en rythme annualisé,
le recul de l’économie au premier trimestre aura été
moins grand que les 6% et plus qu’avaient prédit les
économistes et notre banque centrale.
La reprise sera plus forte aussi parce que le Canada
n’a pas de problème grave avec son système bancaire et
que ses deux grands partenaires commerciaux, les
États-Unis et la Chine, se relèvent aussi mieux
qu’anticipé, ce printemps.
La relance du bâtiment paraît enclenchée
- Rudy LeCours
Les
assises d’une reprise de la construction résidentielle
paraissent bien solides avec l’augmentation marquée des
mises en chantier pour le deuxième mois d’affilée en
juin.
D’un océan à l’autre, elles ont atteint 140 700
logements sur une base annualisée désaisonnalisée, soit
10 000 de plus que ce à quoi s’attendaient les experts.
La Société canadienne d’hypothèques et de logement a
aussi annoncé hier la révision à la hausse de son
chiffre de mai à 130 300 logements, ce qui représente
une appréciation notable par rapport au creux de 121 400
en avril.
L’augmentation de 14% des permis de bâtir en mai
annoncée plus tôt cette semaine par Statistique Canada
présage d’une belle activité en juillet, même si le
Québec sera touché par les vacances des travailleurs du
bâtiment à l’oeuvre sur les chantiers d’importance,
comme ceux des logements multiples.
« L’augmentation de ce mois est une confirmation
importante de ce que le secteur immobilier résidentiel
canadien a passé le pire et est en mode de reprise »,
affirme Marco Lettieri, économiste à la Financière
Banque Nationale.
«
C’est une preuve de plus que l’économie canadienne a
certainement vécu le pire de ce à quoi on pouvait
s’attendre comme contraction de l’investissement
résidentiel », renchérit Pascal Gauthier, économiste
chez Banque TD Groupe financier. L’institution
torontoise prédit de 150 000 à 160 000 mises en
chantier cette année.
On estime à 175 000 l’augmentation annuelle du nombre
de ménages au pays. Cela correspond aux fondations
nouvelles dans un marché équilibré.
« On prévoit que le rythme de construction
résidentielle s’améliorera tout au long de 2009 et au
cours des années suivantes de façon à correspondre de
plus en plus à la demande associée à la conjoncture
démographique », indique l’organisme fédéral.
Cela mérite d’être mis en perspective. Il y a un an,
l’industrie tournait au rythme de 212 000 coulées de
fondations en rythme annuel, un chiffre qui reflète
une surchauffe et qu’on ne reverra pas de sitôt.
La hausse en juin est observée dans sept provinces sur
10 et concentrée dans les provinces à l’ouest du
Québec, plus touchées par la correction amorcée
l’automne dernier.
Le
Québec essuie le recul provincial le plus important
(un repli de 2200 logements), mais maintient son
rythme annuel au-dessus des 40 000 logements pour le
troisième mois d’affilée. « Comme l’affaiblissement de
la construction neuve provoqué par la récession a été
beaucoup moins important au Québec qu’ailleurs au
pays, le faible repli observé en juin peut également
être associé à une période de stabilisation », suggère
Hélène Bégin, économiste senior chez Desjardins.
En données réelles, le Québec enregistre 15 837 mises
en chantier de janvier à juin, soit une baisse de 22%
par rapport au premier semestre de 2008. Desjardins a
récemment porté à 40 000 sa prévision annuelle. Pour
qu’elle se concrétise, les mises en chantier devront
s’accélérer au c ours du s econd semestre.
La barre n’est pas si haute. En juin 2008, le Québec
voguait au rythme annuel de 46 300 logements. Son
rythme moyen des 12 derniers mois est de 44 600
logements, ce qui illustre bien la relative stabilité
du marché.
À l’opposé, l’Ontario a connu une hausse de mai à juin
des mises en chantier à hauteur de 45 600 logements,
ce qui est beaucoup plus que son creux 37 200 en
avril. En juin 2008, la province voisine carburait
cependant à 81 900 logements en rythme annuel.
Dans l’agglomération montréalaise, plus touchée par la
récession que plusieurs régions québécoises, le repli
après six mois est plus marqué à hauteur de 26%, voire
de 40% sur l’île même. « Dans un contexte économique
marqué par un recul du nombre d’emplois, conjugué la
une concurrence accrue du marché de la revente en
raison d’une augmentation de l’offre, la demande
d’habitations neuves est moins forte », souligne
Stéphane Duguay, analyste de marché à la SCHL.
Le marché de la revente revient par ailleurs à une
situation d’équilibre. Les prix devraient continuer de
s’apprécier modestement, selon une analyse publiée
plus tôt cette semaine par la firme de courtage
immobilier Royal LePage.
Quand le bâtiment va… tout ira
- Rudy LeCours
Pour le
troisième mois d’affilée, la valeur des permis de
construction résidentielle était en hausse au Québec, en
mai. Le nombred’autorisations de bâtir délivrées par les
municipalités québécoises était aussi en augmentation,
ce qui présage d’un regain d’activité au cours de l’été
et de prix abordables.
On saura demain si les données annoncées hier par
Statistique Canada se sont concrétisées en mises en
chantier le mois dernier. Il existe un délai d’un à
trois mois entre l’émission d’un permis par une
municipalité et la coulée d’une fondation.
Chose
certaine, les bétonnières ont travaillé davantage pour
le troisième mois d’affilée en mai. Les mises en
chantier ont même franchi la barre des 40 000 logements
sur une base annualisée en mars, avril et mai, après un
net ralentissement en janvier et février.
« Ce seuil de résistance, même au plus fort de la
récession, justifie de relever légèrement notre cible
pour l’année en cours de 38 000 à 40 000 nouveaux
logements », note Hélène Bégin, économiste principale
chez Desjardins.
Cela
dit, ce nombre représente une baisse de 16,5% par
rapport à l’an dernier, ce qui reste néanmoins
beaucoup mieux qu’ailleurs au pays.
L’indice précurseur Desjardins affichait d’ailleurs
une hausse de 1,1% en mai. Cette deuxième augmentation
d’affilée pourrait présager d’une reprise de
l’ensemble de l’économie d’ici la fin de l’année, s’il
continue de progresser cet été.
La valeur des permis résidentiels a augmenté de 3,3%,
d’avril à mai. Fait des plus intéressants, cela
reflète moins une hausse de prix qu’une augmentation
de 3,2% du nombre d’autorisations. Fait plus étonnant
encore, l’augmentation est concentrée dans les maisons
unifamiliales, un secteur beaucoup moins volatil de
mois en mois que le logement multiple. On observe
plutôt la tendance opposée dans le reste du Canada.
Dans l’agglomération métropolitaine, la hausse de la
valeur des permis est de 3%, mais le nombre de
logements à construire recule de 6,9%. L’explication
vient de la diminution de permis pour logements
multiples, car ceux d’unifamiliales sont en hausse.
Bref, c’est surtout en banlieue où l’activité devrait
s’intensifier.
Cela dit, l’activité immobilière reste forte même dans
l’île de Montréal, au point où la firme Royal LePage
prévoit une légère augmentation des prix, tant sur le
marché de la maison neuve que celui de la revente.
La firme de services immobiliers prévoit une
augmentation de 2,1% du prix moyen des maisons à
Montréal, à hauteur de 263 500$. Elle attribue par
ailleurs la baisse de 4,6% du nombre de transactions
par rapport à 2008 au très lent premier trimestre.
«
Aujourd’hui, le marché est plus équilibré,
c’est-à-dire que l’offre et la demande sont plus
pondérées, selon Dominic St-Pierre, directeur des
services immobiliers de Royal LePage. Nous anticipons
une situation avantageuse pour les vendeurs ainsi que
pour les acheteurs pour la deuxième moitié de 2009. »
Le bâtiment ne se limite pas au secteur résidentiel,
comme chacun sait. À l’échelle commerciale,
industrielle et institutionnelle, la valeur des permis
était en hausse modeste de 2,3% à l’échelle
provinciale, mais de 6,7% dans la métropole. Cette
composante des permis de bâtir est toutefois très
volatile de mois en mois, la valeur d’un seul permis
pesant souvent très lourd.
Ainsi, dans la composante institutionnelle, on a
observé des augmentations spectaculaires causées par
le lancement prochain de nouveaux chantiers dans les
secteurs de la santé et de l’éducation en Ontario et
en Alberta. « C’est la preuve de l’entrée en jeu des
stimuli économiques des gouvernements », explique
Chairmaine Buskas, économiste principal chez TD
Valeurs mobilières.
On peut la percevoir aussi par le bond de 20% de
l’indice Ivey qui mesure les intentions des décideurs
d’achat de biens industriels. Seule la composante
stocks était à la baisse, ce qui suggère une relance
prochaine de la production industrielle, ne serait-ce
que pour approvisionner les grands chantiers de
l’État.
Au Québec, l’augmentation de la valeur des permis
institutionnels s’élève à 7,6%, à hauteur de 86,2
millions de dollars. C’est moins du quart de la valeur
des permis non résidentiels (409,4 millions), la part
du lion allant au secteur commercial avec plus de la
moitié. Le secteur industriel a connu quant à lui une
solide hausse.
À l’échelle canadienne, la valeur des permis a franchi
la barre des 5 milliards pour la première fois depuis
octobre, grâce à des bonds de plus de 10% dans les
composantes résidentielle et non résidentielle. Les
baisses dans les provinces atlantiques ont été plus
que compensées par les bonds en Ontario et en Alberta.
Quand on se compare... - Claude
Picher
Au
premier coup d’oeil, les comptes économiques publiés
hier par l’ Institut de la statistique du Québec sont
absolument dramatiques. En r ythme annualisé, l
’économie québécoise accuse une contraction de 4,8%
pendant les trois premiers mois de l’année. Ce chiffre
est exprimé en termes réels, c’est-à-dire qu’il est
ajusté en fonction des prix à la consommation. La
dégringolade est effectivement de taille : c’est le
pire recul trimestriel en 18 ans!
Faire un bref tour d’horizon des comptes économiques
québécois, c’est un peu comme se promener sur un champ
de bataille dévasté. Voyons plutôt :
>
Les t ravailleurs québécois, collectivement, ont vu
leur rémunération diminuer de 0,6 % en trois mois. Le
chiffre peut sembler petit. En réalité, ces quelques
dixièmes de point représentent 250 millions de dollars
de moins dans leurs poches (ou un milliard en rythme
annuel). De toute façon, peu importe son ampleur, une
baisse de la rémunération des salariés est toujours
une mauvaise nouvelle. Cela est dû non seulement à un
recul de l’emploi, suffisamment déplorable en soi,
mais aussi à une baisse du salaire hebdomadaire moyen.
> Les profits des entreprises fondent à vue d’oeil.
Toujours en rythme annuel, les bénéfices des sociétés,
avant impôts, sont passés de 30,1 milliards au
troisième trimestre de 2008 à 25,8 milliards au
trimestre suivant, pour chuter à 20 milliards au cours
des trois premiers mois de 2009. Une culbute
dramatique de 30% en 10 mois. Exécrable pour tout le
monde: quand les profits ne sont plus au rendezvous,
les entreprises ralentissent leurs immobilisations et
cessent d’embaucher (quand elles ne font pas des mises
à pied), tandis que les recettes fiscales des
administrations publiques dégringolent.
> Les épargnants, les petits investisseurs et les
retraités qui comptent sur leurs revenus de placement
mangent leurs bas. Les revenus d’intérêts, dividendes
et autres placements ont chuté de 9% au premier
trimestre, ce qui équivaut à une perte collective de
400 millions en trois mois.
Dans
un contexte aussi morose, il ne faut pas s’étonner de
voir s’évaporer les investissements des entreprises.
En rythme annuel, le recul observé au premier
trimestre est de 32%. La nouvelle est beaucoup plus
grave qu’il n’y paraît à première vue. Les gains de
productivité (dont le Québec a bien besoin) sont
étroitement tributaires des immobilisations des
entreprises. Une diminution des investissements
signifie que les entreprises québécoises seront de
moins en moins capables de survivre dans un monde de
plus en plus compétitif. Sombres nuages à l’horizon.
> Important recul également du côté de la
construction: 14% de moins dans le secteur
résidentiel, 15% de moins dans le non résidentiel.
> Ce flot de tristes nouvelles a évidemment un
impact sur les finances publiques: les recettes
provenant de l’impôt des particuliers sont à la
baisse; les impôts des sociétés aussi; la taxe de
vente aussi; les cotisations sociales aussi; les
revenus de placement aussi. En fait, pour le
gouvernement du Québec, les transferts fédéraux sont
la seule source de revenus en hausse. À tout
considérer, l’ensemble des recettes de
l’administration publique québécoise, entre le dernier
trimestre de 2008 et le premier de 2009 est passé de
21,1 milliards à 17,8 milliards. Une telle
détérioration porte un coup extrêmement dur à des
finances publiques hautement fragiles.
> Seul point plus ou moins positif dans ce désolant
portrait: la balance commerciale du Québec s’est
légèrement améliorée. Pourtant, les exportations ont
poursuivi leur chute. L’amélioration est
essentiellement due au fait que les importations
diminuent encore plus vite que les exportations, ce
qui n’est pas forcément un signal encourageant. Le
Québec continue de traîner un déficit commercial de 25
milliards.
Et pourtant, et pourtant...
Quand on se regarde, on se désole; quand on se
compare, on se console. Rarement l’adage aura-t-il été
aussi pertinent.
Cela
peut sembler curieux à dire après tout ce qu’on vient
de voir, mais par rapport au reste du Canada,
l’économie québécoise réussit finalement à se tirer
assez bien d’affaire.
Au début du mois, Statistique Canada a publié les
comptes économiques canadiens pour le premier
trimestre (l’équivalent, au niveau national, des
chiffres publiés hier par l’Institut de la statistique
du Québec).
Nous avons vu que l’économie québécoise a été victime
d’une contraction de 4,8% au premier trimestre. Dans
l’ensemble du Canada, le chiffre équivalent est de
5,4%.
Ce n’est pas tout. Au trimestre précédent (octobre,
novembre et décembre 2008), la contraction a été de
0,7% au Québec, comparativement à 3,7% au Canada.
Ces chiffres confirment ce que d’autres indicateurs
économiques ont déjà établi: oui, le Québec est
atteint par la crise, oui, son économie est en
récession, mais le choc est moins brutal que dans le
reste du Canada. L’Ontario a été frappé de plein fouet
par la déliquescence de l’industrie automobile
nord-américaine. L’Alberta a été prise de court par
l’évolution des prix des ressources. La
Colombie-Britannique, qui fournit les trois quarts des
exportations canadiennes de bois d’oeuvre, ne réussit
pas à se relever de l’effondrement de la construction
résidentielle aux États-Unis.
Il est heureux que le Québec soit moins endommagé que
le reste du Canada, mais on aurait tort de se réjouir
du malheur des autres. Plus l’économie d’une province
va mal, plus sa capacité fiscale diminue. Comme la
péréquation est calculée en fonction de la capacité
fiscale des provinces, les difficultés des provinces
riches pourraient se traduire, pour le Québec, en une
diminution des paiements de péréquation.
Notre gazon est plus vert - VINCENT
DELISLE
Frappé
moins fort par la crise, le Canada profite d’une
situation enviable qui lui sera profitable au sortir
de la récession
Maintenant que la déflation a été évitée, l’enjeu de
2010 sera l’inflation.
L’auteur est stratège financier chez Scotia Capitaux.
Le Canada profite d’une
situation enviable qui lui sera profitable au sortir
de la récession grâce aux bénéfices tirés de
l’exportation des ressources naturelles, notamment
l’uranium (notre photo – mine de Cigar Lake, au nord
de la Saskatchewan).
Depuis février, la chute de l’économie mondiale a
ralenti, un développement que les marchés financiers
n’ont pas manqué d’applaudir. La récession n’est pas
encore terminée, mais le pire est passé.
Malheureusement, les pertes d’emploi continuent; on
peut toutefois se consoler du fait que la fuite semble
en partie colmatée.
Certaines industries souffrent davantage, comme
l’automobile, le secteur forestier et les médias.
Cependant, il faut voir là également des changements
structurels qui ne sontpas seulement liés à la
récession. Parmi les aspects positifs, il faut
souligner que le Canada et le Québec s’en tirent
mieux. De plus, tout indique que l’économie mondiale
pourrait retrouver le chemin de la croissance tard en
2009. Certes, la récession 2008-2009 aura été très
dure, mais les scénarios apocalyptiques de «
dépression » se seront révélés exagérés.
Au cours des années 30, le PIB avait chuté de 26% aux
États-Unis, la Bourse s’était effondrée de 85% et le
taux de chômage avait explosé à près de 30%. Depuis le
début de cette récession, les PIB américain et
canadien affichent une baisse similaire de 2,3% et les
taux de chômage respectifs atteignent 9,4% et 8,4%. Au
pire de la frayeur boursière, les indices boursiers
avaient subi une correction de près de 60%.
L’injection massive de liquidités semble avoir permis
d’éviter une répétition des erreurs monétaires des
années 30.
Jusqu’à maintenant, la gravité de la récession
américaine rivalise davantage avec celles de 1974 et
de 1982. Si le retour de la croissance est
envisageable d’ici la fin de l’année, la reprise
risque d’être décevante puisque le Trésor américain
retirera les liquidités (hausse des taux d’intérêt et
des impôts) lorsque les signes vitaux seront
suffisamment encourageants. Maintenant que la
déflation a été évitée, l’enjeu de 2010 sera
l’inflation.
Parmi les pays industrialisés, le Canada fait
meilleure figure depuis le début de la récession.
D’une part, le marché immobilier canadien ne s’est pas
effondré et les pertes d’emploi (-2,3%) sont plus
modestes qu’ailleurs (-4,3% aux États-Unis).
Le
Canada profite également d’une situation enviable qui
lui sera profitable au sortir de la récession grâce
aux bénéfices tirés de l’exportation des ressources
naturelles tels le pétrole, la potasse, l’uranium,
l’électricité et autres.
L’économie canadienne jouit de trois avantages
importants, soit la proximité du consommateur
américain, une économie domestique plus résistante et
un lien direct avec la progression des pays émergents
par le biais de la demande de ressources.
L’embellie boursière printanière – les indices
boursiers ont rebondi de plus de 40% depuis le 9 mars
– tire sa source du sentiment que le pire est passé.
La panique qui avait envahi les investisseurs
l’automne dernier laisse désormais place à l’espoir
qui accompagne les reprises. Le risque de déception
(et de repli) demeure, mais cette phase de
normalisation devrait pousser les indices boursiers,
les taux d’intérêt, le prix de ressources, et le huard
à la hausse au cours des prochains mois.
Depuis le début de 2009, l’indice boursier canadien du
TSX affiche un gain de 17% contre des rendements
inférieurs à 6% aux États-Unis, en Europe et au Japon.
Cette situation n’est pas passagère et les actions
canadiennes devraient continuer de mieux performer au
cours des prochaines années.
D’ailleurs, les investisseurs internationaux
s’intéressent de plus en plus à ce potentiel,
notamment dans un contexte de dépréciation du billet
vert. Paradoxalement, cette suprématie canadienne
s’installe au moment où nos caisses de retraite n’ont
plus decontraintesde contenuétranger et sont tentées
par des investissements hors duCanada.
Plusieurs défis persistent, mais il est important de
réaliser que le gazon est plus vert de notre côté de
la frontière. Qui plus est, il risque de le demeurer
longtemps.
L’économie du Québec devrait
reprendre l’an prochain La construction non
résidentielle restera un pilier
Le
rapport de BMO souligne que le Québec a établi un
plan fiscal et économique de cinq ans qui prévoit
un retour aux surplus d’ici 2013-2014.
L’économie québécoise, qui a fini par céder sous
la pression de la récession mondiale, devrait
connaître une reprise en 2010, selon un rapport
publié hier par BMO Marchés des capitaux.
« Le PIB ( produit i ntérieur brut) réel devrait
connaître un recul de 1,6 % cette année, ce qui
est mieux que la moyenne canadienne, avant de
connaître une reprise modérée de 1,9 % en 2010 »,
souligne Robert Kavcic, économiste chez BMO
Marchés des capitaux.
Pour se relever, l’économie québécoise pourra,
entre autres, compter sur la construction non
résidentielle, véritable pilier économique pour la
province, soulignent les experts chez BMO.
Le gouvernement du Québec a d’ailleurs implanté un
programme d’infrastructures sur c i nq a ns de 41,
8 mi l l i a r ds de dollars ( soit près de 3 % du
PI B de 2009-2010). Cet i nvestissement devrait
continuer à stimuler la croissance, Face à l a
détérioration économique et afin de stimuler l
’économie, le gouvernement mettra temporairement
le pied sur l’accélérateur f iscal pour pouvoir
investir dans plusieurs projets, malgré les
déficits.
Le rapport souligne que le
Taux de chômage
c omme le f eront également les i nvestissements
continus d’Hydro-Québec.
Conséquence de l a c r i s e, l e gouvernement
provincial prévoit quatre années de déficit. En
2009-2010, ce déficit devrait atteindre 3,9
milliards de dollars, soit 1,3 % du PIB. Québec a
établi un plan fiscal et économique de cinq ans
qui prévoit un retour aux surplus d’ici 2013-2014
. Pour cela , plusieurs mesures entreront en
vigueur, dont une hausse de 1 % de la taxe de
vente du Québec, qui passera à 8,5 % en janvier
2011.
Signe de récession, le taux de chômage a bondi un
peu partout au Québec et devrait atteindre 9 % en
2010, soit le plus haut taux depuis six ans,
précise l’étude. Les l icenciements dans le
secteur privé, tout comme le ralentissement de
l’embauche dans l e s ecteu r public, expliquent
les pertes d’emplois.
Sur une note plus posit i ve , c o mpa r a t i ve
ment à l ’ Ouest canadien ou à l’Ontario, le
Québec s’en tire mieux, soul igne le rapport .
L’Ontario a en ef fet attei nt un t aux de c
hômage record depuis le début des a nnées 70. Les
ventes au détail et les prix des logements au
Québec sont également moins touchés qu’ailleurs au
pays.
Immobilier : Montréal sera épargné
par les baisses de prix - Maxime Bergeron
Le marché
immobilier nord-américain montre des signes de vie
encourageants. Aux États-Unis, la construction
s’active à nouveau tandis qu’à Montréal, les prix
continuent de se raffermir. Et bonne nouvelle, les
taux hypothécaires ne devraient pas grimper tr
Le spectre d’une baisse des prix de l’immobilier est
maintenant presque écarté à Montréal. C’est ce qu’a
fait valoir Hélène Bégin, économi s t e pr i nc i pa
l e au Mouvement Desjardins, à la lumière des
données encourageantes publiées hier pour le mois de
mai. Le nombre de transactions a grimpé de 8% dans
le Grand Montréal par rapport à l’an dernier, et le
prix moyen a progressé de 3%, ce qui augure bien
selon elle pour les mois à venir. Le nombre de transactions
immobilières a grimpé de 8% dans le Grand Montréal
par rapport à l’an dernier, et le prix moyen a
progressé de 3%.
« Je dirais qu’il y a d’excellentes chances qu’on
réussisse à éviter complètement une baisse des prix
», a affirmé Mme Bégin en entrevue à La Presse
Affaires.
Le prix médian des unifamiliales a atteint 238 000$
en mai (+3%), celui des condos, 192 750$ (+3%) et
celui des immeubles de deux à cinq logements, 350
000$ (+2%), selon les données de la Chambre
immobilière du Grand Montréal (CIGM).
La progression a été soutenue au cours des cinq
premiers mois de 2009 dans la métropole, tandis que
les prix continuaient à décliner dans l’ensemble du
Canada. La valeur de revente moyenne a ainsi grimpé
de 3,6% depuis janvier à Montréal, comparativement à
une baisse de 3% à Toronto, 10% à Calgary et 9% à
Vancouver. Le recul atteint 4,2% au pays.
Pourquoi Montréal et le Québec font-ils si bonne
figure ? D’abord parce que les prix y ont grimpé
moins vite qu’ailleurs au Canada, réduisant les
risques d’une baisse abrupte, souligne Hélène Bégin.
Mais aussi parce que la confiance des consommateurs
a fait un retour en force le mois dernier, pour
atteindre son plus haut niveau depuis juillet 2008.
« En mai, 55% des Québécois jugeaient que les
conditions actuelles étaient favorables à l’achat
d’un bien important tel qu’une propriété,
comparativement à 38% en avril », a indiqué Michel
Beauséjour, chef de la direction de la CIGM, dans un
communiqué.
Taux d’intérêt
Les taux d’intérêt historiquement bas ont aussi
contribué à cette relance. Plusieurs acheteurs aux
moyens limités ont pu acquérir une résidence au
cours des
« Le regain que j’ai constaté en mai, c’est par
rapport à l’automne dernier, où ç’a été pourri, a
dit Carl Poulin, agent à La Capitale du Mont-Royal.
Je n’ai pas senti la crise depuis le début de 2009.
»
La
légère création d’emplois des deux derniers mois à
Montréal a aussi contribué au regain du marché de
l’habitation, croient les experts. Les nombreuses
mises à pied récentes dans le secteur
manufacderniers mois, tandis que d’autres ont pu
acheter une propriété plus spacieuse que ce qu’ils
croyaient pouvoir se permettre.
Delphine Saint-Marcoux, gestionnaire à
Radio-Canada, a ainsi profité de son faible taux
hypothécaire – 3,6% sur cinq ans – pour acheter un
plus grand appartement que prévu dans Rosemont, le
mois dernier. « Ça a beaucoup influencé ma
décision », a-t-elle confié.
Les agents immobiliers, pour leur part, se
frottent les mains. Ils avaient craint d’assister
à une grande dépression du marché immobilier
montréalais quand la crise financière a éclaté en
septembre dernier. Leur inquiétude semble
maintenant dissipée. turier montréalais pourraient
toutefois entraîner un certain impact négatif au
cours de l’été, estime Hélène Bégin, du Mouvement
Desjardins.
Gains généralisés
Le volume total de ventes immobilières a atteint
1,31 milliard de dollars dans le Montréal
métropolitain en mai, un bond de 11% par rapport à
l’an dernier. Ainsi, 4839 propriétés ont changé de
main, 8% de plus qu’il y a un an. C’est la
première hausse mensuelle depuis sept mois.
Toutes les régions de la métropole ont enregistré
des gains, tant au chapitre du prix qu’à celui du
nombre de transactions. L’île de Montréal a vu ses
ventes progresser de 7%, Laval, de 4%, la
RiveNord, de 8%, la Rive-Sud, de 13% et
Vaudreuil-Soulanges, de 5%.
Le nombre d’inscriptions en vigueur – les
propriétés sur le marché – a grimpé de 6% en mai
dans le Grand Montréal, à 25 826 unités. Les
nouvelles inscriptions ont pour leur part diminué
de 12%, à 5701.
Le délai de vente s’est par ailleurs allongé dans
toutes les catégories d’habitations. Il a fallu 79
jours en moyenne pour vendre une maison
unifamiliale (64 l’an dernier), 89 jours pour un
condo (83 l’an dernier) et 92 pour un plex (72
l’an dernier).
Dans l’ensemble du pays, l’activité du marché de
la revente a retrouvé son niveau « prérécession »
le mois dernier, a déclaré lundi l’Association
canadienne de l’immeuble. Le nombre de
transactions a grimpé de 3,1% par rapport à mai
2008, et le prix moyen, de 0,3%.
La crise s’adoucit au Canada, selon
l’OCDE
— En
publiant hier une mise à jour de ses indicateurs
composites avancés, l’Organisation de coopération et
de développement économique (OCDE) a lancé un signal
plus soutenu de la présence d’un possible creux au
Canada. L’indicateur composite avancé de l’OCDE pour
le Canada a augmenté de 0,4 point en avril mais est de
7,6 points en dessous du niveau enregistré un an plus
tôt.
L’organisation a fait état d’une diminution du rythme
de détérioration de la croissance dans la plupart des
économies de l’OCDE, avec un signal plus soutenu de la
présence d’un possible creux au Canada, en France, en
Italie et au Royaume-Uni. Comparativement au mois
dernier, un signal positif semble poindre en
Allemagne, au Japon et aux États-Unis. La plupart des
économies non membres de l’OCDE, quant à elles, font
encore face à une détérioration des perspectives
économiques, à l’exception de la Chine et de l’Inde où
un possible creux semble émerger.
L’indicateur composite avancé pour la zone OCDE,
couvrant 29 pays, a augmenté de 0,5 point en avril
2009 mais est inférieur à 8,3 points de son niveau
observé en avril 2008.
Pour les États-Unis, l’indicateur composite avancé a
augmenté de 0,2 point en avril, mais est inférieur de
10,8 points de son niveau observé un an auparavant.
En ce qui concerne la zone euro, l’indicateur
composite avancé a augmenté de 0,8 point en avril mais
reste en dessous de 6,3 points de son niveau observé
il y a un an.
Huit provinces sur dix créent des emplois
Toutefois, l’Ontario souffre
Les gains au Québec ont été enregistrés dans les
secteurs de l’information, de la culture, des loisirs
et de l’enseignement, notamment.
L’économie canadienne est encore en convalescence,
mais elle se remet progressivement de ses graves
problèmes de début d’année. En mai, huit provinces sur
dix ont créé des emplois, signe que les remèdes
administrés au malade font effet.
Dans ce portrait, cependant, une région tarde
nettement à reprendre des couleurs : l’Ontario.
Quelque 59 700 emplois y ont été perdus en mai, dont
47 000 dans le secteur de la fabrication, indique
l’enquête de Statistique Canada dévoilée hier.
La plus grande province au Canada est notamment
frappée par la restructuration du secteur automobile.
À la fin avril, pendant ses recours devant les
tribunaux, Chrysler a cessé de produire, mettant à
pied des milliers d’employés. En Ontario, les usines
de Brampton et de Windsor ont été temporairement
fermées, provoquant des mises à pied, avec ses effets
sur les fournisseurs et les commerces locaux.
Cette toux persistante de l’Ontario a fait grimper son
taux de chômage à 9,4% en mai, de 8,7% qu’il était en
avril. Les difficultés des Ontariens ont eu pour effet
de faire grimper le taux de chômage canadien à 8,4% en
mai, en hausse de 0,4 point de pourcentage sur avril.
Ce taux de 8,4% est le plus élevé au pays depuis 11
ans.
Pendant ce temps, le Québec continue de bien faire.
Certes, le mois de mai ne passera pas à l’histoire,
avec une création nette de 5700 emplois, tous à temps
partiel. Mais il faut savoir que ces nouveaux emplois
s’ajoutent aux 22 400 du mois d’avril.
Malgré
ces nouveaux emplois, le taux de chômage au Québec est
passé de 8,4% en avril à 8,7% en mai, un phénomène qui
s’explique par une augmentation de la population
active ou, autrement dit, par une hausse du nombre de
personnes qui cherchent du travail.
Les gains au Québec ont été enregistrés dans les
secteurs de l’information, de la culture, des loisirs
et de l’enseignement, notamment. Contrairement à
l’Ontario, il n’y a pas eu de pertes dans le secteur
manufacturier et celui de la construction.
Le pire est passé
La majorité des économistes s’entendent pour dire que
le pire est derrière nous. Les pertes d’emplois
globales sont de moins en moins prononcées chaque mois
depuis le début de l’année « Visiblement, les
prochains mois pourraient être marqués par des pertes
moins importantes. Cela confirme que le pire de la
récession est derrière nous », fait valoir Benoit
Durocher, un des économistes principaux du Mouvement
Desjardins.
Même son de cloche à la Financière Banque Nationale. «
Les exportations canadiennes devraient bientôt
augmenter d’après notre scénario d’une reprise de
l’économie américaine dans la deuxième moitié de
l’année. Le marché de l’emploi est donc sur le point
de reprendre », dit l’économiste Yanick Desnoyers.
Malgré
la reprise économique attendue à l’automne, le
chômage pourrait cependant continuer de grimper,
fait valoir l’économiste Sherry Cooper, de la Banque
de Montréal, qui s’attend même à un sommet du
chômage à la mi-2010. Selon la théorie économique,
le chômage ne diminue pas instantanément avec la
reprise parce que les entreprises attendent d’être
certaines de l’embellie avant de réembaucher.
PHOTO J.P.
MOCZULSKI, ARCHIVES REUTERS
Selon un
économiste, l’été ne s’annonce pas facile,
notamment en Ontario, qui continuera d’être
affecté par la restructuration de Chrysler et de
GM.
Dans sa boule de cristal, Benoit Durocher voit que
l’été ne sera pas facile, notamment en Ontario, qui
continuera d’être affecté par la restructuration de
Chrysler et de GM. Néanmoins, l’automne sera plus
rose, au terme de la restructuration de ces
entreprises sous la protection de la loi sur la
faillite.
Les
5700 emplois de mai au Québec correspondent à une
augmentation de 0,1 point de pourcentage de
l’emploi. En comparaison, cette hausse est de 0,8
point en Nouvelle-Écosse, de 0,6 point au Manitoba
et en Saskatchewan et de 0,3 point au
Nouveau-Brunswick.
Les 59 700 emplois détruits en Ontario correspondent
à un recul de 0,9 point de pourcentage. Depuis le
sommet de l’automne dernier, l’Ontario a perdu 244
900 emplois, 10 fois plus que les 28 100 postes au
Québec.
Dans ce portrait, Montréal détonne, toutefois. Son
taux de chômage est passé de 8,9% en avril à 9,4% en
mai. Et dans les scénarios des économistes, une
inconnue demeure: dans quelle mesure la remontée du
dollar canadien affectera-t-elle la reprise attendue
?
La récession frappe moins le Québec que prévu
Tout en se
gardant de prêcher l’optimisme, l’équipe d’économistes de
Desjardins croit maintenant que la récession mondiale
frappera un peu moins le Québec qu’elle l’avait cru, il y
a un mois à peine.
Dans la Mise à jour des prévisions économiques et
financières, l’économiste en chef François Dupuis et
l’économiste en chef adjoint Yves Saint-Maurice s’avouent
un peu surpris par la résilience du consommateur
québécois, comme en font foi les rebonds des ventes au
détail. « Le premier trimestre sera donc moins négatif que
prévu au chapitre des dépenses de consommation,
écrivent-ils. Cela nous amène à revoir nos prévisions du
PIB ( produit intérieur brut) réel à -1,8% pour 2009
comparativement à -1,9% le mois dernier » , ce qui est
mieux que l’ensemble canadien. Pour l’an prochain
cependant, le Québec fera moins bien que la moyenne
canadienne avec une expansion contenue à 1,1%, soit moins
encore que celle de l’Ontario qui traverse une deuxième
année de décroissance d’affilée.
MM. Dupuis
et Saint-Maurice font preuve de moins d’engouement pour
notre production manufacturière, durement touchée par
l’affaiblissement récent du secteur aéronautique.
La prévision de Desjardins pour le Canada reste à -2,9%
pour l’année en cours. Le pire toutefois paraît derrière
nous.
On saura la
semaine prochaine l’ampleur de la décroissance au premier
trimestre. L’institution lévisienne table sur un chiffre
de - 6,5% en rythme annualisé. C’est beaucoup plus
prononcé que les -3,4% du dernier trimestre de 2008.
Mince consolation, le Canada devrait renouer t imidement
(0,3% en rythme annualisé) avec la croissance l’automne
prochain, grâce surtout au redémarrage des activités de
stockage des entreprises. La reprise sera molle cependant,
car Desjardins limite à 1,4% sa prévision d’expansion pour
2010. Le volume des exportations continuera de diminuer
tout au long de l’année et le plus gros de l’an prochain.
Il faut
dire que les États-Unis sont encore loin d’une sortie de
crise avec un nouveau plancher des mises en chantier
atteint en avril. En outre, le taux de chômage continue de
grimper même si l’ampleur des licenciements au cours des
mois à venir ne sera pas forcément aussi brutale que celle
des premiers mois de 2009. « La dégradation du marché du
travail devrait se poursuivre jusqu’au début de 2010 et le
taux de chômage dépassera sans doute les 10% », écrivent
les deux économistes, au moment où les Américains
s’apprêteront à retourner aux urnes pour les élections de
mi-mandat au Congrès.
MM. Dupuis et Saint-Maurice mettent en garde contre la
tentation d’un optimisme hâtif fondé sur quelques récentes
nouvelles encourageantes. Tout en affirmant que la
récession paraît s’approcher de son point d’inflexion, ils
apportent cette distinction de taille. « Il faut faire une
distinction entre un point d’inflexion, qui signifie que
l’économie va continuer à décroître, mais à un rythme
moins rapide que ce qu’on a vu jusqu’ici, et le point de
retournement de l’économie, qui déterminera le creux de la
récession et annoncera le début de celle-ci. »
Ils écartent qu’elle prenne la forme d’un V. Ils tablent
plutôt sur une reprise en U. C’est certainement moins
mauvais qu’un scénario en W, qui signifierait une rechute
vers un nouveau creux, ou en L, qui suppose que la
récession soit suivie d’un long épisode de stagnation.
L’Ontario
par
terre, le Québec s’en tire - CLAUDE PICHER
Au total,
seulement un Québécois sur 125 a perdu son emploi depuis le
début de la récession. Ce n’est pas drôle, mais c’est tout
de même infiniment moins démoralisant qu’en Ontario.
Statistique Canada nous annonçait hier que l’économie
canadienne a créé 36 000 emplois en avril. Le Québec mène la
marche avec 22 000 emplois. Ces chiffres mensuels apportent
un répit plus que bienvenu dans un marché profondément
déprimé.
En effet, si on examine comment la situation du marché du
travail a évolué au cours des six derniers mois, on constate
que la récession a créé une authentique hécatombe. Pendant
cette période, c’est-à-dire entre octobre 2008 et avril
2009, pas moins de 321 000 emplois ont été supprimés au
pays. Au total, cela signifie que le Canada a perdu près de
2% de ses emplois. C’est énorme.
Or, la tornade ne s’est pas abattue partout avec la même
intensité. Les différences régionales sont tellement
importantes qu’elles ont entraîné des bouleversements
qu’aucun expert n’aurait pu prévoir. Le taux de chômage est
aujourd’hui plus élevé à Calgary qu’à Québec. Et à Toronto,
la proportion de chômeurs rejoint maintenant celle de
Montréal. Qui l’eût cru?
C’est évidemment l’Ontario, qui a subi de plein fouet la
crise de l’automobile, qui a le plus souffert. En octobre
derSt.Catharines-Niagara, 10,1% à Kitchener, 9,5% à London.
Historiquement, le taux de chômage en Ontario a toujours été
inférieur à celui du Québec. Ce n’est plus vrai.
Aujourd’hui, l’Ontario compte 8,7% de chômeurs, contre 8,4 %
pour le Québec.
Ce renversement de situation ne s’explique pas seulement par
les malheurs qui se sont abattus sur l’Ontario, mais aussi
parce que le Québec a été relativement épargné par la
récession.
Pendant que
l’Ontario perdait 174 000 emplois, le Québec en perdait 32
000. Certes, on peut toujours dire que c’est 32 000
immobilière, le Québec a réussi jusqu’à maintenant à limiter
les dommages. Au total, seulement un Québécois sur 125 a
perdu son emploi depuis le début de la récession. Ce n’est
pas drôle, mais c’est tout de même infiniment moins
démoralisant qu’en Ontario.
Lesdeuxautresgrandesvictimes de la récession, ce sont
l’Alberta et la Colombie-Britannique.
L’économie albertaine est étroitement liée aux prix du
pétrole et du gaz. C’est une économie en dents de scie.
Quand les prix montent, tout va bien, l’argent rentre, les
emplois se créent par milliers, les prix de nier, la
province voisine comptait 471 000 chômeurs ; ils sont
aujourd’hui 621 000. Autrement dit, un Ontarien sur 36 a
perdu son emploi. Tout citoyen ontarien a de bonnes chances
de connaître dans son entourage un parent ou un ami qui
s’est retrouvé au chômage au cours des six derniers mois.
Dans certaines villes ontariennes, le taux de chômage
atteint des niveaux pénibles : 13,6% à Windsor, 10,5% à de
trop; derrière la froideur des statistiques se profilent
souvent d’épouvantables drames humains. N’empêche : quand on
considère l’ampleur de la récession et les terribles dégâts
qu’elle a causés, on peut toujours se consoler. Parce qu’il
est à peu près absent du secteur automobile, parce qu’il a
entrepris un vaste programme de réfection de ses
infrastructures, parce qu’il a été largement à l’abri de la
bulle l’immobilier s’envolent. Quand les prix baissent, la
bulle éclate. C’est exactement ce qui se passe en Alberta.
Toujours au cours des six derniers mois, l’économie
albertaine a supprimé 42 000 emplois. Un sur 48. Pas aussi
grave qu’en Ontario, mais pas loin. Un chiffre parle de
lui-même : en six mois, le taux de chômage albertain est
passé de 3,7 à 6%. Et la province n’a pas fini de souffrir.
Attirés par les emplois et la prospérité, des milliers de
ménages des autres provinces se sont établis en Alberta: en
2007 et en 2008, la population active a bondi de 135 000
personnes. Or, depuis six mois, la population active a
arrêté de progresser. Déçus et sans travail, les ménages
attirés par le boom albertain retournent chez eux.
Le cas de l a ColombieBritannique n’est pas plus
encourageant. À elle seule, cette province fournit les trois
quarts des exportations canadiennes de bois-d’oeuvre aux
ÉtatsUnis. C’est, de loin, le principal produit
d’exportation de la province. Or, le marché américain de la
construction résidentielle est pratiquement au point mort.
Toujours depuis octobre, la province a perdu 52 000 emplois,
un sur 45.
Deu x prov i nc e s , la Saskatchewan et le Manitoba,
réussissent à faire mieux que le Québec. Mais ce sont des
poids plume: chacune ne représente que 3% de l’économie
canadienne. En revanche, parmi les quatre grandes provinces,
qui représentent ensemble 87% de la taille de l’économie
canadienne, c’est clairement le Québec qui parvient le mieux
à surnager au milieu de la pire tourmente des 70 dernières
années.
Les Canadiens reviennent dans les magasins -
Rudy LeCours
La valeur
des ventes au détail augmente de 0,3% par rapport à
février dernier
Pour le troisième mois d’affilée en mars, les Canadiens et
surtout les Québécois, ont laissé un peu plus d’argent
dans les magasins qu’en fin d’année, alors que le pays
était précipité dans la grande récession mondiale. À l’échelle canadienne, la valeur
des ventes des détaillants est encore inférieure de 6,3%
par rapport à son sommet de septembre. En volume
cependant, l’écart à combler est limité à 2,6%.
La valeur des ventes au détail était en hausse de 0,3 %
par rapport à février, indiquait hier Statistique Canada.
Les importants rabais consentis par les constructeurs et
les concessionnaires de véhicules, jumelés à la baisse des
prix de l’essence, expliquent cet encore timide
engouement. Exprimées en volume, les détaillants ont
écoulé 0,7 % de plus de marchandises qu’en février.
La différence entre valeur et volume s’explique par un
recul des prix.
Celui des voitures a sans doute fait la différence. « Les
données de l’indice des prix à la consommation en mars
montrent que l ’ achat ou la location d’un véhicule
étaient aux prix de 1996 », note Diana Petramala,
économiste chez Banque TD Groupe financier.
La valeur des ventes de véhicules neufs a d’ailleurs bondi
de 2,2% de février à mars. Sans elle, les ventes au détail
reculent de 0,2%, à cause des replis importants subis par
les magasins de matériaux de construction, surtout ceux
concentrés dans les provinces de l’Ouest où le marché de
l’habitation est en forte chute.
Les
stimuli fiscaux d’Ottawa (et de Québec) devraient rétablir
au moins en partie leurs chiffres d’affaires. Les
Québécois ont été ceux qui semblent avoir le plus été
attirés par les nombreuses promotions. La valeur des
ventes a progressé de 2,0% dans la société distincte, au
cours du mois. « Le Québec est la seule province qui est
essentiellement retournée à son niveau de ventes inscrit
en novembre », note l’agence fédérale.
À l’échelle canadienne, la valeur des ventes des
détaillants est encore inférieure de 6,3% par rapport à
son sommet de septembre. En volume cependant, l’écart à
combler est limité à 2,6%.
Pour mesurer l’apport de la consommation de biens dans le
calcul de la taille réelle de l’économie, il faut plutôt
comparer les ventes de mars à celles de décembre. Or,
leurs volumes étaient 4% inférieurs en rythme annualisé à
ceux de décembre.
En valeur, l’écar t grimpe à 8,8%, selon les calculs de
Benoit P. Durocher, économiste senior chez Desjardins.
Cela masque d’importantes disparités régionales. Elles
plongent de 19,8% et 14,9% en Alberta et en
Colombie-Britannique, mais seulement de 3,9% et 5,2% en
Ontario et au Québec.
« Le pire est peut-être passé, puisqu’en avril, les
suppressions d’emplois du secteur privé ont été les plus
faibles depuis le début de la récession », juge Marc
Pinsonneault, économiste principal à la Financière Banque
Nationale.
Mais que signifie le pire ? Le recul du PIB au premier
trimestre est évalué à de - 6,5% à -7,0 %, toujours en
rythme annualisé. « Les données préliminaires du présent
trimestre indiquent un recul beaucoup, beaucoup plus
faible », assure Douglas Porter, économiste en chef
adjoint chez BMO Marchés des capitaux.
La destruction d’emplois semble contenue
- RUDY LE COURS
Le huard
tonifié par un résultat surprise
En fait, la confiance et la détermination des Québécois à
trouver du travail tranchent avec ce qui se passe dans
l’ensemble du Canada.
Que faire quand on cherche en vain du travail ? Trouver
plutôt des clients.
Voilà ce qu’ont fait 37 000 Canadiens le mois dernier. Leur
débrouillardise a permis de stabiliser le taux de chômage à
8,0%, le niveau le plus élevé en sept ans, révèlent les
données de l’Enquête sur la population active (EPA) de
Statistique Canada. Sans ces initiatives, l’économie aurait
plutôt détruit 38 100 emplois.
Cette prise en main a confondu les observateurs qui avaient
parié sur une nouvelle hémorragie de quelque 50 000 emplois.
Le dollar canadien a monté en flèche, gagnant plus d’un
cent et demi contre le billet vert. Sa poussée a curieusement
commencé à Londres plus d’une demi-heure avant la publication
des données de l’EPA. La possibilité d’une fuite survenue
pendant le huis clos des journalistes a incité l’agence
fédérale à tenir une enquête interne.
« La plupart des gens ne sont pas vraiment attirés par les
avantages qu’offre la situation de travailleur autonome, note
Sébastien Lavoie, économiste chez Valeurs mobilières Banque
Laurentienne. Ils sont plutôt obligés de considérer cette
option puisque les offres d’emploi traditionnel ne courent pas
les rues. »
Plus du tiers de ces nouveaux entrepreneurs (13 000) se
retrouvent au Québec, la province qui a le mieux fait avec la
création nette de 22 400 emplois. Le taux de chômage y a
cependant monté d’un dixième à 8,4%, en raison d’une
augmentation plus grande encore du nombre de ceux et celles
qui ont joint les rangs de la population active.
En fait, la confiance et la détermination des Québécois à
trouver du travail tranchent avec ce qui se passe dans
l’ensemble du Canada. Depuis janvier, 19 200 personnes étaient
à la recherche active d’un emploi dans la société distincte.
Dans le reste du Canada, la population active s’est
appauvrie de 1800 personnes.
L’opti m i
sme r elat i f des Québécois dans la présente récession
paraît justifié.
Depuis octobre, qui marque le sommet du marché du travail,
le nombre de détenteurs d’emploi a diminué de 0,8% ou 32 800
personnes. Sans minimiser le drame vécu par les personnes
privées soudainement de leur gagne-pain, force est de
constater la résilience de notre marché du travail.
Depuis octobre, l’économie canadienne a détruit 320 700
jobs, soit 1,9 % de l’ensemble, dont plus de la moitié en
Ontario.
Durant les récessions de 19901992 et de 1981-1982, la
proportion d’emplois disparus au Québec avait dépassé la
moyenne canadienne. « Le marché du travail québécois
continue d’étonner et de résister assez bien », constate
Pascal Gauthier, économiste chez Banque TD Groupe financier
qui compare mois après mois le marché du travail des
provinces dans la présente tourmente.
Les choses
pourraient bien changer au cours des prochains mois,
prévient cependant Joëlle Noreau, économiste principale chez
Desjardins. « L’Indice précurseur Desja rdins demeure
négatif et présage que la récession sera en cours au Québec
pour encore trois à six mois. »
Le tournant entre un marché du travail qui détruit et un qui
crée des emplois est atteint quand l’entreprise privée
embauche davantage qu’elle ne licencie. En avril, elle a
encore réduit ses effectifs de 10 400 personnes, dont la
moitié au Québec. C’est cependant bien moins que les 67 000
en moyenne des trois mois précédents.
« Il y a une lueur d’espoir dans le fait que la diminution
de l’effectif salarié dans le secteur privé était le plus
faible depuis le début de cette récession », observe Marc
Pinsonneault, économiste principal à la Financière Banque
Nationale.
Si on utilise la méthodologie américaine qui ne compte la
population active qu’à partir de l’âge de 16 ans (contre 15
pour Statistique Canada), notre taux de chômage passe de
8,0% à 7,1% seulement.
Aux États-Unis, il a grimpé de 8,5% à 8,9% de mars à avril,
selon les données du département du Travail. Encore 539 000
personnes ont perdu leur emploi. Cela porte la cohorte des
victimes de la récession à 5,6 millions et le taux de
chômage à un sommet en 25 ans.
« Cela montre que nous sommes toujours au milieu d’une
récession qui a mis des années à venir et qui prendra des
mois ou même des années à s’en aller », a commenté le
président Barack Obama. Il s’est engagé à modifier les
règles de l’assurance emploi pour ne plus pénaliser ceux qui
retournent aux études pour se perfectionner.
Le verre à moitié
plein
C’est au
Canada que le recul sera le moins prononcé et que la
reprise sera la plus forte.
Mardi, la Banque du Canada révisait ses prévisions
économiques à la baisse. Mercredi, c’était au tour du
Fonds monétaire international ( FMI) de rendre publiques
des prévisions plus sombres que les précédentes et à
conclure à une grave récession mondiale.
C’est un réflexe bien naturel de voir ces nouveaux
développements comme de mauvaises nouvelles et d’en
déduire que les perspectives s’assombrissent et que la
situation empire. Ce n’est cependant pas vraiment le cas.
J’en arrive à une tout autre lecture, et pas seulement en
raison de mon optimisme indécrottable. Nous sommes plutôt
en présence d’un cas classique de verre à moitié vide et
de verre à moitié plein.
La situation, on le sait, n’est déjà pas bonne. Ce qui est
arrivé cette semaine, ce n’est pas que des organismes
réputés nous ont dit que ça serait encore pire, mais
plutôt qu’ils ont ajusté leurs prévisions à cette réalité
que nous connaissions déjà trop bien.
La Banque du Canada retombe tout simplement sur terre,
après avoir étonné tout le monde avec ses lunettes roses,
en prévoyant, grâce à ses modèles économétriques à la fine
pointe de la science, une récession très faible, un recul
du PIB de 1,2% en 2009 et une reprise très vigoureuse de
3,8% en 2010. Avec ses nouvelles prévisions, un recul
sévère de 3% cette année et une reprise de 2,5 % l’a
prochain, la Banque du Canada ne nous apprend rien. Elle
ne fait que rentrer dans le rang.
Parce que
ses dernières prévisions dataient de janvier, le FMI
n’avait pas corrigé le tir, comme la plupart des
spécialistes, pour intégrer à ses modèles les très mauvais
résultats de la fin de 2008 et du début de 2009. C’est ce
qu’il vient de faire. En janvier, il prévoyait une
croissance mondiale de 0,5% et une véritable reprise de 3%
en 2010. Il croit maintenant que la récession mondiale
sera plus prononcée, avec un recul de 1,3% et que la
reprise, à 1,9%, sera anémique. Un réajustement qui
s’explique par le caractère synchronisé des récessions
dans le monde et par l’insuccès des efforts de relance.
Qu’est-ce qu’on peut trouver positif làdedans ? Tout est
relatif. Mais on note une certaine stabilisation des
prévisions, une consolidation du consensus. Le FMI, avec
ses prévisions, rejoint ce que disait déjà l’OCDE. La
Banque du Canada, au niveau canadien, propose un scénario
très proche de celui de la plupart des maisons
spécialisées.
Deuxièmement, la Banque du Canada, comme bien d’autres
maisons, s’attend à un retour à la croissance au quatrième
trimestre. C’est dans cinq mois. Évidemment, cette reprise
ne sera que du rattrapage, il faudra attendre 2011 pour
que l’on revienne au niveau d’activité d’avant la
récession et le retour à la normale sera parsemé
d’embûches et marqué par l’incertitude. Troisièmement, le
FMI, tout comme le disait aussi l’OCDE, prévoit que
l’économie canadienne s’en tirera nettement mieux que les
autres grands pays industrialisés. C’est au Canada, selon
le FMI, que le recul, évalué à 2,5% en 2009, sera le moins
prononcé, contre 2,8% aux États-Unis, 5,5% en Allemagne,
6,2 % au Japon, 3 % en France, 4,1% en Grande-Bretagne,
3,8% pour l’ensemble des économies avancées. Et c’est au
Canada que la reprise sera la plus forte en 2010, avec
1,2%, quand la croissance sera de zéro aux États-Unis et
dans la zone euro, et que l’économie reculera encore de
0,4% au Royaume-Uni et de 1,9% en Allemagne.
Le succès relatif du Canada dans l’adversité n’est pas
insignifiant. C’est une constante de toutes les
prévisions. Et ce n’est pas un phénomène passager avant
que la réalité nous rattrape. Il faut le souligner.
Une chance
qu’il y a le Québec! - CLAUDE PICHER
Le Québec
compte pour 20% de l’économie canadienne. C’est la
deuxième économie en importance au pays. Son poids est tel
qu’il contribue de façon importante à augmenter la moyenne
canadienne.
La publication des comptes économiques provinciaux, hier,
nous a appris que l ’économie canadienne n’a progressé que
d’un faible demi-point de pourcentage en 2008. Ce n’est
pas très fort, mais c’était facile à prévoir.
On a beaucoup dit que le Canada, si on le compare aux
États-Unis, à l’Europe ou au Japon, se t i re relativement
bien de la crise économique et financière, C’est vrai.
Mais cela ne veut pas dire qu’il a été épargné. Dans la
deuxième moitié de 2008, c’est à dire entre août et
décembre, le produit intérieur brut ( PIB) a subi cinq
reculs mensuels consécutifs, ce qui explique en bonne
partie la faible progression de l ’ensemble de l ’année.
Zéro virgule cinq pour cent, voilà un chiffre qui peut
sembler insignifiant, mais cela représente tout de même
l’équivalent de 8 milliards de dollars.
Les comptes économiques provinciaux de St atist ique
Canada mesurent à quel point l’économie de chaque province
a avancé ou reculé au cours de l’année. Toutes les
variations sont exprimées en termes réels, c’est-à-dire
qu’elles tiennent compte de l’inflation.
D’embl é e , u ne constatation s a ut e a u x ye u x : l ’
Ont a r i o , l ’ Alber t a et la Colombie-Br it annique,
les provinces traditionnellement considérées comme les
locomotives de l’économie canadienne, ont toutes trois
tiré l’économie vers le bas.
En Ontario, la production d’automobiles et de pièces a
subi une chute dramatique de 21%, mais d’autres secteurs
de la fabrication ont aussi lourdement écopé, et notamment
la production de vêtements avec un recul de 28%. Ces
mauvaises nouvelles ont entraîné une contraction de
l’économie de 0,3%, comparativement à une progression de
2,3% en 2007.
La crise économique a forcé l’Alberta à réduire sa
production de pétrole et de gaz. Pour la première fois en
24 ans, les exportations albertaines reculent. Mais ce qui
a surtout fait mal, c’est l’éclatement de la bulle
immobilière. Les mises en chant ier ont connu une
catastrophique dégringolade de 40%. Au total, l’économie
albertaine recule de 0,2 %, comparativement à une hausse
de 3,1 % l’année d’avant.
La Colombie-Britannique a été frappée de plein fouet par
le ralentissement de la construction résidentielle aux
ÉtatsUnis. La production du secteur forest ier n’at teint
plus que secteur des inf rastructures , reste vigoureuse.
Le secteur aéronautique demeure fort. Les activités
d’exploration minière ont « monté en f lèche », pour
reprend re l ’ expre s sion de l’agence fédérale de
statistique.
Le Québec
compte pour 20% de l ’ économie canadienne. C’est la
deuxième économie en importance au pays. Son poids est tel
qu’il contribue de façon importante à augmenter la moyenne
canadienne. Nous avons vu plus haut que la croissance du
PIB du Canada a atteint 0,5%, ce qui est très 82% de son
niveau de 2007. L’économie recule de 0,3 %, après une
progression de 3% un an plus tôt.
Autrement dit, les trois locomotives sont en panne.
Et pendant ce temps, le Québec, longtemps tenu pour le
maillon faible de l’économie canadienne, affiche une
croissance de 1%, deux fois plus que la moyenne
canadienne. La construction non résidentielle, en
particulier dans le faible. Sans la performance du Québec,
ce chiffre serait tombé à un anémique 0,3%.
Certes, deux autres provinces, le Manitoba et surtout la
Saskatchewan, ont connu une croissance beaucoup plus forte
que le Québec.
Les grands travaux publics ( bar rages hydroélect r iques,
importants travaux à l’aéroport de Winnipeg, canal de
dérivation de la rivière Rouge) ont été un véritable
moteur pour l’économie manitobaine en 2008, qui a atteint
un bon rythme d’expansion de 2,4%. Mais la palme revient
sans conteste à la Saskatchewan, qui a largement profité
de la hausse des prix de la potasse et d’une récolte
exceptionnelle. Les bénéfices des entreprises
saskatchewanaises ont bondi de 58%. Au total, l’économie
de la province affiche une robuste poussée de 4,4%.
Même si ces deux provinces affichent une croissance
remarquable en période de crise, leur poids économique est
beaucoup plus petit que celui du Québec, de sorte que
leurs bonnes performances ont f i nalement peu d’impact
sur la moyenne canadienne. Le PIB du Manitoba ne
représente que 3,2 % du total canadien. Celui de la
Saskatchewan, 3,1 %.
On ne peut certainement pas conclure de tout cela que le
Québec est devenu la nouvelle locomotive de l’économie
canadienne. En revanche, il est clair que la bonne tenue
du Québec compense largement, en 2008, les déboires des
trois autres grandes provinces. Aux
prix du marché, la taille de l’économie québécoise atteint
301 milliards, ce qui en fait une économie comparable à
celles de pays comme le Portugal ou la Colombie.
Solide comme le roc
Par rapport à leurs voisins américains, les Canadiens se
tirent relativement bien d’affaire en ces temps de crise.
Qpubliée hier dans L’Observateur économique canadien, une
revue spécialisée de l’agence fédérale de statistique, M.
Cross passe en revue les grands événements qui ont bouleversé
l’économie mondiale en 2008, et montre à quel point le Canada
réussit finalement à bien tirer son épingle du jeu dans un
contexte hautement volatil, et comment il est bien préparé
pour la suite des choses.
PHOTO RYAN REMIORZ, ARCHIVES PC
Au Canada, non seulement aucune banque n’a fait faillite, mais
toutes ont continué de déclarer des profits et de payer des
dividendes.
D’ent rée de j eu, l ’ auteur uand on regarde le naufrage des
grandes banques américaines et européennes , le système
bancaire canadien apparaît « solide comme le roc », et c’est
en bonne partie pour cette raison que le Canada est « bien
placé pour profiter d’une reprise de l’économie mondiale,
quand celle-ci aura lieu ».
Voilà une citation qui apparaît comme une bouffée d’air frais,
alors que l’actualité économique et financière croule sous une
avalanche de mauvaises nouvelles depuis un an.
Et le signal ne vient pas de n’importe qui. Philip Cross est
analyste économique en chef à Statistique Canada. Il est
réputé pour la qualité et la rigueur de ses recherches. Dans
une étude constate que l’année 2008 ne ressemble à aucune
autre observée « dans un passé récent ». Certes, chaque année
est unique, mais 2008 passera à l’histoire parce que
l’économie « a totalement changé son cours entre le début et
la fin de l’année ».
Certes, l’économie canadienne a subi le contrecoup de la
crise: pertes d’emplois, baisse de la valeur nette des
ménages, chute libre des exportations, notamment dans les
secteurs des ressources, de l’automobile et de la
main-d’oeuvre.
M. Cross parle même de « débâcle » des exportations, mais
ajoute un bémol important. Dans le secteur des ressources,
c’est-à-dire principalement le pétrole exporté aux États-Unis,
les deux tiers du recul des exportations sont attribuables à
la baisse des prix pétroliers. En fait, en volume, les
exportations des ressources ont augmenté.
Quant à l’industrie automobile, le Canada (c’est-àdire, dans
ce cas, l’Ontario) a évidemment souffert du marasme qui a
envahi GM et Chrysler. La production dans les 11 usines de
montage canadiennes a chuté de 20%. Mauvaise nouvelle, certes,
mais l’envers de la médaille est plus encourageant. Les
véhicules « importés » sont de plus en plus populaires; en
2008, c’est une première historique, les marques « importées »
représentent plus de la moitié des ventes de véhicules neufs
au Canada. J’ai mis le mot « importé » entre guillemets parce
que ces voitures sont de plus en plus construites au Canada et
aux États-Unis. C’est dire que malgré les déboires des
constructeurs américains, le Canada a réussi à stabiliser sa
part de la production nordaméricaine de véhicules à 16%, le
même niveau qu’il y a huit ans. On ne peut pas parler de
catastrophe.
Par rapport à leurs voisins américains, les Canadiens se
tirent relativement bien d’affaire en ces temps de crise.
Certes, la chute des cours boursiers et des prix immobiliers
(le Québec est relativement épargné par ce dernier phénomène,
qui a surtout touché l’Alberta et la Colombie-Britannique) a
fait fondre la valeur nette des ménages de 7,3% en moyenne.
Cela fait mal, évidemment, mais on peut se consoler en pensant
que le chiffre correspondant, aux États-Unis, est de 20%. Sur
une plus longue période, de 2002 à 2008, l’avoir net des
ménages a augmenté presque deux fois plus vite au Canada :
45%, contre seulement 25% aux États-Unis.
À tout considérer, le Canada dispose d’au moins trois atouts.
• Malgré la chute des exportations, il continue de dégager
d’importants surplus commerciaux. Grâce en partie à
l’accumulation de ces excédents, la dette extérieure nette du
Canada est tombée à zéro en 2008. La différence entre ce que
les emprunteurs canadiens doivent à leurs créanciers
étrangers, et ce que les étrangers doivent aux prêteurs
canadiens est nulle. Ce n’est pas rien ; c’est la première
fois que cela se produit depuis que l’on a commencé à tenir
des statistiques à ce sujet, en 1926.
• Depuis l’assainissement de ses finances publiques, le Canada
est un pays relativement peu endetté, surtout si on le compare
aux États-Unis. En 2008, la dette du système financier
canadien correspondait à 60% du Produit intérieur brut, contre
120% aux États-Unis.
• Alors que le système financier américain a été «
complètement transformé » par la crise, les banques
canadiennes sont, répétons-le, « solides comme le roc ». Aux
États-Unis, les cinq grandes banques d’investissement ont
disparu ou ont été absorbées pour cause d’insolvabilité. En
Europe, plusieurs banques insolvables ont dû fermer leurs
portes, fusionner, ou être nationalisées. Au Canada, non
seulement aucune banque n’a fait faillite, mais toutes ont
continué de déclarer des profits et de payer des dividendes.
Il ne s’agit pas de regarder la situation avec des lunettes
roses. La récession frappe dur: « La dernière baisse de
l’activité économique au Canada remonte à 16 ans », écrit M.
Cross. « C’est un record. Cela signifie qu’une génération
entière de travailleurs et d’investisseurs fait pour la
première fois l’expérience d’une récession ».
En revanche, l’économiste démontre, noir sur blanc, que quand
les États-Unis toussent, le Canada n’attrappe pas
nécessairement le rhume...
Les banques canadiennes s'en tirent plutôt
bien
La Nationale déjoue la récession - Martin Valiières
« La
Banque Nationale continue de bénéficier de la situation
économique encore relativement favorable qui prévaut au
Québec », a souligné Louis Vachon.
Revenus et profits meilleurs qu’attendus. Des provisions
pour pertes sur prêts – un effet de la récession – moins
élevées que prévu.
Ma l gré une conjonc t ure inquiétante, la Banque
Nationale s’est plutôt bien tiré d’affaire lors de son
deuxième trimestre 2009, terminé le 30 avril.
Et de l’avis même de son président, la principale banque
québécoise profite de l’impact moindre de la récession
dans son marché principal – l’économie du Québec – que
dans le reste du Canada.
« La Banque Nationale continue de bénéficier de la
situation économique encore relativement favorable qui
prévaut au Québec », a souligné Louis Vachon, hier, dès le
début de sa discussion des résultats trimestriels avec les
analystes.
En chiffres, cette bonne performance relative se traduit
par un bond de 46% à 241 millions du bénéfice net lors du
deuxième trimestre 2009, comparativement à la même période
l’an dernier.
Le bénéfice net par action atteint 1,41$, en hausse de 41%
en un an. C’est aussi supérieur de 14% à la moyenne des
prévisions d’analystes, qui cotait à 1,23$ de bénéfice par
action.
Par ailleurs, en excluant des éléments spéciaux comme les
gains de cession de filiales et les frais de dépréciation
des papiers commerciaux non bancaires, le bénéfice de la
Banque Nationale au deuxième trimestre aurait quand même
progressé de 14% par rapport à la même période l’an
dernier.
Ces résultats trimestriels, avec ceux de trois autres
banques canadiennes aussi divulgués hier, ont été très
bien accueillis en Bourse.
Ils ont contribué le plus au bond journalier de 2,5% de
l’indice phare de la Bourse de Toronto, à son niveau le
plus élevé depuis sept mois.
Dans le
cas de la Banque Nationale, les investisseurs ont poussé
ses actions en hausse de plus de 4% en cours de séance.
Elles ont terminé en hausse moins accentuée de 3,6 % à
51,30 $.
N’empêche, cette cote de fermeture est la plus élevée pour
la Banque Nationale depuis la fin de septembre 2008.
C’était juste avant le krach boursier allongé des semaines
suivantes.
Aussi, cette cote de 51,30$ est maintenant deux fois plus
élevée (+100%) que le creux annualisé de 25,62$ par
action, atteint le 18 décembre 2008.
Par secteur d’activités, c’est l’importante filiale des
marchés financiers, la Financière Banque Nationale, qui a
réalisé le plus important gain de profit (50%) au deuxième
trimestre 2009.
Ce gain s’est avéré amplement suffisant pour compenser la
baisse de profit (-16%) des activités de gestion de
patrimoine, ainsi que la hausse réduite (+2%) de profit
pour les activités bancaires auprès des particuliers et
des entreprises.
Par ailleurs, la Banque Nationale estime que son
portefeuille de prêts demeure peu affecté par la
récession, au point d’y limiter encore ses provisions pour
pertes. La banque a décidé de s’en tenir à une provision
de 41 millions au deuxième trimestre, seulement trois
millions de plus que le trimestre précédent, malgré la
détérioration de l’économie.
D’ail leurs, ces provisions moindres de la Banque
Nationale contrastent avec cellesdeplusieurs centaines de
millions de dollars inscrites par les autres principales
banques canadiennes.
Par conséquent, la Banque Nationale risque-t-elle l’excès
de confiance, afin de ne pas trop affecter ses résultats à
court terme?
Pas pour le moment, estiment les analystes qui l’ont à
l’oeil.
« La qualité de son portefeuille de prêts demeure bonne
grâce à sa concentration d’affaires au Québec. Et son
potentiel de générer d’autres profits malgré la
conjoncture difficile demeure conforme aux attentes », a
indiqué Michael Goldberg, analyste principal des banques
chez Valeurs mobilières Desjardins, dans une brève note
envoyée hier à ses clients-investisseurs.
La Banque TD surprend les analystes
« Toutes les
entreprises TD s’en tirent très bien malgré le poids de la
récession au Canada et aux États-Unis. »
— Les éléments non récurrents et la fragilité des activités
de gestion de patrimoine de la Banque Toronto-Dominion l’ont
forcée à afficher un bénéfice en baisse pour son deuxième
trimestre, même si ses services bancaires au détail et
commerciaux ont vu leurs profits augmenter d’un pour cent. Les entreprises TD ont bien fait au
cours du deuxième trimestre du présent exercice financier.
Le bénéfice de la TD s’est chiffré à 618 millions de dollars
pour le trimestre terminé le 30 avril, soit 68 cents
l’action, par rapport à un bénéfice de 852 millions, ou
1,12$ l’action, à la même période un an plus tôt.
En excluant les éléments extraordinaires comme
l’amortissement d’actifs intangibles, les pertes sur
couverture et les charges de restructuration liées à
l’acquisition, l’an dernier, de Commerce Bancorp, le
bénéfice par action atteint 1,23$. Ce montant surpasse
aisément les attentes des analystes sondés par Thomson
Reuters, qui tablaient en moyenne sur un profit par action
de 1,13$.
Le bénéfice net rajusté de la banque s’est établi à 1,09
milliard de dollars, contre 973 millions l’an dernier, les
revenus trimestriels ayant grimpé à 4,33 milliards, par
rapport à 3,39 milliards, stimulés par l’acquisition de
Commerce, qui a doublé la présence américaine de la TD.
« Toutes les entreprises TD s’en tirent très bien malgré le
poids de la récession au Canada et aux États-Unis », a
déclaré dans un communiqué le président et chef de la
direction de la banque, Ed Clark.
Le rendement
de l’avoir des actionnaires, une mesure clé de la
rentabilité des banques, a reculé à 6,6%, contre 13,4% un an
plus tôt, alors que la provision pour pertes sur prêts a
gonflé à 656 millions, contre 232 millions au trimestre
correspondant l’an dernier.
Le dividende est resté inchangé à 61 cents l’action.
Les i nvestisseurs se sont montrés impressionnés par les
résultats des activités essentielles de la banque, « les
revenus nets d’intérêt affichant une hausse marquée », a
observé Craig Fehr, analyste du secteur bancaire chez Edward
Jones, à St. Louis. Selon lui, cette progression est
attribuable à des écarts de taux d’intérêt plus rentables et
à de plus gros volumes de prêts.
« Lorsque vous voyez la TD surpasser l’industrie au chapitre
du volume de prêts, c’est la conséquence d’une solide
activité de la part des services bancaires de détail. »
Hier à la Bourse de Toronto, l’action de la TD a gagné 6,78%
à 53,69$.
La CIBC se relève après une année difficile
— La
Banque CIBC a affiché une perte nette de 51 millions de
dollars au deuxième trimestre, une amélioration par
rapport à celle de 1,1 milliard encaissée à la même
période l’an dernier. Les dépréciations de divers produits
de crédit structuré se sont poursuivies au plus récent
trimestre, mais plus lentement. De l’avis même du président Louis
Vachon, la principale banque québécoise profite de
l’impact moindre de la récession dans son marché
principal – l’économie du Québec – que dans le reste du
Canada.
La perte nette s’est ainsi élevée à 24 cents l’action pour
le trimestre terminé le 30 avril, comparativement à une
perte de 3$ l’action un an plus tôt, a précisé hier la
CIBC. En excluant les éléments non récurrents, la banque
aurait fait état d’un bénéfice de 1,41$ par action, soit
deux cents l’action de plus que les attentes moyennes des
analystes de Thomson Reuters.
Les revenus ont totalisé 2,16 milliards de dollars, par
rapport à 126 millions au cours de la période
correspondante l’an dernier, qui s’était avérée
désastreuse. Au premier trimestre de l’exercice en cours,
les revenus avaient totalisé 2 milliards.
La provision pour pertes sur prêts a gonflé de 124% par
rapport à l’an dernier, atteignant 394 millions, contre
176 millions. Les frais autres que d’intérêts ont reculé
de 8% à 1,64 milliard.
Malgré la perte, la CIBC a maintenu son dividende
trimestriel de 87 cents l’action.
Le marché
a réagi aux « résultats essentiels, les résultats des
activités bancaires de détail, parce que l’exposition au
risque de la CIBC à ce moment-ci est très bien connue », a
observé Craig Fehr, analyste chez Edward Jones à St.
Louis.
« Les dépréciations qu’ils continuent d’inscrire, bien que
décevantes, ne sont pas nécessairement si surprenantes. »
Cependant, le revenu net d’intérêts en baisse de 5,6% par
rapport à l’an dernier, à 1,27 milliard de dollars, « a
été assez décevant pour ce trimestre, et c’est le reflet
d’une pauvre croissance des prêts », a noté M. Fehr.
« Les perspectives de croissance de la CIBC sont plutôt
inconnues pour l’instant. »
Le ratio des fonds propres de première catégorie, un
indicateur clé de la stabilité, était de 11,5% – « parmi
les plus élevés des grandes banques d’affaires en Amérique
du Nord ».
Hier à la Bourse de Toronto, le titre de la CIBC a glissé
de 4,49% à 54,47$.
ÉCONOMIE QUÉBÉCOISE Charest se dit optimiste
Le
premier ministre Jean Charest s’est déclaré optimiste à
propos de l’économie québécoise, hier à la Conférence de
Montréal. « Le Québec s’en sort mieux que partout
ailleurs sur la planète, a dit M. Charest en point de
presse. Nous avons eu deux mois de création d’emplois,
c’est inattendu. »
Par
contre, il n’a pas voulu donner son avis sur les
multiples estimations de reprise mondiale pour 2010. «
Personne ne s’attend à une reprise très forte. Le
consensus des économistes, c’est une reprise très lente,
pas en V. Ça sera une occasion de repositionner le
Québec. »
Le premier mi n i s t re mise notamment sur le « nouvel
espace économique qui réduirai t l es barrières
commerciales entre les provinces canadiennes, et l es
ententes particulières en cours de négociation avec
l’Ontario et la France. Il a également affirmé que
l’ouverture aux firmes européennes des appels d’offres
provinciaux et municipaux aiderait le premier ministre
Stephen Harper à lutter contre le protectionnisme
américain, en donnant un « signal clair » de la volonté
canadienne de limiter les barrières au commerce et à la
main-d’oeuvre.
Sombres nuages - CLAUDE PICHER
Statistique
Canada a diffusé hier deux documents mensuels
importants : l’enquête sur la population active et les
données sur le commerce international.
Les médias accordent généralement beaucoup plus
d’attention à la première enquête, puisqu’elle fournit
un portrait complet et facile à comprendre du marché
du travail : taux de chômage, nombre d’emplois créés
ou perdus, ventilations détaillées.
Cette fois-ci, c’est différent. Les derniers chiffres
sur le commerce i nternational constituent, et de
loin, la nouvelle la plus spectaculaire du jour.
Et c e n’e s t pas u ne bonne nouvelle.
Les
exportations canadiennes continuent de chuter. En
août, la valeur des exportations canadiennes à
l’étranger, surtout aux États-Unis, a atteint 29
milliards ; en même temps, les Canadiens ont importé
pour 31 milliards de biens. Il en résulte un déficit
commercial mensuel de 2 milliards, de loin le plus
élevé de toute l’histoire.
L’impact du libre-échange
Le Canada a toujours été habitué à de solides
surplus commerciaux, qui ont d’ailleurs atteint des
niveaux i négalés dans les années qui ont suivi la
signature de l’accord de libre-échange avec les
États-Unis. En 1988, année de l’entrée en vigueur de
l’accord, les exportations canadiennes aux
États-Unis se situaient à 10,7 milliards ; elles
dépassaient le cap des 108 milliards en 2005 ;
depuis ce temps, notamment en raison de la force du
dollar canadien et de la crise financière aux
États-Unis, elles ont sensiblement reculé à 89
milliards l’an dernier, ce qui n’est quand même pas
rien. C’est une bonne chose : chaque dollar
d’exportations contribue à maintenir ou à créer des
emplois de ce côté-ci de la frontière.
Or, les chiffres montrent que, pour les huit
premiers mois de l’a nnée, le solde commercial se
détériore à une allure affolante.
Certes,
de janvier à août 2009, le Canada parvient
toujours à dégager un surplus dans ses échanges
avec les États-Unis : 22 milliards. Cela paraît
gros, mais en réalité, c’est une catastrophe.
L’an dernier, pour la même période, le surplus
dépassait les 67 milliards. Autrement dit, un
des grands atouts traditionnels de l’économie
canadienne, son surplus commercial avec les
États-Unis, est en train de voler en éclats.
Le Canada, d’autre part, est chroniquement
déficitaire avec les autres pays du monde. Mais
son surplus avec les Américains était tellement
colossal qu’il parvenait largement à effacer ce
déficit. Ainsi, l’an dernier, comme on vient de
le voir, le surplus avec les États-Unis
atteignait 89 milliards. En revanche, il y avait
un déficit de 42 milliards avec le reste du
monde. Au net, cela laisse donc un surplus de 47
milliards.
Le drame, cette a nnée, c’est qu’avec
l’effondrement des ventes aux États-Unis, on ne
peut plus compter sur les Américains pour
effacer notre déficit ailleurs. Ainsi, de
janvier à août, le déficit commercial, toutes
destinations confondues, a atteint quatre
milliards, dont la moitié pendant le seul mois
d’août.
Le déficit record du mois d’août pourrait
difficilement être attribué à la force du dollar
canadien. Pendant le mois, la valeur du huard
est passée de 89,1 à 91,9 cents. Cette hausse
est largement i nsuffisante pour expliquer
l’effondrement des ventes. Il faut davantage y
voir l’impact des difficultés considérables que
doivent affronter les consommateurs et les
entreprises américaines par les temps qui
courent.
Et le pire est peut être à venir.
Aujourd’hui, le huard frise les 96 cents et
plusieurs économistes pensent qu’il atteindra la
parité avec le dollar américain d’ici quelques
mois. À de tels niveaux, l’impact négatif sur
les exportations est inévitable. En décembre
prochain, lorsque Statistique Canada publiera
les données du commerce international pour le
mois d’octobre, il y a tout lieu de penser que
le déficit continuera de grossir.
Dans
ces condit i ons, à moins d’un revirement de
situation aussi spectaculaire qu’inattendu, il
faut déjà anticiper un déficit commercial pour
l’ensemble de 2009. Si cela se produit, ce sera
la première fois en 34 ans!
L’impact sur l’emploi n’est pas immédiat.
Ainsi, les résultats de l’enquête sur la
population active montrent que l’économie
canadienne a créé 92 000 emplois à temps plein
en septembre. De loin les résultats les plus
encourageants depuis le début de la crise. En
fait, du jamais vu depuis mai 2006.
Cette bonne nouvelle est cependant assombrie par
la suppression de 61 000 emplois à temps
partiel, particulièrement chez les jeunes, chez
les femmes, et en Ontario.
Au Québec, le taux de chômage est passé de 9,1 à
8,8%, mais ce n’est pas une bonne nouvelle.
L’économie québécoise a gagné 8000 emplois à
temps plein, mais en a perdu 12 000 à temps
partiel, de sorte qu’il y a au total 4000
chômeurs de plus. Si le taux de chômage a baissé
malgré ces pertes d’emplois, c’est parce qu’en
plus des 4000 Québécois qui ont perdu leur
emploi, 12 000 chercheurs d’emploi ont baissé
les bras et sont allés grossir les rangs des
chômeurs découragés et des assistés sociaux.
Voilà pourquoi une baisse du taux de chômage
peut camoufler un drame.
À plus long terme, le marché du t ravail
québécois, c omme da ns l e r e s t e du Canada,
risque fort de se détériorer à mesure que les
ventes canadiennes aux États-Unis poursuivront
leur dégringolade. C’est le temps d’allumer des
cierges en espérant que les Américains se
sortent rapidement du pétrin.
LES NOUVEAUX DÉFIS DU CANADA - Rudy
LeCours
Le
rattrapage du terrain perdu par l a r écession
s’étirera jusqu’en 2011 aux États-Unis et dans
plusieurs provinces canadiennes. Ce devait être
chose faite dans le courant de l’an prochain pour le
Québec, le Manitoba et quelques provinces
atlantiques.
Ces dernières devront relever néanmoins t out aut a
nt quelques déf i s car le marché américain n’offre
plus les mêmes perspectives qu’à l’entrée en vigueur
de l’Accord de libre-échange, en 1989.
« Si on exclut l ’énergie, les exportations de la
zone euro aux États-Unis sont plus importantes que
celles du Canada, faisait remarquer Warren Jestin,
économiste en c hef de Banque Scotia, de passage
hier à ses bureaux montréalais, rue Sherbrooke
Ouest. Le monde devient plus complexe pour le
Canada. »
La poussée de croissance venant de l’Asie continuera
de soutenir les prix de plusieurs produits de base
dont ceux de l ’énergie. D’autant plus que la Chine
investit maintenant directement dans les entreprises
canadiennes productrices d’énergie, y compris les
sables bitumineux, ou de produits de base.
Cela
aura pour effet de doper le huard. Le Canada ne peut
de toute façon fixer la valeur de sa monnaie, il
doit plutôt apprendre à vivre avec, même si ça
signifie de nouvelles difficultés pour les
manufacturiers exportateurs qui ne pourront plus
autant compter sur l’appétit insatiable du
consommateur américain.
En revanche, une monnaie forte augmente le pouvoir
d’achat des Canadiens car la valeur des biens que
nous exportons augmente plus vite que celle de ceux
que nous importons.
Au sud de la frontière, ce sera l’inverse. Cela
aggravera la situation f i nancière des ménages et
des entreprises tributaires des produits de base.
Les ÉtatsUnis ne font d’ailleurs pas face uniquement
à une crise de l’emploi, de l’habitation encore en
phase de stabilisation, ni à un déficit budgétaire
abyssal. Le vieillissement de la population les
guette aussi, tout comme l’explosion des coûts de
soins de santé, quelle que soit l’issue de la
réforme proposée par le président Barack Obama.
Voilà pourquoi les indic a t e u r s é c o n o mique
s enver r ont des s i gnaux contradictoires j
usqu’au pr i n t e mps, p e n s e M. Jesti n. Les
bonnes ou moins mauvaises nouvelles prenant le pas
petit à petit sur les grandes déceptions à compter
de mai et jusqu’en 2011 où commencera enfin
l’expansion du présent cycle.
Mais elle sera lente cette fois-ci ce qui rendra
plus nécessaire l’amélioration de la productivité de
nos entreprises pour conquérir d’autres marchés.
Cela exigera plusieurs années d’efforts et
d’investissements avant de porter fruit, admet M.
Jestin.
Canada : L’économie fait du surplace -
Rudy LeCours
Le
mauvais temps de juillet continue de nous hanter. Il a
fait reculer la génération d’électricité, l’extraction
et les livraisons de gaz naturel au point d’annihiler
le rebond du secteur manufacturier propulsé par la
reprise de la production automobile.
Résul
t a t : c ont r e t oute attente, l’économie
canadienne a stagné en juillet (-0,04%), a i ndiqué
hier Statistique Canada. La prévision médiane des
experts tablait plutôt sur un gain de 0,5 % qui se fût
ajouté à l’avancée modeste du produit intérieur brut (
PIB) réel de 0,1 % en juin.
Cela n’a toutefois pas empêché le dollar canadien de
gagner 128 centièmes, à 93,40 cents, contre le billet
vert sur la foi d’un rapport du Fonds monétaire
international qui réduisait sa prévision de radiations
d’actifs financiers encore à faire. Cela a eu pour
effet de stimuler l’appétit pour le risque aux dépens
de la devise américaine dont le rôle de valeur refuge
s’effrite concurremment.
« Même si
certains i ndic ateu r s économiques ont progressé
de façon soutenue durant l e mois, c er t a i ns
ajustements sont toujours en cours au sein de
l’économie canadienne, rappelle Benoit P.
Durocher, économiste principal chez Desjardins. La
c or r ec t i on des stocks s ’est poursuivie dans
de nombreux secteurs, ce qui a évidemment amoindri
leur production. ». M. Desrochers avait misé sur
une fa ible croissance de 0,1 %.
Des fermetures temporaires ont freiné l’extraction
minière, t a ndis que l a production d’électricité
et la distribution du gaz naturel ont reculé « en
raison d’une baisse attribuable à des températures
au-dessous des valeurs normales saisonnières,
particulièrement dans le centre du pays », précise
l’agence fédérale.
On peut sans doute aussi blâmer en partie Dame
Nature pour les replis de la production agricole
et de la construction résidentielle.
En fait, le rebond de 0,8 % de la fabrication aura
été le seul élément positif dans l’ensemble de la
production des biens qui recule tout de même de
0,4 % en juillet, portant à 13,5 % sa plongée
annuelle. « De nos j ours, le secteur
manufacturier ne représente plus que 12% de
l’économie réelle », note Sébastien Lavoie,
économiste en chef adjoint c hez Valeu r s mobi l
i è r e s Banque Laurentienne.
À l’opposé, le secteur des services a progressé de
0,1 % en juillet. Il s’agissait du quatrième gain
mensuel d’affilée qui limite à 0,5 % seulement son
recul annuel.
L’écart entre la production de biens et de
services est le plus élevé à ce jour, constate
Douglas Porter, économiste en chef chez BMO
Marchés des capitaux. Cet écart illustre jusqu’à
quel point la demande intérieure a permis de
contenir les effets néfastes de la récession
mondiale.
Juillet 2008 avait marqué le sommet du PIB réel
avant l’entrée du Canada en récession. On peut
donc voir l’ampleur du repli annuel du PIB mesuré
par industrie : 4,6 %.
Plusieurs sont maintenant d’avis que la
progression devra être convaincante en août et
septembre pour que se matérialise la prévision de
1,3% de la Banque du Canada d’une croissance
annualisée de 1,3% au troisième trimestre, même si
la majorité adhère toujours à un scénario de
sortie de récession amorcée en juin.
Cela reste possible puisque, aux caprices de Dame
Natu r e , on peut aj outer d’autres aléas non
récurrents qui ont entravé l’économie. Ainsi, la
grève des fonctionnaires torontois a fait reculer
de 0,3 % la contribution des administrations
publiques, peu sensibles à la conjoncture de
manière générale. Ce secteur a la même taille que
le commerce de détail.
« Le rebond at t endu de l’activité n’est retardé
que d’un mois », estime Yanick Desnoyers,
économiste en chef adjoint à la Financière Banque
Nationale. La dynamique de la croissance a
cependant préparé le terrain à une forte reprise
au quatrième trimestre qui est déjà corroboré par
le net rebond de l’indicateur économique avancé
canadien. »
On ajoutera que l’imminence d’un accord
canadoaméricain sur la clause Buy American pour
tout ce qui concerne les chantiers d’inf
rastructure lancés par les États et les
municipalités américains stimulera davantage les
exportations.
En outre, le début de la reprise américaine paraît
bien engagé. Hier, le département américain du
Commerce a donné le chiffre définitif de variation
du PIB réel au deuxième trimestre. Déjà faible à
-1%, elle est ramenée à -0,7%. Le troisième
trimestre qui a pris fin hier aura sans doute
marqué un retour à une croissance encourageante de
la première économie du monde qui représente
toujours 20% du PIB mondial.
Spectacles : Des sièges vides à
Montréal - Nathaëlle Morissette
Début d’automne difficile pour plusieurs
salles de spectacles montréalaises où le
nombre de billets vendus au guichet a
nettement diminué par rapport à l’an dernier.
Musique, théâtre, opéra, arts du cirque: dans
presque toutes les disciplines, les sièges
vides démontrent que la crise économique
frappe aussi l’industrie culturelle.
Michel Sabourin, propriétaire du Club Soda,
était sans doute heureux de tourner la page de
son calendrier hier. La salle de spectacle
qu’il dirige au coin du boulevard
Saint-Laurent et de la rue SainteCatherine a
connu un mois de septembre difficile. Le Club
Soda a accueilli un peu plus de 6300
spectateurs au cours du mois par rapport à 10
020 au cours de la même période l’an dernier:
une baisse de 37%. En 2007, quelque 9500
personnes avaient franchi les portes de la
salle et ils étaient 12 800 en 2006.
Cette année, Michel Sabourin a dû annuler
trois spectacles, faute de billets vendus. «On
s’aperçoit que le booking de la salle est un
peu au ralenti, mentionnet-il. On sent les
producteurs frileux. Et il y a certainement un
lien avec la crise.»
Lestempssontplusdifficileségalement du côté de
la TOHU. «L’achat de billets individuels se
fait à la dernière minute, observe Stéphane
Lavoie, directeur général de la TOHU. Les gens
prennent moins le risque d’acheter à
l’avance.»
M.
Lavoie remarque avec désolation que ses salles
ne se remplissent pas toutes. «Un siège non
vendu, c’est une perte nette.» En théâtre,
l’Espace Go parle aussi d’un «ralentissement»
du côté de la vente de billets à la carte.
«C’est plus difficile que l’an dernier», admet
Luc Chauvette, directeur des communications et
du marketing. Le nombre d’abonnements, qui
s’élève à 1500, est toutefois resté stable par
rapport à l’an dernier.
Mauvaises nouvelles également du côté de
l’Opéra de Montréal, où on enregistre une
baisse de 5% des ventes de billets par rapport
à septembre 2008. Les abonnements ont aussi
diminué dans les mêmes proportions.
La crise économique n’a toutefois pas affecté
toutes les salles. Au Théâtre du Nouveau Monde
(TNM), par exemple, le porte-parole, Loui
Mauffette, assure qu’aucun ralentissement ne
s’est fait sentir jusqu’à maintenant.
Par ailleurs, l’industrie cinématographique
semble avoir le vent dans les voiles. En date
du 24 septembre, on notait une hausse de 8,2%
des ventes au guichet par rapport à l’an
dernier, selon les chiffres fournis par
Cinéac, la firme qui compile les entrées des
cinémas de la province. Les billets de cinéma
étant moins chers qu’une entrée au théâtre ou
à l’opéra, les gens qui surveillent leur
budget peuvent être davantage portés à opter
pour ce genre de sortie.
Centres d’emploi de Montréal C’est
la cohue ! - Émilie Côté
Longues
files d’attente, délais et pertes de patience. Les
temps sont du rs pou r le s employés et les usagers
des Centres locaux d’emploi de Montréal (CLE).
Le personnel est débordé, alors que les personnes à la
recherche d’un gagne-pain – plus nombreuses à cause de
la crise économique – attendent plus longtemps qu’à
l’habitude. « Depuis juillet, c’est épouvantable, a
confié à La Presse une employée d’un CLE de Montréal.
Je n’avais jamais vu des gens faire la file comme ça.»
C er t a i n s m at i n s , ava nt l’ouverture des
portes, la file d’attente devant la porte du C L E de
Sa int-M ichel, au deuxième étage, s’étire jusqu’à
l’extérieur de l’édifice. « La première fois que j’y
suis allée, on m’avait dit d’arriver tôt le matin à 7
h 30, une heure ava nt l’ouver tu re, raconte
Lucille*, une femme de 56 ans sans emploi. C’est de
bonne heure, mais on veut tous avoir un job ! »
Lors de sa première visite au CLE, Lucille a pris un
numéro pour rencontrer un préposé au comptoir, qui lui
a fait remplir une fiche. Ensuite, il lui a proposé un
autre rendez-vous quelques jours plus tard avec un
agent. En tout et pour tout, cette première visite a
pris trois heures.
« Habituellement, la personne arrive au CLE et elle
peut voir un agent le jour même », sou ligne L ou ise,
employée d’un CLE de Montréal qui préfère taire son
vrai nom.
Dans
le cas de Lucille, la deuxième visite était fixée 10
jours plus tard. Et à ce moment, on lui a dit de se
présenter une semaine plus tard au Centre de
recherche de l’emploi de l’est pour une formation. «
J’ai 56 ans et j’ai de la difficulté à me trouver un
emploi dans la restauration », explique Lucille.
Quant à Denise, elle doit se rendre toutes les deux
semaines au CLE de Saint-Michel. « Je travaille,
mais il faut que j’aille montrer mon talon de paie.
C’est un suivi », précise la mère de deux enfants.
« C’est toujours plein, dit la femme de 49 ans.
Parfois il y a des gens qui perdent patience parce
que des personnes dépassent ceux qui ont des
numéros. »
Selon Louise, qui travaille dans un CL E depuis leur
création, en 1998, c’est du jamais vu. « Tout l’été,
on a été débordés de façon incroyable. C’est
difficile, car les gens qui viennent ne sont pas vus
systématiquement. Ils sont obligés d’attendre. On a
de la difficulté à rappeler les gens dans la même
journée. »
« Les gens ont besoin de plus d’a ide que ce qu’on
peut leur donner, poursuitelle. Les gens qui
viennent nous voir sont en panique. L es chômeu rs a
rrivent au tout début de leurs prestations, car ils
ont peur de ne rien se trouver après à cause de la
récession. »
À Montréal, on compte environ 25 centres locaux d
’emploi . L e s c ent re s de Saint-Michel et
d’HochelagaMaisonneuve ne sont pas les seuls à être
débordés. « On constate depu is quelques mois une
affluence dans les CLE de Montréal, explique le
porte-pa role d’ E mploiQuébec, Claude Morin. On
comprend que c’est à cause du ralentissement
économique. »
ONTARIO : TIMIDES SIGNES DE REPRISE -
Stéphane Paquet
Ç’a
frappé fort. Une grosse crise pour une grosse
industrie. Celle de l’automobile. Et maintenant, une
lumière au bout du tunnel.
D’abord, des chiffres qui parlent : de juin 2008 à
juin 2009, 31 111 travailleurs de l’auto ont perdu
leur emploi en Ontario, selon des données de
Statistique Canada fournies à La Presse. C’est plus
d’un employé sur quatre qui t ravaillait chez les
grands constructeurs comme Ford, GM, Toyota ou leurs
nombreux fournisseurs.
« Ç’a été terrible, explique le président de l ’a
ssociation des fabricants de pièces d’automobiles,
Gerald Fedchun. On a une très, très mauvaise
récession dans le secteur de l’auto. Je pense que ça
va finir par être pire que celle de 1981. »
Le f abrica nt de pièces Mar t i nrea , dont l e
siège social est à Vaughan, au nord de Toronto, est
un reflet à petite échelle de ce qu’a vécu l ’ i
ndustrie de l ’ auto e n Ontario. Le nombre de ses
employés répartis dans une trentaine d’usines au
Canada, aux États-Unis et au Mexique est passé de
7200 l’an dernier à environ 4500 actuellement.
Deux des quatre principaux clients de Martinrea,
Chrysler et GM, s e s ont protégés de leurs
créanciers devant les t ribunaux. Son titre en
Bourse est passé de 12 $ en janvier 2008 à 2,50 $ un
an plus tard. Ouf !
Ces j ours-ci, l’action de Martinrea oscille entre
7$ et 7,50 $... ce qui nous amène aux signes de
reprise dans l’industrie.
« Si nos clients (GM, Ford et autres) sont en voie
de retrouver une meilleure santé, alors, on est dans
une meilleure position qu’il y a un an », confie Rob
Wildeboer, président exécutif de Martinrea.
Quand il nous reçoit dans la salle du conseil – d’où
on peut entendre les immenses presses former le
métal de l’autre côté du mur – il est plus question
d’occasions d’affaires que de déprime généralisée. «
La restructuration était nécessaire », dit-il. Elle
a permis de réduire la capacité de production, tant
des grands de l’auto que de ceux qui leur
fournissent des pièces. Les fabricants qui restent
ont dû apprendre à être plus productifs, à survivre
dans un marché plus petit.
«
C’est devenu une crise de volume (de voitures
produites) au lieu d’être une crise du crédit »,
dit-il.
Ce qui a fait la différence entre une année
difficile et une hécatombe, insiste-t-il, c ’est que
les fournisseurs comme lui ont continué à être payés
même si GM et Chrysler étaient devant les t r i
bunaux, grâce à l ’a ide des gouvernements.
Dans la dernière année, Martinrea a fermé une usine
à Kitchener – fermeture prévue avant la crise – mais
en a aussi ouvert une autre à Ajax et en a acheté
deux autres, une aux États-Unis et l’autre au
Mexique.
Et l’avenir ?
« Les choses s’améliorent. Pas beaucoup, mais elles
s’améliorent », souligne M. Fedchun.
Aucun des deux hommes ne s’attend à ce que 2010
ramène l’industrie nord-américaine à ses niveaux de
production de 15 millions de véhicules par année,
comme c’était le cas avant la crise. « Je ne pense
pas qu’on va revoir ça pour un bon bout de temps »,
souligne le président de l’association des
fabricants de pièces.
Les deux s’entendent sur 12 à 13 millions de bolides
à quatre roues produits cette année en Amérique du
Nord.
Pour les années suivantes, M. Wildeboer, dont le
quart des travailleurs sont postés dans des usines
au Mexique, croit toutefois que les Mexicains
achèteront davantage de véhicules. Un peu comme les
employés de Ford ont contribué à la première poussée
de croissance du constructeur en achetant les
véhicules qu’ils fabriquaient.
L’OCDE PLACE LE CANADA EN QUEUE DE PELOTON
- Marie Tison
Selon l’OCDE, la reprise a r r i vera plus t ôt que
prévu. Sauf au Canada. L’Organisation de coopération
et de développement économique prévoit que le Canada
traînera la patte, derrière les autres pays du G7,
au troisième trimestre. Alors que l’ensemble de ces
pays devrait connaître une mince croissance de 1,2
%, le Canada devrait enregistrer une décroissance de
2 % de son produit intérieur brut ( PIB).
PHOTO JEAN-MARIE
VILLENEUVE, ARCHIVES FOCUS 1
« La forte contraction de l’activité qui s’est
amorcée au dernier trimestre de 2008 s’est
intensifiée au premier trimestre de 2009, sous
l’effet de l’effondrement des exportations, de
l’investissement fixe et de la formation de stocks,
écrit l’OCDE dans une étude rendue publique hier. Le
rythme de cette contraction semble ralentir, mais
les conditions récessionnistes devraient persister
jusqu’au troisième trimestre. Le chômage continuera
probablement à augmenter. »
L’organisation est plus optimiste en ce qui concerne
l’ensemble des pays du G7.
« Les modèles de prévision à court terme de l’OCDE
laissent augurer une reprise plus précoce qu’on ne
l’imaginait il y a quelques mois », faitelle savoir.
Elle s’attend toutefois à ce que la cadence de la
reprise demeure modeste pendant encore quelque
temps.
« Les f o r t e s c a pa c i t é s e xcédenta i r e
s , la f a i ble rentabilité, le niveau élevé et la
hausse du chômage, l’asphyxie de la croissance des
revenus du travail et la poursuite des ajustements
sur les marchés du logement vont en ef fet brider
toute hausse de la demande privée. »
L’OCDE estime qu’en raison de cette faible reprise,
les pouvoirs publics devraient continuer à mettre en
place des mesures de stimulation, du moins à cour t
t er me. L’organisation affirme que les
gouvernements devraient quand même se préparer dès
maintenant à renoncer à de tels programmes et
commencer à élaborer les stratégies et les plans
d’assainissement budgétaire qu’il faudra alors
mettre en place.
En c e qui c oncerne le Canada, l’OCDE mentionne que
les autorités budgétaires disposent encore de la
marge de manoeuvre nécessai r e pour mettre en
oeuvre des programmes de stimulation additionnelle.
En mode rattrapage ?
L’économiste en chef adjoint du Groupe financier
Banque Nationale, Yanick Desnoyers, a déclaré que
l’organisation faisait du rattrapage en prédisant
une reprise plus rapide que prévu.
« Il y a six mois, l’OCDE disait que c’était la fin
du monde, a-t-il ironisé. Cela fait plusieurs mois
que nous disons qu’il va y avoir une reprise. Si on
regarde les données qui rentrent depuis deux, trois
semaines, c’est t rès positif. L’OCDE et le Fonds
monétaire international sont en mode rattrapage, ils
révisent à la hausse les prévisions faites il y a
quelques mois. »
L’économiste s’est interrogé au sujet des prévisions
de l’organisation au sujet de la performance du
Canada au troisième trimestre.
« Une décroissance de 2%, je ne vois pas comment ils
ont pu arriver à cela », a-t-il lancé.
Il
a rappelé que la Banque du Canada ne prévoyait
qu’une
décroissance de 1%, alors que le Groupe financier
Banque Nationale prévoyait une croissance de plus de
3%.
États-Unis
Il a rappelé que les ventes d’automobiles aux
États-Unis devraient dépasser les 14 millions
d’unités cette année, alors qu’on parlait de
seulement 9 millions d’unités au creux de la vague,
au début de cette année.
« Avez-vous une idée du choc macroéconomique de
plusieurs milliers de voitures vendues ? C’est
énorme ! »
Cet effet se fera évidemment ressentir en Ontario,
qui a gravement souffert de la crise.
Les entreprises exportatrices canadiennes devraient
également bénéficier d’une amélioration du secteur
du logement aux États-Unis.
« Les mises en chantier vont reprendre, a soutenu M.
Desnoyers. Le secteur du logement aux États-Unis
sera en croissance au cours des deux à trois
prochaines années. »
L’économiste s’est surtout demandé pourquoi l’OCDE
plaçait le Canada en queue de peloton, notamment
loin derrière les États-Unis, qui devraient
connaître, selon l ’organisation, une c roissance de
1,6 % au troisième trimestre.
M. Desnoyers a fait observer que les prix des
maisons n’avaient diminué que de 5 % au Canada,
comparativement à plus de 30 % aux États-Unis.
« Le bilan f i nancier des Canadiens n’a pas subi la
déconf it ure subie par les Américains, a-t-il fait
valoir. Les Canadiens sont dans une situation
enviable. »
I l a aj outé ne pas êt r e convaincu que l’ Europe
se sorte plus rapidement de la récession que le
Canada et les États-Unis.
« L’Europe a subi un choc plus important que le
Canada et les États-Unis sur le plan du PIB »,
a-t-il expliqué.
Exportations : Le Québec n’est pas sorti du
bois - Philippe Mercure
Plus
de camions et de bateaux chargés de marchandises qui
quittent le Québec : au premier coup d’oeil, ça
semble prometteur. Mais ne fêtez pas trop vite, ont
averti hier les économistes. Malgré une légère
hausse en juin, le Québec continue et continuera de
souffrir d’une baisse importante de ses exportations
internationales.
Les exportations québécoises vers l’étranger ont
augmenté de 0,4 % en juin. Une hausse certes, mais
beaucoup trop faible et de courte durée pour faire
oublier LE chiffre qui fait mal. Pendant les six
premiers mois de l’année, les exportations
internationales ont dégringolé de 15,4%.
« Qu’on voie une pause en juin, c’est quand même
bienvenu, dit Hélène Bégin, économiste principale au
Mouvement Desjardins. Mais il est trop tôt pour dire
que c’est la fin de la détérioration. À notre avis,
ce n’est qu’une pause dans la tendance baissière. »
Demandez
à son homologue de la Financière Banque Nationale,
Marc Pinsonneault, si les chiffres d’hier dépeignent
une reprise économique et sa réponse est claire.
« Non, non, non, non, tranche l’économiste. C’est
seulement sur un mois et ce n’est pas très
convaincant. »
Depuis le sommet atteint à la fin 2008, les
exportations internationales du Québec ont chuté de
rien de moins que 21,9 %. Ça veut dire que pour cinq
camions qui partaient pour les États-Unis à la fin
2008, il n’en reste plus que quatre.
« C’est énorme, souligne Hélène Bégin. Une
baisse de plus de 20 % des exportations
internationales, c’est vraiment majeur. »
Pour Marc Pinsonneault, de la Nationale, le
portrait dressé hier par l’Institut de la
Statistique du Québec est très simple. « C’est
celui d’une économie en récession », dit-il.
Les exportations avaient d’ailleurs subi une
baisse comparable de 22,1% pendant la récession
de 1990-1991.
Causes et solutions
Les c auses ne s ont un s ec r et pour personne.
Encore 75 % de nos exportations prennent le
chemin des États-Unis, et les Américains ne
consomment plus. Mais nos exportations avaient
déjà commencé à diminuer avant la crise,
notamment à cause de la concurrence chinoise
pour le marché américain.
Hélène Bégin, de Desja r dins , prévoit que les
exportations repartiront vers le haut d’ici la
fin de l’année, mais ne s’attend pas à voir les
camions se bousculer soudainement à la
frontière.
« À notre avis, la pente va être longue à
remonter », dit-elle
Malgré
la reprise économique qui se dessine, deux
éléments viendront mettre du sable dans
l’engrenage des exportateurs. D’abord le dollar
canadien, qui est remonté au-dessus des 90 cents
US et nuit à la compétitivité. Ensuite les
mesures protectionnistes instaurées aux
États-Unis, qui favorisent les fabricants
locaux.
Et repriseoupas, rappelleMme Bégin, la
concurrence pour le marché américain ne fera que
s’intensifier.
Ceux qui tiennent mordicus à voir des bonnes
nouvelles pourront en trouver dans la balance
commerciale du Québec. Parce que si les
exportations baissent vite, les importations
baissent encore plus vite : pendant les six
premiers mois de l’année, elles ont chuté de 21
%.
Encore une fois, les économistes jouent les
rabat-joie. Si les import ations baissent , expl
ique Marc Pinsonneault, c’est un signe que la
demande intérieure est en panne.
« La balance commerciale s’améliore pour les
mauvaises raisons », résume l’économiste, qui
croit tout de même que les exportations sont
appelées à croître plus vite que les
importations, ce qui finira par améliorer la
balance commerciale « pour les bonnes raisons ».
Les solutions ? Ce sont toujours les mêmes :
diversifier les marchés pour réduire la
dépendance envers les ÉtatsUnis… et augmenter
notre commerce avec le reste du Canada, comme le
proposait le ministre du Développement
économique, Clément Gignac, dans
de samedi dernier.
A-t-on atteint le fond du baril ?
- Stéphane Paquet
Mai est à oublier. L’économie québécoise a
reculé de 0,7%. Et encore une fois, c’est le
secteur manufacturier qui a écopé. Fera-t-il
mieux en juin? L’économie
québécoise a connu un mois de mai
difficile, particulièrement dans le
secteur de l’aérospatiale. Le seul secteur
manufacturier a perdu 9% quand on compare
la période de janvier à mai 2009 à celle
de 2008.
Des données publiées hier par l’ Institut de
la statistique du Québec révèlent que le
ralentissement a gagné en sévérité, puisque
le mois précédent, la cadence avait ralenti
de 0,2 % et de 0,1 % en mars.
Au Canada, le recul de mai a été moins
sévère, à 0,5% en mai. Mais il l’a été
davantage pour les mois précédents: - 0,2%
en avril et -0,4% en mars.
Pour l’économiste principale de Desjardins,
Hélène Bégin, cette contraction québécoise
est « un peu plus forte qu’anticipé ». Cela
indique que la récession s’est poursuivie au
printemps. Elle prévoit que le recul du PIB
sera d’environ 3% pour l’ensemble du
deuxième trimestre.
Elle ne jette toutefois pas l’éponge, loin
de là. « Selon notre modèle, basé sur
quelques autres variables, le gain du PIB
réel de juin devrait avoisiner 0,5 % »,
écrit-elle.
L e c r e u x a u r a i t donc été atteint
en mai ? Pas si sû r, r é p o nd Mme B é g i
n . « L’économie devrait évoluer en dents de
scie avant de repartir », dit-elle. En
clair, Desjardins prévoit un léger recul de
l’économie québécoise au troisième trimestre
(-0,1 %) suivi d’une croissance de 0,8 % en
fin d’année.
À la Financière Banque Nationale, Marc
Pinsonneault n’est pas non plus certain que
mai ait marqué un creux. « On était au
cinquième sous-sol puis on veut remonter au
rezde-chaussée. Alors là, on est peut-être
au deuxième soussol », illustre-t-il.
M.
Pinsonneault souligne que le secteur de
l’aérospatiale a particulièrement mal fait
en mai. Selon les données fournies par
l’ISQ, tout le secteur du matériel de
transport a reculé de 19% en mai.
La Banque Nationale reste qua nd même opt i
miste, prévoyant une reprise de la
croissance au Québec dès le troisième
trimestre, celui qui a débuté le 1er
juillet.
Encore le manufacturier
Pour mai, l’ ISQ souligne que « la
production du secteur des biens faiblit plus
rapidement que celle provenant des services
», soit un recul de 1,9 % pour la première
et de 0,2 % pour la deuxième.
Pour les cinq premiers mois de l’année, le
recul de l’économie québécois se chiffre à
-1,5 % (-2,8 % au Canada). Le seul secteur
manufacturier a perdu 9 % quand on compare
la période de janvier à mai 2009 à celle de
2008.
Ceux qui veulent assouvir leur côté
masochiste peuvent même regarder plus loin,
au quatrième t rimestre 2000, quand le
secteur manufacturier était à un sommet. À
cette époque pas si lointaine, le secteur de
la fabrication comptait pour 23,4% de
l’économie québécoise. Moins de neuf ans
plus tard, cette portion avait rétréci à
16,8%, un écart de 10 milliards de dollars.
Un détail qui n’en est pas un : à cette
époque grasse des manufacturiers, le dollar
canadien valait quelque 65 cents US. Hier,
il a fini la journée à 92,11 cents US.
Les producteurs de bois
canadiens devront patienter
Les producteurs de bois d’oeuvre du Canada
ne profiteront pas i mmédiatement d’une
reprise des ventes de maisons neuves aux
États-Unis, a prévenu hier un analyste du
secteur forestier.
Les ventes de maisons neuves ont bondi de
9,6 % en juillet, leur quatrième hausse
mensuelle consécutive, surpassant les
attentes et fournissant de nouvelles
indications d’une relance de l’économie.
Le département américain du Commerce a
révélé que les ventes de maisons neuves
avaient atteint un niveau a nnualisé de 4 33
0 0 0 en juillet, contre 395 000 en juin. Il
s’agit d’une progression de 30% par rapport
au plancher atteint en janvier et du niveau
le plus élevé depuis septembre.
Si cette amélioration est la bienvenue, le
nombre élevé de maisons existantes ou en
forclusion empêchera les producteurs
canadiens d’en ressentir les effets au moins
d’ici le printemps, avertit Paul Quinn, de
RBC Marchés des capitaux.
La quantité de maisons neuves demeure
faible, a-t-il expliqué, et il y a amplement
de maisons sur le marché pour répondre à la
demande.
La
demande pour le bois d’oeuvre canadien,
quant à elle, ne connaîtra aucune
amélioration importante tant que les 4,1
millions de maisons disponibles n’auront pas
été en partie écoulées.
Les investisseurs s’attendent à voir le prix
du bois d’oeuvre c onti nuer à gl i s s er
pour atteindre 180 $ US par mille
pieds-planche, contre 195$ US actuellement.
M. Quinn prédit que les quatrième et premier
trimestres seront très calmes.
La situation pourrait devenir plus
intéressante au printemps, croit-il, si les
efforts pour limiter la production pendant
l’hiver engendrent une hausse des prix.
Pour sa part, l ’a nalyste Jennifer Lee, de
la Banque de Montréal, estime que le nombre
élevé de nouvelles maisons vendues « est un
autre signe encourageant que le marché
immobilier américain a enfin commencé à se
redresser ».
Ce redressement est attribuable, selon elle,
à un crédit d’impôt de 8000$ US pour les
premiers acheteurs, à la faiblesse des taux
hypothécaires et à un sentiment que le prix
des maisons ne descendra pas plus bas.
L’immobilier commercial tarde à reprendre
- Brenda Bouw
VANCOUVER — Si le marché de l’immobilier résidentiel
donne des signes de regain de vie au Canada, on ne
peut en dire autant du marché de l’immobilier
commercial, si on se fie à des données rendues
publiques hier.
Le marché de l’immobilier commercial comprend les
tours à bureaux, les emplacements industriels et les
espaces de vente au détail.
Selon les données de la firme CB Richard Ellis, les
transactions dans ce secteur ont plongé de plus de
50 % pendant le premier semestre de 2009,
comparativement à l’an dernier. Les valeurs de ces
transactions ont atteint quelque 4 , 9 milliards de
dollars entre janvier et juin, contre 10 milliards
au même moment l ’ a n dernier. Le nombre de
transactions s’est aussi effondré, passant de 2542 à
1569.
« L’impact de la récession mondiale sur le marché de
l’immobilier commercial n’est pas encore terminé »,
a dit le viceprésident de CB Richard Ellis, John
O’Bryan.
Il a expliqué que ce marché est lié beaucoup plus
étroitement à l’état général de l’économie, et qu’on
n’y retrouve donc pas le même regain de vie que sur
le marché résidentiel. « Il y a une différence
énorme entre les deux marchés; un semble
complètement remis, l’autre se redresse plus
lentement », a dit M. O’Bryan.
Il estime que l’année 2010 sera difficile pour le
marché immobilier commercial aux États-Unis, en
raison de la robustesse du taux de chômage et des
entreprises qui cherchent encore des moyens de
réduire leurs coûts.
Le
taux d’inoccupation des espaces commerciaux a
augmenté à 8,3% au Canada au deuxième trimestre,
contre 6,4% l’an dernier.
L’analyste Adrienne Warren, de la Banque Scotia, a
expliqué que le marché de l’immobilier commercial
récupère plus lentement que d’autres secteurs, parce
que les projets sont de grande envergure et qu’ils
nécessitent des années et beaucoup d’argent à
développer.
« Il faut trouver plusieurs locataires et beaucoup
de financement garanti. C’est plus compliqué »,
a-t-elle dit.
Elle ajoute que bon nombre de projets lancés alors
que l’économie se portait mieux sont maintenant
terminés, ce qui gonfle le taux d’inoccupation dans
des villes comme Calgary et Toronto. Elle s’attend à
voir ces taux augmenter encore avant de redescendre.
Mme Warren précise toutefois que l’excédent n’est
pas aussi criant que pendant les années 80 et 90,
quand le taux d’inoccupation avoisinait les 15%.
«Aujourd’hui, nous sommes plus prudents concernant
la construction et les prêts », a-t-elle dit.
Pour s a pa r t , la f i r me P r i c
eWaterhouseCoopers estime que le Canada devra encore
surmonter des « obstacles importants » avant de voir
son marché de l’immobilier commercial reprendre du
mieux. La firme affirme même que les conditions se
font de plus en plus difficiles, notamment en raison
d’un resserrement de l’accès au crédit et d’une
réduction de l’intérêt des investisseurs envers les
titres adossés à des hypothèques commerciales.
UN ÉTÉ MOCHE AU QUÉBEC
EMPLOI
Pour une des ra res fois depuis l e début de la
récession au pays, c’est le Québec qui joue le rôle
du boulet. Sur les 45 000 emplois perdus en juillet
au Canada, le Québec en compte 37 000. C’est plus de
la moitié des pertes d’emploi totales de la province
depuis octobre 2008, signe que la récession n’est
pas tout à fait derrière nous.
Le taux de chômage est passé à 9,0%, du jamais vu
depuis plus de cinq ans. Les 37 000 emplois perdus
représentent la plus forte baisse mensuelle en 28
ans.
Pourtant, le Québec s’en tirait assez bien depuis le
début du printemps. Mais les chiffres ne cadraient
pas trop avec la situation économique et annonçaient
plutôt un retour de balancier, selon Hélène Bégin,
économiste principale au Mouvement Desjardins.
«
Cette rechute ne constitue pas une surprise,
estime-t-elle. L’ampleur de la baisse est toutefois
plus importante que prévu et rappelle que la
récession amorcée à la fin de 2008 n’est pas
terminée. »
C’est surtout le secteur de l’hébergement et de la
restauration qui a souffert pendant le mois de
juillet. Environ 14 500 personnes de ce domaine se
sont retrouvées sur le carreau. L’industrie du
transport et de l’entreposage, qui paie pour la
baisse des exportations, est également touchée
sévèrement.
Et le duo de choc mauvaise température et dollar
canadien fort a sans doute provoqué plusieurs pertes
d’emploi dans l’industrie touristique, note Hélène
Bégin.
«
Cette rechute ne constitue pas une surprise.
L’ampleur de la baisse est toutefois plus
importante que prévu et rappelle que la récession
amorcée à la fin de 2008 n’est pas terminée. »
Pour Yanick Desnoyers, économiste en chef adjoint
au Groupe financier Banque Nationale, le Québec ne
fera pas concurrence à l’Ontario au chapitre des
pertes d’emploi, tandis que la forte baisse de
juillet est plutôt « un phénomène temporaire causé
par des conditions climatiques extrêmes. »
Les grands perdants : les jeunes
C’est sans surprise que les jeunes sont les grands
perdants de l’emploi en juillet. Ils sont
généralement les derniers embachés
D’un point de vue strictement macroéconomique, le
fait que les principaux reculs concernent les
emplois d’été est la seule statistique
réconfortante dans les circonstances, note
l’économiste Douglas Porter, de BMO. « Mais
essayez de dire à votre adolescent qu’il s’agit
d’une bonne nouvelle », nuance-t-il.
La Fédération canadienne des étudiants s’inquiète
des conséquences de cette situation. « Les
étudiants n’ayant pas réussi à décrocher un emploi
d’été cette par les entreprises et les premiers
congédiés pendant les récessions. Et quand des
secteurs comme l’hébergement, la restauration et
le tourisme sont en difficulté, rien ne va plus.
Au Canada, 37 500 j eunes se sont fait montrer la
porte en juillet. Le taux de chômage des étudiants
est de 20,9 %, le pire jamais enregistré. Et on a
appris la semaine dernière que le nombre de
prestataires d’assurance emploi de moins de 25 ans
avait doublé dans la dernière année. année seront
contraints de s’endetter davantage et pourraient
ne pas avoir les moyens financiers de retourner
aux études cet automne, a expliqué par voie de
communiqué la présidente nationale, Katherine
Giroux-Bougard. Un emploi d’été, ce n’est pas un
luxe. Ça sert à payer les comptes. »
Entre difficultés et optimisme
Qu’ils soient jeunes ou moins jeunes, les
chercheurs d’emploi sont de plus en plus nombreux
au Québec.
Chez Adecco, entreprise de services de ressources
humaines, le nombre de CV déposés chaque mois a
doublé, note la directrice pour le centre-ville de
Montréal, Cynthia Guay. Mais le nombre
d’entreprises qui cherchent des candidats a
diminué de 30 %.
« C’est très difficile pour les diplômés qui sont
sortis de l’école en mai dernier, dit-elle. Ils
sont obligés d’accepter des postes qui ne sont pas
nécessairement reliés à leur formation. »
Mais ce déséquilibre de l’offre et de la demande
d’emplois, qui favorise les employeurs, ne durera
pas trop longtemps, selon Mme Guay. « Ce sera très
éphémère. C’est une question de mois, d’un an tout
au plus, avant que la vapeur ne change de côté. »
De son côté, le vice-président exécutif (Québec) à
l’agence de placement Randstad Canada,
Marc-Étienne Julien, est surpris des statistiques
révélées par Statistique Canada.
« Je ne l’ai pas vu venir. Je ne pense pas que
c’est représentatif de l’ensemble du marché du
travail. »
Dans les secteurs pour lesquels Randstad recrute
(industrie, administration), M. Julien est plutôt
optimiste et a même noté une certaine
effervescence en juillet.
« Dans le secteur industriel, où on observe
généralement les premiers signes de reprise, ça va
de mieux en mieux. On a beaucoup de projets qui
nous viennent des secteurs alimentaire,
pharmaceutique, du plastique et de la
distribution. »
45 000 EMPLOIS PERDUS AU CANADA
— Aucun signe de reprise économique n’était
perceptible hier dans la divulgation des sombres
données sur l’emploi : si ces données laissent
assurément un goût amer dans la bouche des
devins en matière économique, elles pourront
tout de même les consoler quelque peu, car elles
auraient pu être pires !
À contre-courant des analyses selon lesquelles
la récession a peut-être officiellement pris fin
en juillet, Statistique Canada a annoncé hier
que le marché du travail au Canada avait perdu
45 000 emplois supplémentaires tandis que
davantage de travailleurs ont du mal à se
trouver du travail.
Le taux de chômage est demeuré à 8,6 % tandis
que des travailleurs découragés ont semblé
quitter le marché de l’emploi, étant de ce fait
absents du compte mensuel réalisé par
Statistique Canada.
La nouvelle n’a guère surpris le ministre
fédéral des Finances, Jim Flaherty, qui s’était
montré plus pessimiste que beaucoup d’autres
dirigeants, dont Mark Carney, le gouverneur de
la Banque du Canada, qui a assuré avoir décelé
des signes de reprise de l’économie.
« Nous vivons des moments difficiles, a déclaré
M. Flaherty à CTV News. Ce sera une année
difficile. C’est ce que je disais pour calmer
l’euphorie provoquée par... Vous savez, ce qu’on
lançait en disant : "La récession est finie." »
« Il y a de la stabilisation, a-t-il ajouté, et
il y a des signes positifs. Mais nous sommes
encore en récession et nous devons continuer à
travailler pour nous en sortir. »
Bien que le taux de chômage à l’échelle
nationale soit demeuré inchangé, un motif
d’inquiétude tient au fait que les emplois à
temps plein et ceux du secteur privé, les deux
indicateurs les plus fiables de la vigueur du
marché du travail, ont poursuivi leur
trajectoire à la baisse.
Selon Statistique Canada, il y avait 29 100
employés à temps plein de moins en juillet au
pays. Le secteur privé a pour sa part perdu 75
000 emplois.
Espoirs estivaux...
M. Carney a soutenu récemment que le trimestre
estival devrait produire une croissance de 1,3
%, ce qui serait le premier essor trimestriel au
Canada depuis l’automne dernier. Certains
économistes ont souligné quant à eux que de
nombreux indicateurs montrent que le trimestre
printemps-été devrait contenir les premiers
signes d’amélioration après neuf mois de
difficultés économiques.
La divulgation récente de résultats
d’entreprises n’apporte pas tout à fait de l’eau
au moulin de cette thèse pas plus que certains
rapports économiques. Des poids lourds du marché
boursier tels que Bell Canada, Telus, Financière
Manuvie et Catalyst Paper ont indiqué que la
récession continuait de peser sur leurs bilans.
« Personne n’a dit que ce serait une reprise en
douceur et surtout pas en ce qui concerne
l’emploi, avance Doug Porter, un économiste de
BMO Capital Markets. Les données sous-j acentes
semblent encore incertaines, et il y a peu de
signes que l’économie se remet rapidement sur
ses pieds. Mais cela ne signifie pas qu’il n’y
aura pas de reprise dans les mois à venir.
Heureusement, il y a de l’amélioration dans
beaucoup de secteurs, en particulier les ventes
de maisons, d’autos et les conditions
financières d’ensemble. Nous prévoyons encore
une croissance économique au troisième
trimestre, mais ces données jettent un doute sur
la vigueur du rebondissement du PIB. »
Une reprise molle pour le
Québec - Rudy LeCours
Moins touché que la plupart des autres
provinces par la présente récession, le Québec
renouera prochainement avec la reprise avec
moins d’allant que la majorité d’entre elles.
En fait, le Québec, tout comme les provinces
atlantiques, ne pourra tirer profit des
rebonds rapides des secteurs automobile et
énergétique qui viendront automatiquement avec
la sortie de léthargie de l’économie
américaine.
Voilà pourquoi la croissance réelle québécoise
sera contenue à 1,2% l’an prochain
comparativement à 1,4 % pour la moyenne
canadienne, prédit Pascal Gauthier, économiste
chez Banque TD Groupe financier. Seule la
Nouvelle-Écosse connaîtra aussi une relance
aussi molle. « La reprise dans l’aérospatial
est en général plus lente que dans
l’automobile », explique-t-il en entrevue.
Le marché du travail est jusqu’ici moins
esquinté chez nous (-0,8 % depuis le sommet
d’octobre) que l’ensemble canadien (-2,2 %).
Les licenciements qui perdurent même après le
début de la reprise seront heureusement encore
une fois contenus. Leur importance sera
moindre qu’en Ontario, de sorte que le taux de
chômage devrait tout juste passer la barre des
10% au Québec, mais grimper à 11 % dans la
grande province voisine.
M. Gauthier note aussi que le secteur t ourist
ique souffrira l ’ a n proc ha i n e ncore de
la baisse de revenus des ménages a méricains,
ce qui touche des provinces comme le Québec et
les Marit i mes qui en accueillent davantage
qu’ailleurs. L’exception sera la
Colombie-Brita nnique, hôte durant l’hiver des
Jeux olympiques et paraolympiques.
Par
contraste, Montréal a perdu son Grand Prix,
tandis que les anniversaires de
Trois-Rivières (375e) et de Gaspé (475e)
cette année n’ont pas le même impact que le
400e de la Vieille Capitale, l’an dernier.
Imaginez l’an prochain ! L’industrie
récréotouristique et l’hôtellerie en
pâtiront quelque peu.
Le Québec ne peut compter non plus sur la
relance de ses secteurs forestier et
papetier. Le premier souffrira encore
plusieurs mois des comme ceux d’Hydro-Québec
sur la rivière Romaine font partie de la
donne de l’économie depuis des décennies.
Ils n’assurent pas la croissance à eux
seuls.
Enfin, l’économiste estime que la
construction résidentielle va stagner
quelque temps après avoir moins diminué que
dans d’autres provinces. À Montréal en
particulier, « les mises en chantier
pourraient continuer de décliner ».
Cette prévision est peut-être un brin
pessimiste, étant donné la reprise du marché
de la revente, la stabilité des prix des
habitations et la croissance
démographistocks d’invendus sur les marchés
américains de la maison neuve et de la
revente. Le second devra absorber de manière
permanente les changements structurels dans
l’information où le support papier perd du
terrain au profit d’internet.
M. Gauthier croit en outre que les efforts
consentis par l’État ont permis de freiner
la décroissance. Le lancement de grands
travaux que un peu plus forte qu’estimé
jusqu’à tout dernièrement.
Plus tôt cette semaine, l’Institut de la
statistique du Québec avançait que le Québec
allait franchir la barre des huit millions
d’habitants dès 2012, grâce au mini
baby-boom des dernières années. Statistique
Canada estime que la population du Québec
s’élevait à 7,8 millions en avril.
Le scénario de M. Gauthier a aussi de quoi
faire réfléchir les décideurs publics.
Le produit intérieur brut (PIB) du Québec
exprimé en dollars courants permet de jauger
les variations de l’assiette fiscale. Sa
croissance sera contenue à 1,4 % l’an
prochain, la plus faible au pays. C’est
beaucoup moins que les 2,3 % attendus pour
l’ensemble canadien.
L’explication réside dans la stabilité
relative du Québec dans les termes de
l’échange. En gros, les variations de prix
des biens que le Québec exporte diffèrent
assez peu de celles des biens qu’il importe.
S’il y avait reprise des prix du bois ou de
l’aluminium par exemple, on peut imaginer
que ceux du pétrole et du gaz iraient de
pair.
À l’inverse, l’Alberta est très sensible aux
termes de l’échange. Cette année, son PIB
nominal recule de 10,1 % alors qu’i l
devrait rebondir de 4,2 % l’an prochain,
même si sa croissance réelle sera limitée à
1,9 %. Cela en fera néanmoins la deuxième
meilleure performance après celle de la
Colombie-Britannique.
Ontario : La crise de l’auto
fait mal - Rudy LeCours
Le poids de l ’ i ndustrie automobile dans l
’économie canadienne étant deux f ois plus él
evé que dans l ’économie américaine, s a crise
heurte davantage.
La production canadienne (ontarienne) est
destinée principalement aux États-Unis, où les
ventes se sont effondrées depuis un an.
Les exportations canadiennes d’automobiles ont
d’ailleurs plongé de 12,4 % d’avril à mai,
mais de 38 % depuis un an. Les déboires de
Chrysler et de GM ont forcé l ’ i nterruption
de l a production pendant plusieurs s e
maines. Chez Chr y s l e r , l ’ usine de
Windsor a r epris ses activités au début du
mois seulement.
Aux États-Unis, l ’ i ndustrie automobile
fonctionnait en juin à 37 % de ses capacités
seulement. La chute des ventes est moins
attribuable à la morosité du consommateur
qu’au resserrement des conditions de crédit,
qui compliquent la location et l ’achat par
versements.
Au-delà de juin, la situation pourra
difficilement se dégrader encore, car l a
demande refoulée s’accumule.
« Les livraisons au troisième t r i mestre
devraient rebondir a l ors que GM et Chrysler
émergent de leur restructuration financière.
Néanmoins, les ventes d’automobiles ont déjà
commencé à s’améliorer aux États-Unis, comme
en témoigne le rapport sur les ventes au
détail le plus récent », fait remarquer Marco
Lettieri, économiste à la financière Banque
Nationale.
Le retour à une production canadienne au
niveau d’avantr écession est peu probable
cependant, en r aison de la fermeture
définitive de l ’usine de camions Sterling de
St. Thomas, qui employait encore 750 personnes
en mars.
L’écart se creuse entre les banques
américaines
NEW
YORK — Un an après la faillite de Lehman Brothers,
l’écart se creuse entre les grandes banques
américaines. Certaines comme JPMorgan et Goldman
Sachs se redressent et affichent de solides
bénéfices alors que d’autres demeurent fragiles,
comme Citigroup et Bank of America.
PHOTO GETTY IMAGES/
ARCHIVES AFP
Goldman Sachs a annoncé
qu’elle comptait verser 5,4 milliards de dollars
au titre des indemnités et primes à ses employés,
deux fois plus qu’il y a un an.
« J P Morga n C h a s e e t Goldman Sachs ont
confirmé leur statut debanques "gagnantes", avec des
bénéfices trimestriels de plus de trois milliards de
dollars, essentiellement liés à leur activité de
banque d’investissement », commentent ainsi les
analystes de Crédit Agricole dans une note.
À l’inverse, les géants de la banque de détail
Citigroup, qui affiche un tout petit bénéfice de 101
millions de dollars, et Bank of America, qui a
enregistré une perte nette d’un milliard de dollars
au trimestre écoulé, « continuent à payer un lourd
tribut à la crise », poursuit le Crédit Agricole,
concluant que « la santé des principales banques
américaines reste fragile ».
Les banques ont bénéficié de la santé retrouvée des
marchés financiers, surtout la star des banques
d’affaires, Goldman Sachs, mais ont pâti de la
montée du chômage, qui accélère les défauts de
paiement des particuliers étranglés de dettes.
« Bien que le crédit à la consommation montre des
signes d’amélioration sur les marchés i
nternationaux, il continue à pâtir d’un contexte
difficile aux États-Unis », a commenté Vikram
Pandit, directeur général de Citigroup, qui a essuyé
une perte de 8 milliards de dollars liée à des prêts
au troisième trimestre.
JPMorgan, qui a annoncé un bénéfice trimestriel de
3,6 milliards de dollars, a tout de même enregistré
700 millions de dollars de pertes dans les cartes de
crédit et prévenu qu’elle pourrait perdre un
milliard supplémentaire au premier semestre 2010.
Mêmes inquiétudes chez Bank of America où les pertes
liées à des crédits vont rester « élevées en 2010 ».
Les
programmes gouvernementaux destinés à aider les
particuliers à faire face à leurs dettes font
notamment peser de grandes incertitudes sur les
créances des banques généralistes.
Primes généreuses
Si les dirigeants de la banque d’affaires Goldman
Sachs déplorent eux aussi un marché du travail «
sous pression », leur modèle économique les protège
mieux des difficultés des particuliers : ils ont
annoncé un bénéfice net de 3,2 milliards de dollars
au troisième trimestre.
Arguant de ses bons résultats, Goldman Sachs a
annoncé qu’elle comptait verser 5,4 milliards de
dollars au titre des indemnités et primes à ses
employés, deux fois plus qu’il y a un an.
Une attitude presque insolente pour une banque ayant
bénéf i c i é du soutien des contribuables
américains, à l’heure où le taux de chômage atteint
10% aux États-Unis et où les rémunérations des
banquiers n’en finissent pas de faire scandale.
Le PDG sur le départ de Bank of America, Kenneth
Lewis, a d’ailleurs annoncé qu’il renonçait à ses
salaires et primes 2009, sous la pression de Kenneth
Feinberg, responsable du Trésor chargé de surveiller
la rémunération des entreprises ayant bénéficié du
plus d’aides gouvernementales.
M. Lewis a été contraint de démissionner et quittera
son poste à la fin de l’année en raison de la
polémique liée au rachat de Merrill Lynch, qui a
valu plusieurs plaintes à la banque.
L’insolence des banquiers -
Sophie Cousineau
De
toutes les nouvelles qui ont marqué l’actualité
économique cette semaine, ce sont les profits
spectaculaires des banques américaines qui ont fait
couler le plus d’encre. Hier, c’était au tour de la
banque JPMorgan Chase de révéler des résultats qui
surpassent, et de loin, les attentes des analystes
financiers. Son bénéfice net, de 2,7 milliards US au
deuxième trimestre, est de 36% supérieur à ce qu’il
était à pareille période l’an dernier.
Mais J PMorgan Chase n’a pas réussi à éclipser Goldman
Sachs, qui a créé une commotion mardi en dévoilant les
profits les plus élevés de ses 140 années d’histoire.
Son bénéfice net de 3,4 milliards US était presque
deux fois supérieur aux prévisions, qui étaient
pourtant jugées optimistes.
Comment les banques peuvent-elles rapporter des
profits aussi formidables, alors que le pays traverse
une récession profonde dont il ne se remettra pas
complètement avant cinq ou six années, selon la
Réserve fédérale des États-Unis ?
On aura compris que ce ne sont pas les consommateurs
exsangues ni même les entreprises qui sont à l’origine
de cette renaissance. La négociation d’actions, de
titres à revenu fixe et de devises, les financements
d’entreprises et les refinancements hypothécaires ont
propulsé les revenus. Et si la tarte s’est agrandie,
moins de firmes se la partagent depuis la faillite de
Lehman Brothers et les ventes de Bear Stearns et de
Merrill Lynch.
Bref, après une crise financière qui a presque
paralysé les activités, Wall Street a retrouvé son
pain et son beurre. Et avec cela, ses vieilles
habitudes en rémunération…
Goldman Sachs vient de mettre de côté la faramineuse
somme de 11,4 milliards de dollars pour payer le
salaire, les primes et les avantages sociaux de ses
employés au cours de la première moitié de l’année.
Comme son effectif se dénombre à quelque 29 400
employés, incluant les consultants et les employés à
temps partiel, cela revient à plus de 385 000$ par
employé. Pour six mois de travail, au risque de se
répéter !
Cette somme est de 33% supérieure à celle versée lors
de la première moitié de 2008, l’annus horribilis des
banquiers qui ont été forcés de serrer de quelques
crans leur ceinture. En fait, la rémunération chez
Goldman Sachs est en voie de revenir à ce qu’elle
était en 2007, l’année de tous les excès.
Alors que les contribuables n’ont pas fini de payer le
sauvetage de Wall Street et que le chômage se dirige
allègrement vers les 10 %, pareille munificence frise
l’insolence.
Certes,
Goldman Sachs n’a plus de comptes à rendre. Cette
firme a remboursé en totalité, et avec un dividende de
426 millions, les fonds d’urgence de 10 milliards de
dollars que Washington lui avait prêtés lors des jours
les plus noirs de la crise. Mais la cinquième banque
des États-Unis selon la taille de l’actif aurait dû
faire montre d’une certaine retenue.
En effet, Goldman Sachs a profité de l’aide de l’Oncle
Sam à plus d’un égard. Elle a récupéré jusqu’au
dernier cent sa mise chez l’assureur American I
nternational Group, de 13 milliards de dollars, grâce
au s auvetage t r ès c oûteux des contribuables
américains.
Et puis, sa t ransformation d’une banque d’affaires en
un groupe bancaire t raditionnel encadré par la
Réserve fédérale lui a assuré le soutien de la société
fédérale de l’assurance dépôt. Grâce à ce soutien,
Goldman Sachs a accès à des milliards de dollars à des
taux d’intérêt très bas, ce que certains assimilent à
une subvention.
Par ailleurs, Goldman Sachs a pris des risques
considérables dans ses activités, notamment dans la
négociation d’actions. La « valeur risquée », qui
mesure l a per t e à laquelle la firme s’expose en une
seule journée, s’est élevée à 245 millions au deuxième
trimestre, rapporte l’agence Bloomberg. Cette mesure
est en progression constante depuis deux ans. En mai
2007, à titre de comparaison, la valeur risquée était
de 127 millions de dollars.
Goldman Sachs prend-elle des risques inconsidérés ? Et
est-ce que les primes généreuses incitent certains
négociateurs à se conduire de façon téméraire ? Bref,
est-on en train de reproduire, sur d’autres
instruments financiers, les comportements qui ont
donné naissance à cette crise ?
Pis, en rémunérant à l’excès, toutes les firmes
concurrentes se sentiront contraintes de lui emboîter
le pas, pour ne pas perdre leurs meilleurs « talents
». Bref, la table est mise pour une nouvelle spirale
inflationniste. Était-ce nécessaire ?
Que Wall Street retrouve la santé, on ne peut que s’en
réjouir. Le système financier, c’est le coeur qui fait
battre l’économie. Que les meilleures firmes et que
les meilleurs professionnels soient récompensés, tant
mieux. La prime est l’un des incitatifs les plus
puissants au dépassement.
Mais que l’on dénature ces incitatifs avec des
récompenses qui n’ont plus aucune commune mesure avec
la valeur du travail d’une personne, alors que l ’A
mérique tout entière fait encore les frais des excès
de Wall Street – tout comme de Main Street, d’ailleurs
–, c’est faire preuve d’indécence.
Les banques: comme la saucisse
Hygrade - Michel Girard
Les
titres bancaires américains ont explosé de 150% depuis
quelques mois. Ceux de nos grandes banques canadiennes ?
Un gros 75%.
PHOTONORM BETTS,
ARCHIVES BLOOMBERG
Côté canadien, la hausse du
cours des actions bancaires pendant les derniers mois
a été nettement moins forte si on la compare à celle
des banques américaines. La raison ? Les banques
canadiennes avaient nettement moins chuté.
Décidément, les titres bancaires ne cessent d’étonner
même les plus optimistes des investisseurs. Qui aurait
pu prédire qu’en l’espace de quelques mois, les banques
allaient permettre à leurs actionnaires de récupérer une
grande portion des très lourdes pertes qu’ils avaient
subies à la suite de la magistrale déconfiture de la
Bourse ? Personne ! Soyons réalistes. Est-ce que la
crise financière qui a détruit des milliers
d’entreprises de par le monde est terminée ? Non.
Est-ce que la récession mondiale dans laquelle le monde
entier est plongé depuis l’éclatement de la crise
hypothécaire des subprimes américains est terminée ?
Non.
Est-ce que le monde de la haute finance a retrouvé sa
confiance d’avant la plus grave crise depuis celle des
années 30? Non.
Est-ce que les investisseurs sont plus clairvoyants ?
Non.
Est-ce que le crédit est redevenu facile ? Non.
Mais diable, comment peuton expliquer que les
institutions bancaires par qui est arrivée la plus
gigantesque crise bancaire de l’histoire puissent voir
le cours de leurs actions grimper si fortement alors que
rien n’est réglé ?
Les investisseurs institutionnels sont-ils tombés sur la
tête? Pour faire bouger de la sorte le secteur bancaire,
on va convenir que ce ne sont pas les petits
boursicoteurs. Ça prend des gros joueurs... pour
soutenir un tel « momentum » à la hausse. Et ces gros
joueurs, ce sont les gestionnaires des portefeuilles
institutionnels, c’est-àdire les gestionnaires des
caisses de retraite, des fonds communs d’actions, autres
portefeuilles institutionnels.
Sur quoi s’appuient-ils pour demeurer « acheteurs » dans
le secteur le plus lourdement happé par la récente crise
financière ?
La réponse réside, en partie du moins, dans la
psychologie boursière.
Rappelez-vous cette pub de la saucisse
Hygrade : « Tout le monde en mange parce que c’est
bon… et c’est bon parce que tout le monde en mange !
»
Eh bien voilà. Tous les gestionnaires de
portefeuille achètent des actions bancaires parce
que c’est bon… c’est bon parce que tous les
gestionnaires en achètent !
Il faut savoir que la majorité des gestionnaires de
portefeuilles d’actions se suivent comme des moutons.
Pourquoi ? Parce qu’ils utilisent des stratégies
similaires d’investissement. Parce qu’ils détectent les
mêmes signaux d’achat et les mêmes signaux de vente.
C’est ce qui explique les grands revirements de tendance
boursière.
Les gestionnaires de portefeuille s’auto… alimentent à
la baisse comme à la hausse. Comme ils sont en forte
compétition, personne ne veut trop se distancer du
troupeau. En ce qui concerne la performance boursière,
s’entend.
Est-ce que la forte tendance haussière des titres
bancaires va se poursuivre ? Si les analystes des
services de recherche des maisons de courtage ont été
incapables de prédire la spectaculaire débandade qui a
récemment massacré les titres bancaires, comment
pourrait-on maintenant se fier à leurs optimistes
prévisions ? Plusieurs ajustent constamment leurs prix
cibles… en fonction de la grande tendance des collègues.
À leur décharge, la Bourse est une science inexacte.
Pourquoi? Parce que le « mental » des gestionnaires de
portefeuille et des investisseurs prend souvent le
dessus sur les données financières fondamentales des
entreprises. Et parce que ces gros joueurs
institutionnels essaient constamment d’anticiper
l’avenir de quatre à six mois d’avance.
Voici maintenant quelques données sur l’évolution de la
capitalisation boursière (valeur globale des actions en
circulation) des grandes institutions bancaires
nord-américaines qui ont survécu jusqu’à présent à la
crise.
Il y a un peu plus d’un an, soit début mars 2008, la
capitalisation boursière des 19 grandes banques
américaines survivantes atteignait les 857 milliards de
dollars. Lorsque ces mêmes banques ont touché leur creux
en mars dernier, leur capitalisation boursière ne valait
plus que 216 milliards. Leurs actions s’étaient ainsi
dégonflées de 75%.
Depuis, soit à peine trois mois plus tard, la valeur
globale des titres des mêmes 19 banques américaines
s’est appréciée de 318 milliards de dollars (+147%),
atteignant maintenant les 534 milliards.
Par rapport à leur sommet de mars 2008, les titres
bancaires américains accusent encore 37% de recul.
Côté canadien, la hausse du cours des actions bancaires
pendant les derniers mois a été nettement moins forte à
comparer aux banques américaines. La raison? Les banques
canadiennes avaient nettement moins chuté.
À son récent creux boursier, la capitalisation des six
grandes banques canadiennes a touché le plancher des 119
milliards de dollars, en chute d’environ 50% par rapport
à leur sommet de l’année 2008, soit 240 milliards. Lors
des derniers mois, les actions des banques canadiennes
se sont appréciées de 89 milliards, atteignant ainsi une
capitalisation de 208 milliards. Elles n’accusent donc
plus qu’un retard de 14% sur leur sommet de 2008.
Extraordinaire ! Les banques ont créé la fabuleuse crise
financière, et ce sont elles qui s’en tirent le mieux en
Bourse. À qui appartiennent déjà les grosses maisons de
courtage ? Aux banques. Cou’donc, mais quelle
coïncidence !
Banques canadiennes
Les bénéfices devraient atteindre un creux -
Kristine Owram
TORONTO — Les rapports t r i mest r i els des
banques canadiennes seront dévoilés cette semaine,
et on s’attend à ce que les bénéfices atteignent un
creux pour le dernier trimestre, en raison surtout
de pertes importantes dans les prêts immobiliers
commerciaux. Le marché immobilier
commercial étant plus stable au Canada qu’aux
États-Unis, la Banque Royale (notre photo), la
Banque de Montréal et surtout la Banque Toronto
Dominion, toutes plus présentes outre-frontière,
sont davantage à risque.
Mieux c apitalisées, l es banques canadiennes s’en
sont sorties beaucoup mieux que leurs consoeurs
américaines depuis le début de la récession, mais
sont encore vulnérables au moment où la situation
économique semble recommencer à s’améliorer.
Les prêts dans le domaine de l’immobilier commercial
sont un des principaux facteurs qui expliquent les
bénéfices à la baisse prévus pour le trimestre qui a
pris fin le 31 juillet.
Contrairement au domaine résidentiel, qui a rebondi
sensiblement au cours des derniers mois – de 18,2 %
en juillet par rapport à un an plus tôt –, le
secteur commercial, et plus spécialement celui des
édifices à bureaux, en arrache encore.
Les données de CB Richard Ellis indiquent que les
transactions immobilières commerciales ont chuté de
plus de 50% dans la première moitié de 2009
comparativement à l’an dernier, tandis que le taux
d’inoccupation dans les édifices à bureaux au pays a
augmenté de 8,3 % au deuxième trimestre,
comparativement à 6,4 % en 2008.
La sit uat i on est encore pire aux États-Unis, ce
qui explique que ce secteur n’a pas rebondi, comme
ce fut le cas pour le résidentiel, et continue même
à décliner par endroits. Les banques qui ont prêté
de l’argent à des propriétaires d’édifices à bureaux
risquent donc de perdre de l’argent, surtout si la
valeur des propriétés est devenue i nférieure à
celle de l’hypothèque.
Tard dans le cycle
Des analystes de Scotia Capital et de la Financière
Banque Nationale en déduisent que les pertes sur
prêts auront atteint un creux au troisième
trimestre.
«
Les pertes sur les prêts commerciaux surgissent tard
dans le cycle économique, ce qui implique que le
gros des problèmes est devant nous », a commenté
Robert Sedran, de la FBN, selon qui il s’agit là du
dernier obstacle avant que les banques recommencent
à afficher de meilleurs résultats.
M. Sedran rappelle que le marché immobilier
commercial demeure plus stable au Canada qu’aux
États-Unis, ce qui veut dire que la Banque Royale,
la Banque de Montréal et surtout la Banque Toronto
Dominion, toutes plus présentes outre-frontière,
sont davantage à risque.
Kevin Choquette, de Scotia Capital, prévoit que les
provisions pour pertes sur prêts au troisième
trimestre seront portées à 2,6 milliards de dollars,
ou 0,83% des prêts, contre 1,4 milliard de dollars,
ou 0,47 %, un an plus tôt.
M. Choquette ajoute que les faibles taux d’intérêt
font aussi mal aux bénéfices des banques. « Le bas
niveau absolu des taux d’intérêt continue d’être une
préoccupation majeure en ce qui concerne les profits
des banques », a-t-il dit.
Les prévisions compilées par Thompson Reuters
annoncent que les bénéfices par action de la Banque
de Montréal, qui dévoilera ses résultats demain ,
baisseront à 0,95 cent, soit 14% de moins qu’il y a
un an.
Les analystes s’attendent à que la Banque TD, la
Royale et la Nova Scotia voient leurs bénéfices
chuter respectivement à 1,23 $, en baisse de 14%,
0,91 cent, en baisse de 20%, et 84 cents, en baisse
de 16 %. Leurs résultats seront connus jeudi.
Les analystes ne prévoient toutefois pas que ces
pertes auront un gros impact sur le prix des actions
des banques, compensées qu’elles sont par leurs
riches dividendes, la rareté d’autres rendements
aussi fiables et la reprise attendue de versements
de dividendes à la hausse.
« Nous ne croyons pas qu’il y aura beaucoup
d’éléments dans les résultats pour faire fléchir la
valeur des banques, estime Johm Aiken, analyste chez
Dundee Capital Markets, mais il est tout aussi
probable qu’il n’y aura rien pour les propulser vers
l’avant. »
Les banques liquident massivement
- Michel Girard
Par
rapport aux prix cibles déterminés par les analystes
des maisons de courtage, les actionnaires devraient
jouer de prudence.
Avis aux actionnaires des grandes banques
canadiennes : une centaine de banquiers viennent de
passer à la caisse en procédant à une liquidation
massive de leurs actions. Depuis le début de l’année,
les titres des six grandes banques canadiennes ont
fortement augmenté, les hausses allant de 27 à
80%. C’est du côté de la Banque Royale
(ci-dessus), de la Banque TD et de la Banque de
Montréal que les dirigeants se sont montrés
particulièrement actifs dans la liquidation à gros
profits des actions acquises par levée d’options.
Entre la fin du mois de mai et le début de juillet,
La Presse Affaires a relevé les transactions de 139
dirigeants et administrateurs de banque. Ils ont
collectivement vendu des actions pour une valeur
globale de 103 millions de dollars. Ces actions
provenaient de l’exercice d’options à prix
d’aubaine. Les banquiers ont ainsi globalement
encaissé un profit brut de quelque 40 millions de
dollars.
La dernière fois que les initiés des banques
canadiennes avaient massivement vendu remonte au
printemps et à l’été 2008. Ils avaient frappé dans
le mille, soit juste avant la magistrale déconfiture
de la Bourse à l’échelle mondiale. À l’instar des
titres de tous les secteurs boursiers, les titres
des banques canadiennes s’étaient momentanément
effondrés de quelque 50% par rapport à leur sommet
historique.
Mais depuis le début de l’année, les titres des six
grandes banques canadiennes ont fortement augmenté,
les hausses allant de 27 à 80%. La capitalisation
boursière des banques canadiennes, c’est-à-dire la
valeur des actions en circulation, s’est ainsi
appréciée de 66 milliards de dollars au cours des
sept premiers mois de l’année, passant de 163 à 229
milliards. On parle donc d’une hausse globale de 40
% pour ces titres bancaires.
C’est du côté de la Banque Royale, de la Banque TD
et de la Banque de Montréal que les dirigeants se
sont montrés particulièrement actifs dans la
liquidation à fort profit des actions acquises par
levée d’options.
D’autre part, à l a Banque Nationale et à la CIBC,
les dirigeants ont fait preuve de retenue, le nombre
d’initiés vendeurs et la valeur des transactions de
vente étant fort modestes comparativement aux autres
grandes institutions bancaires.
À
la CIBC, il n’y a pas de quoi s’étonner de voir si
peu de vendeurs parmi les initiés puisque le titre a
eu la hausse la moins forte des six grandes banques,
soit 27% depuis le début de l’année.
On ne peut certes pas en dire autant du côté de la
Banque Nationale, la plus petite du groupe. Des six
titres bancaires, c’est le sien qui affiche la
meilleure performance boursière de l’année. Le titre
a explosé de quelque 80% par rapport à sa fermeture
du 31 décembre dernier. Il faut croire que les hauts
dirigeants et administrateurs de la Banque Nationale
anticipent une plus forte hausse !
Remarquez que l’ancien grand patron de la filiale
Financière Banque Nationale, l’administrateur
Lawrence Bloomberg, lui, n’a pas pris de risque.
Au début du mois de mars dernier, en pleine tempête
boursière, il a liquidé un bloc de 65 000 actions de
la Banque Nationale, au pr i x moyen de 3 6 , 5 0 $
. Recette brute : près de 2,4 mill ions. L’action de
la Banque Nationale ( NA) s e négoc i e aujourd’hui
autour de 56 $. Lors des deux précédentes années, M.
Bloomberg avait liquidé des actions de la BN pour
une valeur globale de 21 millions.
Par rapport aux prix cibles déterminés par les
analystes des maisons de courtage, les actionnaires
devraient jouer de prudence. Les cours actuels de la
plupart des titres bancaires dépassent les prix
cibles.
Comme « solution », des analystes commencent ces
temps-ci à réviser à la hausse leurs prix cibles des
titres bancaires. À tort ou à raison, cela soulève
chez moi une certaine méfiance. Pourquoi ? I l ne
faut j amais oublier que les principales maisons de
courtage appartiennent aux grandes banques
ellesmêmes. Et par surcroît, les banquiers vendent
massivement.
WASHINGTON Regain de la
consommation et de la production industrielle
WASHINGTON — Les prix à la consommation aux
ÉtatsUnis ont t r ès l égèrement augmenté en
décembre, de 0,1 %, portant l’inflation sur
l’ensemble de l’année 2009 à 2,7 %, selon des
chiffres publiés hier par le département du
Travail.
La hausse des prix sur un mois, en données
corrigées des variations saisonnières, est
inférieure en décembre aux prévisions des
analystes, qui tablaient sur 0,2 %.
Hors énergie et alimentation, la hausse est de
0,1 % par rapport au mois précédent,
conformément aux attentes des économistes.
L’inf lation, de 2,7 % en 2 0 0 9 ( unchiffre
encore susceptible d’être révisé), n’ava i t été
que de 0 , 1 % en 2008, mais de 4,1 % en 2007.
Le département du Travail remarque que la baisse
des prix de l’alimentation sur l’année (-0,5 %)
a été la plus marquée depuis 1961. En revanche,
la hausse des prix de l’énergie (+18,2 %) a été
la plus élevée depuis 1979, celle de l’essence
(+53,5 %) étant en particulier la plus forte
jamais vue depuis que ces statistiques sont
établies, c’est-à-dire depuis 1937.
Hors énergie et alimentation, l’inflation n’a
été que de 1,8 % en 2009, conforme aux objectifs
de la banque centrale ( Fed).
Livre beige
La Fed a j ugé mercredi dans un rapport de
conjonct ure ( l ivre beige) que les pressions à
la hausse des prix restaient aujourd’hui «
limitées », comme depuis la brusque aggravation
de la crise financière et économique à l’automne
2008.
Par ailleurs, la production industrielle a
augmenté pour la sixième fois d’affilée en
décembre, essentiellement grâce à un froid
inhabituel ayant dopé le secteur énergétique, a
indiqué la banque centrale américaine.
La
production des entreprises industrielles du pays
a progressé de 0, 6 % par rapport à novembre
(données corrigées des variations saisonnières),
soit autant que le prévoyaient les analystes.
Mais cette hausse a été due à un bond de 5,9 %
de la production énergétique, due au froid,
précise la Fed. La production manufacturière a
baissé de 0,1 %, et celle des mines a augmenté
de 0,2 %.
La Fed a revu en baisse de 0,2 point, à 0,6 % la
hausse de novembre.
Sur l ’ensemble du quatrième trimestre, la
production industrielle a progressé de 7,0 % en
rythme annuel, comparativement à 6 , 9 % pendant
l’été et une baisse de 10,4 % au printemps.
En dépit de la reprise du deuxième semestre, la
production annuelle des indust r ies a c huté en
2009 de 9,7 % par rapport à l’année précédente,
après une chute de 2,2 % en 2008.
Le taux d’utilisation des capacités i
ndustrielles du pays, bien qu’en hausse de 0,5
point en décembre, restait très faible, à 72,0
%.
Enoutre, l’indicede confiance des consommateurs
américains mesuré par l’ Université du Michigan
a légèrement progressé en janvier, à 72,8
points, ce qui est moins bien que prévu par les
analystes, selon son estimation provisoire
publiée hier.
Les analystes l’attendaient à 74, après 72,5 en
décembre (chiffre révisé).
L’indice de confiance des consommateurs permet
de prendre le pouls des ménages, dont la
consommation est le moteur traditionnel de la
croissance américaine.
Les consommateurs s’animent
WASHINGTON que nous le pensions dans leurs
dépenses », reconnaît l’économiste indépendant
Joel Naroff, notant que presque tous les
secteurs ont bénéficié du regain de prodigalité
des Américains. « On dirait que les
ménages ne sont pas aussi timides que nous le
pensions dans leurs dépenses », reconnaît
l’économiste indépendant Joel Naroff.
Ci-dessus, un supermarché à Miami.
L a c o n s o mmat i o n des ménages américains
s’était e f f o n d r é e a u d e u x i è me
semestre de 2008. Elle a progressé fortement au
troisième trimestre, qui a vu l’économie
américaine sortir de la longue et douloureuse
récession dans laquelle elle était entrée en
décembre 2007.
Les ventes de détail de novembre laissent
présager que les dépenses des ménages devraient
continuer de progresser au quatrième trimestre,
et que la saison des f êtes ( novembre-décembre
aux États-Unis) pourrait bien ne pas être aussi
mauvaise que certaines Cassandre ne l’avaient
prédit.
Pour M. Naroff, il y a « quelque espoir de voir
les ménages jouer leur rôle dans la reprise
économique » alors que l’investissement des
entreprises risque d’être encore limité pendant
un moment.
Confiance
Autre
signe propice pour les détaillants à l’approche
de Noël, l’indice de confiance des consommateurs
américains établi par l’ Université du Michigan
s ’e st net t ement redressé en décembre, pour
revenir à son niveau de septembre.
Voilà qui « tombe à pic », estime Brian Bethune,
économiste de l ’ i nstitut I HS Global Insight
L a progression de la consommation à plus long t
e r me n’e s t pas a c quise pour autant du fait
de la persistance attendue d’un chômage élevé,
et du comportement des ménages qui semblent
redécouvrir les vertus de l’épargne.
Néanmoins, les bases de la croissance sont en
train d’être posées. La banque centrale
américaine ( Fed) a indiqué j eudi que les
Américains s’étaient désendettés pendant les
trois mois d’été à un rythme jamais vu depuis
1951, et, autre signe encourageant, qu’ils
s’étaient mêmes enrichis, pour le deuxième
trimestre d’affilée.
De plus, selon d’autres chiffres officiels
publiés hier, les entreprises manufacturières et
les distributeurs ont augmenté leur stocks en
octobre, après 13 mois de déstockage.
Outre le f a i t que c el a signale l ’espérance
d’une demande en hausse, cette progression des
stocks ajoutera à la croissance au quatrième
trimestre.
WASHINGTON L’économie se rapproche de la
création d’emplois - Marc Jourdier
Le département du Travail a en outre revu en
forte baisse son estimation des suppressions de
postes d’octobre, qui avaient surpris par leur
hausse. Le ministère estime désormais que
l’économie n’a détruit que 111 000 emplois en
octobre, et non 190 000.
WASHINGTON — Les ÉtatsUnis se rapprochent à
grands pas du moment où leur économie c réera de
nouveau plus d’emplois qu’elle n’en détruit,
selon le rapport officiel sur l’emploi publié
hier à Washington.
Le chômage a baissé de manière inattendue en
novembre, à 10,0%, et les destructions d’emplois
ont été presque au point mort, avec 11 000
licenciements nets, soit 10 fois moins qu’en
octobre, selon les chiffres du département du
Travail.
Ces chiffres sont nettement meilleurs que ce que
prévoyaient les analystes, qui tablaient sur 125
000 suppressions d’emplois en novembre et un
taux de chômage de 10,2%, comme le mois
précédent.
« Nous allons dans la bonne direction », a
estimé le porteparole de la Maison-Blanche,
Robert Gibbs, en commentant ces chiffres.
« Je crois que nous verrons des embauches nettes
au premier trimestre » pour l’ensemble du pays,
a déclaré à l’AFP Avery Shenfeld, analyste de
CIBC World Markets.
« Eh bien! » s’est exclamé de son côté
l’économiste indépendant Joel Naroff. « Si l’on
est peut-être pas encore sorti d’affaire, il
devient évident que le marché de l’emploi
commence à s’améliorer ».
Les destructions d’emplois du mois ont été les
plus faibles mesurées depuis décembre 2007, le
mois d’entrée des États-Unis dans la récession
où l’on avait relevé pour la dernière fois des
créations nettes de postes.
Le département du Travail a en outre revu en
forte baisse son estimation des suppressions de
postes d’octobre, qui avaient surpris par leur
hausse. Le ministère estime désormais que
l’économie n’a détruit que 111 000 emplois en
octobre, et non 190 000.
Ces chiffres montrent que le moment approche où
l’économie redeviendra créatrice nette
d’emplois, conformément au pronostic récent de
la banque centrale ( Fed), pour laquelle cela
pourrait arriver dès le mois de janvier.
Le recul de 0,2 point du taux de chômage en
novembre est le plus fort constaté depuis 2006.
Les chiffres du ministère montrent que le
secteur des services, qui domine largement
l’économie américaine, est revenu à la création
nette d’emplois en novembre (avec 58 000 postes
créés).
L’essentiel de ces créations de postes (52 000)
est néanmoins dû à des emplois temporaires, mais
c’est une première étape indispensable avant la
création d’emplois définitifs.
Le secteur industriel a perdu 69 000 emplois,
contre 113 000 le mois précédent.
Dans le détail, les créations de postes de
novembre ont eu lieu dans les mêmes
sous-secteurs que le mois précédent: les
services aux entreprises, l’éducation et la
santé, ainsi que le service public.
Dans l’industrie, les segments de l’informatique
et de l’électronique, où les commandes affluent
de nouveau, semblent sur le point de revenir à
l’embauche.
Publié au lendemain d’un forum sur la création
d’emplois à la Maison-Blanche au cours duquel le
président Barack Obama a réclamé « des idées
nouvelles » aux milieux économiques pour créer
des emplois, le rapport mensuel du département
du Travail est incontestablement le meilleur
publié depuis presque deux ans.
La bonne nouvelle de la baisse du chômage ne
doit cependant pas faire oublier que la guérison
du marché de l’emploi risque d’être très longue.
Certains responsables de la Fed ont averti des
dangers d’une « reprise sans emplois », où le
pays créerait certes des postes, mais où la
croissance économique serait tout juste
suffisante pour absorber les nouveaux arrivants
sur le marché du travail.
La Fed prévoit ainsi que le chômage sera très
long à résorber, puisqu’elle estime qu’il
atteindra encore 8,0 % en 2012, niveau qui
aurait été perçu naguère comme « catastrophique
», selon l’expression du Prix Nobel d’économie
Paul Krugman.
La saison des Fêtes s’annonce
meilleure que prévu
WASHINGTON — À défaut de dépenser des sommes
folles, les Américains semblent avoir retrouvé
le chemin des magasins en octobre, ce qui est de
bon augure pour la saison des achats de fin
d’année qui s’ouvre demain avec le « Vendredi
noir ».
PHOTO STAN HONDAM, ARCHIVES AGENCE
FRANCE-PRESSE
Selon les chiffres
corrigés des variations saisonnières publiés
hier par le département du Commerce américain,
les dépenses de consommation des ménages ont
rebondi plus que prévu aux États-Unis en
octobre.
Selon les chiffres corrigés des variations
saisonnières publiés hier par le département du
Commerce américain, les dépenses de consommation
des ménages ont rebondi plus que prévu aux
États-Unis en octobre.
Elles ont augmenté de 0,7% par rapport à
septembre, effaçant leur recul de 0,6% du mois
précédent, alors que les analystes tablaient sur
une hausse de 0,5% seulement.
Le rebond semble confirmer que le recul de
septembre était lié essentiellement à un
contrecoup de l’arrêt de la « prime à la casse »
automobile, qui avait dopé l’indice en août.
Même si la consommation reste faible, c’est
plutôt bon signe pour l’économie américaine
alors que s’ouvre la ruée vers les magasins pour
Noël.
« C’est comme si les consommateurs s’étaient
échauffés en prévision de la saison des ventes
de fin d’année », estime l ’économiste i
ndépendant Joel Naroff.
« Les ménages pourraient être en train de
retrouver le goût des achats, ajoute-t-il. Cela
apporte l’espoir que la saison des Fêtes ne va
pas se solder par le désastre tant annoncé »,
selon lui.
M. Naroff faisait là allusion aux prévisions de
la Fédération nationale des détaillants (NRF)
américaine, pour qui le chiffre d’affaires des
magasins devrait baisser de 1% en glissement
annuel pendant la saison des Fêtes.
L e c a bi net s p é c i a l i s é ShopperTrak
est plus optimiste, et attend un rebond des
achats de 1,6% en glissement annuel pour la même
période (après une chute de 5,9% fin 2008).
La saison des Fêtes aux ÉtatsUnis s’étend grosso
modo sur novembre et décembre, de l’Halloween à
la Saint-Sylvestre.
Elle donne normalement lieu à une poussée de
fièvre acheteuse au lendemain de la fête de
l’Action de grâce avec le « Vendredi noir »,
jour de promotions exceptionnelles qui donne le
départ d’un mois d’offres spéciales en tous
genres.
Comme l’année dernière, la crise devrait faire
sentir ses effets et les dépenses des Américains
dans les magasins devraient être « contenues »,
estime Nigel Gault, économiste du cabinet IHS
Global Insight.
La saison « s’annonce néanmoins meilleure que
l’année dernière », ajoute-t-il.
Les dépenses des ménages sont en temps normal le
moteur de l’économie américaine. Pendant l’été,
elles ont assuré près des trois quart des 2,8 %
de croissance qui ont permis au pays de sortir
de la récession.
Pour M. Gault, comme pour Ian Shepherdson, du
cabinet HFE, la hausse des dépenses d’octobre
laisse présager que la consommation pourrait
continuer de tirer l’économie au dernier
trimestre, quoique avec moins de force du fait
de la disparition de certains stimuli
temporaires comme la prime à la casse.
La confiance des consommateurs sera un élément
déterminant. Les deux grands indices qui le
mesurent (celui du Conference Board et celui de
l’Université du Michigan) ont pointé dans des
directions opposées en novembre, mais une chose
est certaine : le moral des ménages est bas et,
s’ils consomment plus, ce sera sans excès.
Malgré le pronostic légèrement plus favorable
pour l’économie rendu public mardi par la Banque
centrale et la forte baisse des nouvelles
inscriptions hebdomadaires au chômage annoncée
hier, la menace de licenciements reste encore
très forte et les revenus des ménages
n’augmentent pas encore assez au goût des
économistes.
WASHINGTON Retour prochain
à la création d’emplois...
WASHINGTON — Le cycle des licenciements touche à
sa fin aux États-Unis, et l ’économie américaine
devrait redevenir créatrice nette d’emplois au
début de l ’année 2010, selon une étude de l
’Association nationale pour l ’économie
d’entreprise ( NABE) publiée hier.
« Si la reprise s’est faite sans emploi jusqu’à
présent, cela devrait bientôt changer. Dans les
quelques mois à venir, les entreprises devraient
créer des emplois plutôt qu’en supprimer »,
explique la présidente de la NABE, Lynn Reaser,
dans le compte rendu de cette enquête.
Selon la cinquantaine de prévisionnistes
interrogés par la NABE, les licenciements nets
devraient continuer de diminuer au quatrième
trimestre jusqu’à atteindre zéro pendant les
trois premiers mois de l’année 2010, moment à
partir duquel les entreprises devraient
embaucher au total plus qu’elles ne licencient.
Néanmoins, ajoute la NABE, vu la gravité de la
récession de 2007-2009 pour l’emploi, le taux de
chômage devrait rester « obstinément élevé » et
atteindre encore 9,6 % à la fin de l’année 2010.
Le chômage est la deuxième source d’inquiétude
pour les économistes interrogés par la NABE,
après le niveau de la dette publique.
Les États-Unis sont sortis pendant l’été de la
récession dans laquelle ils étaient entrés en
décembre 2007, mais le chômage ne cesse de
monter.
En octobre, l ’économie américaine a détruit
encore 190 000 emplois, ce qui a fait monter le
taux de chômage officiel à 10,2%, son plus haut
niveau depuis juin 1983.
Prudence
Mi-novembre, le président de la banque centrale
américaine ( Fed), Ben Bernanke, s’est montré
très prudent pour les perspectives de l’économie
américaine, estimant notamment que « le mieux
que l’on puisse dire à propos du marché du
travail » était « que sa dégradation pourrait se
faire plus lentement ».
Dans un entretien publié hier par le Financial
Times, un autre dirigeant de la Fed, James
Bullard, estime que le taux de chômage devrait
plafonner à 10,5 % et que l’on devrait avoir la
preuve qu’il a atteint son sommet « d’ici à
l’été ».
M. Bullard prévoit que le chômage atteindra
encore 9,5 % à la fin de l’année 2010.
L’enquête de l a NABE montre par ailleurs que
les économistes interrogés sont un peu plus
optimistes que le mois précédent en ce qui
concerne les prévisions de c r oissa nce de l ’é
conomie américaine en 2010.
Selon leu r consensus médian, la hausse de l’act
ivité économique devrait atteindre 2,9 % par
rapport à 2009, soit (0,3 point de plus que leur
prévision médiane d’il y a un mois).
Ils estiment par ailleurs que le recul du
produit intérieur brut (PIB) devrait finalement
atteindre 2,4 % en 2009, soit 0,1 point de moins
que ce qu’ils pensaient en octobre.
L’enquête de la NABE a paru à la veille de la
publication de la deuxième estimation officielle
des chiffres du PIB américain pour le troisième
trimestre. Selon le consensus des analystes, le
département du Commerce devrait revoir en forte
baisse la croissance des trois mois d’été, à 2,9
% en rythme annuel (comparativement à une
première estimation de 3,5 % publiée à la fin
d’octobre).
Un bond bienvenu aux États-Unis
WASHINGTON — Les reventes de logements aux
ÉtatsUnis ont bondi en octobre pour atteindre
leur plus haut niveau depuis février 2007, selon
les chiffres corrigés des variations
saisonnières publiés hier par l’Association
nationale des agents immobiliers américains (
NAR).
Ces ventes de logements anciens se sont établies
à 6,1 millions de transactions en rythme annuel,
soit 10,1 % de plus qu’en septembre, indique la
NAR, alors que les analystes n’en attendaient
que 5,7 millions.
Les
reventes de logements ont progressé sur six des
sept derniers mois. La NAR a revu en légère
baisse la hausse du mois précédent, à 8,8 % (au
lieu de son estimation initiale de 9,4 %).
Signe de l ’a mélioration du ma r c hé i mmobi l
i e r , l’indice de la NAR a augmenté en
glissement annuel pour le t roisième mois de
suite, et cette hausse s’est considérablement
accélérée, pour atteindre 23,5 %. La NAR
explique l a hausse du mois par une ruée des a c
heteu r s pour c onclu r e u ne vente ava nt l a
date fatidique du 30 novembre à laquelle devait
expirer un crédit d’impôt de 8000 $ US accordé
aux ménages acquér a nt un bien i mmobi l i er
pour la première fois.
Cette mesure a été prolongée au début de
novembre jusqu’au 30 avril.
WASHINGTON Hausse plus grande que
prévu des investissements
WASHINGTON — L’excédent de la balance américaine
des f lux de capitaux investis à long terme a
progressé plus que prévu en septembre, de plus
de 25 % par rapport à août, pour atteindre 40,7
milliards US, selon les chiffres publiés hier
par le département du T r ésor à Washington.
Les analystes pensaient que le solde des flux
d’investissements à long terme ne serait que de
30,0 milliards US
L’a mél i or a t i on r é s u l t e d’une hausse
de 48 % des f lux de capitaux investis à long
terme aux États-Unis par des étrangers (en
premier l ieu par l ’entremise d’achats
d’obligations d’État et d’actions
d’entreprises), à 55,7 milliards US, indiquent
les « données mensuelles du Trésor sur les
capitaux internationaux », qui mesurent les flux
d’investissements de portefeuille en direction
ou au départ du pays.
Elle a été atténuée par une hausse des
délocalisations de fonds des résidants
américains, qui ont été acheteurs nets de titres
étrangers pour 15,0 milliards US,
comparativement à 3,3 milliards US en août.
Le rapport montre également que les avoirs
chinois en obligations du Trésor américain sont
remontés de 0,2 % en septembre après avoir
baissé de 0,4 % en août, pour s’établir à 798,9
milliards US.
Les Chinois en tête
. Les investisseurs chinois (hors Hong-Kong)
sont les premiers détenteurs de titres d’État
américains, devant le Japon ( 751,5 milliards
US) et la Grande-Bretagne (249,3 milliards US).
Les
avoirs des investisseurs japonais et
britanniques en obligations du Trésor ont
augmenté respectivement de 2,8 % et 9,9 % en
septembre par rapport au mois d’août.
Si l’on ajoute les flux d’investissements de
portefeuille à court terme, le solde
bénéficiaire de la balance américaine est passé
de 25,3 milliards US en août, à 133,5 milliards
US en septembre.
Ce solde total avait été dans le rouge d’avril à
juillet.
Selon Gregory Daco, analyste du cabinet IHS
Global I nsight, « la faiblesse relative du
dollar et les résultats solides des entreprises
américaines, dopés par une productivité forte,
ont inversé le mouvement de départ des capitaux
hors des États-Unis des mois précédents ».
Plusieu r s é c onomi s t e s avaient noté que
ces départs de capitaux hors des ÉtatsUnis t é
moigna i e nt d ’ u n retour du goût du risque
de la part des i nvestisseurs, avec la reprise
et d’un nouvel engouement pour les marchés
émergents, principalement en Amérique latine et
en Asie.
Selon Tu Packhard, de Moody’s Economy. com, les
chiffres du Trésor montrent que « l’aversion
pour le risque a diminué ».
Mais, a - t - e l l e a j o ut é , « l es i
nvestisseu r s ét r a ngers conservent de
l’appétit pour les actifs f i nanciers
américains », ce qui permet de compenser les
pressions à la baisse sur le cours du dollar
découlant de l’intérêt retrouvé des Américains
pour les placements à l’étranger.
LE PRIVÉ A DÉTRUIT MOINS D’EMPLOIS EN OCTOBRE
WASHINGTON — Le rythme des destructions
d’emplois dans le secteur privé a ralenti aux
États-Unis en octobre pour le septième mois
d’affilée, mais un peu moins qu’espéré, selon
l’enquête mensuelle publiée hier par le cabinet
de conseil en ressources humaines ADP.
Le secteur privé a détruit encore 203 000
emplois en octobre, contre 227 000 en septembre,
indique ADP dans son étude.
C’est un peu moins bon que ce que prévoyaient
les analystes, pour qui l’enquête aurait dû
faire apparaître 198 000 suppressions de postes.
ADP a néanmoins revu en baisse de 27 000 son
estimation des licenciements du mois de
septembre.
« Malgré les signes récents de stabilisation de
l’activité économique globale, l’emploi, qui
évolue d’habitude avec retard par rapport à la
conjoncture, devrait continuer de baisser
pendant quelques mois encore au moins », écrit
ADP.
Les chiffres de l’enquête montrent que le
secteur des services, qui assure plus de 85% de
l’emploi non agricole aux États-Unis, a perdu
plus de postes en octobre qu’en septembre ( 86 0
0 0 contre 81 000).
Ce chiffre est conforme aux r ésultats de l ’ i
ndice ISM-services publié hier, qui témoigne
d’une hausse des licenciements et d’un
ralentissement de l’activité dans ce secteur
revenu à la croissance en septembre.
Par contre, indique ADP, le nombre de
licenciements nets est tombé à 117 000 contre
146 000 dans le secteur secondaire, fortement
éprouvé par la crise.
Signe que l’économie américaine est encore loin
d’avoir retrouvé un cours normal malgré sa
sortie de récession pendant l’été, près des
trois quarts des pertes d’emplois d’octobre ont
été dues à des licenciements dans les petites et
moyennes entreprises (moins de 500 employés).
Celles-ci sont normalement le moteur de la
création d’emplois aux États-Unis, et les
autorités réfléchissent actuellement à des
mesures d’aide pour les inciter à embaucher.
Ian Shepherdson, économiste de la société
d’études HFE, estime que l’enquête ADP est
globalement conforme à ce pronostic. Selon
u ne aut r e é t ude publiée hier, par le
cabinet Challeger, Gray & Christmas, le
nombre de licenciements annoncés par les
entreprises américaines a baissé pour le
troisième mois consécutif en octobre, de 16 %
par rapport au mois précédent, pour concerner 55
679 personnes aux États-Unis et à l’étranger.
Rebond des commandes industrielles en septembre
WASHINGTON — Les commandes i ndustrielles aux
États-Unis ont rebondi légèrement plus que prévu
en septembre, selon les chiffres corrigés des
variations saisonnières publiés hier par le
département du Commerce à Washington.
El l es ont progressé de 0,9 % par rapport au
mois précédent, après avoir mis fin en août à
quatre mois de hausse consécutifs en reculant de
0,8 %.
Les chiffres publiés par le Ministère sont
légèrement mei l l eurs que prévu par les
analystes, qui avaient affirmé que les commandes
reçues par les i ndustries manufacturières
américaines augmenteraient de 0,8 % en
septembre.
En excluant les transports, secteur où les
commandes varient fortement d’un mois sur
l’autre, les commandes industrielles ont
progressé de 0 , 8 % e n s e pt e mbre , après
une hausse de 0,3 % en août.
Sa
ns l ’ i ndustrie de la défense, soumise aux
aléas des commandes publiques, les commandes ont
rebondi de 0,7 % après avoir baissé d’autant le
mois précédent.
Reprise lente
Signe de la lenteur de la reprise de l’industrie
américaine, durement touchée par la récession,
les commandes i ndustrielles étaient i
nférieures à la fin de septembre de 15,4 % à ce
qu’elles étaient un an plus tôt.
Le ministère a revu en forte hausse son
estimation du rebond des commandes de biens
durables en septembre : elles ont progressé,
selon lui, de 1,4 % par rapport à août, soit 0,4
point de plus que ce qu’il avait annoncé le 28
octobre.
Le département du Commerce i nd i que é ga -
lement que l ’encours des carnets de commandes
des fabricants de biens durables a reculé pour
le 12e mois de suite en septembre (de 0,4 %,
soit autant qu’en août). C’est la plus longue
période de recul constatée depuis le début de la
publication de cette statistique sous sa forme
actuelle en 1992.
NEW YORK Des nouvelles rassurantes en
construction
NEW YORK — Les espoirs de voir l’économie
américaine rebondir ont grandi, hier, en raison
de nouvelles meilleures que prévu concernant les
secteurs de la construction et manufacturier, de
même que du redressement des ventes de maisons.
Ainsi , l es dépenses de construction aux
États-Unis ont affiché leur plus forte
progression depuis un an, selon des chiffres
publiés par le département du Commerce.
En données corrigées des variations
saisonnières, ces dépenses ont avancé de 0,8%
par rapport à août, alors que les économistes
tablaient sur un recul de 0,2%. Une hausse aussi
élevée n’avait pas été vue depuis septembre
2008.
Celle-ci doit cependant être nuancée par la
révision en baisse du chiffre d’août: les
dépenses ont reculé ce mois-là de 0,1%, alors
que le département du Commerce avait annoncé
initialement une hausse de 0,8%.
La hausse de septembre a mis fin à quatre mois
consécutifs de baisse des dépenses de
construction, en chute de 13% sur un an.
Les dépenses de construction résidentielle
privées, l’une des composantes les plus suivies,
ont confirmé leur redressement, progressant pour
le troisième mois de suite, de 3,9% en septembre
(du jamais vu depuis 2003) après 3,8% en août et
0,1% en juillet.
Les dépenses de construction privées hors
logement (commerces, industrie, infrastructures,
etc.), qui avaient mieux résisté fin 2008 et
début 2009, suivent désormais une tendance
inverse, diminuant pour le cinquième mois de
suite de 1,8%. Dans l’ensemble, les dépenses de
construction privées (65% du total) sont en
hausse pour le deuxième mois de suite, de 0,5%
en septembre.
Les
dépenses
publiques ont atteint en septembre un montant
jamais vu, après avoir progressé de 1,3% par
rapport à août. En outre, le nombre de contrats
signés pour acheter des maisons déjà existantes
a grimpé pour le huitième mois consécutif en
septembre, selon la National Association of
Realtors.
L’activité manufacturière a aussi crû aux
États-Unis en octobre au rythme le plus soutenu
en plus de trois ans, selon des données publiées
par un organisme privé. Cette activité a été
stimulée par les dépenses gouvernementales, la
nécessité pour les entreprises de refaire leurs
stocks et la demande plus forte venant de
l’étranger.
Il reste qu’à cause de la rareté des emplois, du
resserrement du crédit et de la prudence des
consommateurs en ce qui concerne leurs dépenses,
on ignore si la vigueur de la reprise peut se
poursuivre tandis que les programmes de relance
gouvernementaux approchent de leur fin.
Par exemple, les contrats pour acheter des
maisons ont augmenté parce que les acheteurs se
hâtent de profiter des crédits d’impôt accordés
aux premiers acheteurs avant que ce programme ne
se termine à la fin du présent mois. Le Congrès
américain travaille à l’heure actuelle à faire
en sorte que le crédit soit offert jusqu’au 30
avril prochain.
Christina Romer, qui est à la tête du Comité des
conseillers économiques du président Obama, a
souligné la semaine dernière que les stimuli
gouvernementaux ont déjà eu leur plus gros
impact, ajoutant qu’ils ne contribueront pas à
la croissance économique de manière
significative l’an prochain.
L’organisme I nstitute for Supply Management (
ISM) a précisé hier que son indice du secteur
manufacturier avait crû en octobre à la cadence
la plus vive depuis avril 2006. Ainsi, l’indice
ISM se situait à 55,7 le mois dernier,
comparativement à 52,6 en septembre. C’est le
troisième résultat de suite au-delà de 50, ce
qui indique une croissance.
En avril 2006, l’indice ISM affichait 56.
L’économie et la finance américaines vont « mieux
»
NEW YORK — L’économie américaine donne des signes
de reprise et le système financier « va mieux »,
mais reste fragile, a estimé hier le secrétaire au
Trésor des États-Unis, Tim Geithner au cours d’une
conférence d’investisseurs à New York.
L’économie
américaine
a montré « les signes d’un début de reprise
beaucoup plus vite que prévu et plus vite que lors
des précédentes récessions », a estimé M.
Geithner. Le système financier de son côté « va
mieux » même s’il reste dans une situation «
mitigée », a-t-il dit.
Les banques régionales en particulier « font
toujours face à un environnement difficile, les
entreprises dépendent plus des banques et ont plus
de mal à obtenir des crédits », a-t-il souligné.
Retour à la normale -
VINCENT DELISLE
La forte montée des marchés correspond à ce
qu’on a vu à la fin des précédentes récessions
Plus d’un a n après l’éclatement de la crise f i
nancière, la récession mondiale semble terminée.
Par « terminée », on entend que la situation a
cessé de se détériorer et qu’une réhabilitation
prend forme. L’économie canadienne a ajouté 58
000 nouveaux emplois depuis le mois d’août,
l’Allemagne a relevé ses prévisions de
croissance et la Chine a retrouvé son rythme de
croisière. Aux États-Unis, la situation reste
fragile, mais la reprise est perceptible. Aux États-Unis, la
situation économique reste fragile, mais la
reprise est perceptible.
Malgré ces nouvelles encourageantes, les sommets
d’activité économique atteints au début 2008 ne
seront pas rejoints de sitôt et les dommages
collatéraux de la crise (déficits budgétaires et
taux de chômage élevés) nous hanteront
longtemps. Néanmoins, force est d’admettre que
l’horizon est plus dégagé qu’il y a un an et que
les statistiques publiées chaque jour confondent
les sceptiques.
Pour les investisseurs, les 12 derniers mois ont
donné lieu à des revirements de situation aussi
spectaculaires que déconcertants. Au plus fort
de la panique, la baisse des indices boursiers
frôlait les 60 %, le baril de pétrole oscillait
aux environs de 30 $ US et le dollar canadien
plongeait sous les 80 cents. Depuis mars, la
remontée boursière excède les 60 %, l’or noir f
lirte avec le niveau de 80 $ US et le huard vole
vers la parité. Les indices restent toutefois
encore loin de leurs sommets de 2007.
Malgré les signes d’éclaircies dans
l’environnement macroéconomique, le scepticisme
à l’égard du rebond des actifs cycliques reste
élevé. En effet, plusieurs jugent ce
redressement disproportionné par rapport à la
timidité de la reprise économique. Comment les
bourses peuvent-elles rebondir alors que les
conséquences de la récession font encore tant de
dommages ?
Pourtant,
cette résurrection de l’appétit pour le risque
et le comportement des marchés financiers auquel
on assiste s’apparentent à ce qu’on a vu à la
fin des précédentes récessions. Les sorties de
marché baissier s’orchestrent pendant que la
récession fait encore r age et que l ’é conomie
perd des emplois. Pour l’investisseur,
l’important reste de déterminer le moment où le
rythme de la récession s’essouffle, puisque les
derniers balbutiements d’une récession
coïncident avec un redressement de la
profitabilité des entreprises. Car voilà ce qui
enflamme les marchés : des perspectives de
profits rassurantes. Et lorsque les entreprises
reprennent confiance, le cycle d’embauche et le
rythme des fusions et acquisitions renaissent.
Nous s ommes ac t uellement en plei ne période
de divulgation des résultats trimest riels et
les données publiées confirment que la
rentabilité des entreprises s’améliore depuis le
pri ntemps. Malheureusement, l ’a mélioration de
la rentabilité a j usqu’à maintenant été le f
ruit des réductions de coûts, d’où le sentiment
que les marchés financiers sont déconnectés de
l’économie réelle, d’où le scepticisme.
Pour l’instant, l’ampleur du redressement des
derniers mois semble davantage refléter un
retour à la normale qu’un débordement
d’optimisme. Depuis mars, les marchés sont
passés de la psychose des années 30 à
l’optimisme relatif à la fin de la récession.
Cette phase de normalisation n’est pas encore
terminée et les indices pourraient encore
grimper de 10 %. Cependant, une fois la reprise
bien ancrée, les taux d’intérêt remonteront et
la situation financière fragile des
consommateurs sera mise à rude épreuve. Les
marchés se retrouveront alors dans une position
plus vulnérable.
Si on peut se réjouir du redressement boursier
des derniers mois, il serait hasardeux de
conclure que la volatilité ne reviendra pas. Les
notions de risque et de rendement restent
primordiales et la fenêtre qui s’offrait au
début de 2009 se referme. Un dosage adéquat
d’obligations (gouvernements et corporatives) et
d’actions augmente les chances de succès d’un
portefeuille tout en facilitant le sommeil !
LA BOURSE À L’AFFÛT DE RÉSULTATS
RÉCONFORTANTS - Martin Vallières
Il y a longtemps que des résultats trimestriels
d’ent r e pr i s e s c omme c e u x annoncés ces
jours-ci n’ont été autant surveillés en Bourse.
Et pour cause ! Tout le milieu f i nancier –
banquiers d’affaires, analystes et investisseurs
– cherche à valider l’ampleur du rebond boursier
depuis le creux atteint en mars dernier.
D ’ a u t a n t pl u s q u e c e rebond, qui
cote de 50 % à 70 % en quelques mois selon les
principaux indices, s’avère déjà le plus
vigoureux depuis la Grande Dépression des années
30.
Et entre temps, les princ i pau x i nd i c a t e
u r s é c o - nomiques dans le monde
industrialisé demeurent pour le moins nébuleux.
Le pire de la récession mondiale semble passé,
certes, mais la reprise s ’a nnonce encore t i
mide, sinon ardue. Aux États-Unis et en Europe
en particulier.
Par conséquent, est-ce que le regain des
résultats des entreprises aura lieu aussi
rapidement qu’on s’y attend sur les marchés
boursiers?
Pour le moment, les résultats du troisième
trimestre divulgués ces jours-ci par des
entreprises en vue de l’économie nord-américaine
s’avèrent plutôt mitigés.
Assez pour faire sourciller des observateurs
aguerris comme Richard Yamarone, économiste en
chef chez la firme new-yorkaise Argus Research.
« Les récents résultats d’entreprises qui sont
moins pires que prévus dépendent encore de leurs
coupures de dépenses plutôt que d’un regain de
leurs revenus », souligne M. Yamarone dans son
dernier bulletin hebdomadaire à ses
clients-investisseurs.
« Or, l’économie n’est pas encore sortie du
bois. En Bourse, il y a un sentiment qui
ressemble de plus en plus à une bulle alors que
la prudence devrait être de mise. »
De
fait, sur la Bourse américaine, l’indice le plus
représentatif, le S & P 500, est en hausse
impressionnante de 62 % depuis le creux de mars
dernier.
Depuis le début de l’année, le rebond après le
krach de l’automne 2008 s’affiche déjà à hauteur
de 20 %.
Même le multiple coursbénéfice de l’indice S
& P 500 – une mesure de valeur comparative –
s’est rehaussé à 20 fois en ce qui concerne les
bénéfices courants. C’est son niveau le plus
élevé depuis cinq ans.
Au Ca nada , le r e ga i n boursier depuis le
début de l’année s’avère encore plus vigoureux.
L’indice phare de la Bourse de Toronto a
progressé de 28 % depuis 10 mois.
Même qu’aux environs de 11 475 points, le S&
P/ TSX a déjà récupéré la moitié de la
dégringolade de 7500 points (ou 50 %) subie
entre le sommet de juin 2008 et le creux de mars
2009.
Bref, à en croire cet indice boursier très
dépendant des matières premières, de l’énergie
et des services financiers – des baromètres de
l’économie mondiale –, la pire récession
mondiale en un demi-siècle serait en bonne
partie résorbée.
Mais un tel scénario favorable pour un rapide
rebond des résultats d’entreprises est mis en
doute par plusieurs professionnels de la Bourse.
«
Les attentes envers un regain des résultats
d’entreprises sont exagérées et prématurées.
J’appréhende un repli lorsque les investisseurs
réaliseront bientôt que leurs attentes de
profits d’entreprises pour 2010 et 2011 sont
encore trop élevées », avertit Kevin Caron,
LES TAUX POURRAIENT REMONTER PLUS VITE QUE
PRÉVU - Hugo Fontaine
Si l’activité immobilière ne ralentit pas au
Canada, la Banque du Canada pourrait devoir
hausser son taux directeur beaucoup plus tôt que
prévu, avertissent deux économistes du Groupe
financier Banque TD.
Présentée comme un risque plutôt que comme une
prévision, cette éventualité est tout de même
plausible, affirment Craig Alexander et Grant
Bishop dans un rapport publié cette semaine. La
Banque du Canada s’était engagée il y a quelques
mois à maintenir ses taux au plancher jusqu’en
juin 2010, au plus tôt.
Dans la dernière année, la performance du marché
canadien de l’immobilier a été rien de moins que
remarquable, soulignent les auteurs. Malgré
l’accumulation de mauvaises nouvelles
économiques, bon nombre de Canadiens ont voulu
profiter des très faibles taux d’intérêt pour
acheter une propriété. Et comme la hausse des
ventes a dépassé les inscriptions, les prix ont
grimpé.
En août, les ventes résidentielles nationales
ont augmenté de 18,5 % par rapport à l’année
précédente, selon l’Association canadienne de
l’immeuble. Les prix ont augmenté de 11,3 %.
« La question clé est de savoir si
l’environnement de bas taux d’intérêt est en
train de créer un déséquilibre économique qui
requiert un réajustement de la politique
monétaire », demandent les auteurs. En d’autres
mots, est-ce que la Banque du Canada devra
contrer la formation d’une bulle immobilière ?
À cette interrogation, la banque centrale
australienne a répondu par l’affirmative plus
tôt cette semaine. Elle a remonté ses taux en
invoquant la forte croissance du crédit
immobilier et les prix des maisons.
Vigueur temporaire
Pour l ’ i nsta nt , l a Banque du Canada
considère toujours que la vigueur du marché de
la revente est temporaire. À court terme, elle
ne devrait donc pas suivre l’exemple australien.
Les économistes de la TD prévoient aussi que la
croissance du nombre de transactions va ralentir
– beaucoup de gens qui ont retardé leur achat
pendant la crise sont allés de l’avant dans les
derniers mois – et que la hausse des prix ne
sera pas excessive.
Mais il y a toujours un risque que l’immobilier
ne ralentisse pas. Les taux très bas pourraient
attirer encore davantage d’acheteurs et la
spéculation pourrait gagner de l’influence,
notent les auteurs du rapport. Dans ce cas, « il
y a un risque significatif » que la Banque
hausse ses taux pour freiner les ardeurs du
marché immobilier. Et elle pourrait le faire
même si l’inflation est encore sous la cible
qu’elle s’est fixée.
Hausse des demandes de prêt hypothécaire
Les demandes de prêt hypothécaire ont bondi la
semaine dernière à leur niveau le plus haut
depuis mai dernier tandis que les coûts
d’emprunt près d’un creux historique ont
stimulé le refinancement et propulsé les
achats à un sommet de dix mois. La baisse des prix des maisons et des
taux hypothécaires de même que les crédits
d’impôt accordés aux premiers acheteurs ont
stimulé les ventes et aidé à stabiliser le
ralentissement constaté sur le marché
immobilier.
L’indice de la Mortgage Bankers Association
consacré aux demandes d’achat de maison ou de
refinancement de prêt a progressé de 16% à
756,3 au cours de la semaine terminée le 2
octobre comparativement à 649,6 la semaine
précédente. Le sous-indice du refinancement a
bondi de 18% alors que celui portant sur les
achats a grimpé de 13%.
La baisse des prix des maisons et des taux
hypothécaires de même que les crédits d’impôts
accordés aux premiers acheteurs ont sti mulé
les ventes et aidé à stabiliser le
ralentissement constaté sur le marché
immobilier, un phénomène qui a précipité la
crise financière. Mais les pertes d’emplois
qui se poursuivent ainsi que les saisies
demeurent un rappel que la reprise, tant dans
l’immobilier que dans l’économie en général,
sera lente à se développer.
« Le creux sur le marché immobilier est en
voie d’être atteint » , estime Michelle Meyer,
économiste de Barclays Capital, à New York. «
Les investissements dans le secteur
résidentiel devraient fournir une contribution
positive à la croissance économique au
troisième trimestre », ajoute-t-elle.
La
proportion des demandeurs qui souhaitent
refinancer leurs prêts est passée à 66,3% du
total la semaine dernière par rapport à 65,3%
la semaine précédente.
Les coûts d’emprunt sont en baisse. Le taux
moyen d’un prêt hypothécaire de 30 ans à taux
fixe se situait à 4,89% la semaine dernière,
comparativement à 4,94% la semaine précédente.
Ce t aux était descendu à 4,61% à la fin de
mars dernier, le niveau le plus bas depuis que
la Mortgage Bankers Association a commencé à
recueillir des données en ce sens en 1990.
Au taux actuel d’un prêt hypothécaire de 30 a
ns, les coûts mensuels de l’emprunt pour
chaque tranche de 100 000 $ US seraient de
530$US, soit environ 68$US de moins qu’au
cours de la semaine correspondante un an plus
tôt, époque où le taux était de 5,98%.
Le taux moyen d’un prêt hypothécaire à taux
fixe de 15 ans a baissé à 4,32 % la semaine
dernière comparativement à 4,34% une semaine
plus tôt. Le taux d’un prêt d’un an à taux
variable a toutefois grimpé à 6,56% par
rapport à 6,40% la semaine précédente.
Obligations : le rendement
plutôt que la sécurité
L’appétit pour le risque a repris sur le
marché obligataire dans la première moitié
de l’année 2009, et la période estivale
n’a pas changé l’attitude des
investisseurs. Contrairement à ce qui se
passait à la fin de l’année 2008, ils
favorisent de plus en plus le rendement
par rapport à la sécurité.
On constate donc un rétrécissement
important de l’écart de crédit entre les
obligations du gouvernement fédéral et les
obligations de société. Au 31 décembre,
l’écart entre le rendement à l’échéance
moyen des obligations était de près de 4%.
Il n’est plus que de 2% aujourd’hui.
Cela se reflète aussi sur le rendement
réel sur le marché. L’an dernier, les
obligations à long terme du gouvernement
du Canada ont procuré un rendement de 13
%, contre un rendement négatif de - 11,70
% pour les obligations de société. Cette
année, les premières ont engendré un
rendement négatif de -2,17 %, pendant que
les secondes dégageaient un rendement de
25,48 %.
« Il s’agit d’un revirement spectaculaire,
note Benoit Durocher, vice-président
exécutif et chef stratège économique chez
Addenda Capital. L’an dernier, ce qui
avait un soupçon de risque était ignoré
par les investisseurs et délaissé. Tout ce
qui était très sécuritaire suscitait un
engouement. »
Ce revirement pourrait laisser croire
qu’il y a eu exagération dans le cadre de
la crise de liquidités en 2008. Mais ce
retour rapide de l’appétit pour le risque
traduit aussi des perspectives plus
favorables par rapport à une éventuelle
reprise économique et par rapport à la
santé financière des investisseurs.
« Les anticipations de reprise étaient
bonnes pendant l’été, mais elles semblent
avoir été revues sous un angle plus
modeste dernièrement, note M. Durocher.
Mais il reste encore cet engouement, ce
besoin pour le rendement. On est à un
point d’inflexion quant aux perspectives
sur les marchés. »
Si les investisseurs revoient à la baisse
leurs anticipations économiques, ils vont
réévaluer le risque d’investir dans les
obligations de société.
WASHINGTON La reprise s’étend malgré la
faiblesse de l’emploi - Marc Jourdier
WASHINGTON — Après les i ndustries
manufacturières en août, le secteur des services
américain, capital pour l’économie des
États-Unis, est revenu à la croissance en
septembre, selon l’indice ISM dont la
publication hier a atténué la mauvaise surprise
des chiffres de l’emploi de vendredi.
L’ISM-services a gagné 2,5 points en septembre,
pour s’établir à 50,9 % et franchir ainsi la
marque des 50 %, limite entre contraction et
expansion de l’activité. Sa progression a été
plus forte que ne le pensaient les analystes,
qui l’attendaient à 50,0%.
Selon l’économiste indépendant Joel Naroff, le
passage de cet indice dans le vert après 11 mois
dans le rouge est le signe que « la reprise
s’étend dans l’économie malgré la faiblesse
persistante du marché de l’emploi ».
L’
I SM services englobe les services au sens
large, puisqu’il prend en compte également
l’agriculture, la sylviculture, la construction
ou encore les services d’utilité publique comme
la production et la distribution d’eau et
d’électricité.
Les services au sens propre représentent environ
85% de la main-d’oeuvre non agricole employée
aux États-Unis.
L’ISM manufacturier était repassé dans le vert
en août et a confirmé sa progression en
septembre.
Malgré l es c h i f f r es du dépa r t e ment du
T r ava i l publiés vendredi, qui montrent que
l’économie américaine a perdu encore 263 000
emplois en septembre, « l’activité des
entreprises est en train de s’accélérer, tirée
par une croissance robuste des c ommandes » , e
s t i me M. Naroff, rappelant qu’au sortir d’une
récession, il y a toujours un temps de
croissance sans emplois.
Cependant, il y a encore loin d’ici une croissance
viable sans l’aide de l’État et de la banque centrale,
fait-il remarquer.
Les
autorités américaines et les économistes
estiment que les États-Unis ont renoué avec la
croissance au cours de l’été, après quatre
trimestres consécutifs de baisse de l’activité.
Elsa Dargent, économiste de la banque Natixis,
estime, après la parution des indices ISM, que
le produit intérieur brut ( PIB) des États-Unis
devrait avoir augmenté de 3,1 % en rythme annuel
au troisième trimestre, et que la croissance
devrait se tasser à 2,7% pendant l’automne.
L’ancien président de la banque centrale
américaine Alan Greenspan a estimé dimanche que
la croissance des États-Unis devrait avoir
atteint au minimum 2,5% pendant l’été, et
peut-être même plus de 3%.
Si l’indice ISM services montre que les
nouvelles commandes ont fortement augmenté en
septembre, il témoigne également de nouvelles
suppressions d’emplois dans le tertiaire et
au-delà, comme au cours de 19 des 20 mois
précédents.
Cela
reflète
le fait que « les entreprises – et en
particulier les petites entreprises – n’ont pas
confiance dans la viabilité de la reprise »,
estime Brian Bethune, analyste du cabinet
d’économistes IHS Global Insight.
En conséquence, explique-t-il, elles «
continuent de réduire les emplois et les heures
travaillées ».
Mais « si cela va tendre à prolonger la
conjoncture difficile du marché de l’emploi,
cela entraînera également des gains de
productivité forts » à l’origine d’un cercle
vertueux, estime-t-il.
Ryan Sweet, de Moody’s Economy.com, estime que
l’indice ISM conforte le pronostic d’une
croissance de 3% au troisième trimestre qu’il
avait jugé un peu mis à mal par les chiffres de
l’emploi de vendredi.
Selon les autorités américaines, la hausse
continue du taux de chômage, actuellement à
9,8%, ne devrait s’arrêter qu’au milieu de 2010,
au-dessus 10%, et représente l’une des
principales menaces pesant sur la reprise.
Croissance d’environ 3% au second semestre aux
États-Unis
WASHINGTON — La reprise économique américaine en
cours devrait se traduire par un taux de
croissance d’environ 3 % pour les États-Unis au
second semestre, a déclaré hier le président de
la Banque de réserve fédérale de New York,
William Dudley.
Les prévisions « d’une croissance du PIB
d’environ 3 % en rythme annuel au second
semestre semblent raisonnables », a déclaré M.
Dudley, qui dirige l’antenne new-yorkaise de la
banque centrale américaine, à l’occasion d’une
con férence à l ’ Université Fordham de New
York.
Faisant référence aux pays d’Asie qui tirent
l’économie de la planète, M. Dudley a estimé par
ailleurs que « le fait que la reprise dans
l’activité économique soit un phénomène mondial
aide à diminuer les risques d’un récession à
double creux ».
Comme
nombre de ses collègues du Comité de politique
monétaire de la Fed, dont il est le
vice-président, M. Dudley a néanmoins estimé que
la reprise américaine censée être en cours
depuis l’été après quatre trimestres consécutifs
de baisse du PIB n’était pas « susceptible
d’être robuste ».
« Cela signifie que les force à l’oeuvre pour
ralentir l’économie sont importantes, ce qui
implique que nous faisons face à des risques
sérieux d’inflation trop faible pour l’année ou
les deux ans à venir », a ajouté M. Dudley,
selon le texte de son intervention disponible
sur le site internet de la Fed de New York.
Le président de la Fed, Ben Bernanke, a estimé
jeudi devant une commission du Congrès que si
l’économie ne devait croître que de 3 %, le
chômage resterait encore audessus de 9 % à la
fin de l’année 2010. Le taux de chômage était de
9,8 % à la fin du mois de septembre.
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L’immobilier se stabilise dans les pays
développés
TORONTO — Les marchés immobiliers de plusieurs
pays développés montrent de plus en plus de
signes de stabilisation, selon une étude publiée
par la Banque Scotia.
Au deuxième trimestre de l’année en cours, le
prix réel des maisons a augmenté dans un certain
nombre d’économies développées, notamment au
Canada, en Australie et aux États-Unis, peut-on
lire dans le rapport. Cependant, les prix
diminuaient encore sur de nombreux autres
marchés, comme le Royaume-Uni, la France et
l’Espagne, mais généralement à un rythme plus
lent.
Les économistes de la Scotia ont en outre
constaté que, dans la plupart des cas,
toutefois, les prix réels des maisons sont
toujours plus faibles qu’il y a un an.
La
Banque explique que l’embellie sur les marchés
immobiliers est durable et témoigne d’une plus
grande confiance de la reprise économique
mondiale. Les coûts d’emprunt historiquement
faibles, l’accessibilité économique croissante
et les encouragements fiscaux accordés aux
acheteurs dans certains pays ont favorisé la
modeste reprise.
La relance est plus timide dans le secteur de la
construction d’habitation au Canada. La tendance
des mises en chantier se situe tout juste
au-dessus de 140 000 logements annualisés alors
qu’elle était de 120 000 logements au printemps.
« Les constructeurs réagissent à la contraction
du marché de la revente, laquelle tend à
stimuler une demande relative pour les nouvelles
habitations », remarque Andrienne Warren,
économiste principale de la Banque Scotia.
Toutefois, Mme Warren avertit que le taux de
chômage demeure élevé ce qui peut faire hésiter
certains acheteurs.
WASHINGTON La chute
du prix des logements ralentit
WASHINGTON — La chute des prix du logement aux
États-Unis a de nouveau ralenti en juillet, à
13,3 % sur un an, son rythme le plus faible
depuis février 2008, selon l’indice S&P–
Case-Shiller, mesurant les prix dans les 20 plus
grandes agglomérations américaines, publié hier.
Le ralentissement de la baisse est plus fort que
ne le prévoyaient les analystes, qui tablaient
sur un recul des prix de 14,2% en glissement
annuel, après celui de 15,4% relevé en juin.
L’indice S&P– Case-Shiller est dans le rouge
depuis le mois de janvier 2007. Il avait touché
le fond au mois de mars.
Signe d’une amélioration notable de la
situation, les prix du logement ont augmenté en
moyenne de 1,6% en juillet par rapport à juin.
D’un mois sur l’autre, ils n’ont baissé que dans
deux métropoles (Las Vegas, et Seattle, toutes
deux dans l’ouest du pays), sur les 20
agglomérations prises en compte par l’indice.
Ian Shepherdson, analyste de l’institut d’études
économiques HFE, fait néanmoins remarquer que le
rebond des prix est « insignifiant » : « Les
prix ont chuté de 10,6% entre octobre et avril
et n’ont progressé au total que de 1,9% » depuis
lors.
ENTREPRISES À L’AFFÛT DE NOUVELLES PROIES
- Hélène Baril
L’annonce par Xerox de l’achat d ’Af f i l i l i
a t e d Computer Services a relancé la rumeur
que CGI soit la prochaine proie à être saisie
par un concurrent. Après plusieurs mois de
paralysie, les entreprises se reluquent de
nouveau, et la saison de la chasse ne fait que
commencer. Le nom SNC-Lavalin
refait périodiquement surface quand il est
question de fusions et acquisitions.
Les noms de plusieurs proies possibles refont
surface. Il y a CGI, mais aussi SNC-Lavalin, qui
n’a pas d’actionnaire de contrôle, ou World
Color Press, l’ancienne filiale de Quebecor qui
vient de reprendre vie après s’être restructurée
à l’abri de ses créanciers.
Les transactions continueront de se multiplier
au cours des prochaines semaines, croient les
spécialistes sondés par La Presse Affaires. Les
entreprises qui ont traversé la crise sans trop
de mal se retrouvent avec beaucoup d’argent à
dépenser, souligne Dominique Vincent, de
MacDougal l , MacDougal l , MacTier.
La gestionnaire de portefeuille cite une étude
de Standard& Poor’s qui indique que les
entreprises non financières du S& P 500 ont
700 milliards de comptant dans leurs coffres, ce
qui est supérieur de 8% au niveau de l’an
dernier et de 16% à celui d’il y a deux ans.
Les entreprises qui n’ont pas les coffres pleins
s’affairent à les regarnir. « On a beaucoup de
refinancement », indique Dominique Vincent.
Steve Goulet, de la Financière Banque Nationale,
constate la même chose. « On a beaucoup plus
d’émissions d’actions et certains (des
émetteurs) ont des projets d’acquisitions ».
L’activité sur le front des fusions et
acquisitions a repris, mais elle loin d’avoir
retrouvé le rythme trépidant d’avant la crise
financière, souligne Jean-Paul Giacometti,
vice-président de la firme de gestion de
portefeuille Claret. « C’est une reprise par
rapport à un arrêt complet qui a duré neuf mois.
»
Selon Standard & Poor’s, seulement deux
secteurs d’activités ont vu une reprise notable
du nombre de fusions et acquisitions, soit la
santé et les services publics. Le nombre de
fusions et acquisitions devrait peu à peu
augmenter dans les autres secteurs, estime le
stratège en chef de la firme américaine, Sam
Stovall, si le climat économique continue de
s’améliorer.
Secteur de l’énergie
Les chasseurs ne font généralement pas un
mystère de leurs intentions. Des entreprises
comme GLV Inc. ou Alimentation Couche-Tard ne
cachent pas être constamment à l’affût. Les
proies sont nécessairement plus discrètes.
C’est dans le secteur de l’énergie qu’on en
retrouvera le plus grand nombre, croient la
plupart des spécialistes interrogés hier.
« Si le prix du pétrole continue de descendre,
les titres pétroliers vont faiblir et ce sera
très tentant pour les étrangers de racheter nos
entreprises », explique Denis Durand, de
Jarislowski Fraser.
Denis Durand n’hésite pas à donner de gros noms
comme Encana, Talisman ou Nexen, qui pourraient
alors changer de propriétaires.
Selon lui, il serait surprenant que CGI fasse
l’objet d’une prise de contrôle. « Il faudrait
que Serge Godin accepte, puisqu’il y a des
actions à droits de vote multiples, mais si le
prix est là, c’est toujours possible », a-t-il
dit.
La vente de World Color Press, par contre, ne
serait pas une surprise pour lui, ni celle de
Jean Coutu. « À la suite de l’aventure
américaine, l’entreprise a moins de possibilité
de croissance au Québec et pas de poids en
Ontario » , explique-t-il.
Le nom SNC-Laval i n refa it périodiquement
surface quand il est question de fusions et
acquisitions. C’est que l’entreprise n’a pas
d’actionnaire majoritaire, ce qui rend une
éventuelle prise de contrôle plus facile. C’est
vrai, estime l ’a nalyste Pierre Lacroix, de
Valeurs mobilières Desjardins.
Mais d’un autre côté, souligne-til, l’entreprise
n’a pas été une cible lors de la dernière vague
de fusions et acquisitions et il ne pense pas
qu’elle le deviendra. « Pour moi, SNC-Lavalin
continue d’être le chasseur plutôt que le chassé
».
Une cascade d’émissions publiques
- Stéphanie Grammond
Chaque samedi, un financier différent répond à
nos questions. Il donne sa lecture des marchés,
offre son point de vue sur la Bourse et lance
quelques conseils d’investissement. Cette
semaine, Christian Godin, de Montrusco Bolton.
Q: Ce qui est le plus important, au cours des
dernières semaines, c’est la pléthore
d’émissions d’actions sur les marchés. On a vu
Barrick Gold faire une émission de 5 milliards,
Transcanada Pipelines, WestJet, Transat… Et on
va avoir la première nouvelle inscription en
Bourse depuis longtemps: Dollarama est sur le
point de devenir une société publique. Il y
avait un niveau record de liquidités qui
dormaient dans les portefeuilles des
investisseurs. Cet argent revient vers les
marchés au moment où les grandes sociétés en ont
besoin pour solidifier leur bilan. Christian Godin
Q: Ce qu’on surveille le plus, ce sont les
dépenses en infrastructure et en consommation
dans les marchés émergents, comme l’Inde, la
Chine, le Brésil, l’Indonésie. C’est
l’amélioration du niveau de vie des populations
de ces pays qui alimente la reprise boursière.
Donc, on va suivre les communiqués du
gouvernement chinois et des banques centrales
des différents pays pour savoir quels sont les
signes vitaux de leur économie.
Q: Monstrusco ne mise pas sur les secteurs, mais
se concentre plutôt sur la sélection des titres
particuliers. Parmi nos préférés, on peut citer
le Groupe CGI (excellente rentabilité, stabilité
des profits, prix de l’action raisonnable),
Talisman Energy (beaucoup de réserves de pétrole
et de gaz à faibles de coûts d’exploitation), le
Groupe TMX (une excellente façon de participer à
la reprise boursière), Industrielle-Alliance
(aussi solide que les grandes banques, mais avec
plus de potentiel de croissance) et Metro
(l’épicier le mieux géré au Canada).
Q: Il faut éviter les sociétés conceptuelles.
Dans le secteur de la biotechnologie ou dans le
secteur minier, il faut être prudent avec les
sociétés qui n’ont pas de revenus, pas de
production prévue avant longtemps, et pas encore
de financement. Certaines de ces petites
entreprises ont vu leur titre grimper de 300%
cette année. À la Bourse c’est ce qui a le mieux
fait depuis le début de l’année, et je m’attends
à des prises de profits.
Q:
STÉPHANIE GRAMMOND À votre avis, quel est
l’événement le plus significatif des derniers
jours à la Bourse ? Quel indicateur
surveillez-vous le plus attentivement en ce
moment?
Que feriez-vous avec 10 000$?
Quel placement évitez-vous à tout prix ?
Qu’est-ce que les marchés sous-estiment le plus
présentement ? Il y a beaucoup de confiance et
d’optimisme. Les marchés sous-estiment la
fragilité de la reprise. Nous, on croit à la
reprise, mais on pense qu’il va y avoir quelques
soubresauts. Ça pourrait produire des occasions
d’achat.
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Les entreprises repartent à la chasse
Les entreprises, qui s’étaient serré la
ceinture pour survivre à la récession, repartent à
la chasse. Au Canada, les fusions et acquisitions
ont repris, surtout dans les ressources naturelles.
Et ce n’est qu’un début, estime Vincent Delisle,
stratège chez Scotia Capitaux. Avec l’amélioration
des signaux économiques et le retour de la
rentabilité, les sociétés vont continuer de
redéployer leurs liquidités. «Les ressources
naturelles vont retenir encore l’attention, car la
guerre entre les États pour accaparer les ressources
est loin d’être terminée», affirme le stratège.
FEU D’ARTIFICE À LA BOURSE— Stéphanie Grammond
Depuis si x mois, l es PME offrent tout un feu
d’artifice aux investisseurs qui s’attendaient
plutôt à les voir imploser, l’année dernière, à
cause de la crise du crédit.
Le spectacle est haut en couleur : l’action de
la société de sécurité Garda, par exemple, a
explosé de 380 % en six mois. Le titre de
Cascades a fusé de 300 %, le titre du fabricant
de boissons gazeuses Cott, de 700 %, et celui du
sous-traitant automobile Linamar, de 375 %. De
la grande pyrotechnie !
« C’est t rès classique en sortant d’une
récession. Les t i t r es de pet i t es sociétés
reviennent à la mode. On le voit depuis juillet,
et encore plus depuis trois semaines. Certains
jours, il y a des titres qui gagnent jusqu’à 15
% », constate Hugo Lavallée, gestionnaire du
fonds Fidelity Potentiel Canada.
Depuis six mois, les petites entreprises ont
même devancé les grandes. Le baromètre des
actions de PME canadiennes, l’indice S& P/
TSX SmallCap, a rebondi de 54 %, nettement plus
que la hausse de 38 % de l’indice de S& P/
TSX composé des grands noms de la Bourse de
Toronto.
Les détenteurs de fonds communs de placement
profitent aussi de la manne. Avec un rebond de
43 %, les fonds d’actions de PME en majorité
canadiennes arrivent en tête de toutes les
catégories de fonds communs, depuis le début de
2009 (en date du 31 août).
Calvaire boursier
La remontée boursière des petites entreprises
est un juste retour du balancier. Depuis 2004,
les PME traînaient de la patte, avec des
rendements inférieurs à ceux des grandes
entreprises, année après année (voir graphique).
Et, en 2008, les PME ont vécu un calvaire
boursier. Leurs titres se sont écroulés de
moitié.
Il faut dire que la récession a frappé plus
durement les PME qui sont moins diversifiées et
qui sont souvent des fournisseurs à la remorque
des donneurs d’ordres.
« Les grandes entreprises ont décidé de réduire
leurs coûts pour survivre à la crise. Personne
ne savait combien de temps ça durerait »,
rappelle Christian Cyr, 1er viceprésident
actions de petite capitalisation chez Gestion de
portefeuille Natcan.
De plus, les petites sociétés qui ont un bilan
moins solide ont été victimes de l’assèchement
du crédit. « Si l’année 2008 a été difficile
pour des sociétés comme GM, imaginez pour des
petites entreprises ! Pour beaucoup, l’accès au
crédit a été complètement coupé », dit M.
Lavallée. Les investisseurs ont largué les PME
plus endettées, craignant qu’elles ne passent
pas au travers. Au creux du mois de mars, on
comptait plusieurs PME dont la valeur boursière
était équivalente ou inférieure à leurs
liquidités après avoir soustrait ses dettes.
« Pour faire de l’argent, il fallait se pincer
le nez et plonger », dit Martin Dufresne,
gestionnaire de portefeuille de petites
capitalisations chez Fiera Capital.
Le tournant
À partir du printemps, le vent a tourné. La
récession s’est essoufflée. La crise du crédit
s’est estompée. Les banques ont recommencé à
prêter un peu. Les investisseurs ont repris goût
au risque.
« Il y a eu un changement de perception à la
Bourse, explique M. Dufresne. Les marchés se
sont rendu compte que la Chine continuerait d’ac
heter des r e s s ources naturelles. »
Le prix des matières premières a rebondi, ce qui
a alimenté la poussée de croissance de l’indice
boursier des PME canadiennes, dont la moitié est
composée de sociétés de ressources naturelles.
La fusion de Petro Canada et de Suncor, à la fin
de mars, a été un élément déclencheur, souligne
M. Dufresne. L’une avait un bon bilan, l’autre
de beaux projets. Ensemble, elles ont pu les
mettre sur les rails, ce qui a redonné du tonus
aux petits fournisseurs.
Encore de belles histoires
« L’histoire suggère que les actions des petites
entreprises vont continuer de faire aussi bonne
figure », note Ted Whitehead, gestionnaire de
Les actions profiteront du flot de liquidités
Les investisseurs américains remettent en
marche l’argent qu’ils avaient stationné dans
les fonds de marchés monétaires. Jusqu’ici,
ils ont surtout aiguillé leurs liquidités vers
les fonds d’obligations qui ont attiré 220
milliards depuis le début de l’année. Du
jamais vu! Avec l’embellie de l’économie, ils
devraient maintenant se diriger un peu plus du
côté des actions, estime Stéfane Marion,
économiste et stratège en chef à la Financière
Banque Nationale.
LA RÉCESSION EST « TERMINÉE »- Ben
Bernanke, président de la Réserve fédérale
WASHINGTON
— Le président de la banque centrale américaine (
Fed), Ben Bernanke, estime que la récession
américaine entamée en décembre 2007 est terminée,
un an après le début de la panique financière
provoquée par la faillite de la banque Lehman
Brothers.
PHOTO JIM YOUNG,
REUTERS
Un an jour pour jour après
la faillite de Lehman Brothers, le président de
la Fed, Ben Bernanke, a annoncé la fin «
technique » de la récession.
« D’un point de vue technique, la récession est
très probablement terminée à ce stade », a déclaré
M. Bernanke, lors d’une conférence à la Brookings
I nstitution, cercle de réf lexion réputé de
Washington, un an jour pour jour après le dépôt de
bilan de la banque d’affaires Lehman Brothers.
Cette faillite retentissante est considérée comme
l’élément déclencheu r d’u ne panique financière
qui, bien qu’ayant été contenue grâce à la
mobilisation rapide et sans précédent des pouvoirs
publics, a précipité le plongeon d’une économie
américaine entrée en récession neuf mois plus tôt.
Vu la prudence habituelle de M. Bernanke, sa
déclaration signifie que la récession la plus
longue que les États-Unis aient connue depuis 1945
est effectivement terminée, ainsi que l’avait
laissé transparaître le procès-verbal de la
dernière réunion du Comité de politique monétaire
de la Fed publiées le 9 septembre.
Le président de la Réserve fédérale a répété le
pronostic de la banque centrale, selon lequel la
reprise risque d’être très lente et le chômage de
monter jusqu’à la fin de l’année et pendant une
bonne partie de 2010.
M. Bernanke a v u pa r ailleurs des signes «
encourageants » pour les banques américaines, qui
selon lui sont moins dépendantes des programmes
spéciaux mis en place par son institution face à
la crise.
La tâche de dater la fin de la récession
américaine revient officiellement à un centre de
recherche privé, le Bureau national de la
recherche économique (NBER), mais il y a un
consensus parmi les économistes pour dire que
celle-ci s’est achevée en août.
Le secrétaire au Trésor américain Timothy
Geithner a estimé début septembre que la reprise
avait commencé, très lentement.
Et lundi, le Trésor a posé les bases de la
réduction de soutien au système financier du
pays. Certains de ses programmes mis en place
après ce que l’on commence rétrospectivement à
appeler « la grande panique » de septembre 2008,
sont en train de prendre fin. prolongés au-delà
de la fin de l’année.
Le Comité de pol it ique monétaire de la banque
centrale ( FOMC) doit se réunir les 22 et 23
septembre. Les discussions y tourneront autour
du meilleur moyen de réduire l’aide de la banque
centrale de la façon la plus douce qui soit pour
l’économie, au moment approprié.
Le président a méricain Barack Obama a exclu
lundi un nouveau plan de relance budgétaire
après celui de 787 milliards de dollars
promulgué en février. Mais les autorités
américaines, comme celles des autres pays
avancés ou émergents du G20, considèrent qu’il
est encore beaucoup trop tôt pour que l’État
fédéral abandonne l’économie à son sort.
économique étant au mieux «Il va nous falloir
encore tout juste naissante ». du temps pour
nous en sor
Les programmes de soutien tir », a déclaré M.
Geithner à la liquidité et au crédit mis hier
sur la télévision ABC, en place par la Fed à
coup estimant qu’il n’y avait pas de centaines
de milliards de de remède « immédiat »
perdollars sont toujours en place mettant de
tout régler « vite et et nombre d’entre eux ont
été facilement ».
Politiques de soutien maintenues
Néanmoins, a estimé le Trésor, « il y a toujours
fortement besoin de maintenir certaines
politiques de soutien extraordinaires mises en
place » contre la crise, « la normalisation des
marchés financiers à ce jour n’étant que
partielle et fragile, et la reprise
OBAMA ENTREVOIT LA FIN DES PERTES D’EMPLOIS
Le président américain Barack Obama a
soutenu hier que les pertes d’emplois
avaient « atteint leur niveau le plus bas »,
ajoutant que l ’économie de son pays
semblait recommencer à croître.
Mais il a fait une mise en garde : il ne
faut pas, dit-il, mettre fin à l’aide
gouvernementale « d’une manière trop hâtive,
ce qui empêcherait la reprise de prendre son
envol ».
M. Obama, qui a accordé une entrevue à
Bloomberg News un an après que la faillite
de Lehman Brothers eut affecté l ’économie,
s’est dit confiant que son projet de revoir
les réglementations pour éviter une autre
crise sera approuvé par le Congrès cette
année. Il a promis de tout faire en son
pouvoir pour combattre les efforts de
l’industrie bancaire pour faire échec à sa
proposition de mise sur pied d’un organisme
de surveillance des produits financiers et
il s’en est tenu à sa position pour rendre
la Réserve fédérale américaine (Fed)
responsable de la stabilité du système
financier dans son ensemble.
Le président a fait état d’un certain nombre
de signes indiquant que l’économie
américaine est sur la voie de la guérison, y
compris une hausse des exportations et une
reprise des activités de l’industrie
manufacturière. Les pertes d’emplois
diminuent progressivement, dit-il, ajoutant
que « nous pourrions commencer à observer
une certaine croissance de l ’emploi ».
Depuis le début de la récession aux
ÉtatsUnis en décembre 2007, le pays a perdu
6,9 millions d’emplois.
NEW YORK: ACTIVITÉ EN HAUSSE
WASHINGTON — L’activité industrielle
autour de New York a accentué sa hausse en
septembre après avoir renoué avec la
croissance le mois précédent, selon l’indice
Empire State publié hier. L’indice a gagné
près de 7 points pour s’établir à 18,9 en
septembre, indique la Banque de réserve
fédérale de New York, qui l’établit. Il reste
comme le mois précédent à son plus haut niveau
depuis novembre 2007, le mois ayant précédé
l’entrée des États-Unis dans la récession. La
hausse de l’Empire State est bien plus forte
que ne le pensaient les analystes, qui
attendaient l’indice à 15,0. En septembre,
l’activité industrielle a progressé pour le
deuxième mois de suite, écrit la Fed de New
York, notant que près de 40% des entreprises
sondées estiment que la conjoncture s’est
améliorée, contre 20% d’avis contraire.
LES STOCKS CHUTENT ENCORE
WASHINGTON — Les entreprises aux
États-Unis ont connu en juillet leur onzième
mois consécutif de baisse de leurs stocks, et
ont vu leurs ventes augmenter pour le deuxième
mois de suite, selon des chiffres publiés hier
par le département du Commerce. En données
corrigées des variations saisonnières, mais
sans tenir compte de l’évolution des prix, les
stocks ont baissé de 1,0 % par rapport au mois
précédent, proche des prévisions des analystes
qui tablaient sur -0,9 %. Sur un an, ils sont
en chute de 11,8 %. Les ventes ont en revanche
très légèrement progressé, de 0,1 % par
rapport à juin, mois où elles avaient augmenté
pour la première fois depuis un an. Sur un an,
elles restent en chute de 17,8 %. Les stocks
des entreprises américaines avaient connu au
second semestre une augmentation sans rapport
avec des ventes déprimées par la crise
économique, et l’ajustement de ces deux
mesures était perçu par les économistes comme
un préalable à toute reprise.
USA
: Les consommateurs s’activent
Hausse
plus forte que prévu des ventes au détail
Les ventes au
détail ont fait leur plus gros bond en trois
ans aux États-Unis, le mois dernier,
illustrant ainsi une vigueur i nat t endue de
la demande de consommation qui ne s’est pas
limitée aux achats d’autos encouragés par le
programme gouvernemental de mise à la casse. PHOTO DON EMMERT,
ARCHIVS AFPBonne nouvelle : la
hausse des ventes n’est pas seulement due au
programme de mise à la casse, qui accordait
aux acheteurs des rabais importants
lorsqu’ils rapportaient leur vieille voiture
pour s’en procurer une neuve.
Le bond de 2,7 % des
ventes au détail a été supérieur aux
estimations des économistes et il faisait
suite à une baisse de 0,2 % en juillet, a
précisé hier le département américain du
Commerce. Les achats excluant les automobiles
ont grimpé de 1,1 %, soit davantage que les
estimations les plus optimistes.
Les titres du Trésor ont
écopé tandis que les résultats dévoilés par le
départ ement du Commerce ont dissipé les
inquiétudes des investisseurs qui craignaient
que les consommateurs ne fassent qu’une
contribution limitée à la reprise. Selon un
tel scénario, l’économie demeurerait
dépendante des dépenses gouvernementales un an
après l’effondrement de Lehman Brothers.
Morgan Stanley figurait hier parmi les banques
et les firmes de placement qui ont revu leurs
prévisions à la hausse concernant la
croissance économique au troisième trimestre.
Vraie reprise de la consommation
« Ce qu’il y a de plus
remarquable, c’est que la hausse n’est pas
attribuable uniquement au programme de mise à
la casse », soutient Robert Stein, économiste
principal de First Trust Advisors, à Lisle, en
Illinois. « La consommation reprend et
l’économie américaine se redresse »,
ajoute-t-il.
D’autres rapports
publiés hier précisent que les manufacturiers
vont aider l’économie américaine à s’extirper
du pire ralentissement depuis les années 30.
C’est que les manufacturiers augmentent leur
production à la suite de la baisse record des
stocks au cours de la première moitié de 2009.
Selon la prévision
médiane de 73 économistes sondés par
Bloomberg, on estimait que les ventes au
détail allaient progresser de 1,9 % en août
après une baisse initialement divulguée de 0,1
% en juillet. Les prévisions oscillaient entre
0,8 % et 3,8 %. Le gain du mois dernier est le
plus considérable depuis janvier 2006.
En excluant les
automobiles, l’augmentation des ventes fut la
plus forte en six mois.
Le programme de mise à la casse
de vieilles voitures a donné lieu à près de
700 000 achats de véhicules neufs.
Prudence
En dépit des bonnes
nouvelles annoncées hier, Ben Bernanke, le
président de la Réserve fédérale américaine (
Fed), a indiqué qu’il fallait faire preuve de
prudence. « Bien qu’à proprement parler la
récession est probablement terminée en ce
moment, ditil, il semble que l’économie sera
encore très faible pendant encore un moment. »
Pour leur part, les
économistes ont souligné que la stagnation des
salaires et la perte de richesse résultant de
la baisse des prix des maisons restreindront
probablement les dépenses de consommation au
cours des mois à venir.
Avec la montée attendue
du chômage pendant plusieurs mois encore,
nombre d’économistes s’attendent à ce que la
consommation reste faible un certain temps.
Élément de preuve
Mais pour l ’économiste
M. Joel Naroff, les chiffres publiés hier par
le ministère du Commerce « fournissent un
premier élément de preuve » que la reprise
véritable de l’économie américaine sera
emmenée plus par les ménages que par des
entreprises.
Plus prudent, Ian
Shepherdson, du cabinet HFE, estime que si les
ventes de détail d’août sont une nouvelle
bienvenue. Mais il faut encore attendre « pour
voir si cela sera durable ». Les contraintes
liées aux revenus des ménages et à la
difficulté à trouver des crédits restent «
intenses » dit-il.
Selon les derniers
chiffres disponibles, le crédit à la
consommation aux ÉtatsUnis, qui assure une
bonne part des dépenses des ménages, a baissé
en juillet pour le sixième mois consécutif, à
un rythme jamais vu depuis 1975.
La revente de maisons en forte
hausse
OTTAWA — Le marché canadien de
la revente de maisons a affiché en août une
hausse de 18,5 % par rapport à l’an dernier,
selon les statistiques du système i
nteragence de l’Association canadienne de
l’immeuble (ACI), atteignant ainsi son plus
haut niveau en deux ans.
Au total, 42 483
maisons ont changé de propriétaire e n a oût
der n i e r , c e qui représente malgré tout
une baisse de 6,6 % par rapport aux chiffres
records du mois d’août 2007, a précisé mardi
l’ACI.
La revente de maisons
a grimpé de plus de 15 % sur une base
annuelle au cours des trois derniers mois.
Le prix moyen des
maisons pour l’ensemble du pays a grimpé de
11,3 % par rapport à l’an dernier, pour
atteindre 324 779$, un record pour le mois
d’août, habituellement plus tranquille.
En outre, le nombre de
nouvelles inscriptions de maisons à vendre
sur le système interagence de l’ACI a reculé
pour le huitième mois d’affilée par rapport
à l’an dernier, pour se chiffrer à 64 167,
son plus faible niveau en cinq ans.
Revente
L’ACI a principalement
attribué l’augmentation de l’activité de
revente à l’échelle nationale aux gains
annuels enregistrés dans les marchés
résidentiels de Vancouver ( 1 17 %) ,
Toronto ( 2 %) , Calgary (17 %) et Montréal
(9%).
Les ventes
résidentielles désaisonnalisées ont fait du
surplace à l’échelle nationale, à 42 426
logements. L’activité désaisonnalisée
enregistrée en Alberta et au Québec a chuté,
ce qui a contrebalancé les gains répertoriés
en Colombie-Britannique.
Les ventes
désaisonnalisées demeurent toujours environ
61 % supérieures à leur plus bas niveau
historique en dix ans, atteint en janvier
dernier.
Selon le président de
l’ACI, Dale Ripplinger, les t aux d’intérêt
favorables et le prix abordable des maisons
attirent les acheteurs, tandis que la
confiance des consommateurs semble continuer
de s’améliorer, ce qui augure bien pour les
mois à venir.
Les PME renouent avec l’optimisme
- RUDY LECOURS
Après avoir eu le moral dans les talons, la PME
québécoise est de moins en moins rongée
d’inquiétude.
Près de neuf petits entrepreneurs sur 10 voient
l’avenir à court terme des PME, et de la leur en
particulier, avec un certain optimisme, selon
les résultats d’un sondage mené par Léger
marketing pour le compte du Fonds de solidarité
FTQ.
Près d’un sur deux se dit même prêt à embaucher
au cours des 12 prochains mois tandis que deux
sur cinq entendent conserver leurs effectifs.
Enfin, une majorité confortable caresse des
projets d’investissements.
Ces données combinées poussent l’Indice de
confiance PME-Fonds de solidarité FTQ à 56 ce
mois-ci, soit un point de plus qu’en juin, mais
sept de mieux qu’en avril, au lendemain du pire
trimestre de décroissance de l’économie
canadienne en 50 ans.
«
Je me serais attendu à un indice un peu plus
élevé, admet Yvon Bolduc, président directeur
général du Fonds. On entend dire que la reprise
est fragile, mais les entrepreneurs voient
l’avenir avec un peu plus d’optimisme. Une
grande partie du succès de l’économie repose sur
la confiance. »
L’inquiétude s’estompe
Selon les sondeurs, quand l’indice se situe
entre 41 et 60 il « traduit un certain degré
d’inquiétude alors que de 61 à 80, il reflète
une confiance mitigée ». À 56, l’inquiétude
n’est pas disparue, mais elle est en voie de
s’estomper.
La consultation web, menée auprès de 200 PME
québécoises entre les 27 août et 8 septembre,
fait ressortir aussi que le recrutement de la
main-d’oeuvre est désormais la préoccupation la
plus partagée par les chefs de petites et
moyennes entreprises.
Elle est suivie par les coûts d’exploitation et
par l’accès et les coûts du financement. La
majorité des répondants croit cependant que
l’accès au crédit sera dans 12 mois aussi facile
ou plus facile qu’aujourd’hui.
Viennent
ensuite dans la liste des préoccupations, mais
à des degrés bien moindres, la concurrence des
pays émergents, le protectionnisme américain
et le coût des matières premières.
La Presse et Cyberpresse.ca se sont associés
au sondage pour vérifier quelques enjeux
particuliers.
On comprend mieux les tergiversations entre
inquiétude et optimisme quand les répondants
évaluent le début de la reprise. Près d’un sur
trois ne la voit qu’au printemps alors qu’un
sur cinq la perçoit, soit cet automne, soit
cet hiver.
La
majorité des économistes estiment plutôt
qu’elle est déjà en cours. Malgré la virulence
de la récession, seulement 6% des chefs de PME
redoutent la faillite. En juin, c’était 9%. La
crise n’a d’ailleurs que marginalement incité
quelques propriétaires à mettre leur PME en
vente.
Il appert enfin que seulement 30 % des
répondants considèrent la montée récente du
dollar canadien comme un désavantage. La
proportion monte cependant à près d’un
répondant sur deux parmi ceux dont le chiffre
d’affaires dépasse les 50 millions.
En revanche, près de la moitié des entreprises
oeuvrant dans le commerce de détail y voient
plutôt un avantage, puisque leur pouvoir
d’acheter des biens importés augmente.
Des 200 entreprises répondantes, la moitié
provenait de la région métropolitaine ; plus
de quatre sur cinq étaient f r a ncophones et
les t r ois quarts oeuvrent dans le secteur
des services.
L’économie mondiale de nouveau sur pied
- RUDY LECOURS
En un an, l’économie mondiale aura fait un tour
complet sur elle-même.
Le 15 septembre 2008, la faillite de Lehman
Brothers précipitait l’Occident dans la pire
crise financière des 70 dernières années, au
point où les Cassandre n’étaient pas rares à
annoncer que l’économie mondialisée allait
connaître une autre Grande Dépression.
Aujourd’hui, force est de constater que la
reprise qui s’installe depuis plusieurs semaines
déjà surprend par sa vigueur et paraît
susceptible de s’étendre longtemps.
L’indicateur économique avancé de l’OCDE a bondi
de 1,4 % en juillet. Il s’agit du gain mensuel
le plus élevé en 34 ans. « Le taux de changement
des six derniers mois pointe en territoire
positif pour la première fois depuis 2007, note
Stéfane Marion, économiste en chef à la
Financière Banque Nationale. Une croissance
économique mondiale au-dessus de la tendance
d’ici le début de 2010 devient une très forte
possibilité. »
« Nous sommes au début d’un nouveau cycle
d’expansion mondiale qui durera plusieurs années
», affirme pour sa part Maurice N. Marchon,
professeur titulaire à l’Institut d’économie
appliquée de HEC Montréal dans la 21e présent
ation de ses Perspectives économiques
nord-américaines dans un contexte international.
Le scénario de reprise économique mondiale que
nous anticipons devrait toutefois être inférieur
à la norme puisque plusieurs économies
affrontent d’importants contre-courants. »
M. Marchon prévoit donc une croissance de 2,3 %
des économies c a nadienne et américaine l’an
prochain, soit moins que ce à quoi on est en
droit de s’attendre dans la phase initiale d’une
reprise qui consiste à rattraper le terrain
perdu avant d’entrer à nouveau en expansion.
La Banque optimiste
Cette prudence n’est cependant pas partagée par
la Ba nque du Canada , qui annonçait jeudi
revoir à la hausse son scénario économique. « La
progression du PIB pourrait être plus vigoureuse
pendant le deuxième semestre de 2009 que la
Banque ne l’entrevoyait en juillet »,
expliquait-elle dans le communiqué annonçant la
reconduction de son taux directeur à son minimum
de 0,25%. La Banque estimait alors à 1,3 % et
3,0 % la croissance économique annualisée aux
troisième et quatrième trimestres.
Depuis,
les signes de reprise se multiplient. « Beaucoup
d’indices économiques épousent la forme d’un V:
citons les conditions financières mondiales, les
indices des intentions d’achat des
manufacturiers et le marché immobilier canadien,
renchérit Douglas Porter, économiste en chef
adjoint chez BMO Marchés des capitaux.
L’économie mondiale s’est redressée plus tôt et
plus vite que la plupart n’auraient osé prédire
au plus fort de la tourmente plus tôt cette
année. »
Plusieurs craignent toutefois le feu de paille,
en particulier ceux qui attribuent encore au
consommateur américain le rôle de locomotive de
l’économie mondiale. Celui-ci doit cette fois-ci
soigner son bilan financier très malmené à la
fois par l’effondrement des marchés immobilier
et boursier, sans compter que la récession a
fait perdre son emploi à 6,9 millions
d’Américains jusqu’ici.
« Les actifs des ménages américains ont subi des
pertes de valeurs de 4327 milliards pour les
résidences et de 8652 milliards pour les actifs
financiers entre le premier trimestre de 2007 et
le premier trimestre de 2009. Cela incite les
ménages américains à augmenter leur taux
d’épargne », écrit M. Marchon.
Ces pertes équivalent grosso modo à 10 fois la
valeur des biens et services produits au Canada
en un an (PIB annuel). Depuis, la moitié des
pertes boursières ont cependant été effacées
chez les investisseurs qui ont eu la sagesse de
ne pas vendre au creux du marché baissier.
Le rôle du BRIC
Ce qui distingue la présente reprise des autres,
c’est aussi le rôle déterminant que joueront le
Brésil, la Russie, l’Inde et surtout la Chine,
les quatre nationaux du bloc BRIC des puissances
économiques émergentes.
« La contribution des BRIC à l’augmentation du
PIB mondial serait de 46,4% estimé à la parité
du pouvoir d’achat, même s’ils ne représentaient
que 22,2% du PIB mondial en 2008 », note M.
Marchon.
Les exportateurs qui tireront partie de cette
croissance profiteront de cette vigueur. Le
Canada pourrait être du nombre, lui qui regorge
de ressources naturel les. En outre, son
expertise en matière d’infrastructures pourra
lui permettre de vendre ses services, ce qui
jusqu’ici reste un point faible de notre
commerce extérieur.
Alors, 2,3 % de croissance, est-ce un optimisme
t rop prudent?
GRUES ET ACHETEURS AU RENDEZ-VOUS
- Maxime Bergeron
MAXIME BERGERON La reprise du marché immobilier
s’est encore confirmée en août avec un rebond
des mises en chantier partout au pays et, dans
notre propre cour, une nouvelle hausse de la
revente de maisons.
Source : Chambre immobilière du
Grand Montréal
Le nombre de t ra nsactions a grimpé de 9% dans
la région métropolitaine par rapport à août
2008, selon les données publiées hier par la
Chambre immobilière du Grand Montréal (CIGM). Le
prix médian des unifamiliales a gagné 6%, à 238
000$, et celui des copropriétés, 3%, à 198 646$.
« C’est la poursuite d’un marché rempli de
vigueur, qui est en croissance depuis le mois de
mai », a indiqué à La Presse Affaires Michel
Beauséjour, chef de la direction de la CIGM.
Les transactions sont en progression dans toutes
les régions de la métropole, mais certains
secteurs ont affiché une croissance carrément
surprenante. La revente de copropriétés a ainsi
explosé de 106 % dans Côte-desNeiges/
NDG/Côte-Saint-Luc, de 91% dans Saint-Laurent/
Ahuntsic, de 64 % à Laval et de 35 % dans
RosemontLa Petite-Patrie/ Villeray, a-t-on
appris.
Pourquoi
une telle ruée sur les condos en août ? « C’est
assez difficile à expliquer, si ce n’est qu’il y
a beaucoup plus de premiers acheteurs sur le
marché, et qu’ils achètent davantage des condos
que des maisons » , a fa it valoir M.
Beauséjour.
PHOTO MIKE CASSESE, ARCHIVES
REUTERS
On note une ruée sur les
condos en août, qui pourrait s’expliquer par
le fait qu’il y a beaucoup plus de premiers
acheteurs sur le marché, et qu’ils achètent
davantage des condos que des maisons.
Les taux d’intérêt historiquement bas, tout
comme la possibilité de retirer 25 000 $ de son
REER pour faire une mise de fonds plutôt que 2 0
0 0 0 $ auparavant , ont rendu l’achat d’une
résidence plus aisé, a-t-il noté.
Cet t e f a c i l i t é a c c r ue à pénétrer le
marché immobilier s’observe à la grandeur du
Québec, selon un rapport publié hier par RBC. «
L’indice d’accessibilité » utilisé par la banque
– qui mesure l a proport i on du revenu avant
impôts consac r é e au l ogement – s ’ e s t
amélioré au deuxième t rimestre, en bonne pa r t
i e grâce à la baisse des taux hypothécaires.
Au Québec , l ’ i ndice a r ec ulé à 32 , 4 %
pour un bungalow, 27,7 % pour une maison en
rangée, 27,2 % pour un appar t ement en
copropriété et à 38,7 % pour une maison à deux
étages. Un écart favorable de 0,4 % à 0,7 %
selon les catégories.
Cette amélioration « a incité davantage
d’acheteurs à intégrer le marché » au Québec, a
souligné Robert Hogue, économiste principal à
RBC, dans un rapport. Mais l’accessibilité
demeure – et demeurera – moins grande dans la
métropole, a-t-il ajouté.
En fa it , l e marché e s t redevenu « équilibré
» dans la plupart des secteurs du Grand
Montréal, après avoir favorisé les acheteurs
pendant le creux d’octobre à mai dernier, a i
ndiqué hier la CIGM. On compte ainsi de huit à
10 propriétés à vendre pour chaque acquéreur
potentiel, ce qui donne lieu à de saines
négociations plutôt qu’à des baisses
draconiennes de prix.
Le resserrement devrait s ’accentuer en faveur
des vendeu r s , s e l o n Mi c hel Beauséjour.
« Les nouvelles inscriptions ont baissé : moins
il y a de stocks, plus i l y a de pressions sur
la demande. »
Construction
Par ailleurs, l a Société canadienne
d’hypothèques et de logement ( SCHL) a publié
hier des données sur les mises en chantier du
mois d’août réjouissantes pour les économistes,
eux qui avaient été pris de court par la baisse
marquée de juillet.
Selon la SCHL, le nombre désaisonnalisé a
nnualisé de mises en chantier – des chiffres
mensuels corrigés des variations saisonnières et
multipliés par 12 afin de refléter le rythme
d’activité sur un an – a atteint 154 400 en août
au Canada, nettement plus que les 134 200 du
mois précédent.
Au Québec, l e nombre de fondations coulées est
demeuré à peu près stable, à 47 200 (un gain de
1000), tandis qu’il a grimpé de 47 % en
Colombie-Britannique, à 19 200 unités, et de 13
% en Ontario, à 44 200. Une excellente nouvelle
pour l’économie canadienne dans son ensemble, a
fait valoir Benoît Durocher, économiste
principal chez Desjardins.
« Le retour imminent d’une tendance haussière au
sein de la construction résidentielle, combiné à
l a hausse des dépenses de rénovation, fera que
l’investissement résidentiel contribuera
positivement à la croissance économique au cours
des prochains trimestres », a-t-il indiqué dans
un rapport.
Si l’embellie se poursuit qu’à la fin de 2009,
le nombre de mises en c hantier pourrait gri
mper j usqu’à 160 000 au Canada, selon
l’économiste Pascal Gauthier, de la Banque TD.
WASHINGTON L’économie a
continué de se stabiliser en août
WASHINGTON — L’activité économique aux
États-Unis a continué de se stabiliser au mois
d’août, selon le livre beige publié hier par la
Réserve fédérale (Fed), la banque centrale
américaine.
Les données collectées par les 12 annexes
régionales de la Fed « mont rent que l’activité
économique a continué de se stabiliser en
juillet et août », peut-on lire dans ce rapport
de conjoncture devant servir de base aux
discussions du Comité de politique monétaire (
FOMC) de la banque centrale lors de sa réunion
prévue pour les 22 et 23 septembre.
Le livre beige publié hier a été préparé sur la
base des informations transmises par les
différentes branches régionales de la Fed entre
le 20 juillet (date de la fin de la collecte
pour le rapport précédent) et le 31 août.
En notant que les données économiques « montrent
» que l’activité se stabilise, le livre beige
est un peu plus optimiste que le FOMC dans le
communiqué final rendant compte de sa dernière
réunion (les 11 et 12 août). Celui-ci estimait
alors que les informations disponibles «
laissaient penser que l’activité économique
était en train de se stabiliser ».
Les minutes de cette r éunion publiées le 2
septembre ont montré néanmoins que les
dirigeants de la Fed estimaient alors que la
récession était en bout de course en août mais
que l’économie américaine restait « encore
vulnérable aux chocs ».
Préparé par les services de la Fed d’Atlanta, le
livre beige publié hier n’est pas destiné à
refléter l’avis des dirigeants de la banque
centrale. Ses auteurs notent que dans la plupart
des régions, « les perspectives d’activité » des
entreprises sondées par la Fed « restaient
prudemment optimistes ».
Concernant
les ventes de détail, qui donnent généralement
une idée de la consommation des ménages,
locomotive traditionnelle de l’économie
américaine, le livre beige indique qu’elles sont
restées « stables » dans la plupart des régions,
malgré le coup de pouce de la « prime à la casse
» à l’automobile.
Le marché de l ’ i mmobi l ier de logement a
connu « quelques amél iorations » dans « la
plupart des régions », même si les prix
restaient en majorité orientés à la baisse,
ajoute le livre beige.
En revanche, la demande d’espaces dans
l’immobilier commercial, secteur qui inquiète
les dirigeants de la Fed, semble rester « faible
», indique le document.
Le rapport relève également que « la demande de
prêts a été décrite comme faible » et que les
conditions d’obtention d’un crédit restaient
difficiles dans la plupart des régions.
« La conjoncture du marché de l’emploi est
restée médiocre » dans la majeure partie du
pays, même si une « petite hausse de la demande
de travailleurs temporaires » a été observée par
8 des 12 branches régionales de la Fed.
La plupart d’entre elles, ajoute le rapport, ont
fait mention « d’améliorations de la production
industrielle ». La Fed de San Francisco,
notamment, « a indiqué que les commandes
nouvelles avaient augmenté pour les fabricants
de semi-conducteurs et d’autres produits liés
aux technologies de l’information ».
Les entreprises sont reparties à la
chasse - René Lewandowski
Après 18 mois de calme, le marché des fusions et
acquisitions semble tranquillement reprendre au
Canada. Facile à savoir, les avocats sont de
nouveau occupés ! Et le portrait est
sensiblement le même ailleurs dans le monde.
Kraft Foods qui veut avaler Cadbury, le rachat
de Marvel Enter t a i n ment pa r Walt Disney
annoncé, eBay qui vend sa participation
majoritaire dans Skype… Si les deux dernières
années ont été particulièrement amorphes en
matière de fusions et acquisitions, l’arrivée de
l’automne 2009 semble i ndiquer une reprise des
transactions.
PHOTO CLARO CORTES, ARCHIVES
REUTERS
Pour l’instant, ce sont surtout les gigantesques
transactions internationales qui ont fait les
manchettes, mais aucun doute, l’activité en
fusionsacquisitions a également repris du poil
de la bête au Canada après 18 mois
d’hibernation.
« Nos clients recommencent à examiner des
projets d’acquisition », dit l’avocat Francis
Legault, associé chez Ogilvy Renault, à
Montréal. En fait, souligne ce spécialiste en
fusions et acquisitions, le nombre de projets
présentement à l’étude chez Ogilvy Renault a
doublé depuis un mois.
« Ça bouge, l es c l i ents reprennent confiance
», renchérit l’avocat Peter Mendell, associé
senior chez Davies Ward Phillips & Vineberg,
à Montréal. Il explique que plusieurs clients
qui étaient encore en attente il y a quelques
semaines à peine envisagent désormais de
reprendre leur partie de chasse, en congé durant
la crise. Traduction: ils veulent faire des
acquisitions.
Deux facteurs sont à l’origine de ce regain
d’optimisme : le retour du financement et les
prix des entreprises cibles, en forte baisse par
rapport à leur sommet de 2007.
Paralysé durant des mois, il semble que le
marché du crédit se soit refait une santé. Les
banques américaines, qui avaient durant la crise
coupé net les prêts qui financent ce t ype
d’opérations, sont aujourd’hui beaucoup plus
ouvertes. Or, explique Francis Legault, si les
banques américaines disent oui, les banques
canadiennes vont suivre.
L’offre de Kraft sur Cadbury en est un bel
exemple, souligne Peter Mendell. « L’an dernier,
je ne suis pas certain que Kraft aurait obtenu
le financement pour cette transaction », dit-il.
John Godber, chef national du groupe droit des
affaires chez Borden Ladner Gervais (BLG),
souligne lui aussi que les banques sont plus
ouvertes que l’an dernier. « Mais tout de même
moins qu’en 2007 », précise-t-il. Il explique
qu’au plus fort du boom, les institutions
financières pouvaient financer jusqu’à 70% du
prix d’une transaction, et parfois plus. «
Aujourd’hui, c’est 60% maximum », dit-il.
Si les acheteurs sont de nouveau en mode
emplettes, c’est aussi parce qu’ils veulent
profiter des aubaines. Les multiples – et donc
les prix – ont considérablement baissé depuis
2007, et certains y voient l’occasion de
distancer leurs concurrents. « Ils veulent être
les premiers sur le coup! » dit Peter Mendell.
Stabilité des marchés
Évidemment, le rebond boursier des derniers mois
n’est pas étranger à cet élan d’optimisme. En
fait, c’est moins la hausse qui rassure les
acheteurs que la stabilité des marchés. « Des
marchés boursiers plus stables, ça veut dire
davantage de certitude sur les prix d’achat »,
explique l’avocat Warren Katz, nouveau
coprésident du groupe de fusions et acquisitions
chez Osler, à Montréal.
Sans surprise, au Canada, c’est encore le
secteur des ressources qui attire le plus
d’acheteurs. Les Chinois ont soif de pétrole et
d’énergie et ne manqueront pas de miser gros
dans les prochains mois. Mais étonnamment, à peu
près tous les secteurs semblent soudainement
devenus attirants. Autant le domaine
manufacturier, désuet aux yeux de plusieurs, que
la haute technologie, trop risquée pour
d’autres, attirent les acquéreurs potentiels aux
poches profondes.
Même les banques ne sont pas à l’abri d’une
transaction. En j uin dernier, Davies a
représenté la banque chinoise Industrial and
Commercial Bank of China (ICBC), la plus grande
banque du monde (en termes de capitalisation
boursière), lors de son acquisition des
opérations canadiennes de la Bank of East Asia,
une petite transaction de 73 millions de dollars
US.
Chose certaine, même si l’activité semble
reprendre, il ne faut sans doute pas espérer un
redémarrage en f lèche. Aux États-Unis, la
valeur des fusions-acquisitions depuis janvier
sont de 40 % i nférieurs aux sommes atteintes
sur les huit premiers mois de 2008.
Et ce que l ’on constate par ailleurs, notamment
au Canada, c’est que les mont a nts des t ra
nsactions en cours sont bien moins élevés que
par le passé. Dans les grands bureaux d’avocats
de Montréal, les professionnels planchent sur
des transactions variant de 10 à 100 millions de
dollars, quelques fois plus, mais très rarement.
On est loin des 52 milliards lors de la vente
avortée de BCE…
Des projets de fusion mis sur la glace lors de la
crise du crédit revoient le jour
Poussée de confiance
L’offre de Kraft Foods de 10,2 milliards de
livres anglaises ( 18 milliards CAN) pour
Cadbury pourrait être un signe que le marché
européen des rachats pourrait commencer à
s’animer après le mois d’août le plus
tranquille en cinq ans. EBay a accepté de
vendre 65% de sa division Skype.
Kraft, le fabricant des biscuits Oreo, a
indiqué hier qu’il poursuivra ses efforts
d’acquisition du fabricant britannique des
barres de chocolat Dairy Milk après que ce
dernier eut rejeté son offre. Il se peut que
la proposition de 745 pence l’action entraîne
des offres concurrentes de Nestlé et de
Hershey, ce qui obligerait Kraft à bonifier
son offre, selon Warren Ackerman, analyste de
Evolution Securities, à Londres.
L’acquisition serait la plus importante
transaction outre frontière cette année et
elle ferait suite à des rachats européens de
21 milliards US annoncés en août, selon des
données compilées par Bloomberg.
Des entreprises revoient leurs projets de
fusion qui avaient été mis sur la glace au
cours de la crise du crédit alors que se
manifestent des signes que la récession est
peut-être en train de se résorber. L’indice
mondial MSCI a bondi de 58% depuis le creux de
14 ans atteint en mars dernier, ce qui
facilite la tâche des firmes qui souhaitent
financer un rachat par des actions.
« Étant donné que les prix des actions ont
grimpé, la confiance s’accroît envers le
secteur des entreprises et des fusions au sein
d’une même i ndustrie sont probables », avance
Peter Hahn, un ancien directeur de Citigroup
Inc. qui est devenu maître de conférences au
Cass Business School, à Londres.
Deutsche
Telekom, plus importante compagnie de
téléphonie de la région, et France Telecom
projettent de fusionner leur division
britannique de téléphonie mobile pour créer la
première compagnie de téléphonie cellulaire au
Royaume-Uni, ont annoncé les deux sociétés
hier. Pour leur part, les investisseurs de
Zain, première compagnie de téléphone au
Koweït, s’apprêtent à vendre une participation
de 46% au prix de près de 14 milliards US, a
précisé National I nvestments Co., qui fournit
ses conseils aux vendeurs.
Les entreprises de partout dans le monde ont
effectué des rachats pour un montant de 36
milliards US au cours des 10 derniers jours,
d’après des données de Bloomberg.
Le 31 août dernier, Walt Disney Co. a c
onsenti à mettre la main sur Marvel
Entertainment, le créateur de magazines de
bandes dessinées au prix d’environ 4 milliards
US. Le même jour, Baker Hughes Inc. a fait
l’acquisition de BJ Services Co. au prix de
5,5 milliards US, ce qui constitue le plus
important rachat d’une compagnie de services
pour gisements pétrolifères depuis 1998.
Le lendemain, EBay Inc. acceptait de vendre 65
% de sa division Skype (appels sur Internet) à
un groupe ayant à sa tête la firme Silver Lake
contre environ 2 milliards US.
Les fusions et acquisitions ont chuté de 42%
aux ÉtatsUnis au cours de la première moitié
de l’année, de 50 % en Asie et de près de 60%
en Europe.
Le marché du travail se stabilise au
Canada - RUDY LECOURS
Autre indice que la reprise s’enracine cet été,
le secteur privé s’est remis à embaucher en août
pour la première fois en 11 mois.
Dans l ’ensemble, cela a donné 27 100 emplois de
plus d’un océan à l’autre, dont 8300 au Québec,
selon les données de l’Enquête sur la population
active de Statistique Canada. La majorité des
experts s’attendaient à une perte de 10 000 à 15
000 emplois.
Le secteur public et la cohorte des travailleurs
autonomes ont réduit leurs effectifs alors que
les entreprises ont gonflé les leurs de 49 200
personnes, bien qu’on leur ait offert avant tout
du travail à temps partiel. Il s’agit de la plus
forte hausse d’emplois privés depuis janvier
2008, soit bien avant que le marché du travail
canadien décroche en octobre dernier.
Si les entreprises agissent de la sorte, c’est
un « signe qu’une reprise économique est en
cours au Canada », estime Yanick Desnoyers,
économiste en chef adjoint à la Financière
Banque Nationale.
Cela n’a pas empêché le taux de chômage de
progresser d’un cran au Canada à hauteur de 8,7
% et au Québec à 9,1 %. Le nombre de personnes à
la recherche active de travail a augmenté
davantage que celui des nouveaux emplois.
À l ’échelle canadienne, 8,7 % marque un sommet
du taux de demandeurs d’emploi au cours du
présent cycle. Il pourrait grimper encore
quelques mois et franchir la barre des 9 %. « Si
du travail à temps partiel vaut mieux que pas de
travail du tout, c ’est plus facile pour les
entreprises de mettre à pied des temps partiels
», souligne Jimmy Jean, économiste chez Moody’s
Economy.com. Il note la nouvelle perte de 3500
emplois à temps plein le mois dernier. Parler
d’un vrai redressement du marché du travail
suppose à ses yeux trois mois d’affilée de
création d’emplois, à majorité à temps plein. En
juillet, le Canada en avait perdu 44 500.
Depuis le sommet du marché du t ravail en
octobre, l ’ économie c a nadienne a détruit 387
300 emplois, soit 2,3 % de son effectif.
Ce
chiffre reste en deçà de la réalité, car il
s’est créé du travail à temps partiel alors que
des débrouillards sont devenus travailleurs
autonomes.
Mieux qu’en 1990-1992
Le nombre d’emplois à temps plein perdus se
situe plutôt à 486 000, ou 2,9 % du total. C’est
beaucoup, mais les dommages causés par cette
récession sont bien moins grands que durant les
épisodes de décroissance de 19901992 et de
1980-1982.
Ils restent surtout moins sérieux qu’aux
États-Unis où les 216 000 emplois perdus en août
portent à 6,9 millions les pertes durant la
Grande Récession, soit 5,0 % du total.
Aux États-Unis, le taux de chômage s’élève
maintenant à 9,7 %, un sommet depuis 1983. Si on
emprunte la méthodologie américaine pour mesurer
le taux de demandeurs d’emploi (à partir de 16
ans plutôt que de 15 de ce côté-ci de la
frontière), notre taux se situerait plutôt à 7,9
% plutôt qu’à 8,7 %.
Il serait fort étonnant que le marché du travail
canadien se détériore au niveau des deux
récessions de 1990-1992 et de 1981-1982. Le taux
de chômage est alors monté jusqu’à 12,1 % et
13,0 % au Canada et jusqu’à 14 % et 15 % au
Québec.
Les employeurs ont pourtant montré jusqu’ici
beaucoup de détermination à protéger leurs
bénéfices, ce qui explique que les pertes
d’emploi ont été brutales durant les cinq
premiers mois de la récession (novembre à mars)
avec une suppression mensuelle moyenne de 71 000
postes contre 31 000 en moyenne depuis avril.
Toutefois, les travailleurs qualifiés sont cette
fois-ci beaucoup plus rares. Les babyboomers qui
atteignent l’âge de la retraite sont plus
nombreux que les jeunes qui arrivent sur le
marché du travail. Beaucoup d’employeurs
préfèrent donc réduire le nombre d’heures de
leurs employés les plus qualifiés plutôt que de
les mettre à pied. Voilà sans doute pourquoi on
assiste à la création d’emplois à temps partiel
en même temps qu’à la destruction de postes à
temps plein.
D’autres incitent même des préretraités à
reprendre du service. Depuis janvier, on compte
95 000 personnes de plus parmi les 55 ans et
plus à détenir un emploi.
Le Québec est fait face à un défi démographique
plus grand encore que la plupart des autres
provinces. « Dans certains secteurs comme les
mines ou la forêt, la moyenne d’âge est de plus
de 50 ans, note Joëlle Noreau, économiste
principale chez Desjardins. Le Québec pourrait
éprouver des difficultés à recruter la
maind’oeuvre dont il aura besoin pour combler
les emplois, situation qu’il rencontrait déjà
dans quelques secteurs avant la récession. »
Québec a donc mis en place le Programme de
soutien aux entreprises à risque de
ralentissement économique. Jusqu’ici , i l aura
permis de protéger jusqu’à 17 400 emplois, selon
le ministère de l’Emploi et de la Sécurité
sociale.
Les licenciements baissent aux É.-U...
... mais le chômage repart de plus belle
WASHINGTON — Les destructions d’emplois aux
États-Unis ont continué de ralentir en août,
mais restent encore très élevées et touchent
la quasitotalité des secteurs de l’économie,
signe qu’il faudra plus qu’un début d’embellie
avant que le chômage ne cesse de monter.
Selon les chiffres corrigés des variations
saisonnières publiés hier par le département
du Travail, la première économie mondiale a
supprimé 216 000 emplois nets, contre 276 000
en juillet.
La baisse des l i cenciements est plus forte
que ne le pensaient les analystes, qui
tablaient sur 230 000 suppressions d’emplois
en août.
Elle n’a pas empêché le taux de chômage, qui
avait baissé contre toute attente en juillet,
de bondir de 0,3 point, à 9,7 %, son plus haut
niveau depuis juin 2003.
Christina Romer, conseillère économique du
président américain Barack Obama, a estimé sur
la chaîne CNBC que les chiffres d’août étaient
toujours « très mauvais », mais que les
États-Unis allaient « dans la bonne direction
».
De fait, à part un sursaut en juin, les
destructions d’emplois n’ont cessé de freiner
depuis janvier, et celles d’août ont été les
plus faibles depuis un an.
Néanmoins, à part la santé et l’éducation,
tous les secteurs de l’économie ont été
destructeurs nets d’emplois en août. À cause
des difficultés de la poste, même l’État
fédéral a licencié 5000 personnes malgré ses
efforts de relance.
« Le marché du t r avail reste un défi de
taille », a reconnu devant l a presse Alan
Krueger, sous-secrétaire adjoint au Trésor
chargé de la politique économique, j ugeant
que des c h i f f r es « moins mauvais » ne
seraient jamais « assez bons ».
L’industrie
a continué de payer un lourd tribut à la crise
: les suppressions de postes y ont augmenté
(136 000 en août). À l ’ i nverse, les
licenciements ont diminué de près de moitié (à
80 000) dans le secteur tertiaire, qui
représente environ 85% de la main-d’oeuvre
employée du pays.
Selon le ministère, les ÉtatsUnis ont perdu
6,9 millions d’emplois depuis le début de la
récession en décembre 2007, et le taux de
chômage a augmenté de 4,8 points.
Fragile reprise
De l’avis général des économistes et des
responsables de la politique économique et
monétaire du pays, les effets de la crise
devraient se faire sentir encore longtemps
étant donné la fragilité de la reprise, dont
le secrétaire au Trésor, Timothy Geithner, a
dit mercredi avoir vu « les premiers signes ».
Les dirigeants de la banque centrale ( Fed)
sont ouvertement très inquiets de la situation
du marché de l’emploi, même s’ils semblent
considérer que la récession vit ses derniers
spasmes.
La Fed prévoit que le taux de chômage puisse
atteindre 10,1 % à la fin de décembre et qu’il
continue de monter encore pendant une bonne
partie de 2010.
La montée du nombre de chômeurs de longue
durée i nquiète particul ièrement les
autorités. La Fed estime qu’elle pourrait
entraîner une « perte de savoir-faire » aux
sérieuses conséquences pour le pays.
Pour l’économiste indépendant Joel Naroff, «
la course aux licenciements a ralenti, mais il
f audra une vraie croissance avant que le
marché de l’emploi aille bien de nouveau ».
D’autant plus que les chiffres du Ministère ne
témoignent pas entièrement de la réalité. Si
l’on prend en compte les chômeurs dits «
découragés » et les gens contraints par la
crise de ne travailler qu’à temps partiel, le
chômage touche près de 26 millions de
personnes et non pas les seuls 14,9 millions
de chômeurs « officiels ».
La BCE annonce la fin prochaine de
la récession
Son président, Jean-Claude Trichet, met
toutefois en garde contre un excès d’optimisme
FRANCFORT — La Banque centrale européenne ( BCE)
a annoncé hier la fin prochaine de la récession
en zone euro, mais mis en garde contre un excès
d’optimisme tant la reprise promet d’être
laborieuse.
PHOTO DANIEL ROLAND, ASSOCIATED
PRESS
L’économie va mieux,
mais « il serait faux de croire que tout est
revenu à la normale », a insisté hier le
président de la Banque centrale européenne,
Jean-Claude Trichet.
« La contraction significative de l’activité
économique est terminée et est à présent suivie
d’une période de stabilisation et d’une reprise
très progressive », a déclaré son président,
Jean-Claude Trichet, lors d’une conférence de
presse.
Auparavant, le conseil des gouverneurs avait
décidé « à l’unanimité » de maintenir le
principal taux directeur, baromètre du crédit en
zone euro, à son niveau historique de 1%.
Mais la plus grande prudence reste de mise, a
prévenu le président de la BCE. La relance va
être « plutôt irrégulière », étant donné qu’elle
repose en partie sur le soutien des
gouvernements et des banques centrales.
« Les incertitudes concernant les prévisions
économiques restent plus élevées que d’ordinaire
», a-t-il ajouté.
Épées de Damoclès
Il a cité parmi les risques un retour en force
du protectionnisme et lancé un « appel fort » à
la conclusion du cycle de Doha sur la
libéralisation des échanges, que les ministres
de l’Organisation mondiale du commerce, réunis
jusqu’à aujourd’hui à New Delhi, cherchent à
boucler après des années de négociations ardues.
Autre épée de Damoclès pour la conjoncture : une
éventuelle nouvelle f lambée des prix des
matières premières et des marchés financiers
toujours tendus.
« Il serait faux de croire que tout est revenu à
la normale », a-t-il insisté.
Pour l’an prochain, la BCE a toutefois relevé
ses prévisions et mise désormais sur une légère
croissance de 0,2 %. Il y a trois mois, elle
craignait une récession de - 0,3 %. Pour 2009,
elle évalue la récession à - 4,1 % (contre - 4,6
%).
Elle s’est basée sur les indicateurs récents,
notamment le produit intérieur brut du deuxième
trimestre, qui est resté dans le rouge mais très
légèrement (-0,1 % contre - 2,5 % au premier).
Et les deux plus grands pays de la zone euro,
l’Allemagne et la France, sont revenus à la
croissance au printemps.
Concernant l’évolution des prix, l’institution a
légèrement relevé ses prévisions à 0,4 % en 2009
et à 1,2 % l’an prochain. Les risques de
déflation, une spirale à la baisse des prix,
semblent désormais bannis, a jugé M. Trichet,
enterrant un peu plus l’hypothèse d’une baisse
de taux directeurs.
Le prochain geste sera sans doute une remontée
des taux directeurs. L’annonce de la fin d’une
récession est « un énorme virage verbal » , j
uge Jörg Krämer de la Commerzbank, qui sera
certes suivi d’une hausse de t aux – mais pas
avant la deuxième moitié de 2010, selon lui.
En insistant sur la fragilité de la reprise à
venir, la BCE signale qu’elle va se donner du
temps avant d’agir. « Elle ne partage pas
l’enthousiasme des marchés sur les perspectives
de la croissance en zone euro », estime Carsten
Brzeski, d’ING.
En conséquence, il n’est donc pas t emps de
sortir des mesures exceptionnelles de soutien à
l’économie et le niveau des taux d’intérêt
directeurs reste « approprié pour le moment »,
selon JeanClaude Trichet.
À cet égard, il a annoncé que la prochaine
opération de refinancement sur un an prévue le
30 septembre sera effectuée au taux de 1%. La
première, en juillet, avait permis aux banques
d’emprunter la somme massive de plus de 442
milliards d’euros auprès de la BCE à des
conditions très avantageuses.
L’institution s’était réservé la possibilité
d’augmenter le taux sur les deux prochaines
opérations de ce style, qui font partie de ses
mesures les plus spectaculaires de lutte contre
la c r i se. Aucune décision n’a été prise sur
l’opération de décembre.
WASHINGTON Les ventes reculent
moins que prévu
WASHINGTON — Les ventes des c haînes de magasins
aux États-Unis ont reculé de 2 % en août, à
magasins c ompa r a bles , a a n noncé hier le
Conseil international des centres commerciaux (
ICSC).
Ce recul est moins marqué que ce que prévoyait
l’ICSC, qui tablait sur une baisse comprise
entre 3,5 et 4 %. Selon l’organisation
professionnelle, il s’agit du recul mensuel le
moins important depuis septembre 2008.
Les ventes des c haînes de magasins avaient
chuté de 5,1 % en juin et de 5 % sur un an en
juillet. Pour le mois de septembre, l’ ICSC t
able sur une contraction d ’ e nv i r o n 2 % de
s ve ntes sur un an, à magasins comparables.
La performance enregistrée en août « reflète un
tournant dans le c ycle ( de reprise des
ventes), l’ensemble des chaînes de magasins
faisant état de revenus mensuels mei l l eurs
qu’at t endu » , a estimé Michael Niemira, chef
économiste de l’ ICSC, cité dans un communiqué.
Les chiffres de l ’ ICSC, cependant, n’incluent
plus le numéro un mondial WalMart, qui a cessé
depuis avril de publier ses statist iques
mensuel l es et qui tirait traditionnellement
les chiffres de ventes de l’ensemble du secteur.
Baisses pour les distributeurs
Les distributeu r s a méricains, qui ont
également publié hier leurs chiffres d’activité
pour août, font part en majorité d’importantes
baisses.
Parmi les grands magasins, Macy’s a vu ses
ventes s’effondrer de 8,1 % à nombre de magasins
comparable (après -10,7 % le mois précédent) et
Nordstrom, de 7,6 %. JC Penney peine également à
f reiner l ’érosion de ses revenus : il a vu ses
ventes chuter de 7,9 %, et table sur un recul
compris entre 3 et 6% pour septembre.
Le
généraliste
Kohl’s est l’un des rares groupes de
distribution à tirer son épingle du jeu, avec
une progression de 0,2 % (après + 0,4 % en
juillet).
Le spécialiste des prix bas Target a, de son
côté, fait état d’une baisse de 2,9 % de son
chiffre d’affaires à magasins comparables. « Les
chiffres du mois ressortent au-delà de nos
attentes », a commenté le PDG Gregg Steinhafel
dans un communiqué, selon qui « la stabilisation
» de la fréquentation « représente une
amélioration importante par rapport aux
tendances du deuxième trimestre ».
Les distributeurs d’habillement prêt-à-porter et
accessoires continuent de souffrir du
ralentissement de la consommation : à magasins
comparables, les ventes de Limited Brands ont
plongé de 4 %, celles d’Abercrombie & Fitch
de 29%, celles de Gap de 3% (-12% à
l’international) et celles de Hot Topic de 8,1
%.
En comparaison, le groupe The TJ X Companies,
qui a vu ses revenus bondir de 5% à magasins
comparables, fait une fois encore figure
d’exception.
Le luxe écope aussi
Comme les mois précédents, les enseignes de luxe
demeurent durement touchées : Neiman Marcus a vu
son chiffre d’affaires à magasins comparables
dégringoler de 16,6 %. Celui des grands magasins
Saks a pour sa part chuté de 19,6 %, et le
groupe prévoit une baisse comprise entre 5 et 10
% au second semestre.
Les chaînes de magasinsentrepôts tels Costco ou
BJ’s Wholesale Club, rivaux des magasins Sam’s
Club de Wal-Mart, ne sont pas épargnées malgré
des indicateurs traduisant une stabilisation du
marché immobilier aux États-Unis.
Costco a enregistré une contraction de 2% de son
chiffre d’affaires (mais une hausse de 2 % si
l’on exclut carburants et effets de change).
BJ’s Wholesale Club a quant à lui dévoilé une
croissance de 6% de ses ventes.
Les signes d’une reprise mondiale
se multiplient
PARIS — L’activité économique et la confiance
repartent dans le monde, donnant des signes
d’une fin de crise que le président américain
Barack Obama a déjà saluée, même si le chômage
reste très élevé.
Une série d’indicateurs ces derniers jours ont
montré un redémarrage des plus grandes économies
mondiales.
Aux États-Unis, l’activité industrielle a
progressé en août après 18 mois de baisse,
revenant au niveau d’avant la crise des crédits
immobiliers. Le président américain a aussitôt
salué cette annonce comme un « un signe que nous
sommes sur la voie de la reprise économique ».
En outre, le marché immobilier s’est stabilisé,
avec un net rebond des promesses de ventes de
logements en juillet, pour le sixième mois de
suite.
« Une hausse de l’activité industrielle
américaine peut soutenir la reprise mondiale »,
r ésume une note de Rob Carnell & Dimitry
Fleming, d’ING.
En zone euro, le PIB a reculé de 0,2% au
deuxième trimestre, marquant un cinquième
trimestre consécutif de recul, mais le rythme de
baisse a nettement ralenti comparé au plongeon
de 2,5% au premier trimestre.
Les deux principales économies de la zone euro,
l’Allemagne et la France, ont vu un retour à la
croissance au deuxième trimestre.
L’Allemagne a annoncé la semaine dernière une
croissance de 0,3% au deuxième trimestre, après
un an de baisse.
Mi-août, contrairement à toutes les prévisions,
la France a annoncé être sortie de la récession
avec une croissance de 0,3%, après quatre
trimestres négatifs. « La France sort enfin du
rouge », a déclaré la ministre de l’ Économie
Christine Lagarde.
En Chine, la croissance a remonté à 7,9 % en
rythme annuel au deuxième trimestre, contre 6,1%
au premier trimestre, son plus bas niveau depuis
10 ans, et le gouvernement attend 8,5% au
troisième trimestre.
En Inde, où la croissance a ralenti à +6,5% au
deuxième trimestre, le premier ministre Manmohan
Singh a prédit « un lent retour à la normale
dans les mois à venir » et prévoit une
croissance de 8% pour 2010-2011.
Au Canada, le PIB a progressé en juin de 0,1%
après 10 mois de reculs successifs, selon les
plus récentes données de Statistique Canada.
Enfin, l’Australie a annoncé hier avoir
enregistré une croissance positive pour le
deuxième trimestre consécutif, à 0,6% au 2e
trimestre.
Hausse du chômage
Ces chiffres positifs restent assombris par la
montée du chômage, qui réagit toujours avec un
décalage par rapport à l’évolution de la
conjoncture, et qui devrait encore continuer à
grimper pendant un certain temps, selon les
économistes.
Aux États-Unis, le secteur privé a encore
détruit 298 000 emplois en août, mais le rythme
des suppressions de postes « diminue clairement
», selon une étude du cabinet de ressources
humaines ADP publiée hier.
En zone euro, le chômage a atteint 9,5% en
juillet, son plus haut niveau depuis 10 ans,
avec plus de 15 millions de personnes sans
emploi, selon Eurostat.
Certains pays restent dans le marasme, surtout
l’Espagne, où le chômage atteint 18,5%, et qui
pourrait ne retrouver la croissance qu’en 2010.
La hausse du chômage « est limitée dans un
certain nombre de pays par les mesures
gouvernementales », « la confiance des
entrepreneurs s’est nettement améliorée » et «
les entreprises semblent être devenues un peu
moins enclines à supprimer des emplois », relève
Howard Archer, de l’institut IHS Global Insight.
Autre inconnue, nul ne sait comment réagira
l’économie quand les plans de relance et autres
primes à la casse seront épuisés.
Il est trop tôt pour envisager un arrêt des
mesures de relance en Europe même si le pire de
la crise semble être passé, a d’ailleurs averti
hier le chef de file des ministres des Finances
de la zone euro, Jean-Claude Juncker.
Moins de licenciements, plus de
commandes
WASHINGTON — Le secteur privé américain a
continué de licencier massivement en août, bien
qu’à un rythme c h a q ue moi s pl u s l e nt ,
confirmant le scénario d’une hausse du chômage
aux ÉtatsUnis pendant plusieurs mois encore
malgré les signes de stabilisation de
l’économie.
PHOTO MATTHEW STAVER, ARCHIVES
BLOOMBERG
Selon l’enquête
mensuelle du cabinet de conseil en ressources
humaines ADP, le secteur privé non agricole a
encore détruit 298 000 emplois aux États-Unis
en août.
Selon l’enquête mensuelle du cabinet de conseil
en ressources humaines ADP, le secteur privé non
agricole a encore dét r uit 298 0 0 0 emplois
aux États-Unis en août.
Ce chiffre est moins bon que ne l’espéraient les
anal ystes, qui t abla i ent s ur 250 000
licenciements secs.
Néanmoins « la baisse de l’emploi au mois d’août
est la plus faible depuis septembre 2008 », le
mois du pic de la crise financière, écrit ADP,
et les « pertes d’emplois diminuent clairement »
: août est le cinquième mois consécutif où elles
apparaissent inférieures à leur niveau du mois
précédent.
Le c abinet aver t i t t out de même que «
malgré des signes récents de stabilisation de
l’activité économique globale, (...) l’emploi
devrait encore baisser pendant plusieurs mois au
moins, bien qu’à un rythme plus faible »
qu’auparavant.
En août, le secteur des services, qui assure
plus de 85 % de l’emploi non agricole aux
États-Unis, a perdu encore 146 000 postes. Et
malgré la reprise de l’activité industrielle en
août dont semblent témoigner les derniers
indicateurs, le secteur secondaire a supprimé
152 000 emplois, selon ADP.
L’enquête ADP donne un premier aperçu sur
l’évolution mensuelle de l’emploi aux États-Unis
avant les chiffres officiels publiés le premier
vendredi du mois par le département du Travail
et qui couvrent à la fois le secteur privé et le
secteur public.
Les a nalystes prévoient que le rapport du
Ministère fera apparaître 225 000 licenciements
secs en août (après 247 000 en j uillet), et un
retour du taux de chômage à 9,5 % après sa
baisse inattendue de 0,1 point le mois
précédent.
Commandes industrielles
En outre, les commandes industrielles aux
États-Unis ont augmenté en juillet pour le
quatrième mois de suite, de 1,3% par rapport à
juin, leur plus forte hausse depuis juin 2008,
selon les chiffres corrigés du département du
Commerce.
Ce chiffre est inférieur aux prévisions des
analystes, qui tablaient sur 2,2 %, mais le
Ministère a revu en hausse de 0,4 point son
estimation de la progression du mois de juin, à
0,9 %.
Le cumul des commandes reçues par l’industrie
depuis le début de l’année est inférieur de 19,9
% à ce qu’il avait été pour les sept premiers
mois de 2008, mais la tendance est clairement à
la hausse depuis le point bas touché en mars.
Les chiffres du Ministère conf i r ment l ’a mél
ioration de la conjoncture pour une industrie
américaine malmenée depuis plus de deux ans.
Par ailleurs, la productivité des entreprises a
méricaines (hors secteur agricole) a progressé
plus que prévu au deuxième trimestre, de 6,6 %
en rythme annuel, du jamais vu depuis le
troisième trimestre 2003, selon une estimation
officielle publiée mercredi.
Ces gains de productivité sont supérieurs aux
attentes des analystes, qui les estimaient à 6,4
% par rapport au trimestre précédent, et à
l’estimation précédente (6,4 %) du département
du Travail.
Ils sont dus à une baisse des heures travaillées
supérieure au recul de la production, indique le
ministère dans un communiqué.
À t it re de comparaison, le Ministère indique
que la productivité des entreprises américaine a
augmenté à un rythme annuel de 2,5 % de 2000 à
2008.
Le cuirassé américain est remis à flot
- RUDY LECOURS
Pour la première fois en 18 mois, l’indice ISM
manufacturier des décideurs d’achat est repassé
au-dessus de la barre des 50 points qui marque
le seuil d’une économie américaine en
croissance.
À hauteur de 52,9, l’indice a bondi de quatre
points de juillet à août. Il se situe à 20
points de plus que son creux historique de
décembre.
«Le passage au-dessus de la barre des 50 points
pourrait être un signe que la récession est
maintenant terminée, souligne Francis Généreux,
économiste principal chez Desjardins. Dans tous
les cycles depuis 1950, lorsque l’ISM dépasse
50, l’économie est officiellement sortie de la
récession.»
Le cumul des nouvelles économiques
encourageantes amène d’ailleurs les économistes
à rosir quelque peu leurs sinistres scénarios,
élaborés plus tôt cette année.
Ainsi , Sher r y Cooper, l’économiste en chef de
BMO Marchés des capitaux croit maintenant que la
croissance réelle de l’économie américaine sera
de 3,8% au troisième trimestre en rythme
annualisé. Il s’agit d’une bonification de un
point de pourcentage sur le scénario initial.
Mme Cooper fait valoir que le repli de 1,0% de
l’économie américaine au deuxième trimestre est
entièrement attribuable au déstockage massif des
entreprises.
En fa it , précise Stéfane Marion, économiste en
chef à l a F i na nc i è r e Ba nque Nationale,
les stocks sont maintenant à leur niveau le plus
faible depuis 2005, en proportion des ventes
finales. Il faudra bien reprendre la production
pour satisfaire les nouvelles commandes. Or,
selon l’ ISM, le sous-indice des nouvelles
commandes marquait 64,9 points en août, un
sommet depuis décembre 2004. « Cette mesure, qui
devance le cycle économique de six mois, suggère
que les stocks pourraient à eux seuls apporter
une contribution de trois points de pourcentage
à la croissance réelle en deuxième moitié
d’année.»
Le
marché
de l’habitation paraît désormais stabilisé. Pour
le sixième mois d’affilée en juillet, les offres
d’achat étaient à la hausse en juillet, ce qui
augure de transactions à la hausse au cours
d’août et de septembre. Les ventes de maisons
neuves étaient par ailleurs en hausse de 9,6% en
juillet.
Qui plus est, note aussi M. Marion, même s’il
s’est perdu plus de 240 000 emplois au sud de la
frontière en juillet « la donnée la plus
encourageante est le nombre d’heures travaillées
qui a augmenté pour la première fois depuis
environ un an ».
Pour répondre à la demande grandissante, la
production devra s’accélérer, compte tenu du bas
niveau des stocks. Cela devrait profiter aussi
aux exportateurs canadiens, souvent fournisseurs
des manufacturiers américains.
Voilà
pourquoi
BMO prévoit aussi une croissance de l’économie
canadienne d’environ 2,5 % aux troisième et
quatrième trimestres, malgré un printemps
décevant avec un repli de 3,4 %, en rythme
annualisé. Il s’agit d’un scénario beaucoup plus
optimiste que celui de la Banque du Canada qui,
avec une prévision de 1,3 % formulée en juillet,
reste encore perçue comme voyant la vie en rose.
À la FBN, où on a prévu un retour à l’expansion
durant l’été dès janvier, on estime que le
rebond sera de 3,0% au cours du présent
trimestre. On fait remarquer que le nombre
d’heures travaillées en juillet a progressé de
0,3%. Il s’agissait de la troisième augmentation
d’affilée, malgré la poursuite de la destruction
d’emplois durant la période.
« Nous prévoyons un rebondissement de l’emploi
au cours des prochains mois », affirme M. Marion
dans la dernière livraison du Mensuel
économique.
Cette prévision doit être prise à la lettre.
Vendredi, Statistique Canada publiera les
données de l’Enquête sur la population active.
Elles vont montrer, selon toutes vraisemblances,
de nouvelles suppressions d’emplois en … août.
LONDRES L’immobilier reprend
des forces
LONDRES — Amon Amouzandeh a le sourire aux
lèvres ces jours-ci. L’agent immobilier ne doit
plus faire des pieds et des mains pour attirer
des acheteurs dans son bureau de Kentish Town,
dans le nord de Londres. En juillet, le prix des
résidences a augmenté de 1,1 % en
Grande-Bretagne, selon la banque Halifax.
« En j uillet, nous avons vendu onze
condominiums en trois jours », dit le
négociateur immobilier de l’agence indépendante
Oliver’s. Une situation très différente d’il y a
un an. En septembre 2008, le bureau n’arrivait
pas à vendre une propriété par semaine.
C’était en pleine débâcle immobilière. Après
quelques années de surenchère, les prix des
maisons piquaient du nez, entraînés par la crise
du crédit. Les propriétés ont perdu 18% de leur
valeur de février 2008 à février 2009.
Amon Amouzandeh et ses collègues ont dû se
retrousser les manches. « Nous nous engagions
plus dans le quartier, en commanditant des
activités locales, par exemple », dit l’homme de
27 ans.
Maintenant , l e marché i mmobi l i er t r
averse u ne embellie. En juillet, le prix des
résidences a augmenté de 1,1 % selon la banque
Halifax, la t r oisième hausse cet t e année.
Halifax prédit une dévaluation de 7% pour
l’année 2009, contrairement à ses pronostics
initiaux de 15%.
Les prix devraient dépasser leur sommet de 2007
en 2014, croit la Housing Federation.
Aussi, le volume des prêts hypothécaires a
augmenté de 26 % de juin à juillet 2009,
atteignant 16 milliards de livres sterling
(environ 30 milliards de dollars canadiens).
Marché de vendeurs
La
raison de cette éclaircie ? Tout d’abord, un
manque de vendeurs sur le marché. Les
propriétaires sont prudents et préfèrent
attendre plutôt que de se départir de leur foyer
à un prix moindre.
« Ils se disent probablement : attendons encore
six mois pour voir si nous pouvons soutirer 10 %
de plus », affirme Raj Badiani, économiste à la
firme IHS Global Insight.
Pourtant, les propriétaires obtiennent la somme
demandée en ce moment, sinon plus, selon Amon
Amouzandeh. « Dernièrement, un de mes clients a
empoché 22 000£ de plus que le prix de départ »,
dit-il.
D’autre part, les taux d’intérêt étant
historiquement bas, c’est le temps ou jamais
pour les jeunes professionnels d’acquérir une
demeure. Avec un peu de chance, ils peuvent
trouver un taux hypothécaire fixe de 2% ou 3%.
À cause de cette conjoncture, davantage de
jeunes entrent dans les agences i mmobilières
accompagnés de leurs parents. « Dans notre
sondage de juillet, 80% des acheteurs de moins
de 30 ans ont acheté avec l’aide de leurs
parents, en comparaison à 40% en 2006 », dit
Brigid O’Leary, économiste à la Royal
Institution of Chartered Surveyors.
Les critères des prêteurs hypothécaires,
beaucoup plus sévères qu’en 2006, forcent les
parents à mettre l’épaule à la roue. « Les
années fastes pendant lesquelles les acheteurs
pouvaient emprunter 95% de la valeur d’une
propriété sont révolues, dit Mme O’Leary à La
Presse. Aujourd’hui, ils sont chanceux s’ils
obtiennent 75 %. Sachant que le prix moyen
actuel d’une maison en Grande-Bretagne est de
150 000£ (268 000$CAN), on parle d’une mise de
fonds de 37 500£ (66600$CAN). »
Depuis la déroute des banques, l’immobilier est
perçu comme un investissement plus sûr et plus
profitable, souligne Amon Amouzandeh. « Un
propriétaire qui loue une maison valant 300 000£
peut faire un profit de 15 000£ par année, soit
plus du double qu’avec un certificat de dépôt à
un taux annuel de 2%. »
Quoi qu’il en soit, la demande n’est pas près de
baisser. « Les gens sont prêts à débourser
davantage pour une maison que jamais auparavant.
Les Britanniques sont presque obsédés par l’idée
d’être propriétaires », affirme Mme O’Leary.
La récession est en bout de course
- Marc Jourdier
du produit des États-Unis a fortement ralenti au
deuxième trimestre, et la première économie
mondiale apparaît désormais bel et bien en train
de sortir de plus d’un an et demi de récession.
Le département du Commerce a indiqué hier que le
recul de l’activité économique américaine
n’avait atteint que 1 % en rythme annuel au
cours du printemps, confirmant ainsi sa première
estimation publiée fin juillet.
Ce chiffre est meilleur que celui prévu par les
analystes, qui s’attendaient à une révision
faisant apparaître une baisse du PIB de 1,5 %.
Si les trois mois du printemps ont marqué le
quatrième trimestre consécutif de baisse du PIB,
la chute libre de l’activité après la faillite
de la banque d’affaires Lehman Brothers, en
septembre, appartient au passé. À titre de
comparaison, le PIB américain avait chuté
successivement de 2 , 7 %, 5,4 % et 6,4 % aux
trois trimestres précédents.
Dans un discours prononcé alors qu’étaient
publiés les chiffres du Commerce, Jeffrey
Lacker, un des dirigeants de la banque centrale
américaine ( Fed) a affirmé que la reprise de
l’économie serait manifeste dans les chiffres du
troisième trimestre.
M. Lacker est le premier responsable de la Fed à
dire ouvertement que la reprise est en cours. Le
président de la banque centrale, Ben Bernanke,
avait délivré vendredi son discours le plus
optimiste depuis plus d’un an, mais il s’était
contenté d’estimer que les perspectives d’une
reprise « à court terme » étaient « bonnes ».
Mais comme M. Bernanke, M. Lacker a insisté sur
la fragilité de cette reprise devant mettre f i
n à la récession, « la pire » qu’aient connus
les États-Unis « depuis les années 1930 ».
« La reprise devrait être lente et connaître des
à-coups pendant quelque temps » , et il reste «
des difficultés majeures » à surmonter, at-i l
prédit , a f f i r mant que l e n i veau du « c
hômage (restait) une inquiétude de premier ordre
».
La veille, un autre de ses collègues de la
banque centrale, Dennis Lockhart, était allé j
usqu’à parler de « la possibilité d’une reprise
sans emplois ».
Les chiffres du PIB témoignent encore de la
fragilité de l’économie des États-Unis malgré
son a mél ioration : l’investissement des
entreprises et des ménages a encore chuté de
13,5 % au deuxième trimestre, et sans l’aide de
l’ État, la chute de l’activité aurait été bien
pire, puisque les dépenses publiques ont assuré
1,27 point de croissance.
La baisse de la consommation a fait perdre 0,69
point de croissance alors que les dépenses des
ménages sont le moteur t raditionnel de l
’économie des États-Unis et assurent en temps
normal les deux tiers du PIB. Mais la Fed
s’attend que celles-ci restent sous pression un
certain temps encore du fait de la persistance
d’un niveau de chômage élevé.
Signe encourageant pour l’avenir, les forts
déstockages du deuxième trimestre ( i l s ont f
a i t perdre 1, 39 point de croissance au pays)
devraient marquer la fin d’un cycle d’ajustement
des stocks permettant en théorie aux entreprises
d’augmenter fortement la production pour
s’adapter à la hausse de la demande, quand
celle-ci se manifestera.
Les chiffres du département du Commerce montrent
également une forte progression des profits des
entreprises au deuxième trimestre, de 5,7 % en
rythme annuel
Pour l’économiste indépendant Joel Naroff, « la
combinaison d’un faible recul de la croissance
et d’une forte productivité a permis une hausse
solide des bénéfices (des entreprises),
susceptible de déboucher sur une hausse des
investissements dans un avenir proche ». Le
nombre de nouveaux chômeurs inscrits aux
États-Unis a baissé moins que prévu pendant la
semaine se terminant le 22 août, selon les
chiffres corrigés des variations saisonnières
publiés hier par le département du Travail à
Washington. Le Ministère a recensé 570 000
nouvelles demandes d’allocations chômage au
cours de cette semaine, soit 1,7 % de moins que
lors de la semaine précédente. Les analystes
attendaient une baisse un peu plus marquée, avec
565 000 dépôts de dossiers. À la date du 15
août, ajoute le Ministère, le taux de chômage
indemnisé atteignait 4,6%, soit 0,1 point de
moins qu’une semaine plus tôt. Les États-Unis
comptaient alors 6,133 millions de chômeurs
indemnisés. À titre de comparaison, le taux de
chômage officiel du pays s’élevait à 9,4% fin
juillet. Un des dirigeants de la banque
centrale, Dennis Lockhart, a cependant reconnu
mercredi que le taux réel atteignait 16% si l’on
prenait en compte les chômeurs dits découragés
et les gens que la conjoncture contraint à
travailler à temps partiel.
L’industrie se remet à voyager -
Hélène Baril
Stable depuis 2008, le commerce international
est reparti à la hausse
C’est une bonne nouvelle pour le Canada, et pour
tous les pays qui font leur beurre avec les
exportations. Après avoir été gelé depuis la fin
de 2008, le commerce international a redémarré
en juin, et à la vitesse grand V.
PHOTO FABIAN BIMMER, ASSOCIATED
PRESS
Le volume de marchandises échangées a augmenté
de 2,5 % en juin, selon les données du
Netherland Bureau for Economic Policy, mieux
connu sous son petit nom de CPB. Il s’agit de la
plus importante augmentation du commerce mondial
depuis juillet 2008.
L’organisme, qui mesure les échanges commerciaux
à partir des données de 23 pays industrialisés
et de 60 pays en développement, est toujours un
des premiers à faire état de l’évolution du
commerce mondial.
Et les dernières statistiques sont de très bon
augure, explique Stéfane Marion, économiste en
chef et stratège de la Financière Banque
Nationale. « Il faut savoir que la crise
financière a eu pour effet de complètement geler
les flux commerciaux », rappelle-t-il.
Le dégel constaté en juin par CPB survient après
plusieurs mois consécutifs de baisses. En mai,
les échanges commerciaux baissaient encore, au
rythme de 1,4 %. Pour le premier trimestre de
l’année, le déclin avait été de 11,2 %.
Les pays exportateurs comme le Canada devraient
profiter du regain dans les échanges
internationaux. L’augmentation de juin a surtout
été constatée en Amérique Latine, en Europe de
l’ Est et en Asie, précise Stéfane Marion. « Le
Canada va en bénéficier durant la deuxième
moitié de l’année », prévoit-il.
L’économie
canadienne,
actuellement dans une phase de stabilisation,
devrait se remettre à tourner d’ici la fin de
l’année. « Ce qui se passe au sud de la
frontière aura évidemment un impact important,
comme d’ailleurs ce qui va se passer avec
l’industrie de l’automobile ».
À ce sujet, l’économiste souligne que le
programme américain de rabais sur les vieilles
voitures ( fait déjà tourner les usines.
La production industrielle a repris solidement
depuis déjà trois mois et les spécialistes
craignaient que ces biens s’empilent dans les
entrepôts si le commerce international ne
redémarrait pas. « «Heureusement, ce n’est pas
ce scénario qui se réalise, les biens produits
recommencent à voyager », explique l’économiste.
Ensemble, la hausse de la production
industrielle et le dégel du commerce
international rendent la reprise économique qui
s’amorce beaucoup plus solide, selon lui.
Stéfane Marion souligne un autre signe
encourageant qui découle de la reprise des
échanges internationaux. Les pays touchés par la
récession ne se sont pas repliés sur eux-mêmes,
ce qui aurait pu retarder considérablement la
reprise économique.
« C’est ce qui s’était produit dans les années
30, le protectionnisme s’était mis de la partie,
ce qui avait retardé la reprise. »
La menace du protectionnisme ne peut pas être
écartée pour l’instant, mais on peut être moins
inquiet, résume-t-il.
Les ventes de logements neufs
bondissent
WASHINGTON — Les ventes de logements neufs aux
ÉtatsUnis ont bondi de 9,6 % en juillet par
rapport à juin, soit bien plus que prévu par les
analystes, selon les chiffres corrigés des
variations saisonnières publiés hier par le
département du Commerce américain.
En r ythme a nnuel , l es ventes de juillet
représenteraient 433 000 transactions, indique
le ministère, alors que les analystes
attendaient un chiffre bien plus faible de 390
000 contrats.
C’est la plus forte hausse de l’indicateur
depuis février 2005.
Le Ministère a par ailleurs revu en f or t e
hausse la progression des deux mois précédents.
Il estime désormais que le rythme annuel des
ventes a atteint 395 000 transactions en juin,
et non 384 0 0 0 comme il l ’avait annoncé
initialement.
Juillet a été le quatrième mois consécutif de
hausse des ventes de l ogements neufs. Les
chiffres publiés par le Ministère (sujets à de
fortes révisions d’un mois sur l’autre) montrent
que le rythme de la progression n’a cessé de se
renforcer depuis avril.
L’ i nd i c a t e u r e s t a i n s i r emonté à
son plus haut niveau depuis septembre 2008, mais
restait en baisse de 13, 4 % en gl i s s ement
annuel fin juillet.
Les chiffres du Ministère montrent néa n moi n s
le c hemin pa r c ouru depuis janvier, quand
l’indicateur avait touché son plus bas niveau
depuis sa première publication en 1963 : l es
ventes de logements neufs ont augmenté de 31,6 %
par rapport à ce mois-là.
La hausse des ventes s’est accompagnée d’une
rechute de 2, 8 % du prix médian des
transactions par rapport à juin, signe que les
condit ions du marché du neuf restent di f f
iciles pour les vendeurs.
L’avenir s’annonce néanmoins meilleur pour eux
puisque le stock des logements non vendus sur le
marché est tombé à 271 000 unités, son plus bas
niveau depuis mars 1993.
Au plus bas depuis avril 2007, la durée
d’écoulement des stocks n’est plus que de 7,5
mois, ce qui, relève Elsa Dargent, analyste de
Natixis, la rapproche de son niveau moyen de
long terme, qu’elle évalue à 4 ou 5 mois.
Selon elle, les ventes de logements neufs
devraient « continuer de se maintenir fermement
dans les mois à venir ».
Biens durables
Les commandes de biens durables aux États-Unis
ont fortement rebondi en juillet, de 4,9 % par
rapport à juin, selon les chiffres corrigés des
variations saisonnières par le département du
Commerce.
C’est la plus forte hausse de cet i ndicateur
depuis juillet 2007, et elle est bien supérieure
aux attentes des analystes qui avaient estimé
leur progression à 3,2 %.
El le est cependant due essentiellement à une
forte hausse dans le secteur des t r a nsports
(+ 18, 4 %). En particulier, les commandes à
l’aviation civile, soumises à de fortes
variations d’un mois sur l’autre, ont plus que
doublé en juillet.
Hors transports, la hausse des commandes de
biens durables n’a at t ei nt que 0,8 % ( a pr è
s + 2 , 5 % e n juin).
Si l’on exclut le secteur de la défense,
l’indicateur a augmenté pour le quatrième mois
de suite, de 4,3 % par rapport au mois précédent
(après + 0,7 % en juin).
Les commandes de biens d’équipement hors défense
et hors aviation, qui donnent une idée de
l’effort d’invest i ssement des entreprises dans
leur outil de production, ont reculé de 0,3 % en
j uillet , après un bond de 3,6 % le mois
précédent.
États-Unis : Les consommateurs
retrouvent le moral
WASHINGTON — La confiance des consommateurs
américains, mesurée par l’institut de
conjoncture privée Conference Board, a rebondi
en août bien au-delà des attentes des analystes,
selon un communiqué publié hier.
PHOTO RICHARD CLEMENT, REUTERS
L’indice de confiance
des consommateurs américains est remonté
au-delà des attentes des analystes, avec une
proportion grandissante de gens qui
s’attendent à de meilleures conditions
économiques dans les mois à venir.
L’indice est remonté à 54,1 points contre 47,4
points le mois précédent ( chiffre révisé). Les
économistes s’attendaient à une progression de
moindre ampleur, à 47,9 points seulement.
L’indice de confiance n’est toutefois pas revenu
à son plus haut de l’année atteint en mai (54,8
points), mais s’affiche très loin de son plus
bas de l’année, en février, où il avait atteint
un niveau jamais vu depuis sa première
publication en 1967, à 25,3 points.
Selon l’enquête, menée jusqu’au 18 août auprès
de 5000 ménages, la proportion des sondés
jugeant les conditions économiques « mauvaises »
a diminué, tombant à 45,6 % (contre 46,5% en
juillet).
Toutefois, la proportion des sondés jugeant «
bon » l’environnement économique a également
décru, à 8,6% (contre 8,9% en juillet). « La
confiance des consommateurs, après avoir
enregistré deux mois consécutifs de baisse,
apparaît en situation de reconsolidation », a
commenté Lynn Franco, directeur des recherches
sur la consommation du Conference Board, cité
dans le communiqué.
« La hausse des marchés boursiers et un
ralentissement des licenciements ont stimulé en
août la confiance des consommateurs », renchérit
Elsa Dargent, économiste chez Natixis, notant
qu’au contraire, « l’appréciation des prix de
l’essence n’a pas tellement eu d’impact négatif
».
P o u r S t é f a ne Ma r i o n , é c onomiste
en c hef à la Financière Banque Nationale, l ’
hu meur r e t r o uvée des Américains n’est pas
étrangère à l’accalmie constatée sur le marché i
mmobilier. Selon des données publiées hier, le
prix des maisons s’est stabilisé en juin dans
les 20 principales villes des ÉtatsUnis. « Ce
sont de bonnes nouvelles pour les propriétaires
américains, qui sont très endettés, remarque
Stéfane Marion. Car il est difficile d’être
confiant face à l’avenir lorsque la valeur au
marché de son principal actif continue de
chuter. »
Les propriétaires de voit ure qui ont bénéficié
du programme fédéral d’échange de vieilles
voitures, le biennommé Cash for Clunkers, ont
également vu la valeur de leur patrimoine
augmenter. « Vous pouvez parier que le
demi-million de bénéficiaires de ce programme
roulent aujourd’hui en arborant un large sourire
», écrit Ian Pollick, stratège économique chez
Valeurs mobilières TD.
Stabilité
Les économistes de Moody’s Economy, quant à eux,
restent plus circonspects : « L’indice reste à
un niveau reflétant une récession profonde (...)
La confiance tend, au mieux, à se stabiliser (en
revenant à son niveau d’il y a trois mois). Cela
correspond à une faiblesse des fondamentaux,
dont une forte dégradation des revenus et peu de
perspectives au niveau de l’emploi »,
relèvent-ils.
« Les attentes des répondants concernant les
conditions économiques à venir fournissent un
signe d’espoir (...) Les consommateurs se
montrent également beaucoup plus optimistes
qu’au premier trimestre sur les perspectives du
marché de l’emploi », observent-ils cependant.
D’après l’enquête, 22,4 % des sondés (contre
18,4% en juillet) s’attendent dans les six
prochains mois à des conditions économiques «
meilleures », et 15,8 % (contre 19 % le mois
précédent) tablent sur des conditions « pires ».
Une meilleure appréciation du marché de l’emploi
contribue à la hausse de l’indice, la part de
ceux qui trouvent « difficile » de t rouver un
emploi ayant reculé (à 45,1 % contre 48,5% en
juillet).
Par ailleurs, la proportion de ceux qui
prévoient qu’il y ait « moins d’emplois » dans
six mois a diminué, à 23,3 % (contre 26,1 % en
juillet) ; à l’inverse, la proportion de sondés
anticipant des « emplois plus nombreux » a
progressé, à 18,4% (contre 15,5 %).
États-Unis : Embellie sur le marché immobilier
Il se peut que le pire soit passé sur le
marché immobilier américain, selon deux
indices consacrés aux prix des maisons.
PHOTO AMY SANCETTA, ARCHIVES
ASSOCIATED PRESS
La baisse des prix et
les programmes de relance gouvernementaux
américains ont rendu les maisons plus
abordables pour les premiers acheteurs, ce
qui a provoqué une hausse des ventes. Les
gains dans le domaine immobilier et à la
Bourse vont accélérer le processus de
restauration de la richesse, qui a fondu à
un niveau record.
Ainsi, l’indice S&P/CaseShi l ler t
ouchant ces prix et qui concerne 20 régions
métropolitaines aux ÉtatsUnis, a reculé de
15,4 % en juin dernier par rapport au mois
correspondant un an plus tôt, ce qui constitue
la baisse la plus modeste depuis avril 2008, a
précisé hier l’organisme à New York. À
l’échelle nationale, les prix ont diminué de
6,1 % au deuxième trimestre comparativement à
un an plus tôt, meilleure performance en u n a
n , s elon l a Federal Housing Finance Agency.
« C’est réel et il semble que le vent a tourné
», soulignait hier Karl Case, professeur
d’économie au Wel l esley College et co-c
réateur de l’i ndice S& P/ Case-Shiller,
au cours d’une entrevue à Bloomberg Radio. «
Les prix ne baissent plus, a-t-il ajouté, et
ils commencent à grimper. C’est de très bon
augure pour l’avenir de ce problème financier.
»
La
baisse des prix et les programmes de relance
gouvernementaux ont rendu les maisons plus
abordables pour l e s premiers a c heteurs, ce
qui a provoqué une hausse des ventes, laquelle
s’est traduite par une baisse des propriétés
disponibles. Les gains dans le domaine i
mmobilier et à la Bourse vont accélérer l e
processus de restauration de la richesse, qui
a fondu à un niveau record. Cette perte de
richesse a durement affecté les dépenses de
consommation, qui forment 70 % de l’économie
américaine.
« La chute libre des prix est t er minée » , a
soutenu Michelle Meyer, une économiste de
Barclays Capital, à New York.
L e s pr i x des maisons mesurés par l’indice
S& P/ Case-Shiller ont progressé de 1,4 %
en juin par rapport à mai, deuxième gain
consécutif et le plus i mportant depuis juin
2005. En mai, la hausse avait été de 0,6 %. De
son côté, l’indice national du gouvernement
fait état d’une augmentation des prix de 0,5 %
en juin.
La revente de maisons a bondi plus que prévu
en juillet et à un sommet de près de deux ans
tandis que la demande a été alimentée par un
crédit d’impôt pouvant atteindre 8000 $ US
consenti aux premiers acheteurs qui font
l’acquisition d’une propriété d’ici la fin de
novembre prochain.
Un peu d’espoir pour la zone euro
L’activité économique a cessé de se contracter
en août, selon une estimation
BRUXELLES — L’activité a cessé de se contracter
en août dans la zone euro, selon une première
estimation de l’indice composite des directeurs
d’achats (PMI) publiée par la société Markit,
qui alimente un peu plus les espoirs de sortie
de crise.
L’indice a augmenté de 3 points comparativement
à juillet, pour atteindre le seuil symbolique de
50 points, le plus haut depuis 15 mois.
En effet, seul un indice PMI supérieur à 50
points signale une croissance de l’activité. Il
était jusqu’ici en dessous de ce seuil, montrant
que l’activité se contractait.
La livraison d’août signale « une large
stabilisation de l’activité du secteur privé
dans la zone euro », explique Markit dans son
communiqué.
Le rebond du PMI en août est le plus important
enregistré depuis la création de l’indice,
précise Markit. Il a aussi largement dépassé les
attentes des analystes interrogés par Dow Jones
Newswires, qui tablaient sur une progression à
seulement 48,3 points.
Leurs prévisions ont également été dépassées
pour deux sous-composantes de l’indice.
L’ i nd i c e du s e u l s e c - teur des
services est passé de 45,7 points en j uillet à
49,5 points en août, et celui du secteur
manufacturier de 46,3 points à 47,9 points.
Ces chiffres « signalent que la récession sans
précédent a été suivie d’un rebond d’une
rapidité historique, qui met la zone euro dans
une bonne position pour enregistrer une
croissance au troisième trimestre », a commenté
Rob Dobson, économiste chez Markit.
Le PI B de la zone euro recule depuis maintenant
cinq trimestres. Après un plongeon record de 2,5
% au premier trimestre, la baisse a été limitée
à 0,1 % au deuxième. Les deux premières
économies de la zone, l’Allemagne et la France,
sont même déjà revenues à la croissance, ce qui
crée l’espoir d’une sortie de crise.
Quelques inquiétudes
Rob Donson continue toutefois à s’inquiéter de
la montée du chômage, soulignant « qu’une
reprise durable de la demande est nécessaire si
la reprise qui est en train d’émerger doit
gagner de l’ampleur ».
Beaucoup d’économistes craignent d’assister à
une reprise en « W », où un retour provisoire à
la croissance serait suivi par une rechute
rapide de l’économie.
« L’économie va ralentir au deuxième semestre
2010 », prévient ainsi Jean-Christophe Caffet de
chez Natixis, en évoquant « le contrecoup des
plans de relance, la détérioration des marchés
du travail ». Pour lui, « l’économie de la zone
euro pourrait retomber en récession à la fin de
l’année prochaine ».
Autre source d’inquiétude, selon David Henry du
centre de recherche économique CEBR, « la force
des économies française et allemande par rapport
à l’ensemble de la zone euro indique qu’un fossé
est en train de se former » entre les pays où
l’économie repart et ceux qui sont à la traîne.
Éloge de l’optimisme - ALAIN DUBUC
Les signes montrant que la récession se termine
se sont multipliés ces dernières semaines. La
Banque du Canada a annoncé la fin de la
récession. Le Fonds monétaire international
arrive à la même conclusion pour l’économie
mondiale. Le Trésor américain aussi. L’OCDE note
que l’économie s’est stabilisée au second
trimestre, et que certains pays, comme la France
et l’Allemagne, ont déjà renoué avec la
croissance.
Bref, on peut le dire. Nous sommes en train de
nous en sortir. On peut aussi conclure que, dans
un pays comme le Canada, la catastrophe annoncée
n’a pas eu lieu. Cette récession, quoique
sévère, a été moins longue et moins profonde que
ce que l’on pouvait craindre.
Et pourtant, ces signaux positifs ne sont pas
accueillis par un concert d’applaudissements. On
ne veut pas s’emballer parce que la fin de la
récession n’annonce pas la fin des problèmes. Le
concept de reprise a un sens précis et limité.
Cela signifie que l’économie cesse de reculer et
qu’elle retrouve le chemin de la croissance.
Mais on entre dans une période de rattrapage,
qui peut être longue. La récession a laissé des
cicatrices qui prendront du temps à disparaître,
notamment le chômage. La crise financière, à
l’origine de la récession, imposera des
restructurations difficiles. L’économie est donc
encore aux soins intensifs.
Mais un autre facteur peut expliquer la
prudence, sinon le scepticisme avec lequel sont
accueillies les bonnes nouvelles économiques. Il
s’agit d’un trait intéressant de la psychologie
humaine, la tendance à projeter le présent dans
l’avenir, le réflexe de croire que la situation
présente se perpétuera et la difficulté à
imaginer que les choses puissent être
différentes de ce qu’elles sont maintenant. Cela
a joué de deux façons, dans les deux sens.
À l’automne dernier, la plupart des
spécialistes, des organismes internationaux, des
gouvernements n’ont pas vu la récession venir et
surtout, n’ont pas prévu son ampleur. Encore
euphoriques, ils ne croyaient pas que les années
de prospérité pouvaient prendre fin et ils
pensaient que l’économie pouvait résister au
choc de la crise financière.
Dans un mécanisme similaire, on n’a pas voulu
voir la reprise quand les signes de revirement
se sont manifestés. La morosité dominante
empêchait de voir ces signaux. On a alors oublié
que les cycles économiques jouent dans les deux
sens, et que si les baisses peuvent être
brutales, les remontées peuvent aussi être
rapides.
Les textes que j’ai écrits sur la récession
reflètent cette dynamique. Je suis de ceux qui
ont fait preuve d’un optimisme excessif. Sur la
foi des prévisions économiques, j’ai cru que le
Canada pourrait échapper à la récession, ou
subirait, au pire, un recul léger.
Par contre, je n’ai pas succombé à la deuxième
tentation. Et j’ai cru assez rapidement que la
récession serait moins profonde que ce que l’on
pouvait craindre et la reprise plus rapide. En
mars, quand ça allait vraiment mal et qu’on se
demandait quand arrêterait la dégringolade, j’ai
écrit que le pire était « maintenant ». En juin,
j’ai écrit sur la reprise qui était à nos
portes. Les chiffres étaient là, mais la plupart
des spécialistes, échaudés par leurs erreurs de
l’automne, n’osaient pas le proclamer.
Encore maintenant, bien des gens ne veulent pas
se laisser emporter par l’optimisme, craignant
que cela nous amène à sous-estimer les risques
qui pèsent sur l’économie et que cela nous rende
insouciants. Je crois plutôt que l’optimisme est
un état d’esprit sain, qui casse la morosité et
qui nous donne l’énergie pour affronter les
problèmes très nombreux qui nous attendent dans
le processus de retour à la santé économique.
La reprise américaine n’est plus
très loin, selon Ben Bernanke
JACKSON, Wyoming — Même si un retour à la
normale n’est pas encore d’actualité, la
reprise de l’économie américaine n’est plus
très loin, a affirmé hier le président de la
Réserve fédérale (Fed), Ben Bernanke.
L’activité économique aux États-Unis et dans
le monde semble « se stabiliser » et « les
perspectives d’un retour à la croissance à
court terme apparaissent bonnes », a déclaré
M. Bernanke lors de la conférence annuelle de
la Fed.
Face à la crise financière et à la récession
mondiale qui a suivi, le président de la
Réserve fédérale a souligné l’importance de la
coopération entre les gouvernements, insistant
sur la baisse des taux d’intérêt décidée par
les banques centrales et sur les plans de
relance mis en place dans de nombreux pays. «
Aussi graves qu’ont été les conséquences
économiques, l’issue aurait toutefois pu être
bien pire », a-t-il observé.
Si la crise « a déclenché une profonde
récession mondiale, dont nous commençons
seulement à émerger », Ben Bernanke a mis en
garde contre tout triomphalisme, expliquant
que la situation n’était pas encore revenue à
la normale.
« Même si nous avons évité le pire, des défis
délicats nous attendent encore », a-t-il
averti. Ainsi, des difficultés persistent sur
les marchés financiers internationaux, et les
institutions financières connaissent des «
pertes supplémentaires significatives » en
raison d’investissements douteux. De même, de
nombreux ménages et entreprises éprouvent des
« difficultés considérables » pour obtenir des
prêts, a-t-il indiqué, expliquant qu’une
reprise durable passait par une relance des
marchés du crédit.
Face aux présidents des banques centrales du
monde entier, Ben Bernanke a également évoqué
les leçons que devait tirer la finance de la
crise. Il a ainsi de nouveau appelé à une
refonte du système financier américain,
notamment par l’intermédiaire d’une
surveillance accrue des grands groupes dont la
faillite menacerait le système dans son
ensemble, comme ce fut le cas pour l’assureur
AIG.
L’immobilier américain retrouve des couleurs
WASHINGTON — La revente de maisons existantes
aux ÉtatsUnis a augmenté de 7,2% en juillet
par rapport à juin, représentant la plus forte
augmentation mensuelle en plus de 10 ans,
indiquent les chiffres publiés hier par
l’Association nationale (américaine) des
courtiers immobiliers.
En données désaisonnalisées annualisées,
c’est-à-dire en données ajustées pour éliminer
l’effet des saisons puis annualisées pour
faciliter les comparaisons, 5,24 millions de
résidences ont changé de mains en juillet
dernier, contre 4,89 millions en juin. La
performance de juillet dernier dépasse
également celle de juillet 2008, mois durant
lequel 4,99 millions d’unités avaient été
vendues.
En
publiant ces données, l ’association des
courtiers immobiliers a aussi souligné que la
dernière fois que quatre hausses mensuelles
d’affilée ont été enregistrées remonte au mois
de juin 2004. La dernière fois que les ventes
d’un mois donné ont été supérieures à celles
du même mois de l’année précédente remonte,
par ailleurs, à novembre 2005.
Malgré la hausse, en juillet, le prix médian
des maisons a été de 178 400$ US, en baisse de
15,1% par rapport à juillet 2008. Pour les
prix, la comparaison la plus significative est
celle qui met côte à côte les données des
mêmes mois d’une année à l’autre, compte tenu
de la saisonnalité. Le prix médian est celui
qui se situe au milieu de l’échelle.
Le Trésor américain voit « les premiers pas de
la reprise » - RUDY LECOURS
Un optimisme prudent gagne Washington grâce à la
multiplication d’indices d’une reprise qui se
met en place.
« Il reste bien du chemin à parcourir, mais nous
commençons à voir des signes de stabilité qui
marquent les premiers pas de la reprise », a
affirmé hier le secrétaire au Trésor Timothy
Geithner au cours d’une allocution en Ohio.
Comme pour lui donner raison, l’indicateur
avancé du Conference Board a progressé pour le
quatrième mois d’affilée en juillet tandis que
la production industrielle était à la hausse
pour la première fois en plus d’un an dans les
districts de Philadelphie et de New York. Cela
suggère que les livraisons manufacturières et
les nouvelles commandes sont vraisemblablement à
la hausse ce mois-ci. Si la chose se confirme
dans les prochains jours, il s’agira de la
première expansion du secteur manufacturier
américain depuis janvier 2008.
Ce revirement est tangible aussi de ce côté-ci
de la frontière. Les ventes des grossistes
canadiens ont progressé en juin pour la première
fois depuis septembre tandis que leurs stocks
ont diminué pour le quatrième mois d’affilée.
Le gros de l’amélioration de la production
américaine est d’ailleurs attribuable au
restockage des entreprises. Les grossistes
canadiens sont de bons fournisseurs.
Du côté de l ’ i ndicateur avancé, la donnée la
plus encourageante portait sur l ’augmentat i on
l égère du nombre moyen d’heures travaillées le
mois dernier. « Cela suggère que les employeurs
les augmentent pour répondre à une lente
amélioration de la demande », déduit Charmaine
Buskas, économiste principal chez valeurs
mobilières TD.
« Bref, la peur généralisée cède le pas à de la
confiance en émergence », a résumé le trésorier
Geithner dans son discours.
Chez Goldman Sachs, on va même un peu plus loin,
bien qu’avec précaution. « Juin paraît
maintenant le meilleur candidat pour marquer l e
c r e u x de la récession selon le NBER »,
affirme son économiste Ed McKelvey dans une
lettre à la clientèle.
Le National Bureau of Economic Research ( NBER)
définit une récession non pas comme deux
trimestres de décroissance d’af f i lée, comme
le font la plupart des économistes. Elle est
plutôt marquée par « un déclin significatif et
répandu de l’activité économique, qui s’étend
durant plusieurs mois qui se manifeste
normalement dans le produit intérieur brut réel,
le revenu réel, l’emploi, la production
industrielle et dans le commerce de gros et de
détail ».
Selon cette définition très qualitative, le NBER
a décrété que la récession américaine avait
commencé en décembre 2007. Il faudra attendre
beaucoup de mois (sans doute plus d’un an) avant
qu’il ne décrète sa fin. L’analyse de chacun des
critères par M. McKelvey l’amène à croire que
juin paraît le point tournant. Il émet deux
réserves : la révision à la baisse de données
publiées et la possibilité d’un faux départ.
Méfiance
Plusieu r s é c onomi s t e s s e méf i ent s
urtout de la deuxième hypothèse, comme en fait
foi la hausse inattendue des demandes i nitiales
d’assurance chômage la semaine dernière, après
plusieurs semaines de repli.
« Avant de conclure à la fin de la récession, il
faudra s’assurer qu’un ressac n’aura pas lieu au
cours des prochains mois, prévient Francis
Généreux, économiste principal chez Desjardins.
La poursuite des pertes d’emplois, la baisse des
ventes au détail ainsi que de la confiance des
consommateurs et les fluctuations amenées par
certaines politiques gouvernementales laissent
la porte ouverte à ce sujet. »
L’ÉCONOMIE MONDIALE ÉMERGE ENFIN -
RUDY LECOURS
« La reprise a commencé », clame le Fonds
monétaire international. Abby Joseph Cohen,
renommée stratège chez Goldman Sachs, affirme
que « l’économie est clairement en train de se
redresser ». Les investisseurs en Allemagne
retrouvent le moral et les const
L’économie mondiale émerge enfin de sa pire
récession de l’après-guerre, née dans les
braises d’une crise f i nancière sans précédent.
Le niveau de confiance mondiale des
investisseurs a atteint ce mois-ci un sommet de
22 mois, selon un sondage de l’agence Bloomberg.
L’ I ndice des attentes des investisseurs du
Centre de r e c herc hes é c onomiques
européennes a bondi bien au-delà des prévisions
des experts de j uillet à août, dans la foulée
de nouvelles attestant que la France et
l’Allemagne avaient retrouvé le chemin de la
croissance au deuxième trimestre, contre toute
attente.
Il y a deux ans, en août 2007, commençait la
crise financière qui allait entraîner la débâcle
de plusieurs banques et la contraction de
l’économie réelle de la plupart des pays.
Aujourd’hui, la crise financière est largement
résorbée grâce à l ’action énergique et
concertée des banquiers c e nt r a u x . L e s
pl a n s de relance des gouvernements commencent
à porter fruit, au point où l’économiste en c
hef du Fonds monétaire international ( FMI),
Olivier Blanchard, peut clamer : « La reprise a
commencé. »
Presque au même moment, Abby J o s e ph Cohen,
la renommée stratège en investissements chez
Goldman Sachs, a déclaré en entrevue que «
l’économie est clairement en train de se
redresser ».
Dans un article à paraître le mois prochain,
mais dont l’Agence France-Presse a pu prendre
connaissance, M. Blanchard précise : « Le
redressement ne sera pas simple. La crise a
laissé des cicatrices profondes qui auront des
conséquences tout à la fois sur l’offre et la
demande pendant plusieurs années. »
On pense d’emblée à la restauration des f i
nances publiques, dans un contexte où les coûts
d’emprunt pour financer la reprise deviendront
plus élevés que leurs creux actuels.
M. Bla nchard soul i gne que les États-Unis
auront un rôle majeur à jouer dans la relance,
mais qu’on ne pourra pas compter comme par le
passé sur ses consommateurs. Ce sont les
exportations nettes qui devront prendre le
relais.
Mme Cohen est d’avis que les sociétés qui ont
survécu à la récession vont faire de bonnes
affaires. « La croissance des profits va devenir
plus substantielle. »
Elle peut appuyer ses assertions sur plusieurs
statistiques récentes, dont la première
croissance mensuelle de la production
industrielle américaine en juillet, après huit
mois de repli. Par bonheur, l’Asie, et la Chine
en particulier, est en mesure d’absorber une
quantité plus grande de biens américains,
surtout si elle juge souhaitable d’augmenter sa
demande intérieure
afin de normaliser une économie trop
dépendante des marchés étrangers.
La production industrielle (exploitation
minière, fabrication et génération d’eau pot a
ble e t d’éle c t r i c i t é) chinoise a
d’ailleurs retrouvé son rythme d’enfer avec
une expansion a nnualisée de plus de 10 % en
juillet.
L’i ndicateur ava ncé de l’Organisation de
coopérat ion et de développement économiques
(OCDE) s’est complètement relevé à la f i n du
deuxième t r i mestre. Mesuré pour les quatre
économies émergentes qui for ment l e BRIC (
Brésil, Russie, I nde e t Chine) , i l montre
même un bond de 2 %, selon les calculs de l a
Financière Banque Nationale. Ce revi rement
est spectaculaire puisqu’il reflète la
première tendance positive en un an.
Reprise des exportations
Bien qu’encore f a i bles, si on les compare à
leurs niveaux d’il y a un an, les exportations
américaines et canadiennes ont recommencé à
augmenter en juin, tant en valeur qu’en
volume.
Tout autant que les ÉtatsUnis, le Canada aura
grand intérêt à se brancher sur la dynamo
asiatique, car ses ex portateu r s
manufacturiers trouveront durant cette
reprise-ci le consommateur a méricain moins
preneur tant qu’il n’aura pas épongé une
partie de ses dettes.
La mission économique prochaine du premier
minist re Stephen Harper devra donner les
résultats attendus, estime Sherry Cooper,
économiste en c hef c hez BMO Marchés des
Capitaux. « Le Canada ne peut plus mettre tous
ses oeufs dans le seul panier américain. »
Cela dit, le marché américain a encore à
donner, surtout que les entreprises des
États-Unis ont déstocké très rapidement. Il
leur faut maintenant se renf louer, ce qui
présente de belles occasions pour les
fournisseurs canadiens de biens i ndustriels (
produits semi-transformés, pièces de machines,
etc.).
Au x a u r o r e s de c e t t e reprise, le
Canada et les États-Unis n’ont pas l es mêmes
atouts.
Chez nous, la demande intérieure reste assez
solide tout comme les institutions
financières, mais les export ations demeurent
f ragilisées par la force de notre monnaie et
l ’ apathie du consommateur américain. La
reprise des ventes et des prix des produits de
base apportent cependant un baume à nos
comptes nationaux.
Aux États-Unis, l a fa i - blesse du billet
vert et la demande chinoise de machinerie
stimulent les export at i ons, t out en c a l
mant l ’ appétit des Américains pour les biens
de consommation importés.
L’évolution de cette dynamique peut réserver
des surprises. Encore au printemps, bien rares
étaient ceux qui croyaient au redressement de
l’économie mondiale cet été même.
États-Unis : La construction relève la tête
WASHINGTON — Le marché de la construction de
logements aux États-Unis continue son lent
redressement, jugé indispensable pour le retour
d’une croissance durable dans le pays.
PHOTO GERRY BROOME, ASSOCIATED
PRESS
Selon le baromètre
mensuel publié lundi par l’Association
nationale des constructeurs de logements
(NAHB) et la banque Wells Fargo, le moral des
constructeurs de maisons individuelles a
progressé en août pour atteindre son plus haut
niveau depuis juin 2008.
Les chiffres publiés hier par le département du
Commerce américain témoignant d’une baisse de
1,8 % des permis de construire et de 1 % des
mises en chantier en juillet par rapport à juin
sont en apparence trompeurs.
En effet, la baisse a résulté d’un effondrement
dans le secteur des habitations communautaires,
secteur très variable d’un mois à l’autre, alors
que les chiffres témoignent de l’amélioration
continue du secteur des maisons individuelles,
qui représente près des trois quarts du marché
de la construction de logements.
Ainsi, les délivrances de permis de construire
des maisons, indicateur de la tendance à venir
du marché, ont augmenté en juillet (5,8%), pour
le quatrième mois de suite. Les mises en
chantier, qui donnent une idée de la conjoncture
du moment, ont pour leur part progressé (1,7%)
pour le cinquième mois consécutif.
Plusieurs analystes s’accordent pour dire que la
chute du logement communautaire ne remet pas en
cause le retournement du marché observé depuis
le mois de mai, avril ayant marqué le point bas
de la crise (permis et départs de chantiers
avaient alors touché en rythme annuel leur
niveau le plus bas depuis au moins un
demi-siècle).
« Le niveau d’activité de juillet est encore
bien supérieur à la moyenne du deuxième
trimestre », fait remarquer Paul Ferley, de RBC
Economics.
S’ajoutant à la tendance de hausse des ventes de
logements (neufs et anciens) et à la baisse des
stocks de maisons et appartements sur le marché,
les chiffres du département du Commerce «
renforcent l’opinion selon laquelle le secteur
du logement commence à se redresser »,
ajoute-t-il, même si le « niveau d’activité
reste très faible ».
Selon le baromètre mensuel publié lundi par
l’Association nationale des constructeurs de
logements ( NAHB) et la banque Wells Fargo, le
moral des constructeurs de maisons individuelles
a progressé en août pour atteindre son plus haut
niveau depuis juin 2008.
Pour l’économiste indépendant Joel Naroff, «
l’amélioration continue de la construction de
maisons individuelles indique que le marché du
logement continue de guérir ».
Le marché du logement tient une place importante
dans l’économie des États-Unis, où plus des deux
tiers des ménages sont propriétaires de leur
habitation.
S’il semble exclu que les investissements dans
le logement tiennent de nouveau rapidement la
place qu’ils ont eue dans la croissance
économique du pays du milieu des années 90
jusqu’à leur pic de 2005, les autorités estiment
que la reprise du secteur, par lequel la crise
est arrivée, sera une des clefs du retour à une
croissance durable.
À ce titre, le maintien d’une tendance à la
hausse dans la construction de maisons
individuelles est un signe encourageant pour les
États-Unis, alors que la succession
d’indicateurs bons et mauvais tend à brouiller
les pistes sur l’état de la première économie
mondiale, en attente d’une reprise espérée d’ici
à la fin du mois de septembre.
Dans les périodes intermédiaires comme celle-ci,
« c’est la tendance générale qui importe, et en
ce qui concerne le logement, la direction pointe
vers le haut », estime M. Naroff.
Pour Sal Guatieri, de BMO Capital Markets, « le
marché du logement reste engagé sur la route de
la reprise », mais « probablement sur la voie
lente jusqu’à ce que les conditions du crédit et
le chômage s’améliorent ».
Allemagne : Industriels et investisseurs
reprennent confiance
— Les exportat eurs et les i nvestisseurs en
Allemagne retrouvent le sourire.
La confiance des
investisseurs allemands a bondi à un
sommet en plus de trois ans ce mois-ci,
après que les stimulants fournis par le
gouvernement et la hausse des exportations
eurent permis à la plus importante
économie eu
La confiance des investisseurs allemands
a bondi à un sommet en plus de trois ans ce
mois-ci, après que les stimulants fournis par le
gouvernement et la hausse des exportations
eurent permis à la plus importante économie
européenne de sortir de la récession.
Le Centre de la recherche é c onomique e u r
opéen ne ZEW a indiqué hier que son i ndice
portant sur le sentiment des investisseurs et
des analystes était passé à 56,1 en août,
comparativement à 39,5 en juillet. Pour leur
part, les économistes avaient prédit que
l’indice grimperait à 45, selon la prévision
médiane de 35 prévisions recueillies par
Bloomberg. I l s’agit d’un sommet depuis avril
2006.
L’économie allemande a connu un essor de 0,3 %
au deuxième t rimestre, selon un rapport publié
la semaine dernière, ce qui a mis fin plus tôt
que prévu au pire ralentissement économique
depuis la Deuxième Guerre mondiale. Mais si la
hausse des exportations et les programmes du
gouvernement sont susceptibles de faire en sorte
que la croissance économique se poursuive, le
fort taux de chômage menace de son côté de
restreindre la reprise.
Encore des obstacles
« L’économie allemande n’est plus en récession,
mais elle n’est pas sortie du bois », avertit
Carsten Brzeski, économiste de la société I NG
Groep, à Bruxelles. « Malgré tout l’enthousiasme
suscité par l es r écentes st atist i - ques et
les perspectives à court terme, il reste tout de
même des obstacles à un véritable redressement ,
le plus gros étant la détérioration du marché du
travail », ajoute-t-il.
Le
ministère
allemand de l’ Économie a fait savoir que sa
prévision d’une baisse de l’économie de 6 %
cette année pourrait maintenant s’avérer trop
pessimiste.
« La récente performance du PIB démontre que les
prévisions antérieures des experts des marchés
financiers se sont réalisées », avance Wolfgang
Franz, président du ZEW. « Cependant,
ajoute-t-il, il n’y a aucune raison de tomber
dans l’euphorie. C’est que l’économie allemande
se développe en parallèle avec l ’économie
mondiale et de ce fait , elle devrait s e r
edresser uniquement graduellement. »
Exportations
En out r e, l e s ex por t a - tions allemandes
devraient rebondir de 4 % en 2010, après une c
hute de 17 % attendue cette année, selon une
étude publiée hier par la Fédération allemande
des chambres de commerce et d’industrie ( DIHK).
« Le commerce extérieur reprendra en 2010 sa
fonction de locomotive de l’économie a l l
emande » , a commenté Axel Nitschke, directeur
de la section Commerce extérieur de la
Fédération, cité dans un communiqué.
Le DIHK estime que l’Allemagne devrait retrouver
l’an prochain sa part de 9 % sur le marché du
commerce mondial.
L’é c onomie a l l e mande est ainsi structurée
que les exportations sont sa principale force,
mais aussi son talon d’Achille en temps de crise
internationale.
De nouveaux signes encourageants -
Marc Jourdier
Washington continuera de soutenir l’activité
pour plusieurs mois encore
WASHINGTON — La nette amélioration de l’activité
industrielle autour de New York, publiée hier,
est un signe supplémentaire d’une certaine
stabilisation de l’économie américaine, mais
Washington juge utile de continuer de soutenir
l’activité pendant plusieurs mois encore.
PHOTO FRANK POLICH, REUTERS
Pour Ryan Sweet,
économiste de Moody’s Economy.com, l’enquête
de la Fed de New York laisse penser que la
reprise de l’activité industrielle, dont le
déclin avait commencé bien avant le début
officiel de la récession, « gagne en puissance
».
« Pour la première fois en beaucoup plus qu’un a
n, l’enquête Empire State montre que les
conditions des entreprises industrielles de l’
État de New York se sont améliorées », écrit la
Réserve fédérale ( Fed) de New York dans le
communiqué rendant compte de son baromètre
industriel mensuel.
Cet indice industriel Empire State s’est établi
nettement dans le vert, avec un rebond beaucoup
plus fort que prévu, pour se hisser à +12,1 en
août, contre - 0,55 le mois précédent, et alors
que les analystes l’attendaient à +3,0
seulement.
C’est son plus haut niveau depuis novembre 2007,
le mois ayant précédé l’entrée officielle des
États-Unis dans la récession.
Pour Ryan Sweet, économiste de Moody’s Economy.
com, l ’enquête de l a Fed de New York laisse
penser que la reprise de l’activité
industrielle, dont le déclin avait commencé bien
avant le début officiel de la récession, « gagne
en puissance ». Selon d’autres c hif f r es publ
i és hier, par le département du Trésor, la
balance des capitaux à long terme des ÉtatsUnis
a bénéficié d’un net aff lux de capitaux publics
et privés vers les titres amér icains, en
particulier les obligations du Trésor et les
actions d’entreprises.
Pour l’économiste Brian Bethune, économiste de
l’institut IHS Global Insight, c’est le signe
que « la demande de base pour les titres
américains reste plutôt vigoureuse », ce qui
devrait contribuer à aider la reprise.
Attendue majoritairement d’ici à la fin du mois
de septembre, celle-ci s’annonce longue et très
fragile, et plusieurs autres i ndicateurs
publiés récemment témoignent que la première
économie mondiale ne sortira pas du jour au
lendemain de sa récession la plus violente
depuis la Deuxième Guerre mondiale.
La publication d’une nouvelle baisse des ventes
de détail la semaine précédente est venue ainsi
rappeler que la consommation des ménages,
locomotive de la croissance américaine, était
encore loin d’avoir relevé la tête.
La Banque centrale en a bien conscience. Si elle
a jugé le 12 août que l’économie semblait « en
train de se stabiliser », elle n’en a pas moins
laissé intact son dispositif exceptionnel de
soutien à la liquidité et au crédit et a
signifié son intention de maintenir encore
longtemps son taux d’intérêt quasi-zéro, en
vigueur depuis le mois de décembre, pour
accompagner la reprise.
De concert avec le Trésor, elle a annoncé hier
la prolongation d’un programme de soutien à la
consommation et à l’immobilier, jusqu’au milieu
de l’année 2010.
Cette facilité, qui arrivait à échéance à la fin
de l’année, a pour but de relancer le crédit à
la consommation et le marché immobilier en
offrant un financement avantageux à des i
nvestisseurs prêts à acheter des t it res
adossés à des actifs, grâce auxquels les
organismes de crédit se refinancent.
Comme une bonne part de la reprise dépendra de
la tenue de la consommation, les autorités
peuvent encore se faire du souci : le moral des
consommateurs est retombé en août, et un sondage
publié hier par le quotidien
montre que 57 % des Américains jugent que le
plan de relance budgétaire promulgué il y a six
mois par le président Barack Obama n’a aucun
effet sur l’économie ou empire les choses.
Mais il est vrai que pour l’i nstant, les
ménages ont plutôt eu tendance à épargner les
subsides qu’ils ont reçu du gouvernement.
La balance des capitaux américaine
repasse dans le vert en juin
WASHINGTON — La balance des capitaux à long
terme des États-Unis est repassée dans le
vert en juin avec un bénéfice bien plus fort
que prévu de 90,7 milliards de dollars,
selon les chiffres officiels publiés hier
par le département du T r ésor à Washington.
Malgré cela, le solde général de la balance
des capitaux américaine est resté négati f
pour le t roisième mois consécutif, à -31,2
milliards de dollars, contre - 65,7
milliards en mai.
Chiffre privilégié par les marchés, le solde
de la balance des capitaux à long terme
(hors ajustements) a bénéficié d’un net
afflux de capitaux publics et privés vers
les obligations du Trésor américain (100,5
milliards de dollars) et vers les actions
d’entreprises (19,41 milliards de dollars).
Ce
f lux positif pour les États-Unis a été
contrebalancé notamment par un mouvement de
délocalisation de fonds des résidents
américains, qui ont été acheteurs nets de
titres étrangers à long terme, pour 32,7
milliards de dollars, ce qui est sans doute
le signe d’un retour du goût pour le risque
et les placements dans les pays émergents,
même si les chiffres du Trésor ne permettent
pas de le voir.
En mai , l a balance des capitaux à long
terme avait affiché un solde négatif de 19,
4 milliards de dollars (chiffre révisé).
Pour juin, les analystes attendaient un
bénéfice de 17,5 milliards.
Les avoirs chinois en obligations du Trésor
américain ont enregistré en juin leur plus
forte baisse depuis au moins un an (-3,2%)
après avoir bondi de près de 5% en mai.
Cette baisse pourrait avoir surtout touché
les titres à court terme.
Les investisseurs chinois ( hors Hong Kong)
restent les premiers détenteurs au monde
d’obligations d’État américaines, pour une
valeur de 776,4 milliards de dollars, devant
le Japon (711,8 milliards) et la
Grande-Bretagne ( 214 , 0 mi l l i a r ds),
qui a retrouvé sa troisième place après
avoir été dépassée par le Brésil et la
Russie.
Le Japon sort de la récession
TOKYO — Le Japon a émergé au deuxième
trimestre 2009 de sa plus longue récession
depuis la Seconde Guerre mondiale, stimulé par
le redémarrage de son commerce extérieur et
par les mesures de relance massives en faveur
des ménages, a annoncé hier le bureau du
premier ministre.
Le Japon est le troisième grand pays
industrialisé, après l’Allemagne et la France,
à annoncer son retour à la croissance sur le
trimestre d’avril à juin. Les États-Unis et la
Grande-Bretagne restent officiellement en
récession.
Le produit intérieur brut ( PIB) de la
deuxième économie mondiale a progressé de 0,9
% par rapport au trimestre précédent, soit une
augmentation de 3,7 % en rythme annualisé.
La
reprise s’explique essentiellement, selon les
chiffres communiqués par le gouvernement, par
un redémarrage des exportations et de la
consommation des ménages, stimulée par les
plans de relance mis en oeuvre par les
autorités. Mais l’investissement des
entreprises est resté très faible.
L’i nvestissement publ i c a ainsi bondi de
8,1 % par rapport au t r i mestre précédent,
les exportations de 6,3 % et la consommation
des ménages a augmenté de 0,8 %. Mais
l’investissement en capital a encore chuté de
4,3 %. Depuis environ un an, le gouvernement
nippon a adopté de nombreuses mesures de
relance équivalent à environ 5 % du PIB.
L’État a notamment viré de l’argent liquide à
chaque ménage du pays pour relancer la
consommation, et a mis en place des aides à
l’achat de véhicules « propres », ce qui a
réveillé un marché automobile depuis longtemps
sinistré.
La plupart des analystes ont toutefois appelé
à la prudence, estimant que l’embellie
pourrait prendre fin quand les effets des
mesures étatiques commenceront à s’essouffler.
Malgré l’embellie du PIB, le taux de chômage
au Japon a atteint en juin son plus haut
niveau en six ans (5,4 %), proche de son
record historique.
Des experts croient en une reprise
vigoureuse
Plutôt qu’une croissance modeste, les États-Unis
se dirigent peut-être vers une reprise vigoureuse.
C’est que la pire récession depuis les années 30 a
créé un réservoir de demande qui stimulera
l’économie, soutiennent de plus en plus
d’économistes, dont principalement James Glassman,
de JPMorgan Chase & Co., Laurence Meyer,
ancien gouverneur de la Réserve fédérale
américaine (Fed), et Stephen Stanley, de RBS
Securities.
«
Chaque fois que nous sommes t ombés d’une fa l
aise pour nous enfoncer profondément, l’économie a
montré pendant un certain temps une tendance à
rebondir très rapidement », assure M. Glassman, un
économiste principal de JPMorgan Chase à New York.
M. Glassman et ses collègues ont indiqué ce
mois-ci que les prévisions de croissance de 3 % à
4 % au cours des prochains trimestres pourraient
être trop timides étant donné la « demande
refoulée » de consommation.
Mais cette opinion des spécialistes de JPMorgan
Chase entre en contradiction avec le point de vue
popularisé par Mohamed El-Erian, de Pacific
Investment Management Co. ( Pimco), selon lequel
le fort taux de chômage et la destruction record
de richesse feront en sorte que la croissance
économique ne sera que de 2 % ou moins pendant des
années.
Cette divergence de vues met en lumière le
dilemme auquel doivent faire face les décideurs,
ceux-ci ayant à trancher entre la poursuite des
sti mulants f i scaux et monétaires records ou
une mise en sourdine progressive pour prévenir
une poussée inflationniste si la croissance
devait s’accélérer.
M. El-Erian, PDGdePimco, une société établie à
Newport Beach, en Californie, soutient que les «
i ndicateurs que nous suivons continuent
d’indiquer une croissance modeste à moyen terme
aux États-Unis ».
Il répond ainsi aux arguments en faveur d’une
reprise dite en V. Un rapport de la Réserve
fédérale américaine ( Fed) publié la semaine
dernière ajoute aux signes de reprise parce
qu’il fait état d’une hausse de 0,5 % de la
production i ndustrielle en juillet, première
augmentation en neuf mois.
La t hé o r i e d i t e de la « Nouvelle
normalité » prédit que la récession fera en
sorte que le taux de chômage, qui atteindra l’an
prochain, prévoit-on, 10 % pour la première fois
depuis 1983, se maintiendra élevé pendant des
années. MM. Glassman et Meyer ne sont pas
d’accord.
« La principale objection que j ’élève contre
l’idée de Nouvelle normalité voulant que nous
soyons pris avec un taux de chômage élevé et que
nous devons l’accepter, c ’est que si l ’on
examine les initiatives de la Fed, on s’aperçoit
qu’elle fait tout ce qu’elle peut pour combattre
cela », lance M. Glassman, qui a déjà travaillé
comme é c onomiste de l a Fed à Washington.
M. Meyer, qui a été gouverneur de la banque
centrale américaine de 1996 à 2002, explique
pour sa part que lui-même et ses collègues « ne
décèlent aucun indice » montrant que le taux de
chômage allant de pair avec une inflation stable
est maintenant plus élevé.
M. Meyer dit s’attendre à ce que le PIB
américain bondisse de 3,6 % en 2010 et de 3,9 %
en 2011. La croissance économique annuelle aux
États-Unis n’a dépassé 3 % qu’une seule fois
jusqu’à présent au cours de la présente
décennie, soit en 2004, et sa moyenne s’établit
à tout juste 2,2 %.
« Le principal moteur est le prix des maisons,
soutient M. Meyer en faisant référence à ses
prévisions touchant la reprise. Si les prix des
maisons se stabilisent, on assistera à une
formidable relance du secteur de l’habitation
qui domine toutes les autres variables de notre
équation. Il y a une formidable demande refoulée
dans ce secteur particulier. »
Espoirs de sortie de récession en
Europe
Le PIB de l’Allemagne et de la France augmente
de 0,3 %
BRUXELLES — L’annonce hier d’un retour surprise
de la croissance au deuxième trimestre en
Allemagne et en France alimente les espoirs
d’une sortie de crise progressive dans la zone
euro, même si cette dernière est pour l’instant
toujours en récession.
Après quatre t r i mestres consécutifs de
contraction de leur produit intérieur brut (
PIB), l’Allemagne, première économie de la zone
euro, et la France ont toutes les deux annoncé
une hausse identique de leur PIB de 0,3 %
comparé au premier trimestre.
Pour l’ensemble de la zone euro, en revanche,
l’économie s’est contractée de 0,1 %, et ce,
pour le cinquième t rimestre d’affilée, d’après
une première estimation de l’Office européen des
statistiques Eurostat.
Mais comparé au plongeon record de 2,5 % accusé
au premier trimestre, c’est un très net
ralentissement et une bonne surprise pour les
économistes, qui attendaient un recul plus
prononcé.
De quoi a l i menter les espoirs d’une sortie
plus rapide que prévu de la récession actuelle,
la pire traversée par la zone euro depuis 1945.
Jusqu’ici, la Commission européenne comme le
Fonds monétaire international (FMI) tablent sur
une reprise modeste seulement au courant de
2010.
« La plus forte contraction semble derrière nous
», a commenté hier un porte-parole de la
Commission, y voyant l’effet des mesures
anticrise prises depuis l’automne par les
gouvernements et banquiers centraux.
« L a s i t uation e s t bien meilleure que ce
que nous prévoyions au printemps », a-t-il
estimé, renvoyant toutefois au 14 septembre pour
une actualisation des prévisions économiques de
Bruxelles.
Vers une nouvelle récession?
« Ces chiffres sont agréables, mais payés cher,
avec les plans de relance », nuance Costa
Brunner, économiste chez Natixis. « Que se
passera-t-il quand les primes à la casse en
Allemagne et ailleurs seront épuisées? Un revers
est très probable courant 2010. »
« Ce que nous voyons actuellement s’appuie
essentiellement sur les plans de relance
gouvernementaux et la reconstitution des stocks
», a aussi tempéré Jürgen Stark, économiste en
chef de la Banque centrale européenne. « Tant
que c’est comme ça, nous ne pouvons pas compter
sur un retour durable à une trajectoire de
croissance ».
Plusieurs économistes envisagent une courbe en «
W », comme Aurelio Maccario chez Unicredit,
convaincu que « le PIB de la zone euro pourrait
ralentir à nouveau début 2010 ».
« Une nouvelle récession ne peut pas être exclue
», prévient aussi Cédric Thellier chez Natixis.
Comme pour leur donner raison, la production
industrielle, qui avait rebondi en mai dans la
zone euro pour la première fois depuis août
2008, est repartie à la baisse en juin.
Et les estimations nationales des derniers jours
brossent toujours un sombre tableau de
l’économie européenne.
Le PIB a encore reculé au deuxième trimestre de
0,9% aux Pays-Bas, de 0,5 % en Italie, de 0,4%
en Belgique et en Autriche. Hors zone euro, la
Grande-Bretagne accuse une baisse de 0,8%,
l’Estonie de 3,7%, la Roumanie de 1,2%, la
Hongrie de 2,1%.
Les performances de l’ensemble de l’UE sont plus
mauvaises que celles de la zone euro, avec une
contraction économique de 0,3%, selon Eurostat.
En outre, le PIB européen reste encore bien en
dessous de ses niveaux de l’année dernière à la
même époque, avec des diminutions de 4,6% pour
la zone euro et de 4,8% pour l’UE.
La prudence reste de mise, même chez les bons
élèves de la classe européenne.
Pour le ministre allemand de l’Économie,
Karl-Theodor zu Guttenberg, « le pire de la
récession est derrière nous », mais « il n’y a
pas de raison d’être euphorique ».
Son homologue française, Christine Lagarde, a
prévenu pour sa part que « la situation du
marché du travail devrait rester difficile au
cours des prochains trimestres ».
Wall Street rebondit, encouragé par
la Fed
La Bourse de New York a nettement rebondi hier,
stimulée par la banque centrale américaine, qui
a évoqué une stabilisation de l’activité
économique aux États-Unis.
Après deux séances de baisse, le Dow Jones
Industrial Average a progressé de 120,16 points
(+1,3%) à 9361,61 points, et le NASDAQ, à
dominante technologique, de 28,99 points (+1,5%)
à 1998,72 points, selon les chiffres définitifs
de clôture.
L’ i n d i c e S t a n d a r d & Poor’s 500,
à la composition plus large, s’est quant à lui
adjugé 1,15% (11,46 points) à 1005,81 points.
En nette hausse toute la matinée, les indices de
Wall Street ont maintenu la cadence après la fin
de la réunion de la Réserve fédérale américaine.
Sans surprise, la « Fed » a maintenu son taux
directeur proche de zéro, mais elle a jugé que
l’activité semblait être « en train de se
stabiliser ». Ce qui « indique que ses membres
pensent que la récession est finie », a commenté
l’économiste indépendant Joel Naroff.
La banque centrale a par ailleurs annoncé
qu’elle allait ralentir son programme de rachat
de 300 milliards US d’obligations du Trésor
américain afin de l’achever fin octobre et non
plus en septembre.
« La Fed n’en est pas arrivée au point où elle
réfléchit à sortir de ses programmes de relance
: elle ne va pas relever ses taux, elle est
toujours concentrée sur le côté négatif », a
expliqué Marc Pado, de Cantor Fitzgerald.
« De ce point de vue, rien n’a changé, et le
marché aime la constance, a-t-il ajouté.
L’inquiétude, c’était que si (la Fed) évoquait
une stratégie de sortie, les gens allaient
anticiper une hausse de taux, pour laquelle on
n’est pas encore prêt ».
Côté valeurs, Microsoft a gagné 1,7 % à
23,53$US. Le géant des logiciels a conclu un
partenariat avec le numéro un mondial de la
téléphonie mobile, le finlandais Nokia, qui va
équiper ses appareils avec les logiciels de
bureautique Office.
La Bourse de Toronto, de son côté, a terminé en
terrain légèrement positif. L’indice S&P/
TSX a pris 30,4 points à 10 659,87,
essentiellement grâce à la robustesse des
secteurs énergétique et financier. Le marché
avait cédé environ 250 points depuis deux jours,
puisque les i nvestisseurs avaient choisi
d’empocher des profits et cherchaient des signes
que l’économie américaine sortait de la
récession.
« Je pense qu’il serait difficile d’imaginer un
communiqué (de la Fed) mieux formulé, a dit
l’analyste Andrew Pyle de la firme Scotia
McLeod. Ils ont parlé de l’amélioration des
conditions économiques (...) en parlant de
"stabilisation", ce qui est une autre façon de
dire que cet été ou au troisième trimestre nous
passerons probablement d’une récession au
redressement – mais ils l’ont dit sans mettre
toutes leurs cartes sur la table. »
Le dollar canadien a fluctué pour une deuxième
journée consécutive, terminant en hausse de 1,09
cent US à 91,88 cents US et récupérant
essentiellement le terrain perdu mardi.
La Bourse de croissance TSX a avancé de 9,18
points à 1186,02.
Le baril de pétrole s’est renfloué de 71 cents
US à 70,16 cents US. L’once d’or s’est améliorée
de 4,90$US à 952,50$US.
Le secteur de l’énergie a avancé de 1%, quand le
gouvernement américain a fait état d’une
troisième hausse hebdomadaire consécutive de ses
réserves de pétrole. Le titre de Suncor a pris
95 cents à 35,86$.
L e s e c t eu r f i na ncier a grimpé de 0,42
%, quand la Financière Manuvie a annoncé l
’acquisition de certaines activités de AIC. Le
titre de Manuvie a terminé en hausse de 23 cents
à 22,42$.
Les sceptiques confondus ?
- Yannick Desnoyers
La reprise du marché de l’emploi pourrait être
plus rapide que prévu aux États-Unis
L’auteur est économiste en chef adjoint de la
Banque Nationale. Au moment d’écrire ces lignes,
la récession américaine est probablement
terminée alors que plusieurs indicateurs
économiques à haute fréquence donnent à penser
que le produit intérieur brut réel américain (
PIB) s’apprête à relever la tête au troisième
trimestre de l’année en cours. Il semble donc
permis à ce stade-ci de faire un bilan du revers
de conjoncture enregistré au sud de la
frontière.
PHOTORICKWILKING, ARCHIVES REUTERS
Des employés, haut
perchés, s’activent à refaire le toit du Musée
d’art de Denver, au Colorado. Dans un avenir
rapproché, l’économie américaine devrait
bénéficier de stimulants budgétaires
favorables à la création d’emplois.
En rétrospective, la récession américaine aura
été longue et de grande amplitude, mais elle
aura surtout touché le secteur des biens, par
opposition à celui des services. De fait, depuis
décembre 2007, date officielle du début de la
récession américaine, le PIB réel des services
n’a pas reculé aux ÉtatsUnis. À l’opposé, le
secteur des biens a connu toute une déconfiture,
enregistrant une chute de 9,3% de son activité
réelle au cours de la même période.
Or, sur le plan du marché du travail, les
entreprises américaines n’y sont pas allées avec
le dos de la cuillère. Bien que la production
réelle du secteur des services ait progressé de
1% depuis décembre 2007, les entreprises ont
tout de même retranché 3% du total de leurs
effectifs dans ce secteur ou 3,3 millions
d’emplois. L’absence de baisse de production
combinée à des licenciements massifs aura réussi
à pousser fortement à la hausse la productivité
de la main-d’oeuvre dans le secteur des
services. De sorte que, contrairement à
l’ensemble des récessions depuis 1960, la
croissance de la productivité a démarré en
pleine récession plutôt qu’à sa fin.
Cela constitue bien davantage qu’un simple
détail. Cette dynamique inhabituelle de la
productivité, causée par des licenciements
démesurés, nous laisse croire que la réaction du
marché du travail face à une hausse de la
production devrait être plus rapide qu’à
l’accoutumée.
À
partir de maintenant, il sera beaucoup plus
difficile pour les entreprises américaines de
pousser encore à la hausse la croissance de la
productivité de leur main-d’oeuvre, car le
mouvement a déjà été enclenché bien avant la fin
de la récession.
Dans ce climat, une hausse de la production
devrait plus aisément se traduire par des gains
d’emplois. Nous avons donc de bonnes raisons de
croire que les statistiques de l’emploi au sud
de la frontière sont sur le point de redevenir
positives.
Au-delà de l’argument de la productivité,
n’oublions pas que les effets des stimulants
budgétaires commencent à peine à se faire sentir
au sud de la frontière. Malgré qu’au Québec, il
soit difficile de circuler sans observer de
nombreux chantiers, l’emploi dans le secteur de
la construction ainsi que les dépenses
gouvernementales n’ont pas encore solidement
relevé la tête aux États-Unis.
Dans un avenir rapproché, l’économie américaine
devrait bénéficier de stimulants budgétaires
totalisant plusieurs centaines de milliards de
dollars. L’activité économique sera toutefois
déjà en reprise avant même que ces stimulants
n’entrent en jeu.
Dans ce contexte, il ne faut donc pas s’étonner
si l’indice phare de la Bourse américaine, le
S&P 500, a rebondi de 50% par rapport au
creux du marché de mars dernier. Les sceptiques
de la reprise pourraient bien être confondus.
Wall Street au plus haut depuis
novembre
NEW YORK — La Bourse de New York a fini hier à
son plus haut niveau depuis le début du mois de
novembre, agréablement surprise par les chiffres
mensuels de l’emploi aux États-Unis.
L’indice Dow Jones a progressé de 113,81 points
(+1,2%) à 9370,07 points, son plus haut niveau
de clôture depuis le 4 novembre, et le NASDAQ, à
dominante technologique, de 27,09 points (+1,4%)
à 2000,25 points.
L’indice Standard & Poor’s 500, à la
composition plus large, s’est adjugé de son côté
1,34% (13,40 points) à 1010,48 points.
L’indice phare de Wall Street a conclu fermement
sa quatrième semaine consécutive de progression
et a désormais repris près de 45% par rapport à
son plus bas niveau de clôture au début du mois
de mars.
Très attendues, les statistiques du chômage aux
États-Unis se sont révélées « très bonnes
globalement », s’est réjoui Marc Pado, de Cantor
Fitzgerald.
L’économie américaine a aboli 247 000 emplois en
juillet, soit bien moins qu’attendu par les
économistes (325 000), et contre toute attente,
le taux de chômage a reculé à 9,4%, contre 9,5%
le mois précédent. Un tel repli n’avait plus été
vu depuis avril 2008.
L’indicateur « devrait renforcer l’idée que le
point bas de la récession est enfin en vue, et
va peut-être être atteint à la fin de ce
trimestre », a jugé Frederic Dickson, de DA
Davidson. « De plus en plus d’investisseurs
voient la possibilité d’une fin de récession.
Même une reprise modeste devrait soutenir les
profits des sociétés et l’emploi dans les 12
prochains mois. »
Pour John Wilson, de Morgan Keegan, ces chiffres
« mettent du baume au coeur de ceux qui pensent
que l’économie tente de tourner la page, mais
rend possible une déception si les statistiques
à venir ne confirment pas cette nouvelle ».
Signe particulièrement positif, selon M. Pado,
l’amélioration est sensible dans le secteur qui
avait le plus souffert de la crise, et qui voit
ses effectifs se réduire depuis 2006:
l’industrie.
Dans c e s ec t eur, l ’ avionneur Boeing a
gagné 2,6 %, le chimiste DuPont 1,1 % et le
fabricant d’engins de chantiers Caterpillar
1,4%.
Les analystes de Charles Schwab ont souligné que
le marché avait été emmené par les secteurs de
la consommation et de la finance, « tous les
deux directement influencés par les perspectives
de l’emploi et le bien-être du consommateur ».
Le groupe de médias et de tourisme Disney (5,2%
à 26,69$US) a ainsi connu la plus forte hausse
de l’indice Dow Jones. L’indice S&P des
valeurs bancaires a, quant à lui, pris 3,68%.
Autre nouvelle bien accueillie, l’assureur AIG,
nationalisé en septembre pour lui éviter la
faillite, a annoncé avoir dégagé un bénéfice
pour la première fois depuis près de deux ans.
Le titre, qui s’était déjà envolé de plus de 70%
entre lundi et jeudi, a bondi de 20,5% à 27,14$
US.
L’indice S&P/ TSX a pris 91,96 points pour
terminer la journée à 10 885,33. Le TSX termine
la semaine en progression de 98 points, ou 0,9
%, sa quatrième semaine positive consécutive.
Le secteur énergétique a perdu 0,1%, pendant que
le secteur aurifère reculait de 1,7%. Le cours
du baril de pétrole a cédé 1,01$US à New York, à
70,93$US. L’once d’or a perdu 3,40$US à
959,50$US.
Le secteur financier a avancé de 1,8% après
avoir dégringolé de 5,6 % jeudi, quand le plus
important assureur du Canada, la Financière
Manuvie, a annoncé qu’elle réduisait son
dividende de moitié. Le titre de la Banque CIBC
a pris 2,75$, ou 4,2%, à 68,75$.
SURPRISE AUX ÉTATS-UNIS Le
chômage baisse et moins d’emplois sont
abolis - Hugues Honoré
WASHINGTON — Les pertes d’emplois ont nettement
ralenti aux États-Unis en juillet et le taux de
chômage a baissé contre toute attente, selon des
chiffres publiés hier qui tombent à point pour
un président Obama qui cherche à convaincre de
la réussite de son plan de relance.
PHOTO JIM YOUNG, REUTERS
Le président Barack
Obama : « Nous perdons des emplois à un rythme
deux fois moindre que quand j’ai pris mes
fonctions. Nous avons évité le pire au système
financier. »
Les tenants de la thèse selon laquelle la
récession économique est en train de s’achever
ont trouvé des arguments, avec des suppressions
d’emplois tombées à 247 000 sur ce mois, contre
443 000 le mois précédent, d’après les
statistiques du département du Travail.
C’est mieux que ce qu’anticipaient les
économistes, qui tablaient en moyenne sur 325
000 emplois abolis.
Surtout, la bonne surprise est venue du taux de
chômage, descendu à 9,4% contre 9,5% le mois
précédent. Ce taux n’avait pas connu de baisse
depuis avril 2008.
La Maison-Blanche, qui s’attend à ce qu’il
grimpe jusqu’à 10%, a prévenu qu’elle maintenait
cette prévision, mais y a vu la preuve que
l’économie « s’éloigne du gouffre ».
« C’est un rapport meilleur que prévu sur tous
les chiffres-clés », a confirmé Ian Shepherdson,
de High Frequency Economics.
Si la première économie mondiale n’en est pas au
stade où elle recréera des emplois, elle s’en
est encore rapprochée.
Selon un membre du National Bureau of Economic
Research, le comité qui date les cycles
économiques aux États-Unis, il est possible que
la récession ait pris fin en juillet aux
États-Unis.
« Je n’ai pas eu le sentiment au cours de l’un
ou l’autre des mois antérieurs que l’économie
ait touché le fond, mais juillet est assurément
un bon candidat », a dit Jeffrey Frankel.
« En juillet, les suppressions d’emplois ont
continué dans la plupart des grands secteurs de
l’économie », a précisé le département du
Travail. Elles portent le total à 6,7 millions
de postes perdus depuis le début de la récession
en décembre 2007.
Mais, a-t-il ajouté, « la moyenne des emplois
abolis chaque mois de mai à juillet ( 331 000)
est environ la moitié de celle de novembre à
avril (645 000) ».
L’amélioration est sensible dans le secteur qui
avait le plus souffert de la crise, et qui voit
ses effectifs se réduire depuis 2006, celui de
l’industrie. Le nombre d’emplois a encore baissé
de 128 000, après 223 000 en juin. Mais dans le
secteur emblématique de l’automobile, le
département du Travail fait état d’une
augmentation des effectifs (+28 200).
Dans les services, 119 000 emplois ont été
supprimés, après 220 000 en juin.
Plan de relance
La Maison-Blanche attribue cette amélioration
relative au gigantesque plan de relance de 787
milliards de dollars promulgué en février, «
remède éprouvé et fiable » selon elle.
« Nous perdons des emplois à un rythme deux fois
moindre que quand j’ai pris mes fonctions. Nous
avons évité le pire au système financier », a
déclaré le président Barack Obama au cours d’une
brève allocution dans les jardins de la
Maison-Blanche.
« Nous avons non seulement sauvé notre économie
de la catastrophe, mais aussi posé les nouvelles
bases de la croissance », a-t-il insisté.
Mais si la conjoncture économique se dégrade
beaucoup moins vite qu’il y a trois ou six mois,
l’avenir reste sombre pour les 14 462 millions
d’Américains au chômage.
« Pour les Américains, le test du plan de
relance, c’est de savoir s’ils ont ou non un
travail. Aujourd’hui, pour 247 000 Américains de
plus et leurs familles, la relance a échoué », a
souligné le député républicain Eric Cantor.
INDICE S& P/TSX Au-dessus de
la barre des 11 000 points
— L
a Bourse de Toronto a clôturé hier au-dess us de l
a barre des 11 0 0 0 points pour la première fois
en 10 mois.
L’indice composite S & P/ TSX a bondi de
230,95 points, soit 2,14 %, pour clôturer à 11
018,10 points. I l a f ranchi le seuil symbolique
des 11 000 points dans les derniers instants de la
séance, une première depuis le 1er octobre 2008.
L’indice de référence du parquet torontois
commence ainsi du bon pied le mois d’août, après
avoir gagné plus de quatre pour cent en juillet.
La Bourse de Toronto était par ailleurs en mode «
rattrapage » par rapport aux marchés new-yorkais,
qui avaient affiché de solides hausses lundi,
pendant que le TSX était fermé à l’occasion du
congé civique en vigueur dans la plupart des
provinces canadiennes, mais pas au Québec.
Même à 11 0 0 0 points, le S & P/ TSX est plus
de 4 0 0 0 points en-deçà de son sommet de tous
les temps, soit 15 154 points, atteint en juin
2008.
Le secteur des métaux de base a été le meneur sur
le marché torontois hier, avec un gain de 3,7 %,
stimulé par la publication de données laissant
croire que les ventes imminentes de maisons
américaines ont grimpé de 3,6 % en juin par
rapport au mois précédent. Cela est largement
supérieur aux attentes des économistes, qui
voyaient une progression de 0,7 % dans leurs
boules de cristal. La hausse devrait faire grimper
la demande pour plusieurs métaux.
Le leader du secteur Teck Resources — la plus
grande minière canadienne inscrite en Bourse — a
vu son action prendre 73 cents, soit 2,6 %, à
29,08 $.
Selon Bob Tebbutt, vice-président chez Peregrine
Financial Group, ce secteur répond à
l’appréciation de la demande pour les nouvelles
maisons et les nouveaux véhicules.
« Les métaux de base — le cuivre, l’aluminium, le
zinc, le plomb et le nickel — ont atteint de
nouveaux sommets lundi », a noté M. Tebbutt.
« Il y a eu un léger désinvestissement
aujourd’hui, mais le secteur des métaux à
Toronto r att r ape l e mouvement à la hausse de
lundi qu’ont connu les marchés de Londres et de
New York. »
Le cours du pétrole brut a cédé 16 cents US pour
terminer la journée à 71,42 $ US le baril à la
Bourse des matières premières de New York.
Cependant, le secteur torontois de l’énergie a
pris trois pour cent, réagissant en fait à la
hausse de 2,13 $ US enregistrée lundi par le
baril.
Le secteur aurifère a gagné 2,1 %, le cours du
lingot d’or ayant pris 10,90 $ US à 969,70 $ US
à New York. Le secteur de la finance a avancé de
1,5 %.
Le dollar canadien a pour s a pa r t gagné 0 , 2
6 c ent US à 93,07 cents US.
L a Bourse de c r oi s s a nce TSXV a avancé de
16,41 points à 1195,98 points.
À New York, les marchés ont clôturé la séance en
légère hausse, alors que des données faisaient
état d’une hausse de 0,4 % des dépenses des
consommateurs américains en juin.
La moyenne Dow Jones des valeurs i ndustrielles
de Wall Street a gagné hier 33,63 points à
9320,19 points.
L’indice éla rgi S & P 500 a avancé de 3,02
points à 1005,65 points, tandis que l’indice
composite du NASDAQ, à forte composante
technologique, a pris 2,70 points à 2011,31
points.
VENTES DE MAISONS AUX ÉTATS-UNIS Les acheteurs
s’affichent de plus en plus
Le
nombre de contrats pour acheter des maisons
existantes aux États-Unis a augmenté en juin
dernier pour le cinquième mois consécutif et ce
résultat s’est avéré supérieur aux prévisions
des économistes. La baisse des prix et des taux
hypothécaires a attiré les acheteurs.
PHOTO PAUL SAKUMA, ARCHIVES
ASSOCIATED PRESS
La baisse de la valeur
des propriétés engendrée par les saisies et
les avantages fiscaux fait que des maisons
sont désormais à la portée de premiers
acheteurs.
Cette progression de 3,6 % de l ’ i ndice des
conventions d’achat signées, ou de reventes de
maisons existantes, faisait suite à une
augmentation de 0,8 % le mois précédent, ce qui
était supérieur à ce qui avait d’abord été
estimé, a précisé hier à Washington la National
Association of Realtors ( NAR).
La baisse de la valeur des propriétés engendrée
par les saisies et les avantages fiscaux fait
que des maisons sont désormais à la portée de
premiers acheteurs. Et cette situation contribue
à stabiliser le marché immobilier, qui a été le
principal frein à la croissance économique.
Mais en même temps, étant donné que les taux
hypothécaires ne baissent plus et que le chômage
est encore en hausse, il faudra peut-être des
mois avant qu’une reprise soutenue se manifeste
dans l’immobilier.
« Le marché immobilier semble assurément être en
train de trouver son élan », constate Maxwell
Clarke, économiste en chef à IDEAglobal, secteur
États-Unis, à New York.
Les économistes avaient prédit que l’indice
progresserait de 0,7 % après un gain d’abord
annoncé de 0,1 % en mai. Ce résultat correspond
à la prévision médiane de 35 économistes sondés
par Bloomberg.
Les reventes de maisons en instance sont
considérées comme un indicateur principal parce
que cette statistique porte sur des contrats
signés.
Toutes les quatre grandes r égions des
États-Unis ont connu une hausse des ventes en
instance, le Sud présentant le meilleur résultat
avec un gain de 7,1 % alors que la progression a
été de 2,9 % dans l’Ouest.
« L’activité a été constamment plus vive dans le
segment des maisons aux pri x plus modestes », a
indiqué Lawrence Yun, économiste en chef à la
NAR. Celui-ci a précisé que les premiers
acheteurs doivent conclure leur transaction
d’ici le 30 novembre pour obtenir un crédit
d’impôt de 8000 $ US.
Pour leur part , une assoc i a t i on nationa l
e de c ou r - tiers i mmobiliers déclarait la
semaine dernière que les ventes de maisons
existantes ont augmenté en juin, soutenant la
thèse que la chute du marché immobilier –
maintenant dans sa quatrième année – se
terminera en 2009.
Le prix des maisons a diminué en moyenne de 15%
aux ÉtatsUnis depuis un an.
En outre, les ventes de maisons neuves ont bondi
de 11 % en juin, soit la plus forte hausse
depuis l ’a n 2000, a f f i r mait récemment le
département du Commerce, à Washington.
Washington prévoit le retour de la
croissance avant la fin de l’année
Même l’ancien président de la banque centrale
américaine Alan Greenspan s’est montré
optimiste. Il a parlé d’une reprise « très
proche », assurant qu’il était « pratiquement
sûr » que l’économie américaine avait touché le
fond.
— L’administration Obama a annoncé hier le
retour de la croissance avant la fin de l’année,
tout en prévenant qu’il faudra peut-être
attendre un an de plus avant de voir reculer le
chômage.
« La grande, grande probabilité, c’est que nous
verrons, à l’avenir, de la croissance dans la
deuxième moitié de l’année », a déclaré le
conseiller économique de la Maison-Blanche
Lawrence Summers, interrogé sur la chaîne de
télévision NBC.
Le secrétaire au Trésor, Timothy Geithner,
interrogé sur la chaîne ABC, a avancé la même
chose sur la base des prévisions d’économistes
privés. Il a surtout précisé que
l’administration compte sur une amélioration
durable : « Nous pensons que cela va continuer
», a-t-il dit.
« Je ne pense pas qu’on puisse voir maintenant
le risque » de retomber en récession, a-t-il
ajouté, rappelant qu’il s’agissait d’une crainte
très répandue il y a quelques mois.
Même l’ancien président de la banque centrale
américaine Alan Greenspan s’est montré
optimiste. Il a parlé d’une reprise « très
proche », assurant qu’il était « pratiquement
sûr » que l’économie américaine avait touché le
fond et que la reprise avait commencé à se faire
sentir à la mi-juillet.
MM. Summers, Geithner et Greenspan ont fait hier
une tournée des plateaux de télévision,
participant à trois émissions au total, pour
mieux i mprimer cette bonne nouvelle dans
l’esprit des Américains.
« Il f aut que nous r e ndions les Américains
plus optimistes quant à leur avenir » , a j
ustifié M. Geithner, reconnaissant que la
consommation est une donnée cruciale de
l’économie américaine.
Vendredi, la Bourse a réagi avec prudence à
l’annonce d’un recul du produit i ntérieur brut
( PIB) moins prononcé que prévu entre avril et
juin (1 %, au lieu de -1,5 % attendu). Certains
analystes s’inquiétaient de voir reculer les
dépenses de consommation, premier moteur de
l’activité économique (-1,2 % en rythme annuel),
alors qu’elles progressaient au premier t r i
mestre (+ 0,6 %).
Et le chômage, qui, comme l’a concédé M.
Summers, « est plus élevé que prévu », est un
frein considérable aux dépenses de consommation.
L’administration s’est donc efforcée de modérer
les attentes : « La plupart des économistes
privés (...) disent qu’on va voir le chômage
commencer à ref luer peut-être dans la deuxième
moitié de l’année », a dit M. Geithner.
M.
Summers a expliqué que le plan de relance voté
par le Congrès en début d’année avait une montée
en puissance très progressive, si bien que «
moins de 10 % » de l’impact attendu sur l’emploi
était prévu en 2009, les plus grandes retombées
étant espérées en 2010.
Les prochains chiffres du chômage sont attendus
en fin de semaine, et le président Barack Obama
lui-même a déjà préparé les esprits à une
mauvaise nouvelle. Ces chiffres « montreront
probablement que nous continuons à perdre
beaucoup trop d’emplois », a-t-il prévenu dès
vendredi.
Néanmoins, l’administration a exprimé sa
confiance dans la politique de relance : « Il
nous reste beaucoup de choses à mettre en oeuvre
», a dit M. Summers, qui a exclu la possibilité
qu’un deuxième plan de relance soit nécessaire.
M. Geithner a de son côté lancé un appel au
secteur privé pour qu’il amplifie l’effort des
services publics pour créer des emplois : « Nous
avons besoin que la reprise soit fondée sur la
demande du privé et les dépenses du privé, que
les entreprises parient sur l’économie
américaine. »
RÉSULTATS PITOYABLES, RENDEMENTS
ENVIABLES... - Vincent Brousseau-Pouliot
Des profits en chute libre sur une base annuelle
mais néanmoins supérieurs aux attentes des
analystes boursiers. Voilà tout ce qu’il fallait
pour donner un deuxième souffle aux Bourses
nord-américaines, dont les rendements devraient
retourner dans les deu
Jean-René Ouellet insiste : les résultats des
entreprises inscrites à la Bourse de Toronto ne
sont pas seulement mauvais. « Ils sont
pitoyables », dit l’analyste principal du groupe
conseil en portefeuilles de Valeurs mobilières
Desjardins. Aux États-Unis, 77% des
184 premières entreprises du S&P 500 ayant
dévoilé leurs résultats du dernier trimestre
ont surpassé les prévisions des analystes. Du
jamais vu depuis le premier trimestre de 1994,
alors que 74% des entreprises avaient surpassé
les attentes des analystes.
Depuis un an, les profits des entreprises qui
forment l’indice de la Bourse de Toronto sont en
baisse de 45%, une chute accentuée par les
résultats des titres du secteur pétrolier. Pour
l’indice américain S&P 500, la baisse des
profits est de 33% par rapport à l’an dernier.
Pourtant, Valeurs mobilières Desjardins est
optimiste comme jamais et prédit des hausses de
14% au S&P/ TSX et de 12% au S&P 500
d’ici à la fin de l’année.
Comment des profits en chute libre peuvent-ils
pousser à un tel optimisme des analystes
boursiers comme Jean-René Ouellet ? Ces mêmes
profits sont plus importants que les prévisions
des analystes boursiers. Aux États-Unis, 77 %
des 184 premières entreprises du S&P 500
ayant dévoilé leurs résultats du dernier
trimestre ont surpassé les prévisions des
analystes. Du jamais vu depuis le premier
trimestre de 1994, alors que 74% des entreprises
avaient surpassé les attentes des analystes. «
En chiffres absolus, les résultats des
entreprises sont pitoyables, mais le marché
s’attendait à encore pire », dit Jean-René
Ouellet.
Certains stratèges apportent des bémols à ce
nombre record de surprises. « La barre n’était
pas très haute », dit Jack Ablin, chef des
placements de Banque privée Harris, une banque
du Midwest américain propriété de BMO Groupe
financier.
Au Canada, 21 des 27 premières entreprises qui
ont dévoilé leurs
résultats du dernier trimestre ont surpassé les
attentes de Bay Street, selon une compilation de
la Banque Nationale. « Une bonne partie de ces
surprises reflètent des coupes dans les
dépenses, que ce soit en salaires ou dans les
budgets d’investissement, dit Stéfane Marion,
économiste et stratège en chef de la Banque
Nationale. Maintenant, il faut que les revenus
soient au rendez-vous. La croissance des revenus
sera vitale pour les entreprises en Bourse
durant la deuxième moitié de l’année. »
Stéfane Marion a bon espoir de voir les revenus
des entreprises augmenter durant les prochains
trimestres. Assez en tout cas pour assurer une
croissance de 9% au TSX d’ici un an. À la fin
juin, le stratège boursier en chef de la Banque
Nationale avait annoncé sa cible pour le TSX à
11 600. À l’époque, il s’agissait d’un gain
annuel de 17%. Au cours du dernier mois, le TSX
s’est déjà apprécié de 9%.
Le ratio cours/bénéfice à la hausse
L’indice TSX se transige à 16,6 fois les profits
de ses entreprises depuis le début de l’année.
Sur la base des profits estimés en 2010, le
ratio cours/bénéfice du TSX tomberait à 13,1, un
chiffre historiquement très faible. La Banque
Nationale estime que le ratio cours/ bénéfice
(la valeur d’une action par rapport aux profits)
du TSX passera à 16 fois ses profits au cours de
la prochaine année. « Les ratios cours/bénéfice
s’améliorent toujours au cours d’une reprise
économique », dit le stratège Stéfane Marion.
À Va l e u r s mo b i l i è r e s Desjardins, on
est encore plus optimiste : on ose avancer un
ratio cours/bénéfice de 19 fois les profits du
TSX. « Ça peut paraître élevé, mais le TSX a 75%
de son indice qui a toutes les raisons de
connaître une croissance exceptionnelle, dit
Jean-René Ouellet. Les financières n’auront plus
à amasser des charges exceptionnelles, et la
récupération de l’économie mondiale favorisera
le pétrole et les matières premières. »
Le ratio cours/bénéfice de l’indice S&P 500,
établi à 16,3 fois les profits de ses
entreprises en 2009, risque aussi d’augmenter au
cours des prochains trimestres. Si son ratio
parvient à atteindre sa moyenne des cinq
dernières années, le S&P 500 s’appréciera de
26%, selon l’agence financière Bloomberg.
D’autres analystes sont plus prudents. La Banque
Nationale et Desjardins prévoient un rendement
annuel de 11 % à l’indice S&P 500, contre
12% pour BMO Groupe Financier. La Banque Scotia
prévoit un rendement de 16%, mais sur un an et
demi.
Les analystes ne tablent pas seulement sur une
hausse du ratio cours/bénéfice des indices
boursiers nord-américains. Les profits des
entreprises, surtout celles de la Bourse de
Toronto, riche en titres du secteur des matières
premières, devraient aussi augmenter.
« C’est peut-être naïf, mais nous croyons qu’il
y aura une reprise économique dans les 12 ou 18
mois et que cette reprise aura des implications
importantes en Amérique du Nord, dit Paul
Taylor, chef des placements de la Banque privée
Harris BMO à Toronto. La reprise économique sera
graduelle mais signifiera un raffermissement du
prix des matières premières. »
Comme en 1982
Pour l ’a nalyste Jean-René Ouellet, le début de
la reprise boursière a un air de déjà-vu. « La
courbe de la reprise boursière actuelle
ressemble dangereusement à celle de 1982 », dit
l’analyste.
En 1982, les marchés boursiers canadiens
s’étaient appréciés de 80% en un an. Cette
fois-ci, Valeurs mobilières Desjardins prévoit
une reprise boursière plus « modeste » : le TSX
atteindrait le seuil des 12 200 points d’ici un
an, une appréciation de 60% depuis le creux de
7566 points atteint le 9 mars dernier. Le TSX a
déjà gagné plus de 3000 points. Reste un
potentiel d’environ 1500 points, soit un
rendement additionnel de 10%.
« Nous ne nous attendons pas à une reprise
boursière aussi importante que celle de 1982,
mais il y a de la place pour faire des gains
additionnels, dit Jean-René Ouellet. Il y a
encore beaucoup d’argent sur les lignes de côté.
Beaucoup de gens n’ont pas réinvesti leur argent
parce qu’ils se demandaient si le TSX
retournerait à 7500. Or, les scénarios
catastrophes semblent être écartés. Si la
reprise boursière continue, elle coûtera cher à
un investisseur qui reste sur les lignes de
côté. »
LE GÉOLOGUE DE LA BOURSE
Jack Ablin n’est pas seulement stratège
boursier. Il est aussi géologue à ses heures.
Da n s s o n pr e mier liv re – Reading Minds
and Market s , publié à la mi-juin –, le chef
des placements de la Banque privée Harris à
Chicago compare les marchés boursiers à des
plaques tectoniques : « Tentez de regarder les
marchés à 30 000 pieds d’altitude. De cette
perspective, vous verrez les marchés comme des
plaques tectoniques qui bougent lentement. Si
vous êtes capables de voir les grands
changements, vous prendrez moins de décisions,
mais elles seront plus solides », a-t-il dit
plus tôt cette semaine au cours d’une conférence
téléphonique avec des journalistes
nord-américains.
Aux petits investisseurs, Jack Ablin conseille
de délaisser l’étude minutieuse de leurs titres
et de se concentrer davantage sur la sélection
de secteurs. « Les gens passent beaucoup trop de
temps à choisir leurs titres et pas assez de
temps à choisir leurs secteurs », dit le chef
des placements de la Banque privée Harris, une
banque du Midwest américain achetée par la
Banque de Montréal en 1984.
Résolument optimiste pour les 12 ou 18 prochains
mois, Jack Ablin prévoit que l’indice américain
S& P 500 gagnera 10% en 2009 et de 10% à 15%
en 2010. Il aime aussi les perspectives de
croissance de l’indice de la Bourse de Toronto.
« Les marchés boursiers axés sur les matières
premières comme le Canada risquent d’avoir de
bons résultats au cours de la prochaine reprise
économique, dit-il. Nous aimons aussi les
petites capitalisations ( small caps) mondiales,
qui sont actuellement 40% moins chères que les
petites capitalisations américaines. »
Jack Ablin n’espère pas des vents favorables en
Bourse sans raison. Premièrement, le ratio
cours/ bénéfice des actions est actuellement
très faible sur une base historique. Ensuite,
l’économie s’améliore. Même aux ÉtatsUnis, pays
des crises financière et immobilière. « Nous
devrions avoir une croissance positive du PIB
américain au troisième trimestre de 2009 »,
dit-il.
Troisièmement, les liquidités ne manquent pas
sur les marchés financiers. « Quarante-trois
pour cent de l’argent est placé sur les lignes
de côté, dans les fonds monétaires qui
rapportent entre 0,5% et 1%, dit-il.
Généralement, quand cette proportion est à 25%,
ça signifie le début d’une reprise boursière. »
Dernière raison, mais non la moindre : la
psychologie des investisseurs, un des sujets de
prédilection de Jack Ablin quand il commente
l’actualité financière à la télé (CNBC) ou dans
la presse écrite ( Bloomberg, Barron’s, The Wall
Street Journal). « Les investisseurs viennent de
passer de la panique au scepticisme, dit-il
Quand ils seront moins sceptiques, ils
investiront plus d’argent dans les marchés
boursiers. »
D’ici là, le géologue de la Bourse continue de
surveiller ses plaques tectoniques.
par Jack Ablin, Financial Times Press, juin
2009.
Nouveaux indicateurs favorables pour
l’économie canadienne
OTTAWA— Le Canada semble être dans la dernière ligne
droite d’une difficile récession, et la croissance
qui commence à bourgeonner s’intensifiera dans la
prochaine année, selon deux rapports économiques
rendus publics hier.
Le Conference Board du Canada et Études économiques
Scotia s’attendent à observer une croissance
économique au pays en 2010, après un recul cette
année en raison de la restructuration de certaines
industries, de la baisse des prix des matières
premières et d’une diminution des exportations. Le
gouverneur de la Banque du Canada, Mark Carney, a
récemment prédit que le trimestre d’été se solderait
par une croissance de 1,3%. Mais le ministre des
Finances, Jim Flaherty, a appelé à la prudence face
aux affirmations trop optimistes, soulignant que le
Canada continuera à perdre des emplois, même si l’on
devait constater une croissance du produit intérieur
brut (PIB).
Les prévisions estivales du Conference Board
indiquent que l’économie du pays reculera de 1,9 %
cette année, mais qu’elle rebondira l’an prochain,
avec une croissance de 2,7 % causée par la reprise
du secteur des matières premières et un retour à la
consommation des Américains.
Les estimations de la Scotia sont semblables : un
recul de 2,2 % cette année, suivi d’une croissance
de 2,5% en 2010.
« D’après plusieurs indicateurs, le présent
trimestre marquera vraisemblablement la fin de la
récession au Canada », a déclaré Alex Koustas,
économiste chez Études économiques Scotia.
Les deux rapports offrent toutefois des prévisions
différentes en ce qui a trait à la croissance des
provinces.
Le Conference Board croit que le Manitoba et les
provinces maritimes seront les seuls à voir leur
économie croître cette année. Selon le groupe, ces
provinces n’ont pas été prédisposées aux fortes
fluctuations qui peuvent caractériser les cycles
économiques, de sorte qu’elles ont largement échappé
au ralentissement. « Elles n’ont pas été touchées
par l’effondrement des prix des matières premières
», a noté la directrice associée des prévisions
économiques provinciales, Marie-Christine Bernard.
« On remarque que la demande des consommateurs est
aussi plus forte dans les provinces maritimes,
comparativement aux autres provinces »,
ajoute-t-elle.
La Scotia, de son côté, s’attend à ce que la
Saskatchewan soit la seule province à enregistrer
une croissance cette année, en raison d’un rebond
dans l’industrie de la potasse, après que les prix
élevés eurent fait reculer les acheteurs et provoqué
la chute des titres en Bourse. La production
d’uranium et les prix du pétrole devraient aussi
grimper.
Les deux rapports suggèrent que les économies des
provinces connaîtront une croissance – ou du moins
qu’elles ne diminueront pas – l’an prochain, alors
que le Canada amorcera timidement une reprise.
La croissance économique ne se fera toutefois pas
sans heurts. Selon le rapport du Conference Board,
les dépenses des provinces pour favoriser la relance
laisseront d’importants déficits aux gouvernements
régionaux. L’étude prévient aussi que la vigueur du
dollar canadien pourrait nuire au rebond du secteur
manufacturier.
Dernier trimestre de récession aux
États-Unis? - Hugues Honoré
«
Les indices dont nous disposons montrent que
l’économie est passée d’une crise profonde aux
quatrième trimestre de 2008 et au premier
trimestre de 2009 à une stabilisation vers le
milieu de l’année. »
WASHINGTON — L’activité économique aux États-Unis
devrait avoir baissé pendant la période d’avril à
juin, pour le quatrième trimestre consécutif, mais
les économistes se demandent déjà si la première
économie mondiale ne commence pas à laisser la
récession derrière elle.
Le département du Commerce doit annoncer demain
ses chiffres du produit intérieur brut ( PIB) qui,
selon le consensus des analystes, a reculé de 1,5%
en rythme annuel par rapport au trimestre
précédent.
Entrée en récession en décembre 2007, l’économie
américaine a continué à détruire de la richesse au
deuxième trimestre. Mais, d’après les prévisions,
moins qu’auparavant : les deux trimestres
précédents avaient vu une chute de 6,3 % et 5,5 %
de l’activité en rythme annuel.
« Ce qui est vrai, c’est que nous avons stoppé la
chute », a affirmé hier le président Barack Obama
lors d’une réunion publique. « Nous sommes
peut-être en train d’assister au début de la fin
de la récession », a-t-il même avancé.
« Les indices dont nous disposons montrent que
l’économie est passée d’une crise profonde aux
quatrième trimestre de 2008 et au premier
trimestre de 2009 à une stabilisation vers le
milieu de l ’a nnée » , expliquent les analystes
du cabinet d’analyse économique Moody’s Economy.
com.
Cela vaut pour les dépenses des ménages, même si
elles ont souffert de la volonté des Américains de
se désendetter et d’épargner, et des entreprises,
même si elles restent pessimistes face à la
conjoncture. Et les premiers effets du plan de
relance gouvernemental commencent à se faire
sentir.
Le président de la Banque de réserve fédérale de
Dallas, Richard Fisher, percevant « le
commencement d’une t i mide reprise », avait
dressé ce tableau de l’activité dans un discours
récent.
S’arrêtant sur chacune des composantes du PIB, il
a relevé que « l ’accent est for t ement mis » sur
la dépense publique, tandis que la consommation
est « f lasque » et l’investissement « hésitant ».
Quant au commerce extérieur, il contribue moins
négativement au PIB, de manière « provisoire ».
La plupart des analystes et des décideurs
économiques estiment que l’économie américaine
devrait renouer avec la croissance à la fin de
l’année.
« Un autre signe clair, indéniable que l’économie
est en voie de guérison est l’arrivée
ininterrompue de meilleures nouvelles à propos du
secteur immobilier », soulignent les analystes de
Wells Fargo.
« Les chiffres du deuxième t rimestre devraient
poser les bases d’une croissance au second
semestre, quand la consommation devrait se
stabiliser et les stocks baisser moins brutalement
», estime-t-on chez I HS Global Insight.
L’évolution des stocks devrait, dans l’immédiat,
peser sur le chiffre du PIB. Mais à force de
déstocker, les entreprises devraient se retrouver
sans réserves quand l’activité redémarrera, ce qui
pourrait relancer la production et redonner de la
vigueur à une reprise qui s’a nnonce anémique.
D’autres économistes avertissent que les
entreprises ont toutes les raisons de ne pas trop
anticiper ce retour à la croissance. Pour Andrew
Tilton, de Goldman Sachs, « la demande a l’air
toujours faible, comparée à la période qui a
immédiatement précédé les reprises précédentes »,
en 1991 et 2002.
Avec les statistiques du deuxième t r i mestre, le
département du Commerce doit également publier une
révision en profondeur des chiffres de croissance
passés, du fait de changements de méthode de
calcul. Ces révisions peuvent parfois remonter j
usqu’à plusieurs décennies en arrière.
INFORMATIQUE CGI croit que le pire de la crise
est passé
« Nous
voyons des signes que les clients reviennent et
recommencent à investir. »
Le Groupe CGI, principale entreprise canadienne du
domaine des technologies de l ’ information, estime que
le pire de la crise est passé.
« Je ne crois pas qu’on puisse déceler une tendance à
partir d’un seul trimestre, mais j ’ai l’impression, en
regardant les chiffres et en parlant aux gestionnaires
de comptes, que nous avons peut-être frappé le creux de
la vague au cours du trimestre qui s’est terminé en mars
», a déclaré le président et chef de la direction de
l’entreprise montréalaise, Michael Roach, au cours de la
téléconférence tenue pour commenter les résultats du
troisième trimestre.
Au début de l’année 2009, CGI avait noté que les
clients, paralysés par la récession et la crise
financière, remettaient à plus tard des projets
informatiques. Le vent semble désormais avoir tourné.
« Nous voyons des signes que les clients reviennent et
recommencent à investir », a indiqué M. Roach.
Au
cours de la période terminée le 30 juin, CGI a
enregistré des profits nets de 76,5 millions de
dollars (25 cents par action), en faible baisse par
rapport aux 78 millions (24 cents par action) dégagés
pendant le trimestre correspondant de l’an dernier.
Les résultats ont légèrement surpassé les attentes des
analystes financiers, qui tablaient en moyenne sur un
bénéfice par action de 24 cents. Les investisseurs ont
bien réagi : l’action a grimpé de 4,9 % hier pour
clôturer à 10,70 $ à la Bourse de Toronto.
Les revenus du groupe sont restés sensiblement l e s
mêmes d ’ u ne a n née à l’autre, passant de 950,5 à
950,4 millions.
Difficile au Canada
Au Canada, toutefois, le chiffre d’affaires a une fois
de plus dégringolé, cette fois-ci de 10%, pour
s’établir à 538,6 millions. Aux États-Unis, i l a c r
û de 22,9%, à 341,6 millions, tandis qu’en Europe il a
baissé de 5,3 %, à 70,2 millions.
Les
revenus de l’extérieur du Canada représentaient 43 %
du total au 30 juin, comparativement à 37% un an
plus tôt.
PHOTO PATRICK
SANFAÇON, ARCHIVES LA PRESSE
Concernant les
possibilités d’acquisition, Michael Roach, PDG du
Groupe CGI, a déclaré : « Nous travaillons
toujours en fonction des trois mêmes critères : la
bonne cible au bon prix et au bon moment. »
Pendant le trimestre, CGI a conclu de nouveaux
contrats d’une valeur globale de 1,06 milliard, ce
qui correspond à 111% des revenus de la période. Le
ratio a atteint 186% aux États-Unis et 175% en
Europe, mais à peine 55% au Canada.
Pour redresser la situation, l’entreprise espère
remporter plusieurs appels d’offres actuellement en
cours au pays.
CGI espère par ailleurs que la reprise n’incitera
pas les entreprises à se détourner de ses services
d’impartition.
« Le revers de la médaille, c’est que, lorsque les
choses vont trop bien, il est très difficile
d’amener des gens à la table pour conclure une
entente de sous-traitance parce qu’ils se disent :
si les choses vont rondement, pourquoi changer ? » a
souligné Michael Roach.
« Mais j e pense que nous sommes encore loin de là,
s’estil empressé d’ajouter. Les gens cherchent
encore à réaligner leurs structures de coûts. Je
doute qu’ils voudront retourner au modèle qui
existait avant la crise. »
À la
fin de juin, le carnet de commandes de CGI
totalisait 11,8 milliards, soit 3,1 fois les revenus
annualisés.
« Le maintien d’un fort volume de nouvelles
commandes témoig ne d’u n e ngagement ( des clients)
à l’égard des projets informatiques à long terme et
augure bien pour le prochain exercice de CGI, alors
que les nouveaux contrats commenceront à générer des
revenus et des profits », a relevé l’analyste Eric
Bernofsky, de Valeurs mobilières Desjardins, dans
une note.
Au cours des neuf premiers mois de son exercice
financier, CGI a remboursé une tranche de 271,2
millions de ses emprunts, de sorte que la dette
nette du groupe s’établissait à tout juste 15,9
millions au 30 juin.
L’entreprise, qui peut compter sur plus de 1,6
milliard de capitaux disponibles, soit 272 millions
en liquidités et 1,35 milliard au titre de la
portion inutilisée de sa marge de crédit, continue
d’examiner les possibilités d’acquisition.
« Nous travaillons toujours en fonction des trois
mêmes critères : la bonne cible au bon prix et au
bon moment », a expliqué le PDG.
CGI et ses filiales emploient quelque 26 000
personnes qui t ravaillent dans plus de 100 bureaux
répartis dans 16 pays.
LA BOURSE EST ENCORE OPTIMISTE - Martin Vallières
La Bourse
de Toronto a accueilli avec un enthousiasme certain les
prévisions de croissance de la Banque du Canada.
L’optimisme de la Banque se base notamment sur des
exportations canadiennes qui devraient bien faire dans
les prochains mois. Mais les perspectives sont plus
mitigées pour les avions d’affaires de Bombardier.
La récession se termine au
Canada, selon la banque centrale. Et aux États-Unis, les
résultats trimestriels d’entreprises en vue s’annoncent
moins pires que prévu par les analystes.
Bref, tout ce qu’il fallait pour injecter une autre dose
d’optimisme aux Bourses nord-américaines, dont les
principaux indices ont fortement rebondi hier. Et pour
déjouer encore les avertissements de certains stratèges
face à un risque d’emballement prématuré, les signes de
faiblesse de l’économie persistant aux États-Unis et en
Europe.
« Malgré le rebond de 40% des principaux indices depuis
le creux de mars dernier, et des signaux tangibles d’un
début de reprise économique mondiale, nous demeurons
réticents à adhérer à la thèse d’un nouveau cycle
haussier en Bourse », résume le stratège et analyste de
marché Martin Roberge, de la firme Dundee Securities,
dans un bulletin distribué hier à ses clients
investisseurs.
Quelques paragraphes plus loin, il avertit d’un risque
croissant de mini-correction vers la fin de l’été et au
début de septembre.
« Les
marchés se comportent encore cette année de la façon
typique des épisodes antérieurs qui ont suivi une
mauvaise année boursière, c’est-à-dire qu’ils
affichent de forts rebonds au deuxième trimestre et
plafonnent au troisième trimestre, avant de se replier
en septembre. »
En contrepartie, à la Financière Banque Nationale, le
stratège boursier et économiste Pierre Lapointe estime
que l’amélioration des indicateurs économiques augure
d’un renversement positif des prochains résultats
d’entreprises.
Du coup, cela justifie une poursuite du rebond
boursier au cours des prochains mois. Jusqu’à 9% de
plus d’ici un an du côté canadien, et jusqu’à 14% de
plus sur la Bourse américaine, selon ses cibles.
D’ailleurs, dans l’immédiat, les investisseurs ne
semblent avoir d’attention que pour ce type de
scénario optimiste. D’autant plus que nombre d’entre
eux trépignent d’impatience de réinvestir les
quantités massives de liquidités qui reposent encore
dans des fonds du marché monétaire, dont le rendement
est minable après la chute des taux d’intérêt.
C’EST REPARTI ! - Rudy
LeCours
La
Banque du Canada estime que l’économie croîtra dès cet
été
On sentait qu’elle s’en venait avec la relance du
marché immobilier, le redressement de la confiance des
ménages et des entreprises et l’augmentation des
ventes au détail. Bye-bye la récession, bonjour la
reprise.
« La Banque (du Canada) s’attend depuis longtemps à ce
que la croissance du Canada reprenne au deuxième
semestre de cette année et qu’elle s’accélère en 2010.
En fait, elle devrait reprendre ce trimestre », a
affirmé hier son gouverneur, Mark Carney, en
présentant son nouveau scénario économique.
La Banque estime que la reprise de l’activité
économique sera de 1,3 % en rythme annualisé durant
l’été et de 3,0 % l’automne prochain.
Ces
prévisions trimestrielles contenues dans la nouvelle
mouture du Rapport sur la politique monétaire ( RPM)
sont plus optimistes que celles parues en avril.
La Banque estimait alors que l’économie canadienne
allait continuer de s’enfoncer dans la récession au
troisième trimestre.
Pour l e deuxième t r i mest r e, la Banque maintient
sa prévision de décroissance de 3,5 %, un chiffre qui
paraît même un peu pessimiste, compte tenu des données
publiées à ce jour. Pour l’ensemble de l’année, la
taille de l’économie aura rétréci de 2,3 %.
La
reprise ira bon train avec des avancées de 4,0% (en
rythme annuel) aux premier et deuxième trimestres de
2010 et de 3,8 % pour les deux autres. Pour
l’ensemble de 2010, la croissance est évaluée à 3,0
%. À pareil rythme, l’économie aura retrouvé sa
taille d’avant la récession ( juillet 2008) dans
environ un an. Cela fera du Canada une des premières
économies avancées, sinon la première, à renouer à
la fois avec le retour à la croissance et à
l’expansion.
Le repli plus modeste qu’anticipé des dépenses des
ménages et des entreprises, jumelé à une confiance
accrue, justifie ces perspectives plus optimistes.
En fait, les Canadiens abandonnent leur morosité, si
on se fie à l’indice de confiance du Conference
Board. Il est en hausse pour le cinquième mois
consécutif.
Le sondage mensuel de la firme Angus Reid sur
l’humeur des Canadiens révélait hier que 59% des
répondants jugeaient leur situation financière «
bonne », voire « très bonne », tandis que 43%
d’entre eux jugeaient de même l’économie canadienne.
Il s’agit d’un bond de cinq points par rapport au
coup de sonde de juin.
La vitalité du marché de la revente de maisons et la
relance des mises en chantier depuis le creux
d’avril témoignent de la volonté des Canadiens de
profiter des conditions très favorables d’accès à la
propriété. La Banque croyait en avril que la
morosité ambiante allait amener des ménages à
reporter leurs achats. Voilà pourquoi elle tablait
sur une forte accélération de la demande intérieure
en 2011 seulement.
Le devancement des décisions d’achat l’amène donc à
ramener de 4,7 % sa prévision de croissance pour
2011 au rythme plus raisonnable de 3,5 %.
Conditions plus favorables
La Banque souligne d’ailleurs que les conditions
financières demeurent plus favorables au Canada que
dans les autres économies avancées depuis le début
de la crise financière.
À preuve, les taux hypothécaires variables
s’élevaient en moyenne à 2,75% la semaine dernière,
comparativement à 5,35% en juillet 2007, à la veille
du gel du crédit en Occident à l’origine de la
récession synchronisée la plus grave depuis les
années 1930.
Idem pour les taux hypothécaires affichés à cinq
ans. Ils étaient de 5,85% la semaine dernière,
comparativement à 7,24%, il y a deux ans. Fait à
souligner cependant, ils étaient descendus jusqu’à
5,25% en avril. Leur remontée correspond à celle des
taux obligataires à long terme observée depuis lors.
Les entreprises peuvent aussi se financer à meilleur
compte qu’il y a deux ans: le taux des obligations
corporatives à long terme est passé de 5,42% à 4,54%
en deux ans. En décembre, au point culminant de la
crise du crédit, les taux avaient grimpé à 6,04%.
Ces conditions favorables stimulent la demande
intérieure, à commencer par celle des ménages. Les
entreprises se remettront à investir un peu plus
tard quand elles auront achevé leur déstockage et
recommencé à vendre davantage.
Il existe un risque à la hausse et un risque à la
baisse à ce scénario. Le premier viendrait d’une
demande intérieure encore plus soutenue. Le second,
d’un retard de la reprise des exportations.
LA REPRISE EST LÀ - Rudy
LeCours
La
Banque du Canada bonifie ses prévisions économiques
« L’adoption de politiques monétaire et budgétaire
expansionnistes, l’amélioration des conditions
financières, le renchérissement des produits de base
et le regain de confiance des ménages stimulent la
croissance de la demande intérieure. »
En r eportant hier sa ns surprise son taux directeur
comme prévu à son plancher de 0, 25 %, la Banque du
Canada en a profité pour bonifier ses prévisions
économiques.
PHOTO RYAN REMIORZ,
ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE
Le président de la Banque du
Canada, Mark Carney, lors du Forum économique de
Montréal en juin dernier. La Banque table maintenant
sur une décroissance de 2,3 % cette année, suivie
d’une reprise de 3% en 2010 et de 3,5 % en 2011.
Son nouveau scénario, dont les détails et les
fondements seront connus jeudi avec la publication du
Rapport sur la politique monétaire ( RPM), table
maintenant sur une décroissance de 2,3 % cette année,
suivie d’une reprise de 3 % en 2010 et de 3,5 % en
2011.
Dans son scénario du mois d’avril, la Banque estimait
l’ampleur de la récession en cours à une décroissance
de 3% cette année, mais les résultats moins mauvais
que prévu au premier trimestre et une reprise hâtive
l’amènent à alléger son pronostic.
« De plus en plus de signes indiquent maintenant que
l’activité économique a commencé à se redresser dans
de nombreux pays par suite de mesures de relance
monétaire et budgétaire et des actions menées afin de
stabiliser le système financier i nternational , l
it-on dans le communiqué faisant part de sa décision.
Toutefois, la reprise commence à peine. »
L a B a nque d o n n e a u s s i son appréciation de
la situation canadienne : « L’adoption de pol i t i
ques monétai r e et budgétai re expansionnistes, l’a
mélioration des conditions f i nancières, l e r enchér
i s sement des produits de base et le regain de
confiance des ménages stimulent la croissance de la
demande intérieure. »
Plusieurs économistes ont vu dans ces propos un
optimisme prudent qu’ils sont prêts à partager.
« Notre banque centrale a dit que la reprise commence.
Nous s ommes d’accord » , a f f i r me Sébastien
Lavoie, économiste à Valeurs mobilières Banque
Laurentienne.
« La perspective plus lumineuse pour le reste de
l’année est fondée. L’économie américaine paraît en
direction d’une croissance modeste au troisième t r i
mestre, c ommente Avery Shenfeld, économiste en chef à
CIBC. Les ménages canadiens voient aussi davantage la
vie en rose. En conséquence, nous la baisse : de 4,7
%, elle ramène l’expansion à un rythme plus soutenable
de 3,5 %.
En avri l , l a Banque avait réduit le potentiel de
l’économie canadienne pour l’année en cours et l’an
prochain à 1,5 % et celui de 2011 à 1,9 % seulement,
compte tenu de la fermeture définitive de beaucoup
d’usines. Le potentiel de croissance correspond à une
expansion maximale sans surchauffe.
Au rythme où elle voit maintenant la reprise, l’écart
entre la production réelle et la producmodifions notre
propre scénario en faveur d’un retour de la croissance
au Canada dès le présent t rimestre plutôt qu’à
compter du prochain. »
Surprise pour 2010
Pour 2010, la Banque crée une franche surprise. À 2,5
%, son scénario de croissance du mois d’avril était
perçu comme t rès optimiste par la plupart des
observateurs. Elle le porte à 3 %. Pour 2011, elle le
révise à tion potentielle sera comblé dès le milieu de
2011. C’est aussi à ce moment qu’elle pense que le
rythme d’inflation aura retrouvé sa cible de 2% après
un plongeon en territoire négatif au cours du présent
trimestre.
En principe, c’est aussi à ce moment que le taux
directeur doit être revenu au taux plus neutre de 4% à
5%.
Pourtant, les autorités monétaires semblent à l’aise
de répéter leur engagement à le maintenir à 0,25%
jusqu’au deuxième trimestre de l’an prochain « sous
réserve des perspectives concernant l’inflation ».
« Si la reprise économique est aussi forte que ce
qu’anticipe la Banque, la porte pourrait
progressivement s’ouvrir à un resserrement un peu plus
rapide de la politique monétaire », fait valoir
Mathieu D’Anjou, économiste principal chez Desjardins.
« À supposer que l’économie soit revenue à son plein
potentiel en juin 2011 et qu’il s’écoule 18 mois entre
le moment où la politique monétaire change et celui où
l’effet s’en fait sentir dans l’économie, on pourrait
faire valoir que juin 2010 semble être une date bien t
a r dive pour commencer à normaliser le taux de
financement à un jour, suggère Paul-André Pinsonnault,
économiste principal à la Financière Banque Nationale.
À moins, bien sûr, de procéder à quelques hausses d’un
demi-point. »
Huard
La Banque souligne cependant que l’appréciation de
notre monnaie et la restructuration de certaines
industries peuvent modérer le rythme de la reprise et
de l’inflation.
Son commentaire sur le huard est moins inquiétant que
celui du 4 juin, où elle considérait sa force d’alors
comme susceptible de compromettre à elle seule le
redressement économique.
« Le gros de l’appréciation du dollar canadien reflète
des forces fondamentales. Une intervention ( NDLR:
pour la ralentir) serait inappropriée », estiment
Derek Holt et Karen Cordes, économistes à Scotia
Capitaux.
La Banque ne fait enfin aucune allusion au recours
possible à des mesures non traditionnelles
d’allégement monétaire ou du crédit, sinon en répétant
qu’elle dispose d’une « flexibilité considérable »
dans la conduite de la politique monétaire.
BANQUE DU CANADA Taux stables... et des
explications - Rudy LeCours
La Banque
du Canada n’annoncera aucun changement à sa politique
monétaire demain, mais elle aura beaucoup d’explications
à fournir sur l’évolution de l’économie depuis avril.
Les autorités monétaires se sont engagées le 21 avril à
garder à son plancher de 0,25 % le taux cible de
financement à un jour jusqu’en juin prochain « sous
réserve des perspectives de l’inflation ».
Celles-ci sont un peu plus fortes que la Banque ne
l’avait jaugé. Au cours des trois derniers mois, l’inf
lation de référence a progressé de 1,9 % en rythme
annualisé alors que la Banque avait plutôt misé sur 1,6
%. Il est plausible aussi que l’inflation garde un
rythme plus rapide que les 0,9 % aux troisième et
quatrième trimestres, sur lesquels la Banque a fondé sa
décision de geler pendant un an son taux directeur.
Revenir sur cet engagement alors que la voie qui mène à
la reprise reste remplie d’embûches serait périlleux et
mal accueilli par les investisseurs.
Cela
équivaudrait à donner des indices sur une stratégie de
sortie de l’allègement monétaire exceptionnel présent,
au moment où le gouverneur Mark Carney répète que le
secteur privé n’est pas encore prêt à prendre le
relais des gouvernements et des banquiers centraux
pour assurer la croissance.
Il est vrai par ailleurs que l’économie donne des
signes de convalescence. Le r ythme de décroissance
s’essouff le tandis que les mises en chantier
augmentent depuis deux mois, tout comme les prix sur
le marché de la revente.
Ces signes d’amélioration rendent de moins en moins
approprié le recours à la planche à billets ou à des
programmes additionnels d’allègement du crédit, comme
il en était encore question au printemps. Il n’y aura
pas de surprise sur ce front non plus.
La Banque avait précisé le 4 juin que la rapide
appréciation du huard en mai était susceptible à elle
seule de tuer dans l’oeuf la reprise prochaine. Le
huard avait grimpé au-delà des 92 cents US
d’équivalence. Il est ensuite descendu à des altitudes
plus acceptables, mais il a connu une nouvelle
ascension la semaine dernière et flirte de nouveau
avec les 90 cents US. À pareille hauteur, les
manufacturiers exportateurs, qui subissent le gros de
la récession, auront du mal à relancer leurs usines, à
l’exception des constructeurs d’automobiles, pris dans
une dynamique exceptionnelle.
La
récession a creusé un écart considérable entre la
croissance réelle et le potentiel de l’économie
canadienne.
En faisant part de ses décisions demain, la Banque
donnera aussi quelques indications sur les
ajustements apportés à son scénario économique, dont
les détails seront dévoilés jeudi avec la nouvelle
parution du Rapport sur la politique monétaire.
En avril, la Banque avait évalué la contraction de
l’économie canadienne au premier trimestre à 7,3% en
rythme annualisé. Elle aura été plutôt de 5,4%. À
moins d’entrevoir un deuxième semestre plus sombre,
elle devra donc revoir légèrement à la hausse sa
prévision de -3,0% de décroissance pour 2009.
Rien ne l’empêche par ailleurs de réviser à la
baisse son scénario pour 2010. Avec un rebond de 2,5
%, la Banque se montre plus optimiste que la plupart
des économistes.
Pour
expliquer que l’inflation restera faible jusqu’en
2011, la Banque, et bien d’autres économistes,
soulignent que la récession a creusé un écart
considérable entre la croissance réelle et le
potentiel de l’économie canadienne.
Toutefois en avril, la Banque a aussi surpris
beaucoup d’observateurs en réduisant l’évaluation
qu’elle faisait du potentiel de croissance sans
surchauffe. Cela signifie sans doute que l’écart est
plus faible que d’aucuns l’estiment.
Voilà pourquoi un nombre grandissant d’économistes
pensent que la Banque aura bien du mal à garder son
taux directeur à 0,25 % pendant encore près d’un an.
Si telle est sa conclusion aussi , elle ne nous en
fera pas part de sitôt pour autant. Cela aurait pour
conséquence de miner sa crédibilité future, si elle
devait en d’autres circonstances prendre un
engagement de même nature.
La production se stabilise aux États-Unis
La
production i ndustrielle a
diminué moins que prévu le
mois dernier aux États-Unis et un indice régional
portant sur le secteur manufacturier a connu son repli
le plus modeste en plus d’un an, ce qui indique que le
secteur manufacturier est en voie de se
stabiliser.
Ainsi, la baisse de 0,4 % de la production des usines,
des mines et des services publics en juin a été la
plus modeste en huit mois, ont indiqué hier des
données publiées par la Réserve fédérale a méricaine (
Fed) à Washington. Par ailleurs, l’ Empire Index de la
Fed de New York a grimpé à - 0,6 en juillet
comparativement à -9,4 en juin. Pour sa part, le
Département a méric a i n du c o mmerce a indiqué hier
que les prix à la consommat i on avaient augmenté de
0,7 % le mois dernier en partie à cause des coûts de
l’énergie.
Les données relatives au secteur manufacturier
publiées hier ainsi que les prévisions d’Intel portant
sur une hausse des ventes donnent plus de poids aux
prévisions voulant que la pire récession en un
demi-siècle stoppe au cours de la deuxième partie de
la présente année. En même temps, les analystes
prévoient une reprise limitée et peu d’inflation au
moment où la part de la capacité de production des
usines américaines utilisée a chuté à un creux record.
« Nous allons assister à une
reprise très graduelle de la production »,
soutient John Silvia, économiste en chef de Wells
Fargo Securities, à Charlotte, en Caroline-du-Nord,
qui avait prévu correctement la baisse de la
production. « Nous observons de l’incertitude quant à
la vigueur de la demande, ajoute-til, les restrictions
du crédit sont toujours présentes et le marché de
l’emploi est faible. Les éléments fondamentaux
indiquent que l’économie ne s’envolera pas subitement.
»
Hier,
l e s mar c hés bou r - siers étaient en hausse après
qu’Intel, de Santa Clara, en Cal i f or nie, eut f a i
t ét at de résultats supérieurs aux prévisions des
analystes et l’indice Standard & Poor’s 500
grimpait de 2,1 % à 924,69 peu avant midi à New York.
Le marché prévoyait que la production industrielle
américaine allait baisser de 0,6 % à la suite d’une
diminution de 1,1 % en mai, selon la prévision médiane
de 73 économistes sondés par Bloomberg News.
Le s ec t eur manufactur i er forme environ 12 % de
l’économie américaine, une affaire de 14 000 milliards
US.
L’utilisation de la capacité, qui mesure la proportion
des usines qui tournent, a baissé à 68 % le mois
dernier, soit le niveau le plus bas depuis que les
données à ce sujet ont commencé à être recueillies en
1967.
L’industrie de l’auto est susceptible de profiter du
projet de loi adopté par le Congrès américain le mois
dernier, qui offre aux consommateurs j usqu’à 4500 $
US pour se débarrasser de leur vieux tacot pour
acquérir un véhicule moins gourmand.
PRÉVISIONS DE LA FED Croissance plus forte...
mais chômage plus élevé
La Fed
s’attend à ce que « la reprise des dépenses de
consommation et des investissements dans le logement
soit amoindrie notamment par une dégradation plus
marquée du marché du travail ».
WASHINGTON — L a ba nque centrale américaine a revu en
hausse ses prévisions de croissance pour les États-Unis
d’ici à 2011, mais prévoit également que la poussée du
chômage sera plus forte qu’elle ne le pensait en avril,
selon les minutes de sa dernière réunion publiées hier.
Confirmant que la première économie mondia l e devrait
recommencer à croître, mais « l entement » , au deuxième
s emest r e, après quatre trimestres consécutifs de
recul de son produit intérieur brut ( PIB), la Réserve
fédérale ( Fed) escompte que le repli de l’activité
devrait être compris entre 1,0 % et 1,5 % pour
l’ensemble de 2009.
C’est beaucoup moins que ce qu’elle envisageait encore
il y a trois mois, quand elle pensait que la chute du
PIB pourrait atteindre 2 %.
E n 2 010 , la croissa nce devrait atteindre de 2,1 % à
3,3 % (comparativement à une estimation précédente de 2
% à 3 %), ajoute le compte rendu de l a session du
Comité de politique monétaire de la Fed ( FOMC) des 23
et 24 juin.
En 2011, la croissance devrait être au moins de 3,8 % et
au plus de 4,6 %, ajoute la Fed qui a revu ainsi en
hausse de 0,3 point la borne basse de sa fourchette, et
en baisse de 0,2 point sa borne haute.
La Fed explique la révision de ses perspectives par le
fait que la baisse de la production a été « un peu moins
forte » au premier semestre que ne le pensaient i
nitialement les membres du FOMC.
Ceux-ci ont également noté « une nouvelle a méliorat
ion de la conjoncture financière » entre avril et j
uin, « des signes de stabilisation des dépenses de
consommation et des indices ténus d’un rebond de
l’activité dans le secteur du logement ».
Néanmoins, ajoutent les minutes, les membres du FOMC
s’attendent à ce que « la reprise des dépenses de
consommation et des i nvestissements dans le logement
soit amoindrie par une dégradation plus marquée du
marché du t r avai l , le processus de désendettement
des ménages, des conditions d’obtention du crédit
toujours difficiles, et une demande de logements
encore faible ».
Chômage
La banque centrale avertit à ce propos que le chômage
montera plus que prévu. D’ici à la fin de l’année, les
sans-emploi, qui représentaient 9,5 % de la population
active à la fin de juin, pourraient monter jusqu’à
10,1 %. Le t aux de chômage devrait en tout cas
atteindre au minimum 9,8 %.
Il devrait encore être compris entre 9,5 % et 9,8 % en
2010 et entre 8,4 % et 8,8 % en 2011, soit beaucoup
plus que l’objectif à long terme de la banque centrale
(4,8 % à 5,0 %).
La Fed a par ailleurs revu en forte hausse ses
prévisions d’inflation pour l’année 2009, où elle
table désormais sur une hausse des prix à la
consommation (indice PCE) comprise entre 1,0 % et 1,4
%.
Pour 2010, la hausse des prix devrait être comprise
entre 1,2 et 1,8 %, soit là aussi plus que prévu
initialement.
Le déstockage continue (mais à un rythme
ralenti...)
— Les
entreprises américaines ont continué de déstocker en
mai, pour le neuvième mois consécutif, mais à un rythme
moins rapide qu’auparavant, selon les chiffres corrigés
des variations saisonnières publiés hier par le
département du Commerce.
Les stocks des entreprises ont reculé de 1,0 % par
rapport au mois précédent, après une baisse de 1,3 % en
avril (chiffre revu à la hausse de 0,2 point) et en
mars, indique le Ministère.
En gl i s s ement a nnuel , la baisse des stocks
atteignait 8,0 % fin mai.
C’est une nouvelle plutôt encourageante pour l’économie
américaine.
E n ef fet , les récessions s’achèvent généralement par
une purge des stocks des entreprises, et cette étape est
perçue comme un préalable indispensable à la reprise,
attendue d’ici à la fin de l’année.
De
plus, la variation des stocks est l’une des composantes
du produit intérieur brut et un ralentissement des
déstockages se traduit par un gain de croissance.
Au premier trimestre, la variation des stocks a
contribué pour 2, 20 points à la contraction du PIB, qui
a atteint 5,5 % en rythme annuel.
Le ralentissement des déstockages, s’il se confirme en
juin, est donc de bon augure pour les chiffres de la
croissance du deuxième trimestre, qui doivent être
publiés le 31 juillet, et devraient faire apparaître un
PIB en baisse pour le quatrième trimestre de suite, mais
moins que pendant les trois mois d’hiver.
À plus long terme, plusieurs analystes estiment que la
reprise, qui devrait être fragile pendant un temps, sera
d’autant plus forte que les déstockages auront été i
ntenses : une fois que la consommation sera vraiment
rétablie, les entreprises devront alors relancer leurs
forces de production mises en sommeil pour faire face à
la demande.
Selon les chiffres publiés hier par le Ministère, les
ventes des entreprises industrielles et des
distributeurs ont ralenti leur baisse en mai, à 0,1 %
par rapport au mois précédent, contre 0,3 % en avril.
En glissement annuel, la baisse des ventes atteint 17,8
%.
Embellie en vue dans la zone OCDE
— Les
indicateurs composites avancés de l’OCDE pour le mois
de mai montrent des signes t angibles d’amélioration
des perspectives économiques dans la plupart des
économies de cette zone.
« Un signal potentiel de reprise émerge en Italie et
en France » avec un plancher atteint « au Canada, au
Royaume-Uni, aux États-Unis, en Chine et en Inde »,
selon un communiqué de l’OCDE (Organisation de
coopération et développement économique) publié
vendredi.
L’indicateur composite avancé pour 29 des 30 pays de
la zone OCDE a ainsi augmenté de 0,8 point en mai
2009, mais est inférieur à 7,3 points de son niveau
observé en mai 2008.
Pour la zone euro, il a augmenté de 1,0 point, mais
reste inférieur de 4,7 points à son niveau de mai
2008.
L’indicateur composite avancé pour la France a
augmenté de 1,3 point en mai et est 0,7 point audessus
de son niveau observé il y a un an. Même tendance en
Italie, dont l’indicateur a augmenté de 1,7 point en
mai et est 1,1 point au-dessus de son niveau observé
il y a un an.
Aux États-Unis, si l’indicateur composite avancé a
augmenté de 1,0 point en mai, il reste inférieur de
9,4 points à son niveau observé en mai 2008.
Pour
le Royaume-Uni, il a augmenté de 0,8 point en mai 2009
mais est 2,7 points en dessous de son niveau observé
il y a un an. L’indicateur composite avancé pour le
Canada a augmenté de 0,9 point mais est là encore
inférieur de 6,3 points au niveau enregistré un an
plus tôt.
En Allemagne, il a augmenté de 0,5 point en mai mais
son niveau est inférieur à celui d’il y a un an de
11,8 points.
Parmi les économies industrialisées, seul le Japon a
encore montré des signes de ralentissement en mai, son
indicateur composite avancé ayant encore diminué de
0,3 point. Il reste inférieur de 14,1 points à son
niveau observé il y a un an.
En Chine, l’indicateur a augmenté de 1,1 point mais
est 6,5 points en dessous de son niveau de mai 2008.
Même tendance en Inde, avec un indicateur en hausse de
1,4 point en mai mais inférieur de 4,4 points au
niveau observé il y a un an.
En Russie également, l’indicateur augmente de 0,7
point mais son niveau est 20,7 points inférieur à
celui de mai 2008.
Pour le Brésil, les dernières données disponibles
concernent le mois d’avril et témoignent d’un « fort
ralentissement », selon l’OCDE.
L’indicateur composite avancé a diminué de 0,8 point
et est inférieur de 13,7 points à son niveau d’avril
2008.
LE FMI ABANDONNE SON TON ALARMISTE
- Rudy LeCours
Bien
des indicateurs laissent penser que l’économie se
stabilise, ce qui amène le FMI à augmenter sa
prévision de croissance pour l’an prochain à 2,5 %.
Le Fonds monétaire international a troqué son ton ala
r miste des derniers mois contre un optimisme imprégné
de grande prudence. La récession mondiale a frappé
plus brutalement que prévu au premier trimestre, ce
qui amène l’organisme établi à Washington à porter de
1,3 % à 1,4 % son pronostic de décroissance de
l’économie cette année.
PHOTO PAUL J.
RICHARDS, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE
Les États-Unis, épicentre de
la crise actuelle, s’en tirent mieux cette année
avec un recul d’activité contenu à 2,6%. Le FMI a
d’ailleurs atténué sa prévision pour les États-Unis,
mais aggravé celle des pays à monnaie unique.
En revanche, bien des indicateurs laissent penser que
l’économie se stabilise, ce qui amène le FMI à
augmenter de six dixièmes à 2,5 % sa prévision de
croissance pour l’an prochain.
Toutefois « le groupe des pays avancés ne devrait pas
connaître de reprise soutenue de l’activité économique
avant le second semestre de 2010 », lit-on dans la
Mise à jour de ses Perspectives d’avril publiée hier.
Le Canada fait cependant figure d’heureuse exception
dans le j et-set des nations nanties, mais éclopées
par la crise actuelle.
En fait, l’économie planétaire est mue par des forces
opposées en quête d’équilibre. L’effet de freinage
exercé par le choc financier, la baisse prononcée du
commerce mondial, l’incertitude et l’effondrement de
la confiance s’estompent, mais les forces susceptibles
d’activer la relance restent faibles.
Ainsi, s’il est vrai que les prix des produits de base
se sont raffermis, la demande réelle ne comble pas
encore les capacités de production excédentaires. Une
rechute reste possible.
La récession n’a pas frappé toutes les régions avec la
même ampleur et les problèmes vécus par les pays
développés, émergents ou en développement ne sont pas
les mêmes. Ils sortiront donc du marasme présent de
manière non synchronisée.
Ainsi,
pour les pays les plus riches, le recul de l’activité
économique devrait atteindre 3,8 % cette année alors
que la reprise timide attendue l’an prochain va
limiter la croissance à 0,6 % seulement.
Du groupe, l’Italie et le Japon paraissent les plus
touchés avec des reculs du produit intérieur brut (
PIB) de 5,1 % et de 6 %. Mince consolation pour le
pays du Soleil-Levant, il retrouvera la croissance
l’an prochain alors que la zone euro n’aura pas cette
chance, à l’exception notable de la France dont le
système bancaire est moins fragilisé que ceux
d’Allemagne ou d’Espagne.
Les États-Unis, épicentre de la crise actuelle, s’en
tirent mieux cette année avec un recul d’activité
contenu à 2,6 %, alors que la zone euro encaissera une
chute d’activité de 4,8 %. Le FMI a d’ailleurs atténué
sa prévision pour les États-Unis, mais aggravé celle
des pays à monnaie unique. « Les données relatives à
l’activité ne laissent guère entrevoir de
stabilisation, précise le FMI. La hausse du chômage,
de même que la forte dépendance de l’économie à
l’égard d’un secteur bancaire qui n’a pas encore pansé
toutes ses plaies, vont freiner la consommation et
l’activité. »
Les perspectives sont moins sombres pour les pays
émergents d’Asie au point où le FMI augmente ses
prévisions de croissance tant pour cette année que
pour l’an prochain à hauteur de 5,5 % et 7,0 %. La
Chine tire encore le peloton, mais l’Inde la chauffera
l’an prochain.
Les deux autres pays formant le bloc BRIC n’ont pas la
même veine. La Russie a été brutalement frappée par
l’effondrement des cours des produits de base et du
pétrole qui entraîne un amincissement forcé de 6,5 %
de la taille de son économie, cette année. La
convalescence sera lente puisque la croissance sera
contenue à 1,5 % l’an prochain. Le Brésil s’en tire
mieux avec un repli d’activité de 1,3 % cette année
suivi d’un rebond de 2,5 % en 2010.
Le FMI réitère sans surprise que les perspectives
d’inflation restent faibles. Il écarte toutefois les
risques de déflation à cause d’une appréciation des
prix des produits de base. Les programmes
gouvernementaux de stimuli économiques demeurent
cruciaux car ils sont responsables de la stabilisation
de la décroissance.
Il faudra trouver moyen d’y mettre fin dès que la
demande privée pourra prendre l e r ela i s . De
grands défis attendent les élus des économies avancées
aux prises avec le vieillissement de la population
alors qu’ils feront face à l’endettement accru de
l’État. Le FMI suggère de relever l’âge de la retraite
« en cohérence avec l’espérance de vie ».
LES INTRODUCTIONS EN BOURSE DANS LE MONDE
EN HAUSSE
PARIS
— Les introductions en Bourse dans le monde sont
reparties à la hausse au deuxième trimestre 2009, au
nombre de 76, en dépit d’un marché toujours bloqué en
Europe, selon deux études publiées hier.
Ce chiffre est supérieur à celui du premier trimestre
(52), mais inférieur à celui du quatrième trimestre
2008 (78), a indiqué le cabinet de conseil Ernst and
Young.
En valeur, les introductions en Bourse ont représenté
un montant de 9,9 milliards US, un chiffre sept fois
supérieur au trimestre précédent (1,4 milliard US).
L’activité reste néanmoins en chute libre par rapport
au deuxième t rimestre de 2008, où 269 introductions
en Bourse avaient eu lieu pour 38,2 milliards de
dollars.
Les principales opérations du deuxième trimestre
concernent le brésilien VisaNet ( 3,7 milliards US),
l’opération la plus importante de l’année et la plus
grande jamais réalisée au Brésil, Zhongwang Holdings
(1,3 milliard US) et Vodafone Qatar (0,95 milliard
US).
Si l’activité a frémi, elle tourne en revanche
toujours au ralenti en Europe, où seulement 28
opérations ont été enregistrées au deuxième trimestre,
contre 18 le trimestre précédent, relève une étude du
cabinet de conseil PricewaterhouseCoopers.
Le montant des fonds obtenus est en forte progression,
à 456 millions d’euros ( 739 millions CAN) contre 9
millions d’euros trois mois auparavant.
Ces chiffres sont t rès loin des performances du
deuxième trimestre 2008, où 133 introductions avaient
permis de lever 9,171 milliards d’euros (14,9
milliards CAN).
En
Europe, sept introductions en Bourse ont eu lieu en
Pologne, six sur NYSE Euronext, quatre à Luxembourg et
trois au RoyaumeUni tout comme en Allemagne.
L’opérateur boursier transatlantique NYSE Euronext a
indiqué en outre dans un communiqué publié hier avoir
attiré le plus de levées de fonds aux ÉtatsUnis au
premier semestre avec 11 introductions en Bourse pour
2,2 milliards US.
Cette performance le place loin devant le NASDAQ (3
introductions en Bourse).
« L’activité récente des introductions en Bourse aux
États-Unis et dans d’autres pays tels que le Brésil et
la Chine démontre que ce marché commence à repartir
dans le monde », commente Scott R. Cutler, responsable
de ces questions chez NYSE Euronext.
Dans le monde, les pays plus actifs sont la Corée du
Sud, comme au premier t rimestre, avec 17
introductions en Bourse, suivie de la Chine (13) et du
Canada (9).
Côté secteur, l’industrie (16) mène la danse, juste
devant les matériaux (14), la finance (10) et la haute
technologie (10).
« Si rien ne laisse présager pour l’instant d’une
vague d’introductions marquant un regain d’activité
(...), des signes indiquent que des sociétés
envisagent de se préparer à une telle opération » en
Europe, juge Philippe Kubisa, de chez
PricewaterhouseCoopers France.
Gil Forer, responsable des introductions en Bourse
chez Ernst and Young, prévient de son côté que le
contexte reste délicat, les introductions en Bourse
restant très dépendantes de la reprise de l’économie
qui « prendra du temps et ne sera pas la même suivant
les régions ».
L’embellie va-t-elle se poursuivre
? - Rudy LeCours
PORTEFEUILLE LA PRESSE AFFAIRES Pour familiariser ses
lecteurs avec les rudiments de la pondération d’un
portefeuille, La Presse a demandé en début d’année à
quatre stratèges d’exposer comment ils répartiraient
une mise de 50 000$ destinée à un REER, sur
Nos quatre experts ont su effacer toutes leurs pertes
du premier trimestre. Après six mois, ils affichent
une plus-value variant de 5,7 %% à 7,1 %.
La reprise est-elle ou non pour bientôt ?
L’appréciation de la vigueur des jeunes pousses de
croissance que certains experts voient çà et là
détermine comment les investisseurs se positionnent
sur les marchés pour l’été. Il n’est pas acquis que
l’économie soit solidement engagée sur la voie de la
relance, même si le pire de cette brutale récession
mondialisée est sans doute passé. « La situation
présente ressemble beaucoup à celle du printemps
2008, où on parlait de décrochage », juge François
Bourdon, vice-président répartition de l’actif chez
Fiera Capital.
L’économie entre dans une phase où il est difficile
pour l’épargnant avisé d’y voir clair.
Les rendements boursiers très élevés au printemps
commandent une certaine correction.
Le S& P/ TSX, mesure étalon de la Bourse
canadienne, a bondi de tout près de 20% entre le 1er
avril et le 30 juin.
Le S& P 500, indice phare de l’activité
new-yorkaise, a quant à lui donné un rendement de 7%
dans les portefeuilles canadiens. Cela paraît bien
moins bon, mais il faut tenir compte de la poussée du
huard durant cette période.
Quant aux i ndices Morgan Stanley Europe-Asie
ExtrêmeOrient et Marchés émergents, ils ont bondi de
16% et 24,5%, même convertis en dollars canadiens.
Pareilles performances ne se répètent pas deux mois
d’affilée.
En contrepartie, les rendements obligataires (1,25%)
et des bons du Trésor (0,68%) ont désavantagé les
investisseurs les moins hardis.
Ce n’était pas le cas de nos quatre experts, qui ont
su effacer toutes leurs pertes du premier trimestre.
Après six mois, ils affichent une plus-value variant
de 5,7 % à 7,1 %.
Il n’est pas acquis, cependant, que l’économie soit
solidement engagée sur la voie de la relance, même si
le pire de cette brutale récession mondialisée est
sans doute passé.
« La situation présente ressemble beaucoup à celle du
printemps 2008, où on parlait de décrochage », juge
François Bourdon, vice-président répartition de
l’actif chez Fiera Capital.
La f i
r me montréa l a i s e a a n noncé u ne r e f onte de
la répartition de l ’actif de son portefeuille de
référence dernièrement. M. Bourdon allègue que le
niveau des cours actuels reflète son scénario de
reprise. Il concentre donc ses billes dans les
obligations. Il croit que la récente montée des taux
s’essoufflera puisque bien des investisseurs
choisiront ce véhicule pour protéger leur capital.
Pierre Lapointe, stratège de marchés et a nalyste
quantit atif à la Financière Banque Nationale, n’est
pas de c et avis. « Le troisième trimestre va apporter
de la valeur, mais moins que le deuxième. »
M. Lapointe a vidé son encaisse et limité à 35 % son
placement obligataire. Il mise avant tout sur le
marché américain, où il voit se multiplier les signes
de reprise.
Le secteur canadien des ressources a sous-performé à
ses yeux, parce qu’on craint que la demande de
produits de base soit en partie financière, un
euphémisme pour dire spéculative. Il mise enfin peu
sur les actions internationales, en bonne partie à
cause des difficultés des banques européennes.
Le directeur du groupe c onseil en portefeuille chez
Valeurs mobilières Desjardins, Luc Girard, s’en tient
à son plan de match du début d’année: la protection
nécessaire du capital cet hiver cède progressivement
le pas à une ouverture vers les marchés boursiers. De
55% de titres à revenu fixe au premier trimestre, on
est rendus à 45%, avec pour cible 40% cet automne. «
Il y a beaucoup d’argent qui dort sur les lignes de
côté. En octobre, le niveau d’encaisse représentait
47% de la capitalisation boursière. À la mi-juin, il
en restait 36%. »
À son avis, les investisseurs vont revenir sur les
marchés boursiers après la correction que nous vivons.
« Les actions cycliques et financières vont reprendre
en premier et ça favorise les actions canadiennes »,
plaide-t-il. Voilà pourquoi il place 27,5 % de ses
billes à Toronto.
Vincent Delisle, stratège chez Scotia Capitaux,
partage aussi cette analyse. Bien qu’il conserve une
pondération plus forte sur le marché américain, il
augmente légèrement le poids des actions canadiennes
dans son portefeuille au détriment de l’encaisse.
« L’économie canadienne intérieure va mieux. Le Canada
est bien placé pour profiter de la relance des pays
émergents et on sera aux premières loges de la reprise
américaine qui va débuter dès le présent trimestre. »
M. Delisle prévient qu’il ne faut pas s’étonner de
relents négatifs de la récession, en particulier sur
le marché de l’emploi.
Il n’entrevoit pas cependant de rendements mirobolants
au cours du présent trimestre car les marchés doivent
digérer leur printemps avant de s’envoler à nouveau. «
Les données devront confirmer les attentes »,
résume-t-il.
FUSIONS ET ACQUISITIONS Signes
de vie sur le marché
Les fusions et acquisitions pourraient montrer des
signes de rétablissement d’un creux de six ans, grâce à un
dégel du crédit, alors que des chefs d’entreprise comme Mick
Davis de Xstrata plc recommencent à conclure des
transactions.
Des
ventes d’obligations records et la hausse de 40% de
l’indice Standard& Poor’s 500 depuis un creux de
12 ans en mars permettent d’entrevoir avec optimisme
le financement des transactions. Mais toute reprise
demeure fragile, disent les banquiers.
« Du financement est maint enant disponible pour l es
acheteurs. Mais la volatilité des Bourses n’est pas
positive », a dit Rob Kindler, chef des fusions et
acquisitions mondiales chez Morgan Stanley, premier
conseiller en valeurs depuis le début de l’année.
Les entreprises ont annoncé 773 milliards US en
rachats dans les six premiers mois, la plus lente
période de fusions depuis 2003, d’après les chiffres
de Bloomberg. L’offre de 40 milliards US de Xstrata
pour l’entreprise minière Anglo American plc et des
rachats par des entreprises telles que Cisco Systems
pourraient faire partie des transactions de la
deuxième moitié de l’année.
Le S& P 500 a fluctué de plus de 3% à 23 reprises
cette année. C’est la troisième période la plus
volatile dans l’histoire de l’indice après 1932 et
1933, a dit Howard Silverblatt, analyste en chef de
l’indice S& P.
Retour de la confiance
Le
Goldman Sachs Group et JPMorgan Chase ont été les
deuxième et troisième conseillers en valeurs cette
année. Goldman Sachs, Citigroup et Merrill Lynch
avaient été les principaux conseillers en valeurs sur
la même période l’an dernier.
Les fusions et acquisitions ont diminué de 42% aux
États Unis, de 58% en Europe et d’environ 50% en Asie
dans les six premiers mois, selon les chiffres de
Bloomberg. Les rachats par des entreprises américaines
ont totalisé 350 milliards, par rapport à 260
milliards pour l’Europe.
BlackRock, la société de gestion de New York, a acheté
ce mois-ci la division de gestion des actifs de
Barclays plc pour 13,5 milliards. China Petrochemical
a acheté la semaine dernière l’explorateur suisse
Addax Petroleum 7,2 milliards, afin d’exploiter les
réserves de pétrole du Kurdistan irakien et de
l’Afrique.
« Dans la seconde partie de 2009 et en 2010, le nombre
de secteurs actifs augmentera », a dit Jeff Stute,
cochef des fusions nord-américaines chez JPMorgan
Chase.
Le secteur des technos pourrait être mûr pour des
rachats. Cisco, qui a fait plus de 130 achats depuis
1995 et a 34 milliards en liquidités, sera « agressif
» dans ses acquisitions, a dit son PDG John Chambers
le 7 mai.
Les sociétés américaines ayant une cote élevée de
solvabilité ont vendu 667 milliards d’obligations
cette année, 23% plus qu’au cours de la même période
en 2008, selon les chiffres de Bloomberg. « Le
financement a toujours été la queue du marché des
fusions et acquisitions. Aujourd’hui, cependant, il
est clair que c’est la queue qui remue le chien », a
dit Bruce Evans, de la Deutsche Bank AG.
La conjoncture américaine s’améliore
—
L’économie américaine semble avoir passé le plus fort de
la crise, comme en témoignent les chiffres définitifs du
produit intérieur brut ( PIB) pour le premier trimestre
publiés hier, mais nombre d’indicateurs attestent encore
de sa fragilité. Le cas de la consommation des
ménages, moteur traditionnel de l’économie américaine,
qui assure en temps normal les deux tiers environ de
la croissance économique des États-Unis, est
exemplaire. Après s’être effondrée au second semestre
de 2008, elle a finalement apporté 0,95 point de
croissance au pays au premier trimestre, soit sa plus
forte contribution depuis l’été 2007.
Selon les chiffres définitifs du ministère du Commerce,
le PIB des États-Unis a chuté de 5,5 % en rythme annuel
au premier trimestre, une amélioration après le plongeon
de l’activité au trimestre précédent (-6,3 %).
Malgré tout, les trois mois d’hiver ont marqué le
troisième t rimestre consécutif de recul de l’activité
aux États-Unis, et tout indique que ce recul est en
train de se prolonger pendant le trimestre en cours, à
un rythme toutefois moins rapide.
La banque centrale a reconnu mercredi que « le r ythme
de contraction de l’économie ralentissait » mais a
prévenu aussi que l’activité devrait rester « faible
pendant un temps » encore.
En conséquence, la Réserve fédérale ( Fed) a maintenu
son taux directeur quasiment à zéro et a indiqué qu’il y
avait peu de raisons de penser qu’elle puisse le
remonter avant longtemps.
Appui de la Fed
Hier, la Fed en a rajouté en prolongeant de trois mois
jusqu’au 1er février quatre programmes exceptionnels de
soutien au crédit et à la liquidité mis en place pour
faire face à la crise.
« La conjoncture des marchés financiers s’est améliorée
ces mois-ci, mais, dans de nombreux domaines, le
fonctionnement des marchés reste altéré, et il semble
probable que ceux-ci restent tendus pendant quelque
temps encore », a indiqué la banque centrale pour
justifier ces décisions.
La Fed
attend que l’économie américaine renoue avec la
croissance d’ici à la fin de l’année, mais a prévenu que
celle-ci serait « lente », fragile, et très exposée en
cas de nouveau choc.
Si nombre d ’ i nd i c a t e u r s récents ont montré un
début de stabilisation de l’économie, il n’y a pas
véritablement de signe d’amélioration notable.
Le cas de la consommation des ménages, moteur
traditionnel de l’économie américaine, qui assure en
temps normal les deux tiers environ de la croissance
économique des États-Unis, est exemplaire. Après s’être
effondrée au second semestre de 2008, elle a finalement
apporté 0,95 point de croissance au pays au premier
trimestre, soit sa plus forte contribution depuis l’été
2007, marqué par l’explosion de la bulle des crédits
immobiliers à risque, à l’origine de la crise actuelle.
Mais elle évolue en dents de scie depuis le mois de
mars, et les analystes s’attendent qu’elle contribue à
faire baisser le PIB au cours du trimestre en cours.
S’il offre des signes de stabilisation lui aussi, le
secteur de l’immobilier, dont la reprise est jugée comme
capitale pour permettre à la croissance de s’installer
durablement, montre aussi une évolution assez aléatoire,
comme en témoigne la baisse inattendue des ventes de
logements neufs en mai, annoncée mardi par le
département du Commerce. En décrépitude depuis plus de
deux ans, l’industrie a ralenti sa baisse, mais ne
parvient toujours pas à remonter la pente. L’activité
dans les services, qui emploient près de 85% de la
main-d’oeuvre non-agricole du pays, s’est encore
contractée en mai.
Le c hômage, quant à l ui , continue de progresser et
devrait atteindre de l’avis général 10 % d’ici à la fin
de l’année.
Néanmoins, un nombre croissant d’analystes estime que la
reprise pourrait désormais arriver dès le troisième
trimestre.
De ce point de vue, la reprise des commandes de biens
durables en mai est venu apporter une bonne nouvelle sur
le front de l’investissement des entreprises, dont la
chute sans égale depuis plus d’un demi-siècle a été le
premier facteur de baisse du produit i ntérieur brut au
premier trimestre.
L’OCDE cesse de broyer du noir Prévisions
en hausse pour le Canada, les États-Unis et la Chine
« Des
conditions récessionnistes devraient persister jusqu’au
troisième trimestre, avec seulement une lente reprise
par la suite », selon la mise à jour de la Banque du
Canada publiée hier.
Pour la première fois en deux ans, l’Organisation de
coopération et de développement économique (OCDE) croit
voir enfin la lumière au bout du tunnel dans lequel
s’est enfoncée l’économie mondiale l’an dernier. La
reprise ne sera cependant pas synchronisée comme l’aura
été la récession. La Banque du Canada (et son
gouverneur, Mark Carney – notre photo), qui se
montrait plus optimiste que l’OCDE pour l’an prochain,
publiera une mise à jour de son scénario économique le
23 juillet prochain.
L’organisation basée à Paris révise ainsi légèrement à
la hausse ses perspectives économiques, en particulier
pour le Canada et ses principaux partenaires économiques
: les États-Unis et la Chine.
Pour l’année en cours, la contraction de l’économie
canadienne est ramenée de 3,0% à 2,7%, tandis que la
faible croissance de l’an prochain est portée de 0,3% à
0,7%.
Son scénario de mars, qui représentait alors les
perspectives les plus sombres pour l’économie
canadienne, avait par la suite été repris par la Banque
du Canada en avril. Notre banque centrale, qui se
montrait plus optimiste que l’OCDE pour l’an prochain,
publiera une mise à jour de son scénario économique le
23 juillet.
« Des conditions récessionnistes devraient persister
jusqu’au troisième trimestre, avec seulement une lente
reprise par la suite, lit-on dans la mise à jour publiée
hier. Le chômage continuera probablement à augmenter
jusqu’au début de 2010 et les pressions inflationnistes
devraient rester modérées. »
L’OCDE
rappelle que les États-Unis vivent le creux de leur pire
récession de l’après-guerre. La décroissance prévue
cette année est tout de même ramenée de 4% à 2,8%, alors
que la croissance de l’an prochain s’établira à 0,9%.
Bien que faible, c’est beaucoup mieux que la stagnation
envisagée en mars.
Hier, les données sur les commandes de biens durables en
mai semblaient donner du crédit à cette thèse. Les
commandes ont bondi pour le deuxième mois d’affilée,
signe que les entreprises se remettent à stocker en vue
de la relance de leurs ventes. Toutefois, le rythme des
nouvelles commandes n’a pas suivi. En Chine, la reprise
est déjà en cours et devrait atteindre 7,7%
(comparativement à 6,3% prévu en mars), alors que le
rythme solide d’avant récession aux environs de 10% sera
ré-atteint dès l’an prochain.
La zone euro pa ra ît en revanche toujours amochée.
L’OCDE prédit un amincissement de 4,8% de la taille de
l’économie des 16 cette année, suivie d’une stagnation
l’an prochain. L’organisme qui compte 30 pays membres
ainsi que la zone euro, mais dont ne font pas partie les
quatre grandes économies émergentes ( Brésil, Russie,
Inde et Chine, BRIC), estime que les États-Unis et le
quartet du BRIC agiront à titre de locomotives de la
reprise.
« Il apparaît que la reprise ne sera pas simultanée dans
tous les pays, en raison notamment de l’ampleur variable
des plans de relance et des problèmes de bilan à
corriger », estime Jorgen Elmeskov, chef du département
des affaires économiques par intérim de l’OCDE.
Voilà pourquoi l’organisme prévient que la récession en
cours aura des séquelles durables et parfois graves sur
le plan social.
L’OCDE se fait ainsi l’écho de la Banque mondiale qui
mettait en garde l’Occident contre la montée de
désordres sociaux dans certains pays très frappés comme
ceux d’Europe de l’Est.
Le pire de la récession paraît passé - RUDY
LE COURS
On savait
que la récession avait frappé fort l’hiver dernier. On
sait désormais que le Canada s’en est mieux tiré que la
plupart des pays du G7 et que la croissance sera sans
doute de retour au plus tard l’automne prochain. Le commerce extérieur s’est
effondré durant le premier trimestre au Canada avec une
chute de 30,4% du volume des exportations.
Le recul du produit intérieur brut ( PIB) réel de 5,4% en
rythme annualisé entre janvier et mars était le plus grave
depuis 1991, a annoncé hier Statistique Canada. Les
observateurs s’attendaient pourtant à pire encore. Ainsi,
la Banque du Canada avait misé sur une chute de 7,3% de
l’activité économique durant l’hiver, tandis que la
prévision médiane des économistes tablait sur un repli de
6,6%. Au bout du compte,
seule la France aura été moins frappée que nous parmi
les membres du G7
a relative résil ience des consommateurs et le solde du
commerce extérieur auront fait la différence.
Les dépenses de consommation ont reculé de 1,6% seulement,
même si le revenu réel disponible qui mesure le pouvoir
d’achat a diminué de 3,0% au premier trimestre et de 6,2%
en un an. Bref, les Canadiens n’ont pas jugé à propos
d’épargner davantage, comme le font les ménages
américains.
Le commerce extérieur s’est effondré durant le trimestre
avec une chute de 30,4% du volume des exportations. Celui
des importations a toutefois plongé davantage avec pour
résultat que le solde a contribué positivement à la
variation du PIB. « Nous pensons cependant que la baisse
du commerce de marchandises est pénible pour l’économie
canadienne » , note Sébastien Lavoie, économiste chez
Valeurs mobilières Banque Laurentienne. Pendant 10 ans,
les échanges internationaux équivalaient à environ 80% de
la taille de l’économie. C’était ramené à 70% au premier
trimestre.
Cela
affecte les profits des entreprises, amputés de 24% de
janvier à mars, après une saignée du même ordre durant
l’automne.
Voilà pourquoi elles ont réduit de 35% leurs achats de
machines et d’équipement et déstocké à hauteur de près de
6 milliards de dollars. Le ratio des stocks aux ventes est
cependant passé de 68 à 71 jours, signe indéniable que le
chiffre d’affaires de maintes entreprises s’est effondré à
la faveur aussi d’un recul des prix des produits de base.
« Comme une reprise de la demande, intérieure et
étrangère, est prévue dans la deuxième moitié de 2009, il
faudra bientôt reconstituer ces stocks, note Marc
Pinsonneault, économiste principal à la Financière Banque
Nationale. Une croissance positive s’annonce. »
Les dépenses des gouvernements étaient en hausse de 1,2%
seulement, soit moitié moins que durant l’automne.
Manifestement, les programmes d’infrastructures ne se sont
pas mis en branle durant l’hiver. Leurs bienfaits ont
commencé à se faire sentir au printemps avec l’ouverture
de nombreux chantiers susceptibles de contenir les pertes
d’emplois encore à venir dans le secteur manufacturier et
de stimuler l’achat d’équipement et de biens industriels.
En dollars d’aujourd’hui (PIB nominal), la contraction de
l’économie est beaucoup plus importante que si on la
mesure en volume (PIB réel) : 11,5% l’hiver dernier après
14,4% l’automne dernier. On saisit mieux ainsi l’impact de
la récession sur les finances publiques. Selon toute vraisemblance,
la récession se poursuit ce printemps, mais avec moins
de brutalité que durant l’hiver. La
remontée des prix des produits de base présage aussi de
meilleurs chiffres du PIB nominal.
Quand on mesure la taille de l’économie en additionnant
simplement la production par industrie sans tenir compte
du commerce international ni des variations de stocks, on
obtient un repli d’un peu plus de 6%.
Si on examine la production sur une base mensuelle, on
constate que c’est en novembre (-0,7%), décembre (-1,0%)
et janvier (-0,6%) que les replis ont été les plus
importants. En février et mars, les reculs ont été
contenus à 0,1% et 0,3%. Le point de retournement
n’est pas atteint, mais il semble qu’on s’approche du
fond, bien que la récession frappe inégalement selon les
secteurs et les provinces. On sera peu étonné dès
lors de constater que seulement 27% des 228 répondants
d’un sondage Léger Marketing mené auprès des membres de
l’Association des économistes québécois craignent que la
situation ne se détériore au cours des six prochains mois,
tandis que 47% s’attendent plutôt à ce qu’elle se
maintienne, voire qu’elle s’améliore (24%).
Les Bourses stimulées par les nouvelles
américaines
avancé de
16,47 points, à 1140,55 points.
Aux États-Unis, plusieurs indicateurs sont ressortis
supérieurs aux attentes, notamment l’indice ISM mesurant
l’activité dans l’industrie aux États-Unis, remonté à 42,8
points. Et celui mesurant les nouvelles commandes s’est
hissé au-dessus de 50, reflétant une progression pour la
première fois depuis novembre 2007, le mois précédant
l’entrée du pays en récession.
Sur le front toujours sensible de l’immobilier, les
dépenses de construction aux États-Unis ont augmenté de
0,8% en avril, alors que les analystes tablaient sur une
baisse.
Les dépenses de consommation des ménages ont par ailleurs
connu en avril une légère baisse, de 0,1%, mais moins
marquée qu’attendu, et les revenus disponibles des ménages
ont connu leur plus forte progression depuis mai 2008.
Le cours du baril de pétrole brut s’est approché du
plateau des 70$US. Il a augmenté de 2,27$US afin
d’atteindre 68,58$ US à la Bourse des matières premières
de New York.
Le dollar canadien a gagné 0,06 cent US, à 91,66 cents US,
après que Statistique Canada eut indiqué que le produit
intérieur brut (PIB) réel avait reculé au taux annualisé
de 5,4% au premier trimestre. Les experts s’attendaient à
un recul de 6,5%.
« (Cette
prévision) remonte à il y a quelques mois, lorsque les
gens étaient inquiets de voir l’économie sombrer dans la
Grande Dépression, deuxième partie », a noté Avery
Shenfeld, économiste en chef chez Marchés mondiaux CIBC.
« Et bien que nous soyons toujours en
récession, les marchés sont prêts à passer par-dessus
cela. »
À la Bourse de New York, la moyenne DowJones des 30
valeurs industrielles a pris 211,11 points, à 8721,44
points, tandis que l’indice du NASDAQ s’envolait de 54,35
points, à 1828,68 points. L’indice élargi S& P 500 a
gagné 23,73 points, à 942,87 points.
Le plan de restructuration de General Motors prévoit que
le gouvernement américain prendra une participation de 60%
dans la nouvelle entreprise. Le gouvernement canadien
devrait hériter d’une participation de 11,7%, tandis que
les Travailleurs unis de l’automobile repartiraient avec
une part de 17,5% et que les détenteurs d’obligations non
garanties recevraient 10%.
L’action du constructeur automobile, qui avait plongé dans
l’anticipation de cette restructuration, sera retirée de
la moyenne Dow Jones des 30 valeurs industrielles, tout
comme celle de la banque Citigroup. GM et Citi seront
remplacées la semaine prochaine par Travelers Cos. et
Cisco Systems.
Le secteur de l’énergie du parquet torontois a grimpé de
4,6%, stimulé par le cours du baril de pétrole brut. Dans
ce groupe, l’action d’EnCana a gagné 2,85$, à 62,85$,
tandis que celle de Suncor a avancé de 1,75$, à 40$.
Le secteur torontois des métaux de base a progressé de
près de 7%, celui des finances a lui aussi poursuivi son
ascension. L’action de la Banque Scotia a pris 1,05$, à
39,23$, tandis que celle de la Banque de Montréal s’est
améliorée de 1,15$, à 44,95$.
Les ventes des manufacturiers se
stabilisent - Rudy le Cours
RUDY
LE COURS Les ventes des manufacturiers étaient à peu
près stables en avril, ayant reculé d’un brin
envaleur, mais avancé faiblement en volume.
À hauteur de 41,01 milliards de dollars, elles
affichaient un repli de 0,1% indiquait hier
Statistique Canada, bien que 16 des 21 industries du
secteur manufacturier ont encaissé des reculs. Le
sursaut des ventes de matériel de transport aura
permis de contenir la faiblesse de la majorité des
industries.
Le rebond de l’aéronautique aura été salutaire pour le
Québec, dont les ventes ont bondi de 4,7%, la plus
forte hausse au pays. La valeur des livraisons est
passée de quelque 720 millions à plus de 1,3 milliard.
Ce rebond annule complètement la faible performance de
mars. Les ventes du secteur demeurent toutefois très
volatiles d’un mois à l’autre.
À l’échelle canadienne, le gain de 0,4 % des ventes
exprimées en volume a surpris les experts, compte tenu
de la faiblesse des exportations durant le mois. Le
chiffre signifie que la production manufacturière aura
contribué pour une rare fois à la croissance.
Toutefois, il n’y a pas de quoi pavoiser. La valeur
des nouvelles commandes a plongé de 10,8%, à hauteur
de 37,3 milliards seulement. Il s’agit du niveau le
plus faible depuis août... 1998.
« La
tendance des ventes des manufacturiers reste à la
baisse, prévient Benoit P. Durocher, économiste
principal au Mouvement Desjardins. En outre,
l’essentiel des gains dans l’industrie de l’automobile
pourrait être effacé en mai par la fermeture
temporaire des usines d’assemblage de Chrysler. »
Cela affectera à coup sûr la production, mais pas
forcément les ventes de véhicules neufs.
L’agence fédérale nous a aussi appris hier qu’elles
n’avaient pas varié de mars à avril à l’échelle
canadienne, bien qu’elles aient reculé au Québec et en
Ontario. En outre, les données préliminaires indiquent
un gain de 1,0% d’avril à mai.
Faute de produire, les entreprises, tant dans
l’automobile que dans plusieurs autres industries,
poursuivent leur déstockage amorcé en novembre. Du
sommet de 68,3 milliards enregistré en octobre, la
valeur des stocks s’élevait à 64,8 milliards en avril.
Le rapport des ventes aux stocks se situe à 1,58. Cela
signifie que les entreprises ont plus d’un mois et
demi de production en stocks, un ratio très élevé. En
période d’expansion, le niveau se situe plutôt près de
1,25.
« En plus d’être aux prises avec des stocks élevés,
les manufacturiers doivent composer avec une monnaie
qui se renforce, note Diana Petramala, économiste chez
Banque TD Groupe financier. Cela va diminuer la
demande extérieure de biens canadiens et amener la
demande intérieure à s’orienter vers les biens
importés. »
TD, comme quelques autres institutions financières,
est d’avis que la parité entre les dollars canadien et
américain sera rétablie avant la fin de l’année.
Immobilier : La situation se stabilise
aux États-Unis
WASHINGTON— Lesmisesenchantiers et les permis de
construire délivrésauxÉtats-Unis sesont reprisen mai,
témoignant de la stabilisation du secteur du logement,
par lequel la crise est arrivée, mais dont la reprise
s’annonce laborieuse.
PHOTO RICK WILKING,
ARCHIVES REUTERS
Le nombre de mises en chantier
a progressé de 17,2% par rapport à avril aux
États-Unis. En rythme annuel, cela représente 532
000 constructions démarrées.
Selon les chiffres publiés hier par le ministère du
Commerce à Washington, le nombre de permis de
construire des logements a augmenté en mai de 4,0% par
rapport à avril (données corrigées des variations
saisonnières) pour s’établir à 518 000 en rythme
annuel.
Le nombre de mises en chantier s’est repris lui aussi.
Il a progressé de 17,2% par rapport à avril. En rythme
annuel, cela représente 532 000 constructions
démarrées.
Ces deux indicateurs avaient touché en avril leur plus
bas niveau depuis leur première publication il y a un
demi-siècle. Leur hausse de mai était attendue, mais a
surpris les analystes par son ampleur.
Ils restent malgré tout en forte baisse sur un an (de
47,0% pour les permis, et de 45,2% pour les mises en
chantier).
Les analystes relèvent deux « bonnes nouvelles » dans
le rapport du ministère du Commerce.
D’abord, le nombre de permis de maisons individuelles,
chiffre qui retient généralement l’attention des
marchés parce qu’elles sont un produit stratégique
dans le secteur, a confirmé sa reprise
Le nombre de permis de construire donne une idée de la
tendance à venir du marché de la construction, en
décrépitude depuis deux ans. Son rétablissement est
jugé indispensable pour permettre une croissance
durable après la reprise attendue d’ici à la fin de
l’année. entamée le mois précédent. Il a augmenté de
7,9% après 5,0% en avril.
Lente guérison
Témoignant d’une amélioration déjà en cours, la
deuxième nouvelle encourageante est la hausse des
mises en chantier de maisons individuelles (+7,5%)
pour le troisième mois de suite.
« Le marché de la construction des maisons
individuelles est en voie de guérison », estime
Patrick Newport, économiste de l’institut IHS Global
Insight, pour qui le point bas du cycle a été passé.
Néanmoins, avertit-il, « la guérison sera lente et
prendra deux ou trois ans ».
Le niveau élevé des stocks de logements restant à
écouler « signifie que toute reprise de la
construction sera très faible pendant un long moment,
mais au moins, le pire est passé », note
IanShepherdson, du cabinet HFE. La mauvaise nouvelle
du rapport est la chute continuelle du nombre de
permis d’immeubles délivrés, qui a encore reculé de
8,3% en mai, après s’être effondré de 20,5% le mois
précédent.
Relevant elle aussi le niveau élevé des stocks de
logements invendus, dont l’écoulement prendrait plus
de 10 mois au rythme de la demande actuelle, Elsa
Dargent, économiste de Natixis, ne prévoit pas de
reprise forte du marché de la construction à court
terme.
« La récente hausse des taux d’emprunts hypothécaires
pourrait ralentir le processus » de rétablissement,
estime-t-elle.
Les taux d’emprunts immobiliers ont effectivement
fortement progressé dans le sillage de la remontée des
taux des obligations du Trésor américain à long terme
observée depuis deux mois, et le taux de référence (30
ans à taux fixe) est désormais à son plus haut depuis
fin novembre.
Cette hausse pèse d’ailleurs sur le moral des
constructeurs de logements, qui a perdu un point en
juin, après une embellie courte et toute relative de
deux mois, selon l’étude mensuelle de l’Association
des constructeurs de logements (NAHB) et de la banque
Wells Fargo publiée lundi.
La crise financière est finie, estime la
Banque Royale
La crise
financière est terminée et les marchés de crédit sont
guéris, estime Gordon Nixon, président du conseil et PDG
de la Banque Royale du Canada.
« Je crois que la crise financière est finie, si l’on
définit cela comme une crise », a soutenu hier M. Nixon,
52 ans, qui s’adressait à des reporters dans le cadre de
la Conférence du Forum économique international des
Amériques, à Montréal.
M. Nixon faisait ainsi écho aux commentaires de Jeffrey
Immelt, le PDG de General Electric Co., qui soulignait
dans un discours prononcé également à Montréal mercredi
que les marchés de capitaux américains s’étaient en grande
partie rétablis.
Toutefois, M. Nixon croit qu’il en va autrement de la
crise économique.
« L’économie a encore un bon bout de chemin à faire,
a-t-il dit. Il y a des signes d’amélioration, mais ça
demeure encore un environnement économique très difficile.
»
La situation économique décourage aussi les acquisitions
aux États-Unis, selon le patron de la plus grosse banque
canadienne.
« Il y a
un mythe voulant qu’il existe aux États-Unis de très
nombreuses occasions d’acquisitions, a déclaré M. Nixon.
Mais cela ne s’est pas produit. »
« La grande incertitude » entourant l’économie pose un
problème pour les acheteurs et entraîne un manque de
vendeurs d’actifs bancaires américains, d’après M. Nixon,
qui a ajouté: « Je ne crois pas qu’il y aura beaucoup
d’activité à court terme. »
La semaine dernière, la Banque Royale a éliminé « un petit
nombre » de postes de direction, y compris quatre de
présidents de marchés, dans le cadre de la réorganisation
de sa division bancaire américaine. Scott Custer, le PDG
de cette division appelée RBC Bank, a transmis aux
employés une note exposant les détails de la
réorganisation sur 18 mois pour se préparer à la reprise
économique.
« Étant donné la vigueur de nos autres activités au sein
de l’organisation, nous croyons qu’il y aura beaucoup
d’occasions de déployer du capital sur le marché américain
lorsque les choses commenceront à se stabiliser », a dit
M. Nixon.
La division bancaire internationale de services aux
consommateurs de la Banque Royale, qui comprend RBC Bank,
a subi une perte de 1,13 milliard au cours du deuxième
trimestre après avoir inscrit une dévaluation d’actif de 1
milliard. La division internationale, qui compte 441
succursales dans le sud-est des États-Unis, a connu quatre
pertes trimestrielles de suite.
« Le marché s’est avéré très difficile, a reconnu M.
Nixon. Notre division bancaire de détail, commerciale et
axée sur les petites entreprises, dont le siège se trouve
à Raleigh, en Carolinedu-Nord, a été au coeur de la
tempête aux États-Unis. »
La récession sera de courte durée
La
récession qui sévit au Canada et qui est vraisemblablement
la plus profonde depuis la Grande Dépression, pourrait
être aussi la plus courte qu’ait connue le pays.
La hausse des ventes de maisons et de voitures, les gains
inattendus dans les secteurs de l’emploi et des permis de
bâtir, des conditions de crédit plus faciles et
l’augmentation des prix des matières premières signalent
que le ralentissement économique observé au Canada
pourrait toucher à sa fin. Huit des onze économistes
sondés par Bloomberg ce mois-ci prédisent que l’économie
renouera avec la croissance au prochain trimestre.
« On n’a pas l’impression que c’est tout à fait fini, mais
les gens respirent un peu mieux », indique Russ Girling,
président de la division des pipelines de TransCanada
Corp., plus importante compagnie de pipelines au pays, qui
a connu une augmentation de 12% de ses revenus au premier
trimestre.
Toutes les cinq grandes récessions que le Canada a connues
après la Deuxième Guerre mondiale, sauf une, ont duré au
moins un an. La plus brève, celle de 1957, a duré neuf
mois, selon Philip Cross, qui surveille les cycles
économiques du pays pour Statistique Canada.
L’économie
canadienne
a subi un recul de 3,4% au quatrième trimestre de 2008 et
la baisse du premier trimestre pourrait avoir atteint
7,3%, ce qui serait la pire dégringolade de tous les
temps, estime la Banque du Canada. Cette dernière s’attend
à une baisse de l’activité économique de 3% pour toute
l’année 2009, ce qui serait la baisse la plus importante
depuis 1933.
Aux États-Unis, la récession a commencé en décembre 2007,
d’après le National Bureau of Economic Research, qui est
l’arbitre américain en matière de cycles économiques.
Statistique Canada, qui définit une grande récession comme
étant marquée par une baisse de l’emploi et de la
production de plus d’un an, n’a pas encore déterminé quand
la récession a commencé au pays, dit M. Cross. Pour sa
part, la Banque du Canada a indiqué que le pays était
entré en récession au cours du quatrième trimestre de l’an
dernier.
Si le Canada a pâti de la baisse de la demande américaine
de ses exportations, les banques du pays ont en général
été épargnées par les pertes sur crédit. Aucun argent
public n’a été fourni à l’une ou l’autre des 21 banques
canadiennes depuis que le crédit mondial s’est resserré en
août 2007. De son côté, le gouvernement américain
surveille des investissements d’environ 200 milliards US
dans les banques par le truchement du programme Troubled
Asset Relief Program, une initiative financée par les
deniers publics.
Le marché de l’habitation au Canada s’est tiré beaucoup
mieux d’affaire que celui des États-Unis, où les prix ont
chuté de 18,6% en février dernier par rapport à un an plus
tôt, selon l’indice S& P/Case-Shiller portant sur 20
grandes villes américaines. Les prix moyens des maisons
déjà existantes ont baissé de moins de la moitié de ce
pourcentage au Canada au cours de la même période, précise
l’Association canadienne de l’immeuble.
L’indice composite boursier canadien Standard& Poor’s/
TSX a bondi de 50% (en dollars américains) depuis son
creux du 9 mars dernier comparativement à un gain de 34%
réalisé par l’indice américain Standard& Poor’s 50 0
au cours de la même période.
Les dirigeants financiers prédisent une
reprise pour le début de 2010
— Une
étude menée ce printemps auprès de plus de 200 hauts
dirigeants financiers canadiens suggère que le
ralentissement économique n’est pas aussi grave que
certains le croient.
L’étude, réalisée par la Fondation de recherche des
dirigeants financiers canadiens ( FRDFC), l’institut de
recherche de l’organisme DFI Canada (Dirigeants
financiers internationaux du Canada), et parrainée par
la firme Ernst& Young, indique qu’une majorité
d’entreprises pourront faire croître sinon maintenir
leurs revenus en 2009. Les résultats indiquent également
que les entreprises de toutes les régions du Canada ont
intensifié leurs efforts pour mieux gérer leur
trésorerie, avec 75% des répondants mentionnant qu’ils
sont maintenant plus axés sur la gestion de leur
trésorerie qu’à la même période l’an passé. Cela est le
cas pour près de 80% des entreprises privées et de 71%
des sociétés ouvertes.
Les
répondants de l ’ét ude ont déclaré avoir une vision
globale positive quant à la possibilité d’une reprise
économique rapide. Les entreprises de fabrication, qui
ont été frappées les plus durement ces derniers mois,
démontraient le plus d’optimisme à l’idée d’une reprise
pour 2010.
DFI Canada est une association de plus de 2000 membres
composée de hauts dirigeants professionnels de tous les
secteurs d’activité, auxquels elle fournit entre autres
des occasions de perfectionnement professionnel et des
services liés à la défense de leurs intérêts.
La confiance des exportateurs canadiens
remonte
— Le
pessimisme s’estompe chez les exportateurs, suggère
l’enquête semestrielle sur l’indice de confiance
commerciale d’Exportation et développement Canada
(EDC) dont les résultats ont été rendus publics hier.
L’indice global d’EDC pour son enquête du printemps a
bondi à 68,5, après un plancher record
inhabituellement bas de 61 au cours des six derniers
mois. Les résultats du printemps interrompent en outre
une glissade qui s’est étalée sur trois périodes
débutant à l’automne 2007, chaque baisse successive
ayant établi un nouveau creux record.
L’enquête a sondé les attitudes des exportateurs
canadiens à l’égard de cinq variables, soit les
débouchés internationaux, les ventes à l’exportation,
les ventes nationales, et les conjonctures économiques
nationale et mondiale.
La hausse de confiance observée est la plus importante
enregistrée dans le cadre de cette enquête au cours de
la période postérieure au 11 septembre 2001.
Le
bond de l’ICC (indice de confiance commerciale) global
découle principalement du sentiment que la conjoncture
économique mondiale et nationale s’améliorera. Environ
un quart des répondants prévoient une amélioration des
perspectives à court terme, une hausse considérable en
regard de l’enquête précédente. La variation de la
proportion de répondants s’attendant à une
détérioration de la conjoncture est encore plus
marquée. Alors qu’ils formaient une majorité claire
selon l’enquête précédente, les pessimistes se sont
faits plus rares, pour ne plus représenter qu’environ
le quart des répondants.
Les exportateurs sont toutefois résolument moins
optimistes quant à la demande, suggère l’enquête,
soulignant que leurs prévisions à l’égard des ventes
nationales et internationales restent modestes et
essentiellement i nchangées depuis l’automne 2008. Le
comportement à prévoir du dollar demeure l’indicateur
le plus volatil de l’enquête.
L’enquête a été menée pour EDC par Opinion Search à la
fin du mois d’avril et au début du mois de mai. Au
total, un millier d’entreprises canadiennes ont
participé, et l’ICC a été calculé sur un total de 858
répondants.
La marge d’er r eur est de 3,1 points de poucentage,
19 fois sur 20.
Le marché mondial de l’automobile
poursuit sa reprise
Poussé
par les pays émergents, le marché mondial de
l’automobile a poursuivi sa reprise en avril avec des
volumes de vente égalisant les sommets enregistrés
avant la crise financière et économique mondiale,
indique une étude de la Banque Scotia publiée hier. Les ventes de véhicules ont
atteint « des sommets » en Chine, en Inde et au
Brésil en avril, avec 10,3 millions d’unités
vendues, selon une étude de la Banque Scotia.
Les ventes de véhicules ont atteint « des sommets » en
Chine, en Inde et au Brésil en avril, avec 10,3
millions d’unités vendues, selon le rapport de cette
banque canadienne.
« Ce chiffre se compare favorablement à celui du mois
de mars, 9,5 millions d’unités, ainsi qu’au sommet
atteint avant la crise, en mai 2008, soit 9,4 millions
d’unités », a déclaré dans un communiqué Carlos Gomes,
économiste et spécialiste du secteur de l’automobile
chez Scotia.
À l’échelle internationale la vente de voitures neuves
a connu une légère progression et « il y a matière à
optimismedans toute l’industrie », a indiqué à l’AFP
M. Gomes.
Cette hausse ne concerne cependant pas les importants
marchés européens et américains.
Selon
le rapport, 9,3 millions de véhicules ont été vendus
en avril aux États-Unis, contre 9,5 millions en
moyenne mensuelle depuis le début de l’année.
Ce ralentissement des ventes a débuté à la mi-avril et
s’explique vraisemblablement par « l’incertitude
grandissante qui paralyse le secteur et par
l’inquiétude suscitée par l’éclosion de grippe »
porcine, souligne la banque canadienne.
En Europe de l’Ouest et en Russie, les ventes ont
reculé respectivement de 12% et de 32% par rapport à
l’année dernière, dit M. Gomes, qui note toutefois une
progression en avril dans le vieux continent par
rapport au premier trimestre de l’année.
Au Canada, les ventes de voitures sont restées stables
en avril avec un rythme de vente de 1,42 million de
véhicules, pour le deuxième mois consécutif. Ce
chiffre est supérieur au 1,34 million du premier
trimestre.
La Banque Scot ia remarque que « quatre constructeurs
( Kia, Huyndai, Suburu et Audi) ont même mentionné des
ventes mensuelles records, ce qui semble indiquer que
la confiance revient sur le marché canadien ».
Inflation : le débat lève plus que les
prix...
—
Les débats passionnés aux États-Unis sur
l’éventualité d’une forte reprise de l’inflation
paraissent tout à fait déconnectés de l’évolution
actuelle des indices de prix, restés très sages en
mai.
Une masse monétaire qui augmente rapidement, une
politique de la Réserve fédérale plus expansionniste
que jamais, des investissements au plus bas dans le
secteur pétrolier: certains économistes jugent que
l’inflation est en germe.
« Quelle inflation? » leur répondent les analystes
d’Aurel ETC Polla: « Les indicateurs disponibles sur
l’économie réelle ne militent pas pour un rebond
rapide » des prix.
« Ces trois derniers mois, l’inflation a été
globalement nulle », confirme l’économiste Joel
Naroff. Là où ils augmentent, les prix le doivent à
des facteurs comme la hausse des cours du pétrole,
alimentée elle-même en bonne partie par... la
crainte de l’inflation, ou la hausse des taxes sur
le tabac.
« La seule chose dont il faut avoir peur, c’est la
peur elle-même », expliquait vendredi Andrew Tilton,
de Goldman Sachs. « Le seul endroit où des pressions
inflationnistes sont prouvées aux États-Unis
aujourd’hui, ou dans un avenir prévisible, c’est
dans les matières premières », d’après lui.
L’indice des prix à la consommation en mai, publié
hier par le département du Travail, a conforté son
analyse.
Non seulement les prix n’ont progressé que de 0,1%
sur un mois, mais sur un an, ils sont en chute de
1,3%, ce qui n’était plus arrivé depuis 1950.
La hausse des prix doit beaucoup à celle de
l’essence (+3,1%), alors que les prix de
l’alimentation baissent (-0,2%) pour le troisième
mois consécutif.
Hors énergie et alimentation, l’indice dit de base
et beaucoup moins dépendant de la volatilité des
marchés, les prix ont également avancé de 0,1% sur
un mois, et affichent une hausse, très raisonnable,
de 1,8% sur un an.
M. Naroff voit dans ces prix sages le signe que « la
récession continue et peu d’entreprises ont le
pouvoir d’imposer des hausses de prix ».
Les indices « avancés » de l’inflation restent aussi
très modérés.
PRIX DES RESSOURCES NATURELLES Plus forte reprise en 35
ans
Les prix des produits de base ont enregistré leur
plus forte reprise mensuelle en près de 35 ans, grâce
notamment à l’énergie, au moment où la baisse du dollar
américain stimule la demande de matières premières à
titre de protection contre l’inflation. Le prix du pétrole brut pourrait
avoir connu en mai sa plus forte progression mensuelle
en une décennie.
En mai, l’indice Reuters/Jefferies CRB, qui regroupe les
prix de 19 éléments des secteurs de l’énergie, des
métaux et de l’agriculture, a bondi de 16%, sa plus
forte hausse mensuelle depuis juillet 1974. De son côté,
le dollar américain risque de subir sa pire dégringolade
depuis août dernier par rapport à un panier de six
grandes devises.
Les signes de redressement de l’économie mondiale
stimulent depuis un certain temps la demande de
carburant, des métaux industries et de produits
agricoles. Le prix du pétrole brut pourrait avoir connu
en mai sa plus forte progression mensuelle en une
décennie. Les prix de l’essence ont grimpé de plus de
30% ce moisci. Hausse des prix aussi du côté de l’or et
de l’argent, tandis que ceux du maïs et du soya ont
atteint un sommet depuis septembre dernier.
« La croyance voulant que l’économie mondiale ne sombre
plus dans un trou noir a ramené beaucoup d’investisseurs
sur le marché », constate Peter Sorrentino, qui
participe à la gestion d’actifs de 13,8 milliards US
chez Huntington Asset Management, à Cincinnati. « Il
faut aussi considérer la menace d’inflation et cela
signifie que les gens souhaitent avoir des actifs sûrs
», ajoute-t-il.
Vendredi,
l’indice CRB a progressé de 3,3% à New York,
poursuivant sa progression vers un sommet depuis
novembre dernier. Pour sa part, le dollar américain se
dirigeait vers sa troisième baisse mensuelle de suite
par rapport à un panier de devises, en raison
notamment de la demande d’actifs présentant de
meilleurs rendements.
Les investisseurs sont en quête d’un « refuge pour se
protéger du dollar plus faible », soutient Stephen
Platt, un analyste du secteur des produits de base
chez Archer Financial Services Inc. « Ce redressement
est viable, étant donné les perspectives touchant le
dollar américain, et l’on s’attend à ce que ce dernier
faiblisse comme d’autres devises de pays
industrialisés. »
L’économie mondiale montre des signes de reprise par
rapport à la pire récession depuis la Dépression des
années 30 après que les gouvernements et les banques
centrales eurent abaissé les taux d’intérêt à près de
zéro et consacré plus de 13 mille milliards US en
mesures de sauvetage et en programmes de stimulants.
Le mois dernier, la confiance des consommateurs
américains a crû à son plus niveau depuis septembre
dernier, signe de plus que la récession se fait moins
virulente. La production industrielle au Japon en
avril a connu son plus grand bond en 56 ans et l’essor
économique en Inde a été plus important au premier
trimestre que ce que les économistes avaient prévu.
Vendredi, les contrats à terme sur le pétrole brut ont
grimpé de 1,23$US, ou de 1,9%, à 66,31$US le baril à
NewYork et les prix ont bondi de 29% le mois dernier,
la plus forte progression depuis mars 1999.
Est-ce la fin du cauchemar? - Claude
Picher
D’une
façon ou de l’autre, comme t r ava i l l eu r s ,
consommateurs, contribuables, investisseurs,
entrepreneurs, retraités, propriétaires, nous avons tous
été touchés par la pire crise économique et financière à
survenir depuis la Grande Dépression des années 30.
Dans ces conditions, il n’est pas surprenant de se
demander quand on verra enfin la lumière au bout du
tunnel. La réponse n’est pas facile: cette crise est
sans précédent.
Pourtant, certaines lueurs d’espoir commencent à poindre
à l’horizon.
Uniquement dans la journée d’hier, nous avons eu droit à
trois signaux encourageants.
D’abord, l’indice de confiance des consommateurs. Chaque
mois, le Conference Board effectue un sondage auprès de
2000 consommateurs canadiens. On leur demande notamment
de dire comment ils entrevoient leur situation
financière dans les prochains mois, quelle est leur
perception à court terme du marché du travail, et s’ils
considèrent que le moment est bien choisi pour faire un
achat important, comme une maison ou une voiture.
Les réponses sont reportées sur un indice (dont la
valeur a été établie à 100 en 2002). Quand l’indice
monte, c’est bon signe : la confiance des consommateurs
augmente, et cela a des chances de se traduire par une
hausse des dépenses dans un proche avenir.
Que les
optimistes soient maintenant deux fois plus nombreux que
les pessimistes ne peut que constituer une excellente
nouvelle. Le Conference Board n’hésite pas à conclure: «
Les consommateurs voient enfin la lumière au bout du
tunnel. »
Ce n’est pas rien quand on sait que les dépenses des
consommateurs, à elles seules, font rouler les deux
tiers de l’économie.
Comme on s’en doute, l’indice de confiance du Conference
Board a connu une chute spectaculaire l’an dernier: de
96 points en janvier 2008, il est tombé à 68 points
l’automne dernier, au plus violent de la crise. La bonne
nouvelle, c’est qu’il remonte lentement mais sûrement
depuis le début de 2009. Hier, on a annoncé une hausse
de 0,7 point. Ce n’est pas très fort, mais il faut
savoir que c’est la quatrième hausse mensuelle
consécutive. L’indice se situe maintenant à 82 points,
encore loin de son niveau de janvier 2008, mais en très
claire amélioration par rapport à son creux de l’an
dernier : en fait, il a déjà repris la moitié du terrain
perdu.
L’enquête nous apprend aussi que 52% des répondants
n’entrevoient aucun changement dans leur situation
financière. Chez les autres, 27% s’attendent à une
amélioration, comparativement à 13% qui entrevoient une
détérioration. C’est le plus bas niveau de pessimisme
depuis avril 2008, donc avant la crise. Que les
optimistes soient maintenant deux fois plus nombreux que
les pessimistes ne peut que constituer une excellente
nouvelle. Le mieux c’est), permis de bâtir (un
indicateur avancé fiable), taux hypothécaires ( plus ils
grimpent, plus cela risque de ralentir les transactions)
et marché de la revente (excellent baromètre de
l’activité immobilière et de la rénovation). Lorsque
l’indice est en hausse, c’est une bonne nouvelle : on
considère que l’indice permet de prévoir, avec trois à
six dégâts quand même. Ouf, c’est peut-être fini.
L’augmentation soutenue de l’indice « laisse présager
que le ralentissement du secteur résidentiel au Québec
tire à sa fin », observent les spécialistes de
Desjardins.
Enf in, également hier, le quotidien torontois
Globe& Mail publiait les résultats d’une
intéressante enquête montrant que Conference Board
n’hésite pas à conclure : « Les consommateurs voient
enfin la lumière au bout du tunnel. »
Deuxième signal encourageant : l’indice de l’habitation
Desjardins. Les économistes du Mouvement Desjardins ont
mis au point un indice qui tient compte de quatre
composantes : mises en chantier (plus il en a, mois
d’avance, le comportement du marché résidentiel.
Or,
hier, Desjardins annonçait que son indice a connu une
hausse appréciable de 5,5 % en mai. Mieux : il s’agit du
cinquième mois consécutif de croissance. Certes, la
crise n’a pas ravagé le marché immobilier québécois avec
autant de brutalité qu’ailleurs, mais il y a eu des
l’optimisme a maintenant gagné les milieux d’affaires.
Il s’agit d’un revirement spectaculaire par rapport à
février dernier.
L’enquête a été menée auprès de 157 hauts dirigeants de
grandes entreprises canadiennes. Lorsqu’on leur demande
leurs prévisions sur le comportement de l’économie
canadienne au cours des 12 prochains mois, plus de la
moitié des répondants, 55%, s’attendent à une
amélioration, comparativement à 45% qui entrevoient une
détérioration. En février, il y a à peine quatre mois,
les optimistes ne comptaient que pour 11%, et les
pessimistes pour 89%.
Bonnes nouvelles aussi sur le front de l’emploi : 37%
des employeurs prévoient embaucher du personnel au cours
de la prochaine année, 50% ne prévoient aucune mise à
pied, seulement 13% envisagent des réductions de
personnel.
Enfin, 26% des dirigeants d’entreprise pensent que
l’économie renouera avec la croissance d’ici six mois.
En février, seulement 5% des répondants pensaient la
même chose.
Il serait hautement imprudent de conclure de tout cela
que l’économie canadienne est sortie du bois. Mais après
un automne déprimant, un hiver morose et un printemps en
dents de scie, ces signaux encourageants ne peuvent être
que les bienvenus.
Économie
: Des signes encourageants - Yvan Loubier
Les bonnes
nouvelles économiques ne manquent pas depuis quelques
semaines
Peu d’analystes osent prévoi r l e moment où la récession
prendra fin. Car en matière de prévisions économiques,
face à une récession presque « atypique », c’est peutêtre
une des premières fois que nous sommes confrontés à une
obscurité aussi profonde. Au surplus, les prévisions de
croissance du PIB et les perspectives économiques
générales changent du tout au tout, en quelques semaines à
peine, avec des écarts qui sont souvent irréconciliables.
Par exemple, en moins de trois mois, la Banque du Canada a
repoussé d’un an la reprise de l’économie canadienne et a
réduit ses perspectives de croissance pour 2010 de plus de
30 %. Des perspectives qui demeurent encore deux fois plus
optimistes que celles du FMI et de Desjardins. Un travailleur chinois scelle
manuellement des thermomètres cliniques dans une usine
de Ningbo, à l’est du pays. Contre toute attente, la
production manufacturière de la Chine – qui pourrait
créer une surprise à titre de moteur de la reprise
mondiale – a augmenté de 10% le mois dernier.
Comment s ’ y ret rouver ? Comment éva luer où nous en
sommes dans ce cycle peu commun où trône un environnement
de confusion ? Il faut se rabattre sur des indicateurs
réels qui , sans nous donner un portrait clair et
infaillible, peuvent exprimer une certaine tendance.
Une des clés de la reprise demeure l a relance de la
confiance des agents économiques. Or, à cet égard, les
nouvel les encourageantes et mesurées ne manquent pas
depuis quelques semaines.
Depuis la mi-mars, en dépit des prévisions pessimistes et
même catastrophiques de certaines institutions
respectables, la grande majorité des indices boursiers
mondiaux en Amérique, en Europe et en Asie ont connu de
belles embellies et dépassent maintenant leurs niveaux
d’il y a cinq mois. D’un naturel sensible aux mauvaises
nouvelles, le marché boursier y semble aujourd’hui
hermétique. Si, en regard de l’histoire, nous savons que
le comportement du marché boursier devance de six mois
l’allure de la conjoncture économique réelle, il y a des
perspectives positives à tirer de cette tendance.
Le
moteur chinois
La production industrielle a légèrement remonté aux
ÉtatsUnis et en Europe en mars et les indices des
acheteurs, établis à partir de données d’enquêtes sur les
perspectives économiques auprès de milliers d’entreprises
manufacturières et de services, sont en hausse partout.
L’indice composite européen mensuel (le PMI), par exemple,
progresse constamment et s’établit maintenant à 40,5 pour
l’ensemble des pays européens. Il faut que cet indice
dépasse le niveau 50 pour entrer dans une ère d’expansion
économique et il s’en rapproche progressivement, mais
sûrement. Ce seuil de 50 est maintenant dépassé par la
Chine (avec 52,4), ce pays émergent qui a également vu,
contre toute attente, sa production manufacturière
remonter de 10% le mois dernier. La Chine pourrait
d’ailleurs créer des surprises à titre de moteur majeur de
la reprise mondiale.
Le secteur immobilier connaît également son vent de
fraîcheur au Canada, où on a enregistré une reprise depuis
trois mois et une croissance spectaculaire le mois
dernier, et même aux États-Unis, là où il s’était
totalement effondré. Enfin, contre toute attente, le
Canada a créé 36 000 nouveaux emplois en avril et même si
les États-Unis en ont perdu 539 000, c’est la perte la
plus faible des six derniers mois.
Bref, si la récession nous a pris par surprise, son
évolution semble être présidée par le même déterminant. La
récession n’est certes pas terminée et nous aurons droit
encore à de mauvaises nouvelles pendant quelques mois,
avant que ne se pointe réellement un début solide de
reprise. Mais elles seront de moins en moins mauvaises et
les quelques signes actuels de stabilisation de la
conjoncture économique mondiale sont très encourageants.
L’hémorragie semble arrêtée, il faut souhaiter que le
patient se rétablisse rapidement.
Un mois après les « tests de résistance » Les
banques ont fait l’essentiel du chemin
— Un mois
après la publication des résultats des « tests de
résistance » effectués par les pouvoirs publics, les
grandes banques américaines ont parcouru la
quasi-totalité du chemin exigé et plusieurs devraient
être autorisées la semaine prochaine à rembourser l’aide
de l’État.
« La Réserve fédérale annoncera la semaine prochaine une
liste de banques suffisamment solides et en mesure
d’accorder des prêts, de telle sorte qu’elles peuvent
rembourser » l’argent reçu, a indiqué jeudi le président
de la Banque centrale américain, Ben Bernanke, devant
une commission du Congrès.
Selon le marché, la banque d’affaires Goldman Sachs, la
banque universelle JPMorgan Chase et l’émetteur de carte
de crédit American Express devraient compter parmi les
premières autorisées à rembourser les milliards avancés
par l’État – et donc à se défaire de la lourde tutelle
qui a accompagné cette aide.
Il y a un mois, ces trois établissements comptaient
parmi les neuf (sur un total de 19) jugés suffisamment
capitalisés pour résister à une aggravation de la crise.
Les deux derniers, qui n’avaient pas jusqu’ici augmenté
leur capital, viennent en plus de faire la preuve de
leur capacité à lever des fonds.
À en croire le quotidien économique Financial Times,
c’est à la demande expresse de l’État que ces
augmentations de capital ont été réalisées cette
semaine, à hauteur de 5 milliards de dollars pour
JPMorgan, de 500 millions de dollars pour American
Express, sans besoin urgent apparent.
M. Bernanke a évité de nommer les premières banques
autorisées à rembourser, mais il a souligné que les
prêts de l’État allaient se révéler un bon
investissement pour le contribuable. « Je crois que le
recouvrement sera excellent », avait-il alors déclaré.
Plusieurs petites banques locales ont déjà repayé le
Trésor, mais le remboursement de banques majeures
marquerait un tournant dans l’évolution de la crise.
Reste à savoir si les établissements incapables de
trouver les fonds nécessaires pourraient être pénalisés
par les marchés.
« Il
n’y a pas de difficulté en vue à cause de cela », a
estimé Gregori Volokhine, analyste chez Meeschaert New
York, pour qui « le marché n’a plus la peur d’une
faillite de banque ».
« On avait déjà craint une réaction négative des
marchés à la publication des résultats des tests de
résistance, et elle n’a pas eu lieu », a souligné chez
Standard and Poor’s Scott Prinzen, responsable de
l’évaluation des institutions financières.
Les tests ont montré que « même en cas d’aggravation
de la crise, ce serait gérable pour les banques », et
le succès des augmentations de capital exigées par les
pouvoirs publics depuis un mois illustre la confiance
du marché, a-t-il ajouté.
Citibank et Bank of America ont reçu chacune 45
milliards de dollars du contribuable et le régulateur
ne semble guère disposé à les laisser ponctionner des
fonds propres encore très fragiles pour rembourser.
Bank of America a pourtant trouvé à une vitesse record
33 des 33,9 milliards requis à l’issue des tests de
résistance et claironne sa volonté de rembourser d’ici
la fin de l’année.
Wells Fargo, qui a levé 8,6 milliards de dollars,
compte sur ses bénéfices futurs pour arriver au
chiffre de 13,7 milliards de dollars identifié par
l’audit gouvernemental.
La situation est bien plus délicate pour GMAC,
ancienne filiale financière du constructeur automobile
General Motors, pour laquelle les besoins en capitaux
ont été chiffrés à 11,5 milliards de dollars.
Après avoir accepté une participation de 34,5% de
l’État, GMAC a annoncé cette semaine un appel au
marché de 4,5 milliards de dollars, mais avec garantie
publique, ce qui ne correspond pas aux critères exigés
par les régulateurs.
CAPITAUX ÉTRANGERS : Les États-Unis de nouveau
attrayants
— Les
États-Unis attirent de nouveau les capitaux étrangers, après
deux mois de fuite, selon les chiffres officiels publiés
hier, qui attestent d’un goût retrouvé des investisseurs
chinois pour les obligations du Trésor américain.
La balance des capitaux américains est repassée dans le vert
en mars, avec un solde positif de 23,2 milliards de dollars,
succédant au déficit de 91,1 milliards relevé en février et
à celui, record, de 143,5 milliards de janvier, a indiqué le
département du Trésor dans son état des lieux mensuel.
Ce rétablissement est rassurant pour l’économie américaine
qui a un besoin de financement immense, émanant
essentiellement de l’État, qui porte l’activité à bout de
bras en cette période de crise.
Après la promulgation du plan de relance budgétaire de 787
milliards de dollars sur trois ans en février, mars a été
marqué par un pic d’émissions de titres du Trésor: la dette
publique a augmenté de 250 milliards en 31 jours !
Il est donc essentiel pour les États-Unis d’attirer de
nouveau les capitaux. En avril, la dette publique a encore
enflé de plus de 110 milliards de dollars, et la tendance
n’est pas près de s’arrêter.
Les investisseurs chinois, privés ou publics, qui sont les
premiers détenteurs de titres du Trésor américain, ont
augmenté leurs achats nets d’obligations du Trésor pour la
première fois depuis octobre.
Qu’ils soient de Hong-Kong ou de Chine continentale, ils en
détenaient pour 846,8 milliards fin mars, soit 26,3
milliards de plus que le mois précédent.
Si elle
résulte sans doute pour beaucoup de la hausse des
émissions du Trésor en mars, cette intensification des
achats chinois est de nature à apporter un certain
réconfort à Washington après les inquiétudes manifestées
récemment par Pékin sur la sécurité de ses placements aux
États-Unis.
Signe encourageant également pour l’économie américaine,
l’excédent de la balance des capitaux à long terme a
augmenté bien plus que prévu en mars pour s’établir à 55,8
milliards de dollars, contre 22 milliards en février.
Les analystes attendaient un excédent de 35 milliards de
dollars.
En janvier, ce solde avait présenté un déficit de 36,8
milliards de dollars, témoignant d’une fuite des capitaux
investis à long terme dans le pays.
Les achats d’actions d’entreprises américaines par des
investisseurs étrangers ( pour 13,1 milliards de dollars,
contre des ventes nettes de 5,2 milliards le mois
précédent) ont fortement contribué à l’amélioration du
solde de mars, à côté des achats de bons du Trésor.
Les chiffres du ministère « confortent notre opinion selon
laquelle le retour à l’équilibre est en cours. Il est
réconfortant que les marchés financiers semblent se
stabiliser », note Tu Packard, économiste de Moody’s
Economy.com.
Néanmoins, fait-il remarquer, les achats de titres du
Trésor se taillent la « part du lion » dans les flux de
capitaux en provenance de l’étranger, ce qui « laisse
penser que les investisseurs étrangers sont toujours
méfiants vis-à-vis des marchés et qu’ils veulent s’en
tenir aux actifs financiers sûrs ».
Fin mars, le quinté des plus gros détenteurs de titres du
Trésor était le même que le mois précédent, Chine et Japon
conservant les deux premières places devant la Russie et
la Grande-Bretagne, qui ont chacune gagné une place au
détriment du Brésil, désormais cinquième.
La Réserve fédérale entrevoit une reprise
cette année
— La
Réserve fédérale américaine (Fed) a indiqué hier qu’elle
attendait toujours une reprise de l’économie américaine au
second semestre, mais a estimé que le produit intérieur
brut (PIB) du pays devrait chuter plus que ce qu’elle
avait annoncé en février.
Le PIB de la première économie mondiale devrait chuter de
1,3 à 2,0% au total en 2009, avant de croître de 2,0 à
3,0% en 2010 et de 3,5 à 4,8% en 2011, selon les
perspectives économiques des membres du Comité de
politique monétaire de la Fed ( FOMC) accompagnant les
minutes de la dernière réunion de cette instance, en
avril.
En février, la banque centrale tablait sur un recul du PIB
de 0,5% à 1,3% en 2009, avant une reprise de 2,5$ à 3,3%
en 2010, et une croissance de 3,5% à 4,8% en 2011.
Les membres du FOMC ont noté des signes de ralentissement
de la récession depuis avril, après trois trimestres de
recul du PIB, et ils attendent une reprise de l’économie
au second semestre, indique la banque centrale américaine.
Reprise... lente
Les nouvelles prévisions de la Fed sont conformes au
diagnostic formulé au début du mois par son président, Ben
Bernanke. Celui-ci avait annoncé une reprise avant la fin
de l’année, mais avait prévenu qu’elle serait lente et que
le chômage allait continuer de monter.
Le FOMC apporte des précisions chiffrées à ce pronostic.
Selon ses membres, le taux de chômage, actuellement de
8,9%, au plus haut depuis 25 ans, pourrait atteindre
jusqu’à 9,6% en 2009 et encore 8,5% en 2011, soit bien
plus que l’objectif de long terme de la Fed, compris entre
4,8% et 5,0%.
Concernant l’inflation, la Fed estime que celle-ci devrait
être comprise entre 0,6% et 0,9% cette année. Néanmoins,
du fait de la mollesse de l’activité, celleci pourrait
n’être encore que de 0,9% à 1,7% en 2011, soit audessous
de l’objectif à long terme de ses dirigeants (1,7% à
2,0%).
D’une manière générale, « la plupart » des membres du FOMC
estiment que l’économie ne devrait pas être conforme à ses
objectifs de croissance, de chômage et d’inflation à long
terme avant cinq ou six ans.
Bourse :
deux mois de pur bonheur
FONDS
COMMUNS DE PLACEMENT
Les investisseurs filent le parfait bonheur. Depuis le creux
du 9 mars dernier, la Bourse a explosé d’environ 30% au
Canada et aux États-Unis. Cela se reflète dans les résultats
de fonds communs de placement.
Par exemple, les détenteurs de fonds d’actions canadiennes
ont gagné 7,4% en avril, après un bond de 7,9% en mars. En
deux mois, ils se sont enrichis de 16%. Quant aux porteurs
de fonds équilibrés, ils ont repris 9% depuis deux mois,
selon les données préliminaires de la firme d’évaluation de
fonds Morningstar Canada.
« Wow! C’est
assez phénoménal comme rendement sur deuxmois », s’est
exclamé Christian Charest, rédacteur en chef de Morningstar
Canada. Toute l’industrie est portée par la vague: 20 des 24
catégories de fonds d’actions ont grimpé de plus de 5% en
avril, exactement comme en mars.
Cette forte remontée apporte un baume aux investisseurs
courbaturés. Mais elle ne leur permet pas de se relever
complètement de leur culbute. En effet, les fonds d’actions
canadiennes avaient déboulé de 40% au cours des six mois
précédents (septembre 2008 à février 2009). Les fonds
équilibrés s’étaient affaissés de 21% durant cette période.
Soulignons que le pourcentage d’un rebond, calculé à partir
d’un niveau déprécié, paraît toujours plus important que
celui d’une baisse, calculé à partir du sommet.
Il y a eu un
tournant, à la mi-mars, lorsque la Réserve fédérale
américaine a annoncé qu’elle redémarrerait la planche à
imprimer des billets, pour injecter une dose d’adrénaline
dans le système financier.
Ainsi, lorsque la Bourse baisse de moitié (-50%), elle doit
ensuite doubler (+100%) pour récupérer tous les points
perdus.
Fini les soins intensifs
Même si les investisseurs n’ont pas fini de panser leurs
plaies, au moins ils sont sortis des soins intensifs. «
Jusqu’au 9 mars, on anticipait presque la fin du monde »,
rappelle François Bourdon, vice-président et chef des
placements adjoint chez Fiera Capital.
Il y a eu un tournant, à la mi-mars, lorsque la Réserve
fédérale américaine a annoncé qu’elle redémarrerait la
planche à imprimer des billets, pour injecter une dose
d’adrénaline dans le système financier. Ce geste a confirmé
que l’État ne laisserait pas le système tomber en déroute,
note M. Bourdon.
Le ciel économique reste sombre. Mais les investisseurs
guettent maintenant à l’horizon le moindre signe
d’éclaircie.
« Il y a de moins en moins de mauvaises nouvelles qui ont
une traction sur les marchés, et de plus en plus de petites
nouvelles qui font grimper la Bourse », observe Luc Girard,
directeur du Groupe de conseil en portefeuilles de Valeurs
mobilières Desjardins.
Même si
les ratés des constructeurs automobi les font la manchet te,
la Bourse se concentre sur une reprise économique en 2010.
Pour profiter de l’éventuel rebond, les investisseurs
cherchent sur les meilleurs tremplins.
Le goût du risque
Depuis deux mois, ce goût du risque a donné des ailes aux
fonds d’actions mondiales de petites entreprises (+25%), aux
fonds de pays émergents (+23%), et aux fonds spécialisés en
technologie (+19%).
Mais ce sont les fonds d’actions de services financiers qui
dominent le palmarès des meilleurs rendements, avec un envol
de 30 % depuis deux mois. Cette catégorie avait perdu 52% au
cours des six mois précédents.
L’appétit pour le risque s’est aussi ref lété sur le marché
obligataire. Les investisseurs ont décidé de se mouiller un
peu plus avec les obligations d’entreprises. Ces titres
versent un rendement plus élevé que les obligations
gouvernementales, mais ils comportent un plus grand risque
de défaillance. Ainsi, les fonds d’obligations à rendement
élevé ont avancé de 6% en avril, semant les fonds d’obl igat
ions canadiennes qui ont fait du surplace (+ 0,4%).
Les investisseurs ragaillardis ont délaissé les secteurs
plus défensifs, c’est-à-dire ceux qui résistent le mieux à
un ressac de l’économie, et qui leur avaient servi de
refuges durant la tempête. En conséquence, les fonds
d’actions spécialisés en soins de santé traînent en queue de
peloton (+2,5% sur deux mois).
Mais ce sont les fonds spécialisés dans l’or, valeur refuge
par excellence, qui ont le plus souffert, avec un recul de
11% en avril et de -1,9% sur deux mois, les rendements les
plus faibles de l’industrie dans les deux cas.
IMMOBILIER
AMÉRICAIN - SIGNES DE REDRESSEMENT ENCOURAGEANTS
— La hausse-surprise de deux indicateurs immobiliers,
publiés hier aux États-Unis après plusieurs autres
meilleurs (ou moins mauvais) que prévu, vient renforcer
l’espoir renaissant pour l’économie américaine, même si
les analystes mettent en garde contre tout excès
d’entrain.
Alors que les investissements des ménages américains dans
le logement sont en baisse continue depuis plus de trois
ans, le département du Commerce des
États-Unisaestiméquelesdépenses de construction avaient
augmenté de 0,3 % en mars par rapport à février, en
données corrigées des variations saisonnières.
Cette hausse, qui met fin à cinq mois de baisse
consécutifs, a pris à contre-pied les analystes qui les
attendaient en recul de 1,7 %.
Autre indicateur bien meilleur que prévu, celui des
promesses de ventes de logements. Elles ont affiché en
mars une hausse pour le deuxième mois d’affilée, de 3,2 %
par rapport à février, selon l’Association nationale des
agents immobiliers (NAR). Les analystes les attendaient
stables.
« Cette hausse des promesses de vente pendant deux mois de
suite est positive dans la mesure où elle montre que des
logements plus abordables (du fait de taux d’emprunt plus
bas et de prix fortement réduits) et un soutien de l’État
(un crédit d’impôt de 8000 $US pour ceux qui achètent pour
la première fois) commencent à avoir un effet sur les
ventes », note Elsa Dargent, économiste de Natixis.
« Les gens sont un peu moins inquiets à propos de la
récession et ils commencent à observer des signes de
redressement », avance James O’Sullivan, économiste
principal de UBS Securities, à Stamford, au Connecticut.
Deux des quatre grandes régions aux États-Unis ont vu une
augmentation des ventes de maisons existantes, selon le
rapport publié hier. Ainsi, les achats ont augmenté de 8 %
dans le Sud et de 3,9 % dans l’Ouest, alors qu’ils ont
baissé de 5,7 % dans le NordEst et de 1 % dans le Midwest.
D’autres rapports indiquent une certaine stabilisation sur
le marché de l’habitation. La baisse des prix des maisons
dans 20 grandes villes américaines a ralenti en février,
ce qui est une première depuis 2007, indiquait le 28 avril
dernier l’indice S& P/Case-Shiller. De plus, les
ventes de maisons existantes en mars ont été supérieures
au creux d’une décennie atteint deux mois plus tôt,
précisait le NAR le 23 avril dernier.
Construction
Le niveau des promesses de vente et des dépenses de
construction reste malgré tout très bas.
Cependant, alors que commence à s’installer l’idée que le
pire de la récession pourrait être passé, la nouvelle de
leur hausse a soufflé un vent d’enthousiasme sur Wall
Street, tant la reprise du marché de l’immobilier (par
lequel la crise est arrivée) et de la construction est
perçue comme une des clefs du redressement de l’économie
américaine.
Examinées plus en détail, ces statistiques ne sont pas
entièrement rassurantes.
Les chiffres du ministère du Commerce montrent que les
dépenses de constructions privées, qui représentent plus
des deux tiers de l’ensemble des dépenses de construction,
ont continué de reculer.
Certes, leur baisse a fortement ralenti en mars, à - 0,1
%, mais les dépenses privées consacrées à la construction
de logements restent très déprimées, avec un nouveau recul
de - 4,2 %.
Celles-ci ne représentaient plus en mars que 26 % du total
des dépenses de construction américaines, contre encore 36
% un an plus tôt et 45 % en juillet 2007, juste avant
l’explosion de la crise des crédits immobiliers à risques
à l’origine de la récession actuelle.
Pour Patrick Newport, économiste de IHS Global Insight, «
la construction se relève d’un pouce, mais cette hausse ne
durera pas ». Relevant que les dépenses pour la
construction de maisons individuelles ont reculé pour le
37e mois d’affilée en mars, et qu’elles ont cédé encore
8,6 %, après leur baisse record de 11,0 % en février, M.
Newport fait remarquer que la hausse de l’indicateur vient
essentiellement du secteur hors-logement où l’offre de
bâti ( bureaux ou locaux commerciaux) est déjà trop
abondante.
Des enquêtes montrent que les ménages profitent de la
baisse des taux pour refinancer leurs emprunts à des
conditions plus avantageuses, plutôt que pour financer de
nouveaux achats.
LES «
GROS » INVESTISSEURS PRÉPARENT LEUR RETOUR
Les
investisseurs institutionnels retrouvent la bonne humeur,
à la faveur d’une remontée des Bourses et des
interventions des gouvernements pour relancer l’économie
mondiale. Cependant, des indices laissent croire que
l’économie américaine continue de s‘e
« Le plus chaud de la crise serait passé, le marché
des actions serait trop déprécié et il serait temps d’y
revenir, tout en se protégeant en partie via plus
d’investissements dans des classes d’actifs diversifiées.
»
C’est ainsi queMuriel Nahmias, directrice des études et de
la recherche à Paris pour la sociétéconseil londonienne
bfinance, résume ce que pensent les « gros » investisseurs
des marchés financiers par les temps qui courent.
La société dirigée par Mme Nahmias a consulté 60 caisses
de retraite réparties de façon presque égale entre
l’Amérique du Nord et l’Europe pour constater que 46% des
investisseurs institutionnels veulent accroître
l’exposition aux actions d’ici 12 mois. En même temps, 42%
prédisent qu’ils diminueront le poids des obligations dans
leur portefeuille.
Cette étude intitulée « Pension Funds & I nsura nce As
s e t Allocation Survey » révèle donc des intentions en
sens inverse du comportement adopté depuis octobre,
indique bfinance. Le sondage indique que 73% des caisses
de retraite ont réduit leur exposition aux actions depuis
l’automne dernier alors que 44% ont acheté davantage de
titres à revenu fixe. Les transactions des cinq derniers
mois ont fait en sorte que les entreprises américaines et
européennes ont refilé 382 milliards US d’obligations au
marché.
Est-ce que ce retour prévu vers la Bourse est un signe que
le pire est vraiment passé ou s’agit-il simplement de la
pensée magique ? Il faut percevoir une petite réserve dans
les données.
« Ce
changement d’attitude nous laisse supposer que le pire de
la crise financière est maintenant derrière nous, affirme
Marc Godin, directeur général pour bfinance Canada.
Quelque 35% s’attendent néanmoins à une diminution de leur
exposition aux actions (contre 37% en octobre dernier),
tandis que 19% seulement, contre 41% précédemment,
prévoient une stabilité. »
Chez bfinance, on estime quand même avoir trouvé un autre
indicateur de confiance pour soutenir l’idée d’une reprise
boursière. Seulement 24% des répondants au sondage
entendent diminuer leur gestion active de placement,
contre 41% en octobre. La gestion active est fondée sur
des transactions souvent plus nombreuses afin de profiter
des occasions du marché au lieu de se fier aux indices.
« Il semble que le sentiment très négatif sur la gestion
active qui prévalait en octobre dernier ait été en partie
neutralisé par le récent rebond des Bourses, avance Marc
Godin. Une interprétation possible est que les
investisseurs sont revenus à la vie normale, certes dans
un nouveau contexte, mais avec le souhait de surperformer
leurs indices de référence après une période violente et
brutale de dépréciation de l’ensemble des actifs. »
Le sondage permet aussi de voir que la diversification
dans les véhicules alternatifs comme le placement privé,
les infrastructures, l’immobilier et les achats à
l’international est toujours au calendrier pour les grands
investisseurs. Par exemple, un quart des répondants
investit davantage dans l’immobilier qu’auparavant.
Il reste à voir si toutes ces prévisions tiendront la
route longtemps, car les principaux indices mondiaux
connaissaient d’importantes baisses hier après quelques
semaines de hausse...
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La peur
marque une pause - RICHARD DUPAUL
Baisse des
primes de risque sur la dette, multiplication des emprunts
des entreprises, spéculation sur les devises et les taux
d’intérêt… La haute finance retrouve enfin le goût d’oser.
« Il n’y a pas si longtemps, la préoccupation était de
savoir si la banque avec qui vous faisiez affaire allait
être en vie dans trois mois. »Des investisseurs empruntent
des milliards dans des pays où les taux sont les plus bas
et réinvestissent dans les pays où les taux sont élevés,
comme au Brésil où le rendement des bons du Trésor peut
atteindre 12%. Ci-dessus le marché des changes de São
Paulo.
L’humeur des grands investisseurs s’améliore. Jeudi,
l’agence Bloomberg révélait que son indice de la confiance
des gestionnaires de fonds avait bondi à un sommet de 11
mois.
Cet indice, tiré d’un sondage auprès de 1500
professionnels du placement à travers le monde, est passé
de 5,95, en mars, à 21,2 en avril – sa plus forte hausse
depuis que cette enquête a été lancée en novembre 2007.
On est encore loin du niveau jugé « positif » de 50, mais
la confiance s’accroît au fil des nouvelles
encourageantes.
À Wall Street, d’où origine la tempête financière,
Citigroup, Goldman Sachs et JP Morgan et d’autres viennent
d’annoncer des résultats au vert ou meilleurs que prévu.
Les États-Unis, faut-il aussi rappeler, ont mis en place
un plan de rachat des actifs toxiques des banques, et le
G20 a donné des résultats concrets. Dans ce contexte, les
craintes s’estompent: en témoigne le fort rebond des
Bourses, qui fait les manchettes ces temps-ci.
Les taux baissent
Or un autre phénomène, plus discret mais peut-être plus
significatif, suscite l’espoir dans les milieux
financiers: la prime de risque sur les emprunts
interbancaires diminue rapidement.
Cela est reflété dans le Libor – un taux repère, fixé à
Londres, auquel les banques se prêtent de l’argent. Ce
taux à trois mois est descendu à 1,10%, vendredi, contre
1,32% il y a un mois et 1,42% au début janvier. Ce repli
est important. Car si le Libor diminue, c’est signe que
les banques ne se regardent plus en chiens de faïence.
« Il n’y a pas si longtemps, la préoccupation était de
savoir si la banque avec qui vous faisiez affaire allait
être en vie dans trois mois », affirme Ira Jersey,
analyste chez RBC Capital, à New York. « Maintenant, cette
crainte a été mise de côté. Le Libor va continuer à
baisser. »
Souvenons-nous
que les banques ont graduellement cessé de se prêter entre
elles en août 2007, au moment où la crise du subprime a
transformé des milliards de prêts à risque, détenus par
les institutions financières, en papier sans valeur. Les
marchés du crédit ont même figé après la faillite du
courtier Lehman Brothers, en septembre dernier.
Puis ce fut l’hécatombe: plus de 60 banques américaines
ont fermé leurs portes et les radiations d’actifs des
banques mondiales ont atteint 1300 milliards US jusqu’ici,
selon Bloomberg.
Mais les mauvaises nouvelles sont de moins en moins
nombreuses. Si bien que les grandes entreprises, moins
frileuses, multiplient les émissions obligataires.
Selon Thomson Reuters, les émissions mondiales de dette
non financière ont atteint 322 milliards US au premier
trimestre, soit le double du record d’il y a deux ans.
Autrement dit, les entreprises cherchent de plus en plus à
emprunter pour réaliser certains projets… et elles
trouvent de l’argent.
L’argent circule
Même les bons vieux « carry trades » sont de retour,
souligne Goldman Sachs dans une récente note financière.
Un carry trade est une opération de portage, qui consiste
à profiter du différentiel des taux d’intérêt dans
différents pays.
Chaque jour, des investisseurs empruntent des milliards
dans des pays où les taux sont les plus bas ou près de
zéro, comme aux États-Unis et au Japon. Puis ils
réinvestissent le tout dans les pays où les rendements des
actifs financiers sont élevés, notamment au Brésil où le
rendement des bons du Trésor peut atteindre 12%.
Pas besoin d’un doctorat en finance pour comprendre que
ces opérations spéculatives sont simples et payantes. Mais
lorsque la crise financière a éclaté, les devises des pays
à risque – en Amérique latine et en Asie surtout – ont
chuté brusquement. Les risques de change ont alors grimpé
en flèche et les opérations de portage ont fortement
diminué, le danger de perdre une fortune étant devenu trop
grand. Bref, la tempête passe et on revient peu à peu à la
normale. Les investisseurs retrouvent enfin le goût du
risque, quoique la confiance demeure fragile.
Car l’économie mondiale est mal en point et, à l’extérieur
des parquets boursiers, on ne voit guère d’embellie dans
les magasins ou les usines. Voici comment le Crédit
Suisse, dans une récente étude, résume la situation: « La
bonne humeur revient à Wall Street. Mais il faudra du
temps avant qu’elle s’installe sur Main Street. »
Tests de résistance des banques
américaines : Soulagement, mais l’inquiétude
persiste
« C’est
très positif que les banques pensent que la demande est
là », a commenté l’analyste Al Goldman, chez Wachovia
Securities. « L’économie de marché reviendra d’entre les
morts si ces appels au marché réussissent. »
— Le résultat des « tests de résistance » imposés aux
grandes banques américaines semblait hier devoir apaiser
les inquiétudes sur la santé du système financier, même
si certains analystes jugeaient l’opération trop peu
rigoureuse pour totalement rassurer.
Les régulateurs ont établi que 10 des 19 banques testées
devaient renforcer leurs capitaux propres de presque 75
milliards de dollars au total.
« Les besoins additionnels de capitaux ne sont pas
particulièrement lourds et aucune des banques ne devrait
avoir de gros problèmes à atteindre les objectifs fixés
», a relevé Brian Bethune, économiste chez IHS Global
Insight.
Mais même la plus sévèrement épinglée, Bank of America,
a assuré qu’elle pourrait rassembler les 34 milliards de
dollars exigés, dans le délai imparti de six mois, et
surtout sans solliciter la générosité du contribuable.
Elle entend récupérer 17 milliards de dollars sur les
marchés boursiers, céder 10 milliards d’actifs et
dégager le solde en accroissant ses résultats.
Plusieurs banques ont immédiatement annoncé leur
intention de faire appel au marché pour combler le
besoin de financement identifié. Devant la réaction
positive des marchés, Morgan Stanley a porté la somme de
son émission de 5 milliards à 7,5 milliards de dollars
et Wells Fargo a relevé la sienne de 1,5 milliard pour
la porter également à 7,5 milliards de dollars.
« C’est très positif que les banques pensent que la
demande est là », a commenté l’analyste Al Goldman, chez
Wachovia Securities. « L’économie de marché reviendra
d’entre les morts si ces appels au marché réussissent »,
a-t-il ajouté, en référence aux craintes de
nationalisation de pans entiers du système bancaire
américain suscitées par l’imposition de ces tests.
Plusieurs analystes convenaient que le renforcement des
fonds propres demandé par les régulateurs n’était pas si
difficile, puisque les banques pourront se contenter de
transformer des titres hybrides (qui ne comptent pas
dans la définition des fonds propres « durs ») en
actions ordinaires.
Une
opération d’autant plus aisée que les cours se sont
raffermis ces derniers temps, quadruplant même pour
Citigroup et Bank of America.
« Ces résultats ont fait pousser un soupir de
soulagement collectif », résumait Patrick O’Hare du
site d’analyse f inancière Briefing.com.
De fait, les principales valeurs bancaires se sont af
f ichées en hausse hier à la Bourse de New York (+ 5,5
% pour Citibank, + 4,9% pour Bank of Amer i ca , +
10,5 % pour JPMorgan Chase...).
Mais Adolfo Laurenti, chez Mesirow Financial, a
regretté de nombreuses inconnues dans la présentation
des autorités, qui laissent place au doute. Pour lui,
nombre d’interrogations subsistent sur la manière dont
ont été calculées les pertes potentielles des banques
en cas de dégradation de la conjoncture.
Quant aux hypothèses économiques retenues par les
pouvoirs publics pour procéder à l’exercice, elles ne
sont pas assez pessimistes, selon l’économiste Martin
Weiss, auteur du bestseller intitulé Guide de survie à
la Dépression.
« Le scénario (des autorités) est en fait moins sombre
que la réalité actuelle », s’étonne-t-il, en relevant
que le Produit intérieur brut se contractait à un
rythme annuel de 6,1%, alors que le Trésor tablait au
pire sur un recul de 3,3% pour l’année en cours.
Par ailleurs le Trésor table sur des pertes
potentielles à venir de 600 milliards de dollars
(s’ajoutant à 400 milliards de dollars déjà passés
dans les comptes depuis 18 mois), un chiffre que M.
Weiss juge largement sous-évalué, vu notamment l
’exposit ion des banques aux produits dérivés. Si le
FMI estime à plus de 3000 milliards de dollars les
pertes futures potentielles de l’ensemble des banques
mondiales, la part des banques américaines risque de
dépasser largement les 600 milliards, note-t-il.
En tout état de cause, les autorités ont répété qu’en
cas de besoin elles restaient disponibles pour un
nouveau coup de main, après avoir déjà injecté 216
milliards en actions préférentielles dans les 19
banques étudiées.
ÉCONOMIE Jean Charest voit des « signaux
positifs »
— Prenant
acte de la remontée soutenue des marchés
boursiersdepuisplusdedeuxmois, le premier ministre Jean
Charest s’est demandé, hier, si le pire de la crise
économique n’était pas derrière nous. La semaine dernière, le premier
ministre Jean Charest a dit s’attendre à ce que le
taux de chômage continue d’augmenter au Québec au
cours des prochains mois.
En mission à Atlanta, en Géorgie, où i l par ticipe au
congrès international Bio 2009, M. Charest a estimé que
des « signaux positifs » s’étaient manifestés, ces
dernières semaines, en ce qui a trait aux marchés
financiers et à la disponibilité du crédit.
Depuis son creux du 9 mars, l’indice Standard&
Poor’s/ TSX a grimpé de plus de 23%. Hier, rattrapant
les gains enregistrés la veille par la plupart des
autres Bourses du monde, il a clôturé en hausse de 3,5%,
à 10 100,95 points.
De plus en plus de financiers et de dirigeants
d’entreprise constatent également, depuis plus d’un
mois, que les marchés du crédit se sont quelque peu
dégelés. Les écarts entre les taux d’intérêt offerts par
les obligations gouvernementales et les prêts aux
sociétés se sont notamment rétrécis.
Comme bien d’autres, le premier ministre s’est demandé,
hier, si cette embellie allait durer ou s’il ne
s’agissait que d’une « courte période d’optimisme dans
une plus longue période de ralentissement ». Les
économistes et les analystes financiers sont
actuellement partagés sur cette question brûlante. La
semaine dernière, Jean Charest a dit s’attendre à ce que
le taux de chômage continue d’augmenter au Québec au
cours des prochains mois.
Une chose est sûre: l’incertitude persiste. Ainsi, un
projet d’investissement de « plusieurs centaines de
millions de dollars » dont Jean Charest avait fait état
en janvier, lors de son passage au Forum économique
mondial de Davos, en Suisse, ne s’est toujours pas
concrétisé. À l’époque, pourtant, Québec soutenait que
les négociations avec le promoteur, une entreprise
européenne du domaine des énergies vertes, étaient dans
la dernière ligne droite.
M. Charest a assuré hier que le dossier continuait de «
progresser », tout en reconnaissant que les gens
d’affaires étaient actuellement « hésitants à plonger »
en matière d’investissements en immobilisations.
Biotechnologies
À Atlanta, le premier ministre avait rendez-vous,
lundi soir, avec les hauts dirigeants de quelques
grands acteurs de l’industrie pharmaceutique mondiale.
Il a indiqué hier que l’une de ces rencontres devrait
déboucher sur un projet d’investissement « qui sera
important pour le Québec », mais n’a pas voulu en dire
davantage. Une annonce doit avoir lieu au cours des
prochains mois.
Cette réunion au sommet a également permis à Jean
Charest et à son ministre du Développement économique
et des Finances, Raymond Bachand, de sonder les
industriels au sujet de la future politique québécoise
pour le secteur biopharmaceutique.
« Les rencontres d’aujourd’hui (mardi) et d’hier
(lundi) nous ont permis d’avoir de bons échanges avec
l’industrie là-dessus, a expliqué M. Charest. Ils (les
dirigeants d’entreprise) nous ont alimentés sur un
certain nombre de pistes qu’on trouve intéressantes et
qu’on va vouloir explorer. »
Le Québec, siège canadien de la plupart des grandes
sociétés pharmaceutiques mondiales, fait face à un
défi de taille: les brevets de plusieurs médicaments
très payants viendront à échéance au cours des
prochaines années, ce qui réduira significativement
les revenus de ces multinationales et, possiblement,
leurs budgets de recherche.
C’est sans compter que lesmédicaments vedettes
(appelés blockbusters dans l’industrie) se font plus
rares, la plupart ayant déjà été mis au point.
L’approbation de nouveaux produits est aussi plus
difficile depuis le retrait de l’anti-inflammatoire
Vioxx, en 2004, à cause de dangereux effets
secondaires.
« Il faut trouver des façons plus innovantes, des
façons différentes d’aider les chercheurs à créer de
nouvelles molécules et à commercialiser des produits
pour le marché », a souligné Jean Charest.
Il n’a pas exclu l’idée d’aider financièrement les
dirigeants des petites biotechs québécoises à se
rendre à des manifestations comme les congrès Bio, où
plusieurs partenariats prennent forme entre les
chercheurs et les bailleurs de fonds.
Reculer pour mieux rebondir
- RICHARD DUPAUL
L’immobilier américain est au plus mal, indique un
dernier bilan de l’industrie. Mais une embellie se
dessine, insistent des experts. Même que des
constructeurs, pourtant bien mal en point,
retrouvent le moral.
Près des trois quarts ( 73%) des maisons vendues
durant le premier trimestre de 2009, chez nos
voisins du Sud, ont été cédées à des prix jugés «
abordables ».
ÉCONOMIQUE Mille neuf cent quatre-vingt-onze. Une
sévère récession tétanise les États-Unis: la
consommation diminue, le chômage grimpe et les prix
des maisons sont en forte baisse.
Mais, avec la glissade des taux d’intérêt, un regain
de confiance des ménages et, surtout, la réalisation
que le marché de l’habitation regorge d’aubaines,
l’industrie immobilière – revente et construction –
finira par se remettre en marche.
Si bien que la première économie au monde émergera
de la récession, lentement mais sûrement…
C’était il y a près de deux décennies. Or, le
scénario d’une répétition de ces événements, au
cours de la prochaine année, nourrit actuellement
les espoirs de quelques acteurs de l’immobilier aux
États-Unis.
Ceux-ci se basent notamment sur une nouvelle étude
de la banque Wells Fargo et de l’association des
constructeurs américains ( NAH), laissant croire que
le marché de l’habitation est finalement au creux de
la vague.
Une donnée en particulier attire l’attention: selon
cette étude, une maison moyenne aux États-Unis se
vend actuellement, en termes relatifs, au prix le
plus bas depuis 18 ans, soit depuis cette dure
récession de 1991-1992.
Près des trois quarts ( 73%) des maisons vendues
durant le premier trimestre de 2009, chez nos
voisins du Sud, ont été cédées à des prix jugés «
abordables ». Ce qualificatif est important car il
signifie qu’une famille américaine, ayant un revenu
total de 64 000$US, peut acheter une maison sans
consacrer plus de 28% de son budget aux frais de
logement.
Autrement dit, on peut ( re) devenir propriétaire
sans s’étrangler financièrement comme beaucoup
d’Américains l’ont fait durant le boom immobilier du
début des années 2000.
Signes de reprise
L’« abordabilité » de l’habitation américaine
contribue à redonner espoir à ceux qui ont été les
plus touchés par la crise du crédit.
Le
constructeur américain Toll Brothers, qui accuse
pourtant une chute de 51% de son chiffre d’affaires
au deuxième trimestre, affirme percevoir des signes
de reprise dans son secteur.
Jeudi, la société spécialisée dans la construction
de résidences haut de gamme a dit avoir vendu 648
maisons, pour une somme totale de 398,3 millions US,
de février à la fin avril. Bien que le nombre de
transactions ait plongé de 47% en un an, il est deux
fois plus important que le chiffre du premier
trimestre.
Le PDG Robert Toll a même déclaré qu’il voyait «
quelques raisons d’être modérément optimiste » ,
soulignant que les acomptes déposés par les clients
avaient dépassé durant sept des neuf dernières
semaines les sommes versées un an plus tôt.
Voilà une bouffée d’air frais après le bilan
déprimant de l’industrie, dévoilé deux jours plus
tôt. Les mises en chantier et les permis de
construire aux ÉtatsUnis sont en effet tombés,
contre toute attente, à des creux records en avril,
allant à l’encontre des espoirs d’une stabilisation
du marché.
Les mises en chantier ont reculé de 13% à 458 000,
leur plus bas niveau depuis janvier 1959. Sur un an,
elles chutent de 54%.
Le nombre de permis de construire s’est inscrit en
baisse de 3,3%, à 494 000 unités, son plus bas
depuis la mise en place de la statistique en janvier
1960. Ces permis ont chuté de moitié sur un an.
Malgré tout, des analystes entrevoient un rayon de
lumière dans la grisaille actuelle.
Les mises en chantier de maisons individuelles, le
principal du marché du logement américain, ont
progressé de 2,8% en avril, après un faible gain de
0,3% en mars. Aussi, le moral des constructeurs
remonte pour le deuxième mois consécutif, selon une
autre étude de la banque Wells Fargo.
Le bilan de santé de la construction n’est certes
pas encourageant. Mais la firme américaine Knight
Equity Markets résume bien l’analyse que fait le
camp des optimistes. En gros, on estime
que la chute des permis de construire pourrait
préparer le terrain à un rebond ultérieur. « Le
premier pas pour soigner l’immobilier est
d’absorber les stocks (d’invendus). Il y a
tellement de stocks que plus tôt on cessera de
construire et on puisera dans les stocks
existants, mieux on se portera par la suite »,
estime la firme dans une étude. Bref,
l’immobilier américain va reculer davantage,
mais c’est pour mieux rebondir. Le plus tôt sera
encore mieux.
Perspectives sombres pour le marché du
logement
WASHINGTON — Les perspectives du marché du
logement aux États-Unis s ont peu
encourageantes, selon l’enquête mensuelle
Standard a nd Poor ’ s / Case-Shi l l e r
publiée hier. PHOTO RICK WILKING,
ARCHIVES REUTERS Le niveau très élevé des
saisies immobilières (qui devrait le rester
encore jusqu’en 2011, selon plusieurs
responsables de la Fed) continue de peser sur
les prix par la multiplication des ventes
forcées qu’il engendre.
Les prix des logements dans les 20 plus grandes
métropoles américaines ont reculé en mars de 0,5
% par rapport à février, indique cette enquête
L’indice S&P/Case-Shiller fait néanmoins
apparaître que les prix sont restés stables en
données corrigées des variations saisonnières,
et qu’ils étaient en hausse de 2,3 % en
glissement annuel à la fin du mois de mars.
Sur les trois premiers mois de l’année, les prix
des logements dans l’ensemble du pays ont baissé
en moyenne de 1,3 % par rapport au trimestre
précédent (en données corrigées des variations
saisonnières) après une hausse trimestrielle de
0,1 % pendant l’automne.
Le prix moyen des logements à l’échelle
nationale a cependant progressé de 2,0 % en
glissement annuel au premier trimestre.
La fin du crédit d’impôt
« Les dernières données ne sont pas aussi
encourageantes » que pourrait le laisser croire
l’amélioration des prix sur un an, écrivent les
auteurs de l’enquête, qui s’inquiètent d’une «
tendance récente » à « un nouvel affaiblissement
des prix du logement ».
Ils estiment « particulièrement décevant » le
fait que la hausse des ventes et des mises en
chantier de logements du mois de mars ne se soit
pas répercutée sur l ’évolution mensuelle des
prix.
Faisant allusion à l’expiration (au 30 avril) du
crédit d’impôt accordé aux acheteurs d’un
logement, l’étude estime qu’en l’absence de ce
dispositif ayant permis la stabilisation du
marché, on ne doit pas s’attendre à une forte
hausse de la demande.
Commentant l es r ésultats de l’enquête,
plusieurs analystes ont estimé d’une manière
générale que les prix du logement restaient sur
leur tendance de hausse entamée au premier
semestre de 2009, mais que des forces opposées
se font sentir sur son évolution.
D’un côté, la demande se renforce
progressivement, suivant la lente amélioration
du marché du travail entamée au début de
l’année, et grâce au maintien de taux d’intérêt
immobiliers particulièrement bas.
De l’autre, le niveau très élevé des saisies i
mmobilières (qui devrait le rester encore
jusqu’en 2011, selon plusieurs responsables de
la banque centrale) continue de peser sur les
prix par la multiplication des ventes forcées
qu’il engendre.
Les chiffres du PIB
masquent les faiblesses de l’économie - MARC
JOURDIER
WASHINGTON — Le chiffre de la croissance économique
des États-Unis au quatrième trimestre a été révisé en
hausse hier, mais cette amélioration masque les
faiblesses d’une économie américaine encore fortement
dépendante des efforts de relance du gouvernement et
de la banque centrale.
Sur les trois derniers mois de
l’année, le produit intérieur brut ( PIB) américain
a crû de 5,9 % en r ythme annuel par rapport au
trimestre précédent, selon la deuxième e s t i mat i
on du département du Commerce.
C’est mieux que ne le prévoyaient
les analystes, qui tablaient sur un maintien de la
prévision i nitiale d’une croissance de 5,7 %.
Cependant, si l a c roiss a nce s ’e
st ef f ect i vement renforcée pendant les trois
mois d’automne (la hausse du PIB avait été de 2,2 %
au troisième trimestre), les nouveaux chiffres du
ministère sont à de nombreux égards moins bons que
ceux de sa première estimation publiée à la fin de
janvier.
L’essentiel de la révision est dû à
des effets comptables de variations des stocks. Le
simple fait que les entreprises ont déstocké moins
qu’au troisième trimestre a apporté 3,88 points de
croissance au pays, soit presque les deux tiers de
la hausse du produit intérieur brut.
Presque toutes les composantes du
PIB sont moins bonnes que lors de la première
estimation, à commencer par la consommation des
ménages, moteur traditionnel de l’économie
américaine qui a ralenti plus qu’annoncé
initialement, pour n’augmenter que de 1,7 %, après
une hausse de 2,8 % au troisième trimestre.
La contribution du commerce
extérieur à la croissance et la hausse de
l’investissement des ménages dans l’immobilier
apparaissent moins élevées que dans la première
estimation. Quant à la baisse des dépenses
publiques, elle se révèle plus forte.
Surtout, la demande totale des
entreprises et des ménages ressort plus faible, avec
une hausse de 1,9 % seulement en rythme annuel.
« Pas très encourageant », estime
Ian Shepherdson, économiste de l’institut HFE, alors
que nombre d’indicateurs économiques publiés depuis
le début de l’année (et encore hier avec une chute
des ventes de logements existants et une baisse de
la confiance des consommateurs) témoignent de la
fragilité de l’économie américaine.
Les chiffres du Ministère
accréditent l’idée d’une reprise encore «
superficielle », selon l’expression employée hier
par Sandra Pianalto, qui fait partie des dirigeants
de la banque centrale américaine (Fed).
La veille, le président de la Fed,
Ben Bernanke, avait jugé que la reprise n’était
encore que « naissante »
Tout peut encore basculer - L. JACQUES
MÉNARD
La
reprise économique repose sur des bases bien
fragiles
Sans relance de l’emploi, pas de croissance
durable. Et on est très loin du compte.
Je ne peux m’empêcher de mettre en parallèle les
thèmes traités au forum de Davos 2009 et ceux
abordés cette année. L’an dernier, nous étions au
plus fort de la crise. Cette année, nous sommes en
pleine période de prolongation, pour emprunter une
image au monde du hockey. Tout peut encore
basculer d’un côté comme de l’autre. Pourquoi?
Essentiellement parce que la frêle reprise à
laquelle nous nous accrochons repose sur des bases
bien fragiles.
D’abord, le début de la reprise actuelle est
alimenté en bonne partie par les pays émergents,
dont la Chine, avec une croissance du PIB de 8,7%
en 2009. Mais ces performances remarquables ne
font pas, à elles seules, une économie mondiale
dynamique.
Bien sûr, on peut se féliciter des effets positifs
des initiatives de relance des pays du G20. Mais,
en même temps, on ne peut pas oublier la précarité
du système économique mondial. La grande absente
dans ces tentatives de relance: l’emploi. Sans
relance de l’emploi, pas de croissance durable. Et
on est très loin du compte.
Deuxièmement, les projets de relance coûtent cher.
L’état des finances publiques d’un grand nombre de
pays préoccupe les autorités internationales. Le
marché est inquiet. Pour sa part, le Congrès
américain prévoit déjà un déficit de l’ordre de
1350 milliards pour l’année en cours. Les
gigantesques déficits budgétaires encourus depuis
un an sur la planète vont nécessiter des talents
inimaginables d’équilibriste pour assainir les
finances publiques.
Le Canada sera moins touché que d’autres pays par
la crise qui se prépare dans les finances
publiques, toutes proportions gardées. Mais, il ne
faut pas oublier non plus les mises en garde
récentes de Kevin Page, le directeur parlementaire
du budget canadien: le gouvernement canadien
serait incapable d’équilibrer son budget au cours
des cinq prochaines années et le déficit
structurel pourrait atteindre 18,9 milliards en
2013-2014. J’ai bien dit déficit structurel.
Danger : injustice intergénérationnelle à
l’horizon…
Difficile de ne pas se demander non plus comment
on va pouvoir passer de dépenses de relance à fond
la caisse à un retour vers l’équilibre, le tout
dans une parfaite continuité. Comment réagira
l’économie le jour où on rangera le pot de
vitamines pour passer à un régime d’austérité?
Troisièmement, tous s’entendaient l’an dernier
quant à l’urgence d’entreprendre une réforme
coordonnée de la réglementation des institutions
financières internationales. Ces grandes
responsables de la crise financière et de la
récession qu’elle a provoquées. Force est de
constater qu’après un an de débats, les progrès
sont lents, malgré les efforts déployés autour de
Basil II.
S’il est un domaine où le Canada pourrait assumer
un leadership mondial, c’est bien celui de la
stabilisation du système financier mondial. Santé
et stabilité sont des caractéristiques qu’on
s’accorde mondialement pour qualifier notre
système financier. Une réglementation qui fait le
travail, avec la souplesse requise. Le Canada
présidera la rencontre 2010 du G8. Une belle
occasion de faire valoir nos points de vue pour
contribuer à l’agenda international dans un
domaine crucial.
Quatrièmement, l’échec de la conférence de
Copenhague a été au coeur des échanges deDavos. Un
triste échec. Les délégués à la rencontre de Davos
2009 fondaient pourtant tellement d’espoirs sur
cette conférence. C’est très clair qu’il va
falloir innover, tant au plan social qu’au plan
technologique, pour avancer sur ce terrain si
important pour l’avenir de l’humanité. À cet
égard, je souligne les efforts du Québec.
Bref, je résume la rencontre de Davos par cette
phrase bien de chez nous: on n’est pas sorti du
bois. Tout enmanifestant un optimisme réaliste.
Dans tous ces domaines, on s’y met lentement. Trop
lentement diront plusieurs. Mais, peu de voix
discordantes se font entendre pour nier les
problèmes. C’est déjà un grand pas en avant. Des
pistes ont été identifiées. Il va falloir avoir le
courage d’aller au-delà des déclarations
d’intentions.
Le Canada et le Québec peuvent et doivent assumer
un certain leadership à plusieurs égards. À
quelques semaines des budgets fédéral et
provincial, c’est important de rappeler qu’il faut
appuyer nos gouvernements en ce sens et mettre
toute la pression nécessaire afin que nos
représentants sentent bien qu’ils ne sont pas
seuls au front et que les appuis nécessaires se
manifesteront le moment venu.
WASHINGTON Chute brutale des
reventes de logements
WASHINGTON — Les reventes de logements aux
États-Unis ont brutalement chuté en décembre
après plusieurs mois de hausse continue, selon
des chiffres publiés hier par l’Association
nationale des agents immobiliers (NAR). PHOTO JONATHAN
ERNST, REUTERS Même en baissant autant,
les ventes de décembre ne font que retomber à
leur niveau du mois d’août.
Ces ventes de logements anciens ont reculé de
16,7 % par rapport au mois précédent, à 5,45
millions de transactions en rythme annuel, très
loin des prévisions des analystes qui tablaient
sur 5,9 millions.
Cette chute est la plus forte depuis que la NAR
établit ces statistiques sous cette forme, soit
depuis 1999. Mais même en baissant autant, les
ventes de décembre ne font que retomber à leur
niveau du mois d’août.
La NAR a indiqué que cette baisse était « sans
surprise », les reventes ayant progressé tous
les mois depuis avril mis à part un léger recul
en août, et souvent dépassé les prévisions.
Elle l’a attribuée à l’extension d’un crédit
d’impôt pour les acheteurs d’un premier
logement, qui devait expirer fin novembre mais a
été prolongé jusque fin avril. Ces acheteurs ont
représenté 43% du marché en décembre, contre 51%
le mois précédent.
«
L’incertitude sur la prolongation du crédit
d’impôt a amené beaucoup de candidats à l’achat
à passer à l’acte. Par conséquent, les ventes
ont affiché leur rythme le plus élevé en trois
ans » entre septembre et novembre, a rappelé
Celia Chen, de Moody’s Economy. com.
D’après elle, « l’environnement de prix et de
taux d’intérêt favorable, le soutien en début
d’année de la politique économique, et le
renforcement du marché du travail au second
semestre contribueront à remettre les reventes
sur une trajectoire montante ».
En revanche, pour Patrick Newpor t , d ’ I HS
Globa l Insight, « jusqu’ici, le nouveau crédit
d’impôt semble avoir eu un effet minimal ».
Il a relevé que les demandes de prêts
immobiliers sur les quatre dernières semaines
étaient « proches de leur plus bas niveau depuis
1997 (...) alors que les taux d’intérêt, qui
sont à des niveaux historiquement bas, ont de
fortes chances de monter en 2010 ».
La NAR a ajouté que sur l’ensemble de l’année
2009, 5,156 millions de reventes de logements
avaient été enregistrées, soit 4,9% de plus
qu’en 2008.
Selon ses chiffres, le prix médian des ventes a
été au plus haut en décembre depuis juillet, et
en hausse (+1,5 %) par rapport à un an plus tôt
pour la première fois depuis 2006. Mais il a
chuté de 12,4 % sur l’ensemble de 2009 par
rapport à l’année précédente.
WASHINGTON Le chômage franchit la barre
des 10% - Marc Jourdier
WASHINGTON — Le taux de chômage aux États-Unis a
franchi en octobre la barre symbolique des 10 %
pour atteindre 10,2 %, témoignant que la
bataille pour l’emploi du président Barack Obama
est loin d’être gagnée.
PHOTO MOLLY RILEY, REUTERS
Au total, 190 000 postes
de travail ont été perdus au mois d’octobre
aux États-Unis, soit 13,3 % de moins que le
mois précédent, mais encore bien plus qu’en
août. En conséquence, le taux de chômage a
bondi bien plus que prévu, pour atteindre
10,2%, du jamais vu depuis avril 1983.
Selon le rapport mensuel sur l’emploi du
département du Travail publié hier, les
entreprises ont continué de licencier en masse
et, si le rythme des destructions d’emplois a
ralenti en octobre, le recul a été moins fort
que ne l’espéraient les analystes.
Au total 190 000 postes de travail ont été
perdus, soit 13,3 % de moins que le mois
précédent, mais encore bien plus qu’en août. En
conséquence, le taux de chômage a bondi bien
plus que prévu, pour atteindre 10,2 %, du jamais
vu depuis avril 1983.
La réal ité est bien pire cependant, si l’on
tient compte des chômeurs dits « découragés » et
des personnes que la crise contraint à
travailler à temps partiel alors qu’elles
voudraient un emploi à plein temps. Peter
Morici, professeur d’économie à l’Université du
Maryland, estimait jeudi que dans ce cas, le
chômage réel atteignait en fait 18%.
La prévision de la banque centrale américaine (
Fed) d’un chômage maximum de 10,1 % en 2009 est
d’ores et déjà caduque.
Aussi sombre soit-il, le rapport du Ministère
comporte quelques signes d’espoir. D’abord,
parce que les licenciements continuent sur leur
tendance de ralentissement entamée en mars.
Ensuite parce que le secteur des services aux
entreprises est redevenu créateur net d’emplois
en octobre, après 21 mois dans le rouge.
Après avoir promulgué une loi prolongeant les
allocations chômage, M. Obama a qualifié le taux
de chômage de « dur rappel à la réalité » et
redit qu’il n’aurait de cesse que l’emploi
reparte.
Bien
que les États-Unis soient sortis de la récession
en août, la hausse du chômage est naturelle car
le marché de l’emploi réagit toujours avec
retard à la reprise de l’activité.
Mais son ampleur suscite l’inquiétude.
Économistes et autorités craignent qu’elle fasse
dérailler la croissance naissante en réduisant
fortement la propension des ménages à consommer,
alors que leurs dépenses sont normalement le
moteur de l’économie du pays.
Les dirigeants de la Fed, pour qui la croissance
risque de ne pas être assez forte en 2010 pour
faire baisser « sensiblement » le chômage, ont
redit mercredi que la banque centrale
soutiendrait encore longtemps l’économie,
jusqu’à ce qu’elle ait retrouvé une croissance
viable.
Les économistes les plus optimistes pensent que
les entreprises américaines pourraient redevenir
créatrices nettes d’emplois début 2010. Mais
même après cela, le taux de chômage devrait
continuer de monter avec le retour dans la
population active de personnes ayant cessé de
chercher du travail avec la crise.
Parmi les Cassandre, Mark Zandi, économiste en
chef du cabinet Moody’s Economy. com, faisait
remarquer en début de semaine dans le New York
Times que la hausse des heures travaillées,
étape indispensable avant une reprise des
embauches, n’avait toujours pas eu lieu.
Le rapport du Ministère lui donne raison : les
heures travaillées sont restées stables à un
niveau historiquement très faible. Pour M.
Zandi, le gouvernement, qui réfléchit à la
question, doit venir en aide très rapidement aux
petites entreprises, qui sont le moteur
véritable de l’emploi.
Le Prix Nobel d’économie Paul Krugman plaidait
pour sa part hier dans le New York Times pour
des mesures de relance supplémentaires. Pour
lui, la politique économique de M. Obama risque
de connaître le même sort que les Alliés en
Italie en 1943 : l’enlisement, faute de renforts
et d’audace.
Fannie Mae perd 18,9
milliards US de plus
WASHINGTON — L’organisme de refinancement
hypothécaire américain Fannie Mae annoncé hier
avoir subi au troisième trimestre une nouvelle
très lourde perte nette, de 18,9 milliards US,
qui l’a poussée à réclamer au Trésor une aide
publique de 15 milliards US.
La perte sur ce trimestre a été réduite de 35 %
par rapport au même trimestre de l’exercice
précédent, mais s’est aggravée par rapport au
deuxième trimestre, où elle était de 14,8
milliards US, a indiqué le groupe dans un
communiqué.
Depuis le début de l’année, les pertes du groupe
sous tutelle de l’ État atteignent 56,8
milliards US.
Le
groupe a attribué ce nouveau trou dans ses
finances à « 22 milliards US de dépenses, ref
létant l’accumulation continue à la fois des
réserves de pertes et des dépréciations dues à
l’ajustement comptable au prix le plus juste ».
Ces dépréciations s ont attribuées au « nombre
croissant de prêts qui ont été acquis auprès de
détenteurs de titres adossés à des créances
hypothécaires afin de poursuivre le programme de
modification des termes de l’emprunt » pour les
propriétaires en difficulté, a expliqué Fannie
Mae.
L’organisme est en effet sol l ic ité par les
pouvoirs publics pour reprendre des t it res
adossés à des prêts immobiliers dont la valeur
s’est effondrée, et soutenir de cette manière le
marché immobilier. Par conséquent, le directeur
de l’Agence fédérale de finance immobilière
(l’administration de tutelle de l’entreprise) «
a soumis une requête en vue d’obtenir 15
milliards US auprès du Trésor au nom de la
société », a ajouté Fannie Mae.
L’économie américaine tributaire de
l’État
(NDE : Ne serait-il pas dès lors plutôt difficile
de suggérer que les plans de relance n'aient pas
fonctionné, du moment qu'il ressortirait que ces
derniers s'avèreraient tout ce qui empêche encore
l'économie américaine de rechuter, en réalité
?...)
WASHINGTON — Les dépenses de consommation des
ménages aux États-Unis sont retombées en
septembre après leur bond du mois précédent
permis par le succès de la « prime à la casse ».
Cela traduit les difficultés de l’économie
américaine à fonctionner normalement sans l’aide
de l’État.
Selon les chiffres publiés hier par le
département du Commerce à Washington, la
consommation est retombée comme prévu en
septembre, de 0,5% par rapport au mois d’août,
après avoir progressé de 1,4% le mois précédent,
portée par les achats d’automobiles.
Ces chiffres confirment que l ’économie
américaine est encore loin d’avoir retrouvé un
fonctionnement normal, malgré la fin de la
récession confirmée jeudi par la publication de
la première estimation officielle du PIB d’été.
Si le pays est sorti en force de cette épreuve
avec un taux de croissance de 3,5% en rythme
annuel au troisième trimestre, les autorités et
les économistes prévoient d’une manière générale
que la reprise devrait se poursuivre à un rythme
beaucoup moins rapide dans les trimestres à
venir.
Le secrétaire au Trésor américain, Timothy
Geithner, qui souligne régulièrement le danger
qu’il y aurait à retirer prématurément le
soutien de l’État à l’économie, a rappelé jeudi
que la récession se faisait encore cruellement
sentir pour des millions d’Américains au chômage
et les PME, moteur, justement, de la création
d’emplois.
Le plan de relance budgétaire de 787 milliards
de dollars sur trois ans promulgué en février «
nous aide à avancer dans la bonne direction »,
a-t-il déclaré hier à Chicago.
Mais un trimestre de croissance « ne suffira pas
à permettre que chaque Américain en quête d’un
bon travail (...) puisse en trouver un et le
garder », a-t-il ajouté.
Alors que 113 milliards de dollars seulement
avaient été dépensés à la fin du mois de
septembre au titre du plan de relance, la
Maison-Blanche a affirmé hier que celui-ci avait
déjà permis de sauver ou créer un million
d’emplois.
Flaherty : La relance demeure «
fragile »
OTTAWA — Le ministre des Finances Jim Flaherty
estime que la relance de l’économie canadienne
demeure « fragile et timide ». L’économie s’est
contractée de 0,1 % en août par rapport au
mois de juillet. Pour le ministre des
Finances à Ottawa, Jim Flaherty, la «
reprise » reste timide.
Il a fait ces commentaires hier, à la suite de
la publication par Statistique Canada de
données sur le produit intérieur brut qui
révèlent que l’économie s’est contractée de
0,1 % en août par rapport au mois de juillet.
Il s’agit de la quatrième baisse mensuelle en
six mois, soit de mars à août.
En mars, le PIB avait reculé de 0,5 %. Il
avait continué de décroître en avril et mai,
de 0, 4 %. I l avait faiblement augmenté de
0,1 % en juin, pour demeurer i nchangé en
juillet.
D’août 2008 à août 2009, le PI B ca nadien a
reculé de 4 %.
La baisse du mois d’août est principalement
imputable à l’industrie de l’extraction du
pétrole et du gaz, qui a connu une baisse de
l’ordre de 2,3 %. Des travaux d’entretien de
certaines installations de pétrole brut sur la
côte Est ont notamment ralenti la production.
Le secteur minier, excluant le pétrole et
l’extraction de gaz, a diminué de 1, 4 %.
L’act i vité manufactur i ère a diminué de 0,7
%.
Les ventes en gros ont baissé, reflétant la
faiblesse de la demande extérieure et
intérieure.
Du
côté
des bonnes nouvelles, on peut noter que les
ventes au détail ont augmenté de 0,3 %, au
même titre que le secteur public, qui a connu
une hausse de 0, 4 %. Le domaine de la
construction a gagné 0,2 % et le niveau
d’activité des courtiers en immobilier est
resté élevé pour un troisième mois consécutif.
Les marchés réagissent
En guise de comparaison, l’économie américaine
a connu une hausse de 3, 5 % de j uillet à
septembre. Le ministre Flaherty, qui se
trouvait hier à Toronto pour une annonce
concernant une foire agricole, a relativisé
ces bons résultats de nos voisins du Sud. Ils
seraient principalement attribuables à
certains programmes qui ne sont pas
reconduits, telle que la prime à la casse pour
les voitures.
Les marchés ont fortement réagi à ces
résultats, à commencer par le dollar canadien
qui a plongé de 1,29 cent, pour terminer la
semaine à 92,43 cents US.
Selon des économistes, ces mauvais résultats
de l’économie canadienne feront en sorte que
les prévisions annoncées la semaine dernière
par la Banque du Canada ont peu de chances de
se réaliser. La banque centrale prévoyait une
croissance de 2% au troisième trimestre.
Avec seulement les données de septembre à
venir, il faudra un rebond massif pour cette
période pour répondre aux attentes.
Selon l’économiste principal de la Banque
Scotia, Derek Holt, si ces chiffres sont ceux
d’un début de relance, « c’est un début de
relance très timide ».
Il ajoute que la force du dollar ayant
fortement réduit le niveau d’exportations et
stimulé les importations en septembre, i l est
possible que l’ensemble du trimestre devienne
négatif. Cela voudrait dire que la récession
ne s era i t t e c h niquement pas terminée.
Toutefois, la majorité des économistes, i
ncluant M. Holt, croient que le troisième t r
i mestre sera légèrement positif, mais pas
assez pour augmenter l e n i veau de confiance
des consommateurs et très loin du 3,5 %
d’augmentation estimé par l es autorités a
méricaines pour la même période.
La Bourse en bulle ou pas? -
Michel Girard
Comment peut-on expl iquer l’extraordinaire
rebond de la Bourse depuis son creux du début du
mois de mars dernier ?
Selon François Dupuis, vice-président et
économiste en chef de Desjardins, l’explication
résiderait dans l’ampleur de la déconfiture
boursière qui avait rabattu les indices au
fameux creux de mars dernier. Comme si cette
débandade des indices boursiers de quelque 50 à
60% était exagérée par rapport à l’impact de la
crise financière sur la santé de l’ensemble des
entreprises cotées en Bourse.
Quand la déprime a touché son zénith au début de
mars, le calme boursier est soudainement revenu
et les gros investisseurs institutionnels ont
recommencé à sauter sur les titres qui se
négociaient dès lors à prix d’aubaine par
rapport à leurs prévisions de bénéfices. C’est
ainsi que, d’une hausse boursière à l’autre, la
masse des investisseurs a retrouvé le moral et
la confiance…
Et nous revoilà maintenant aux prises avec une
remontée qui fait peur tellement elle est forte.
Du jamais vu ou presque. Imaginez, en l’espace
d’à peine sept mois et demi, les grands indices
nord-américains présentent des performances à
faire peur : +63% pour le S& P 500 de la
Bourse de New York; +70% pour le NASDAQ; +55%
pour les 30 multinationales du Dow Jones; +53%
pour le TSX de la Bourse de Toronto. Que dire
maintenant de la Bourse de croissance
canadienne: +95%.
Après une telle remontée, nombreux sont les
gourous financiers, qui, à l’instar de l’équipe
économique de François Dupuis, anticipent une
correction temporaire. Ou à tout le moins une
pause… avant que la Bourse poursuive son
redressement par rapport au sommet historique
atteint en 2007 par les indices américains et en
2008 par les indices canadiens.
Une
mise en garde s’impose ici : comme les
entreprises ont profité de la crise financière
pour réduire dramatiquement le personnel et
l’ensemble de leurs dépenses, il faut, selon M.
Dupuis, mettre un certain bémol sur le
dévoilement des bénéfices des prochains
trimestres. Lesquels bénéfices risquent d’être
quelque peu trompeurs…
PHOTO RICHARD DREW, AP
D’ici 2013, le service
économique de Desjardins anticipe une hausse
annuelle moyenne de 13,3 % pour le S & P/
TSX de la Bourse de Toronto et une progression
annuelle de 10,7 % pour le principal indice
américain, le S & P 500 de la Bourse de
New York.
Autrement dit, on nous présente des bénéfices
non pas liés à la croissance et à la performance
financière des entreprises, mais plutôt
tributaires du ménage exécuté à l’intérieur des
entreprises.
Mais ce ne sera que passager, si l ’on en croit
M. Dupuis.
Il est persuadé que l’amélioration progressive
du contexte économique générera une vraie
croissance des profits, ce qui permettra à la
tendance haussière du marché boursier de se
poursuivre dans les prochaines années.
D’ici 2013, le service économique de Desjardins
anticipe une hausse annuelle moyenne de 13,3 %
pour le S& P/ TSX de la Bourse de Toronto et
une progression a nnuelle de 10,7 % pour le
principal indice américain, le S& P 500 de
la Bourse de New York.
Voilà pour la bonne nouvelle boursière.
Maintenant, regardons un côté plus sombre de la
spectaculaire remontée des indices.
La
fameuse réforme mondiale de la réglementation
financière tarde à se matérialiser.
Conséquemment, on risque d’assister à un retour
massif aux abus de tout acabit dans les marchés
financiers.
La réforme proposée par le président Obama
visait à mieux protéger les consommateurs de
services financiers, à améliorer la stabilité
financière, à augmenter la supervision des
marchés financiers et des institutions
financières, à mettre en place un système de
résolution de crise, à renforcer les exigences
internationales de capitalisation des
institutions financières, à améliorer la
standardisation des marchés de produits dérivés,
à resserrer la supervision des agences de
crédit, à introduire de meilleures pratiques de
rémunération et à augmenter les standards
comptables.
Les objectifs de la réforme f i nancière Obama
étaient fort appréciés de la part de tous les
investisseurs et des législateurs mondiaux des
marchés financiers. C’était la seule façon
efficace de faire le ménage dans les divers
marchés financiers.
Eh bien, tout ce beau monde risque de rester sur
sa faim.
La puissance des lobbyistes des institutions
financières américaines et la longue liste des
autres grandes priorités de l’administration
Obama risquent, selon François Dupuis, de
laisser traîner en longueur l ’application des
mesures prévues.
La réforme du système des soins de santé, la
guerre en Afghanistan et en I rak, la situation
économique, la détérioration budgétaire : voilà
autant de priorités de l’administration Obama
qui semblent avoir pris le dessus sur la réforme
pourtant si nécessaire des marchés financiers.
Remarquez que les patrons des sept firmes
renflouées (Citigroup, Bank of America, AIG,
etc.) à coups de milliards par le gouvernement
américain verront leurs salaires subir une coupe
de 50%. Voilà un début. D’autres mesures vont
sans doute suivre au cours des prochaines
semaines.
Un conseil : surveillons nos arrières, les
financiers ratoureux ont toujours le chemin l
ibre ou presque. I ls sont repartis sur la «
balloune ». Attention !
...MAIS LOUIS VACHON VOIT AU MOINS
CINQ ANNÉES DIFFICILES - Sylvain Larocque
Alors que l’Occident sort lentement de la
récession, il faut désormais se préparer à au
moins cinq années de faible croissance en
Amérique du Nord et en Europe, a prévenu hier le
président et chef de la direction de la Banque
Nationale, Louis Vachon.
La mise en place de taux d’intérêt
exceptionnellement bas et de plans de relance
massifs, au cours des derniers mois, ont permis
d’éviter une dépression mondiale, mais les
gouvernements et les banques centrales ne
pourront bientôt faire autrement que de mettre
un terme à ces politiques expansionnistes, a
soutenu M. Vachon dans une allocution prononcée
dans un colloque organisé pour souligner le
centième anniversaire de la Fédération des
chambres de commerce du Québec (FCCQ).
À moyen terme, de telles politiques ne seront «
pas soutenables », a-t-il estimé.
Résultat prévisible, selon Louis Vachon : une
longue période, d’une durée d’au moins cinq ans,
de faible croissance économique en Amérique du
Nord et en Europe. D’après un porte-parole de la
Banque Nationale, M. Vachon faisait référence à
un taux de croissance réel (après inflation)
oscillant entre 1,5 % et 2% par année.
À l’instar de plusieurs économistes, le banquier
prévoit que la reprise sera alimentée par les
pays émergents, alors que pendant une bonne
partie des années 2000, les consommateurs
occidentaux ont été le principal moteur de
l’économie mondiale.
Le
défi sera donc, pour les institutions
financières, les entreprises et les particuliers
d’ici, de tirer leur épingle du jeu dans un tel
environnement, at-il affirmé.
Le PDG a reconnu qu’entre 2003 et 2007, les
banquiers ont connu le « paradis », voire le «
nirvana ».
Le secteur profitait alors d’une forte
progression de l’épargne suscitée par la
démographie, d’une bonne croissance économique,
d’une importante augmentation des volumes de
prêt, de faibles pertes sur ceux-ci et de
l’arrivée massive de nouveaux produits
financiers complexes. L’environnement était «
quasi parfait », a lancé Louis Vachon.
Le dirigeant a toutefois admis que les
institutions financières avaient trop mis
l’accent sur ces « innovations », mais pas assez
sur les « processus internes » de vérification.
C’est dans ce contexte qu’a explosé le fiasco du
papier commercial adossé à des actifs ( PCAA),
dans lequel la Banque Nationale a joué un rôle
important.
De son côté, le président-directeur général d’ I
nvestissement Québec, Jacques Daoust, aussi
présent au colloque de la FCCQ, s’est montré un
peu plus optimiste. À ses yeux, l’économie
canadienne devrait revenir à sa vitesse de
croisière d’ici environ deux ans.
Comme Louis Vachon, toutefois, M. Daoust a
convenu que les gouvernements allaient devoir
bientôt mettre un terme à leurs programmes de
relance, faute d’argent. Les entreprises ne
pourront donc plus compter là-dessus pour
croître.
Et vogue le navire - SOPHIE COUSINEAU
La semaine s’est terminée sur un feu d’artifice
de bonnes nouvelles. Hier, le Conference Board
du Canada a publié des perspectives roses pour
l’économie (voir notre dépêche publiée en page
9). Cet institut de recherche prévoit que le
Canada rebondira avec encore plus de force l’an
prochain, avec une croissance de son produit
intérieur brut de 2,9 %.
Jeudi soir, Google avait dévoilé les profits les
plus reluisants de ses 11 années d’histoire pour
le troisième trimestre. Son bénéfice net s’est
élevé à 1,64 milliard US, en hausse de 27% par
rapport à la même période il y a un an.
Plus t ôt en j ournée, ce sont les ventes
immobilières au pays qui faisaient la manchette.
Jamais ne s’est-il vendu autant de résidences
durant l’été. Ainsi, le prix moyen d’une maison
au pays a grimpé de 11% pour s’établir à 327
736$.
Nous devrions tous avoir le sourire fendu j
usqu’aux oreilles. Et pourtant, certains di r
igeants d’a f fa i res sont beaucoup plus
circonspects, et ce ne sont pas des dépressifs
saisonniers en manque de soleil et d’oméga 3.
Ce sont les chefs de file de l’industrie du
transport. Cette reprise, ils ne la sentent pas
ou si peu qu’ils n’ont pas encore le coeur à
célébrer. Du lot se trouvent les patrons du
Canadien Pacifique, du Canadien National et du
port de Vancouver.
« Je n’ai rien vu qui me permette de croire
qu’il y ait une reprise substantielle et
soutenue en cours. Personnellement, je ne crois
pas que nous ayons fini de sombrer », a dit Fred
Green, chef de la direction du Canadien
Pacifique lors d’une conférence prononcée le
mois dernier.
Claude Mongeau, qui prendra la direction du
Canadien National en janvier, croit que le pire
est sans doute passé. Mais sur la vigueur de
cette reprise, il reste prudent. « Il y a encore
un risque de faux départ. Et, à tout événement,
nous ne sommes pas d’avis au CN que la reprise
sera très rapide », a dit le chef de la
direction financière du transporteur montréalais
lors de la même conférence.
Nouveau PDG de Port Metro Vancouver, le plus
grand port au pays, Robin Silvester se qualifie,
lui, de « prudemment optimiste ». Ce grand
gaillard voit poindre une reprise, mais pas dès
l’an prochain.
« Les choses se sont stabilisées. Au moins,
elles ne vont pas de mal en pis. Mais, il est
beaucoup trop tôt pour dire que les affaires
reprennent », a-t-il dit récemment en entrevue
avec La Presse Affaires.
Ainsi, on a beau parler de livres numériques et
de commerce de détail électronique, le transport
de marchandises reste un baromètre assez fidèle
de l’économie et du commerce international. Une
économie qui, à la veille de l’arrivée des
livraisons pour Noël, n’est pas encore guérie.
Dans son bureau vitré de la Canada Place, au
centre-ville de Vancouver, Robin Silvester a une
vue imprenable sur les grues, les quais et les
conteneurs multicolores qui bordent Burrard
Inlet. Mais, depuis que la récession s’est
installée, les activités portuaires sont
anormalement tranquilles.
Lointaine est la congestion sur les quais dont
mon collègue Richard Dupaul a fait état dans une
série d’articles en 2005.
Entre janvier et août, le transport de
marchandises mesuré en tonnes métriques accuse
un retard de 14,1 % par rapport à la période
correspondante de 2008. Quant au trafic
conteneur, il accuse une baisse de 16% depuis le
début de l’année comparativement à l’année
passée.
Tout n’est pas noir. Mais les expéditions de
céréales (+ 41 %) et de produits pétroliers
(+34%) ne contrebala ncent pas l es c hutes
observées dans le transport de fertilisants
(-49%), de produits chimiques (-39%) et de
produits forestiers (-27%).
Clients du port, les armateurs sont en bien
mauvaise posture. Durant les belles années, ils
ont commandé quantité de vraquiers, de
porte-conteneurs et de bateaux de croisière,
navires qui, dans bien des cas, n’ont pas encore
été livrés.
« I l y a une surcapacité significative qui
mettra des années à se résorber », note Robin
Silvester.
Pour accommoder les armateurs mal en point et
attirer une plus grande part de trafic, certains
ports de la côte Ouest ont décidé d’offrir de
nouveaux incitatifs. Par exemple, le port de
Seattle a consenti des rabais à tout armateur
qui accroît le volume de marchandises ou de
conteneurs manutentionnés sur ses quais.
Toutefois , le port de Vancouver, le quatrième
en Amérique du Nord et le troisième de la côte
Ouest selon le trafic conteneur, avec une part
de marché de 13,6%, a refusé d’emboîter le pas à
Seattle. « Nous ne voulons pas déclencher de
guerre de prix », dit Robin Silvester.
Pareil rabais, explique le PDG du port de
Vancouver, aurait compromis la capacité de Port
Metro Vancouver d’investir dans ses
infrastructures.
Vancouver entend y consacrer 4 milliards de
dollars au cours des 10 prochaines années.
Malgré la récession, ce montant reste inchangé,
même si certains projets seront repoussés de
quelques années, comme la construction d’un
deuxième t er minal pour conteneurs au Delta
Port, qui attendra 2020.
« Nous avons stratégiquement choisi de
développer nos infrastructures, afin que nous
soyons fin prêts lorsque la reprise se
concrétisera. »
Que la galère se termine demain ou l’an
prochain, le port de Vancouver n’attend plus que
le trafic revienne sur ses quais.
Le chômage restera élevé en 2010, selon la Fed
WASHINGTON — Les dirigeants de la banque
centrale américaine, la Fed, estiment que le
chômage ne devrait pas baisser « sensiblement »
en 2010 et veulent surveiller « soigneusement »
les attentes d’inflation, selon les minutes de
leur dernière réunion publiées hier.
Au cours de cette réunion du Comité de politique
monétaire de la Fed (FOMC) des 22 et 23
septembre, les participants sont tombés d’accord
« d’une manière générale », pour dire que
l’économie américaine devrait « croître sur la
fin de 2009 et en 2010, mais à un rythme qui ne
devrait pas faire baisser sensiblement le taux
de chômage », révèle le compterendu de la
séance.
Le document note « que plusieurs participants »
ont indiqué au cours de cette réunion avoir «
revu en hausse leurs prévisions de croissance
pour le second semestre de 2009 et pour les
années suivantes », mais ne publie pas de
nouvelle fourchette de prévision officielle.
La récession enterrée
Dans leurs dernières prévisions publiées,
remontant à juin, les dirigeants de la Fed
estimaient que les États-Unis reviendraient à la
croissance au second semestre et que le produit
intérieur brut ( PIB) du pays augmenterait de
2,1 à 3,3% en 2010.
Au cours de leur réunion des 22 et 23 septembre,
les membres du FOMC ont enterré officiellement
la récession américaine entamée en décembre
2007, mais ont prévenu que la reprise serait
lente et longue, et que le niveau des prix et de
l’activité devrait justifier le maintien du taux
directeur, abaissé à quasi zéro en décembre, à
un niveau extrêmement bas pendant longtemps.
Alors
que les dirigeants de la Fed ont pu apparaître
récemment tiraillés sur leur appréciation du
niveau des prix, entre ceux qui craignent un
retour de la grande inflation des années 1970 et
ceux pour qui plane encore le spectre d’une
déflation, les minutes laissent penser que leur
écart de vue était réduit en septembre.
Surveiller l’inflation
« D’une manière générale, de nombreux
participants ont considéré que les risques
concernant leurs prévisions d’inflation pour les
quelques trimestres à venir étaient globalement
équilibrés » entre hausse et baisse, notent les
minutes.
« Un petit nombre » continuaient de voir un
risque assez fort de désinflation, mais moins
fort qu’auparavant, et « un petit nombre »
craignaient que leur prévision n’ait à être
relevée à long terme, ajoute le texte.
Néanmoins, « tous les participants ont reconnu
que les attentes d’inflation étaient un des
facteurs déterminants de l’inflation, et que,
dans les conditions actuelles, il fallait
surveiller soigneusement les diverses mesures
d’attentes d’inflation, aussi imparfaites
soient-elles », ajoute le document.
Toute la difficulté qui attend la Fed sera en
effet de trouver le moment opportun pour relever
son taux de manière à contrer un envol éventuel
de l’inflation sans tuer la reprise naissante.
Y a-t-il un moteur pour l’économie mondiale
? - Stéphanie Grammond
Q: Fort de 25 ans
d’expérience en gestion de portefeuilles,
Robert Auger agit à titre de conseiller
principal en gestion de placements au sein du
Groupe-conseil Aon. Il se spécialise entre
autres dans la répartition d’actifs et la
gestion du risque.
La banque centrale d’Australie a fait passer son
taux de financement de 3% à 3,25%. L’Australie
est le premier pays du G20 à augmenter son taux
d’intérêt depuis le début de la récession. C’est
étonnant! Les banques centrales, y compris la
Banque du Canada, doivent garder les taux
d’intérêt faibles pour encourager la reprise
économique. Retarder un peu la remontée des taux
n’est pas si grave: cela risque seulement de
créer un peu d’inflation. Il est beaucoup plus
dangereux de les remonter trop vite.
Q:
La confiance des consommateurs et la croissance
des profits. Toute déception du côté des profits
pourrait entraîner une bonne correction
boursière. La question est de savoir ce qui
pourrait soutenir, à moyen terme, la croissance
économique. Les moteurs du marché boursier
haussier de 2003 à 2007 avaient été les
consommateurs américains, avec un fort taux
d’endettement et une forte progression du marché
immobilier. Quel est le nouveau vrai moteur de
l’économie mondiale ? Je n’en vois pas à court
terme. Cela peut prendre encore quatre ans avant
qu’on le trouve. La Chine sera un jour un moteur
important, mais à court terme, cela est moins
évident. Les dépenses des gouvernements en
infrastructures sont un autre moteur, mais il
prendra du temps avant de démarrer. La meilleure
façon de survivre à des périodes volatiles est
d’investir graduellement dans un portefeuille où
le risque est bien diversifié grâce à plusieurs
catégories d’actifs (actions, obligations,
matières premières), puis de le rééquilibrer
régulièrement en réinvestissant lorsqu’un actif
baisse, et en vendant lorsqu’un actif monte.
Depuis l’apparition des fonds négociés en
Bourse, les particuliers possèdent des outils de
placements faciles et efficaces pour s’exposer à
divers marchés afin de composer un portefeuille
bien diversifié à faible coût. Avez-vous pensé à
mettre 5000$ dans un CELI?
Q:
La
pire erreur que bien des gens ont faite est de
se réfugier en fonds de marché monétaire au
début de 2009 après avoir subi une perte
importante en actions. Les rendements de ces
fonds sont très bas. Les certificats de dépôt
sont relativement plus avantageux, même avec
leurs faibles taux. Par ailleurs, il faut aussi
éviter de courir après les actifs qui ont monté
en flèche récemment, et plutôt attendre un léger
repli pour entrer dans ces placements
intéressants.
Q:
À votre avis, quel est l’événement le plus
significatif des derniers jours à la Bourse ?
Quel indicateur surveillez-vous le plus
attentivement en ce moment?
Quel placement évitez-vous à tout prix ?
Qu’est-ce que les marchés sous-estiment le plus
présentement ?
Nous sommes dans un marché boursier séculaire à
la baisse qui a commencé au début des années
2000 et qui va se poursuivre encore trois ou
quatre ans. Les investisseurs qui n’ont pas vécu
les années 70 oublient que le dernier marché
séculaire à la baisse s’est étendu de 1967 à
1980, avec de très grandes fluctuations des
marchés.
Le taux d’inoccupation à un sommet de cinq ans
Le taux d’inoccupation des bureaux aux
États-Unis a grimpé à un sommet de cinq ans au
troisième trimestre au moment où les pertes
d’emplois se sont accentuées et tandis que les
employeurs ont vidé les locaux à cause de la
récession, indique Reis Inc., une firme de
recherches dans le domaine immobilier. Le taux d’inoccupation
est passé de 13,7% à 16,5% en un an depuis la
faillite de Lehman Brothers.
Le taux d’inoccupation est passé de 13,7% à
16,5% en un an depuis la faillite de Lehman
Brothers Holdings, précise Reis, une société
établie à New York. Le loyer véritable payé par
les locataires a chuté de 8,5%, plus forte
dégringolade sur un an depuis 1995.
« L a ba i s s e des l oyers véritables s’est
réellement accélérée après la chute de Lehman
Brothers », souligne Victor Calanog, directeur
de la recherche chez Reis. « Les locataires vont
continuer à quitter des locaux au rythme de l a
perte d’emplois » , prévoit-il.
Pertes d’emplois
Les pertes d’emplois aux États-Unis se sont
accélérées en septembre et le taux de chômage a
grimpé à 9,8%, un sommet depuis 1983. Le nombre
d’emplois perdus a atteint 263 000, ce qui porte
le nombre total de postes disparus à 7,2
millions depuis le début de la récession, soit
le plus important recul depuis les années 30. Le
sousindice boursier BBREIT consacré à
l’immobilier (bureaux) et qui regroupe 14 titres
s’était déprécié de 14,31% en 12 mois jusqu’à ce
mardi.
Les
firmes financières ont sabré plus de 180 000
postes dans les Amériques au cours de la crise
de crédit qui a entraîné la disparition ou la
vente de Bear Stearns, Washington Mutual,
Merrill Lynch et Lehman Brothers.
Les trois mois terminés le 30 septembre dernier
ont marqué le septième trimestre consécutif au
cours duquel les propriétaires ont fait état
d’une perte nette des locaux occupés par des
locataires. Environ 19,6 millions de pieds
carrés de locaux de plus étaient inoccupés au
troisième trimestre par rapport au trimestre
précédent, signale Reis.
Les États-Unis se dirigent vers la deuxième
année la pire au chapitre de l’absorption nette
de bureaux depuis au moins 1980, année où Reis a
commencé à colliger ses données, indique M.
Canalog.
Le taux d’inoccupation à l’échelle nationale
américaine était de 15,9% au deuxième trimestre.
À New York, le taux d’inoccupation a bondi à
11,4% au troisième trimestre comparativement à
6,6% un an plus tôt, et les loyers véritables
payés dans la ville ont chuté de 18,5%.
L’éteignoir
de Bay Street - Hugo Fontaine
Le gestionnaire Eric Sprott évoque la
dépression économique et mise toujours sur l’or
Au moment où plusieurs observateurs évoquent la
reprise, Eric Sprott joue les éteignoirs. Pour
lui, le mot « dépression » n’est pas trop fort
pour décrire l’état de l’économie.
PHOTO DAVID BOILY, LA PRESSE
Eric Sprott ne croit pas
à la dernière remontée boursière et prévoit
que le marché va retomber encore plus bas que
les creux de la dernière année.
S’il est l’un des gestionnaires les plus en vue
de Bay Street, il est aussi l’un des plus
pessimistes. « Nous ne voyons pas l’économie
même près d’où plusieurs autres la voient », a
dit M. Sprott, de passage à Montréal la semaine
dernière dans le cadre d’une tournée nationale
de sa firme de gestion de placements, Sprott
Asset Management.
Les dernières données américaines ont déçu: les
ventes de voitures sont carrément déprimantes,
le taux de chômage atteint 10%. Et le PIB
canadien est resté au neutre en juillet.
« La situation va au-delà de la récession », a
soutenu M. Sprott. Et ça ne s’améliorera pas,
selon lui.
« Quand les programmes de stimuli vont venir à
leur terme, on reprendra probablement la
contraction économique », a-t-il ajouté.
M. Sprott a affirmé la semaine dernière au Globe
and Mail que les marchés actuels étaient les
plus difficiles de sa carrière. Et cette
situation risque de se poursuivre, selon son
analyse.
I l ne croit pas à la dernière remontée
boursière et prévoit que le marché va retomber
encore plus bas que les creux de la dernière
année.
Ses portefeuilles sont encore sous-pondérés en
financières, ce qui a joué contre lui dans les
six derniers mois, concède-t-il.
Mais il soutient que les plans pour sauver les
grandes banques n’ont rien réglé. Et que la
société devra un jour payer pour tous les
sauvetages organisés aux frais de l’État. « Les
gouvernements ont pelleté le problème », a-t-il
lancé.
Dans ce
contexte, M. Sprott tient toujours en haute
estime le plus précieux des métaux, et n’entend
pas le lâcher de sitôt dans une économie
dépressive. « Il n’y a qu’une seule chose qui
fonctionne dans un marché baissier, il n’y a
qu’une façon prudente de jouer : l’or. »
Depuis 10 ans, M. Sprott a intégré et maintenu
des positions aurifères dans ses fonds. Depuis
ce temps, l’or a pris plus de 300%, et continue
de bien faire aujourd’hui. « Le buy-and-hold
n’est pas mort, a-t-il dit pendant son
allocution devant un auditoire de gestionnaires
et clients. Tout dépend de ce qui est l’objet de
cette stratégie. »
« Les marchés haussiers durent longtemps dans le
secteur de l’or, a précisé M. Sprott pendant une
entrevue accordée à La Presse Affaires. Le
marché actuel ne fait pas exception. » Le prix
de l’or est en hausse depuis une dizaine
d’années maintenant, alors que certains marchés
haussiers ont duré plus de 15 ans, a-t-il noté.
En
mars dernier, Sprott Asset Management a lancé un
fonds entièrement constitué de lingots d’or. Le
résultat n’est pas très probant jusqu’à
maintenant, avec un rendement négatif de -9,3%
de l’ouverture jusqu’à la fin du mois d’août.
Mais l’or demeure « l’endroit où demeurer », a
assuré le gestionnaire-vedette, qui a néanmoins
ajusté sa stratégie dans les derniers mois en se
tournant davantage vers les sociétés aurifères.
« Quand le lingot monte de 20%, les résultats
des sociétés aurifères augmentent peutêtre de 40
% », a expliqué M. Sprott.
L’or navigue actuellement autour des 1000$ US
l’once, et un prix de 2000$ est dans les cartons
d’Eric Sprott, même s’il est difficile pour lui
de dire exactement quand cela se produira.
Coup dur pour l’emploi en septembre
WASHINGTON —L’économie américaine a accusé un
coup dur en septembre avec une hausse inattendue
des destructions d’emplois, porteuse de menaces
pour une reprise encore balbutiante.
Selon les chiffres corrigés des variations
saisonnières publiés hier par le département du
Travail, la première économie mondiale a
supprimé 263 000 emplois nets, contre 201 000 en
août, ce qui a fait monter le taux de chômage à
9,8%, contre 9,7% à la fin du mois précédent.
Le vice-président américain Joe Biden a reconnu
que ces chiffres représentaient une « mauvaise
nouvelle », mais a assuré que le pays allait «
recommencer à créer des emplois ».
La hausse des licenciements de septembre a pris
au dépourvu les analystes, qui s’attendaient à
un ralentissement des destructions de poste pour
le troisième mois d’affilée, avec seulement 175
000 pertes d’emplois.
À 9,8%, le taux de chômage reste comme le mois
précédent à son plus haut niveau depuis juin
1983. Il est conforme aux prévisions des
analystes.
Mauvaise nouvelle pour l’économie américaine, la
détérioration de la situation provient du
secteur tertiaire, qui représente environ 85% de
la maind’oeuvre employée non agricole du pays,
et où les licenciements ont plus que doublé.
Qui plus est, comme le mois précédent, un seul
secteur a créé des emplois en septembre, celui
de l’éducation et des soins de santé, mais ces
créations se sont réduites comme peau de
chagrin, à 3000 postes, contre 46 000 le mois
précédent. Même l’État a supprimé massivement
des emplois (53 000) malgré les efforts de
relance.
Le nombre de chômeurs dans le pays a presque
doublé, à 15,1 millions, depuis le début de la
récession en décembre 2007. À ce chiffre
officiel, il convient d’ajouter 9,2 millions de
personnes contraintes de travailler à mi-temps
du fait de la conjoncture, et 2,3 millions de
chômeurs non comptabilisés pour diverses
raisons, pour avoir une vision plus réelle du
fléau social.
Reprise menacée ?
De l’avis général, les ÉtatsUnis sont sortis en
août de la récession la pire qu’ils aient connue
depuis 1945, mais le gouvernement et la banque
centrale (Fed) prévoient que le chômage
continuera de monter jusqu’au milieu de l’année
2010, où il plafonnerait alors au-dessus de 10%.
Pour sa part, le Fonds monétaire international (
FMI) a averti jeudi que le taux de chômage
risquait de grimper encore plus longtemps, pour
n’atteindre son pic qu’au second semestre de
cette année-là.
La hausse continuelle du chômage risque
d’entraver, voire de faire dérailler la reprise
naissante en freinant les dépenses de
consommation des ménages, qui sont le moteur
traditionnel de la croissance américaine.
D’autant plus que le rapport du Ministère fait
apparaître que les heures travaillées ont baissé
de 0,5% en septembre et que les salaires ont
connu une hausse poussive de 0,1%.
« Il n’y a rien » dans le rapport du Ministère «
pour soutenir l’idée que l’économie créera des
emplois avant la fin de l’année. Et rien qui
soutienne l’idée que les consommateurs puissent
maintenir la hausse des dépenses que nous avons
vue en août », estime Nigel Gault, économiste du
cabinet d’analystes IHS Global Insight.
Mais les chiffres de septembre ne remettent pas
en cause le fait que les licenciements sont
engagés « résolument sur une pente descendante
», juge l’économiste indépendant Joel Naroff,
rappelant qu’il ne faut s’attendre à des cahots
en début de reprise.
Néanmoins, le Prix Nobel d’économie Paul Krugman
a appelé hier dans le New York Times à de
nouvelles mesures de relance, faute de quoi le
marché de l’emploi restera, selon lui, «
épouvantable pendant plusieurs années ».
Moins de production, plus de
sans-emploi
WASHINGTON — La hausse de l’activité de
l’industrie manufacturière américaine a ralenti
contre toute attente en septembre, selon
l’indice des directeurs d’achats publié hier par
l’association professionnelle ISM.
L’indice ISM manufacturier a reculé de 0,3 point
par rapport à juillet pour s’établir à 52,6%,
alors que les analystes pensaient qu’il
continuerait de progresser jusqu’à atteindre
54,0%.
L’indice était passé en août au-dessus de 50%,
témoignant d’une progression de l’activité
manufacturière après 18 mois de baisse.
« Le secteur manufacturier a progressé pour le
deuxième mois consécutif en septembre. Si le
taux de croissance s’est légèrement atténué par
rapport à août, la reprise a élargi son emprise
dans la mesure ou le nombre d’industries ayant
fait part d’une croissance est passé de 11 à 13
» sur les 18 passées en revue, écrit l’ISM dans
le compte-rendu de son enquête mensuelle.
Par ailleurs, les nouvelles inscriptions au
chômage aux États-Unis ont plus augmenté
qu’attendu au cours de la semaine close le 26
septembre, selon les chiffres corrigés des
variations saisonnières publiés hier par le
département du Travail.
Le Ministère a recensé 551 000 nouvelles
demandes d’allocations de chômage, soit une
hausse hebdomadaire de 17 000 par rapport aux
534 000 de la semaine précédente. Les analystes
prévoyaient une hausse moins marquée, avec 535
000 dossiers déposés.
Ces chiffres montrent une i nterruption de l a
baisse des inscriptions au chômage constatée au
cours des trois dernières semaines. Ils
confirment les prévisions des économistes, qui
ont prévenu que le chômage représenterait
l’effet le plus durable de la récession
économique qui touche à sa fin dans le pays.
La banque centrale américaine (Fed) s’attend à
ce que le taux de chômage continue de monter
jusqu’à atteindre son sommet « au milieu » de
2010, même si la tendance des nouvelles
inscriptions est plutôt à la baisse depuis le
sommet atteint en mars.
Le taux de chômage officiel atteignait 9,7% à la
fin d’août aux États-Unis, son plus haut niveau
depuis juin 1983.
Autre donnée publiée hier, la baisse des prix
liés aux dépenses de consommation des ménages
américains a ralenti à 0,5% sur un an en août,
après 0,8% en juillet, selon l’indice PCE
servant de référence à la politique monétaire de
la banque centrale des États-Unis.
Ce chiffre, publié par le département du
Commerce, montre que l’évolution des prix est
encore loin d’être conforme au niveau jugé
acceptable par la banque centrale, dont
l’objectif à long terme est une hausse de
l’indice PCE comprise entre 1,7 à 2,0%.
Hors alimentation et énergie, l’inflation dite
de base a ralenti à 1,3% sur un an
(comparativement à 1,4% en juillet).
En glissement mensuel , l’inflation mesurée par
l’indice PCE a été de 0,3 % en août, alors que
les prix avaient été stables en juillet.
1800 travailleurs sans papiers
mis à pied à L.A. -
Nicolas Bérubé
Le fabricant de vêtements American Apparel
entend licencier 1800 travailleurs dans les
prochains jours. Les employés touchés
travaillent à la manufacture de
l’entreprise, au centre-ville de Los
Angeles. Ils ont été incapables de produire
des documents témoignant de leur droit de
travailler en sol américain.
C’est après une enquête longue de 17 mois de
l’Immigration and Customs Enforcement Agency
(ICE) que l’entreprise a dit avoir pris
connaissance du statut des employés.
Selon la loi, les employeurs sont tenus de
demander le numéro d’assurance sociale et
les papiers de travail des employés. Or, de
nombreux travailleurs sont munis de faux
documents, et réussissent à se faire
embaucher. Ceuxci paient alors des taxes et
des charges sociales à l’État, comme tout
autre travailleur.
Cette semaine, le controversé président
d’American Apparel, Dov Charney, a publié
une lettre ouverte à ses employés. M.
Charney, qui a fait l’objet de plusieurs
poursuites pour des allégations de
harcèlement sexuel au cours des dernières
années, milite depuis longtemps en faveur du
droit des sans-papiers.
« Je s uis profondément attristé par le fait
que plusieurs d’entre vous vont quitter
l’entreprise au cours des prochains jours,
a-t-il écrit. Plusieurs d’entre vous ont
travaillé avec moi durant des années. Sachez
que ceux qui quittent l’entreprise auront
droit à un traitement prioritaire pour
revenir travailler ici, une fois que vos
papiers seront en règle. »
M.
Charney a rappelé que le président Obama
avait promis de réformer les lois sur
l’immigration durant sa campagne, un dossier
qu’il n’a pas abordé depuis son arrivée à la
Maison-Blanche. Le nouveau président demeure
extrêmement populaire auprès de la
population d’origine latino-américaine : les
plus récents sondages montrent que plus de
75% des électeurs hispanophones sont
satisfaits de son travail.
« Made in L.A. »
American Apparel fait fabriquer tous ses
vêtements au centre-ville de L. A.
L’entreprise intégrée verticalement verse
des salaires supérieurs aux normes du
secteur, offre l’assurance-maladie et a
récemment donné des millions de dollars en
actions à ses employés. Sur son immense
manufacture, une bannière géante proclame «
Legalize L. A. », un slogan qui appelle à la
réforme des lois sur l’immigration.
Sous le règne de Bush, l’ICE avait fait
beaucoup de bruit en menant des raids
musclés sur les lieux de travail. Sous
Obama, l’organisation semble avoir adopté
des méthodes moins extrêmes. Aujourd’hui,
des audits comptables sont menés, et la
tâche de renvoyer les sans-papiers incombe
aux patrons des entreprises visées.
Pour le président d’American Apparel, ces
méthodes plus discrètes ne sont pas
souhaitables pour autant.
« Je crois fermement que les immigrants
amènent la prospérité dans un pays, note M.
Charney, lui-même originaire de Montréal.
Ils deviennent des travailleurs motivés, et
ils deviennent parfois des chefs
d’entreprise motivés, comme moi. Ils
apportent des idées fraîches, de
l’optimisme, et de la passion à l’économie,
et contribuent à la prospérité de tous. »
USA Baisse inattendue des commandes
La demande de biens durables a baissé de manière
inattendue aux États-Unis au mois d’août tandis
que les ventes de maisons neuves ont augmenté
moins que prévu, ce qui affecte la cadence de la
reprise économique.
Les commandes de biens durables ont diminué de
2,4 % le mois dernier, plus forte baisse depuis
janvier dernier, a précisé hier le département
américain du Commerce. Toutefois, un autre
rapport a indiqué que la confiance des
consommateurs s’était améliorée.
Les entreprises ont peu de motifs d’investir
dans de nouvelles usines et de l’équipement
alors qu’elles sont aux prises avec une capacité
excédentaire atteignant presque un record et au
moment où les prévisions touchant les dépenses
de consommation ne sont guère reluisantes.
Le rapport publié hier par le département du
Commerce confirme les prévisions de la Réserve
fédérale américaine ( Fed) selon lesquelles la
reprise sera ti mide. En outre, les dernières
données ont incité des économistes de diverses
firmes, dont Morgan Stanley, à revoir à la
baisse leurs projections quant à la croissance
économique au troisième trimestre.
« L’économie américaine a tendance à s’améliorer
par à-coups lorsqu’il y a une reprise, mais
celle-ci ne fait que commencer », explique Ellen
Zentner, économiste principale de Bank of
Tokyo-Mitsubishi UFJ, à New York. « Les dépenses
des entreprises consacrées à l’équipement et aux
logiciels semblent plus faibles que ce que nous
espérions pour le troisième trimestre »,
ajoute-t-elle.
Les économistes avaient prédit que les commandes
de biens durables augment e r a i e nt de 0 , 4
%, s elon l a prévision médiane de 75
spécialistes sondés par Bloomberg. Les
estimations oscillaient entre une baisse de 2 %
et un gain de 4 %. En ne tenant pas compte du
secteur du transport, on prévoyait que les
commandes augmenteraient de 1 %, d’après le
sondage de Bloomberg.
Dépenses des ménages
Les dépenses des ménages, bien qu’elles se
stabilisent, demeurent réprimées par les pertes
d’emplois, la stagnation des salaires et la
baisse de la valeur des maisons. Selon les
décideurs, l’activité économique restera
vraisemblablement faible pendant un certain
temps.
L’indice final de l’humeur des consommateurs,
tel que calculé par Reuters et l’Université du
Michigan, s’est haussé à 73,5 en septembre, soit
plus que prévu et davantage que le résultat de
65,7 en août. Les données préliminaires de
septembre situaient l’indice à 70,2.
Les ventes de maisons neuves ont grimpé de 0,7 %
à 429 000 à un rythme annuel le mois dernier,
indiquait hier un autre rapport du département
américain du Commerce. Les constructeurs ont
sabré leurs prix à une cadence record pour
concurrencer les saisies de maisons qui inondent
le marché d’habitations déjà existantes.
Selon u n sondage de Bloomberg, les spécialistes
s’attendaient à ce que les ventes de maisons
neuves progressent à un rythme de 440 000
unités.
Le prix médian des maisons neuves a chuté de 9,5
% par rapport au mois précédent, plus forte
baisse depuis que les données ont commencé à
être recueillies à ce sujet en 1963. Les maisons
d’un prix inférieur à 150 000 $ US ont accaparé
la plus grand part du marché. Le prix médian a
baissé à 195 200 $, soit le niveau le plus bas
depuis octobre 2003.
Reprise en V: attendez avant de crier
victoire - Stéphanie Grammond
La crise financière semble terminée et la
remontée des économies mondiales s’amorce en
synchro. L’amélioration des conditions financières
laisse entrevoir une reprise en V, où l’on
regagnerait rapidement le terrain perdu. Ainsi,
l’indice des conditions de crédit de la Banque du
Canada est remonté au-dessus de zéro, ce qui indique
que les conditions sont meilleures que la moyenne
des 10 dernières années. Et l’indice Bloomberg, qui
reflète le niveau de stress sur les marchés
américains, s’est énormément détendu. Mais il est
trop tôt pour crier victoire, selon Sherry Cooper,
de Marchés des capitaux BMO, pour qui le plus grand
obstacle reste le taux de chômage élevé des
consommateurs américains.
LA CARTOGRAPHIE D’UNE FULGURANTE REMONTÉE
BOURSIÈRE - Stéphanie Grammond
Depuis six mois, la Bourse a explosé de 45%.
Après une avancée aussi spectaculaire, les
investisseurs se retrouvent à la croisée des
chemins : faut-il appuyer sur l’accélérateur ou
prendre la voie d’évitement ?
La Bourse est sortie du ravin sur les chapeaux
de roues. Attachez vos ceintures : depuis le
creux du 9 mars 2009, les actions ont explosé de
45% au Canada et de 53 % aux États-Unis. Les
marchés qui avaient déboulé de plus de 50% avec
la crise du crédit, ont donc récupéré la moitié
de leurs pertes, en six mois seulement.
Du côté a méricain, l es i nvestisseurs n’ont j
amais vécu ont rebond aussi extraordinaire, sauf
en 1933 alors que la Bourse se relevait de la
Grande Dépression.
Par contre, les investisseurs canadiens ont déjà
connu d’autres accélérations aussi rapides,
notamment au sortir de la récession de 198182.
L’indice de la Bourse de Toronto avait bondi de
56,8% au cours de la période de six mois
terminée le 10 janvier 1983, a calculé Pierre
Lapointe, stratège adjoint à la Financière
Banque Nationale.
Et après cette progression fulgurante, la Bourse
avait poursuivi sa route pendant près de cinq
ans, soit jusqu’au krach de 1987.
Qu’en sera-t-il cette foisci ? En filant à vive
allure, la Bourse risque-t-elle de frapper un
mur?
Les moteurs de la Bourse
Certains investisseurs ont encore la frousse en
regardant dans le rétroviseur. Ils n’arrivent
pas à croire que la Bourse soit repartie si
vite. Après tout, le système financier était au
bord de l’implosion l’année dernière.
« On est passé très près de tomber dans
l’abysse. On a failli retourner au troc ! »
ironise Luc Girard. « Mais on a été capable de
sauver le capitalisme », enchaîne le directeur
du groupe de conseil en portefeuilles, chez
Valeurs mobilières Desjardins.
Les gouvernements et les banques centrales ont
tout fait pour éviter une réédition de la Grande
Dépression, en injectant de l’argent dans
l’économie, en épaulant des sociétés en détresse
et en abaissant les taux d’intérêt.
Lespolitiquesfiscaleetmonétaire ont fonctionné,
constate Carlos Leitao, économiste en chef chez
Valeurs mobilières Banque Laurentienne.
À preuve, les taux hypothécaires se sont
stabilisés, de même que les banques. Elles ont
même recommencé à dégager des profits et à
rembourser l’argent allongé par la Fed, indique
M. Leitao.
L’industrie automobile a aussi repris des
forces. Les primes à la casse pour la mise au
rancart des véhicules d’occasion ont fait
rebondir les ventes de véhicules neufs cet été.
« On approche du rythme a nnualisé de 14
millions d’unités par mois, alors qu’on roulait
autour de 10 millions d’unités jusqu’en avril
dernier », note M. Leitao.
La reprise de la production industrielle se
dessine. D’ailleurs, l’indice ISM manufacturier
a dépassé la barre des 50 points, au mois
d’août, ce qui indique généralement une
expansion du secteur manufacturier américain.
Tout indique que la récession tire à sa fin.
L’OCDE s’attend à ce que les pays industrialisés
du G7 retrouvent la croissance dès le troisième
trimestre, actuellement en cours.
Dans ce contexte, la remontée boursière n’a rien
d’étonnant. Historiquement, la Bourse canadienne
perd 23% à partir du début d’une récession, mais
rebondit ensuite de 18% à partir de son creux
jusqu’à la fin de la récession, expose M.
Lapointe. La tendance a été la même, cette fois,
mais l’ampleur a été plus forte.
Des obstacles sur la route
Néanmoins, certains jugent que la Bourse est
allée trop haut, trop vite. « Les marchés
financiers sont en train d’anticiper une reprise
économique extrêmement rapide. Oui, il y aura
une reprise, mais elle sera lente et hésitante
», prévient M. Leitao.
Il
ne s’attend pas à une autre hécatombe: « Les
probabilités d’une nouvelle descente aux enfers
sont très minces », dit-il.
Mais il craint que les investisseurs soient
déçus. « Nous avons vécu une crise sans
précédent qui aura des conséquences. Ce n’est
pas raisonnable de penser que tout va revenir
comme avant », dit M. Leitao. À son avis, les
investisseurs doivent s’habituer à des
rendements plus faibles.
Il faut dire qu’il reste encore des obstacles
sur la route. La confiance des consommateurs, le
marché de l’emploi et l’immobilier restent
encore chambranlants.
Jusqu’ici , les gouvernements ont combattu la
récession à coups de milliards, mais l’économie
retombera-telle en panne quand les États
prodigues retireront leurs stimuli ? Et, à
l’inverse, les banques centrales vont-elles
réveiller l’inflation en gardant trop longtemps
les taux d’intérêt au plancher ?
L’accélérateur sur les ressources
Qu’à cela ne tienne, ce n’est pas le moment de
donner un coup de frein, dit Pierre Lapointe.
« La Bourse n’est pas rendue à un niveau trop
élevé. Les actions sont à un ratio de 14 fois
les bénéfices de 2010. En moyenne, le ratio
monte jusqu’à 16, un an après une récession. Il
y a encore place à l’expansion », assure le
stratège.
Il favorise donc les ressources naturelles, soit
l’énergie et les matériaux (à l’exception de
l’or), car ce sont les secteurs qui profitent le
plus du cycle de reprise économique.
Il conseille aussi la consommation
discrétionnaire et la technologie, plutôt du
côté américain.
D’ailleurs, il recommande de surpondérer les
actions des sociétés américaines, car ce sont
elles qui profiteront le plus l’assainissement
des conditions de crédit. Aux États-Unis, les
entreprises dépendent beaucoup des marchés
financiers
pour se financer, tandis qu’en Europe, les
sociétés se financent davantage à l’aide
d’emprunts bancaires.
Luc Girard mise aussi sur les secteurs
cycliques. « La reprise est à nos portes, on ne
fait que commencer le cycle économique. Je ne
pense pas que le marché surchauffe », dit-il.
Dans l’énergie, il pointe les titres de Nexen,
Talisman Energy et Transocean, une entreprise
qui détient 35 % des parts de marché en eaux
profondes, « un plus quand on sait que les
réserves de pétrole faciles à exploiter se
raréfient », dit-il.
Côté matériaux, il favorise Alcoa dans l ’a l
uminium, Westshore Terminals dans le charbon, et
Thompson Creek Metals dans le molybdène, une
matière qui permet de durcir l’acier, très en
demande en Chine pour la construction d’édifices
en hauteur qui nécessitent des matériaux très
résistants.
La pédale douce sur les banques
D’autre part, M. Girard met la pédale douce sur
les secteurs défensi f s . « Avec l’inflation
qui reviendra éventuellement dans le portrait,
il faut éviter les services publics, dont les
actions font généralement moins bien dans un
contexte de remontée des taux d’intérêt »,
dit-il.
Bémol aussi pour les actions des banques
canadiennes qui ont pratiquement doublé en six
mois. Leur taux de dividende reste alléchant :
4,4 % contre 2,7 % pour les banques ailleurs
dans le monde, note M. Lapointe. Mais les
investisseurs paient les actions deux fois plus
cher : leur ratio cours/ valeur comptable a
atteint 2,1, presque le double du ratio des
banques dans les autres pays.
« Je pense qu’il faut prendre des profits, dit
M. Girard, sans sortir complètement du secteur
financier. »
Le répit - JEAN-PASCAL BEAUPRÉ
Petit soupir de soulagement : après être
disparue des écra ns rada rs pendant 10 mois, la
croissance est réapparue timidement en juin au
Canada. À 0,1 %, en deçà des prévisions, on ne
s’emballera pas. Les résultats de cet été
devraient néanmoins confirmer le pronostic de la
Banque du Canada : la récession a plié bagage
après avoir ébranlé le pays pendant trois
trimestres tumultueux.
L a c hute du P I B au ra finalement été plus
brutale qu’annoncé initialement : un recul de
6,1 % au premier trimestre et de 3,4 % au
second. On doit une fière chandelle aux
consommateurs qui ont empêché le bateau de
prendre l’eau davantage. Le maintien de leurs
dépenses a contenu la glissade surtout
occasionnée par une dégringolade de 19 % des
exportations.
La reprise devrait donc se poursuivre pendant
les prochains mois. Sera-t-elle vigoureuse ?
Jusqu’à quel point sera-t-elle durable ? Mystère
et boule de gomme. Si on opte pour le camp des
optimistes, dont fait partie le gouverneur Ma rk
Ca rney, l’économ ie prendra graduellement du
mieux, si bien que la croissance atteindra 1,3 %
dans les six derniers mois de 2009 et 3 % dès
2010. Les plans de relance gouvernementaux mis
de l’avant il y a quelques mois devraient donner
un peu d’impulsion au rebond de l’économie dans
l’immédiat.
Toutefois, des bémols subsistent. Les stocks des
entreprises canadiennes, encore fort élevés au
deuxième trimestre, et la faiblesse de leurs
investissements pourraient ralentir la
croissance anticipée des prochains mois. On
s’attend aussi à ce que la création d’emplois
soit mitigée.
Au
sud de la frontière, les États-Unis essaient de
faire redémarrer la machine tant bien que mal.
Le secteur manufacturier reprend de la vigueur,
mais le chômage refuse de s’essouffler : les
entreprises américaines ont supprimé 298 000
emplois en juillet.
Pendant que l’Occident s’enfonçait dans la
récession, la Chine a porté le fardeau de la
croissance mondiale à bout de bras. Toutefois,
pour éviter la surchauffe, l’État vient de
resserrer le crédit en augmentant ses taux
d’intérêt. La bourse de Shanghai n’a pas
apprécié et a cédé presque 7% lundi dernier. La
correction de 21% en août est sans doute saine
dans un marché qui a gagné 90% dans les sept
premiers mois de 2009. Mais cela pourrait aussi
être un signe avant-coureur que la Chine ne
pourra soutenir cette cadence effrénée bien
longtemps. Les États-Unis ont avantage à
retrouver bientôt le chemin de la prospérité.
Rien n’est moins sûr.
Et le Canada, lui non plus, ne pourra tenir le
coup éternellement si son voisin ne se relève
pas. Tant que son commerce extérieur dépendra
aux trois quarts des Américains, son sort
reposera essentiellement entre leurs mains. Pour
éviter de retomber en récession, les
exportations devront un jour ou l’autre prendre
le relais des ménages canadiens. Profitons
de
ce répit, après la tempête économique qui a sévi
l’hiver dernier. Pourvu que l’embellie dure.
Un gain prometteur - Stéphane Paquet
L’économie croît de 0,1 % en juin après 10 mois
consécutifs de baisse
Les pétrolières se sont remises à forer, les
Canadiens ont acheté des maisons et plein d’autres
biens, et les activités des grossistes ont
retrouvé une partie de leur vigueur. Résultat :
presque un an après avoir amorcé son pire recul
depuis l’après-guerre, l’économie canadienne a
enregistré un faible gain en juin. Les ventes d’automobiles
enregistrées au cours des dernières semaines
sont en augmentation, mais les économistes
restent prudents avant d’affirmer que la
récession canadienne est terminée.
Le soupir de soulagement pour cette croissance de
0,1 % en début d’été est d’autant plus grand que
la décroissance pour l’ensemble du deuxième
trimestre (avril à juin) est plus importante que
prévu, à -3,4 %. Les économistes s’attendaient à
un recul de 3%.
Pis encore, pour les trois premiers mois de l’a
nnée, Statistique Canada a revu en baisse la
production de l’économie canadienne, à - 6,1 %,
contre les -5,4 % annoncés plus tôt. Il s’agit du
pire résultat depuis le début de la publication de
ce type de données, en 1961.
Alors, que penser de tout ça ? « Dans ces
choses-là, il y a toujours du bien et du moins
bien », résume, ambivalent, Carlos Leitao,
économiste en chef de Valeurs mobilières Banque
Laurentienne.
Le bien , c ’ est évidemment la hausse de juin.
Mais M. Leitao voit quand même trois éléments qui
l’inquiètent dans les données publiées hier matin.
D’abord les exportations qui « demeurent très
faibles ».
Ensuite, il y a l’investissement privé, celui des
entreprises qui se montrent hésitantes à allonger
leurs huards en vue de la reprise. « Si les
entreprises n’investissent pas, elles n’engageront
pas non plus », craint-il.
Enfin, et il n’est pas le seul à le noter, il y a
les stocks, ces marchandises non vendues que les
entreprises canadiennes n’arrivent pas à écouler,
ce qui risque de retarder la reprise. « Le cycle
d’inventaires ici n’est pas aussi avancé qu’aux
États-Unis. »
La fin de la récession ?
La question que plusieurs se posent sans doute:
est-ce que cette croissance en juin – le premier
mois positif depuis juillet 2008 – marque la fin
de la récession au Canada ? Quatre des six
économistes sondés par Bloomberg croient que oui
et s’attendent à ce que la croissance soit au
rendezvous pour le trimestre en cours. Leur
prévision moyenne est de + 0,95 %, incluant les
deux qui voient un autre recul cet automne. En
juillet, la Banque du Canada disait s’attendre à
une croissance de 1,3 % pour la même période.
En fait, en lisant les commentaires des analystes
hier, on était loin de constater une euphorie
généralisée. Krishen Rangasamy, de la CIBC, était
sans doute parmi les plus optimistes avec son « La
récession canadienne est finalement terminée ».
Notez l’emploi d’expressions plus prudentes de la
part de Jimmy Jean, de Moody’s Economy. com : « Le
Canada semble sortir de la récession, écrit-il.
Même si les ventes de voitures et de maisons ont
augmenté, le chômage et de faibles revenus vont
affecter négativement les consommateurs. »
Faisant également preuve de prudence, Sherry
Cooper, de BMO Marché des capitaux, écrit : «
L’amélioration du PIB en juin, le retour rapide de
l’immobilier et de la confiance des consommateurs
de même que la stabilisation de l’économie
américaine suggèrent que la récession canadienne
est en train de prendre fin. » Et plus tard, elle
ajoute que « la force et le caractère durable de
la reprise restent à établir ».
Ton semblable de la part de Benoit Durocher,
économiste principal chez Desjardins : « Cer t a i
n s s i g nes d ’ u ne embellie des conditions
économiques sont indéniables. La demande
intérieure prend du mieux grâce, entre autres, à
une augmentation significative de la confiance des
ménages. Cela dit, les ajustements ne sont pas
complètement terminés au sein de l’économie
canadienne (…), la plus récente prévision de la
Banque du Canada concernant le PIB réel au
troisième trimestre (+1,3 %) apparaît optimiste. »
Même le ministre fédéral des Transports, John
Baird, qui est aussi responsable du programme
d’infrastructures, a fait preuve hier de
modération, parlant d’une reprise qui semble «
hésitante et fragile ». « Bien qu’on aperçoive la
lumière au bout du tunnel, nous sommes encore en
pleine récession mondiale », a-t-il souligné.
LE PORTRAIT DE STATISTIQUE CANADA
AU DEUXIÈME TRIMESTRE « Le PIB réel a diminué
à un taux annualisé de 3,4% au deuxième
trimestre, comparativement à une baisse de 1 %
de l’économie américaine. » CONSOMMATION « Les
dépenses de consommation en biens et services
ont progressé de 0,4%. L’augmentation des
dépenses en biens durables (+1,5 %), plus
particulièrement en véhicules automobiles, a
contribué à la hausse notée au deuxième
trimestre. » REVENTE DE MAISONS « Les coûts de
transfert de propriété liés à la revente de
maisons ont fait un bond de 40%. Ce rebond
compense une baisse dans la valeur de la
construction résidentielle neuve. La
rénovation était aussi en hausse (+2,2%),
après avoir diminué pendant la majeure partie
de 2008. » INVESTISSEMENT DES ENTREPRISES «
Les entreprises ont continué à réduire
l’investissement en bâtiments et en ouvrages
de génie. » INVESTISSEMENT DES GOUVERNEMENTS «
L’investissement des administrations publiques
en bâtiments et en ouvrages de génie s’est
accru de 4,7%, soit la 11e hausse
trimestrielle consécutive. » LES STOCKS
DIMINUENT « Les stocks ont diminué de façon
marquée pour un deuxième trimestre consécutif
(…) Le ratio des stocks aux ventes pour
l’ensemble de l’économie a affiché une légère
hausse pour atteindre 0,79, soit l’équivalent
de 72 jours de vente. Il s’agit du niveau le
plus élevé inscrit depuis 1996. » COMMERCE
INTERNATIONAL « Les importations ont diminué
de 2,2% au deuxième trimestre. Il s’agit d’une
quatrième baisse trimestrielle consécutive,
mais elle n’a pas été aussi marquée que celles
observées au cours des deux trimestres
précédents. » « Les exportations de biens et
de services ont diminué de 5,2% au deuxième
trimestre, après avoir reculé de 8,7% au
premier trimestre. Les baisses ont touché la
plupart des catégories de produits, plus
particulièrement les machines et le matériel,
les biens et matériaux industriels ainsi que
les produits de l’énergie. » BÉNÉFICES DES
SOCIÉTÉS « Comme au cours des deux trimestres
précédents, des bénéfices plus faibles ont été
enregistrés par les secteurs de l’énergie, des
mines et de la finance. » RÉMUNÉRATION
« La
rémunération des salariés a baissé de 0,5%. La
rémunération du secteur des entreprises a
affiché une baisse de 1,1 %, tandis que celle
du secteur des administrations publiques a
augmenté de 1,3 %. » EN JUIN: POINTS SAILLANTS
« Les secteurs de l’extraction pétrolière et
gazière, du commerce de gros ainsi que des
agents et courtiers immobiliers ont contribué
le plus à la croissance du PIB. Les activités
du commerce de détail, de la finance et de
l’administration publique ont également
augmenté. Par contre, les baisses du secteur
de l’extraction de minerais métalliques, de la
fabrication et, dans une moindre mesure, de la
construction ont fait contrepoids. » « En
juin, le secteur de la fabrication a baissé de
0,7%, 14 des 21 grands groupes ayant diminué.
La fabrication de biens durables s’est repliée
de 1,4 %, tandis que celle des biens non
durables a progressé de 0,1%. » « Le marché de
la revente de maisons a encore une fois
fortement progressé, ce qui s’est traduit par
une augmentation de 8,3% des activités des
agents et des courtiers immobiliers. Le
secteur de la construction a cependant reculé
de 0,5% en juin. »
ÉTÉ CHAUD, RENTRÉE STRESSANTE -
Stéphanie Grammond
Après une remontée estivale de 5%, les
investisseurs redoutent le mois de septembre
Il n’y a pas que les écoliers qui ont l’estomac à
l’envers avec la rentrée. Les investisseurs aussi
appréhendent le mois de septembre, après un été
ensoleillé à la Bourse.
Au Canada, l’indice S& P/TSX composé a gagné
près de 5% en juillet et en août. Le baromètre de
la Bourse de Toronto a remonté de 20% depuis le
début de 2009, incluant un rebond de 43% depuis le
printemps dernier.
Les actions de banques ont explosé. Le titre de la
Banque Nationale, par exemple, a pratiquement
doublé en 2009. Les premiers signes que la
récession tire à sa fin ont aussi fait rebondir le
secteur des ressources naturelles, de la
technologie et de la consommation discrétionnaire.
Mais cette hausse spectaculaire a donné le vertige
aux investisseurs, qui redoutent maintenant le
mois de septembre, le pire mois de l’année si l’on
se fie aux statistiques de la Bourse américaine
depuis 1927.
Historiquement, l ’ i ndice S&P 500 a encaissé
un recul mensuel moyen de 1,3% en septembre. C’est
le seul mois négatif de l’année, hormis février où
l’on observe une légère baisse de 0,2%.
Depuis
80 ans, le S& P 500 a fondu plus d’une année
sur deux au cours du mois de septembre. Plus
précisément, la probabilité de recul en septembre
s’établit à 56%. Pour tous les autres mois, c’est
l’inverse : la probabilité de hausse est plus
forte.
Voilà de quoi faire frémir les investisseurs
superstitieux. Mais les experts accordent peu
d’importance à cet almanach boursier. « Il y a
autant de superstitions qu’il y a de moments dans
l’année », dit Vincent Delisle, stratège chez
Scotia Capitaux.
Selon lui, la Bourse peut encore s’apprécier de 10
ou 15%. Il juge que les actions demeurent en
dessous de leur juste valeur, que les nouvelles
économiques sont encourageantes, et que la Bourse
profitera éventuellement du retour des
investisseurs qui laissent encore dormir des
sommes colossales dans les marchés monétaires.
Mais au cours des prochaines semaines, M. Delisle
ne serait pas surpris que les investisseurs
encaissent des profits à la Bourse. « Il faut que
le marché reprenne son souffle », dit le stratège,
qui suggère de racheter sur faiblesse.
Après presque six mois de remontée, depuis le
creux du 9 mars dernier, il serait normal que la
Bourse fasse une pause, estime aussi Martin
Roberge, stratège quantitatif chez Valeurs
mobilières Dundee. « Il manque de soldats pour
amener le marché plus haut », dit-il.
La
Bourse n’est plus une a uba i ne : les actions se
négocient à presque 15 fois les bénéfices prévus
pour les 12 prochains mois. « Cela a rarement été
aussi élevé, si on exclut la période de 1998 à
2002 », indique M. Roberge.
C’est pourquoi le stratège a changé son fusil
d’épaule cette semaine. Il recommande aux
investisseurs d’élaguer un peu la portion en
actions dans leur portefeuille.
Certains stratèges positifs
Par contre, d’autres stratèges demeurent
confiants. Les n o u ve l l e s é c o n o mique s
s ont posit i ves , s oul i g ne Pierre Lapointe,
stratège à la Financière Banque Nationale. Il
cite, en vrac, une série de statistiques dévoilées
la semaine dernière: le marché immobilier
américain a repris 1,4% le mois dernier; la
confiance des consommateurs est plus forte que
prévu; la production industrielle mondiale a
augmenté de 2% en juin, la plus forte hausse
mensuelle en 18 ans.
« On prévoit que le marché de l’emploi aux
États-Unis va s’améliorer. Je ne serais pas
surpris qu’il y ait bientôt de la création
d’emplois. Ça va donner des ailes aux marchés »,
assure M. Lapointe.
À son avis, la récession est sur le point de se
terminer et le début d’expansion économique sera
favorable à la Bourse. En analysant les cinq
dernières récessions américaines, il a d’ailleurs
constaté que la Bourse canadienne a augmenté de
11% en moyenne au cours des six premiers mois
d’expansion.
La consommation reste très faible -
Marc Jourdier
WASHINGTON — Les dépenses des ménages ont augmenté
pour le troisième mois de suite en juillet aux
États-Unis, mais ont fortement ralenti et n’ont
progressé que grâce aux subsides du gouvernement,
car la consommation, essentielle à la croissance
du pays, reste très faible.
PHOTO PAUL J.
RICHARDS, AGENCE FRANCE-PRESSE
Selon les chiffres corrigés des variations
saisonnières publiés hier par le département du
Commerce à Washington, les dépenses de
consommation des ménages américains ont augmenté
de 0,2 % par rapport à juin, ce qui est conforme
aux prévisions des analystes.
Cette hausse marque un fort ralentissement par
rapport au mois précédent, quand les dépenses
avaient augmenté de 0,6 %, et fait suite à +0,1 %
en mai.
Le chiffre de juillet tient essentiellement à la «
prime à la casse » dans le secteur automobile,
alors que les revenus des ménages sont restés
stables d’un mois sur l’autre.
Lancé dans l a dernière décade de juillet et clos
au début de la semaine, ce programme fédéral
offrant un rabais aux consommateurs rendant leur
ancienne voiture pour en acheter une nouvelle plus
économe en carburant a dopé les ventes de
véhicules.
« La prime à la casse a dopé les dépenses de
consommation en juillet et sera un catalyseur
encore plus fort dans les chiffres d’août. Mais à
part ça, les dépenses de consommation sont
toujours ternes », relève Nigel Gault, économiste
du cabinet IHS Global Insight.
Pour Elsa Dargent , de Natixis, « la consommation
devrait progresser au troisième trimestre du fait
du soutien temporaire de la prime à la casse et
des derniers effets du plan de relance budgétaire,
mais à plus long terme, les dépenses de
consommation devraient être très faibles à cause
du processus de désendettement des ménages ».
Les ménages ont reçu l’essentiel de l’aide prévue
cette année par le plan de relance sous forme de
remises d’impôt au printemps.
Les dépenses de consommation sont normalement la
locomotive de l’économie américaine. Après s’être
effondrées au deuxième semestre 2008, elles
s’étaient reprises au premier trimestre, avant de
rechuter de nouveau au deuxième trimestre (-1,0 %
en rythme annuel), malgré l’aide gouvernementale.
Alors que la récession semble en bout de course,
la banque centrale ( Fed), qui table sur une
reprise très faible, au moins au début, a prévenu
que la consommation risquait d’être encore fragile
un certain temps du fait notamment de la
persistance d’un taux de chômage élevé et de
l’appauvrissement des ménages, lié entre autres à
la baisse de la valeur de leur patrimoine
immobilier.
Face à cela, les ménages épargnent davantage, ce
qui réduit d’autant leur propension à consommer.
Si leur taux d’épargne ( rapporté à leur revenu
disponible) a baissé par rapport aux 6,0 %
atteints en mai (du jamais vu depuis 1995), il
était encore de 4,2 % fin juillet, ce qui reste
très élevé pour le pays.
La légère baisse de l’indice de confiance des
consommateurs mesuré par l’Université du Michigan
publiée hier vient rappeler que ceux-ci font
encore preuve de prudence. S’il n’a reculé que de
0,3 point par rapport à juillet pour s’établir à
65,7, cet indicateur reste bien inférieur à son
niveau de 70,8 touché en juin après quatre mois de
hausse.
Pour l’économiste indépendant Joel Naroff, la «
véritable nouvelle » contenue dans les chiffres du
département du Commerce concerne les revenus des
ménages.
Voyant dans « les revenus et la confiance » les «
clefs » de la reprise, il se réjouit de constater
que si les revenus des ménages n’ont pas bougé en
juillet, au moins les salaires des Américains ont
progressé pour la première fois depuis le début de
l’année (de 0,1 %).
Plus de 400 banques en difficulté aux
États-Unis
n’ont pas nommé les sociétés droits d’urgence
auprès de Chessen, é c onomiste e n Mais
l’organisme ne préréputées être des prêteurs
banques pour recueillir 5,6 chef de l’American
Bankers voit pas devoir utiliser la Les autorités
a méricaines « en difficulté ». milliards US pour
son fonds Association. « Nous devrons ligne de
crédit du Trésor, a ont ajouté 111 prêteurs à leur
Les autorités a méricaid’assurance, qui a fondu
faire face à quelques trimesdéclaré Sheila Bair,
la préliste de « banques en diffines ont mis le
grappin sur à 10,4 milliards US au 30 tres encore
pendant lesquels sidente de la FDIC, au cours
culté », un bond qui pour81 banques cette année, y
j uin dernier par rapport à les banques seront aux
prises d’une conférence de presse rait
contraindrehier.la Federal compris Guaranty
Financial 13 milliards US au cours du avec ces
problèmes de pertes Deposit I nsurance Corp.
Group, au Texas, et Colonial trimestre précédent.
Ce total sur prêts », ajoute-t-il. «L a F DIC d i
s pose de ( FDIC) à vider un fonds de Une
augmentation de 11,6 ressources suffisantes pour
réserve qui a diminué de milliards US en
provisions c onti nuer à protéger les 40 % cette
année. pour pertes en cas d’effondéposants assurés
comme
Un
total de 416 banques drements bancaires explique
nous l’avons fait au cours des disposant d’actifs
combinés la baisse du fonds de réserve, 75
dernières années », a dit de 299,8 milliards US
n’ont a précisé la FDIC, qui est la madame Bair.
pu répondre aux critères du compagnie fédérale
amériLe solde du fonds d’assusystème de classement
de caine d’assurance de dépôts rance de 10,4
milliards US la FDIC quant à la qualité bancaires.
Si le fonds vient reflète sa valeur nette et il ne
des actifs, aux liquidités et à se vider, la FDIC
peut tirer comprend pas 32 milliards aux bénéfices
au cours du parti d’une ligne de crédit US
additionnels que l ’ordeuxième trimestre, un somau
département du Trésor ganisme a mis de côté pour
met depuis juin 1994, a préque le Congrès a
augmenté couvrir les pertes occasioncisé hier
l’organisme établi à 100 milliards US en mai nées
par d’éventuels effonà Washington. Les autorités
dernier. drements bancaires. BancGroup, en
Alabama, t a ndis que s évit l a pi r e crise
financière depuis les années 30. Cette situation a
forcé les responsables de la réglementation à
exiger des a été le plus bas depuis la crise de
1993.
« Nous sommes au beau milieu du cycle et ce n’est
pas du t out pla i s a nt de s’y t rouver » , la
nce James
UN AIR DE REPRISE AVEC DES BÉMOLS -
Stéphane Paquet
Les Américains se remettent à acheter des
voitures, les ventes au détail sont en hausse au
Canada, les milliards de Washington commencent à
faire tourner la grande roue de l’économie…
Pourtant, deux institutions financières y sont
allées hier de bémols sur la croissance prévue au
Canada.
Le premier de ces bémols est une histoire de
stocks. La quantité de c es marc ha ndises qui a t
t endent de trouver un acheteur fait dire à
l’économiste principal de Desjardins, Benoit P.
Durocher, que « d’autres corrections des stocks
vont être nécessaires dans les prochains mois ».
Dans une mise à jour de leurs prévisions
économiques publiées hier, les économistes de
Desjardins estiment que, comme les entreprises
voudront vider leurs entrepôts avant de se
remettre à produire et à embaucher, « il faut
s’attendre à ce que les difficultés du marché du
travail se poursuivent jusqu’au début de 2010 ».
Ainsi, ils ont révisé à la hausse, mais
légèrement, leur appréciation de l’économie
canadienne. Au lieu d’une baisse de 0,8 % du PIB
au t roisième t rimestre, ils s’attendent
maintenant à un recul de 0,3 %.
Aux États-Unis, l’amélioration est plus claire :
de - 0,3 % à +1,0 % pour les mois d’automne. « Aux
États-Unis, la correction des stocks est beaucoup
plus avancée » , explique l ’économiste au bout du
fil.
Au Québec, l ’équipe de Desjardins esti me que la
relance « se manifestera d’ici la fin de 2009 ».
Pour l’ensemble de 2009, aux côtés des États-Unis,
du Canada, et de l ’ Ontario, c’est le Québec qui
fera « moins pire », avec un recul de 1,7 % de son
économie, selon Desjardins, contre une baisse de
2,5 % dans l’ensemble canadien.
Pour 2010, par contre, le premier de classe
devient le cancre du groupe, avec une reprise
faiblarde de 1,5 %, contre 1, 6 % en Ontario, 1,7
% aux États-Unis et 2 % au Canada.
Autre bémol, les Américains
Cet t e prévision de 2 % pour le Canada est aussi
celle de Benjamin Tal et Meny Grauman, de la CIBC,
ce qui représente, précisent-ils, à peine la
moitié de la croissance prévue par la Banque du
Canada. I ls expliquent cet écart par l a façon de
calculer l’impact au Canada des retombées du plan
de relance d’Obama, car cette reprise,
contrairement à toutes les autres depuis la
Deuxième Guerre mondiale, sera basée non pas sur
les dépenses des consommateurs, mais sur celles de
l’État.
En moyenne, ont-ils calculé, ces consommateurs ont
ajouté 3 points de pourcentage à l’économie dans
l’année de la sortie de la récession. Cette
fois-ci, ce sera à peine 0,4 point. Les dépenses
gouvernementales, elles, compteront pour le
double, à près d’un point de pourcentage.
« Comme le secteur public sera la principale
bougie d’allumage de l’économie américaine l’an
prochain, toute étude de la croissance du PIB
canadien doit porter son attention sur le plan
d’Obama et s’il est favorable au Canada »,
écrivent-ils.
Leur réponse est loin d’être encourageante.
D’abord, il y a les fameuses clauses Buy America,
qui empêcheront les entreprises canadiennes
d’obtenir certains contrats qui découleront du pla
n
de 787 milliards. Ça, on le savait déjà.
Ensuite, plus intéressant, il y a les secteurs
visés par le plan de relance. Or, ceux-ci
importent moins du Canada que d’autres, avec
environ 1,7 % de leurs intrants provenant du
Canada. C’est un tiers de moins que dans
l’économie américaine en général.
« Par exemple, écrivent les auteurs, une grande
partie des bénéfices iront aux secteurs de la
santé, de l’éducation et gouvernementaux
américains, qui importent tous peu du Canada. »
Et les taux ?
D’autres économistes de la CIBC prédisent que la
Banque du Canada n’aura pas à hausser son taux
directeur avant 2011. Selon Avery Shenfeld,
économiste en chef à la banque, la récession de
2009 est déjà peut-être finie. Mais « les dégâts
qu’elle a laissés dans son sillage viendront
tempérer la croissance et l’inflation au Canada
l’an prochain ».
Selon lui, l’i nf lation au Canada n’empêchera
pas la banque centrale de respecter sa promesse
de maintenir les taux d’intérêt à un quart de
point jusqu’au milieu de 2010.
« En fait, écrit-il, les prévisions des marchés
quant à une hausse des taux au cours du premier
semestre de 2010 pourraient avoir été annoncées
pas moins d’une année trop tôt. »
Une récession à double
creux ?
L’économiste Nouriel Roubini soutient que les
risques augmentent
Nouriel Roubini, ce professeur de l’Université de
New York qui avait prédit la crise financière,
soutient que les risques d’une récession à double
creux augmentent en raison des répercussions de la
fin des stimulants monétaires et fiscaux à
l’échelle mondiale.
PHOTO SCOTT
EELLS, BLOOMBERG
Nouriel Roubini,
professeur de l’Université de New York, soutient
que l’économie mondiale atteindra son plus bas
niveau dans la deuxième moitié de la présente
année.
L’économie mondiale atteindra son plus bas niveau
dans la deuxième moitié de la présente année,
écrivait M. Roubini hier dans un commentaire
publié dans le La récession aux États-Unis, au
Royaume-Uni et dans certains pays européens ne
sera pas « formellement finie » avant la fin de
l’année, alors que la reprise a commencé dans des
nations telles que la Chine, la France,
l’Allemagne, l’Australie et le Japon, ajoutait-il.
Les gouvernements dans le monde ont promis environ
2000 milliards US en stimulants tandis que sévit
la pire récession mondiale depuis les années 30.
Ben S. Bernanke, président de la Réserve fédérale
américaine ( FED), et d’autres décideurs dans le
monde ont averti que la reprise sera
vraisemblablement modeste tout en ajoutant qu’ils
n’ôteront pas tous les stimulants injectés dans le
système financier.
« Il y a des risques associés aux stratégies de
sortie d’assouplissement fiscal et monétaire
massif , a écrit M. Roubini. Quoi que les
décideurs fassent, ils sont toujours blâmés. »
Les responsables gouvernementaux et des banques
centrales sont susceptibles de nuire à la reprise
et de refaire plonger leur économie dans la «
stagdéflation » s’ils haussent les impôts,
réduisent les dépenses et éliminent les liquidités
excédentaires dans leurs systèmes pour réduire les
déficits fiscaux, a estimé M. Roubini. Il définit
la « stagdéflation » comme étant une récession et
une déflation.
Ceux qui maintiennent de gros déficits budgétaires
seront punis par les « justiciers » du marché
obligataire tandis que les prévisions
inflationnistes et les taux de rendement des
obligations gouvernementales de long terme
croissent et que les coûts d’emprunt grimpent
brutalement, a écrit M. Roubini. Cela mènera à la
stagflation, selon lui.
Des responsables de la Banque centrale européenne
(BCE), avec à leur tête le président Jean-Claude
Trichet, ont laissé entendre qu’ils ne se
presseront pas de mettre fin à leurs mesures de
stimulants d’urgence tandis qu’il y a de plus en
plus de signes de reprise économique. La BCE a
réduit son taux directeur à 1 %, un niveau
plancher record, et elle achète des obligations
tout en inondant les banques d’argent.
« Nous percevons certains signes confirmant que
l’économie réelle commence à sortir de la période
de chute libre », soulignait M. Trichet lors d’un
symposium à Jackson Hole, au Wyoming, le 22 août
dernier. « Mais, ajoutait-il, cela ne veut pas du
tout dire que l’avenir s’annonce sans nuages. »
États-Unis
Les demandes d’assurance emploi augmentent encore
Le
nombre de chômeurs américains qui ont soumis une
première demande d’assurance emploi a augmenté de
manière inattendue pour la deuxième semaine
consécutive, une indication claire que les emplois
se font toujours rares même si l’économie des
ÉtatsUnis semble se stabiliser.
Le département du Travail a révélé, hier, que le
nombre de demandes a atteint 576 000 la semaine
dernière. Les analystes interrogés par la firme
Thomson Reuters en attendaient plutôt 550 000.
Lorsque l’économie est en santé, on recense
environ 325 000 nouvelles demandes par semaine.
Au
total, 9,18 millions d’Américains récoltaient des
primes d’assurance emploi pendant la semaine qui a
pris fin le 1er août, contre 9,25 millions la
semaine précédente.
Quelques signes laissent malgré tout croire à une
amélioration du marché du travail. Le département
du Travail a révélé que 247 000 postes ont été
abolis en juillet, le plus petit recul en un an.
Le taux de chômage est passé à 9,4 % en juillet,
contre 9,5% le mois précédent, le premier recul en
15 mois.
Par ailleurs, un nombre sans précédent
d’Américains pourraient perdre leur maison.
L a Mor t g a ge B a n ker s Association affirme
que 13% des propriétaires américains ayant une
hypothèque sont en retard sur leurs paiements ou
sont carrément en saisie.
« Est-ce qu’on est allés trop vite ? »
- Stéphane Paquet
Sans données encourageantes, les investisseurs
font chuter les Bourses
Il fallait de bons yeux pour trouver les quelques
pousses vertes sur le parquet torontois hier. Des
207 titres qui composent le principal indice
canadien, à peine 15 ont réussi à clore la séance
avec un gain. Partout ailleurs, la perplexité des
investisseurs a amené du rouge.
« On se retrouve aujourd’hui avec un indice qui
est passé de 7000 et quelques points à 11 000
points. Et là, les gens se demandent : Est-ce
qu’on est allés trop vite ? », résume Luc Girard,
direct e u r , Groupe c onseil e n portefeui l le
c hez Valeurs mobilières Desjardins.
Cette perplexité – alimentée hier par des signes
de reprise j ugés décevants au Japon, la deuxième
économie mondiale – a été ressentie partout sur la
planète. À Toronto et New York, les Bourses ont
enregistré leur pire recul en un mois.
« Là, ce qu’il faut, c’est que le " fondamental"
suive et vienne solidifier nos 11 000 ou 10 500
points », explique encore M. Girard.
Sentiment similaire chez Gabriel Lancry, de Scotia
McLeod, qui se demande si les données voulant que
l’Europe soit sortie de la récession sont « une
simple étincelle ou un feu de foyer très rassurant
».
Hier en tout cas, peu d’investisseurs semblaient
rassurés, même si l’activité industrielle dans
l’État de New York s’est améliorée pour la
première fois depuis plus d’un an.
S’ajoute au flot de bémols prudents entendus hier,
ce commentaire de Sal Guateri, de la Banque de
Montréal : « La reprise se fait essent iel lement
sur le dos des gigantesques programmes
gouvernementaux de relance. La situation s’est
vraiment améliorée depuis trois mois, mais nous
sommes encore loin d’une reprise durable. »
En chiffres, le S& P/ TSX a perdu 316,42
points (-2,9 %), à 10 531,39. Du 9 mars au 5 août,
le même indice a pris pas moins de 46%.
À New York, le Dow Jones a reculé de 2%, le S&
P 500 de 2,4 % et, pour le NASDAQ, la chute a
atteint 2,8 %.
À Toronto, tous les secteurs ont écopé,
particulièrement c eux des matériaux, des
industrielles et de l’énergie.
Un
florilège de ces reculs d’hier : Potash ( - 4 , 5
% à 100,71 $), Barrick (-3 % à 36,27 $),
Bombardier (-5,4 % à 4,07 $), Nexen (-5,3 % à
22,15 $), Financière Manuvie (-3,4 % à 21,57 $) ou
encore Gildan (-4,3 % à 20,72$) pour ne nommer que
ceux-là.
Parmi les rares gagnants d’hier, mentionnons
Cascades qui poursuit sa remontée depuis la
publication de ses résultats la semaine dernière
(+2,7 % à 6,98$). Quincaillerie Richelieu a aussi
bien fait (+1,5 % à 19,75 $), de même que TVA
(+1,9 % à 10,30$) et Molson (+2,5 % à 50,51$).
Le huard, lui, a reculé de 87 centièmes, à 90,06
cents US, lui qui a perdu près d’un cent vendredi.
Le pétrole pour livraison en septembre a suivi la
même courbe, perdant 1,99 $US à 65,52 $US, à New
York. « Dis-moi où le pétrole s’en va et je vais
te dire où le dollar s’en va », résume M. Girard,
de VMD.
Une semaine houleuse
En regardant son calendrier des prochains jours,
Gabriel Lancry estime que les prochains jours
seront « excessivement volatils » sur les marchés
boursiers. La raison : aucune donnée économique
importante ne sera publiée cette semaine, le
marché aura donc de la difficulté à trouver une
direction.
« La correction peut se prolonger un peu. Ce n’est
pas un krach, dit-il. C’est une pause, ce qui est
sain. »
Actuellement, il cherche sans en trouver « des
possibilités d’achat qui sont criantes ».
Chez VMD, Luc Girard note aussi que les prochains
mois « seront peut-être assez r ock & r oll »
. À un i nvestisseur avec un horizon de placement
de quelques mois, il dirait de rester hors du
marché boursier.
Si ce même i nvestisseur souhaite retirer ses
billes dans t rois ou cinq ans, il peut investir
en Bourse sans crainte, selon lui. « En 2010, tout
le monde s’entend pour le dire, ce sera l’année de
la reprise, qu’elle soit grosse ou petite. »
Tempête en Europe après le cyclone asiatique
PARIS — Le bel été boursier a connu un gros
orage hier, les Bourses européennes terminant en
baisse sensible, imitant avec moins de force les
marchés asiatiques, en raison d’un regain de
pessimisme sur la réalité de la reprise
économique mondiale.
Témoin du net repli européen, l’indice Eurostoxx
50 a perdu 2,5 % alors que les principaux
marchés asiatiques plongeaient de plus de 3 %,
Shanghai c revant le plancher avec un recul de
près de 6 %. « Ceux qui parient à la hausse ont
succombé au retour des craintes selon lesquelles
le récent sursaut des marchés boursiers, sur
fond de signes de reprise de l’économie, a
peut-être dépassé la réalité de l’économie
mondiale », ont commenté les analystes
américains de Charles Schwab.
ÀlaBoursedeParis, le CAC 40 a lâché 2,2%, soit
75,58 points, à 3419,69 points. Michelin a
enregistré la plus forte baisse de l’indice en
cédant 5,3% à 50,01 €. Les valeurs cycliques
(secteur automobile, matières premières,
banques...) – considérées comme risquées – ont
enregistré les plus lourdes pertes.
À Francfort, l’indice-vedette Dax des 30
valeurs-vedettes allemandes a fini en recul de
2% à 5201,61 points. Le grand perdant du jour
était une nouvelle fois Volkswagen, dont
l’augmentation de capital prévue avant la fin de
l’année pour s’emparer de Porsche inquiétait
toujours les investisseurs. Le titre a plongé de
9,9% à 171,82 €, après avoir déjà chuté de 15%
vendredi.
À la Bourse de Londres, l’indice Footsie-100 des
principales valeurs a perdu 1,5% à 4645,01
points. La place s’est contentée de suivre la
correction qui a frappé les places asiatiques,
en l’absence de nouvelles spécifiques.
Les Bourses d’Asie-Pacifique ont subi de lourdes
pertes, Shanghai dévissant même de 5,8%, en
raison d’un regain de pessimisme pour la santé
économique de la région et des États-Unis, et
d’un mouvement de correction après de fortes
hausses ces dernières semaines. Selon les
courtiers, ce sont surtout les prises de
bénéfices qui ont agité la Bourse chinoise. «
Les gros gains au premier semestre ont créé une
bulle sur le marché. Quand le gouvernement a
montré des signes de resserrement du crédit
bancaire, cela a déclenché une vente généralisée
», a expliqué Zhang Yong, analyste chez Great
Wall Securities, cité par Dow Jones Newswires.
Les déboires de Shanghai ont entraîné toutes les
autres places asiatiques qui avaient également
connu de fortes hausses au cours du mois écoulé,
et où les investisseurs ont saisi le prétexte
pour encaisser des bénéfices.
À Tokyo, l’indice Nikkei a terminé sur un
plongeon de 3,1 %. Les actions des grands
exportateurs j aponais ont souffert d’une rapide
dépréciation du dollar, passé sous le seuil des
95 yens. Le billet vert a pâti de la nouvelle
chute de l’indice de confiance des consommateurs
américains, annoncée vendredi par l’Université
du Michigan, et qui a fait naître des doutes
quant à la réalité de la reprise économique aux
États-Unis, selon les opérateurs.
Les investisseurs japonais ont complètement
ignoré l’annonce, hier, du retour de la
croissance économique au Japon après un an de
récession, une nouvelle à laquelle tous les
économistes s’attendaient. Le produit intérieur
brut du Japon a augmenté de 0,9% au deuxième
trimestre par rapport au premier, mettant fin à
une série de quatre trimestres de forte
contraction.
« Les investisseurs ont commencé à prendre des
bénéfices après avoir eu confirmation que
l’économie se redresse », a
expliquéToshihikoMatsuno, stratège chez SMBC
Friend Securities.
La chute du Nikkei est intervenue à l’issue d’un
mois de hausse quasi continue au cours duquel
l’indice s’était envolé de plus de 17%.
Des entreprises ont rebâti leur santé financière
« Nous n’avons jamais vu un redressement du
marché boursier de cette ampleur en un si
court laps de temps et sans autre chose que de
timides signes d’amélioration économique »,
écrivait M. Rosenberg dans une note la semaine
dernière.
Les Américains ont le moral dans les
talons
La
confiance des consommateurs américains a baissé de
manière inattendue ce mois-ci tandis que les
craintes s’accroissent quant aux emplois et aux
salaires.
Les données divulguées hier aux États-Unis, y
compris un coût de la vie qui n’a pas évolué,
mettent en relief les dommages occasionnés aux
ménages et aux détaillants par la pire baisse du
produit intérieur brut depuis les années 30.
Tandis qu’il y a peu de signes que les injections
de 1000 milliards US dans le système bancaire
alimentent l’inflation, on prévoit que les
décideurs de la Réserve fédérale américaine (Fed)
poursuivront leurs efforts tant que la reprise ne
sera pas assurée.
« Si les consommateurs manquent de confiance, ils
ne seront pas en mesure de nous aider à sortir de
cette longue et sombre récession », soutient Chris
Rupkey, économiste financier principal de Bank of
TokyoMitsubishi, à New York.
« Les ménages s’inquiètent encore à propos des
perspectives d’emploi », ajoute-t-il.
L’ i nd i c e pr é l i mi n a i r e Reuters/ Un
iversity of Michigan sur l’humeur des
consommateurs a baissé à 63,2 points ce mois-ci,
un creux depuis mars dernier, comparativement à 66
points en juillet. L’indice avait atteint un
niveau plancher de trois décennies, à 55,3 points,
en novembre dernier.
Par ailleurs, le département américain du Travail
a annoncé hier que l’indice des prix à la
consommation n’avait pas évolué par rapport à
juin, comme prévu, tout en chutant de 2,1 %, soit
la plus forte baisse en six décennies, par rapport
à juillet 2008.
Les économistes avaient prédit que l’indice de
confiance allait grimper à 69, selon la prévision
médiane recueillie lors d’un sondage réalisé par
Bloomberg. Les prévisions oscillaient entre 64 et
75.
Le rapport sur l’inflation divulgué par le
département du T r avai l montre qu’en excluant
l’alimentation et les coûts d’énergie, ce qui
donne l’inflation de base, l’indice des prix à la
consommation a grimpé de 0,1 %, ce qui était aussi
anticipé.
D’autres données démontrent que la production
industrielle a augmenté pour la première fois en
neuf mois en juillet, alors que le programme de
prime à la casse du gouvernement fédéral américain
a stimulé la demande d’autos et que les
constructeurs d’autos ont terminé leur révision de
mi-année de leurs usines. La Réserve fédérale
américaine (Fed) a précisé de son côté que la
production des manufacturiers, des mines et des
services publics avait connu une hausse de 0,5 %
après une baisse de 0,4 % en juin.
« C’est le commencement d’u n r e d r e s s e ment
da ns le secteur manufacturier », estime Sal
Guatieri, un économiste principal de BMO Capital
Markets, à Toronto. « Une reprise durable dans le
secteur manufacturier dépend du facteur suivant :
est-ce que la reprise de la demande d’autos peut
se poursuivre? » ajoute-t-il.
L’utilisation de la capacité, soit la proportion
du volume d’usines en usage, a grimpé par rapport
à son niveau le plus bas depuis 1967, soit l’année
où l’on a commencé à colliger des données à ce
sujet, passant à 68,5% comparativement au résultat
révisé de 68,1% en juin.
Pourrait-on n'être pas encore sorti du bois aux
États-Unis ?...
HAUSSE INATTENDUE DES DEMANDES D’ALLOCATION
CHÔMAGE
558
000 Le nombre de nouveaux chômeurs inscrits aux
États-Unis a progressé lors de la semaine achevée le
8 août, selon les chiffres publiés hier par le
département du Travail, mettant un terme à la
tendance à la baisse observée les semaines
précédentes. En données corrigées des variations
saisonnières, ces demandes hebdomadaires
d’allocation chômage sont remontées à 558 000, soit
davantage que les 554 000 (chiffre révisé) de la
semaine précédente. Les économistes, quant à eux,
tablaient au contraire sur un léger recul à 545 000.
Le nombre hebdomadaire de demandes d’allocation
chômage, après avoir atteint un pic à 674 000 en
mars, avait nettement décru depuis juin. Malgré
tout, le taux de chômage a baissé de 0,1 point en
juillet, pour atteindre 9,4 %.
LES VENTES AU DÉTAIL REPLONGENT
-0,1 % Les ventes au détail aux États-Unis sont
reparties en baisse en juillet, traduisant les défis
que l’économie américaine doit encore relever pour
sortir définitivement de sa récession la plus grave
de l’Après-Guerre. Selon les chiffres corrigés des
variations saisonnières publiés hier par le
département du Commerce à Washington, le commerce de
détail (et la restauration) a vu ses ventes reculer
de 0,1 % par rapport au mois de juin. Cette baisse a
totalement pris par surprise les analystes, qui
attendaient une hausse de 0,7 %, après celle de 0,8
% (chiffre revu en hausse de 0,2 point) du mois
précédent. Après leur effondrement au second
semestre de 2008, les ventes de détail n’ont connu
que quatre mois de hausse depuis le début de
l’année.
VENTES DES ENTREPRISES: PREMIÈRE HAUSSE EN UN AN
Les
ventes des entreprises américaines ont augmenté en
juin pour la première fois depuis un an, de 0,9 %
par rapport au mois précédent, selon les chiffres
corrigés des variations saisonnières publiés hier
par le département du Commerce à Washington. Dans le même temps, les
entreprises ont continué de réduire leurs
stocks pour le 10e mois consécutif.
Ceux-ci ont reculé de 1,1 % en juin par rapport à
mai, soit plus que ne le prévoyaient les
analystes, qui attendaient un recul de 0,9 %,
après celui de 1,2 % (chiffre revu en hausse de
0,2 point) en mai. Sur un an, la baisse des ventes
des entreprises atteignait 18,0 % fin juin et
celle des stocks 9,8 %. L’ajustement des stocks à
la demande est une étape perçue comme un préalable
indispensable à la reprise, attendue désormais
d’ici la fin du mois prochain.
Le patient est encore faible
- Richard Dupaul
Mieux-être de l’immobilier américain et
britannique. Regain d’énergie des manufacturiers.
La Chine qui galope… Indéniablement, des signaux
positifs apparaissent. Mais, au Royaume-Uni, on
doute de la vigueur de la reprise mondiale.
PLANÈTE
L’économie s’est tellement affaiblie pendant la
crise que la déflation menace les îles
britanniques, mais aussi le reste de l’Europe.
ÉCONOMIQUE Dixit Jean-Claude Trichet, le président
de la Banque centrale européenne ( BCE) : « Nous
approchons du moment où il y aura une reprise. »
Message semblable de la part de Washington – de
Barack Obaba, qui dit : « Le pire est derrière
nous » à Ben Bernanke, le patron de la Réserve
fédérale, qui entrevoit des « pousses vertes »...
Même la Banque du Canada s’est laissé prendre au
jeu en concluant à la fin de la récession.
Certes, les signes vitaux de l’économie
s’améliorent et soulèvent l’enthousiasme des
boursicoteurs. Mais jeudi dernier, la Banque
d’Angleterre a ramené tout le monde sur terre en
déclarant que le système financier britannique
avait encore besoin d’une injection d’adrénaline.
Concrètement, la banque centrale dit qu’elle
augmentera de 35% ses rachats d’actifs financiers
à 175 milliards (270 milliards CAN). En bonifiant
ainsi son plan « d’assouplissement quantitatif »,
mis en place en mars, la Banque espère donner de
l’oxygène à l’économie du Royaume, qui en a bien
besoin.
Le terme « assouplissement quantitatif » signifie
qu’une banque centrale crée de la monnaie pour
l’injecter dans l’économie en achetant des actifs,
comme de la dette de l’État.
La décision du banquier de Sa Majesté intervient
alors que l ’économie britannique s’est contractée
de 0,8 % au deuxième trimestre. Un très mauvais
résultat. Les autorités monétaires ont même
reconnu, j eudi, que la récession est plus
profonde qu’on ne croyait.
Le premier ministre Gordon Brown a aussi joué les
rabat-joie, la semaine précédente, en prévenant
les autres chefs d’État contre le risque d’être «
complaisant » sur l’état de l’économie mondiale. «
La reprise n’est pas garantie, que ce soit ici ou
à l’étranger », a-t-il dit.
Crédit rare et déflation
Pourtant, des signes incontestables d’embellie
sont apparus à l’horizon. Après plusieurs reculs,
les prix de l’immobilier en Grande-Bretagne, par
exemple, ont progressé de 1,1 % en j uillet. La
production i ndustrielle anglaise en juin a en
outre dépassé les attentes.
Mais des problèmes sérieux persistent. Le crédit
demeure rare. Les données officielles montrent que
les prêts des banques britanniques, notamment aux
entreprises, restent en recul.
D’autres indicateurs signalent que l’économie
s’est tellement affaiblie pendant la crise que la
déflation menace les îles britanniques, mais aussi
le reste de l’Europe.
Les
prix à la consommation dans le Vieux Continent ont
en effet reculé de 0,6 % en juillet, et les prix à
la production de juin affichent une baisse de 6,6
% – un record.
Une enquête de la BCE montre également que les
banques européennes continuent à durcir les
conditions du crédit, craignant de prendre des
risques avec des clients fragilisés. En somme,
l’engrenage financier a encore besoin d’huile.
Les Américains ne dépensent pas
Entre-temps, la consommation dans les pays
occidentaux reste une inconnue, en Europe et
surtout aux États-Unis.
Privés du levier de l’endettement, les Américains
dépensent peu face à la dégradation du marché du
travail.
Même si le rythme des licenciements ralentit,
quelque 6,7 millions d’Américains ont perdu leur
emploi depuis décembre 2007, a-t-on appris
vendredi. Sans oublier que les revenus et le
patrimoine des ménages diminuent.
Si bien qu’il faudra jusqu’à 15 ans avant que
l’Américain moyen retrouve la santé financière
d’avant la crise, a déclaré à l’agence Bloomberg
le Prix Nobel d’économie 2006, Edmund Phelps.
Autrement dit, les Américains ne sont pas portés à
la dépense et ne le seront pas avant un bout de
temps. Sans compter que la hausse des prix des
matières premières devient à cet égard une autre
source d’inquiétude.
Une hausse du prix du brut, par exemple, à plus de
80$US le baril compromettrait la reprise
américaine, prévient l’économiste Robert Dye, de
la firme américaine FNC Financial Partners. Et un
bond au-dessus des 100$US replongerait le pays en
récession, prévient-il dans une étude.
La banque First American Funds, de Minneapolis,
évalue d’ailleurs qu’une hausse d’un cent du prix
de l’essence prive l’économie américaine de 1,3
milliard US.
Au concert des pronostics optimistes, il faut donc
ajouter quelques bémols. L’économie est encore
fragile, si bien que les gouvernements devront
peut-être en faire plus pour soutenir les
consommateurs, surtout américains. Des experts
citent en exemple le populaire programme de la
prime à la casse (Cash for clunkers), qui a
propulsé les ventes d’autos aux États-Unis.
Morgan St a n l e y a même rehaussé ses
projections pour l’économie américaine en réaction
à la ruée de clients chez les concessionnaires. «
Ce programme est plus efficace que tout ce que
Washington a concocté jusqu’ici », renchérit le
Crédit suisse dans une note économique.
Bref, l’économie va mieux. Mais les gouvernements
devront encore veiller sur le patient.
Moins de revenus pour les Américains
Le
revenu personnel a baissé de 1,3 % en juin aux
États-Unis, une diminution plus importante que
prévu et la pire en quatre ans, ce qui indique que
les dépenses de consommation mettront du temps à
reprendre. Le rapport publié hier par
le département américain du Commerce indique que
les augmentations de prix en juin ont été plus
modestes qu’au cours du mois correspondant l’an
dernier
Cette baisse reflète en partie le dénouement des
paiements de transfert non récurrents du plan de
stimulants de l’administration Obama qui avaient
eu pour effet de faire bondir les revenus de 1,3 %
en mai dernier, i ndiquaient hier des données
rendues publiques par le Département américain du
commerce.
Le plus grave ralentissement économique en sept
décennies s’est atténué au cours du dernier
trimestre tandis que les programmes de dépenses du
gouvernement américain ont commencé à porter leurs
fruits. Des économistes ont alors prédit que la
récession pourrait être terminée d’ici la fin de
la présente année.
Mais la reprise sera vraisemblablement modeste
parce que les pertes d’emplois et la baisse de la
valeur des maisons incitent les Américains à
augmenter leurs épargnes et à limiter leurs
dépenses, lesquelles forment environ 70 % de
l’économie.
« Au vu de normes passées, nous assisterons à une
faible reprise économique », prévient James
O’Sullivan, économiste principal à UBS Securities,
St a mford , au Connec t i c ut . « Pour qu’il y
ait une reprise s outenue des dépenses de
consommation, ajoute-t-i l , i l faut une
amélioration notable du marché de l’emploi. »
L
e s é c onomistes ava i e nt prévu que le revenu
personnel baisserait de 1 % après un gain de 1,4 %
en mai, selon la médiane de 75 prévisions
recueillies lors d’un sondage de Bloomberg. La
baisse du revenu personnel observée en juin fut la
plus importante depuis janvier 2005, le mois après
que Microsoft Corp. eut versé un dividende
spécial.
En excluant les effets du programme de stimulants,
les revenus auraient baissé de 0,1 % en juin après
l’absence de changement le mois précédent, a
précisé le Département du commerce. Les
traitements et salaires ont baissé de 0,4 % en
juin, neuvième diminution en 10 mois.
Le rapport publié hier indique que les
augmentations de prix en juin ont été plus
modestes qu’au cours du mois correspondant l’an
dernier. L’indice d’inflation lié aux habitudes de
dépense a accusé un recul de 0,4 % par rapport à
juin 2008, plus forte diminution depuis que les
données ont commencé à être recueillies en 1960.
Après ajustement pour tenir compte de l’inflation,
les dépenses portant sur des biens durables tels
que des autos et des meubles ont diminué de 0,2 %
en juin après avoir augmenté de 1,2 % en mai.
Mais les ventes d’autos sont susceptibles de
connaître un regain au cours du présent trimestre
grâce au programme gouvernemental « prime à la
casse » . Ce programme of f re j usqu’à 4500
dollars US pour échanger un t acot contre un
véhicule moins assoiffé de carburant. En juillet,
les ventes de Ford ont grimpé pour le premier mois
depuis 2007. Les ventes réalisées par toute
l’industrie de l’auto aux États-Unis ont progressé
pour atteindre une cadence annuelle de 11,3
millions de véhicules le mois dernier, le plus
haut niveau depuis septembre dernier.
Le protectionnisme a plombé
l’économie - Rudy LeCours
Ottawa presse les provinces d’ouvrir leurs appels
d’offres aux fabricants américains dans le but
d’obtenir un accord de réciprocité.
Même si les données confirment que la récession a
sévi plus durement qu’on ne croyait en mai au
Canada, l’optimisme était de rigueur, hier, peu
après la confirmation de la nouvelle.
Après tout, les gels tardifs de mai sont loin
quand se pointent les canicules d’août.
La contraction réelle du produit intérieur brut a
atteint 0,5 % en mai, a indiqué hier Statistique
Canada, qui a aussi porté à 0,2 % celle d’avril.
Il s’agissait de la 10e décroissance mensuelle
d’affilée, ce qui portait à 3,5 % en un an
l’amincissement de l’économie.
Toute la contraction était concentrée dans la
production de biens. Celle des services, qui
représente environ les deux tiers de l’économie,
n’a que marginalement changé, les gains des ventes
au détail et des services financiers étant annulés
grosso modo par le recul du commerce de gros et du
transport.
Les déboires des manufacturiers se sont
poursuivis, avec en tête ceux liés à l’industrie
de l’automobile. Leur volume de production a
plongé de plus de 20% avec la fermeture des usines
de Chrysler, qui a amorcé sa restructuration par
une mise en faillite. « La santé de ce secteur
devrait s’améliorer dès le mois prochain avec la
réouverture des usines de montage et
l’amélioration récente des ventes de voitures »,
affirme Marco Lettieri, économiste à la Financière
Banque Nationale.
Les dégâts du protectionnisme
La production en usine a faibli de manière
généralisée, cependant : 16 des 21 secteurs
accusaient des replis. C’est la conséquence de la
récession américaine et surtout des dispositions
protectionnistes ( Buy American) du plan de
relance de l’administration américaine, en vigueur
depuis avril. Il permet aux États et aux
municipalités d’exiger que les programmes
d’infrastructures soient réalisés avec du contenu
américain. Cela exclut les Canadiens d’un nombre
grandissant d’appels d’offres.
Voilà pourquoi Ottawa presse les provinces
d’ouvrir leurs appels d’offres aux fabricants
américains dans le but d’obtenir un accord de
réciprocité.
Les leaders des Manufacturiers et exportateurs du
Canada et du Conseil canadien des chefs
d’entreprise, Jayson Myers et Thomas d’Aquino, ont
d’ailleurs fait parvenir jeudi une lettre aux 10
premiers ministres provinciaux, qui doivent se
réunir la semaine prochaine à Regina dans le cadre
du Conseil de la Confédération. V
«
Nous sommes convaincus que le Canada a l’occasion
de négocier avec les États-Unis un accord visant à
ouvrir les marchés publics qui avantagerait aussi
bien notre économie que la leur », écrivent-ils.
Les deux leaders souhaitent un accord des
provinces avant le sommet des chefs d’État
américains, la semaine suivante, où Stephen Harper
et Barack Obama auront sans doute un tête-à-tête.
En mai, le surplus commercial traditionnel du
Canada s’est transformé en déficit, au grand dam
des manufacturiers, même si la production de
minerai et d’énergie accusait aussi des replis
significatifs.
Si l’économie canadienne a fait du surplace en
juin, ce qui est une hypothèse réaliste compte
tenu des données déjà disponibles, alors la
décroissance du deuxième trimestre avoisinera les
3,5% sur une base annualisée. C’est précisément la
prévision de la Banque du Canada, qui annonce
aussi une croissance de 1,3% de l’économie
canadienne, de juillet à septembre.
Aux États-Unis, les données préliminaires du
département du Commerce font état d’un repli de 1%
de l’économie pour l’ensemble du deuxième
trimestre. Washington a aussi révisé à la baisse
la performance de l’économie américaine pour
l’ensemble de 2008, ce qui confirme que nos
voisins traversent la plus grave récession de
l’après-guerre.
Malgré une baisse plus marquée que prévu de la
consommation d’avril à juin, la nette réduction du
déficit commercial a f reiné la décroissance, qui
avait atteint 6,4 % au premier trimestre. En gros,
la baisse des importations a été beaucoup plus
prononcée que celle des exportations. Cela
accrédite l’urgence d’un accord d’ouverture des
marchés publics. Le Canada demeure le principal
partenaire commercial des États-Unis.
« La grande divergence dans la performance des
exportations nettes (exportations moins
importations) explique le gros de l’écart, note
Douglas Porter, économiste en chef adjoint à BMO
Marchés des capitaux. Malgré tout, cela n’exclut
pas une croissance au troisième trimestre. C’est
plutôt que l’économie canadienne aura à s’extirper
d’un trou plus profond. »
Optimisme prudent de rigueur
Les perspectives sont beaucoup plus roses cet été
qu’au printemps. Outre la reprise de la production
automobile, note Diana Petramala, économiste à l a
Banque T D Groupe financier, les dépenses de
consommation semblent reprendre. En outre, « la
poussée des transactions sur le marché de la
revente de maisons, jumelée aux stimuli des
gouvernements devrait soutenir la construction
jusqu’à l’été prochain ».
C’est sa ns doute aussi ce qu’ont vu les cambistes
qui ont poussé le huard à un gain de 58 centièmes.
Il termine le mois à 92,81 cents US, un sommet
depuis octobre.
Reste un point faible : la production en usine. La
solution passe peut-être aussi par davantage de
commerce avec les puissances émergentes comme la
Chine et l’Inde.
DEUX FOIS PLUS DE JEUNES À
L’ASSURANCE-EMPLOI - Hugo Fontaine
& Malorie Beauchemin
«
Même si la récession canadienne paraît près de sa
fin et que le rythme des pertes d’emploi diminue,
les chômeurs continuent de trouver difficile la
recherche d’emploi. »
Les emplois se font rares, et ce sont les jeunes
qui écopent. Ils sont deux fois plus nombreux
qu’il y a un an à se tourner vers l’assurance
emploi.
Près de 780 000 Canadiens ont reçu des prestations
ordinaires d’assurance emploi en mai, selon les
plus récentes données de Statistique Canada. C’est
une hausse de près de 10 % par rapport au mois
précédent, mais surtout une hausse de 66 % par
rapport à mai 2008 et un nouveau record.
Mais les jeunes sont davantage touchés : pendant
que le nombre de prestataires de 25 ans et moins a
presque doublé en un an (94,1 %), les 25-54 ans
(+71,3 %) et les 55 ans et plus (+ 60,2 %) ont été
moins lourdement frappés.
« Quand les entreprises font des mises à pied,
elles se basent souvent sur le critère de
l’expérience, et les jeunes écopent en premier »,
explique Benoît Durocher, économiste principal au
Mouvement Desjardins.
Le Canada n’a j a mais eu autant de bénéficiaires
de l’ass ura nce emploi depuis que des données
comparables existent, en 1997. Et le nombre de
demandes n’a jamais été aussi élevé qu’en mai
dernier.
« Le rapport est un sobre rappel de l’état affreux
du marché canadien de l’emploi, constate Millan
Mulraine, stratège économiste à TD Valeurs
mobilières. En effet, même si la récession
canadienne paraît près de sa fin et que le rythme
des pertes d’emploi diminue, les chômeurs
continuent de trouver difficile la recherche
d’emploi. »
C’est le cas de Kim, 44 ans, rencontré devant un
centre local d’emploi de l’île de Montréal, qui
veut revenir sur le marché de l’emploi après un
accident du travail. « C’est encore plus dur de
trouver quelque chose avec la crise », dit-il.
Malheureusement pour lui et pour les chercheurs
d’emploi, le marché du travail n’a pas encore
changé.
« Je pense que la hausse va se poursuivre, dit
Benoît Durocher. Le marché du travail a encore
baissé en juin, même si c’est moins prononcé
(perte de 7400 emplois). »
Explosion dans l’Ouest
Toutes les provinces et les territoires ont
enregistré un nombre record de prestataires en
mai.
Le nombre de prestataires a explosé dans l’Ouest.
En Alberta, les 57 000 bénéficiaires représentent
une augmentation de 236%. En Colombie-Britannique,
la hausse est de 115,2%.
Mais si l’industrie du pétrole et l’immobilier ont
fait mal à l’emploi albertain, c’est l’automobile
qui fait pâlir l’Ontario. La plus populeuse des
provinces a vu son nombre de prestataires doubler
pour atteindre 274 000 personnes.
Le Québec s’en tire mieux, même si le nombre de
prestataires, à plus de 206 000, a augmenté du
tiers. « Le Québec ne s’en sort pas trop mal,
surtout dans les régions, note Benoît Durocher. En
ville, le secteur manufacturier fait mal. »
La r écession pa r a î t aussi pousser plus
d’hommes vers le chômage au Canada. La hausse de
bénéficiai r es masculins est de 84,9 % en un an,
contre 49,3 % chez les femmes.
À Ottawa, le ministre fédéral des Finances, Jim
Flaherty, a estimé, malgré les chiffres
catastrophiques de l’assurance emploi, que
l’économie canadienne est « sur la bonne voie ».
« On savait que les chiffres de l’assurance emploi
seraient plus élevés, a dit M. Flaherty. Ils
datent de mai. Les taux d’emploi accusent toujours
un retard par rapport à une reprise économique,
alors les gens devraient s’attendre à ce que les
chiffres empirent encore pendant un bout de temps.
»
« I l y a, actuellement, des signes que l’économie
s’améliore, a-t-il ajouté. C’est clairement ce que
j’entends de la part des gens
du milieu financier avec qui je suis en contact. »
Mais le ministre des Finances a toutefois souligné
que la récession n’est pas pour autant terminée. «
Les signes montrent que l’économie se stabilise.
Ce sont les débuts d’une reprise. Mais je n’irais
pas plus loin, a-t-il dit. Il faut être prudent et
continuer la mise en oeuvre de notre plan d’action
économique. »
Pour l ’opposition l ibérale, les conservateurs se
réjouissent beaucoup trop tôt. « Le Canada a
encore beaucoup de chemin à parcourir avant d’être
sorti du bois », a déploré le critique du Parti
libéral en matière de finances, Ralph Goodale.
Les entreprises dépenseront moins - Rudy
LeCours
Leurs dirigeants retrouvent quand même leur
optimisme
Pour la première fois en un an aussi, les
répondants qui s’attendaient à une bonification
de leurs résultats financiers étaient plus
nombreux que ceux qui craignaient leur
détérioration.
L’optimisme était à la hausse dans le
merveilleux monde des affaires au deuxième
trimestre, mais les entreprises hésitaient
encore à investir. Certains secteurs sont
particulièrement touchés par un repli des
investissements, comme l’extraction de
ressources naturelles (-32,9%), la fabrication
(-20,4%), la finance et les assurances
(-24,1%).
Du premier au deuxième trimestre, l’indice de
confiance des entreprises du Conference Board du
Canada a bondi de 10 points. Il se situe
maintenant au même niveau qu’au printemps 2008,
alors que peu de gens s’attendaient à la
faillite de Lehman Brothers, qui a déclenché la
première récession mondiale synchronisée.
Fait des plus encourageants, pour la première
fois en plus de trois ans, davantage de
répondants s’attendaient à une amélioration du
contexte économique qu’à sa dégradation.
Pour la première fois en un an aussi, les
répondants qui s’attendaient à une bonification
de leurs résultats financiers étaient plus
nombreux que ceux qui craignaient leur
détérioration.
Seule ombre à ce tableau plutôt lumineux, plus
du tiers des répondants étaient d’avis que leur
entreprise fonctionnait en deçà de ses
capacités, un phénomène qui n’avait pas été
observé depuis la récession de 1991.
Ce constat paraît concorder avec les
perspectives révisées d’investissements publics
et privés de Statistique Canada.
En construction non résidentielle, matériel et
outillage, les investissements devraient
totaliser 227,9 milliards cette année, soit près
de 10 milliards de moins que ce que révélait
l’enquête précédente, menée de décembre à
janvier auprès de 28 000 entreprises et
administrations publiques. Celle dévoilée hier a
été réalisée au cours des mois de mai et juin
auprès de 7400 entreprises, ce qui reste un
échantillon considérable.
À hauteur de 227 milliards, la valeur des
investissements représente un repli de 10,4% du
sommet atteint en 2008.
Certains secteurs sont particulièrement touchés,
comme l’extraction de ressources naturelles
(-32,9%), la fabrication (-20,4%), la finance et
les assurances (-24,1%).
Quelques autres progressent, à commencer, sans
surprise, par les administrations publiques
(14,8 %). À hauteur de 41 milliards, l’effort
des gouvernements égalera cette année la mise
des sociétés minières et énergétiques. À ce coup
de fouet, il faut ajouter la contribution accrue
de 3,5 % des services publics (eau,
électricité).
Recul au Québec
Àl’échelle provinciale, les investissements
pressentis au Québec reculeront de 9,5% malgré
les programmes du gouvernement. Les entreprises
prévoient diminuer de 23,2% leurs dépenses en
matériel et outillage.
Par le passé, des différences importantes ont
parfois apparu entre les intentions d’investir
et les investissements réels, selon les aléas de
la conjoncture économique.
Le climat est en train de changer durant l’été.
L’idée voulant que la récession ait somme toute
été moins grave que celles de 1981 et de 1990
fait son chemin.
La Financière Banque Nationale estime même que
l’économie aura reculé au deuxième trimestre
moins que les 3,5 % en rythme annualisé estimés
par la Banque du Canada. En conséquence, elle
pourrait bientôt de nouveau fonctionner à pleine
capacité, d’autant plus que bien des usines ont
fermé définitivement. « Notre hypothèse est que
la récession est plus sectorielle que celles de
1982 et 1990 », affirme Yanick Desnoyers,
économiste en chef adjoint de la Banque du
Canada. Il rappelle que, au printemps, le Canada
a créé 60 000 emplois dans le secteur des
services dont la production a reculé un seul
trimestre jusqu’ici.
Milan Mulraine, prévisionniste à TD Valeurs
mobilières, souligne pour sa part que le recul
de l’activité économique s’élevait à 2,3% au
premier trimestre et devrait avoir atteint 2,9%
au deuxième. C’est beaucoup moins que les replis
de 4,9% de 1981 et de 3,4% en 1990.
Le chômage devrait par conséquent moins
s’étendre.
CONSOMMATEURS AMÉRICAINS La confiance s’effrite
plus que prévu
La
confiance des consommateurs américains s’est
effritée plus que prévu en juillet, ce qui reflète
une hausse du chômage qui menace de miner les
dépenses des ménages. La baisse de confiance des
Américains reflète des craintes plus vives en ce
qui concerne le marché de l’emploi. On prévoit que
le taux de chômage dépassera 10% d’ici au début de
2010.
L’i ndice de c onf i a nce du Conference Board
américain a reculé à 46,6, deuxième baisse
consécutive, à la suite d’un résultat de 49,3 en
juin, selon un rapport publié hier par l’organisme
établi à New York. L’indice avait chuté à un creux
record de 25,3 en février dernier.
Les marchés boursiers ont piqué du nez et les bons
du Trésor américain se sont appréciés à la suite de
la publication du rapport. Les dépenses de
consommation forment environ 70 % de l’économie
américaine et toute nouvelle baisse viendrait
amortir les efforts pour sortir de la pire récession
en cinq décennies.
« Les gens nourrissent encore des inquiétudes quant
à leur emploi », estime Mark Vitner, un économiste
principal de Wells Fargo Securities, à Charlotte, en
Caroline-du-Nord.
Le marché prévoyait que la confiance des
consommateurs baisserait à 49, selon la prévision
médiane de 67 économistes sondés par Bloomberg. Les
prévisions oscillaient entre 44 et 56. L’indice a
présenté un résultat moyen de 57,95 l’an dernier.
La baisse de confiance reflète des craintes plus
vives en ce qui concerne le marché de l’emploi. On
prévoit que le taux de chômage dépassera 10 % d’ici
le début de 2010, un résultat potentiel susceptible
d’éroder le pouvoir d’achat et d’inciter les
Américains à épargner davantage.
Prix des maisons en hausse
Nouvelle plus encourageante, l’indice des prix des
maisons aux États-Unis, soit le S& P/
Case-Shiller qui porte sur 20 régions
métropolitaines, a affiché son premier gain
mensuel en trois ans en mai dernier, ce qui
renforce les signes de stabilisation sur un marché
durement affecté par la pire déprime depuis les
années 30.
L’indice a grimpé de 0,5 % par rapport à avril,
première progression mensuelle depuis j uillet
2006 et la plus forte depuis mai de cette
année-là. Le résultat représente toutefois une
baisse de 17,1 % par rapport à mai 2008, ce qui
est moins que prévu et ce qui s’avère la
diminution la plus modeste en neuf mois.
Lors du sondage effectué par le Conference Board,
la propor t i on des consommateurs qui estiment
que les emplois sont nombreux a chuté à 3,6 %,
niveau le plus bas depuis février 1983. Par
contre, la proportion des répondants qui
soutiennent qu’il est difficile d’obtenir un
emploi est passée de 44,8 % à 48,1 %.
Le pourcentage des personnes qui s’attendent à
voir leurs revenus augmenter au cours des six
prochains mois a baissé, passant de 10,1 % à 9,5
%.
L’é c onomie a mér i c a i ne a perdu 6,5 millions
d’emplois depuis le début de la récession en
décembre 2007.
États-Unis Près de 19 millions de
maisons vides
Plus de 18,7 millions de maisons sont demeurées
vides aux ÉtatsUnis au cours du deuxième
trimestre. La pire récession en 50 ans a fait
chuter la demande d’habitations au moment où les
banques ont saisi les propriétés d’emprunteurs
incapables de payer.
PHOTO MARK AVERY,
ARCHIVES REUTERS
Plus de 14% des maisons
étaient inoccupées au cours du deuxième
trimestre aux États-Unis. La valeur des maisons
a chuté de 33% depuis 2006, selon l’indice
S& P/Case-Shiller.
Mais le nombre de propriétés inoccupées – y
compris les habitations saisies, les résidences à
vendre et les résidences secondaires – a peu
évolué par rapport à un an plus tôt puisqu’il se
situait à 18,6 millions lors du deuxième trimestre
de 2008, souligne le bureau du recensement
américain dans un rapport.
Plus de 14 % des maisons étaient inoccupées au
cours du trimestre. La valeur des maisons a chuté
de 33 % depuis 2006, selon l’indice S&
P/Case-Shiller, tandis que le taux de chômage a
grimpé le mois dernier à un sommet de près de 26
ans.
La chute des prix des maisons et la hausse des
pertes d’emplois ont mis à mal les efforts du
gouvernement américain pour renverser la tendance
dans le secteur immobilier tandis que sévit la
plus longue récession depuis les années 30.
« L’insécurité en ce qui concerne l’emploi, de
même que la baisse de la valeur des maisons et le
resserrement du crédit, vont vraisemblablement l i
miter la progression des dépenses de consommation
», a indiqué lundi dernier Ben S. Bernanke, le
président de la Réserve fédérale américaine (Fed),
devant un comité de la Chambre des représentants.
Le
pourcentage de toutes les maisons américaines
inoccupées et à vendre, soit le taux
d’inoccupation, a baissé à 2,5 % au cours du
deuxième trimestre. Il avait un atteint un sommet
de 2,9 % au cours du premier et du quatrième
trimestres de l’an dernier, a précisé le bureau du
recensement.
Le taux d’inoccupation a baissé légèrement au
moment où le nombre de maisons sur le marché a
diminué parce qu’elles ont été vendues ou parce
que les propriétaires ont renoncé à les vendre. Le
stock de maisons sur le marché a été de 3,8
millions en moyenne à chacun des six premiers mois
de 2009, selon des données de la National
Association of Realtors. L’an dernier, la moyenne
mensuelle était de 4,2 millions.
Le taux d’inoccupation le plus faible, soit 2%, a
été enregistré dans le nord-est du pays, alors que
le plus élevé, à 2,7%, l’a été dans le sud du
pays.
Au deuxième t rimestre, on comptait 130,8 millions
de maisons aux États-Unis, a indiqué le bureau du
recensement. En plus des 1,9 million de maisons
inoccupées à vendre, on a compté 4,4 millions de
maisons inoccupées à louer et 4,6 millions
résidences secondaires qui ne servent qu’une
partie de l’année.
Un ménage américain sur huit qui a contracté un
emprunt hypothécaire accuse du retard dans ses
paiements ou fait déjà l’objet d’une saisie,
d’après Jay Brinkmann, économiste en chef de la
Mortgage Bankers Association, un organisme établi
à Washington.
Les entreprises américaines ont éliminé environ
6,5 millions d’emplois depuis le début de la
récession en décembre 2007, ce qui affecte la
demande de maisons et érode les dépenses de
consommation qui forment environ 70% de la plus
importante économie au monde.
REPRISE IMMOBILIÈRE
AMÉRICAINE Les retombées se font attendre -
Vincent Brousseau-Pouliot
Les
Américains recommencent discrètement à acheter des
maisons neuves. Mais le secret reste bien gardé :
même leurs fournisseurs canadiens ne sont pas au
courant.
En juin, les ventes de maisons neuves ont pourtant
augmenté pour le deuxième mois consécutif aux
États-Unis, cette fois de 11%. Il s’agit de la plus
importante hausse mensuelle depuis décembre 2000.
«
Je suis surpris d’antendre ça », dit MaximeGendreau,
directeur du marketing de Garaga, fabricant de
portes de garage de Saint-Georges-de-Beauce.
Selon l e dépa r t ement du Commerce, les Américains
achètent 384 000 nouvelles maisons sur une base
annuelle en se basant sur les chiffres de juin, par
rapport à 346 000 nouvelles maisons en se basant sur
les chiffres du mois précédent. En j uin, 36 000
maisons neuves ont été vendues au prix moyen de 276
900 $. Environ 16 000 étaient déjà construites, 10
000 maisons étaient en construction et 10 000
n’existaient encore que sur plans.
Bien
réelle dans les livres du département du
Commerce, cette timide reprise du marché
immobilier américain ne se manifeste pas encore
dans les carnets de commandes de Garaga. « Nous
ne voyons pas de signes de reprise pour
l’instant, mais c’est vrai que notre produit
s’installe à la fin du cycle de construction »,
dit Maxime Gendreau.
Même son de cloche du côté du fabricant de
baignoires MAAX, qui a pu compter sur une
demande relativement stable au Canada durant la
récession afin de compenser pour ses difficultés
aux États-Unis. « Il y avait une baisse depuis
2005, mais ça s’est stabilisé depuis le mois de
mai, dit Mark Bandrauk, conseiller juridique
principal de MAAX. C’est toutefois trop tôt pour
spéculer sur une reprise. Les Américains partent
de tellement loin, les effets d’une reprise ne
se feront pas sentir immédiatement. »
Avant la crise immobilière, 70% du bois produit
dans les scieries de Domtar prenait le chemin
des États-Unis. Aujourd’hui, les marchés
canadien et américain se partagent le bois de
Domtar à parts égales. « Nos activités
forestières et nos scieries ne fonctionnent qu’à
50% de leur capacité », rappelle Pascal Bossé,
vice-président des communications de Domtar.
Les économistes suggèrent aux Domtar, MAAX et
Garaga de ce monde de ne pas célébrer trop vite
la reprise du marché immobilier américain. Soit,
la hausse des ventes de maisons neuves de 11%
est spectaculaire – la plus importante en neuf
ans! – mais, à long terme, elle reste
négligeable. Depuis un an, la vente des maisons
neuves a chuté de 21%. Le sommet historique de
1,4 million de maisons neuves vendues, établi en
juillet 2005 en pleine bulle immobilière, semble
hors de portée. « Nous sommes environ au quart
de ce sommet historique, ce qui démontre
l’ampleur de la crise immobilière et de la
récession », dit Avery Shenfeld, économiste en
chef de la Banque CIBC.
Cet immense écart ne tracasse pas l’économiste
de BMO Groupe financier Jennifer Lee, qui n’est
pas fâchée d’assister à une reprise graduelle du
marché immobilier américain. « Les banques ont
appris leur leçon, elles resserrent l’accès au
crédit et elles demandent davantage de
documentation avant de faire un prêt, dit-elle.
Dans quelques années, le marché immobilier
américain pourra peut-être revenir à des ventes
annualisées de 1 million. »
En dépit de la hausse des ventes en juin, les
entreprises québécoises qui dépendent du marché
immobilier américain devront continuer de
prendre leur mal en patience. Il reste
actuellement 281 000 maisons neuves à vendre aux
États-Unis – soit assez pour satisfaire les
acheteurs durant les 8,8 prochains mois. « Il y
a encore trop de maisons non vendues sur le
marché, dit l’économiste Avery Shenfeld.
Habituellement, il faut avoir seulement cinq ou
cinq mois de stocks. Au moins, les chiffres
montrent que le pire est passé, même si la
reprise se calculera en années et non en
trimestres. »
L’optimiste JEAN-PASCAL BEAUPRÉ
Le
ciel économique se dégage au-dessus du pays,
claironne la Banque du Canada. Les nuages de la
récession se dissipent peu à peu. Même si le
gouverneur Mark Carney s’attend à une reprise
graduelle, ses prévisions optimistes de croissance
pour 2010 et 2011 ont de quoi faire sourciller
plus d’un économiste.
En soi, il n’est pas surprenant que le Canada soit
le premier pays industrialisé à annoncer sa sortie
de la crise. Son système financier est le plus
solide de la planète, son marché immobilier ne
s’est pas effondré comme aux États-Unis ou en
Europe. Les taux d’intérêt maintenus au plancher
par la banque centrale ont permis aux ménages
canadiens de souffler et à la consommation
intérieure de ne pas trop s’effriter, malgré la
débâcle qui a secoué le globe. L’augmentation du
prix des ressources, dopé par la forte demande
chinoise, a contribué à maintenir l’économie
canadienne à flot. D’où une récession qui n’aura
duré que trois trimestres, la plus courte en 50
ans, si le retour à la croissance se confirme cet
été.
Dans son rapport sur la politique monétaire, M.
Carney n’y va pas avec le dos de la cuillère: il
entrevoit une croissance de 3% en 2010 et de 3,5%
en 2011. On veut bien faire preuve d’optimisme,
mais il apparaît prématuré, à maints égards, de
prédire un retour aussi spectaculaire à une
croissance vigoureuse. Cela n’est pas sans nous
rappeler les prévisions jovialistes et à
contre-courant de la Banque du Canada en janvier
dernier. Il semble que M. Carney ait récupéré les
lunettes roses qu’il avait jetées au panier lors
de sa mise à jour d’avril.
Le
gouverneur mise sur un regain des exportations qui
viendra bientôt appuyer les dépenses soutenues des
consommateurs. Pourtant, les livraisons
manufacturières à l’étranger montrent encore des
signes de faiblesse. M. Carney compte notamment
sur une recrudescence des ventes dans les secteurs
de l’automobile et de la construction aux
États-Unis pour pousser la croissance canadienne
vers le haut. Toutefois, en dépit de signaux
encourageants, les Américains ne se sont pas
encore extirpés de leur bourbier financier. Leur
marché immobilier a ralenti sa dégringolade, qui
s’éternise depuis trois ans, mais on s’attend à ce
que le prix des maisons chute encore pendant
quelques mois. Le taux de chômage n’atteindra pas
le fond du baril avant la mi-2010. Deux facteurs
qui freineront leur soif de consommation et leurs
achats de produits canadiens, déjà pénalisés par
la politique Buy American d’un plan de relance
mitigé.
Les prévisions de croissance de la Banque du
Canada reposent sur un dollar canadien à 87 cents.
Or, le huard caracolait à plus de 92 cents hier
sur le marché des changes, de plus en plus
populaire parce que le Canada se démarque des
autres économies avancées et parce que le billet
vert continue de se déprécier. Et aussi grâce au
prix du baril de pétrole, qui a repris du poil de
la bête depuis février. Ce n’est rien pour ramener
un sourire sur les lèvres des manufacturiers
canadiens et améliorer notre balance commerciale.
M. Carney a raison de craindre une flambée du
dollar canadien. Un huard qui poursuivrait son
envol pourrait carrément empêcher la reprise de
décoller.
REPRISE La création d’emplois se fera
attendre - Rudy LeCours
Au
lendemain de l’annonce étonnante de la Banque du
Canada, selon qui nous sommes sortis de récession,
beaucoup de confusion subsiste sur ce que signifie
la reprise.
D’un point de vue économique et technique, c’est
tangible : la taille de l’économie se remet à
épaissir. De là à ce qu’elle retrouve sa superbe
d’antan, il y a toutefois plusieurs crans de
ceinture à desserrer.
Si les prévisions de la Banque s’avèrent, c’est dans
un an environ que le volume de biens et services
produits au pays, ce qu’on appelle le produit
intérieur brut, aura retrouvé le sommet du cycle
précédent atteint il y a un an.
La Banque fonde cependant son scénario sur
l’hypothèse que la valeur moyenne du dollar canadien
sera de 87 cents américains d’ici là. Ces jours-ci,
il se négocie au-dessus des 92 cents US, ce qui
risque de freiner la croissance des exportations, de
l’aveu du gouverneur Mark Carney.
Hier, le ministre des Finances Jim Flaherty a
déclaré « être d’accord » avec les propos du
gouverneur. Ni un ni l’autre n’ont cherché à
dramatiser le phénomène cependant, comme M. Carney
l’avait fait en juin après la plus rapide poussée
mensuelle du huard de son histoire
Le taux de change reflète aussi la force de
l’économie canadienne. « Plus il sera fort, plus
sera forte la demande pour nos matières premières et
plus leurs prix seront élevés », souligne
Jean-Pierre Aubry, économiste-conseil et fellow
associé du CIRANO.
Cela a aussi pour effet d’accroître le revenu
intérieur brut réel, une mesure du pouvoir d’achat.
Cette dynamique a d’ailleurs prévalu de 2003 à 2007.
Tandis que le secteur manufacturier subissait les
premières salves de l’appréciation du huard, les
Canadiens consommaient davantage et les coffres des
gouvernements se remplissaient.
Cette fois-ci, c’est un peu différent. La rapide
ascension du huard n’est pas mue seulement par la
force des prix de l’énergie et des produits de
base. Elle reflète aussi la faiblesse du dollar
américain, ce qui n’aide en rien le Canada.
Taux de chômage
Pour les victimes de la récession, la reprise sera
tangible quand la recherche d’un emploi sera
redevenue une sinécure. En janvier 2008, le taux
de chômage avait atteint un creux historique de
5,8 % au Canada. Un an après, il avait grimpé à
7,2 %. Le mois dernier, il était rendu à 8,6 % et
il devrait franchir la barre des 9,0 % avant la
fin de l’année. Le retour à 5,8 % ne se fera pas
de sitôt.
Cela peut choquer quand on voit ces jours-ci que
les entreprises ont renoué au deuxième trimestre
avec les profits plus vite qu’on s’y attendait. «
Il est clair que les suppressions d’emplois
préventives et des plus agressives ont en
contrepartie généré des bénéfices surprenants,
fait remarquer Douglas Porter, économiste en chef
adjoint chez BMO marchés des capitaux. Cela peut
irriter quelques sensibilités quand le taux de
chômage s’approche des 10 % aux États-Unis. La
réalité, c’est que chaque reprise de
l’après-guerre a été précédée d’un rebond de la
part des profits dans le revenu national. »
Ne l’oublions pas, l’économie était en récession
des deux côtés de la f rontière au printemps. Cela
sera confirmé la semaine prochaine avec les
données provisoires du PIB américain pour
l’ensemble du deuxième trimestre et les données du
PIB de mai au Canada.
Aux États-Unis, l’économie devrait avoir reculé de
moins de 2%, vers sa stabilisation, si on compare
ce chiffre à la chute de 5,5 % de l’hiver.
Pour le Canada, il faut s’attendre à un repli
mensuel de 0,3 % à 0,5 %. C’est pire qu’en avril,
mais cela correspond à la fermeture des usines de
Chrysler et à la perte de 58 700 emplois. Les
données préliminaires de juin sont plus
encourageantes.
Le recul de mai se reflète aussi dans les f i
nances publiques. Pour avril et mai, Ottawa accuse
un déficit de 7,5 milliards. Rien de dramatique,
nuance Avrey Shenfeld, économiste en chef chez
CIBC. « Ce sont les pires mois d’activité
économique de l’année budgétaire (d’avril à mars)
et les fluctuations mensuelles peuvent être
énormes d’une année à l’autre. »
Les commerçants désertent Manhattan
Lorsque Barnes& Noble a fermé deux magasins
dans la 86e Rue Est à New York cette année et
quand Circuit City Stores a fait de même avec un
autre, des bénévoles du voisinage ont décidé de
prendre les choses en main. Ils ont transmis des
courriels à leurs détaillants favoris pour leur
demander de louer les locaux vides.
C’est que l’enfilade de magasins, d’Upper East
Side jusqu’à Soho, comporte de nombreux lieux
désertés. Ainsi, le taux d’inoccupation du
quartier a grimpé à 12,4% au deuxième trimestre,
le plus élevé depuis 2001. La cause? La hausse du
chômage et la récession font baisser les dépenses
des consommateurs, indique Faith Hope Consolo,
présidente de la division des ventes et de
location au détail de la firme Prudential Douglas
Elliman Real Estate, de Manhattan.
« Les consommateurs ont tout simplement cessé de
magasiner », précise-t-elle.
Plus de 15% des 185 magasins de Madison Avenue
entre les 57e et 72e rues sont vides ou sont à la
veille de perdre leurs locataires, selon le
courtier new-yorkais Cushman& Wakefield. À
Soho, 11 % des 551 magasins sont à louer. Et dans
Upper West Side, environ 9 % des 265 magasins sont
désertés ou le seront bientôt.
Chute des loyers
Les loyers pourraient chuter de près du quart de
leur valeur d’ici au quatrième trimestre par
rapport à un an plus tôt. Et ils sont susceptibles
de continuer leur dégringolade jusqu’en 2010 en
raison du taux de chômage et de la faible demande
des consommateurs, soutient Sam Chandan,
économiste de la firme d’analyse Real Estate
Economics, à New York.
L e pr i x moyen o f f e r t à Manhattan pourrait
baisser à 98,12$US le pied carré d’ici la fin de
l’année. Il était de 109,09$US à la fin du
deuxième trimestre, précise M. Chandan.
Mais Manhattan continue d’avoir de l’attrait.
Ainsi, une entreprise de divertissement et un
restaurant s’apprêtent à signer des baux pour des
locaux de 70 000 pieds carrés dans l ’a ncien
édifice du New York Times, explique Joshua
Strauss, président du courtier Robert K.
Futterman& Associates. En février dernier, la
société Discovery Times Square Exposition a signé
un bail de 20 ans pour 60 000 pieds carrés
additionnels, ajoute-t-il.
Le taux de chômage dans la ville de New York a
grimpé à 9,5% en juin, un sommet depuis juillet
1997, précisait jeudi le Département américain du
travail. Le nombre d’emplois dans le secteur privé
a dégringolé de 95 100, ou de 2,9%, à 3,16
millions pendant la période de 12 mois terminée en
juin. Les emplois dans l’industrie financière ont
baissé à 436 000 contre 469 300 en juin 2008.
« Je n’ai jamais vu pire », lance Anees Kahn,
directeur du magasin d’informatique RCS Experience
à l’angle de Madison Avenue et de la 56e rue. Il a
renégocié son bail en avril dernier. Les ventes ne
permettent pas de couvrir le loyer, qui se chiffre
à de 100 000$US à 200 000$US par mois, de sorte
que M. Kahn doit sous-louer de l’espace à d’autres
détaillants de produits électroniques.
Des bénéfices éclatants
mais trompeurs
NEW YORK — Après JPMorgan Chase, les banques
américaines Bank of America et Citigroup ont
dégagé au deuxième trimestre des résultats
positifs et supérieurs aux attentes, qu’il
serait toutefois hasardeux d’interpréter comme
le signe de la fin de la tourmente financière.
Pour la période mars-j uin, J PMorgan Chase,
première banque américaine par la
capitalisation boursière, a vu son bénéfice
grimper à 2,7 milliards de dollars. Bank of
America a été bénéficiaire de 3,2 milliards et
Citigroup de 4,3 milliards, selon leurs
résultats publiés hier.
Les trois banques, qui sont actives sur
l’ensemble des métiers de la finance, ont
bénéficié à plein d’un trimestre exceptionnel
sur les bourses, qui a généré d’importants
revenus pour leurs activités de courtage.
Chez JPMorgan, le bénéfice des activités de
courtage a ainsi été presque quadruplé en un
an, à 1,47 milliard.
Une performance « qui n’est sans doute pas un
bon indicateur de ce qui se passe »,
avertissent les analystes de Deutsche Bank.
Si elle est sortie du rouge pour la première
fois depuis le troisième trimestre 2007,
Citigroup ne le doit qu’à la plus-value de 6,7
milliards enregistrée lors de la cession
partielle de sa filiale Smith Barney.
Mais c’est surtout du côté de la banque de
détail que le bât blesse.
L’activité de banque pour les particuliers «
suit exactement l’état de l’économie et de
l’emploi », explique Gregori Volokhine, de
Meeschaert New York. « Il ne peut donc pas y
avoir de miracle », note-t-il.
Cette semaine, la banque centrale américaine a
indiqué que le chômage monterait plus que
prévu, pouvant atteindre d’ici la fin de
l’année 10,1% et devrait encore atteindre
entre 9,5 % et 9,8% l’an prochain.
La faiblesse de l’économie se traduit chez les
banques par un coût des créances douteuses qui
a pour certaines plus que doublé sur un an:
Citigroup a provisionné 12,4 milliards,
JPMorgan 9,7 milliards, et BofA 13,4
milliards.
Les analystes de Deutsche Bank soulignent que,
si l’on assiste « à de premiers signes de
stabilisation des défauts de paiement chez les
particuliers », il faut s’attendre à « une
hausse des pertes associées aux crédits non
payés au second semestre ». Le pic est attendu
pour « le 4e trimestre ou le 1er trimestre
2010 », mais les provisions devraient rester
encore élevées sur l’ensemble de 2010, « voire
2011 », selon eux.
« C’est un problème pour des banques comme J
PMorgan et Citi, qui ont toujours compté sur
la banque de détail pour avoir une source
stable de revenus face aux incertitudes
cycliques de la banque de gros », relève
Charles Geisst, universitaire spécialiste de
la f i nance au Manhattan College.
Selon M. Geisst, ces établissements seront
menacés de pertes « tant que l’économie ne
sera pas bien redressée, ce qui ne semble pas
imminent ».
Bank of America a averti que la faiblesse de
l’économie affecterait ses performances «
durant le restant de l’année et encore en 2010
».
Autre source d’inquiétude pour les banques,
ajoutent plusieurs analystes : la faiblesse
continue de la banque commerciale, alors que
nombre d’entreprises sont emportées par la
crise.
Sur ce point, Bank of America a notamment
souligné que les défaillances avaient continué
à progresser dans l’i mmobilier professionnel.
Atteindre un haut niveau de rentabilité « sera
beaucoup plus dur au second semestre », a
prévenu le directeur général de Bank of
America Kenneth Lewis, en rappelant que sa
banque avait bénéficié de gains qui ne se
reproduiront plus, comme la vente de parts
dans la banque chinoise CCB.
Le secteur manufacturier est encore mal en
point - Rudy LeCours
«
Ce recul plus prononcé et la relance attendue de
la production automobile suggèrent une reprise
plus rapide du PIB et du secteur manufacturier en
deuxième moitié d’année. »
D’aucuns croyaient que l’activité en usine s’était
stabilisée au printemps. C’était sans compter les
déboires de l’industrie automobile et la
volatilité du secteur aéronautique.
La fermeture de plusieurs usines d’assemblage en
Ontario aura fait plonger de 25,4% les ventes des
fabricants de cette industrie. Elle aura aussi
diminué les livraisons de producteurs de métaux
transformés (acier et aluminium surtout).
Au final, les ventes des fabricants canadiens ont
reculé de 6% d’avril à mai, indiquait hier
Statistique Canada, soit
près de trois fois plus que ce à quoi
s’attendaient les experts.
Exprimées en volume, les ventes reculent de 5,8 %,
ce qui indique que le mouvement ne peut être
attribué à une baisse des prix. En fait, ceux du
pétrole ont même beaucoup augmenté durant le mois.
« À court terme, cela frappe durement le Produit
intérieur brut au deuxième t r i mestre, notent
Derek Holt et Karen Cordes, économistes chez
Scotia Capitaux. Ce recul plus prononcé et la
relance attendue de la production automobile au
cours du présent trimestre suggèrent une reprise
plus rapide du PIB et du secteur manufacturier en
deuxième moitié d’année. »
Très instable, le secteur aéronautique a effacé au
cours du mois tous ses gains d’avril. Le plongeon
de 55 % de ses livraisons a fait chuter de 9,1 %
la valeur des livraisons en provenance du Québec,
plus touché encore que l’Ontario. Après cinq mois,
les ventes du secteur essuient un repli de 8,6 %
sur la période correspondante de l’an dernier.
Si on exclut le matériel de transport, le recul
des ventes des fabricants est contenu à 2,1 %,
mais la majorité des secteurs est touchée.
Pour donner une idée de l’ampleur de la récession
manufacturière, rappelons que la valeur des ventes
des fabricants s’élevait à 51,5 milliards en mai
2008. Le huard s’échangeait alors à peu près au
pair avec le billet vert et malmenait déjà les
fabricants. Un an après, la valeur des ventes est
ramenée à 38,4 milliards même si notre monnaie
s’échangeait en mai contre environ 90 cents
américains. Il s’agit d’un plongeon de 25% des
ventes.
Rien
n’indiquait en mai que l’activité soit sur le
point de rebondir : la valeur des nouvelles
commandes était en baisse de 7,2 % sur avril, mais
de 38,6 % sur leur sommet d’octobre.
« Si on a en tête les chiffres de la balance
commerciale de mai, ces données ne constituent pas
vraiment une surprise, note Charmaine Buskas,
économiste principal chez TD Valeurs mobilières. Elles reflètent la faiblesse de
la demande américaine. Cela va continuer tant
que l’économie américaine ne prendra pas du
mieux. »
« Le secteur américain n’est pas encore en
convalescence, renchérit Joëlle Noreau, économiste
principale chez Desjardins. Son état se détériore
moins rapidement, mais il décline encore un peu. »
En mai, le Canada a enregistré son surplus
commercial le plus faible avec les États-Unis.
Ces chiffres ne surprennent pas non plus, si on
considère qu’il s’est détruit 58 400 emplois en
usine en mai, selon les données de l’ Enquête sur
la population active de l’agence fédérale.
« Chrysler a fermé son usine de fourgonnettes de
Windsor tandis que GM fermait celle de pickups à
Oshawa », rappelle Jean-Michel Laurin,
vice-président affaires internationales des
Manufacturiers exportateurs du Canada (MEC).
M. Laurin n’est pas alarmiste pour autant.
L’enquête mensuelle la plus récente des MEC révèle
que 51 % des membres avaient enregistré une
diminution de leurs ventes au printemps, mais que
69% s’attendent à ce qu’elles s’améliorent ou se
stabilisent au cours de l’été. « Ça nous porte à
croire que ça va rebondir au cours des prochains
mois. » Ces résultats concordent avec ceux de
l’Enquête sur les perspectives de la Banque du
Canada réalisée dans la première quinzaine de
juin.
M. Laurin déplore toutefois que les producteurs
d’acier, qui devraient profiter des programmes de
relance des gouvernements, n’aient pas encore
senti le vent tourner.
La consommation toujours en panne
- Marc Jourdier
« La
frénésie d’achats n’est pas encore de retour »,
constate l’économiste indépendant Joel Naroff, pour
qui « les dépenses de consommation des ménages ne
devraient pas avoir beaucoup contribué à la
croissance au deuxième trimestre ».
— Les ventes de détail aux États-Unis ont progressé
en juin pour le deuxième mois de suite, mais la
consommation, vitale pour le retour du pays à la
croissance, ne parvient toujours pas à décoller. Alors que la reprise est
attendue pour le deuxième semestre, les autorités
de Washington comptent faire revenir les
Américains dans les magasins grâce au plan de
relance promulgué en février et à l’action de la
banque centrale (Fed) pour débloquer le marché du
crédit à la consommation.
Selon les chiffres corrigés des variations
saisonnières publiés hier par l e département du
Commerce à Washington, les ventes des distributeurs
et des entreprises de restauration ont progressé en
juin de 0,6 % par rapport à mai (contre 0,5 % le
mois précédent).
La hausse est plus forte que prévu par les
analystes, qui l’attendaient à +0,4 %.
Mais si l’on exclut les ventes d’essence (soumises à
de fortes variations de prix) et d’automobiles
(sujettes à des fluctuations importantes d’un mois à
l’autre), l’indice est en baisse pour le quatrième
mois consécutif, un recul de 0,2 %.
Cet i ndice ne t enant pas compte des variations de
prix, il a été artificiellement gonflé par la hausse
de l’activité des stationsservice (+5,0 % sur un
mois), liée à un renchérissement de l’essence de
18,5 % en juin, selon d’autres chiffres publiés par
le département du Travail.
La hausse des ventes d’automobiles (+2,3%) a
également joué un rôle important. Malheureusement,
« La f rénésie d’achats n’est pas encore de retour
», constate l’économiste indépendant Joel Naroff,
pour qui « les dépenses de consommation des ménages
ne devraient pas avoir beaucoup contribué à la
croissance au deuxième trimestre ».
Pour
Elsa Dargent, économiste de Natixis, c’est même
l’inverse : « Étant donné la faiblesse de l’indice
de base des des deux tiers de la croissance du
produit intérieur brut des États-Unis.
Après son effondrement du second semestre 2008, la
consommation a progressé de 1,4 % en rythme annuel,
au premier trimestre, sans pour autant empêcher une
chute du PIB de 5,5 %.
Le ministère du Commerce doit publier le 30 juillet
sa première estimation du PIB pour le estime Michael
Gregory, économiste de BMO Capital Markets, elle est
liée uniquement à un effet de prix car les volumes
ont baissé.
Sur les 13 composantes de l’indice des ventes de
détail, six ont baissé en juin, et une est restée
stable. ventes de détail au cours des trois derniers
mois, la consommation devrait avoir baissé au
deuxième trimestre. »
Les ventes de détail donnent une bonne idée de la
tendance de la consommation des ménages, qui
représente normalement plus deuxième trimestre, qui
devrait faire apparaître une nouvelle baisse de
l’activité, pour le quatrième trimestre de suite,
mais moins forte que pendant les trois mois d’hiver.
Alors que la reprise est attendue pour le deuxième
semestre, les autorités de Washington comptent faire
revenir les Américains dans les magasins grâce au
plan de relance promulgué en février et à l’action
de la banque centrale (Fed) pour débloquer le marché
du crédit à la consommation.
Mais avec l’augmentation du chômage et la baisse
continue des prix de l’immobilier, qui appauvrit les
propriétaires de leur logement (plus de 67% des
ménages), les Américains font preuve de prudence et
préfèrent se désendetter et épargner : la part de
leur revenu disponible mis de côté est au plus haut
depuis plus de 15 ans.
Les chiffres des ventes de détail « laissent penser
que les dépenses réelles de consommation continuent
de se stabiliser », remarque Patrick Newport,
économiste de l’institut IHS Global Insight, « mais
cellesci ne sont pas encore engagées sur la voie
d’une reprise ferme », et devraient avoir baissé de
« 0,3 % à 0,5 % » en rythme annuel au deuxième
trimestre.
Fort ressac des fusions et
acquisitions - Martin Vallières
Le
pire marché depuis au moins six ans !
Après
quelques années records, c’est la disette dans le
marché des fusions et acquisitions d’entreprises
(F&A), conséquence de la grave crise
financière et boursière de l’automne 2008.
« Le pire semestre en valeur et en nombre de
transactions depuis 2003 » constate la firme
Mergermarket de Londres et de New York dans son
plus récent relevé international des F & A,
obtenu par La Presse Affaires.
Durant les six premiers mois de 2009, 3873
transactions de F&A d’entreprises à capital
ouvert ont été annoncées dans le monde, pour une
valeur globale de 709,2 milliards US.
Or, même importants en apparence, ces nombres
représentent une baisse d’au moins un tiers par
rapport à la même période un an plus tôt.
Ces nombres s’avèrent en atrophie considérable par
rapport à la dernière période de bouillonnement
des F&A, qui remonte à la mi-année 2007.
D’un point de vue continental, c’est en Europe que
la crise du marché des F&A est la plus brutale
depuis le début de 2009. Et cette baisse s’est
même accentuée durant le deuxième trimestre de
2009 par rapport au trimestre précédant, sur une
base annualisée.
Fait à s ouligner : la liste des plus grosses
transactions en Europe témoigne de l’ampleur de la
crise bancaire en Grande-Bretagne.
En ef fet , le gouvernement britannique, ou Her
Majesty’s Treasury en termes officiels, s’est
hissé parmi les cinq plus importants « acquéreurs
» après ses prises de participation de sauvetage
dans deux grandes banques : la Royal Bank of
Scotland et la Lloyds Banking.
En Amérique du Nord, pendant ce temps, le déclin
du marché des F& A au premier semestre 2009
était moins accentué qu’en Europe, selon le relevé
de Mergermarket.
Même que la part nord-américaine du marché mondial
des F&A s’est accrue à 50 % selon la valeur,
comparativement à 35 % un an plus tôt.
En nombre, cependant, cette part nord-américaine
est demeurée stable au tiers environ du total
mondial.
Par
ailleurs, une transaction survenue au Canada –
l’achat de Petro-Canada par Suncor Energy pour
18,4 milliards US – fait partie des cinq plus
importantes annonces de F&A depuis le début de
l’année.
Mais en dépit de cette transaction d’une ampleur
exceptionnelle, le marché canadien des F&A
demeure difficile.
« C’est l’une des pires périodes d’incertitude
jamais enregistrée », estime Ed Giacomelli,
directeur général de la firme Crosbie & Co,
dans son plus récent relevé trimestriel de F&
A au Canada.
En excluant la mégatransaction de Suncor et
Petro-Canada, l’évolution moyenne du nombre et de
la valeur des F& A au Canada au premier t
rimestre 2009 était encore en baisse de près de 30
% par rapport au trimestre précédent.
N’empêche, Crosbie & Co. a décelé des indices
de regain vers la fin du premier trimestre, au fur
et à mesure qu’un « sentiment de calme commençait
à revenir sur les marchés financiers ».
Hypothèse réaliste, avec le regain boursier des
derniers mois?
En tout cas, au niveau mondial, le relevé de
Mergermarket suggère que seule la région de l
’Asie-Paci f ique montre des signes de relance du
marché des F&A d’entreprises.
« La région de l’Asie-Pacifique tient un rôle de
plus en plus important dans le marché mondial des
F&A », constatent ses analystes.
Le nombre et la valeur des t ransactions de
F&A dans la région la plus populeuse du globe
était en rebond notable durant les t rois derniers
mois, par rapport au trimestre précédent.
Avec ce rebond, la part asiatique du marché
mondial des F&A vient de passer le seuil de 20
% en valeur et en nombre, relève Mergermarket.
Par ailleurs, autre symptôme de la récente crise
financière : des grandes banques américaines et
britanniques figurent parmi les « vendeurs » sur
la liste des grosses transactions de F&A
survenues en Asie-Pacifique depuis le début de
2009.
Entre autres, les américaines Citigroup et Bank of
America ont cédé des participations dans des
groupes financiers au Japon et en Chine, pour des
valeurs respectives d’un peu plus de sept
milliards US.
RÉSULTATS TRIMESTRIELS FORTE BAISSE
DES PROFITS EN VUE
Les grandes sociétés comme Ford et ArcelorMittal
risquent de voir leur bénéfices glisser encore
davantage au cours du prochain trimestre, alors
que le pire taux de chômage à frapper les
ÉtatsUnis en un quart de siècle freine toujours la
consommation.
La baisse des prof i t s des sociétés composant l
’ i ndice Sta ndard & Poor ’ s 500 I ndex
pourrait tomber à 21% au terme du trimestre allant
de juillet à septembre, après un recul estimé à 34
% au second trimestre et d’environ 60% au cours
des trois premiers mois de l’année, selon des
données compilées par S&P et Bloomberg. Les
bénéfices du quatrième trimestre pourraient être
supérieurs à ceux des derniers mois de 2008,
lesquels avaient été érodés par l’effondrement des
marchés financiers.
Aux États-Unis , première économie de l a planète,
les consommateurs restent toujours préoccupés par
la situation de l’emploi, disent les analystes et
les investisseurs. Le taux de chômage a atteint en
juin un sommet en 26 ans, soit 9,5 %. Tant que les
Américains ne se remettront pas à acheter des
voitures, des téléphones cellulaires et des
vêtements, la plupart des grandes sociétés
américaines, asiatiques et européennes risquent de
continuer à réduire leurs dépenses.
Les livraisons ferroviaires et autres i ndicateurs
en matière de transport aux États-Unis ne donnent
pas vraiment à penser que les manufacturiers se
préparent en vue d’une reprise de la demande, note
Mark Demos, gestionnaire de portefeuille chez
Fifth Third Asset Management, à Minneapolis. Les
livraisons ferroviaires ont chuté de 19 % depuis
le début de l’année et de 18% dans la semaine se
terminant le 20 juin.
Google, le géant de la publicité sur l’internet,
pourrait afficher un résultat se situant au 2e
rang de ses plus faibles hausses de profits depuis
son inscription en Bourse. Quant à Microsoft, ses
ventes risquent de plonger pour le deuxième
trimestre consécutif, selon 22 analystes sondés
par Bloomberg. Avant le trimestre bouclé en mars,
les ventes du premier fabricant mondial de
logiciels n’avaient jamais décliné.
Les utilisateurs de téléphone cellulaire optent
maintenant pour des forfaits bon marché qui ne les
obligent pas à acheter un appareil, indique
Andreas Mark, gestionnaire de fonds chez Union
Investment, à Francfort. La société finlandaise
Nokia, qui domine le marché mondial du téléphone
cellulaire, pourrait ainsi essuyer un recul de
bénéfices de 67 %, estiment les analystes.
Selon quatre analystes sondés par Bloomberg, le
constructeur américain Ford, qui a vu ses ventes
plonger de 33% aux ÉtatsUnis de janvier à juin,
pourrait boucler le second trimestre avec des
pertes de 718,3 millions US, ce qui est largement
inférieur aux pertes de 8,7 milliards US qu’il a
essuyées un an auparavant.
La chute de la demande, tant dans le secteur du
détail que de la production manufacturière, a fini
par affecter les fournisseurs de matières
premières, de sorte que des entreprises des
secteurs de l’aluminium et des produits c hi
miques peinent à r ester rentables.
Les sociétés sidérurgiques sont victimes d’une
dépression des prix qui sont tombés à leur plus
bas depuis la Deuxième Guerre mondiale. Le géant
mondial de l’acier, le groupe luxembourgeois
ArcelorMittal, pourrait afficher sa troisième
perte consécutive avant de renouer avec les
bénéfices au troisième trimestre, estiment les
analystes.
L a pr e mière minière du monde, l ’Aust r a l i
enne BHP Billiton, pourrait annoncer un premier
recul du bénéfice annuel en neuf ans pour
l’exercice bouclé le 30 juin.
LES INVESTISSEURS BATTENT EN RETRAITE
- Hélène Baril
La
Bourse de Toronto perd 255 points
Après une remontée qui avait fait croire au retour
des beaux jours, les investisseurs ont battu en
retraite hier en l’absence de signes clairs de
reprise économique, et c’est la Bourse de Toronto
qui en a souffert le plus.
PHOTOMONTAGE LA
PRESSE D’APRÈS UNE PHOTO DE FRANK GUNN, PC
HÉLÈNE BARIL
Les titres liés au pétrole et autres produits de
base ont plongé et l’indice S&P/ TSX perdait
plus de 330 points en mi-journée hier. En fin de
séance, la perte était de 255,67 points, soit 2,5
%, la pire dégringolade en deux semaines.
Cette correction était plus ou moins attendue par
les analystes, parce que les prix du pétrole et
des produits de base avaient augmenté rapidement
récemment, en même temps que l’espoir d’une fin
prochaine de la récession.
Le marché ne va jamais en ligne droite, rappelle
Luc Fournier, gestionnaire de fonds à l’
IndustrielleAlliance. « On aimerait voir des
signes de reprise très clairs mais ce n’est pas ce
qui se passe », explique-t-il, en rappelant que
les marchés financiers sont des marchés de
perception.
Et
les perceptions, actuellement, sont plutôt
négatives. « Les chiffres sur l’emploi publiés la
semaine dernière aux États-Unis, plus mauvais que
prévu, ont fait mal », précise-t-il.
Les perspectives de reprise s’éloignant, le
pétrole brut a continué sa glissade entamée la
semaine dernière et perdu encore 2,68 $ US, à
64,05 $ US.
Au Canada, dont le principal produit d’exportation
est le pétrole brut, l’effet a été direct. Tous
les titres liés au pétrole ou aux produits de base
de la Bourse de Toronto ont plongé, les pertes les
plus importantes étant celles de Suncor Energy,
qui a perdu jusqu’à 6,4 % de sa valeur, et
d’Equinox Minerals, qui a été rétrogradé de 13 %.
À New York, les marchés se sont mieux tirés
d’affaire, grâce surtout à des nouvelles
encourageantes du côté du secteur des services.
L’indice Dow Jones a même fini la journée en
terrain positif et le S&P 500 a gagné 2,3
points. L’indice NASDAQ a de son côté laissé
échapper 9,12 points.
Le
dollar canadien a pris 0,19 cent US, à 86,27 $ US
mais la Bourse de Toronto, très liée à l’énergie
et aux métaux, n’a trouvé aucune bonne nouvelle
pour soutenir son cours.
Selon Luc Fournier, le raffermissement du dollar
américain met aussi une pression à la baisse sur
le prix du pétrole, qui amplifie l’effet négatif
sur la Bourse canadienne. « Quand l’incertitude
économique augmente, les i nvestisseurs
recherchent le dollar américain comme monnaie
refuge », explique-t-il.
La prochaine ronde de résultats trimestriels des
entreprises, qui sera lancée demain par Alcoa,
pourrait diminuer cette incertitude. « On va mieux
savoir à quoi s’en tenir », estime le
gestionnaire. Si les pertes des principales
entreprises américaines se stabilisent ou
diminuent, l’espoir pourrait renaitre,
estime-t-il.
À moyen terme, les perspectives sont bonnes pour
les produits de base, du moins selon les analystes
de UBS, qui viennent de relever leurs prévisions
pour le prix des métaux, à l’exception de celui de
l’aluminium.
Une autre firme américaine, Morgan Stanley, estime
que le pire est derrière nous pour les métaux et
les produits de base. Ses analystes tablent sur
une remontée du prix des métaux, encouragée par
les programmes gouvernementaux de stimulation
économique. La Chine, plus important consommateur
de produits de base dans le monde, a déjà accru
ses importations de fer, de cuivre et d’aluminium
grâce aux mesures de stimulation de l’économie de
son gouvernement. Éventuellement, ces mesures
devraient déclencher une reprise durable de la
croissance de la demande, estime Morgan Stanley.
L’économie américaine reste fragile -
Marc Jourdier
PERTES D’EMPLOIS
WASHINGTON — Les destructions d’emplois aux
États-Unis ont fortement accéléré en juin, après
quatre mois de baisse, venant rappeler la
fragilité de la première économie mondiale, encore
loin d’être sortie d’affaire en dépit de
l’optimisme qui régnait jusqu’ici dans les milieux
boursiers.
Selon les chiffres corrigés des variations
saisonnières publiés hier par l e département du
Travail à Washington, l’économie américaine a
perdu 467 000 emplois nets en juin, soit 45% de
plus que le mois précédent.
Le nombre des destructions d’emplois s’est révélé
bien plus élevé que les 365 000 suppressions de
postes estimées par les analystes.
Les licenciements du mois de juin ont fait monter
le taux de chômage américain de 0,1 point, à 9,5
%, ce qui reste son plus haut niveau depuis août
1983.
Ce taux serait bien plus élevé s’il tenait compte
des plus de 6,4 millions de personnes disant
vouloir trouver un emploi, mais non comptabilisées
dans la population active pour diverses raisons,
ou des neuf millions de personnes contraintes de
travailler à temps partiel contre leur gré du fait
de la conjoncture économique.
Depuis le début de la récession en décembre 2007,
la première économie mondiale a perdu 6,5 millions
d’emplois et compte désormais 14 , 7 mi l l i ons
de chômeurs.
Les destructions d’emplois ont touché tous les
pans de l’économie, à l’exception du secteur de
l’éducation et des services de santé, et de celui
des « autres services » (essentiellement les
teintureries).
Le nombre d’emplois sacrifiés a plus que doublé
dans le domaine des services, où travaille plus de
85 % de la main-d’oeuvre non agricole.
Jetant un jour cru sur la fragilité de la
conjoncture américaine, les chiffres du ministère
ont fait chuter Wall Street, où l’indice de
référence, le Dow Jones, avait gagné 11 % d’avril
à juin – sa
meilleure progression trimestrielle en six ans –
avec les signes de stabilisation de l’économie.
Mais stabilisation ne vaut pas rétablissement
comme l’a rappelé la banque centrale ( Fed) il y a
huit jours, à l’issue d’une réunion de politique
monétaire.
Pour l a Fed, comme pour l e gouvernement et
nombre d’économistes, si les États-Unis vont,
selon toute vraisemblance, renouer avec la
croissance au deuxième semestre, la reprise
s’annonce cahotique et fragile.
« Le grand nombre de licenciements en juin est un
message d’alerte sur le fait que la récession a
encore du chemin à faire avant de s’achever »,
estime l’économiste indépendant Joel Naroff.
Pour Milan Mulraine, analyste de TD Financial, il
n’y a rien qui puisse laisser « penser qu’un
retournement du marché du travail soit à l’horizon
».
« Le chômage va continuer de monter jusqu’en 2010
et en 2010 » , estime Elsa Dargent, économiste de
Natixis, alors que Sal Guatieri, de BMO Marché des
capitaux, s’inquiète de « la source continuelle de
risques sur les perspectives économiques » que
représentent les destructions d’emplois massives.
Même la baisse des nouvelles inscriptions
hebdomadaires au chômages publiée également hier
par le ministère suscite peu d’enthousiasme.
La tendance semble ralentir, mais il ne s’agit que
d’une « inflexion, ce qui est bienvenu, mais bien
moins emballant qu’un véritable retournement »,
relève I a n Shepherdson, de l’institut HFE.
Par l a voix de son porteparole Robert Gibbs, le
président américain Barack Obama s’est dit «
profondément déçu » et « inquiet » devant ces
données, tout en relevant des signes de «
stabilisation ».
« Il est évidemment profondément déçu devant la
poursuite des suppressions d’emplois », a dit M.
Gibbs à la presse.
Il a cependant réfuté que les nouveaux chiffres
indiquent que le gigantesque plus de relance
promulgué début 2 0 0 9 pa r M. Obama soit
inefficace.
EUROPE Le chômage atteint des sommets de
10 ans
— Le
taux de chômage dans la zone euro a atteint son plus
haut niveau depuis 10 ans en mai, alors que les
entreprises continuent à supprimer des emplois pour
faire face à la pire récession depuis la Deuxième
Guerre mondiale.
Le taux de chômage dans les 16 pays partageant
l’euro s’est établi à 9,5 % en mai, contre 9,3 % en
avril, a indiqué hier l’office européen des
statistiques Eurostat.
C’est du j amais vu depuis mai 1999, a précisé
l’office. C’est aussi le quatorzième mois consécutif
de hausse du chômage dans la zone euro.
« La contraction profonde et étendue de l’activité,
la faible confiance des entrepreneurs et la
détérioration de la rentabilité poussent nettement
le chômage à la hausse », a commenté l’économiste
Howard Archer, de l’institut IHS Global Insight.
En un mois, le nombre de sansemploi a progressé de
273 000 dans la zone euro pour arriver à un total de
15,013 millions de personnes.
Il y a un an, en mai 2008, le taux de chômage dans
la zone euro s’inscrivait encore à 7,4 %, après
avoir atteint un plus bas de 7,2 % en mars 2008.
Mais il a depuis augmenté régulièrement,
accompagnant la dégradation de la situation
économique.
Les signes d’une amélioration de la situation se
sont multipliés ces derniers mois, avec notamment un
regain de la confiance des entrepreneurs et
consommateurs. Les responsables européens prévoient
que l’ Europe sortira de la récession économique
dans le courant de l’année 2010.
Mais
le chômage, indicateur qui réagit toujours avec un
certain décalage par rapport à l’évolution de la
conjoncture, devrait continuer à grimper.
« Le chômage devrait sûrement augmenter encore
nettement », note l ’ é c onomiste J en ni f er
McKeown, de Capital Economics, qui prévoit que le
c hômage devrait atteindre environ 12 % l’an
prochain.
Dans ses dernières prévisions économiques publiées
en mai, la Commission européenne s’attend à ce que
le taux de chômage atteigne 9,9 % dans la zone
euro cette année, puis 11,5 % en 2010.
« Nous soupçonnons que l’activité économique va
rester trop faible pour créer des emplois pendant
encore une bonne partie de 2010 », souligne de son
côté Howard Archer.
« Le chômage qui augmente nettement va affecter la
consommation des ménages, particulièrement parce
qu’il risque de conduire à un ralentissement de la
hausse des salaires », a-t-il ajouté.
Dans l’ensemble de l’ Union européenne, le taux de
chômage a atteint 8,9 % en mai, à son plus haut
niveau depuis juin 2005. Il avait été de 8,7 % en
avril.
L’Espagne continue à avoir le taux de chômage le
plus élevé de l’UE, à 18,7 %. C’est à nouveau une
nette progression mensuelle, après 18 % en avril.
Viennent ensuite la Lettonie (16,3 %) et l’Estonie
(15,6 %).
L’habitation toujours déprimée aux
États-Unis - Rudy LeCours
«
Les transactions sur le marché de la revente sont
en hausse pour le deuxième mois d’affilée, note
Karen Cordes, économiste chez Scotia Capitaux.
Cela suggère que les acheteurs y sont attirés par
des prix plus attrayants et par les reventes après
saisies. »
Si le redressement dumarché américain de
l’habitation est un préalable à la reprise, alors
les États-Unis demeurent bel et bien en récession
au cours du présent trimestre.
Les ventes de maisons neuves en mai ont déjoué les
attentes des experts qui tablaient sur une hausse
de plus de 2%. Elles ont plutôt diminué de 0,6%,
mais, à leur décharge, les chiffres d’avril ont
été révisés à la hausse.
Ce qui fait mal toutefois, c’est qu’elles sont en
chute libre de 34% en un an, soit davantage que
d’avril 2008 à 2009. Sur une base régionale, le
repli mensuel est concentré dans les États du Sud.
Seule note encourageante, les prix se stabilisent.
Le médian est en baisse de 3,4% depuis an, alors
que le moyen accuse un recul de 8%. Ces
pourcentages sont beaucoup plus faibles qu’en
avril et s’expliquent en bonne partie par la
diminution des mises en chantier. Cela n’est guère
le signe d’une contribution à la croissance venant
de la construction.
« Les transactions sur le marché de la revente
sont en hausse pour le deuxième mois d’affilée,
note Karen Cordes, économiste chez Scotia
Capitaux. Cela suggère que les acheteurs y sont
attirés par des prix plus attrayants et par les
reventes après saisies. »
Le prix médian sur le marché de la revente s’est
stabilisé, mais il reste en baisse de 16% par
rapport à ceux d’il y a un an.
Au Canada, on assiste aussi à un recul des prix
sur le marché de l’habitation. Le repli va
s’accentuant même, mais reste sans commune mesure
avec ce qui se passe au sud de la frontière.
L’indice Teranet-Banque Nationale fait état d’un
repli annuel de 6,7% en avril, comparativement à
5,8% en mars. Il existe de grandes différences
régionales cependant puisque la correction est
concentrée à l’ouest d’Ottawa. À Montréal par
exemple, les prix sont toujours en hausse de 2,4%
sur une base annuelle et de 0,2% de mars à avril.
Sur le marché américain de la revente, le nombre
de transactions s’élevait à 4,77 millions le mois
dernier, ce qui est beaucoup mieux que le creux de
2,29 millions enregistré en janvier.
« Les ventes de maisons ont sans doute été
appuyées par la faiblesse des taux d’intérêt
hypothécaires », soutient Francis Généreux,
économiste principal chez Desjardins, qui souligne
cependant que « les récentes semaines ont témoigné
d’une hausse substantielle des taux hypothécaires
».
Le taux d’une hypothèque amortie sur 30 ans est
passé de 4,6% à la mi-mai à 5,5% ces jours-ci. La
barre des 5% représente un seuil psychologique
pour bien des premiers acheteurs et des
emprunteurs désireux de trouver un refinancement
apte à diminuer leurs mensualités pour éviter la
saisie de leur propriété.
Les prêteurs se font tirer l’oreille au point où
plusieurs emprunteurs embauchent des avocats pour
renégocier leurs prêts. Ce climat malsain a été
dénoncé par le président Barack Obama.
Certains y voient une occasion d’affaires. Ainsi,
la nouvelle firme américaine Homeowner Toolbox
propose, moyennant 99$US, une expertise en ligne
pour remplir adéquatement son dossier de crédit de
manière à convaincre un éventuel prêteur. Un
négociateur facture ses services de 3000$US à
4000$US.
Les prêteurs vont néanmoins continuer de se faire
tirer l’oreille, en dépit des efforts de la
Réserve fédérale et les exhortations de la
Maison-Blanche.
L’endettement des ménages représentait 70% de la
taille de l’économie américaine en 2000. C’est
rendu à 98%. « Au début des années 1980, chaque
dollar de dette était adossé à 8$ d’actif, note
Michel Doucet, viceprésident, Groupe conseil en
portefeuille, chez Valeurs mobilières Desjardins.
Aujourd’hui, les ménages disposent de 5$ d’actif
par dollar de dette. »
Les consommateurs acculés à la simplicité
volontaire - Rudy leCours
Les très nombreuses pertes d’emplois de l’automne
et de l’hiver incitent les Canadiens à goûter
davantage, peut-être malgré eux, aux joies de la
simplicité volontaire.
Après avoir fait fi de la dure réalité économique
durant trois mois pour profiter des multiples
soldes des détaillants, les consommateurs ont
choisi de leur laisser moins d’argent en avril. La
valeur des ventes au détail a fléchi de 0,8%, à
hauteur de 33,5 milliards. Il s’agit du montant le
plus faible depuis décembre, indiquait hier
Statistique Canada.
À l’échelle provinciale, les marchands québécois
ont encaissé le pire recul à hauteur de 2,5%. Il
faut préciser cependant que c’est dans la société
distincte où les ventes avaient le plus progressé
en mars.
Les nombreux soldes expliquent sans doute le repli
de 1,8% de la valeurdesventesdevéhiculesneufs. Une
enquête précédente de l’agence fédérale avait
révélé que les ventes des concessionnaires étaient
restées stables lorsqu’on les exprime en volume.
Les résultats préliminaires demai indiquent une
augmentation des volumes de 1,0%.
Les autres détaillants n’ont pas cette chance.
Même en consentant des rabais ou en multipliant
les promotions, le volume de l’ensemble des ventes
au détail a reculé de 0,6% au cours du mois.
Seuls les magasins de matériaux de construction ou
de produits extérieurs pour la maison ainsi que
les commerces de marchandises diverses ont connu
un chiffre d’affaires un peu plus élevé au cours
du mois.
Les premiers commencent à profiter des déductions
fiscales pour favoriser la rénovation tandis que
la bonne fortune des seconds est sans doute
attribuable à des modifications des habitudes
d’achat: on fréquente davantage les magasins de
type Dollarama dans le but de faire des économies.
Le taux d’épargne personnel a d’ailleurs progressé
rapidement au cours de la dernière année pour
atteindre 4,7% au premier trimestre, note
Sébastien Lavoie, économiste chez Valeurs
mobilières Banque Laurentienne. « Les ménages
veulent payer moins cher en ces temps difficiles.
Pour bien des gens, le luxe et les petites
gâteries n’ont plus leur place en cette période de
récession. »
À preuve, les ventes de magasins de bière, de vin
et de spiritueux ont baissé de 1,7% au cours du
mois, celles des magasins d’alimentation
spécialisée de 1,8%, soit autant que celles des
magasins de meubles.
« La diminution observée en avril est un rappel
que les difficultés du commerce de détail ne sont
pas complètement effacées », souligne Benoit P.
Durocher, économiste senior chez Desjardins. Il
note toutefois que le volume des ventes des
détaillants paraît s’être stabilisé depuis
quelques mois après de forts reculs durant l’été
et l’automne.
Cela signifie donc que les marchands rognent leurs
bénéfices pour attirer les clients. Il faut
rappeler que ces mêmes marchands ont mis plusieurs
mois à refiler aux consommateurs leur pouvoir
d’achat accru par la force du dollar canadien qui
s’est maintenu en haut des 90 cents d’équivalence
pendant plus d’un an avant de plonger sous les 80
cents US, en octobre. « La stabilisation des mises
en chantier de logements et une quatrième hausse
consécutive des ventes de logements existants en
mai pourraient aider à inverser la longue
décroissance des ventes en volume des magasins de
meubles, de produits électroniques et d’appareils
ménagers », fait remarquer pour sa part Marc
Pinsonneault, économiste principal à la Financière
Banque Nationale.
Cela dit, les beaux jours des détaillants
reviendront quand le marché du travail se sera
vraiment stabilisé. Cela va exiger encore quelques
mois.
La Banque mondiale glace les
marchés - Rudy LeCours
La Bourse de Toronto connaît sa première
correction importante en trois mois
La Banque mondiale a fourni un joli prétexte à
une correction des marchés financiers en
confirmant que la récession mondiale allait
être plus grave que ce qu’elle croyait, il y a
trois mois à peine.
Le 11 j uin, l ’ organisme situé à Washington
avait annoncé son intention prochaine de
réviser à la baisse son scénario de
décroissance de 1,7% de l’économie mondialisée
publié en mars. La nouvelle n’avait guère fait
broncher les investisseurs encore subjugués
par le rallye le plus rapide et le plus fort
en sept décennies.
Hier, la Banque a précisé que la contraction
mondiale risque d’atteindre 2,9% en 2009 et
que la reprise de 2010 sera de 2,0% seulement
plutôt que 2,3%, en dépit de la meilleure
performance que prévu de la Chine.
Les grands indices boursiers d’Europe et
d’Amérique du Nord ont décroché sur-lechamp. À
New York, la correction amorcée la semaine
dernière s’est accentuée. À Toronto, on a mis
fin à deux séances positives d’affilée par une
chute de plus de 4% de l’indice-phare S&P/
TSX.
« Les rallies de fin de récession ne vont
jamais en ligne droite, rappelle Pierre
Lapointe, stratège et analyste quantitatif à
la Financière Banque Nationale. Il ne faut pas
se surprendre de ce qu’on voit. »
« On sentait un essoufflement depuis le mois
de mai. Le repli actuel reflète un réel
épuisement, renchérit Vincent Delisle,
stratège chez Scotia capitaux. La Banque
mondiale est seulement un prétexte. Les
investisseurs choisissent les nouvelles qui
font leur affaire. »
Sur le marché des monnaies, le retour de
l’aversion pour le risque a permis au billet
vert de s’apprécier contre toutes les autres
devises. Dans ce mouvement, le huard a effacé
les gains de plusieurs semaines, même si les
perspectives à moyen terme demeurent du côté
de l’appréciation de notre monnaie.
« J’ai beaucoup de difficulté à croire à la
cherté du pétrole à court terme. C’est plutôt
un retour à la spéculation », fait remarquer
Frédérique Mayrand, premier vice-président,
taux d’intérêt et changes, chez BNP-Paribas
Canada. Il ajoute que les étrangers ont une
perception du Canada meilleure que celle des
Canadiens eux-mêmes, ce qui reste favorable au
huard.
Les
sombres prévisions de la Banque mondia le
vont à l’encontre des propos encourageants
tenus par d’autres organismes
internationaux, dont ceux de l’organisation
soeur, le Fonds monétaire international (
FMI). Le scénario du FMI table plutôt sur un
recul de 1,3% de la croissance cette année,
suivi d’une reprise de 2,4% en 2010. Le 19
juin, il a même annoncé son intention de le
réviser modestement à la hausse.
Pour sa part, l’Organisation de coopération
et de développement économique (OCDE)
prévoyait en mars une contraction de 4,3%
des économies de ses 30 pays membres.
Son secrétaire général, Angel Gurria, a
déclaré hier à l’agence Bloomberg que ses
prévisions révisées à paraître plus tard
cette semaine ne « seront pas pires que les
précédentes ».
Selon la Banque mondiale, les vastes plans
de relance des banquiers centraux et des
gouvernements auront permis d’éviter
l’effondrement du système financier.
Ils
n’ont pas encore ranimé l’économie réelle.
Voilà pourquoi elle prévoit un nouveau recul
de 10 % du commerce international de même
qu’une nouvelle chute des flux de capitaux
internationaux. De 1200 milliards US en
2007, ils sont tombés à 707 milliards US
l’an dernier et plongeront à 363 milliards
US seulement cette année.
La Banque craint d’ailleurs une aggravation
de la pauvreté liée à la chute des
investissements dans les pays en
développement. Elle s’attend à ce que 53
millions de personnes risquent la pauvreté
extrême.
Elle croit en outre que la situation
présente devient un terreau fertile pour des
soulèvements populaires, en particulier dans
les pays d’Europe de l’Est. « Si nous
n’adoptons pas des politiques, il y a risque
d’une grave crise sociale et humaine à
fortes incidences politiques », a prévenu
son président, Robert Zoellick, dans une
interview au quotidien espagnol El Pais,
citée par la BBC.
La Banque exhorte les pays riches à
respecter leurs engagements envers les pays
en développement pour ne pas aggraver la
crise.
BOURSIÈRE Mauvaise semaine à Toronto
La
Bourse de Toronto a clôturé en nette hausse hier,
reflétant un certain optimisme chez les
investisseurs à la fin d’une semaine qui s’est
révélée être la plus difficile en plus d’un mois.
L’indice composite S&P/ TSX a avancé de 166,45
points, soit 1,64%, pour clôturer à 10 287,95
points. Il s’agit de la deuxième séance haussière
consécutive pour le parquet, qui a bien réagi à la
publication, jeudi, de données du Conference Board
américain qui pourraient permettre d’espérer que la
reprise économique sera en place d’ici la fin de
l’année.
Statistique Canada a cependant fait état hier d’un
recul des ventes au détail au mois d’avril, ce qui a
notamment entraîné le dollar canadien dans un recul
de 0,14 cent US à 88,1 cents US.
Sur l’ensemble de la semaine, le TSX a retraité de
357 points, soit 3,35%, faisant ainsi craindre à
certains investisseurs que la reprise printanière –
qui a vu les principaux indices nord-américains
prendre environ 40% depuis le début mars – ait du
plomb dans l’aile.
Les actions financières et minières ont mené les
gains du parquet torontois hier. Le secteur de
l’énergie a aussi affiché une importante
progression, malgré un recul du cours du pétrole. Le
baril de brut a cédé 1,56$ US à 69,81$ US à la
Bourse des matières premières de New York, tiré vers
le bas par les inquiétudes vis-à-vis de la demande.
Les opérateurs se sont montrés plus prudents à New
York, où la moyenne Dow Jones des valeurs
industrielles a chuté de 15,87 points à 8539,73
points.
L’indice
élargi
S& P 500 a avancé de 2,86 points à 921,23
points, tandis que l’indice composite du NASDAQ, à
forte composante technologique, a gagné 19,75
points à 1827,47 points.
Faute de publication d’indicateur économique ou de
nouvelle majeure sur le front des entreprises, la
place new-yorkaise a connu « une journée plate, à
l’image de la semaine », a observé Art Hogan, de
la banque d’affaires Jefferies.
La fin de séance s’est révélée particulièrement
volatile, le Dow Jones changeant plusieurs fois de
direction, en raison de l’expiration de plusieurs
options, ce qui s’est traduit par un fort volume
de transactions.
Les options sont des produits financiers qui
permettent d’acheter ou de vendre des titres à une
date donnée.
« Les opérateurs attendent un catalyseur, du côté
des fondamentaux, technique ou autre, pour prendre
une direction avec conviction », a jugé Patrick
O’Hare, du site financier Briefing.com. Wall
Street semble faire du surplace depuis le début du
mois, après un rebond spectaculaire de près de 40%
en trois mois.
Les valeurs technologiques se sont distinguées par
leur bonne tenue. Apple, qui commençait la vente
du nouveau modèle de son iPhone, a gagné 2,7% à
139,48$ US et le géant des logiciels Microsoft
2,4% à 24,07$ US après que les analystes de
Goldman Sachs eurent recommandé d’acheter le
titre.
En revanche, le fabricant du
téléphonemultifonctions BlackBerry, le
canadienResearchinMotion(RIM), a chuté de 4,9% à
72,78$ US.
En attendant la prochaine crise
Chaque samedi, un financier différent répond à
nos questions. Il donne sa lecture des
marchés, offre son point de vue sur la Bourse
et lance quelques conseils d’investissement.
Cette semaine, Richard Morin, de la firme
Landry Morin.
Quel est l’événement le plus significatif des
derniers jours à la Bourse?
Quel indicateur surveillez-vous le plus
attentivement en ce moment?
Que feriez-vous avec 10 000$ à investir ?
Quel placement faut-il éviter ?
Qu’est-ce que les marchés sousestiment le plus
en ce moment?
L’annonce mercredi par Barack Obama d’un
programme de réforme des marchés financiers.
C’est important pour nous au Canada car
souvent les initiatives américaines finissent
par être adoptées ailleurs. Le programme vise
à mieux protéger les consommateurs et à
minimiser les conséquences des bulles
boursières. On ne sait pas si ce programme
aura du succès. Toutefois, si certaines des
mesures annoncées cette semaine avaient été en
vigueur l’an dernier ou au cours des dernières
années, elles auraient probablement évité une
partie des problèmes récents. L’ennui, c’est
que la prochaine crise financière (voir plus
bas) n’aura rien à voir avec celle qu’on vient
de connaître et ses causes seront différentes.
L’immobilier américain. On ne sortira pas de
la crise tant que l’immobilier américain ne se
sera pas stabilisé et n’aura pas commencé à
reprendre un peu du poil de la bête. Les
indicateurs récents sont positifs. Mais il
faut faire attention, car les marchés ne sont
pas linéaires. Il peut y avoir des rebonds et
le patient est encore aux soins intensifs. Il
faut cibler le pétrole. La question n’est pas
de savoir si on va en manquer, mais plutôt
quand. Et quand nous allons en manquer, il va
devoir y avoir un ajustement à la baisse de la
consommation. Le signal pour réduire la
consommation va être donné par la hausse du
prix du pétrole. La récente hausse observée
qui survient pendant la récession nous indique
quel potentiel il a quand nous serons en
période d’expansion économique et que la
demande va augmenter. Une bonne façon de
s’exposer au pétrole est d’investir dans
l’indice de la Bourse de Toronto (le TSX 60:
fond indiciel XIU). On y retrouve 29%
d’énergie et 20% liés au prix du gaz et du
pétrole. Les obligations gouvernementales à
long terme. La prochaine crise qui va frapper
les marchés en sera une de finances publiques.
Dans le futur, nos gouvernements vont devoir
payer plus pour financer leurs déficits. Ça
frappe déjà les Américains. Les taux des
obligations de 10 ans sont déjà passés de 2% à
4% aux États-Unis, ce qui est énorme comme
fluctuation. Les gouvernements vont devoir
payer plus, donc en conséquence le prix des
obligations à long terme va descendre. Pour un
investisseur canadien, il faut parler des
fiducies de revenus. Même si on ajuste les
distributions en fonction des nouvelles règles
fiscales qui entreront en vigueur en 2011, les
fiducies offrent des rendements intéressants.
Il faut toutefois être très sélectif. De façon
générale, il faut cibler les émetteurs qui
passent mieux à travers les cycles
économiques. Je pense aux services publics,
aux compagnies spécialisées dans les
chauffe-eau ou à GazMétro, par exemple.
Les Américains au régime sec
- Richard Dupaul
La
consommation s’étiole aux États-Unis, alors que
l’épargne croît. Un terreau peu fertile à une
reprise rapide de l’économie.
L’épargne chez nos voisins du Sud grimpe sans cesse,
ayant atteint un taux de 5,7% du revenu disponible
en avril, soit un sommet en 14 ans.
ÉCONOMIQUE Wall Street dit rose, mais l’Américain
moyen dit noir.
PHOTO JB REED,
BLOOMBERG
Les ventes des chaînes de
magasins ont encore baissé en mai, avec une chute
de 4,6% sur un an, à magasins comparables, affirme
le Conseil international des centres commerciaux
(ICSC).
Si les investisseurs sont prêts à miser gros sur un
redressement rapide de l’économie américaine, le
consommateur moyen, lui, garde ses mains enfoncées
dans ses poches, indique un examen approfondi du
dernier bilan du commerce de détail aux États-Unis.
Jeudi dernier, on a appris que les ventes des
commerçants avaient grimpé de 0,5% en mai. Une bonne
nouvelle à première vue, mais ce gain est surtout dû
aux ventes d’automobiles et d’essence. Hormis le
secteur de l’auto, le marché est resté quasi
stagnant.
Qui plus est, les Américains dépensent beaucoup
moins qu’avant. En fait, leurs achats sont d’environ
10% inférieurs à ce qu’ils étaient à la fin 2007.
Parallèlement, l’épargne chez nos voisins du Sud
grimpe sans cesse. Elle a atteint un taux de 5,7% du
revenu disponible en avril, un sommet en 14 ans.
Or, l’économiste David A. Rosenberg, de la firme
Gluskin Sheff, de Toronto, et ex-stratège chez
Merrill Lynch, lance cet avertissement: le
consommateur américain, qui nous a habitués aux
pires excès pendant des années, s’est mis au régime
sec.
Selon cet expert, le taux d’épargne continuera à
grimper pour éventuellement dépasser le record de
14,5% établi en 1975, au sortir d’une récession
sévère provoquée par le choc pétrolier de 1973.
Chômage
La nouvelle frugalité américaine n’est pas le fruit
d’un soudain changement de valeurs, mais de deux
contraintes biens réelles : l’endettement et le
chômage.
Selon un sondage Bloomberg auprès de 62 économistes,
le taux de chômage devrait atteindre
Dettes
De
plus, un examen du bilan des ménages américains
confirme que la crise financière a laissé des
marques profondes. La richesse collective a fondu de
1300 milliards US au premier trimestre 2009, a
révélé jeudi la Réserve fédérale.
Et les Américains demeurent lourdement endettés.
Leurs dettes représentent près de 130% de leur
revenu disponible, à peine moins qu’il y a un an. Il
faudra donc du temps avant de revenir à un ratio
plus raisonnable de 100%, comme à l’automne 2001.
Entre-temps, la confiance des Américains s’améliore,
a-t-on appris vendredi. C’est une bonne nouvelle,
qui nourrit l’optimisme à la Bourse depuis une
certain temps. Mais cette bonne humeur tarde à faire
résonner les caisses enregistreuses des détaillants.
le seuil des 10% à la fin 2009 (contre 9,4% en mai).
Moins d’emplois, et en plus une baisse des prix des
maisons, le crédit moins abondant, des caisses de
retraite dégarnies… autant de facteurs qui coupent
l’appétit des Américains.
Aussi la consommation – qui génère 70% de l’activité
économique aux États-Unis – pourrait se contracter
de 0,7% en 2009, la pire performance depuis 1974,
prédisent les experts.
Ainsi, les ventes des chaînes de magasins ont encore
baissé en mai, avec une chute de 4,6% sur un an, à
magasins comparables, affirme le Conseil
international des centres commerciaux ( ICSC). Ce
chiffre est très en deçà des prévisions, qui
tablaient sur une légère croissance.
Certes, les ventes de voitures sont meilleures,
gracieuseté des rabais des fabricants. Une autre
bonne nouvelle. Mais le marché du vêtement, de la
nourriture et des autres biens non durables rétrécit
toujours.
Bref, on achète l’essentiel, mais on sacri f ie la
qual ité. Fini le chocolat Godiva, place au
Hershey’s. Trop cher, le Starbuck’s, on se contente
d’un café chez McDo… etc. Un comportement défensi f
que des experts britanniques appellent le « Syndrome
Smarties ».
Signe des temps : le fabricant de chocolat fin
Lindt& Sprungli vient d’annoncer qu’il fermera
50 de ses 80 magasins aux États-Unis. On peut aussi
rappeler que Wal-Mart et McDonald’s sont les deux
seuls titres de l’indice Dow Jones à avoir inscrit
des gains en 2008.
V, U ou L
Le nouveau consommateur américain, plus prudent et
plus économe, semble aussi déterminé. Une enquête de
Boston Consulting Group révèle que près des trois
quar t s des Amér icains prévoient rédui re leurs
dépenses cette année. Si tel est le cas, l’impact
sera considérable. Pendant ce temps, les économistes
continuent de débattre de la durée de la crise:
longue (en « U » ou en « L ») ou courte (en « V ») ?
Des indicateurs contradictoires appuient les deux
thèses pour l’instant.
On y verra plus clair à la rentrée scolaire, à la
fin de l’été. C’est la deuxième période en
importance dans le commerce de détail, après celle
de Noël. Et c’est à ce moment que certains ont fixé
le début de la reprise.
ÉCONOMIE
MONDIALE
Pas de signe de reprise en « V »
Paul Krugman, économiste lauréat d’un prix
Nobel, estime que l’économie mondiale ne montre «
aucun signe » d’une reprise en « V » caractérisée
par un ralentissement et une reprise rapides.
PHOTO MIKE CLARKE,
AGENCE FRANCE-PRESSE
L’économie « se stabilise,
mais elle ne se redresse pas », soutient le Prix
Nobel Paul Krugman.
L’économie « se stabi lise, mais elle ne se redresse
pas », a soutenu vendredi M. Krugman, professeur
d’économie à l’Université Princeton, au New Jersey,
lors d’une conférence à Dublin. « Les choses
empirent de manière plus lente », a-t-il ajouté.
Des données publ iées ce mois-ci démontrent que le
ralentissement dans les industries manufacturières
et de services en Europe s’adoucit tandis que
l’optimisme quant aux perspectives économiques est
en hausse. En mai, les États-Unis ont perdu moins
d’emplois que prévu, signale un rapport rendu public
vendredi. De son côté, le Fonds monétaire
international précise que sa prévision de croissance
mondiale de 1,9% l’an prochain se fonde sur la
prémisse que le système financier aura recouvré la
santé.
« Nous sommes passés de la panique pure à l’anxiété
chronique », a indiqué M. Krugman, ajoutant qu’il a
« beaucoup de mal » à voir ce qui pourrait provoquer
une reprise économique « complète ».
Le
mois dernier, l’économie américaine a perdu 345 000
emplois, la perte la plus modeste en huit mois,
après une perte révisée de 504 000 en avril, a
précisé vendredi le Département américain du
travail.
La réaction des autorités américaines à la crise
économique a été « extraordinairement vigoureuse, a
soutenu M. Krugman, mais malheureusement, cela n’a
pas été suffisant ». Le pays aura besoin « d’une
certaine forme de nouveaux impôts » pour abaisser
son déficit, a-t-il dit.
Les industries de services aux États-Unis ont accusé
un recul à une cadence plus lente en mai alors que
les pertes d’emplois augmentaient, ce qui indique
que la reprise économique ne se fera pas du jour au
lendemain.
« J’ai bien peur que la zone euro, tout comme les
États-Unis, doive faire face à une sorte de décennie
perdue » , a avancé M. Krugman.
La conjoncture reste « médiocre »,
selon la Fed
— La conjoncture économique aux États-Unis est
restée « médiocre » ou « a empiré » selon les
régions de la mi-avril à la fin mai, indique le
Livre Beige publié hier par la banque centrale
américaine.
PHOTO JIM WATSON, ARCHIVES AGENCE
FRANCE-PRESSE
Le président de la Fed,
Ben Bernanke, avait jugé en mai que le risque
de déflation s’éloignait, tout en promettant
de ne pas baisser la garde contre ce fléau.
« La conjoncture économique est restée médiocre
ou a encore empiré au cours de la période allant
de la mi-avril à la fin du mois de mai »,
indique ce rapport de conjoncture devant servir
de référence lors de la réunion du Comité de
politique monétaire de la Réserve fédérale
américaine (Fed) prévue pour les 23 et 24 juin.
Cinq des douze antennes régionales de la banque
centrale ont cependant noté que « le cycle de
baisse de l’activité montrait des signes de
ralentissement », ajoute le document. La Fed
relève également que plusieurs régions ont fait
part d’une amélioration de leurs perspectives, «
bien qu’elles ne voient pas de hausse
substantielle de l’activité économique d’ici à
la fin de l’année».
La Fed escompte officiellement que les
États-Unis renoueront avec la croissance d’ici à
la fin de décembre, mais a prévenu que la
reprise serait lente, fragile et encore très
exposée aux chocs.
Le l ivre beige affirme que « les conditions
d’obtention du crédit restent rudes ou qu’elles
se sont encore resserrées », et que les dépenses
des consommateurs, si essentielles pour la
croissance américaine, « restent faibles du fait
que les ménages se fixent comme ligne d’acheter
les produits les moins chers » possible.
Le document relève en guise d’illustration que «
les achats de voitures neuves sont restés
déprimés dans la plupart » des régions.
Alors que mai marque le début de la grande
saison touristique dans le pays, le livre beige
remarque que « l’activité dans les secteurs du
voyage et du tourisme a baissé » et que « les
vacanciers tendent à dépenser moins »
qu’auparavant.
Le secteur immobilier, à l’origine de la crise,
« reste faible », mais huit antennes régionales
ont noté une « augmentation des ventes de
logements », notamment à San Francisco et à
Cleveland, deux régions particulièrement
frappées par l’effondrement des prix de
l’immobilier. Le livre beige confirme que le
secteur de l’immobilier commercial commence à
être frappé de plein fouet par la crise, avec un
effet de retard par rapport au marché du
logement emporté par le déclenchement de la
crise des crédits hypothécaires à risque à l’été
2007.
« Le taux de locaux commerciaux inoccupés a
monté en de nombreux endroits... alors que les
promoteurs éprouvent des difficultés de plus en
plus fortes à financer de nouveaux projets. »
Sans surprise, alors que le taux de chômage
atteint désormais 9,4%, le document indique que
« la conjoncture du marché du travail reste
médiocre au pays, avec des salaires qui stagnent
ou chutent ».
Quant au niveau général des prix, le livre beige
indique qu’« à de rares exceptions près » (comme
l’essence), les antennes régionales de la Fed
ont rapporté « une stagnation ou une baisse des
prix à tous les stades de la production ».
« Un certain nombre de districts ont indiqué que
les prix de vente au détail restaient très
faibles », ajoute le document. Le président de
la Fed, Ben Bernanke, avait jugé en mai que le
risque de déflation s’éloignait, tout en
promettant de ne pas baisser la garde contre ce
fléau qui viendrait entraver une reprise très
attendue après 17 mois de récession.
Économie : Le long retour -
ALAIN DUBUC
Le
choc de la crise mondiale provoquera des
transformations profondes qu’il faudra des années à
digérer.
Ces temps-ci, il y a plus de bonnes nouvelles
économiques que de mauvaises. Même les données sur
le PIB pour le premier trimestre, une baisse de 5,4%
à un rythme annuel, la plus forte chute depuis 1991,
ont provoqué un soupir de soulagement, parce que
cette baisse est nettement moins mauvaise que ce à
quoi on s’attendait. Le recul de l’économie a été
moins sévère en février et en mars, et les
consommateurs reprennent confiance peu à peu.
Les multiples signes – un recul de l’économie moins
sévère en février et en mars, une reprise des ventes
au détail, une hausse de l’indice de confiance des
consommateurs, une hausse de l’emploi en avril, une
remontée du prix des matières premières – font
croire que le pire est derrière nous et que le
scénario d’une reprise au quatrième trimestre, ou
même au troisième, est très plausible. Le troisième
trimestre, rappelonsle, a commencé lundi.
Mais ce n’est pas pour autant le temps de fêter.
D’abord, parce ce ne sera pas une partie de plaisir,
mais un processus lent, laborieux et parsemé
d’embûches. Ensuite, parce que la fin de la
récession n’annonce pas la fin des problèmes. Le
choc de la crise mondiale est puissant, il
provoquera des transformations profondes qu’il
faudra des années à digérer.
Il y a encore des gens qui doutent de la proximité
de cette reprise, même si la plupart des organismes
de prévision l’annoncent avec un consensus assez
solide. On peut comprendre cette méfiance. Peut-on
croire les prévisionnistes, quand on se souvient de
leurs erreurs, eux qui n’ont pas vu la crise venir,
qui n’en ont pas prévu l’ampleur, et qui ont dû
revoir leurs pronostics mois après mois? Mais on
peut davantage leur faire confiance parce que leurs
pronostics sont de plus en plus confirmés par les
faits, les statistiques économiques ou l’observation
de l’activité économique et commerciale.
Il
y a cependant beaucoup de confusion sur la
signification du concept de reprise. Cela décrit un
revirement de l’économie qui cesse de reculer pour
recommencer à croître. C’est déjà quelque chose.
Mais ce n’est pas pour autant un retour à la
normale. Avec une reprise tiède, comme celle que
l’on prévoit, un taux de croissance anémique de 1,5%
à 2% en 2010, il faudra deux bonnes années pour que
l’activité économique retrouve le niveau qu’elle
avait avant la récession.
Le concept de reprise ne décrit donc pas un retour à
la prospérité, mais plutôt un lent processus de
rattrapage. C’est pour cette raison que j’utilise
souvent l’analogie de la pneumonie. Une maladie
potentiellement mortelle, que l’on peut vaincre avec
des antibiotiques. Lorsque les médicaments ont fait
leur oeuvre et éliminé la bactérie, le malade est
peut-être officiellement guéri, mais il lui faudra
des semaines ou des mois avant de retrouver son
énergie.
La reprise est d’autant moins un signe de retour à
la normale que ses effets seront très inégaux; des
régions, des industries, seront encore en récession
même quand l’économie sera en croissance. En outre,
les effets secondaires d’une récession, comme les
faillites ou les mises à pied, continueront à se
manifester même quand la récession sera
officiellement terminée. Enfin, une récession laisse
des cicatrices qu’une reprise, même vigoureuse, ne
peut pas effacer, par exemple dans l’automobile ou
la forêt.
Surtout, ce qui définit cette récession, ce n’est
pas sa puissance, puisqu’elle semble moins profonde
que celles de 1981 et de 1991, mais plutôt le fait
qu’elle s’inscrit dans une crise mondiale. Et quand
nous en serons sortis, il faudra s’ajuster aux
changements majeurs que cette crise apportera à la
façon dont on investit, on emprunte, on consomme, on
gouverne. Il n’y aura pas de retour à la normale,
parce que le monde aura changé. J’y reviendrai
vendredi.
Immobilier : Les taux
remonteront... mais resteront faibles - Rudy
LeCours
Les tauxhypothécairesont amorcé le mois dernier
une remontée qui va sans doute se poursuivre
tout au long de l’année et de l’an prochain,
sans atteindre des sommets vertigineux pour
autant. La valeur de revente
moyenne a grimpé de 3,6% depuis janvier à
Montréal, comparativement à une baisse de 3% à
Toronto, 10% à Calgary et 9% à Vancouver. Le
recul atteint 4,2% au pays.
Les taux consentis par les institutions aux
épargnants vont aussi augmenter, mais ils
resteront anémiques. Telles sont les hypothèses
formulées par l’équipe d’économistes de
Desjardins.
Cela n’a rien de surprenant, si on considère que
les taux sur les prêts hypothécaires de cinq ans
avaient atteint leur creux historique de 5,25%
au début du printemps.
Ils se négocient ces jours-ci autour de 5,85% et
pourraient grimper jusqu’à 7,05%, à la fin de
l’an prochain. Ils pourraient aussi limiter leur
remontée à 6,55%
En décembre dernier, le taux s’élevait à 6,75%
Le terme d’un an qui est présentement à son taux
plancher de 3,75% devrait se négocier entre 4,4%
et 4,9% à la fin de l’an prochain. Dans ce cas,
le haut de la fourchette reste bien en deçà des
5,45% qui prévalaient encore en fin d’année
dernière.
Le terme de trois ans va adopter un comportement
mitoyen. Il a gagné un demi-point de pourcentage
depuis son creux de 4,15% et il se négociera à
l’intérieur d’une fourchette de 5,4% et 5,9% à
la fin de 2010, estime l’institution lévisienne.
Cela reste inférieur aux 6,2% exigés encore en
décembre dernier.
« Les t aux hypothéca i res devraient ainsi
demeurer près des niveaux actuels pour plusieurs
mois, quoique l’on ne puisse exclure d’autres
légères hausses », estiment les auteurs.
Taux directeur
Ce scénario est fondé sur les hypothèses que la
reprise attendue en fin d’année sera molle et
que la Banque du Canada devra garder très faible
son taux directeur, car les risques que le taux
d’inflation revienne bientôt à sa cible de 2,0%
sont très faibles.
Desjardins attribue la remontée récente des
coûts hypothécaires à moyen et long terme à la
poussée équivalente des taux obligataires sur
les marchés financiers, en particulier ceux des
États-Unis. Les investisseurs manifestent des
inquiétudes devant les besoins de Washington
pour financer un déficit qui équivaut cette
année à 13% de la taille de la première économie
du monde.
Les rentiers de toute taille ne doivent pas se
laisser leurrer par le nouveau compte d’épargne
libre d’impôt (CELI). Un certificat de placement
garanti d’un an rapporte à peine 0,4%
maintenant, soit à peu près l’équivalent du taux
d’inflation au cours de la prochaine année. Fin
2010, selon Desjardins, il rapportera aumieux
1,55%, alors que la Banque du Canada prévoit que
les prix à la consommation progresseront plus
près de sa cible de 2,0%. Bref, même sans impôt
et sans risque, le capital réel n’est pas
protégé avec de tels rendements.
Les CPG de trois et cinq ans seront à peine plus
prometteurs avec des rendements escomptés
jusqu’à 2,75% et 3,35% à la fin de l’an
prochain.
L’étau des taux - Jean-Pascal Beaupré
Il est plausible qu’après un bref sursaut,
l’économie flanche de nouveau en 2010.
La récession s’essouffle, les signaux
encourageants s’accumulent au comptegouttes.
Mais lorsque la croissance reviendra en
territoire positif, sera-t-elle durable? Et si
c’était un faux départ?
Les ventes au détail reprennent bien du poil de
la bête, les consommateurs se montrent moins
pessimistes, le nombre de demandes de
prestations de chômage réduit sa folle cadence.
On semble avoir touché le fond du baril, mais il
serait prématuré de parler d’une remontée.
On cherche la moindre parcelle d’espoir, on
préfère s’attarder à la portion du verre qui est
pleine. Mais jusqu’à point l’est-elle vraiment?
Par moments, on prend ses désirs pour la
réalité.
Le moteur de l’économie mondiale reste le
consommateur américain. Sans son concours, toute
reprise est illusoire. Et rien ne l’autorise
présentement à ouvrir son portefeuille. Malgré
un recul de plus de 30% du marché immobilier
depuis trois ans, la valeur des maisons devrait
continuer à chuter pendant encore quelques mois.
Le taux de chômage devrait dépasser les 10%
avant la fin de 2009. Rien pour requinquer un
actif passablement amoché.
Comble de ma l heu r, les Américains risquent de
se faire coincer entre des taux d’intérêt plus
élevés et une poussée du taux d’inflation,
susceptibles de tuer dans l’oeuf une reprise qui
s’annonce déjà fragile.
Pour financer son plan de relance, le
gouvernement Obama a accumulé des tonnes de
dettes qui coûteront de plus en plus cher à
financer. La tendance se manifeste déjà: le
rendement des bons du Trésor de 10 ans a franchi
le cap des 4% la semaine dernière. Déjà mis à
genoux par la crise, les Américains auront bien
du mal à se relever s’ils doivent assumer des
intérêts plus élevés pour rembourser leur
hypothèque ou régler le solde de leurs cartes de
crédit.
L’i n f l at ion, ma i ntenant . L’augmentation
de la demande mondiale en pétrole a provoqué une
hausse importante des prix à la pompe et a
contribué à rogner le pouvoir d’achat des
Américains. Par ailleurs, la chute prononcée du
billet vert a fait grimper le prix des produits
importés. Deux facteurs qui handicapent nos
voisins du Sud, déjà moins portés à la dépense
depuis qu’ils ont redécouvert les vertus de
l’épargne (pour ceux qui en ont les moyens).
Viendra aussi un temps pas trop lointain où le
président Obama devra se résigner à augmenter
les impôts de ses concitoyens pour mettre un
frein à l’escalade des déficits. Les portes de
secours se referment une à une.
Il est donc plausible qu’après un bref sursaut,
l’économie flanche de nouveau en 2010. Les
économistes parlent du phénomène de « double
dipping ». Ou, si vous préférez, d’une courbe en
W, au lieu du réconfortant V auquel les
récessions précédentes nous ont habitués.
Oui, bien sûr, le Canada s’en tire à bon compte
jusqu’à maintenant. Nous sortirons
vraisemblablement de la crise économique avant
les autres pays industrialisés, sans avoir trop
souffert, particulièrement au Québec. Mais notre
dépendance envers le marché américain devrait
nous inciter à la prudence avant de crier
victoire. Une rechute est si vite arrivée.
États-Unis : Les capitaux fuient le
pays au moment où l’État en a le plus besoin
— La balance des capitaux des États-Unis s’est
de nouveau dégradée fortement en avril, alors
que les Chinois réduisaient leur portefeuille en
obligations du Trésor américain pour la première
fois en 11 mois, au moment où Washington a
besoin d’eux pour financer sa relance.
Selon les chiffres publiés hier par le
département du Trésor, 53,2 milliards US de
capitaux ont fui les États-Unis en avril.
Sur les quatre premiers mois de l’année, le
solde de la balance des capitaux américain n’a
été positif qu’au mois de mars (25,0 milliards
US). En j anvier, le solde avait atteint un
record dans le rouge (-144,0 milliards US).
La dégradation d’avril a été due en partie à une
forte baisse de l’excédent de la balance à long
terme, qui est passé en un mois de 55,4
milliards US à 11,2 milliards USs. Elle a
totalement surpris les analystes, qui
s’attendaient à une amélioration du solde.
Cela signifie que les obligations à long terme
du Trésor des ÉtatsUnis et les actions et
obligations d’entreprises américaines ont moins
intéressé les investisseurs étrangers que les
titres équivalents étrangers n’ont intéressé les
investisseurs américains.
Le mouvement a été encore plus fort en ce qui
concerne les capitaux à court terme, puisque le
solde correspondant de la balance a plongé dans
le rouge, à 39,4 milliards US, après un solde
positif de 26,7 milliards US en mars.
Cette baisse résulte d’une baisse des avoirs
étrangers en obligations du Trésor américain à
court terme, qui ont diminué de 44,5 milliards
US en avril.
Pour la première fois en 11 mois, les
investisseurs chinois (hors Hong-Kong) ont
réduit leur portefeuille de titres du Trésor
américain. S’ils en restent les premiers
détenteurs étrangers, ils en détenaient pour
763,5 milliards US à la fin d’avril,
comparativement à 767,9 milliards US un mois
plus tôt.
Les autorités de Pékin ont exprimé à plusieurs
reprises depuis le début de l’année leur
inquiétude quant à la sécurité de leurs
placements aux États-Unis. Washington n’a
pourtant d’autre solution que d’emprunter à
l’étranger pour financer un déficit budgétaire
abyssal que viennent creuser un peu plus ses
mesures de relance de l’économie.
Remettant en cause la domination économique et
politique de Washington, la Chine, la Russie et
le Brésil ont annoncé ces joursci leur volonté
de diversifier leurs avoirs au détriment du
dollar et des États-Unis.
Comme les Chinois, les investisseurs russes et
brésiliens ont légèrement réduit leur exposition
aux titres du Trésor en avril.
L’État américain, qui a cette année un besoin de
financement sans précédent sur le marché
obligataire, continue malgré tout de placer tous
les titres de dette qu’il souhaite émettre.
Lors d’une table ronde à New York, le secrétaire
au Trésor, Timothy Geithner, a cherché à
rassurer en affirmant que la Chine avait encore
« une grande confiance » dans les bases de
l’économie américaine.
Certains analystes estiment que la dégradation
de la balance des paiements américaine n’est pas
si dramatique, et témoigne d’une amélioration de
la conjoncture.
Ce « n’est pas un problème », va jusqu’à dire Tu
Packard, de Moody’s Economy. com, pour qui «
assurément », « les investisseurs étrangers
montrent moins d’aversion au risque, et sont
plus prompts à troquer des titres américains à
court terme pour des actifs plus attirants sur
les marchés émergents ».
C’est aussi l ’avis de Brian Bethune, d’IHS
Global Insight. Néanmoins, note-t-il, « cela
arrive à un mauvais moment » pour Washington. Le
désintérêt des étrangers contribue au mouvement
de hausse des taux d’intérêt observé depuis
plusieurs semaines lors des adjudications du
Trésor, renchérissant le coût de la dette
américaine.
ÉTATS-UNIS Le taux de chômage fait un bond
inquiétant
WASHINGTON—
L’économie
américaine a détruit en mai beaucoup moins d’emplois
que les mois précédents, mais le taux de chômage a
fait un bond inquiétant pour atteindre son plus haut
niveau depuis plus d’un quart de siècle.
Selon les chiffres corrigés des variations
saisonnières publiés hier par le département du
Travail, le nombre de pertes d’emplois sur ce mois est
tombé à 345 000, contre 504 000 en avril et 643 000 en
moyenne sur les six mois précédents.
Mais cette bonne tendance n’en efface pas une autre
plus alarmante : le taux de chômage a bondi d’un
demi-point en un mois, à 9,4% contre 8,9% en avril,
pour atteindre son plus haut niveau depuis août 1983.
À l’époque du plein emploi en mars 2007, il était à
4,4%.
Cette hausse plus rapide que prévu devrait remettre en
cause les prévisions de la banque centrale américaine
qui tablait fin avril sur un chômage culminant entre
9,2% et 9,6% de la population active cette année.
Hausse de la population active
Le département du Travail recensait 14,5 millions
d’Américains au chômage en mai, contre 13,7 millions
en avril. Cette poussée (787 000 chômeurs de plus)
s’explique, outre les pertes d’emplois, par une hausse
de la population active considérée comme à la
recherche d’un emploi.
En effet, 5,9 millions de personnes disant vouloir un
emploi sont exclues des statistiques pour diverses
raisons.
« Nous continuons d’être très inquiets du nombre de
personnes au chômage aux États-Unis (...) Un taux de
chômage à ce niveau n’est pas acceptable », a commenté
lors d’une conférence téléphonique la secrétaire au
Travail, Hilda Solis.
Les
analystes, qui prévoyaient en mai des pertes
d’emplois beaucoup plus rudes (520 000) et un
chômage moins élevé (9,2%), restaient prudents.
« Même si c’est uneamélioration par rapport aux mois
précédents, la baisse du nombre d’emplois en mai est
toujours considérable, et porte les pertes cumulées
depuis le début de la récession à six millions »,
relevait Aaron Smith, de la société d’analyse
économique Moody’s Economy.com.
Mais selon Peter Kretzmer, de Bank of America, «
c’est clairement une bonne nouvelle dans le sens où
tous les indicateurs de l’économie, y compris ceux
du marché du travail, se dégradent moins rapidement
».
Aucun ne s’aventurait à dire quand les États-Unis se
remettraient à créer des emplois. « On peut défendre
l’idée que l’économie se détériore à un rythme moins
élevé lors de ce deuxième trimestre, mais en déduire
qu’une reprise interviendra au second semestre,
c’est une autre histoire » , expliquait Steven
Ricchiuto, de Mizuho Securities.
En mai, « les suppressions d’emplois ont continué à
être largement répandues, mais le rythme de la
baisse des emplois s’est modéré dans le secteur de
la construction et dans certains secteurs des
services », a noté le département du Travail.
L’industrie, où les effectifs chutent
continuellement depuis plus de deux ans, a encore
connu 225 000 pertes nettes d’emplois, contre 274
000 en avril. Celles-ci sont surtout davantage
concentrées dans les industries de transformation
(225 000) que dans la construction (59 000).
Dans les services, 120 000 emplois ont été
supprimés, contre 230 000 en avri l . La baisse des
emplois ralentit dans presque tous les domaines
d’activité, par exemple la finance ( 30 000 emplois
supprimés, contre 45 000 en avril) ou les services
aux entreprises (51 000, contre 111 000).
La consommation américaine en légère
baisse
— Les
dépenses de consommation des ménages aux États-Unis
ont connu en avril une légère baisse, tandis que leurs
revenus progressaient nettement et que leur taux
d’épargne faisait un bond au plus haut depuis 14 ans,
a indiqué hier le département du Commerce.
En données corrigées des variations saisonnières, ces
dépenses ont reculé de 0,1 % par rapport au mois
précédent, après avoir baissé de 0,3% en mars. Cette baisse était
attendue, mais elle est moins marquée que ce que
prévoyaient les économistes, qui tablaient sur -
0,2%.
Ce chiffre vient confirmer que la hausse surprise de
la consommation en janvier (+ 1,0 %, après six mois de
baisse) et février (+ 0,4%) était un phénomène
fragile, et que les ménages restent prudents face à la
crise économique.
En revanche, les revenus disponibles des ménages ont
avancé de 1,1 % sur un mois, leur progression la plus
forte depuis mai 2008, alors que les analystes
tablaient sur une baisse. Ils avaient augmenté de 0,1%
en mars.
Le
département du Commerce attribue cette hausse non pas
aux salaires, qui ont eu tendance à baisser, mais aux
transferts de l’État, notamment ceux liés au plan de
relance, et aux revenus immobiliers.
Épargne
Le taux d’épargne a donc fait un bond à
5,7 % des revenus en avril – il n’avait plus été
aussi élevé depuis février 1995 – comparativement à
4,5 % en mars.
Après s’être maintenu à des niveaux très bas avant le
début de la crise économique en 2007 (moins de 1% en
2005, 2006 et 2007), il avait commencé à remonter vers
la mi-2008, alors que la confiance des consommateurs
chutait brutalement, traduisant l’inquiétude des
Américains face à la montée du chômage.
L’indice des prix l ié aux dépenses de consommation (
PCE) a augmenté de 0,1% en avril sur un mois, moins
que ce qu’attendaient les économistes (+ 0,2%).
L’indice de base ( prix hors énergie et alimentation),
qui sert de référence à la politique monétaire de la
Réserve fédérale, est remonté de 0,3%.
ÉTATS-UNIS
L’économie
ralentit moins que prévu (mais...)
— L’activité économique s’est contractée
unpeumoins qu’initialement prévu aux ÉtatsUnis au
premier trimestre, mais la faiblesse de la
consommation et de l’investissement est de mauvais
augure pour ceux qui espèrent un retour rapide à la
normale.
Selon la deuxième estimation du produit intérieur brut
publiée hier par le département du Commerce,
l’activité a reculé de 5,7% en rythme annuel par
rapport au trimestre précédent, alors que la première
estimation publiée un mois auparavant faisait état
d’une chute de 6,1%.
Les
économistes avaient anticipé cette révision, mais
pensaient qu’elle serait plus marquée, tablant en
moyenne sur -5,5%.
Ce trimestre est le troisième consécutif de recul de
l’activité, ce qui n’était plus arrivé depuis
1974-1975. Les économistes prévoient que les
États-Unis vont aligner un quatrième trimestre de
baisse, avant peut-être de revenir à la croissance
durant l’été. La nouvelle la plus
inquiétante est que la consommation des ménages a
été revue à la baisse: sa progression
n’a été que de 1,5% en rythme annuel (contre 2,2% lors
de la première publication), et sa contribution à la
variation du PIB que de +1,08 point (contre +1,50
point).
ÉTATS-UNIS L’activité industrielle se contracte
toujours
« Les
nouvelles commandes, considérées comme un signe majeur,
ont enregistré une progression pour la première fois
depuis novembre 2007. »
— L’activité dans l’industrie aux
États-Unis a continué de se contracter en mai, mais
plus lentement qu’en avril et moins que prévu,
selon l’indice des directeurs d’achats publié hier par
l’association professionnelle ISM.
Cet indice a progressé pour le cinquième mois
consécutif, pour s’établir à 42,8 points,
comparativement à 40,1 points le mois précédent. Il est
supérieur aux attentes des analystes, qui tablaient sur
un indice de 42,3 points.
L’indice se situe cependant toujours sous le seuil des
50 points, qui traduit une contraction de l’actualité.
« Alors que les indices mesurant l’emploi et les stocks
continuent de reculer à un rythme rapide, et bien que
l’activité du secteur continue de se contracter ce
mois-ci, il y a néanmoins des signes d’amélioration »,
relève pour sa part Norbert Ore, responsable de
l’enquête de l’ISM.
« Ainsi, les nouvelles commandes, considérées comme un
signe majeur, ont enregistré une progression pour la
première fois depuis novembre 2007 », souligne-t-il.
L’indice les mesurant s’est établi à 51,1 points,
comparativement à 47,2 en avril.
Pour
sa part, l’indice mesurant l’emploi dans le secteur
industriel a reculé à 34,3 points, comparativement à
34,4 le mois précédent, traduisant une contraction de
l’emploi pour le 10e mois consécutif. « C’est un
avertissement éclatant contre un optimisme excessif »,
relève Rob Carnell, économiste pour la Banque ING.
L’indice mesurant le niveau des stocks est quant à lui
tombé à 32,9 points, comparativement à 33,6 points en
avril.
L’indice mesurant la production est en revanche
remonté de 40,4 à 46,0 points, tandis que celui
mesurant les prix bondissait de 32,0 à 43,5 points.
D’après les données historiques de l’ISM, un indice
industriel inférieur à 41,1 points signifie que
l’économie en général est en récession. L’indice pour
mai (42,8 points) correspond donc « à une progression
de 0,5% du produit intérieur brut en rythme annuel »,
a précisé M. Ore.
« L’indice maintient une légère croissance, mais a
encore du chemin à faire avant d’entrer en territoire
positif (...) Nous restons prudents avec des données
comme celles-ci », commente Rob Carnell.
« L’ensemble des données fournit des signes croissants
d’une moindre récession du secteur (...). Les
composantes de l’indice témoignent d’une situation où
le fond aurait été touché », commente Cliff Waldman,
économiste de l’Alliance des industriels (MAPI).
« Cela suggère que le
pire est clairement passé pour l’industrie
américaine. Malgré tout, une véritable reprise
pourra encore prendre des mois. L’environnement
économique mondial reste difficile, les conditions
financières sont toujours problématiques, mais des
jours meilleurs sont à venir », estime M. Waldman.
Les
Américains voient la vie en rose... ou presque
L’indice de confiance de l’Université du Michigan
s’affiche en légère hausse à 69,0 points en juin, contre
68,7 le mois précédent. Ce résultat correspond en somme
aux attentes des analystes qui prévoyaient un indice de
69,5. Il s’agit du quatrième mois consécutif de hausse –
et d’un sommet depuis septembre 2008 – pour cet
instrument qui mesure l’optimisme des Américains face à
l’économie et à leur situation financière. Il faut
toutefois apporter quelques nuances de gris à ce
portrait plutôt rose. Par exemple, le consommateur
américain est plus inquiet face à l’avenir qu’il ne
l’est par rapport à sa situation actuelle. Les
événements des deux dernières années lui ont laissé un
goût amer et il attend vraisemblablement d’autres bonnes
nouvelles avant de laisser déborder sa confiance. Avant
la crise, cet indice était stationné à un niveau de 90,
et le résultat du mois de juin rappelle qu’il faudra
encore longtemps avant d’atteindre un tel sommet.
LE HUARD DANS LALIGNEDEMIREDE LA BANQUE
DU CANADA - Rudy Le Cours
Aux
yeux de la Banque du Canada, la rapide appréciation du
huard peut compromettre ses efforts d’assouplissement
du crédit et entraver la relance économique qui paraît
maintenant plus crédible, voire proche.
En reconduisant sans surprise hier son taux directeur
à son niveau plancher de 0,25% la Banque a émis ce
commentaire qui a fait beaucoup jaser les
observateurs, mais laissé les cambistes de glace: « Si
l’appréciation du dollar canadien à une cadence sans
précédent (laquelle découle à la fois du
renchérissement des produits de base et de la
faiblesse généralisée de la devise américaine) devait
persister, elle pourrait entièrement neutraliser » les
aspects positifs de l’amélioration des conditions
financières, des cours des produits de base et
annihiler la confiance accrue des ménages et des
entreprises. Mark Carney, gouverneur de la
Banque du Canada.
Aprèsavoir touché à trois reprises un plancher de 77
cents US d’équivalence, notre monnaie a entrepris une
forte remontée. Depuis deux semaines, elle se négocie
au-dessus des 90 cents US.
Cela reflète autant un retour du balancier, après une
trop soudaine dépréciation survenue avec la crise du
crédit que la remontée des prix des produits de base
et du pétrole en particulier auxquels notre monnaie
est fortement corrélée.
La poussée de plus de 2$ du baril d’or noir l’a
d’ailleurs fait grimper à nouveau hier de 95
centièmes. Il s’échangeait contre 91,17 cents US.
La force relative du huard s’appuie cependant avant
tout sur la faiblesse du billet vert américain qui se
déprécie contre toutes les autres monnaies.
La valeur de la nôtre ne reflète donc pas la force de
l’économie canadienne, ce qui inquiète nos autorités
monétaires. « La Banque ayant fait ses projections de
croissance et d’inflation à partir d’un huard à un
niveau clairement inférieur (80 cents US), cela
constitue un risque additionnel qu’elle doive revoir
ses projections au cours des prochains mois », note
Martin Lefebvre, économiste principal chez Desjardins.
En s’étant engagée à maintenir son taux directeur
jusqu’à la fin de juin 2010 afin que la cible
d’inflation de 2% puisse être atteinte, la Banque a
peut-être stimulé le huard sans le vouloir.
En ne donnant aucune nouvelle indication qu’elle
pourrait recou-
rir à
des mesures non traditionnelles d’allégement monétaire
telles que l’achat d’une partie de la dette fédérale
ou de titres de crédit émis par des sociétés, elle lui
a peut-être donné un autre coup de pouce. Pareilles
initiatives non conventionnelles auraient augmenté la
massemonétaire avec pour effet d’affaiblir le huard.
En principe du moins, mais ce n’est pas automatique.
Le bi l let vert se déprécie depuis que la Réserve
fédérale a annoncé son intention d’acheter des
obligations du gouvernement américain, mais la livre
sterling n’a pas faibli face au dollar même si la
Banque d’Angleterre achète en proportion davantage de
dette britannique.
« Si le huard continue de monter au point de menacer
les perspectives à moyen terme pour l’économie
canadienne, la Banque du Canada pourrait avoir des
motifs de menacer de recourir à la détente
quantitative, plaident Paul-André Pinsonnault et
Stéfane Marion de la Financière Banque Nationale.
Malgré l’essor du dollar canadien, nous continuons de
penser que le scénario de reprise économique reste
conforme aux prévisions et que la détente quantitative
ne sera pas nécessaire. »
La Banque s’en tient toujours à son scénario
économique d’avril qui prévoit une contraction de 3%
de l’économie cette année, suivie d’un retour à la
croissance de 2,5% l’an prochain.
Pour le premier trimestre, la Banque avait prévu un
recul du PIB de 7,3%. Il a été contenu à 5,4%.
Ces résultats moins médiocres que prévu conduisent
Scotia Capitaux à modifier sa prévision: la
décroissance sera contenue à 2,2% cette année, et la
reprise sera assez robuste dès l’automne. « La
composition de la croissance va grandement refléter la
demande grandissante de ressources par les économies
émergentes ainsi que l’amélioration de la demande
intérieure », selon Warren Jestin et Aron Gampel,
économistes chez Scotia.
L’institution croit que la Banque du Canada sera
forcée de majorer son taux directeur dès l’hiver et
qu’il atteindra 2% à la fin de l’an prochain. Elle
voit le huard et le billet vert à parité à la fin de
2010.
Les nouvelles prévisions des autorités monétaires
canadiennes seront publiées le 23 juillet dans la
nouvelle mouture du Rapport sur la politique
monétaire.
La BCE plus pessimiste pour l’économie en
zone euro
Comme
prévu, la Banque centrale européenne maintient son
principal taux directeur à 1%
Semblant répondre aux inquiétudes exprimées par la
chancelière allemande Angela Merkel, le président de
la BCE a ajouté que la banque ferait « en sorte que
les mesures prises soient rapidement levées et les
liquidités apportées soient absorbées », dès que les
conditions économiques se seront améliorées, pour
éviter tout risque de surchauffe inflationniste.
— La Banque centrale européenne (BCE) a maintenu hier
son principal taux directeur à son niveau historique
de 1%, tout en livrant des prévisions nettement plus
sombres pour l’économie de la zone euro, appelée à
rester en récession pendant deux ans.
Le conseil des gouverneurs, qui s’est réuni hier au
siège de Francfort, en Allemagne, a comme prévu opté
pour un statu quo sur les taux directeurs.
La dernière baisse remontait à mai et la BCE avait
fait comprendre qu’elle comptait faire une pause en
juin.
« Les taux actuels sont appropriés », a jugé le
président de la BCE Jean-Claude Trichet lors d’une
conférence de presse. Pour autant, le conseil n’a pas
décidé qu’ils avaient atteint un plancher, a-t-il
redit. La porte reste donc ouverte à une nouvelle
réduction, si les conditions économiques se
dégradaient brutalement ou si la déflation devenait
une menace tangible.
Depuis octobre, le principal taux, qui détermine les
conditions du crédit en zone euro, est tombé de 4,25%
à 1%.
Ces diminutions de taux, qui permettent aux banques de
se refinancer à très bon marché, conjuguées au
lancement d’un programme d’achat d’obligations,
doivent encourager la reprise d’une activité de crédit
et apporter une bouffée d’oxygène à l’économie, qui en
a bien besoin.
Cette année, le produit intérieur brut va sans doute
se contracter de 4,6% en moyenne, a indiqué le
Français, qui dévoilait les nouvelles prévisions
trimestrielles de l’institution. Il y a trois mois,
elle pariait encore sur une récession de « seulement »
-2,7 %. L’an prochain aussi, le PIB va se contracter,
de 0,3% en moyenne, contre une stagnation encore
envisagée en mars.
Le retour à un taux de croissance trimestrielle
positif n’aura pas lieu avant la mi-2010, a-t-il
prévenu. Les prévisions d’inflation sont restées de
leur côté quasiment inchangées (+ 0,3% en 2009, +1% en
2010).
«
Comme la politique monétaire agit avec un délai, notre
action va progressivement se transmettre à l’économie
», a-t-il expliqué.
Semblant répondre aux inquiétudes exprimées par la
chancelière allemande Angela Merkel, il a ajouté que
la BCE ferait « en sorte que les mesures prises soient
rapidement levées et les liquidités apportées soient
absorbées » , dès que les conditions économiques se
seront améliorées, pour éviter tout risque de
surchauffe inflationniste.
Le plus important est d’avoir « une stratégie de
sortie appropriée », a souligné M. Trichet.
Mme Merkel a créé une surprise mardi en critiquant
ouvertement les mesures dites « non conventionnelles »
prises par la Réserve fédérale américaine ( Fed) et la
Banque d’Angleterre ( BoE) qui ont lancé des
programmes massifs d’achats d’obligations pour
relancer la machine économique.
Ben Bernanke, président de la Fed, a fait savoir
mercredi qu’il se trouvait « en désaccord respectueux
» avec la chancelière.
La Fed veut acquérir un total de 300 milliards de
dollars, la BOE 125 milliards de livres. Plus
modestement, la BCE va acheter 60 milliards d’euros
d’obligations « sécurisées » (adossées notamment par
des crédits hypothécaires et jugées sûres) de juillet
à fin juin 2010, a précisé M. Trichet.
La chef du gouvernement allemand a plus d’une fois
défendu la BCE face aux tentatives de certains pays,
notamment la France, de réduire son indépendance en
matière de politique monétaire.
Pourtant elle n’a pas épargné l’institution européenne
mardi, jugeant qu’elle avait cédé à la pression
d’imiter ses grandes homologues mondiales.
Un coup de téléphone avec Angela Merkel mercredi a
rassuré le président de la BCE. Elle a réaffirmé
qu’elle « respectait pleinement l’indépendance de la
BCE et qu’elle soutenait pleinement ce que nous
faisons », s’est félicité le Français.
Des nuages persistants - RICHARD
DUPAUL
Le FMI
n’envisage pas la fin de la récession en Europe avant
la mi-2010. La Banque centrale européenne croit au
contraire que la machine est sur le point de
redémarrer, peut-être avec une force surprenante. Qui
dit vrai ?
« L’heure est davantage à la célébration de
contractions inférieures aux attentes qu’à celle de
retours à la croissance », souligne Erik Nielsen, chef
économiste pour l’Europe chez Goldman Sachs.
ÉCONOMIQUE Huit mille nouveaux chômeurs… par jour.
PHOTO DENIS DOYLE,
BLOOMBERG
L’économie
européenne s’est contractée de 2,5% au premier
trimestre – une baisse sans précédent. L’Espagne est
particulièrement touchée par la crise : elle a perdu
1,8 million d’emplois en un an.
Le chiffre fait peur. L’Espagne, l’économie européenne
ayant connu la plus forte croissance au début des
années 2000, est littéralement noyée sous un flot de
travailleurs qui cherchent du boulot.
En un an, le territoire espagnol a perdu 1,8 million
d’emplois, soit la moitié du chômage additionnel de
toute l’Union européenne. En 2007, elle faisait
l’envie de ses voisins pour avoir créé environ 40% des
emplois de la zone euro. Dix-huit mois ont suffi pour
voir le taux de chômage passer de 8% à plus de 17%.
L’hémorragie du marché du travail en Espagne illustre
à quel point les problèmes de l’Europe sont sérieux et
profonds. Vendredi, on apprenait que l’économie
européenne s’est contractée de 2,5% au premier
trimestre – une baisse sans précédent.
Malgré les signes encourageants qui émergent ici et là
sur le Vieux Continent, la reprise économique n’est
pas pour demain, prévient l’économiste américain et
Prix Nobel 2001, Jospeh Stiglitz.
La fin d’une économie en « chute libre » ne doit pas
être confondue avec les signes de reprise, prévient M.
Stiglitz dans une allocution prononcée au Portugal, il
y a quelques jours. « Nous passons d’une situation
extrême de chute libre, seulement, à une profonde
récession ». Un avertissement, ajoute-t-il, qui peut
s’appliquer à l’ensemble de l’économie mondiale.
Trichet l’optimiste
Cette opinion tranche avec les propos rassurants qu’a
tenus, il y a une semaine, le président de la Banque
centrale européenne, JeanClaude Trichet.
L’économie mondiale se trouve à un tournant, soutient
le grand argentier, et la conjoncture dans certains
pays est déjà marquée par une reprise.
« Nous nous approchons, en ce qui concerne la
croissance, d’un point d’inflexion », a dit M. Trichet
à l’issue de la réunion du G10, ajoutant que « dans
certains cas, nous voyons déjà une reprise ».
M. Trichet a même averti ses confrères des autres
banques centrales qu’il fallait demeurer « vigilant »
face à une remontée rapide de l’inflation. Autrement
dit, la machine économique va non seulement
redémarrer, elle risque de s‘emballer.
Pas si vite
Toutefois, à peine 24 heures plus tard, l’optimisme de
monsieur Trichet a été battu en brèche par le Fonds
monétaire international. Le FMI n’entrevoit aucun
signal clair d’un retournement de la conjoncture.
« Même si, ici et là, on observe ponctuellement de
meilleurs indices, il est trop tôt pour parler
d’inflexion », a martelé le directeur du FMI pour
l’Europe, Marek Belka. Bref: le grand patron de la BCE
porte des lunettes roses.
Qui a raison alors? La BCE? Le FMI?
La réponse la plus fiable, encore une fois, se trouve
quelque part entre les deux, nous disent les
meilleures boules de cristal de la planète.
Les pays les plus riches du monde devraient sortir de
la récession cette année. Mais leur retour à la
croissance n’aura rien de spectaculaire, montre une
nouvelle enquête de l’agence Reuters auprès de 200
économistes européens, japonais et américains.
Aussi, ces experts répugnent à valider l’idée
fréquemment admise sur les marchés boursiers d’une
reprise plus rapide qu’attendu dès le deuxième
semestre.
L’optimisme dont font preuve les investisseurs, ces
derniers temps, repose avant tout sur leurs
impressions et sur des enquêtes réalisées auprès des
entreprises… mais sur bien peu de statistiques
convaincantes.
S’il est clair que la Chine va dégager une croissance
appréciable en 2009 et en 2010, les perspectives pour
les États-Unis, la zone euro, et le Royaume-Uni ne se
sont pas améliorées de façon convaincante depuis le
mois dernier, soulignent les répondants de l’enquête.
« L’heure est davantage à la célébration de
contractions inférieures aux attentes qu’à celle de
retours à la croissance », poursuit Erik Nielsen, chef
économiste pour l’Europe chez Goldman Sachs.
D’ailleurs, le camp des ultra-optimistes a été
brutalement rappelé à l’ordre, mercredi dernier. On
apprenait alors que la production industrielle de la
zone euro (donc des 16 pays qui partagent la même
devise) a chuté de 20% en mars (variation annuelle).
Un plongeon brutal et inquiétant.
Le Nobel Joseph Stiglitz rappelle que l’économie a été
sérieusement endommagée par la crise financière. « Je
comprends que les hommes politiques veuillent
transmettre un sentiment de confiance, mais la
confiance doit se baser sur un certain degré de
réalité. Et la réalité n’est pas favorable ».
Le message à retenir: il faudra être patient.
EMPLOI ÉTUDIANT Dur été en vue pour les jeunes
« On
le sent, il y a plus de jeunes à la recherche d’un
emploi. On vit des difficultés de recrutement des
entreprises : elles font des compressions, c’est
évident. »
Pour près de 20 000 jeunes québécois, la crise ne
sera pas qu’un phénomène étudié au cégep dans le
cours Initiation à l’économie globale. Les
statistiques le démontrent et les responsables sur
le terrain le constatent. Cet été, les emplois se
font plus rares et les entreprises sont plus
réticentes à remplacer leurs employés en vacances.
« On voit arriver des jeunes qui, bien souvent,
avaient un emploi les années précédentes et qui se
font refuser cette année, dit Francis Côté,
directeur du Réseau des carrefours jeunesse-emploi
du Québec. On le sent, il y a plus de jeunes à la
recherche d’un emploi. On vit des difficultés de
recrutement des entreprises : elles font des
compressions, c’est évident. »
Le 6 juin dernier, Statistique Canada, dans son
bulletin mensuel sur la population active, constate
de même que le début de l’été est difficile pour les
jeunes de 15 à 24 ans. Au Québec, ils étaient 21% en
chômage en mai dernier, comparativement à 14,6% en
mai 2008. Il y a donc quelque 20 000 étudiants de
plus en chômage cette année, pour un total de 63
000.
À la grandeur du Canada, 59 000 étudiants de plus
étaient incapables de se trouver un emploi en mai
dernier, pour un taux de chômage de 18,3%, alors
qu’il était de 15,4% en mai 2008. Ces indications
sont surtout valables pour les étudiants de 20 à 24
ans, car les plus jeunes n’avaient pas terminé leurs
cours au moment de l’enquête de Statistique Canada.
La situation, précise-t-on au Réseau des carrefours
jeunesseemploi, varie énormément d’une région à
l’autre. Quelque 59 000 jeunes, pas nécessairement
des étudiants, fréquentent annuellement un des 110
carrefours jeunesse-emploi au Québec.
« Paradoxalement, quand la clientèle augmente chez
nous, c’est signe qu’il y a un problème, note avec
humour M. Côté. À Sherbrooke, on a ainsi noté une
hausse de la clientèle de 25%. »
Gros employeurs à la rescousse
À Montréal, par contre, le manque de travail est
surtout perceptible dans un domaine: la
restauration. « C’est très touché et c’est un
domaine que les étudiants recherchent beaucoup »,
précise Marie-Lou Bariteau, agente à l’accueil au
carrefour jeunesse-emploi centre-ville.
Globalement, « il y a quand même beaucoup d’offres
cet été », ajoute Mme Bariteau, principalement
grâce aux gros employeurs – La Ronde, la Ville de
Montréal, les festivals – qui n’ont pas diminué
leurs embauches.
À Placement étudiant, on note également une baisse
des offres d’emploi par rapport à l’an dernier,
mais avec une nuance: « En 2008, on parlait d’une
année hors de la normale, car les employeurs
manquaient de monde, explique Catherine
Bourque-Barrette, directrice. Cette année, on
revient pratiquement au niveau de 2007. »
Placement étudiant offre notamment quelque 3000
emplois dans la fonction publique québécoise ainsi
que des centaines d’emplois dans des municipal
ités. Depuis le 1er octobre dernier, on a
également proposé 25 244 emplois dans le secteur
privé, « autant dans le commerce de détail que
dans la restauration ou dans des emplois qui
demandent plus de compétences », dit Mme
Bourque-Barrette.
Au Réseau des carrefours jeunesse-emploi, on
estime que les trois quarts des emplois proposés
aux jeunes sont dans le domaine des services –
vente, restauration, entretien, tourisme... « Des
jobs qui ne demandent peut-être pas nécessairement
beaucoup de savoir-faire, mais du savoir-être »,
résume Francis Côté.
Le taux de chômage atteint 10,5% dans
l’île
PERTES
D’EMPLOIS DANS LA RÉGION MÉTROPOLITAINE La récente
dégringolade de l’emploi touche toute la région
métropolitaine, certes. Mais pas de manière uniforme.
Les résidants de l’île de Montréal sont davantage
touchés que les banlieusards. Et, règle génér
Le nombre de bénéficiaires de l’assurance emploi a
bondi dans l’île. On y recensait 38 640 bénéficiaires,
en mars. C’est 22% de plus qu’en janvier, et 40% de
plus qu’à pareille date, l’an dernier.
Pendant les trois premiers mois de 2009, le marché de
l’emploi a connu une période difficile dans l’île de
Montréal. Le taux de chômage désaisonnalisé est passé
de 8,6% à 10,5%, selon les données comptabilisées par
la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM) à
l’aide des chiffres de Statistique Canada. Les concessionnaires
automobiles, déjà frappés de plein fouet par la
crise économique, ne seront pas heureux d’apprendre
que le nombre de bénéficiaires de l’assurance emploi
a fait un bon considérable dans l’île de Montréal au
cours du premier trimestre de 2009.
« Près de 2%, c’est un bond énorme » , constate Maxime
Trottier, conseiller en recherche à la CMM. Le taux de
chômage a beaucoup moins augmenté en banlieue: à
Laval, il est passé de 7,2% à 7,9%. Et pour l’ensemble
composé de Longueuil et des couronnes, de 6,2% à 6,4%.
La récente baisse de l’emploi dans l’île de Montréal
est encore plus surprenante si on la compare avec l’an
dernier. Alors que le taux d’emploi chutait
tranquillement à Laval, à Longueuil et dans les
couronnes, les indicateurs demeuraient relativement
stables dans l’île.
Comment analyser ce changement ? Selon Maxime
Trottier, cela s’explique en partie par les récentes
pertes d’emplois dans les secteurs publics et
parapublics, qui regroupent les fonctionnaires de même
que les employés des hôpitaux et des universités.
« En 2008, les pertes d’emplois touchaient surtout
l’industrie manufacturière et les services aux
citoyens. Les travailleurs des couronnes ont écopé
puisque leur économie locale est essentiellement axée
sur ces deux secteurs », explique Maxime Trottier.
Or, lors du premier trimestre de 2009, Statistique
Canada a révélé un nouvel affaiblissement lié à la
crise économique: celui des secteurs public et
parapublic. Et ces emplois se concentrent généralement
dans le centre des agglomérations, explique M.
Trottier.
Les résidants de l’île ont également été touchés par
la baisse de l’emploi dans les secteurs de la finance,
des assurances et de l’immobilier, qui montrent des
signes de faiblesse depuis la fin de 2007, estime M.
Trottier.
Résultat: dans l’île, le nombre de bénéficiaires de
l’assurance emploi a bondi. En mars, on y recensait 38
640 bénéficiaires, selon les données comptabilisés par
La Presse à l’aide de résultats fournis par
Statistique Canada. C’est 22% de plus qu’en janvier,
et 40% de plus qu’à pareille date l’an dernier.
Les
banlieues écopent aussi
Statistique Canada ne comptabilise pas les taux de
chômage dans les villes sur une base mensuelle. Pour
les plus petites unités de recensement, l’organisme
fédéral calcule toutefois le nombre de bénéficiaires
de l’assurance emploi.
Bien que le taux de chômage y soit moins élevé que
dans l’île, les banlieues ont également vu le nombre
de bénéficiaires augmenter au cours des derniers mois.
En mars dernier, Laval comptait 2400 bénéficiaires de
plus qu’en mars 2008, une hausse de 39%. Laval a
également été touché par la baisse des emplois dans
les secteurs public et parapublic, estime Maxime
Trottier.
La hausse est légèrement moindre dans l’agglomération
de Longueuil (38%): les villes qui la constituent ont
été touchées notamment par les mises à pied à l’usine
Pratt& Withney de Longueuil, analyse M. Trottier.
Du côté des couronnes, le sud écope également un peu
moins que le nord, révèlent les données. La couronne
Nord comptait un total de 15 000 bénéficiaires en mars
dernier, une augmentation de 38% par rapport à l’an
dernier. La couronne Sud en comptait pour sa part 11
000, en hausse de 34% par rapport à l’an dernier.
Pourquoi le nord est-il plus touché que le sud? La
Rive-Sud est probablement moins tributaire du secteur
manufacturier, fortement touché par la crise
économique actuelle, estime Maxime Trottier.
D’ailleurs, les villes situées à proximité des i ndust
r ies semblent plus touchées que la moyenne. Par
exemple, les bénéficiaires sont en hausse importante à
Montréal-Nord (+ 44%), Terrebonne (+ 43%), Verdun (+
49%) et Montréal-Est (+ 44%).
La
crise rattrappe le Québec - Agnès Gruda
DANS L’OEILDUCYCLONE
Pour
mesurer l’impact du ralentissement économique, La
Presse et les autres journaux du groupe Gesca ont
recueilli des témoignages dans différentes régions du
Québec. Les gens dont nous vous brossons le portrait
ont tous perdu leur emploi récemment. La cr
« En février, mars, boum! Le mur est tombé. »
Autour de la table, il y a une gestionnaire de projets
récemment mise à pied par une firme pharmaceutique.
Une spécialiste en marketing qui vient de perdre son
emploi dans une compagnie de boissons gazeuses. Et un
urbaniste qui était sur le point de décrocher un
boulot quand les budgets prévus pour son projet ont
été brutalement gelés. Plus d’argent, plus de job. Au cours des dernières années,
les centres de recherche d’emploi tournaient un peu
au ralenti. Mais ces temps-ci, ils sont plus
populaires que jamais.
Ils sont bardés de diplômes. Ils ont entre 30 et 40
ans. Et ils sont tous les trois victimes de la crise
économique qui a frappé le Québec de plein fouet,
quelque part au tournant de l’an 2009.
« Encore au début de l’année, le président de ma
compagnie a réuni les employés pour leur dire que tout
allait bien », raconte la gestionnaire de projets.
Mais trois mois plus tard, c’était une tout autre
histoire : « Nos patrons nous ont dit que les ventes
avaient baissé et qu’il fallait tout réorganiser. »
Comme ses compagnons du Club de recherche d’emploi du
centre-ville de Montréal, la jeune femme préfère taire
son nom. L’idée de s’afficher comme chômeurs ne leur
plaît pas. Et ils aiment bien cet environnement
anonyme d’une tour à bureaux de la rue Sherbrooke où,
tous les matins, ils viennent s’entraîner à chercher
du travail.
L’urbaniste, qui a aussi un diplôme d’architecte
obtenu en France, est particulièrement touché par la
crise. « Ma femme travaille dans une entreprise
d’éclairage. Ils ont commencé à mettre des gens à
pied. Et nous avons un bébé de 10 mois. Je suis plus
qu’inquiet. Je suis stressé », confie-t-il.
Encore l’automne dernier, le Québec était relativement
à l’abri de la récession. On pouvait espérer que
l’oeil du cyclone passerait ailleurs. Mais même si la
crise frappe moins fort ici qu’ailleurs au Canada, il
y a des signes qui ne mentent pas. Exemple: les
chasseurs de têtes n’ont plus de contrats.
Choc brutal
« Nous avons perdu entre 30 et 40% de nos mandats »,
dit Michel Pauzé, recruteur spécialisé dans le secteur
du marketing et des communications.
Ce n’est pas la première récession pour cet homme, qui
a vu passer les tempêtes des années 80 et 90. Mais
cette fois, le choc a été beaucoup plus brutal.
L’automne dernier, sa firme tournait encore à plein
régime. « En février, mars, boum! Le mur est tombé. »
Le même scénario s’est produit chez d’autres chasseurs
de têtes. « Il y a beaucoup de candidats sur le
marché, et les entreprises sont en mode wait and see
», dit le recruteur Jean-François Arcand.
Les entreprises sabrent partout, du haut jusqu’en bas
de la hiérarchie.
Louis
Doucet, ancien chef de la direction financière d’une
compagnie de pièces d’aviation, a perdu son travail
l’automne dernier. Pour ce comptable de 30 ans
d’expérience, le marché de l’emploi se présente un peu
comme un désert. « Je ne trouve aucune annonce pour
moi, les compagnies retardent leurs décisions, tout
est pas mal bloqué », dit-il.
Contrairement aux recruteurs, les centres de recherche
d’emploi, eux, sont plus populaires que jamais. Ces
dernières années, ils tournaient un peu au ralenti. Le
problème, c’était plutôt la pénurie de main-d’oeuvre,
rappelle Denise Marquis, directrice de l’Association
des centres de recherche d’emploi du Québec.
« Mais depuis deux mois, c’est reparti en sens inverse
», constate-t-elle.
Un bémol
Oui, il y a une augmentation du nombre de chercheurs
d’emplois, mais la situation est loin d’être
désespérée, tient à souligner Monique St-Amand,
conseillère au Centre de recherche d’emploi de
Montréal Centre-ville. « Notre taux de placement est
resté stable malgré la crise. Et la situation reste
meilleure que dans les années 90, quand tout était
bloqué par les baby-boomers », fait-elle valoir.
Le hic, c’est que, avec la débâcle boursière qui a
fait fondre leurs économies, certains babyboomers
risquent de retarder leur départ à la retraite. « Nous
ne savons pas comment ils vont réagir si la crise
continue. Est-ce qu’ils vont vraiment céder leur
place? » se demande-t-elle. S’ils restent, cela fera
autant de postes bloqués pour les plus jeunes.
En attendant, beaucoup de gens craignent que leur
emploi ne tienne plus qu’à un fil. Il y a quelques
jours, le recruteur Michel Pauzé a dîné avec une femme
qui travaille en publicité et n’arrive plus à
atteindre ses objectifs. « Elle se demande si son
salaire va diminuer, ou même si elle ne va pas perdre
son boulot », dit-il.
Les statistiques n’ont rien de rassurant. Entre
décembre et mars, le Québec a perdu 48 800 emplois. En
avril, il y a eu une remontée, avec la création de 22
400 emplois. Le bilan reste négatif: il y a
aujourd’hui 26 400 emplois de moins qu’à la fin de
2008.
Le taux de chômage atteint 8,4% dans la province. Mais
il dépasse 9,8% au Saguenay et 10% à Montréal, et
frôle 12% sur la Côte-Nord.
« L’automne dernier, nous nous disions que nous
serions épargnés par la crise. Mais elle nous a
rattrapés », dit Claude Morin, porte-parole d’Emploi
Québec.
Est-ce que ça va se poursuivre? Si oui, pendant
combien de temps? se demande-t-il maintenant . Malgré
un mois d’avril encourageant, la question reste
ouverte.
MONTRÉAL
- Des projets reportés
Il a 31 ans, une maîtrise en architecture et un
bébé de 7 mois. Quand il est rentré de son congé de
paternité au bureau d’architectes où il faisait son
stage professionnel, tout semblait aller pour le mieux
dans le meilleur des mondes. « Encore en janvier, on
nous a dit que l’année s’annonçait bien », se
souvient-il.
Puis, un important projet a été mis en suspens. Suivi
d’un deuxième. Ces projets n’ont pas été vraiment
annulés, mais plutôt reportés par des clients frappés
par la mauvaise conjoncture économique. Mais
forcément, l’argent a cessé d’affluer.
« Tout a été mis à pause. Et moi, j’étais le dernier
arrivé. » Le jeune père de famille a donc été remercié
de ses services. Et il ne sera vraisemblablement pas
le seul. Plusieurs de ses anciens collègues ont un
pied dans le vide.
Ce nouveau chômeur préfère taire son nom: l’étiquette
« mis à pied » risque de compromettre sa recherche
d’emploi, craint-il. Il n’en veut pas à ses anciens
patrons. Il comprend qu’ils n’avaient pas le choix. «
Ce n’est pas de la mauvaise volonté de leur part, mais
ils n’ont pas vu venir le coup. »
Maintenant, il est inquiet. Sa femme travaille
également dans un bureau d’architectes. Si la crise se
prolonge, elle risque d’être touchée à son tour.
Or, la jeune famille est sur le point de déménager
dans un appartement plus grand. Qui dit plus grand dit
aussi plus cher. Et puis, ce poupon de 7 mois, il faut
le faire garder. Dans le quartier montréalais où ils
habitent, les listes d’attente pour les garderies à 7$
dépassent deux ans. Et on fait même la queue pour des
garderies privées, à 35 $ par jour !
Le futur architecte a travaillé suffisamment longtemps
pour avoir droit à des allocations de chômage. Mais
dans les circonstances, ça ne lui permettra pas de
joindre les deux bouts. Alors, il s’attaque à la
recherche d’un nouveau boulot. Sauf que, dans son
domaine, « ça n’engage pas à la pelle ».
« Si je ne trouve pas quelque chose rapidement, je
devrai me réorienter… »
QUÉBEC - La fin de la certitude -
Ian Buissières
Quand il a quitté son emploi chez Wal-Mart il
y a deux ans pour accepter un poste de préposé au
nettoyage des locaux à l’usine de la société
pharmaceutique GlaxoSmithKline, dans le Parc
technologique de Québec, Gilles Caron croyait
s’assurer un salaire intéressant jusqu’à sa
retraite. Gilles Caron a perdu son
emploi en janvier dernier.
« L’économie allait bien, GlaxoSmithKline
embauchait et on m’avait dit que je pouvais dormir
sur mes deux oreilles pendant au moins 10 ans! »
explique l’homme de 55 ans, qui avait alors vu son
salaire horaire bondir de 11$ à 17$.
C’était avant la crise économique qui a amené un
ralentissement des activités de la multinationale,
dont les ventes de vaccins contre la grippe se
sont avérées moins élevées que prévu. Depuis le
mois d’octobre, une centaine de travailleurs ont
été mis à pied dans l’usine, qui comptemaintenant
750 employés. Pour Gilles Caron, le couperet est
tombé en janvier.
«
On m’a offert de rester sur la liste de rappel,
mais je ne voulais pas attendre trop longtemps
avant de travailler de nouveau, alors j’ai accepté
une indemnité de départ », explique celui qui est
depuis en recherche active d’emploi.
« À Québec, c’est facile de trouver un emploi à 9
$ l’heure, mais ce n’est pas comme ça que tu fais
vivre une famille et que tu paies le logement !
J’ai fait des démarches à certains endroits, et j
’ ai l ’ impression que mon âge fait peur.
Pourtant, je suis aussi fringant que les jeunes,
je ne suis jamais malade et je ne suis jamais en
retard ! » fait-il remarquer.
Malgré tout, il demeure optimiste. « C’est sûr que
je vais trouver quelque chose, j’ai travaillé
toute ma vie! C’est plus difficile actuellement
parce que les entreprises recherchent surtout des
étudiants pour l’été. Je crois que je serai plus
chanceux en août ou en septembre. »
SAGUENAY–LAC-SAINT-JEAN - Avant
qu’il ne soit trop tard - Louis Potvin
« Notre deuil n’est pas encore fait. On vit
ça au jour le jour. Ce n’est pas facile à
accepter quand tu as mis 30 ans de ta vie dans
la compagnie. » La crise forestière a eu
raison en moins d’un an de la compagnie de
Micheline Dufour, Gaston Rousseau et Gilles
Dufour.
Gaston Rousseau et Gilles Dufour sont le parfait
exemple de la cruauté de la crise forestière. En
moins d’un an, ils ont vu disparaître le capital
chèrement gagné pendant 30 ans pour bâtir leur
entreprise Forestier DDR, à Saint-Eugène, au
Lac-Saint-Jean. Ils ont marché sur leur orgueil
et leur fierté, et ils ont décidé d’arrêter la
production avant de faire faillite.
Gilles Dufour, Gaston Rousseau et sa femme,
Micheline Dufour, ont accepté de témoigner de
leur douloureuse expérience. « Si ça peut
réveiller des gens et montrer la fragilité des
entrepreneurs forestiers... Il y en a plusieurs,
comme nous, qui ne savent plus quoi faire pour
arriver. Il faudrait se révolter et marcher dans
la rue pour dénoncer les conditions dans
lesquelles nous travaillons aujourd’hui », lance
Micheline Dufour, qui assurait la comptabilité
de l’entreprise. Elle se retrouve aujourd’hui
sans emploi.
Gaston Rousseau et Gilles Dufour croisent les
doigts en espérant passer à travers ces moments
difficiles. « Nous avons encore des créanciers,
nous avons une machine presque neuve à vendre,
mais à cause de la crise, personne ne veut payer
ce qu’elle vaut vraiment. On ne peut que
remercier la Caisse populaire et nos
fournisseurs, qui sont indulgents et qui nous
donnent une chance pour éviter la faillite »,
affirme Gaston, qui devra retourner comme simple
employé dans une autre entreprise. « Je n’ai pas
le choix, ça ne sera pas facile, mais nous avons
de grosses cautions à payer », mentionne-t-il,
un noeud dans la gorge.
En effet, pas facile de cacher son émotion quand
le travail de toute une vie s’effondre. « On ne
veut pas que ça se sache au départ, on a sa
fierté. On espère toujours que ça va reprendre,
mais quand t’es obligé d’arrêter ton camion pour
pleurer en rentrant à la maison le vendredi, tu
te dis que ça ne marche plus », témoigne Gaston
Rousseau.
Micheline a jonglé avec les chiffres afin
d’éviter l’inévitable. « Je ne leur parlais pas
trop des problèmes de liquidités, pour ne pas
les inquiéter pendant la semaine. Ils avaient
besoin de toute leur tête pour produire »,
ajoute-t-elle.
C’est justement cette performance à tout prix
qui a grugé peu à peu les profits de
l’entreprise. Le coup fatal : la crise
forestière. La demande du bois a chuté. Les
forestiers travaillent donc moins. Ils ont moins
de revenus, mais les mêmes paiements pour la
machinerie. « On a perdu en cinq ans tout le
capital amassé en 25 ans », indique Gilles
Dufour. Pourquoi? Les conditions de travail
étaient devenues trop difficiles. « On n’avait
plus de plaisir, on courait toujours après
l’argent en priant pour que la machinerie ne
brise pas, car on mangeait alors les profits de
la semaine. On n’avait plus de marge de
manoeuvre », illustre-t-il.
Avant de fermer les livres, l’entreprise a reçu
une offre de garantie de prêt de 150 000 $
d’Investissement Québec. « Les conditions
étaient beaucoup trop strictes. De plus, il
fallait investir la même somme. On se serait
endettés davantage et on aurait été obligés de
mettre nos maisons en garantie. On n’a pas pris
ce risque et on ne le regrette pas », explique
Gaston Rousseau.
LES PROPRIÉTARIES FRAPPENT UN
MUR - Stéphanie Grammond
DES PROPRIÉTAIRES QUÉBÉCOIS AVEC LA CRISE DU
CRÉDIT, PLUSIEURS PRÊTEURS À RISQUE (
SUBPRIMES) ONT QUITTÉ LE QUÉBEC EN COUP DE
VENT. LEUR DÉPART LAISSE LA CLIENTÈLE FACE À
UNMUR. INCAPABLES DE RENOUVELER LEUR
HYPOTHÈQUE AUPRÈS DES BANQUES, DES CENTAINES
DE
Le choc a été brutal pour Josiane et sa
famille. Depuis l’achat de sa maison, elle
s’est démenée pour faire tous ses versements
hypothécaires à temps. Elle a remboursé son
prêt-auto rubis sur l’ongle. À l’échéance de
son hypothèque, en juin, elle comptait bien
décrocher un taux plus avantageux que celui
de 9%, négocié auprès d’un prêteur
alternatif il y a trois ans.
Elle est tombée de haut ! Non seulement
aucune banque ne veut lui accorder une
hypothèque, mais son prêteur actuel lui a
fermé la porte au nez. La firme torontoise
Xceed n’offre plus d’hypothèques à risque (
subprimes). « Ils veulent ravoir leur
argent, c’est tout », dit Josiane (nom
fictif).
« J’ai écrit partout. J’en ai perdu mon
orgueil, dit-elle. Depuis un mois, j’ai
tellement pleuré. C’est insoutenable. »
Josiane ne comprend pas pourquoi les
prêteurs la considèrent comme une
délinquante. « Les mauvais payeurs, pour
moi, c’est des gens qui ne sont pas capables
d’arriver. C’est vrai que je ne paie pas
toujours mes cartes de crédit, avoue-t-elle.
Certains mois, je paie. Certains mois, je ne
paie pas. Mais je finis toujours par payer.
»
Sauf qu’à force de sauter deux ou même trois
mois, elle a totalement démoli sa cote de
crédit, qui a plongé en dessous de 500
points. À ce niveau, tous les prêteurs
reculent… Même si Josiane et son mari
gagnent près de 100 000$. Même si leur
emploi est très stable. Même si leur
hypothèque représente seulement 80% de la
valeur de la maison. Et même si leurs autres
dettes totalisent moins que 5000$.
Dur retour à la normale
« Le crédit n’est plus ce qu’il était »,
constate Jean Fortin, qui dirige un réseau
de cabinets de syndics de faillite.
Plusieurs prêteurs alternatifs, qui
consentaient des hypothèques à risque, aussi
appelées prêts B, ne font carrément plus
affaire au Québec.
« Citi Financière, GMAC, GE Money ont quitté
le marché. Xceed demeure, mais ne fait plus
de prêts B », énumère M. Fortin.
Certains prêteurs offrent encore des
hypothèques à risque, comme Home Trust,
Secure Finance, First Line ou Wells Fargo. «
Mais il n’en reste vraiment plus beaucoup »,
dit Robert Perrier, directeur au Québec
d’Intelligence Hypothécaire. Vers 2003, la
firme de courtage hypothécaire, qui compte
145 agents au Québec, tirait jusqu’à 40% de
son volume d’affaires des prêts B.
Aujourd’hui, c’est moins de 10%.
Chez les prêteurs alternatifs qui restent,
l’éventail des hypothèques exotiques s’est
refermé. Fini les hypothèques à 107% de la
valeur de maison. Exit les prêts accordés à
des gens au bord de la faillite, avec une
cote de crédit en lambeaux. À la poubelle
les ratios d’endettement à faire dresser les
cheveux sur la tête.
« Avant, il était possible de financer tout
ce qui respirait sur terre », ironise M.
Perrier. Plus maintenant! Le travailleur
autonome qui a une mauvaise cote de crédit
ne trouvera pas financement, sauf avec un
prêteur privé à un taux de 15%.
Même les grandes banques ont resserré leurs
conditions de crédit. « Les normes n’ont pas
changé, mais elles sont maintenant
appliquées à la lettre. C’est juste un
retour à la normale, après des années folles
», estime Christine Lemieux, viceprésidente
aux ventes pour le courtier hypothécaire
Multi-prêts.
Concrètement, cela signifie que les banques
ne tolèrent plus d’exceptions. Un ratio
d’endettement total supérieur à 40%? Avant,
ça pouvait passer quand le client avait une
belle mise de fonds, un bon travail, une
cote de crédit impeccable. Désormais, non.
Une cote de crédit inférieure à 620points?
Avant, la banque ne s’en préoccupait pas
trop. Maintenant, « 619 peut passer, si tous
les autres critères sont excellents. Mais
618 ou 617, vraiment pas », dit Mme Lemieux.
Propriétaires
en
détresse
Le départ des prêteurs à risque et le
resserrement des conditions de crédit
rattrapent les ménages québécois.
Depuis quelques semaines, Option
consommateurs reçoit des appels de détresse
de propriétaires dont l’hypothèque arrive à
terme avec GEMoney, mais surtout GMAC,
ancien chef de file des hypothèques à
risque.
Les clients sont abasourdis ne pas avoir
droit à un refinancement, à l’échéance de
leur hypothèque. Karine Robillard, avocate
chez Option consommateurs, doit leur
expliquer que les prêteurs n’ont aucune
obligation de renouveler le crédit pour un
autre terme.
Seule obligation: « Si l’établissement de
crédit décide de ne pas renouveler le prêt,
il doit vous en informer au moins 21 jours
avant la fin du terme en cours », note
l’Agence de la consommation en matière
financière du Canada.
Tous les propriétaires dont le prêteur s’est
retiré du marché des hypothèques à risque «
vont devoir retourner auprès des
institutions financières traditionnelles… et
ils risquent d’essuyer un refus, si leur
situation ne s’est pas redressée », prédit
Me Robillard.
Par exemple, environ la moitié des clients
de Xceed ont amélioré leur feuille de route
et sont désormais capables d’obtenir un prêt
conventionnel. « Mais ce n’est pas vrai pour
les autres », dit le président Yvan Wahl.
Environ un millier de familles au Canada
devront chercher un prêt ailleurs. « Nous
les avertissons six mois à l’avance. Mais
s’ils ne parviennent pas à trouver un
nouveau prêteur, ils doivent vendre leur
maison », explique-t-il.
Et ceux qui n’arrivent pas à vendre se font
saisir leur maison. En mai, Xceed a repris
possession de cinq maisons au Québec, selon
les registres de 73 bureaux de publicité des
droits. D’autres prêteurs alternatifs en ont
saisi davantage, notamment HSBC Finance
(17), Macquarie (8) et Citi Financière (6).
Le mois dernier, près du tiers des saisies
au Québec ont été déclenchées par des
prêteurs alternatifs ou par les sociétés de
finances (voir encadré), même si leur part
de marché ne dépassait pas 7% du marché
hypothécaire, lors des meilleures années.
Les saisies se comptent par milliers dans
l’Ouest canadien, où les prix de
l’immobilier ont chuté. Là-bas, la moitié
des saisies sont le fait de prêteurs à
risque.
Cependant, elles ne visent pas toutes des
propriétaires consciencieux, mais incapables
de renouveler leurs hypothèques à
l’échéance. Plusieurs visent des ménages en
défaut de paiement.
Difficile de démêler les deux catégories. Au
pays, près de 25 000 ménages qui ont
respecté leurs obligations pourraient perdre
leur maison, avançait le Globe and Mail en
mars dernier.
Une douzaine de prêteurs alternatifs se sont
regroupés pour faire pression auprès
d’Ottawa afin de trouver une solution pour
les propriétaires coincés par l’assèchement
du crédit.
« Jusqu’à maintenant, il n’y a pas eu de
réponse, dit M. Wahl. Mais ils n’ont pas dit
non. »
Hausse des saisies : c’est rien qu’un début…
Les Québécois étranglés par leurs dettes
sont de plus en plus nombreux à remettre les
clés de leur maison à leur créancier. En mai
dernier, 263 ménages se sont fait saisir
leur propriété, une hausse de 32% par
rapport à l’an dernier.
« Depuis octobre 2007, ça progresse tout le
temps. Et je peux vous dire que ce n’est pas
fini », lance Daniel Langlois, président de
GDL Crédit Ressource Québec, firme qui
compile les données.
D’ailleurs, les créanciers ont expédié 845
préavis à des propriétaires en retard dans
leurs paiements hypothécaires, le mois
dernier. Il s’agit d’une première étape
obligée avant la saisie.
Près du tiers (77) des saisies de maisons au
Québec ont été provoquées par des prêteurs
alternatifs et des sociétés de finances,
même si leur part du marché hypothécaire est
relativement mince. Le reste des saisies
vient des banques (112) et de Desjardins
(74).
Laval-Laurentides
C’est dans l a région de LavalLaurentides
que l’on dénombre le plus de ménages acculés
au mur. En mai, 215 préavis y ont été
enregistrés et 59 maisons ont été saisies,
pratiquement cinq fois plus qu’il y a deux
ans.
« Plusieurs quartiers neufs y ont vu le
jour, au cours des dernières années. Quand
on achète une maison de 350 000$, avec une
hypothèque à 100%, et qu’on perd ensuite son
emploi, les paiements sont difficiles »,
commente M. Langlois.
Les préavis se sont aussi multipliés en
Montérégie et en Outaouais. Du côté de
l’Estrie, les saisies commencent à grimper.
Mais ce n’est qu’un début. « Quand on sera
au sommet, les chiffres actuels nous
sembleront banals », selon M. Langlois.
Celui-ci souligne que dans la région de
Québec, on est très, très loin des années
sombres du dernier cycle immobilier.
À Québec, on a dénombré 158 délaissements en
2008. Si la tendance se maintient, il y en
aura environ 175 en 2009. Bien sûr, il
s’agit d’une augmentation de 50% par rapport
au début des années 2000. Mais le nombre de
délaissements demeure quatre fois moins
élevé qu’à la fin des années 90, alors que
les prêteurs saisissaient plus de 700
maisons par an.
BOURSES - Du rouge partout sur la planète
De
Londres à New York en passant par Paris et
Toronto, les places boursières ont toutes
enregistré des baisses significatives hier,
emportées par le sentiment que la reprise
économique n’est pas encore chose faite.
« L’économie mondiale est encore en récession,
explique Carlos Leitao, économiste en chef de
Valeurs mobilières Banque Laurentienne. Et même
quand on finira par en sortir, vers le troisième
trimestre de 2009, la reprise qui suivra sera très
lente. »
M. Leitao a la réputation d’être un bon
prévisionniste en général, mais aussi d’être plus
pessimiste que certains de ses pairs par les temps
qui courent. Des données sur l’emploi publiées
hier sont venues apporter de l’eau à son moulin.
Aux
États-Unis,
les nouvelles demandes d’assurance chômage ont
atteint 631 000 la semaine dernière (le consensus
tablait sur 630 000), un signe que le marché du
travail continue de se détériorer. Il y avait
aussi 6,7 millions d’Américains qui continuaient à
recevoir des prestations. « C’est un signe qu’il y
a encore très peu d’emplois qui se créent »,
analyse M. Leitao.
C’est aussi la lecture que semblent avoir faite
les investisseurs des principales places
boursières, qui ont toutes reculé entre 1,5% et 3%
après l’annonce de cette donnée.
En détail, le Dow Jones a perdu 1,5%, alors que
l’indice principal de la Bourse de Toronto a
reculé de 2,8%, à 9949,59 points.
Le
sous-secteur de l’énergie, lui qui a progressé
de 40% depuis son creux de l’hiver, a reculé de
4% hier. Par exemple, le titre de Suncor a
reculé de 4,2% et celui d’Encana, plus important
producteur de gaz naturel au pays, a perdu 5,6%.
Pourtant, les marchés auraient pu s’attarder à
une autre donnée publiée hier, plus positive que
les demandes de chômage. L’indicateur avancé
américain a augmenté de 1% en avril après une
baisse de 0,2% en mars. Remarquez bien les gants
blancs que prend l’économiste principal de
Desjardins, Francis Généreux, quand il commente
ce résultat: « (L’indicateur) signale peut-être
un revirement de la situation économique dans
quelques mois. Il faudra cependant d’autres
résultats positifs de ce genre pour s’assurer de
cette conclusion », écrit-il.
Au téléphone, M. Généreux parle notamment de la
confiance des Américains, qui s’améliore, mais
reste basse. « C’est encore trop faible pour
voir une hausse soutenue des ventes de détail »,
explique-t-il.
La grande correction?
Difficile de dire si cette baisse généralisée
des Bourses hier est le début de cette
correction que plusieurs anticipent, après une
remontée archi-rapide des indices, quand il est
devenu clair pour le marché que la récession
serait importante, mais qu’il ne s’agissait pas
d’une reprise de la dépression des années 30. La
progression de la Bourse de Toronto laisse
particulièrement perplexe Carlos Leitao,
qualifiant même le parquet canadien d’« animal
un petit peu bizarre ».
Il en veut surtout à la progression « trop
exubérante » des ressources naturelles. « Je
pense que cette foi dans une reprise mondiale,
ce n’est pas vraiment justifié. »
À
la fin de l’année dernière, il avait mis une
cible de 8000 points au S&P/TSX pour la fin
de 2009, soit près de 20% de moins que sa
fermeture hier. Il ne sent pas le besoin de
changer sa prévision.
Chez Va leur s mobi l ières Desjardins , Luc Gi
rard, du Groupe-conseil en portefeuille, est
beaucoup plus optimiste. Il voit l’indice
principal de Toronto à 11 000 points à la fin de
l’année.
Mais même lui n’exclut pas la possibilité d’un
recul marqué au cours des prochaines semaines,
soit de 10% à 15%, environ la moitié des gains
réalisés depuis le creux de mars.
Ce qui nourrit son optimisme, c’est d’abord la
volatilité qui s’est beaucoup dissipée ces
dernières semaines et aussi les montagnes
d’argent qui dorment dans les fonds monétaires.
Il y a un mois, explique-t-il, l’équivalant de
44% de la capitalisation boursière mondiale
était postée dans ces fonds qui rapportent très
peu. Cette semaine, c’est 38%, un chiffre encore
fort imposant.
« Ce cash va peut-être rentrer (en Bourse) avant
d’avoir atteint le 10% ou 15% de recul... »
Une partie de la réponse viendra sans doute la
semaine prochaine, alors que seront publiées une
flopée de données sur l’économie américaine.
LES GRANDS MOYENS
Le taux
directeur ramené à 0,25% pour au moins un an
L’aggravation de la récession depuis janvier oblige la
Banque du Canada à abaisser une ultime fois son taux
directeur, au seuil inédit de 0,25%. Le gouverneur de la Banque du
Canada, Mark Carney.
Dans un accent de transparence sans précédent, les
autorités monétaires précisent même que « le taux cible
de financement à un jour devrait demeurer au niveau
actuel jusqu’à la fin du deuxième trimestre de 2010 afin
que la cible d’inflation puisse être atteinte ».
La décision a surpris quelque peu puisqu’une mince
majorité d’observateurs s’attendaient plutôt au statu quo
de 0,5%. L’effet marginal de cette annonce reste à
démontrer, arguaient ses tenants, et l’oblige à modifier
le cadre de mise en oeuvre de sa politique monétaire.
Quelques minutes à peine après cette annonce hier matin,
cependant, les institutions financières ont à leur tour
diminué de 25 centièmes leur taux préférentiel, qui passe
à 2,25%. À partir d’aujourd’hui, le coût de remboursement
des prêts hypothécaires à taux variables diminue aussi
(voir autre texte).
« La récession qui a frappé l’économie mondiale s’est
intensifiée et est devenue plus synchronisée, écrit la
Banque du Canada dans son communiqué. L’activité a diminué
plus qu’escompté dans tous les grands pays industrialisés.
»
En outre,
la mise en oeuvre des mesures visant la stabilisation du
système financier international est plus longue que
prévu.
Cela l’amène à réviser son scénario économique. La
décroissance de -1,2% prévue en janvier pour 2009 se
creusera jusqu’à - 3%, ce qui place la banque parmi les
observateurs les plus pessimistes. La reprise est
reportée à l’automne, soit un trimestre plus tard.
L’expansion rapide de 3,8% anticipée encore en janvier
pour 2010 est ramenée à 2,5%.
Le ministre des Finances, Jim Flaherty, a indiqué qu’il
n’a pas l’intention de revoir à la baisse ses
prévisions, contenues dans son budget adopté en mars. «
Je maintiens mes projections budgétaires. Nous sommes
sur la bonne voie. Nous allons continuer notre programme
de dépenses pour stimuler l’économie », a-t-il affirmé
en point de presse.
La molle reprise retardera de deux trimestres l’atteinte
de sa cible d’inflation de 2,0%, prévoit la banque.
Ayant
maintenant épuisé son outil classique de détente
monétaire, elle devra recourir à d’autres instruments
non conventionnels d’allégement du crédit qui seront
dévoilés demain avec la publication du Rapport sur la
politique monétaire.
La banque a néanmoins annoncé une nouvelle façon
d’injecter des liquidités. Jusqu’à hier, le taux cible
de financement à un jour était le point médian d’une
fourchette de 50 centièmes. La limite supérieure
correspondait au taux d’escompte, c’est-à-dire celui
auquel elle prête aux institutions. La limite inférieure
correspondait au taux de rétribution des dépôts qu’elles
faisaient à la banque. En offrant un rendement plus
faible que son taux cible, la banque centrale
décourageait les dépôts chez elle pour inciter les
institutions à se prêter entre elles à ou près de son
taux cible.
« Avec un taux cible de 0,25%, la banque avait un
problème, elle ne pouvait pas abaisser le taux de dépôt
davantage », fait remarquer Martin Lefebvre, économiste
principal, chez Desjardins.
Désormais, la banque rétribuera les dépôts qu’on lui
confie à son taux cible de 0,25%. « Cette valeur
plancher est essentielle afin de ne pas perturber le
fonctionnement du marché monétaire », souligne Sébastien
Lavoie, économiste chez Valeurs mobilières Banque
Laurentienne.
Ce faisant, elle va attirer des dépôts avec lesquels
elle compte se créer des réserves de 3 milliards. Cet
argent servira à acheter des titres gouvernementaux ou
d’entreprises, à sa convenance. « Cette mesure, jumelée
à l’engagement de ne pas toucher au taux cible pendant
au moins un an, devrait contribuer à aplatir la courbe
de rendements des marchés monétaires », souligne Michael
Gregory, économiste chez BMO Marchés des capitaux.
Les
lunettes roses au panier JEAN-PASCAL BEAUPRÉ
En se
mettant au diapason, la Banque du Canada fait réaliser
aux Canadiens à quel point la récession sera profonde.
Le gouverneur de la Banque du Canada, Mark Carney, a
enfin enlevé ses lunettes roses. Non seulement la banque
centrale a-t-elle abaissé hier son taux directeur à
0,25%, mais, surprise, elle s’engage à le maintenir à ce
niveau jusqu’à la mi-2010. Elle rejoint ainsi sa voisine
du Sud, la Réserve fédérale américaine, qui a réduit son
taux au plancher il y a déjà belle lurette.
La Banque du Canada envoie aussi par-dessus bord sa
boule de cristal de janvier. Ses prévisions de recul du
PIB en 2009 sont passées de 1,2% à 3% en trois mois à
peine. Et lorsque la reprise se pointera le bout du nez,
la croissance canadienne n’atteindra pas 3,5% en 2010,
comme la banque centrale l’avait initialement prédit,
mais plutôt 2,5%, ce qui semble déjà un brin optimiste.
Jusqu’à hier, la Banque du Canada nous donnait
l’impression de vivre sur une autre planète économique:
ses projections plutôt jovialistes tranchaient avec
celles plus sombres de l’ensemble des économistes. En se
mettant au diapason, la banque centrale fait réaliser en
même temps aux Canadiens à quel point la récession sera
profonde. Sans presser sur le bouton de panique.
M. Carney s’est finalement résigné à virer capot quand
son équipe d’experts a conclu que les effets des
programmes de stimulation des pays industrialisés
prendraient plus de temps à se faire sentir dans
l’économie réelle.
La
Banque du Canada n’en restera pas là. Demain, on
s’attend à ce qu’elle sorte la planche à billets.
Question d’épauler les banques, quoique déjà solides,
pour accroître leurs liquidités et ainsi faciliter le
crédit aux entreprises et aux consommateurs.
« Nous ne sommes pas sortis du bois », a averti le
président américain Barack Obama, il y a quelques
jours, en pesant ses mots. Les développements récents
lui donnent raison. Pas plus tard qu’hier, un rapport
du Fonds monétaire international prévoyait que les
institutions financières encaisseraient des pertes de
4100 milliards de dollars à l’échelle mondiale. À
elles seules, les banques américaines assumeront les
deux tiers du recul.
Tout en annonçant avoir retrouvé le chemin de la
rentabilité, Bank of America a ébranlé les marchés
financiers lundi en augmentant de 60% ses provisions
pour créances douteuses. Face à un marché immobilier
chancelant et un taux de chômage galopant, les
Américains ont de plus en plus de difficultés à
rembourser leurs dettes de cartes de crédit. Le
secteur financier est en meilleure santé qu’à
l’automne, vrai, mais les défauts de paiement
pourraient plomber son bilan pendant encore un bon
bout de temps. L’annonce de Bank of America a porté un
coup dur à l’embellie boursière des six dernières
semaines.
Dès l’automne dernier, l’économiste Nouriel Roubini,
réputé pour avoir prédit l’ampleur de la présente
débâcle financière, avait évoqué le spectre d’une
crise des cartes de crédit potentiellement aussi
dévastatrice que la dégringolade du marché immobilier
aux États-Unis. Le taux d’endettement élevé des
Canadiens forcera les banques à redoubler de
vigilance.
Espérons maintenant que la Banque du Canada n’aura pas
à réviser encore à la baisse ses prévisions de
croissance. Son coffre à outils est de moins en moins
garni.
DURE RÉCESSION EN 2009,
REPRISE LENTE EN 2010
Le FMI brosse un sombre tableau de l’économie mondiale
— Le
Fonds monétaire international ( FMI) est de nouveau très
pessimiste pour l’économie mondiale, qui devrait, selon
lui, connaître une année 2009 de profonde récession,
généralisée dans toutes les régions, et une reprise
lente l’an prochain.
Au fil du développement de la crise, le FMI se montre de
plus en plus inquiet quant à la tournure que prennent
les choses: cette révision à la baisse est la troisième
de l’année, après celles de janvier et mars.
Alors que les marchés financiers estiment depuis
plusieurs semaines que le plus dur de la crise
appartient au passé, le FMI estime lui que le produit
intérieur brut (PIB) de la planète se contractera de
1,3% cette année, une première depuis plus d’un
demi-siècle, et celui des pays développés de 3,8%.
«
L’économie mondiale traverse une grave récession causée
par une crise financière massive et une perte de
confiance aiguë », souligne l’institution multilatérale
dans ses Perspectives économiques mondiales.
L’année 2010 devrait voir le retour à la croissance du
PIB mondial (+1,9%), mais pas de celui des pays
développés (qui stagnerait). Et ce ne serait que le
début d’une « période de transition difficile, où le
taux de la croissance sera notablement plus bas que dans
un passé récent ».
La crise actuelle, la plus grave depuis la Seconde
Guerre mondiale, n’épargne aucune région du monde. «
Pratiquement toutes les économies développées, et de
nombreuses économies émergentes et en développement sont
en récession », d’après les économistes du FMI.
Parmi les pays industrialisés, c’est le Japon qui
devrait souffrir le plus en 2009, avec une contraction
de son produit intérieur brut de 6,2%, suivi de la
Russie (6%), l’Allemagne (5,6%) et la Grande-Bretagne
(4,1%).
Pour
le Canada, le FMI prévoit un recul de l’économie de
2,5% cette année et une croissance de 1,2% l’an
prochain. Il s’agit de la meilleure performance
escomptée parmi les pays aux économies avancées,
autant pour 2009 que pour 2010. Mais ces nouvelles
prévisions du FMI pour le Canada contrastent avec
celles qu’il avait publiées en janvier dernier ; le
FMI prévoyait alors un recul de 1,2% pour le Canada
cette année et une croissance de 1,6% en 2010.
En comparaison, mardi, la Banque du Canada
indiquait, pour sa part, que l’économie du Canada
devrait se contracter de 3,0% cette année et
afficher une croissance de 2,5% en 2010. En janvier,
la banque centrale canadienne prévoyait un recul de
1,2% cette année et une croissance de 3,8% en 2010.
L’act ivité se contracterait violemment cette année
aux États-Unis (-2,8%), en zone euro (-4,2%, dont
-3,0% pour la France). Elle aurait considérablement
ralenti chez les champions du monde de la
croissance, la Chine (+ 6,5 %) et l’ Inde (+ 4,5%).
Déclenchée par la débâcle du système financier
américain puis mondial, la récession s’aggrave aussi
de ce fait. La dernière révision provient de «
l’hypothèse de base que la stabilisation des marchés
financiers va prendre plus longtemps que prévu
initialement, même portée par les efforts vigoureux
» des dirigeants politiques, écrit le FMI.
« Les problèmes financiers des pays avancés
resteront donc sérieux pendant une bonne partie de
l’année 2010, ne se résolvant que lentement », selon
l’institution multilatérale.
Les
conséquences s’en feront ressentir dans le monde
entier. « Le chômage va continuer à croître tant que
la croissance sera inférieure à son potentiel », a
relevé lors d’une conférence de presse l’économiste
en chef du FMI, Olivier Blanchard.
Or, « les crises financières antérieures enseignent
que si l’on tarde à s’attaquer au problème de fond,
le marasme économique persiste encore plus longtemps
et a un coût encore plus élevé, tant pour le
contribuable que pour l’activité économique »,
s’alarme le FMI, dans ce document publié en vue de
ses assemblées de printemps, qui se tiennent samedi
et dimanche.
Les conséquences de la crise sont particulièrement
sensibles dans le volume des échanges
internationaux, qui devrait fondre de 11 % cette
année, avant de se stabiliser (+ 0,6%) en 2010.
Cette évolution est lourde de conséquences pour les
économies émergentes. « Leur sort dépend beaucoup de
ce qui se passe dans les économies développées :
leurs exportations ne se rétabliront que lorsque la
demande reprendra dans les économies développées, et
ils n’y peuvent pas grand-chose », a souligné M.
Blanchard.
Le FMI se félicite seulement de la mise en place de
plans de relance pour lesquels il a plaidé, et sans
lesquels « nous serions en plein dans quelque chose
de très proche d’une dépression » mondiale, d’après
son principal économiste.
Pas de fin
de récession en vue
Baisse
de l’indice économique avancé en mars
L’indice des indicateurs économiques avancés a baissé
plus que prévu le mois dernier aux États-Unis, ce qui
donne à penser que ce qui pourrait être la plus longue
récession de l’après-guerre ne prendra pas fin avant
de nombreux mois encore.
Ainsi, l’indice calculé par le Conference Board
américain a reculé de 0,3 % en mars après une baisse
de 0,2 % en février. Cette dernière a été plus modeste
que ce qui avait été d’abord prévu, a précisé hier
l’organisme dont le siège est à NewYork. L’indice des
indicateurs économiques avancés indique la direction
que l’économie prendra au cours des trois à six
prochains mois.
La hausse du chômage et le resserrement du crédit
signifient que les récents gains au chapitre des
dépenses de consommation, qui forment la plus grosse
partie de l’économie américaine, ne dureront
probablement pas, ce qui aura pour effet de prolonger
la récession jusqu’à tard dans la deuxième partie de
l’année. Le rapport avertit que les mesures adoptées
par la Réserve fédérale américaine (Fed) et
l’administration Obama pour stimuler le système
financier sont susceptibles de ne pas rapporter des
dividendes immédiatement.
« Cela n’ i ndique aucune petite hausse de la
croissance », observe Dean Maki, codirecteur de la
recherche américaine chez Barclays Capital Inc., à
NewYork. « Nous attendons, ajoute-t-il, une reprise
qui sera beaucoup moins vive que ce qu’on l’observe
ordinairement après une récession profonde. »
Le marché s’attendait à ce que l’indice des
indicateurs économiques avancés baisse de 0,2 %, selon
la médiane des prévisions de 51 économistes sondés par
Bloomberg.
Six des 10 indicateurs ont tiré l’indice à la baisse,
les plus importants étant le plongeon des permis de
bâtir et la baisse des prix des actions. Une
performance plus rapide des fournisseurs (ce qui
indique une baisse des carnets de commandes), une
diminution des heures travaillées dans les usines,
l’augmentation du nombre de prestations d’assurance
chômage et une baisse des commandes de biens
d’équipement ont aussi contribué au recul de l’indice.
Mais
ce mois-ci, deux des indicateurs ci-dessus ont montré
des signes d’amélioration. Il y a deux semaines, le
nombre de demandes de prestations d’assurance chômage
a chuté à son niveau le plus bas depuis janvier
dernier et jusqu’à la semaine dernière, les actions
avaient bondi de 29 % par rapport au creux de 12 ans
atteint le 9 mars dernier.
Bénéfices des banques
Le redressement des actions en Bourse qui a commencé
le mois dernier a été provoqué par des rapports
indiquant que les banques américaines renouaient avec
les bénéfices.
Hier, Bank of America, de Charlotte, en
Caroline-du-Nord, a annoncé que ses profits avaient
plus que triplé au premier trimestre grâce à des gains
dans les transactions boursières et les prêts
hypothécaires. Toutefois, cette bonne nouvelle n’a pas
empêché l ’ indice américain Standard & Poor’s 500
de chuter brusquement à New York.
La semaine dernière, le président de la Réserve
fédérale, Ben S. Bernanke, a affirmé que la crise du
crédit causera des dommages « de longue durée » sur
les prix des maisons et la richesse des ménages
américains.
Les économistes interrogés par Bloomberg, lors de la
première semaine d’avril, prévoient que les dépenses
des consommateurs vont ralentir durant le trimestre en
cours, après un faible rebond au premier t r i mest
re, pour ensuite repartir à la hausse vers la fin de
l’année.
L’économie américaine devrait se contracter de 2 % au
deuxième trimestre, après un plongeon de 5 % au
trimestre précédent, selon le sondage.
Une reprise fragile
Le
rebond de l’économie chinoise ne peut être durable si
ses marchés extérieurs continuent à s’effondrer
L’auteure est économiste au Centre d’études prospectives
et d’information internationales à Paris. Au dernier
trimestre 2008, le rythme de croissance de l’économie
chinoise est tombé à 6,8% (contre 13% pour l’année
2007), plombé par le ralentissement de la demande
interne et la chute des exportations. Au premier
trimestre de cette année, il a encore baissé à 6,1%,
mais certains signes laissent penser que le
ralentissement a atteint un plancher.
La croissance de la production industrielle, qui était
tombée au plus bas en janvier et février (+3,8%), a
dépassé 8% en mars ( par rapport à mars 2008). Depuis
janvier, le volume des ventes immobilières a cessé de
chuter. Les prêts bancaires ont explosé et
l’investissement s’est accéléré, notamment dans certains
secteurs comme les chemins de fer. Le plan de relance
massif lancé en novembre 2008 a commencé à faire effet.
Cette reprise est fragile. Le rebond vient de
l’augmentation des dépenses publiques et des
investissements réalisés par les entreprises contrôlées
par l’État. Leur effet d’entraînement sur le reste de
l’économie ne s’est pas encore fait sentir.
Les surcapacités persistent dans de nombreux secteurs
industriels, les profits des entreprises sont en chute
libre (-37% au premier trimestre par rapport à 2008) et
les indicateurs montrent des commandes encore faibles
dans le secteur manufacturier.
Le
commerce extérieur ne donne aucun signe de reprise,
puisque les exportations ont continué à baisser (-17% le
mois dernier par rapport à mars 2008), de même que les
importations (-25%).
La consommation des ménages a jusqu’ici assez bien
résisté à la crise, mais il est peu probable qu’elle
puisse tirer la croissance vers le haut cette année. Les
revenus de la population vont, au mieux, stagner en
raison de la faible progression des salaires et de la
hausse du chômage. Sur les 120 à 140 millions de
migrants ruraux travaillant dans les industries
exportatrices, 20 millions sont déjà sans emploi.
Certes, les autorités ont pris des mesures pour stimuler
les dépenses : hausse des allocations aux plus démunis,
relèvement des retraites des fonctionnaires,
distribution de coupons d’achats, subventions aux ventes
d’équipements ménagers et d’articles électroniques dans
les campagnes. La baisse de 10% de la taxe sur certaines
voitures a déjà fait repartir les ventes. Mais les
mesures de stimulation de la demande des ménages
demeurent modestes et la propension à épargner restera
forte. Le vaste projet de refonte du système de santé
qui vient d’être adopté devrait donner à tous l’accès à
un système de soins à l’horizon 2020, mais reste encore
flou sur les financements publics qui lui seront alloués
à court terme.
Dans l’état actuel des choses, le rebond de l’économie
chinoise ne peut être durable si ses marchés extérieurs
continuent à s’effondrer. Les prévisions de croissance
pour la Chine se situent en moyenne autour de 6,5% pour
2009 (loin de l’objectif officiel de 8%) et anticipent
une accélération en 2010 (autour de 7 à 8%), à condition
que les grands partenaires commerciaux de la Chine – les
États-Unis, l’Europe et Japon – sortent de la récession
l’année prochaine.
La
bulle porcine - JEAN-PASCAL BEAUPRÉ
Déjà
terrassée par sa pire crise économique en 70 ans, la
planète en convalescence est menacée d’être alitée de
nouveau par une pandémie de grippe porcine. Ça ne
pouvait tomber à un plus mauvais moment.
Une épidémie ne causera pas que de la souffrance
physique aux populations. Elle ferait aussi très mal
au niveau de vie de tous et chacun parce que le
commerce international en serait grandement affecté.
U ne p a n d é mi e entraînerait d’abord une montée
naturelle du protectionnisme, entrave majeure à une
reprise économique, réflexe qui a encore été décrié
tout récemment au sommet du G20. Une chute du tourisme
et des voyages d’affaires, l’interdiction d’importer
des aliments ou d’accepter des travailleurs provenant
des pays touchés par le virus: voilà le visage que
pourrait prendre ce repli sur soi des nations
effrayées.
Dans les pays ravagés par la grippe porcine,
l’absentéisme au travail et la réduction des dépenses
des consommateurs reclus à la maison mineront
inévitablement la croissance économique. La hausse
fulgurante des dépenses de santé associées à la lutte
contre l’épidémie plomberait aussi les finances
publiques.
Plusieurs
études
récentes ont évalué les conséquences économiques d’une
pandémie de grippe. La Banque mondiale a estimé en
2008 qu’il en résulterait une chute de 2 à 5% du PIB
mondial. Ce serait pire que la contraction de 1,3%
prévue en 2009 par le FMI, en raison de la crise
économique.
Ilyadeuxans, uneétudeduministère canadien des Finances
a calculé que le PIB national encaisserait une baisse
de 0,9% si le pays était frappé par une forte épidémie
de grippe. De son côté, un rapport du Congrès de 2006
a révélé qu’une pandémie modérée ferait culbuter la
croissance américaine d’au moins 1%.
Ces études avaient ceci en commun: toutes prévoyaient
un rebond spectaculaire de l’économie dans l’année qui
suivrait celle de la pandémie. Sauf que leurs
conclusions remontent avant l’éclosion de la présente
crise financière. Or, les économistes prédisent déjà
une reprise très modeste de l’économie mondiale au
sortir de la récession. Le patient peinera davantage à
se rétablir si une pandémie de grippe porcine de
plusieurs mois vient se superposer à la débâcle
financière.
Mieux dotés en services de santé, les pays développés
pourraient s’en tirer à meilleur compte. Mais
qu’arrivera-t-il dans les pays émergents, plus
vulnérables, dont la croissance dépend essentiellement
des exportations? Leur remise sur pied pourrait
s’avérer passablement plus pénible. Le premier
affecté, c’est le Mexique évidemment, qui en arrachait
déjà. La récession et la guerre de la drogue ont fait
chuter ses recettes touristiques de 20% en quelques
mois. La grippe porcine portera un coup fatal à
l’industrie. Plusieurs pays ont bloqué l’importation
de porc mexicain. Les ÉtatsUnis ont aussi fermé la
frontière à un nombre croissant de travailleurs
mexicains pour protéger les emplois des Américains.
La bulle des technos a crevé en 2000. Puis, récemment,
ce fut au tour de la bulle immobilière, encore plus
dévastatrice. Cette fois-ci, on craint que le virus de
la grippe porcine enfle à vitesse grand V et emporte
toute la planète dans la tourmente économique.
Mauvaise
nouvelle : l’excédent commercial explose
L’excédent commercial du Canada a quadruplé pour
atteindre 1,1 milliard de dollars au mois de mars. Il
était de 262 millions au mois de février.
Ce n’est pas une bonne nouvelle.
Statistique Canada a fait savoir hier que les
importations et les exportations de marchandise du
Canada avaient diminué en mars. Si l’excédent
commercial a augmenté, c’est uniquement parce que les
importations ont diminué deux fois plus que les
exportations.
« La bonne nouvelle apparente, c’est l’augmentation
du solde commercial , a déclaré Benoît Durocher,
économiste du Mouvement Desjardins, en entrevue avec La
Presse Affaires. Mais ça cache deux mauvaises nouvelles:
d’une part, les exportations continuent de diminuer, ce
qui n’est pas une bonne nouvelle pour les exportateurs;
d’autre part, la forte diminution des importations est
symptomatique de profondes difficultés au niveau de la
demande intérieure, soit des dépenses de consommation en
recul et une forte diminution des investissements
résidentiels et non résidentiels. »
Les importations ont baissé de 4,4% au mois de mars pour
s’établir à 31,4 milliards, alors que les exportations
ont diminué de 1,8% pour se chiffrer à 32,5 milliards.
La diminution des importations et des exportations a
touché la plupart des secteurs. Au niveau des
importations, ce sont les produits énergétiques qui ont
enregistré la baisse la plus importante, soit une
diminution de 18,4%. La valeur de ces importations s’est
établie à 2,3 milliards, soit le niveau le plus faible
depuis octobre 2004. En mars, les importations de
pétrole brut ont diminué de 2,1%, alors que les
importations d’autres produits énergétiques ont chuté de
33,2%.
Le f
léchissement du secteur énergétique au pays a eu des
répercussions sur l’importation des biens industriels.
En effet, le Canada a importé moins de tiges et de
tubes de forage, ce qui a contribué à une baisse de
4,5% des importations de biens industriels.
Du côté des exportations, il faut noter la diminution
de 3,3% du côté des produits de l’automobile et de
3,4% du côté des machines et des équipements. Ces deux
secteurs sont à l’origine de près des deux tiers de la
diminution des exportations en mars.
« Je suis un peu déçu de la baisse des exportations
parce qu’on avait plusieurs éléments en place pour
avoir une légère croissance, a affirmé M. Durocher. Il
y avait une augmentation importante de prix qui aurait
dû normalement gonfler la valeur de nos exportations,
et il y avait eu une bonne croissance de la production
de véhicules. On aurait pu espérer que ces véhicules
soient exportés. »
Krishen Rangasamy, de la CIBC, ne prévoit pas une
grande amélioration à ce niveau, « compte tenu du
rétrécissement du marché de l’auto aux États-Unis ».
Benoît Durocher a af firmé que les données de
Statistique Canada sur les importations et les
exportations venaient conforter Desjardins dans ses
prévisions.
« Nous demeurons d’avis que le PIB ( produit intérieur
brut) réel subira le recul le plus important de son
histoire au premier trimestre de 2009, soit une
réduction d’environ 7% », a-t-il affirmé.
Desjardins croit que le PIB conti nuera à diminuer au
deuxième, au troisième, et peutêtre même au quatrième
trimestre, mais à un rythme moins rapide.
Corrections sur fond de signes
d’impatience
« Il
faut un rebond dans la consommation avant de pouvoir
espérer que la reprise s’alimente d’elle-même. »
Les Bourses nord-américaines ont terminé la dernière
séance de la semaine sur des reculs marqués, les
investisseurs ayant brusquement mis fin à la reprise
printanière des récentes semaines.
L’indice composite de la Bourse de Toronto, le
S& P/ TSX, a cédé 86,35 points pour clôturer à
9762,85 points. Sur l’ensemble de la semaine,
l’indice de référence a retraité de 4,6%.
Le dollar canadien a lui aussi reculé vendredi,
cédant 0,59 cent US à 84,81 cents US, tandis que la
Bourse de croissance TSXV a réussi à dégager un gain
de 2,55 points à 1063,07 points.
Les deux Bourses torontoises ont connu des
difficultés techniques en fin de séance qui ont
paralysé la transmission de données pendant près
d’une heure. Les échanges ont repris à environ 10
minutes de la fermeture des marchés.
Le secteur de l’énergie a été le principal perdant,
retraitant de 2,5 %. Le cours du baril de pétrole
brut a reculé de 2,28$ US à 56,34$ US à la Bourse
des matières premières de New York, victime des
inquiétudes quant à la demande pour l’énergie.
À New York, la moyenne Dow Jones des valeurs
industrielles a chuté de 62,68 points à 8268,64
points, affichant une baisse de 3,6% sur l’ensemble
de la semaine.
L’indice élargi S& P 500 a lâché 10,19 points à
882,88 points, tandis que l’indice composite du
NASDAQ, à forte composante technologique, a glissé
de 9,07 points à 1680,14 points.
« Trop vite »
« Le
marché était allé trop vite », souligne Lindsay
Piegza, en jugeant peu surprenante la correction
subie par la première place mondiale.
Les rares indices économiques publiés au cours de la
semaine n’ont pas confirmé les espoirs des
investisseurs sur une stabilisation de l’économie.
Et leur confiance a été ébranlée par le
recul-surprise des ventes de détail mercredi:
l’indice Dow Jones a cédé 2,2% ce jour-là.
« Il faut un rebond dans la
consommation avant de pouvoir espérer que la
reprise s’alimente d’elle-même » , note Lindsay
Piegza.
La poursuite de la remontée de l’indice de confiance
des consommateurs américains mesuré par l’Université
du Michigan en mai – pour le troisième mois de
suite– n’a même pas permis de terminer la semaine
sur une note positive.
« Les acteurs du marché, sentant que le calendrier
de la reprise pourrait être repoussé jusqu’au
troisième trimestre au plus tôt, pourraient décider
d’empocher des bénéfices supplémentaires et
d’attendre des signaux plus clairs d’une
stabilisation définitive de l’économie avant de
replacer leur argent dans les actions », estime
Frederic Dickson, de D.A. Davidson.
L’analyste s’attend ainsi à voir le marché patiner,
et estime que même si la tendance est à la hausse,
celle-ci devrait se faire à un rythme bien plus
lent.
Les investisseurs resteront attentifs à la
publication des permis de construire et mises en
chantier pour avril mardi, alors que les économistes
guettent toujours une stabilisation du marché de
l’immobilier.
Mais la semaine à venir sera plutôt légère du point
de vue macro-économique.
Le compte-rendu de la Réserve fédérale paraîtra
mercredi, puis l’indice composite de l’activité
économique pour avril jeudi. Jeudi également,
l’indice de l’activité industrielle de la région de
Philadelphie offrira une vision un peu plus avancée
puisqu’il porte sur le mois de mai.
WALL
STREET À BOUTDE SOUFFLE?
Le
S& P 500 pourrait baisser après une reprise de
14%
« Ce serait sain que les marchés prennent un moment
de répit pour permettre aux bases économiques de
combler leur retard. »
La plus forte reprise boursière, enregistrée durant
une période de publication des résultats depuis
2002, a poussé 34% des compagnies de l’index S&
P 500 audessus du prix cible des analystes pour l’an
prochain, ce qui suscite des craintes sur le rythme
de la relance. Le S& P 500 a grimpé de
5,9% la semaine dernière, ce qui a effacé les
pertes de cette année.
Le S& P 500 était à moins de 5% des projections
de prix combinées de plus de 1700 analystes la
semaine dernière après avoir gagné 14% depuis
qu’Alcoa a rapporté ses résultats du premier
trimestre le 7 avril. Caterpillar, le plus grand
fabricant d’excavatrices, et Citigroup, la banque
qui a reçu 45 milliards US de l’argent des
contribuables américains, font partie des 170
compagnies qui s’échangent au-dessus de leur prix
estimé moyen, selon les calculs de Bloomberg.
Jusqu’à maintenant, les analystes n’ont pas voulu
hausser les cibles de prix et de revenus après que
le S& P 500 ait bondi de 37% à partir d’un creux
de 12 ans en mars. Les prédictions de profits à la
baisse conjuguées aux évaluations boursières en
hausse et aux coûts plus élevés pour les options qui
assurent contre les pertes font craindre aux
investisseurs que la reprise aille trop loin, trop
vite.
« Il ne serait pas réaliste de s’attendre à ce que
ça continue de monter », a dit Leo Grohowski, agent
d’investissement en chef à la Bank of New York
Mellon Wealth Management, qui administre 132
milliards. « Ce serait sain que les marchés prennent
un moment de répit pour permettre aux bases
économiques de combler leur retard. » Avec plus d’un
tiers des entreprises de l’index de référence pour
des titres américains surévaluées comparativement à
leur prix cible, la juste valeur marchande du S&
P 500 est de 970.21, comparativement à 929.23 à sa
fermeture le 8 mai, selon les calculs de Bloomberg.
Reprise historique
Le S& P 500 a grimpé de 5,9% la semaine
dernière, ce qui a effacé les pertes de cette année.
Les résultats de l’examen des banques par le
gouvernement ont rassuré les investisseurs de même
que l’annonce par le département du Travail que le
rythme des pertes d’emplois avait diminué en avril.
Les titres financiers ont mené la hausse de
l’indice, grimpant de 23%.
Plus
de 200 entreprises de l’indice ont grimpé d’au moins
50% depuis le plus bas niveau de cette année, le 9
mars. Les prix de presque la moitié des sociétés de
l’indice sont à l’intérieur d’une marge de 5% de la
cible de juste valeur marchande, selon les calculs
de Bloomberg.
La reprise de neuf semaines la plus prononcée du
S& P 500 depuis les années 30 a débuté quand les
plus grandes banques américaines ont annoncé des
profits au premier trimestre. Le président Obama a
également annoncé 787 milliards US en dépenses et
réductions d’impôts et le Trésor a dévoilé des plans
pour financer jusqu’à 1000 milliards US en rachats
de prêts en difficulté.
Freinage brusque
Cependant, Nick Heymann, de Sterne Agee& Leach à
New York fait une mise en garde : « L’enthousiasme
des investisseurs va freiner brusquement quand ils
réaliseront qu’ils ont fait une grosse erreur. Si
vous n’êtes pas bien positionné dans votre
portefeuille, vous risquez de passer à travers le
pare-brise. »
L’histoire démontre aussi que les marchés à la
baisse connaissent des rechutes après avoir quitté
leur niveau le plus bas. La dernière fois que les
titres américains sont sortis d’un marché baissier
en 2002, une hausse de 21% sur sept semaines a
précédé une nouvelle chute de 15% avant que le
marché revienne à la hausse.
Pendant la Grande Dépression, une hausse de 47%
après le krach boursier de 1929 a été suivie par au
moins six reculs d’au moins 25%.
La consommation américaine inquiète les
investisseurs
« Il y
a deux semaines, personne ne croyait que l’économie
allait se retourner cette année et, aujourd’hui, les
gens sont contrariés parce que les ventes au détail
n’augmentent pas. »
Le principal indice de la Bourse de Toronto a chuté de
plus de3% hier, passant sous la barre symbolique des
10 000 points, alors que les investisseurs se
laissaient vaincre par le pessimisme à la suite de la
publication de données décevantes sur le commerce de
détail aux États-Unis.
L’indice composite S&P/ TSX a dégringolé de 368,19
points, soit 3,7%, pour clôturer à 9709,51 points,
tiré vers le bas par la faiblesse du cours du pétrole
et les titres des métaux. C’est la première fois que
le S&P/ TSX termine sous la barre des 10 000
points depuis jeudi dernier.
Le dollar canadien a lui aussi connu une journée di f
ficile, retraitant de 1,02 cent US, à 85,04 cents US,
après avoir cédé jusqu’à 1,17 cent US plus tôt dans la
journée.
Le secteur torontois des métaux diversifiés a
abandonné 5,2%, l’action de Teck Resources ayant cédé
2,40$, à 13,69$.
Les
titres du secteur de l’énergie ont pour leur part
lâché 4,9%. Le cours du baril de pétrole brut a reculé
de 83 cents US, à 58,02$ US, à la Bourse des matières
premières de New York (NYMEX). L’action de Talisman
Energy a fondu de 2%, à 16,15$.
Sur Wall Street, la moyenne Dow Jones des valeurs
industrielles a perdu 184,22 points, soit 2,18%, à
8284,89 points. L’indice élargi S&P 500 s’est
affaibli de 24,43 points, à 883,92 points, tandis que
l’indice composite du NASDAQ, à forte composante
technologique, a abandonné 51,73 points, à 1664,19
points.
« Les attentes sont allées plus vite que le marché »,
a constaté Marc Pado, de Cantor Fitzgerald.
« Il y a deux semaines, personne ne croyait que
l’économie allait se retourner cette année et,
aujourd’hui, les gens sont contrariés parce que les
ventes au détail n’augmentent pas », a-t-il noté.
Le
recul des ventes de détail de 0,4% en avril par
rapport à mars a été interprété comme un mauvais
chiffre, alors que sa baisse est moindre que celle du
mois précédent. Mais les analystes espéraient une
stabilisation.
« Jusqu’à maintenant, la Bourse montait sur des
statistiques qui montraient des signes de
ralentissement de la détérioration de l’économie. Cela
a amené le marché à avoir des attentes parfois un peu
trop optimistes », a expliqué Gregori Volokhine, de
Meeschaert New York, ajoutant qu’après 30% de hausse
en quelques semaines « les investisseurs cherchent des
excuses pour vendre ».
La baisse des demandes de refinancement hypothécaire
et la hausse des saisies immobilières ont contribué à
rendre l’ambiance plus morose que les jours
précédents. Le volume d’échanges est resté modeste.
Le repli a été général, n’épargnant que peu de
secteurs comme la pharmacie, secteur défensif par
excellence. Merck a engrangé 2,8% et Pfizer 2,3%.
Seules six valeurs du Dow Jones sur 30 ont terminé en
hausse.
« Les
investisseurs reconnaissent qu’ils sont allés trop
loin en achetant des titres de sociétés sensibles à la
conjoncture, mais ils ne veulent pas retirer leur
argent du marché. Ce que l’on voit, c’est une rotation
des portefeuilles entre différents secteurs », a
observé M. Pado.
Intel n’a cédé que 0,5%, à 15,13$US, malgré l’amende
record de 1,06 milliard d’euros décidée par l’Union
européenne pour concurrence déloyale. Mais le
fabricant de microprocesseurs a assuré aux analystes
que le trimestre en cours s’annonçait meilleur que
prévu.
Son concurrent AMD est monté de 1,2%, à 4,40$US.
Le titre du constructeur automobile Ford a encore
abandonné 1%, à 4,96$US. Il a dû consentir une forte
décote de 22% pour placer son augmentation de capital,
avec un prix de vente de 4,75$US. L’opération ne lui
rapportera donc que 1,4 milliard US, moins qu’espéré.
Le groupe de télécommunications Verizon a cédé 2,1%, à
29,75$US. Il va vendre sa téléphonie fixe dans 14
États ruraux à son concurrent Frontier Communications,
au terme d’une opération complexe valorisant les
actifs cédés à 8,6 milliards US.
IMMOBILIER : BAISSE MODESTE DES
PRIX... TOUT AU PLUS
MARCHÉ QUÉBÉCOIS EN 2009
Moins de nouvelles maisons. Moins de transactions
sur le marché de la revente. Des prix moins élevés.
Décidément, l’année 2009 ne s’annonce pas très
encourageante pour le marché immobilier québécois –
sauf peut-être pour les premiers acheteurs qui
cherchent les aubaines. Et encore. De tous les types de
propriétés, les constructions neuves sont les plus
touchées par le ralentissement économique.
Selon les dernières prévisions de la Société
canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL)
rendues publiques hier, le marché immobilier
québécois subira un recul sur tous les plans en
2009. Les mises en chantier devraient diminuer de
16%. Le nombre de transactions sur le marché de la
revente devrait diminuer de 12 %. Les prix devraient
aussi suivre la tendance à la baisse, mais de façon
beaucoup moins importante. La SCHL anticipe une
baisse des prix de 1,7% sur le marché de la revente
en 2009. Les prix n’ont pas baissé sur une base
annuelle depuis 2004.
Comment expliquer les difficultés du marché
immobilier québécois? Par son économie en récession
et l’état de son marché de la revente, répond Kevin
Hugues, économiste principal pour le Québec à la
SCHL. « Le ralentissement économique a atteint et
touché le Québec, mais il faut aussi considérer
l’état du marché de la revente, dit-il. Les prix
n’ont pas reculé, mais l’offre de maisons
disponibles a augmenté. Comme les acheteurs de
maisons ont davantage de choix sur le marché de la
revente, ils n’ont plus autant recours à la
construction. »
L’industrie tient le coup
S’i l admet que le marché immobilier est moins actif
depuis le début de l’année, le chef de la direction
de la Chambre immobilière du Grand Montréal, Michel
Beauséjour, fait valoir – chiffres à l’appui – que
son industrie tient le coup. De janvier à avril
2009, la valeur des transactions à Montréal a
augmenté de 2% pour les unifamiliales et 3% pour les
appartements par rapport à la même période l’an
dernier.
La valeur des « plex » a toutefois baissé de 1%. «
Les prévisions de la SCHL sont toujours un peu
pessimistes, dit Michel Beauséjour. Nous refusons de
faire des prédictions parce que nous vivons des
moments uniques. Les modèles traditionnels ne
fonctionnent plus. »
Michel
Beauséjour
n’écarte toutefois pas le scénario d’une baisse des
prix en 2009. Le grand patron de la Chambre
immobilière du Grand Montréal se rappelle les
dernières grandes récessions, alors que le prix des
maisons avait reculé de 1% en 1981 et en 1991. « Une
légère baisse cette année ne serait rien de nouveau,
dit-il. Ce serait simplement un ajustement entre
l’offre et la demande. »
De tous les types de propriétés, ce sont les
constructions neuves qui sont le plus touchées par
le ralentissement économique. Résultat : les
nouveaux projets démarrent moins vite. « Les
promoteurs sentent bien le ralentissement, car les
pré-ventes ne se sont pas aussi rapidement, dit
Hélène Bégin, économiste au Mouvement Desjardins.
Ils attendent plus longtemps avant de commencer la
construction car les unités non vendues à la fin du
projet coûtent très cher au promoteur. »
Crise canadienne
Même si l’heure est au pessimisme sur le marché
immobilier, certains promoteurs montréalais
soutiennent s’en tirer presque sans heurts. «
C’était peut-être un petit peu plus long, mais nous
n’avons pas de difficultés à faire nos pré-ventes.
Nous avons entrepris deux nouveaux projets depuis le
début de l’année et ils sont déjà vendus à plus de
70% », dit Dino Mazzone, copropriétaire de Elevation
3, le promoteur des projets de condos Bélanger 24 et
St-Urbain 33 dans le quartier Rosemont–
La-Petite-Patrie.
De toute façon, les promoteurs québécois peuvent se
consoler en se comparant à leurs collègues du reste
du pays, où la crise immobilière est beaucoup plus
aiguë. Selon la SCHL, les mises en chantier au
Québec devraient baisser de 47 901 à 40 000 cette
année. Cette baisse de 16% est importante, mais il
s’agit de la moins élevée parmi les provinces
canadiennes. En Alberta, les mises en chantier
diminueront de 53%. Le Saskatchewan (-50%) et la
Colombie-Britannique (-43%) subiront aussi des
baisses de mises en chantier dramatiques en 2009.
Selon l’économiste Hélène Bégin, l’Ouest canadien
subit actuellement les contrecoups de son boom
immobilier des années 2000. « Le boom immobilier a
été plus fort dans l’Ouest, dit l’économiste du
Mouvement Desjardins. On y a construit beaucoup de
nouveaux projets, qui ont fait l’objet d’une
surenchère. »
Avis à ceux qui songent à renouveler leur hypothèque
: la SCHL estime que les taux hypothécaires, qui
sont actuellement à des planchers historiques,
augmenteront de façon importante au cours des deux
dernières années. Le taux fixe 5 ans, actuellement
inférieur à 4%, pourrait remonter jusqu’à 6,75% en
2010.
ÉTATS-UNIS : CHUTE
SURPRISE DE LACONSTRUCTION
—
Les permis de construire et les mises en chantier
de logements ont encore chuté en avril, aux
États-Unis, mais leur baisse-surprise ne semble
pas remettre en cause la stabilisation tant
attendue du marché du logement, que les analystes
voient se rapprocher à grands pas.
Le nombre de nouveaux permis de construire est
tombé en avril à 494 000 en rythme annuel, soit
3,3% de moins que le mois précédent, selon les
chiffres corrigés des variations saisonnières
publiés hier par le département du Commerce.
C’est leur niveau le plus bas depuis le début de
la publication de cette statistique en 1960. Le
record précédent ne datait que du mois de mars, et
cette nouvelle chute a surpris les analystes, qui
s’attendaient à un rebond, à 530 000 permis
accordés.
Le nombre de permis de construire donne une idée
de la tendance à venir du marché de la
construction, en décrépitude depuis deux ans et
dont la stabilisation, avec celle de l’immobilier
(à l’origine de la crise), passe pour être une des
clefs de la reprise aux États-Unis.
Signe encourageant, la chute des permis a ralenti
en avril (elle avait atteint 7,1% en mars). Et
surtout, le nombre de permis de construire de
maisons individuelles a progressé de 3,6%, après
une baisse de 5,5% en mars.
Ce chiffre est celui qui retient en premier lieu
l’attention des analystes, puisque la construction
de maisons individuelles représente de loin la
plus grande part du marché de la construction de
logements.
Témoignantde l’anémie actuelle de ce marché, le
nombre de mises en chantier a chuté encore plus
fortement que les permis, de 12,8% par rapport à
mars. En rythme annuel, cela représente 458000
départs de chantier, soit un nouveau plancher
depuis le début de la publication de cette
statistique en 1959.
Néanmoins, les débuts de chantiers de maisons
individuelles, qui ont augmenté de 2,8% en avril,
« ont continué de se stabiliser » (après leur
hausse de 0,3% en mars), note Marie-Pierre Ripert,
analyste de Natixis. Pour elle, l’activité de
l’immobilier devrait se stabiliser, même si aucune
reprise forte ne doit être espérée à moyen terme.
Le moral remonte
Autre signe d’espoir, le moral des constructeurs
de logements est remonté pour le deuxième mois
de suite en mai, après avoir touché le fond en
mars, selon l’étude mensuelle de l’Association
des constructeurs de logements ( NAHB) et de la
banque Wells Fargo, publiée lundi.
Même si leur moral reste très bas, cette
nouvelle hausse « indique que les constructeurs
de logements sentent que le marché a touché le
fond ou est près de le toucher », estime la
NAHB.
L’Association estime que les conditions sont
particulièrement propices pour les acheteurs,
avec des taux d’intérêt et des prix très bas et
un crédit d’impôt de 8000$US pour ceux qui
acquièrent un logement pour la première fois.
D’ailleurs, les dépenses de construction aux
États-Unis ont augmenté en mars après cinq mois
de baisse, selon d’autres chiffres publiés en
début de mois par le ministère.
Plusieurs analystes relèvent qu’une grande part
de la chute de mai est liée à la construction
d’immeubles d’habitation, secteur très fluctuant
d’un mois à l’autre. Le mauvais temps pourrait
aussi avoir pesé sur les départs de chantiers.
Pour Patrick Newport, économiste d’IHS Global
Insight, les mises en chantiers de logements
seront engagées dans « une reprise durable mais
lente au second semestre ».
Benjamin Reitzes, de BMO Capital Markets, estime
qu’un rebond des permis et des mises en chantier
est peut-être déjà en cours en mai.
Le capital-risque canadien est en
crise
Au
Québec, les fonds privés sont demeurés actifs,
mais le gouvernement aussi, allant jusqu’à créer
le fonds Teralys Capital, doté de 700 millions de
dollars à investir dans de plus petits fonds de
capital-risque.
L’industrie canadienne du capital-risque traverse
une période critique depuis le début de l’année,
un phénomène évidemment accentué par la crise
économique généralisée. Pour s’en sortir,
l’industrie compte faire peau neuve en créant de
nouveaux superfonds d’investissement, un peu comme
l’a fait Québec avec le nouveau « fonds de fonds »
Teralys Capital.
De janvier à mars 2009, les investissements en
capital-risque à l’échelle canadienne ont été de
275 millions, une baisse de 25% par rapport à la
même période, un an plus tôt. Selon l’Association
canadienne du capital de risque et
d’investissement ( CVCA), c’est le trimestre le
moins actif en près de six ans. Le nombre
d’entreprises ayant obtenu du financement a lui
aussi baissé par rapport à 2008, tout comme la
taille moyenne de chacun des investissements.
Bref, dans l’industrie canadienne du
capital-risque, ça va mal. « Nous traversons
unmoment de crise », a constaté d’ailleurs la
semaine dernière Gregory Smith, président du CVCA,
en publiant ces résultats. « À plusieurs
chapitres, ces chiffres témoignent d’un gouffre
dans le financement ment en capital-risque a
totalisé 156 millions dans la province, une hausse
de 33% par rapport à 2008. Détail intéressant :
cette somme comprend non seulement des
investissements dans des entreprises déjà
financées, elle inclut aussi le financement de
projets tout neufs. sont demeurés actifs, mais le
gouvernement aussi, allant jusqu’à créer, il y a
quelques semaines à peine, le fonds Teralys
Capital, doté de 700 millions à investir dans de
plus petits fonds de capital-risque. Teralys sera
géré comme un fonds privé, mais devra concentrer
ses investissements de risque au Canada. » Le CVCA
craint l’effet à long terme de cette situation,
l’organisme estimant que la croissance moyenne des
entreprises lancées à l’aide de capital-risque est
cinq fois plus rapide que celle de l’économie du
pays.
Le Québec, ce mouton noir
Cette avalanche de mauvaises nouvelles cache une
autre réalité un peu plus réjouissante, pour le
Québec du moins. Durant le premier trimestre,
l’investisse-
C’est un gros contraste avec ce qui se produit
ailleurs au Canada, note Chris Arsenault,
investisseur chez iNovia Capital, à Montréal. « Au
Canada, le coeur de l’industrie du capital-risque
est l’Ontario, et depuis environ deux ans, le
gouvernement ontarien et des fonds comme OMERS et
Teachers’ se sont désengagés de ce genre
d’investissement, explique-t-il. Ça a réduit
énormément l’activité de financement dans cette
province. »
Au Québec, les fonds privés dans trois champs
d’activité : les technologies informatiques, les
technologies propres et les sciences de la vie.
Une industrie naissante
Comparativement à son homologue américaine,
l’industrie canadienne du capital-risque est toute
jeune. Elle l’est encore davantage au Québec. « Ça
fait peut-être 15 ans qu’on a une industrie »,
estime le porte-parole d’iNovia Capital. Selon
lui, on commence à peine à voir apparaître une
génération d’entrepreneurs québécois rendus à leur
deuxièmeou troisième démarrage. On les reconnaît à
leur ambition de créer de grosses entreprises, pas
seulement de petites start-ups. Pour eux, le fonds
Teralys arrive à point. « À condition qu’il tienne
ses promesses », avertit Chris Arsenault.
La création de ce fonds le réjouit néanmoins au
plus haut point, car il aura un impact énorme dans
l’industrie du capital-risque, au Canada comme aux
États-Unis. « C’est l’un des plus gros fonds en
Amérique du Nord, dit-il. Quand Teralys va
investir, ça va entraîner d’autres investisseurs
et ça va créer une vingtaine d’entreprises. C’est
tout un levier. »
Chose certaine, à l’échelle canadienne, ça semble
le remède pour sortir le capital-risque de la
crise : le gouvernement ontarien vient lui aussi
de créer son propre « fonds de fonds », la
bagatelle de 200 millions, tandis qu’un troisième
du genre serait mis en place dans l’ouest du
Canada.
La récession des expatriés
- Richard Dupaul
Avec le chômage croissant dans les pays riches,
des milliers d’expatriés perdent leur emploi et,
donc, envoient moins d’argent à la maison. Une
perte énorme pour leurs proches.
L es douaniers de Tijuana, postés à la f r
ontière entre le Mexique et la Californie, ne
connaissent pas la récession, du moins au
travail.
Débordé, l e person nel voit passer un nombre
accru d’Américains qui viennent profiter des
aubaines dans les magasins mexicains. Diverses
sources indiquent aussi que les douaniers
mexicains doivent contrôler un trafic croissant
de leurs compatriotes qui quittent les
États-Unis pour rentrer à la maison… pour de
bon.
Avec la récession qui sévit en Californie, il
n’y a plus de travail pour les Mexicains.
L’eldorado des ex pat r i és – le secteur de la
construction – est terminé, et il y a peu de
boulot dans un État où le taux de chômage frôle
les 12 %.
De nouvel l e s don nées confirment d’ailleurs
que la crise s’aggrave pour cette main-d’oeuvre
vulnérable.
Le nombre de personnes qui entrent légalement
aux États-Unis en provenance du Mexique a chuté
de 40% depuis 2006 pour glisser à 350 000 par an
en moyenne, selon le Pew Hispanic Center, u n g
r oupe de r e c herc he de Washington.
Et bien qu’on dispose de peu de données
officielles, de moins en moins de personnes
tentent d’entrer illégalement en territoire
américain – le phénomène est dans un creux
jamais vu depuis 1973, selon le La récession est
donc la plus efficace des murailles le long du
Rio Grande.
Pas de travail, pas d’argent
Or, la crise économique a un effet similaire
partout sur la planète.
En Asie, l a récession a r e nvoyé des mi l l i
e r s de t ravailleurs chez eux. Du Bangladesh
au Vietnam en passant par les Philippines, les
autorités signalent une baisse marquée du nombre
de travailleurs qui partent à l’étranger.
Par exemple, 251 000 trava illeu rs ont qu itté
le Bangladesh de j a nvier à juin, soit une
chute de 50% en un an, affirme l’agence AFP, qui
cite des chiffres gouvernementaux.
Même
p h é n o mène e n Amérique l ati ne : le t iers
des travailleurs originaires de la région qui
sont encore aux États-Unis songe à rent rer au
bercai l , selon un sondage d’ I nter-American
Dialogue ( I AD), un groupe de réflexion de
Washington. Cela se compare à un taux de 20 %
l’an dernier.
La crise économique touche directement les
expatriés, mais également leurs proches. Les
transferts de fonds de la plupart des émigrés du
monde vers leur pays d’origine sont en forte
baisse, constate la Banque mondiale.
Après avoir augmenté de 15% en 2008, les envois
de fonds des émigrés vers les pays en voie de
développement devraient baisser de 7,3 % en 2009
à 304 milliards US, écrit l ’organisme dans un
récent rapport.
Ces transferts, vitaux pour le développement de
certains pays et destinés surtout aux familles
des travailleurs, pourraient baisser de 10% si
la crise se prolonge, avance la Banque.
Autrement dit, le manque à gagner pour les
proches pourrait atteindre les 32 milliardsUS.
En Amérique latine, on s’attend au pire: la
somme d’argent que les expatriés envoient chez
eux devrait chuter de 11% cette année, à 62
milliardsUS, selon l’IAD. Cela signifie
qu’environ quatre millions de personnes
recevront moins d’argent de leurs amis et
parents qui vivent à l’étranger, évalue le
Contrôles renforcés
Les sommes envoyées diminuent d’autant plus que
les contrôles migratoires sont renforcés dans
plusieurs pays.
Selon la Banque mondiale, les États-Unis, le
RoyaumeUni, l’Australie, la Russie, l’A f rique
du Sud, l’ Italie, l’Espagne et l’Inde « ont
réduit leurs quotas annuels (de travailleurs
immigrés) ou imposé des normes plus strictes »
en ce qui les concerne.
L’organisme estime que l’Inde (avec 52,0
milliardsUS en 2008), la Chine (40,6 mill i a r
ds US) et l e Mexique ( 26,3 milliards US) sont
les trois premiers bénéficiaires de transferts
de fonds en provenance de leur diaspora.
Pour c er t a i ns pays, la contribution des
expatriés est absolument primordiale. Au
Tadjikistan, par exemple, ces fonds contribuent
à 46% du produit intérieur brut. C’est donc près
de la moitié de l’économie locale qui en dépend.
Les récessions touchent tout le monde, on le
sait. Mais, avec la mondialisation et la
mobilité accrue de la main-d’oeuvre, le choc est
plus violent. Les démunis vivent une situation «
particulièrement difficile » aujourd’hui, nous
rappelle la Banque mondiale.
L’Afrique sera plus lente à sortir de la
crise
—
L’Afrique a été atteinte de plein fouet par la crise
et aura plus de peine que les autres régions à en
sortir, a affirmé hier le président de la Banque
africaine de développement (BAD) Donald Kaberuka.
Selon lui, la plupart des experts s’attendaient à ce
que l’Afrique ne soit touchée par la crise que 18mois
après les autres régions en raison de sa plus faible
intégration avec le reste de l’économie mondiale.
Mais les effets se sont fait sentir beaucoup plus vite
que prévu, les flux d’investissement vers l’Afrique
ayant fortement diminué et le financement des échanges
commerciaux s’étant pratiquement tari.
« Ma préoccupation est que lorsque la reprise
arrivera, les pays africains repartiront beaucoup plus
lentement », a-t-il dit lors d’une conférence de
presse en marge de la réunion du Comité de
développement de la Banque mondiale à Washington.
Selon M. Kaberuka, l’Afrique était pourtant parvenue à
réaliser d’importants progrès économiques sur les d10
dernières années et « commençait à réussir ».
Le FMI et la Banque mondiale ont averti vendredi que
près de 90 millions de personnes de plus pourraient
tomber dans la pauvreté en raison de la crise cette
année et le nombre de ceux n’ayant pas assez pour se
nourrir dépasser le milliard.
M.
Kaberuka a d’autre part indiqué qu’il n’attendait «
pas de miracles » des réunions du FMI et de la Banque
mondiale ce week-end à Washington. « Je ne m’attends
pas à ce que des décisions soient prises, mais
j’espère que nous pourrons parvenir à une meilleure
compréhension », a-t-il dit.
Engagement
Par ailleurs, le secrétaire au Trésor Timothy Geithner
a affirmé hier devant le Comité de développement de la
Banque mondiale que les États-Unis allaient tenir
leurs engagements en matière d’aide à l’Afrique. M.
Geithner a rappelé la promesse, formulée lors du
sommet du G8 à Gleneagles (Grande-Bretagne) en 2005, «
de doubler l’aide internationale au développement à
l’Afrique subsaharienne d’ici à 2010 ».
« Je veux vous affirmer que les États-Unis sont en
voie d’atteindre leurs engagements de Gleneagles (...)
L’aide américaine a été de 7,6 milliards de dollars en
2008, nous plaçant non loin de notre objectif de 8,7
milliards en 2010 », a-t-il précisé devant l’assemblée
des États membres de la Banque mondiale.
« Le président Obama a promis de travailler avec notre
Congrès pour apporter près d’un demimilliard de
dollars d’assistance immédiate aux populations
vulnérables et doubler le soutien au développement
agricole à plus d’un milliard de dollars en 2010 »,
a-t-il ajouté.
Petits prix, grosse menace
En
Espagne comme en Irlande, les prix à la consommation
diminuent à un rythme déroutant, réveillant le spectre
de la déflation. Des experts sonnent l’alarme : la
Banque centrale européenne doit en faire plus pour
relancer l’économie.
L’Europe court le risque que les consommateurs
commencent à anticiper une période prolongée de baisse
de prix et reportent leurs achats à plus tard, ce qui
aggraverait la récession. Une enquête auprès de 250
économistes dans le monde montre que la déflation
restera la principale menace européenne pendant au
moins un an.
Confrontés à un chômage élevé (17,4%) et à des
consommateurs tétanisés par la récession, les
commerçants en Espagne ont commencé à réagir. Mais ils
posent des gestes que plusieurs d’entre eux auraient
cru impensables auparavant : ils coupent les prix sur
presque tout.
Par exemple, les prix du poisson à l’échelle du pays
ont chuté de 6% en moyenne, en mars, et ceux du sucre
de 5,7%. On paie aussi moins cher pour les vêtements,
l’électronique et même les médicaments (-0,7%).
Le portrait global est inquiétant: les prix à la
consommation espagnols ont diminué de 0,1% en mars
(sur un an), du jamais vu.
Plus au nord, en Irlande, on vit la même chose: les
prix ont fondu de 0,7% en mars – une première depuis
que le Tigre celtique a adopté l’euro en 1999.
Si bien que bon nombre de « cousins anglais » , venus
de Liverpool ou d’ailleurs sur la plus grande île
britannique, prennent le traversier pour aller
profiter des aubaines dans les magasins irlandais,
rapporte le Financial Times.
La glissade de prix a beau réjouir les consommateurs,
dans l’immédiat, elle constitue néanmoins une grave
menace pour le Vieux Continent.
L’alarme sonne
L’inflation dans la zone euro a touché, le mois
dernier, un creux depuis la création de l’euro en
1999, avec une hausse des prix limitée à 0,6% sur un
an. C’est le taux le plus faible en 13 ans, d’après
Eurostat.
L’inflation s’éloigne ainsi de l’objectif de la Banque
centrale européenne (BCE), fixé à 2%, pour maintenir
l’équilibre économique.
Selon les experts, l’Europe court donc le risque que
les consommateurs commencent à anticiper une période
prolongée de baisse de prix et reportent leurs achats
à plus tard, ce qui aggraverait la récession. C’est là
le grand danger de la déflation: les prix baissent,
les consommateurs attendent de meilleures aubaines et
n’achètent plus, des usines ferment, le chômage
augmente… entraînant d’autres baisses de prix. Bref,
un cercle vicieux.
Quel
est le niveau des risques déflationnistes? Assez
élevé. Les experts de BNP Paribas ont repris la grille
d’analyse du FMI (Fonds monétaire international). Le
résultat est inquiétant: en France, l’indice de
vulnérabilité à la déflation, récemment à 33%,
pourrait grimper à 89% dans un an. Globalement,
l’Europe est à un niveau de risque inédit depuis 1991.
LedirecteurduFMI, Dominique Strauss-Kahn, reconnaît
que la menace est bien réelle. « À court terme, le
risque, c’est que la déflade 0,7% en Allemagne en
mars, a-t-on appris la semaine dernière. C’est plus
que prévu et on n’avait pas vu cela depuis septembre
2002.
La BCE doit agir
Dans ce contexte, tous les regards se tournent vers la
BCE. La banque centrale européenne avait créé la
surprise, le 2 avril, mais pas celle qu’on attendait.
tion compliquerait la récession et la reprise »,
a-t-il dit dans une récente entrevue.
Même son de cloche dans le privé. Une enquête auprès
de 250 économistes dans le monde montre que la
déflation restera la principale menace européenne
pendant au moins un an.
Et de quoi alimenter les craintes: les prix à la
production ont reculé
Les économistes anticipaient une baisse du taux
directeur de 50 centièmes, au regard du recul de la
production et des prix. On espérait aussi des mesures
vigoureuses pour dégeler le crédit, à l’instar des
opérations extraordinaires de la Réserve fédérale
américaine, qui rachète des obligations de l’État pour
accroître les liquidités bancaires. (La Banque du
Canada a annoncé jeudi qu’elle pourrait faire la même
chose.)
Mais à la stupeur générale, le président de la BCE,
Jean-Claude Trichet, est resté de glace. Il n’a
abaissé son taux repère que de 25 centièmes, pour le
ramener à 1,25%, tout en écartant une intervention «
extraordinaire » de peur de raviver l’inflation à plus
long terme.
« La BCE est obsédée par l’inflation. (Durant le
second semestre), elle va réaliser qu’il faudra
racheter des actifs financiers pour accroître la masse
monétaire », affirme la Société générale dans une note
financière.
BNP Paribas abonde et croit à un « risque significatif
de déflation prolongée » en Europe.
En somme, les milieux économiques s‘impatientent et
leur message est clair: la BCE doit en faire plus. La
banque centrale finira bien par céder à la pression.
Une autre baisse de taux et des mesures musclées sont
donc à prévoir… à moins que M. Trichet tiennent lui
aussi à profiter des aubaines à Madrid ou à Dublin cet
été.
La récession nuit à la santé des Canadiens
- Ariane Lacoursière
La
récession a des effets dévastateurs sur la santé
des Canadiens, révèle le dernier rapport annuel de
l’Association médicale canadienne (AMC). Près d’un
adulte canadien sur cinq dit avoir sauté un repas
au cours des derniers mois pour des préoccupations
financières. Et le quart des citoyens ont
dernièrement annulé un rendezvous chez le dentiste
pour les mêmes raisons.
« Le bulletin de l’AMCmontre que, même si on a un
système de santé gratuit, les difficultés
économiques que nous vivons actuellement a des
effets sur la santé de la population canadienne »,
a déclaré le président de l’AMC, le Dr Robert
Ouellet.
Selon un sondage Ipsos Reid mené auprès de 1002
adultes canadiens du 7 au 9 juin, le quart des
citoyens estiment que le ralentissement de
l’économie a eu un effet sur leur façon de
s’occuper de leur santé. Les pressions financières
amènent 16% des Canadiens à sauter des repas,
elles en empêchent 23% de dormir, stressent
grandement 40% de la population et amènent 14% des
Canadiens à retarder l’achat de médicaments
d’ordonnance.
« Nous nous imaginons à tort que les soins de
santé sont à l’abri des dures réalités économiques
qui sévissent actuellement. Notre sondage révèle
que cette notion est tout à fait erronée », note
le DrOuellet.
Et
chez les citoyens qui gagnent moins de 30 000$ par
année, les effets sur la santé sont bien pires.
Selon le sondage de l’AMC, près de 30% des
Canadiens moins fortunés sautent des repas, 34%
ont annulé un rendez-vous chez le dentiste et 30%
éprouvent des difficultés à dormir.
« Ce n’est pas surprenant. Certains soins ne sont
pas couverts par les assurances publiques, dont
les soins dentaires. C’est toujours les gens qui
ont moins de revenus qui sont touchés. D’autant
plus que ces personnes ont moins souvent accès à
des assurances privées », note Claudelle Cyr,
porte-parole de la Coalition Solidarité santé.
MmeCyrnotequeleDr Ouellet est lui-même un ardent
défenseur du privé en santé. Depuis son arrivée à
la tête de l’AMC, en 2008, le Dr a en effet
maintes fois défendu la cohabitation du privé et
du public dans les soins de santé. « Or, on voit
aujourd’hui que les gens qui ont des difficultés
financières ne peuvent pas tout se permettre. On
peut se demander ce qui arriverait si le privé
prenait plus de place », note Mme Cyr.
Le Dr Ouellet réplique « S’il était bien utilisé,
le privé serait positif pour les patients. Bien
encadré, le privé pourrait améliorer l’accès aux
soins. »
Par ailleurs, quand on leur demande d’évaluer leur
état de santé, 40% des Canadiens sondés par l’AMC
estiment qu’il est excellent. Mais 20% le
qualifient de « moyen » ou de « médiocre ». Et
plus de la moitié des Canadiens (56%) déclarent
avoir un excédent de poids.
LES DENTISTES SOUFFRENT DE LA RÉCESSION
- Hélène Baril
uand il faut choisir entre faire réparer sa
voiture ou aller chez le dentiste, la plupart des
consommateurs n’hésitent pas longtemps. De plus en
plus de dentistes, qui voient leur clientèle
s’éloigner à cause du ralentissement économique,
semblent croire que l’auto passe en premier.
I nquiets de ce que l ’ aveni r l eur r éserve, 25
% des Canadiens ont r et a r dé ou annulé leur
rendez-vous chez le dentiste depuis le début de la
récession, révèle un sondage de l ’Association
médicale canadienne publié plus tôt cette semaine.
Aux États-Unis, les clients désertent les bureaux
de dentistes en grand nombre, rapporte le Wall
Street Journal, au point où plusieurs
professionnels des soins dentaires se sont mis à
faire de la publicité pour ramener leur clientèle.
Plus de la moitié des dentistes membres de l
’Association dentaire américaine ont indiqué avoir
constaté une baisse du nombre de rendez-vous et
une diminution de leurs revenus au cours des
derniers mois, selon le journal.
La fréquentation des bureaux de dentistes est
directement liée
Qau niveau de revenus, indique aussi le sondage de
l’Association médicale canadienne. Ceux dont le
revenu est inférieur à 30 000$ sont plus nombreux
(34%) à voir annulé ou reporté leur visite chez le
dentiste, que l’ensemble des répondants (25%).
Au Québec, les statistiques sur la fréquentation
des cabinets de dentistes n’existent pas et la
dernière enquête de l’Ordre des dentistes auprès
de ses membres remonte à 2006.
Un coup de sonde auprès de quelques professionnels
indique toutefois que les dentistes québécois ne
sont pas épargnés.
« On
a remarqué que les clients espacent leurs
visites, a fait savoir une porte-parole d’une
clinique de Montréal qui regroupe cinq
dentistes. Les gens choisissent aussi d’étaler
sur deux ou t rois visites les soins qu’ils
pouvaient recevoir en une seule fois. »
Les dentistes, dont la clientèle bénéficie
d’une assurance privée, souffrent moins que
les autres. C’est le cas au bureau de Jean
Lachance, un dentiste installé au complexe
Desjardins. « La majorité de notre clientèle
est assurée, nous a dit son assistante, et le
roulement est toujours le même, avec les
baisses habituelles en février et pendant
l’été. »
Même ceux qui ont des assurances sont plus
prudents , pré c i s e t outefoi s Gi l l es
Armand, dent i s t e depuis 28 a ns. « La
plupa r t des a s s u r a nces ont une limite
annuelle et les gens préfèrent reporter des
traitements pour débourser moins »,
explique-t-il.
Au Québec, à peu près le t i e r s des t r ava
i l l e u r s sont couver ts pa r u ne
assurance dentaire.
Le président de l ’Assoc i at i on des c hi r
u r giensdentistes du Québec, Serge L a nglois
, qu i pratique depuis 38 ans, a déjà vu des
récessions. « Ça baisse et ça revient »,
dit-il.
I
l n’est pas surpris des conclusions du sondage
de l’Association médicale canadienne. Ce qui l
’é t onne, c’est la proportion élevée de
personnes qui ont annulé ou reporté des
visites chez le dent i ste. « 25 %, c ’est
énorme », a-t-il commenté.
Selon lui, le nombre de report et
d’annulations varie beaucoup selon les
régions, les villes ou les quartiers. « Si
dans une ville comme T r ois-Rivières une
usine ferme et 400 personnes se retrouvent
sans emploi, c’est sûr que les dentistes vont
être plus affectés. »
Le dentiste Gilles Armand, qui travaille au
centre-ville et dans les quartiers montréalais
de Mercier et de MontréalNord, confirme que le
ralentissement est plus perceptible dans ces
deux quartiers qu’au centre-ville. « Il y a
plus de cols bleus et moins de gens avec des
assurances », précise-t-il.
Aux États-Unis, les dentistes ont réagi à la
baisse de leur clientèle par un effort de
marketing accru. Le président de l’Association
des c hi r u r giens-dent i s t es du Québec
doute que les dentistes du Québec fassent la
même chose. « Ici, la publicité n’est pas très
répandue. C’est une nouvelle tendance et c’est
encore une minorité qui en fait. »
De même, Serge Langlois ne croit pas voir un
jour des dentistes annoncer des rabais sur
leurs services, même si rien ne les empêche de
le faire. « Ça me surprendrait beaucoup »,
a-t-il dit.
Été catastrophe pour les étudiants
- Claude Picher
Sur le marché du travail, l es emplois d’été
ont été tellement rares cette année que les
étudiants en quête d’un emploi estival ont
connu leur pire saison depuis que
Statistique Canada a commencé à compiler ce
genre de données, il y a 36 ans.
Cette mauvaise nouvelle fait partie des
résultats de l’enquête mensuelle sur la
population active, publiée hier par l’agence
fédérale de statistique.
La population étudiante, telle que définie
par Statistique Canada, comprend les jeunes
de 15 à 24 ans, qui fréquentaient une école
(ou un collège, ou une université) à plein
temps à la fin du calendrier scolaire et qui
ont l’intention de retourner étudier à plein
temps cet automne. Pour être i nclus dans la
population active, ils doivent occuper ou
être activement à la recherche d’un emploi
d’été.
L’a n der n i e r , e n a oût , 683 000
étudiants occupaient un emploi d’été à plein
temps au Canada ; cette année, ils n’étaient
que 568 000. C’est une perte record de 115
000 emplois. En ce qui concerne l’emploi à
temps partiel, l’hécatombe est moins
spectaculaire, mais on compte quand même 14
0 0 0 emplois de moins que l’an dernier.
Même au plus fort de la saison estivale, les
étudiants ne représentent que 8 % de la
population active. Compte tenu de cette
proportion relativement faible, on comprend
que les chiffres que nous venons de voir
prennent des allures de cauchemar.
Voyons plutôt : • Le taux de chômage relié
aux emplois d’été se situait à 11,4 % il y a
un an. C’est déjà passablement élevé, mais
il faut savoir que le taux de chômage des
étudiants est chroniquement plus élevé que
dans l’ensemble de la population. Or, cet
été, il a bondi à un niveau jamais atteint
de 16,4 %. • Les plus jeunes sont les plus
durement touchés. Ainsi, les étudiants âgés
de 15 et 16 ans et qui participent au marché
estival du travail ont connu un taux de
chômage stratosphérique de 26,9 % cet été,
contre 18,6 % en août 2008. Les étudiants
déjà inscrits à l’université ou sur le point
de l’être (20 à 24 ans) s’en tirent mieux
avec un taux de chômage de 9,2 % cette
année, mais ce chiffre est tout de même deux
fois plus élevé que les 4,5 % de l’an
dernier. • De toutes les régions du pays,
c’est le Québec, et de loin, qui est le plus
ravagé par la catastrophe. La province a
perdu 40 000 emplois d’été par rapport à
l’an dernier, ce qui a fait grimper le taux
de chômage étudiant de 9,9 à 17,1 %. Très
très pénible. Au total, d’août 2008 à août
2009, le chômage relié aux emplois d’été a
augmenté d’un dramatique 73 % au Québec,
contre 48 % dans l e s Mariti mes, 4 3 % e n
Colombie-Britannique, 34 % en Ontario et 25
% dans les Prairies. La moyenne canadienne
est de 43%.
Comment en est-on arrivé là ?
La grande coupable, bien sûr, c’est la
récession.
En temps de crise, le premier poste de
dépenses que les ménages ont tendance à
sacrifier, c’est le budget vacances. Or, un
nombre considérable d’emplois d’été sont
liés à l’hôtellerie, à la restauration, et
autres activités touristiques. Il est clair
que le ralentissement de ce secteur a porté
un coup dur à l’emploi étudiant. En outre,
au Québec en particulier, on a connu un été
pourri, et cela n’a sûrement pas incité les
gens à voyager.
La rénovation résidentielle est un autre
secteur qui fournit de nombreux emplois
d’été. On peut certainement penser que de
nombreux ménages ont retardé leurs projets
de rénovations, le temps de laisser passer
la crise.
Enf i n , de nombreuses entreprises,
notamment les bureaux de professionnels,
profitent traditionnellement de l’été pour
embaucher des stagiaires qui remplacent t
emporairement l a maind’oeuvre en vacances.
Cette année, récession oblige, on s’est
passé de stagiaires. Mais der r
i ère t ous c es chiffres se profile une
bien triste réalité. Les étudiants qui
prennent la précieuse période de vacances
pour chercher du travail le font souvent
pour financer leurs études. Ce sont des
jeunes qui ont du coeur au ventre et qui
acceptent de faire des sacrifices pour
investir dans leur avenir. Des dizaines de
milliers d’entre eux n’ont pu trouver un
emploi cette année, et devront donc
s’endetter en conséquence pour poursuivre l
eurs ét udes. Ils méritaient certainement
beaucoup mieux que ce que leur réservait le
marché du travail en ce sinistre aestas
horribilis 2009...
Les jeunes, premières victimes de la
crise
TORONTO — L’été a été ardu pour les jeunes
Canadiens à la recherche d’un emploi. Et le mois
de juillet a été sans précédent en ce qui a trait
au taux de chômage chez les étudiants. Il s’est
élevé à 20,9%, un record, selon ce qu’a rappor t é
Statistique Canada la semaine dernière.
Un taux aussi élevé en juillet n’avait jamais été
enregistré depuis que le gouvernement fédéral a
commencé à compiler les statistiques en 1977.
C’est une hausse de 7,1% par rapport à la période
correspondante en 2008.
La Fédération étudiante universitaire du Québec
(FEUQ) a qualifié ces récentes données d’ «
alarmantes ». Elle a soutenu, par voie de
communiqué, que « ce taux de chômage n’augure rien
de bon pour l’endettement étudiant ». Le président
de la FEUQ, Jean Grégoire, a fait valoir que l’été
est une « période critique » pour les étudiants,
alors qu’ils tentent d’amasser leur argent pour
être en mesure de régler leurs frais de scolarité
et de combler leurs autres besoins durant l’année
scolaire. La FEUQ a appelé au retour du gel des
frais de scolarité et à une bonification
substantielle de l’aide financière.
Pour
les jeunes de moins de 24 ans qui ne sont pas aux
études, le taux de chômage est moindre, à 13,4%,
mais tout de même beaucoup plus élevé que la
moyenne nationale.
Toujours selon Statistique Canada, le taux de
chômage pour l’ensemble de la population
canadienne est resté inchangé en juillet, à 8,6%.
Toutefois, 4 4 500 emplois ont été perdus,
beaucoup plus qu’anticipé.
L’économiste Douglas Porter, de BMOMarchés des
capitaux, a souligné au Toronto Star que « les
planètes auraient difficilement pu être moins bien
alignées » pour le marché de l’emploi cet été,
considérant la valeur du dollar canadien, la météo
et le ralentissement économique.
Le vice-président d’un centre d’emploi pour la
jeunesse à Toronto, John-Frederick Cameron, a
indiqué au Toronto Star avoir vu le nombre de
jeunes à la recherche d’un travail presque doubler
au cours de la dernière année.
Régimes de retraite : Légère
éclaircie sur les rendements - Rudy LeCours
Les forts rendements boursiers du
deuxièmetrimestreontentraînéune modeste
amélioration des régimes de retraite à
prestations déterminées, au deuxième
trimestre.
L’écrasante majorité d’entre eux accusaient
cependant un déficit de solvabilité au 30
juin. Cela signifie qu’ils seraient incapables
de faire face pleinement aux engagements pris
à l’endroit de leurs participants actifs ou
retraités, advenant leur terminaison. En
pareils cas, le promoteur du régime
(généralement l’employeur) doit rétablir à ses
frais la pleine solvabilité, sauf s’il déclare
faillite.
Le rendement indiciel d’une caisse de retraite
investie à 45% à titres à revenus fixes
(obligations, bons du Trésor) et 55% en
actions s’est établi à 5,6 % après six mois,
selon l’échantillon de Mercer, mais de 6,6 %,
selon ceux d’Aon et de Morneau-Sobeco.
Cette dernière fait ressortir que de grandes
divergences de pondération n’ont pas permis
après six mois d’importants écarts de
rendement: un portefeuille investi à 60% en
actions aurait dégagé une plus-value de 6,5 %
alors qu’un autre limité à 45% dans les
véhicules plus risqués aurait rapporté 6,9 %.
L’explication vient du fait que le rendement
des actions a été affreux au premier
trimestre, mais très fort au deuxième.
Ce rendement ne tient pas c ompte de t oute i
ncidence découlant de la gestion active des
placements. Ainsi, plus un gestionnaire aura
privilégié les actions canadiennes au deuxième
t r i mestre et plus ses clients ont des
chances d’avoir mieux performé. L’indice S
& P/ TSX a dégagé un rendement de presque
20 %, supplantant son cousin américain qui a
de plus souffert au Canada de la forte
appréciation du huard face au billet vert.
Cette bonne performance reste encore loin de
compenser les pertes de l’an dernier qui ont
gravement miné la solvabilité des régimes.
Pour les participants à un régime à
cotisations déterminées ou à accumulation de
capital, sur qui repose tout le risque lié à
la performance des marchés, ils sont encore
loin de s’être remis à flot.
Les rendements après six mois sont jusqu’ici
suffisants pour assurer les coûts de services
courants des régimes à prestations déterminés
( prestations aux retraités, frais
d’administration et professionnels) selon Éric
Dubé, d’Aon. « Un rendement d’environ 2% était
nécessaire pour maintenir le niveau de
solvabilité au même niveau qu’au 31 décembre
2008, toutes choses étant par ailleurs égales.
»
Une qui ne l’est pas forcément, c’est le
niveau des salaires. Toute hausse consentie en
2009 augmente le coût des engagements d’un
régime. Cela accroît son passif et pèse sur sa
solvabilité.
Voilà pourquoi Aon calcule que le niveau de
solvabilité des quelque 400 régimes de son
échantillon est passé de 76% à 79% du 31
décembre au 30 juin.
Plus de 9 régimes canadiens sur 10 (93 %) sont
encore partiellement insolvables, malgré les
cotisations supplémentaires que doivent verser
les promoteurs pour les renflouer.
Mercer a mis au point un autre outi l pour
mesurer la santé des régimes. Son ratio
actifs-engagements ne tient pas compte des
cotisations spéciales des promoteurs.
Sur la stricte base de l’évolution des
rendements, qui font fluctuer l’actif, et des
taux d’intérêt des obligations canadiennes à
long terme, qui font varier le passif, la
firme note une amélioration de quelque 10% de
son ratio, depuis son creux de 60% enregistré
au 31 décembre.
L’insolvabilité des régimes de retraite risque
de perdurer, déplore Jean Bergeron, directeur
principal chez Morneau Sobeco « à moins que
les taux d’intérêt augmentent de façon marquée
et que les rendements des actifs soient
beaucoup plus élevés que les hypothèses de
rendement utilisées pour évaluer les régimes
de retraite ».
Voi l à p o u r q uoi O t t a wa , Québec et
d’autres capitales provinciales ont adopté des
mesures d’exception pour permettre aux
promoteurs de régimes de traverser la
conjoncture actuelle qui leur est des plus
hostiles.
Les ministres des Finances fédéral et
provinciaux ont aussi convenu de se réunir
l’automne prochain, à la demande de l’Ontario,
afin de trouver des solutions durables aux
problèmes de solvabilité des régimes.
78e faillite bancaire
NEW YORK — Le régulateur bancaire américain FDIC
a annoncé hier la fermeture d’une nouvelle
banque régionale, portant à 78 le nombre
d’établissements de dépôt ayant été saisis et
fermés depuis le début de l’année aux
États-Unis.
L’établissement ebank, établi à Atlanta, en
Géorgie, a été fermé hier. Il s’agit du 17e
établissement bancaire fermé depuis le début de
l’année dans cet État, particulièrement touché
par la récession.
Ebank détient 130 millions de dollars en dépôts
et a 143 millions de dollars d’actifs sous
gestion, ce qui en fait une faillite de taille
relativement modeste en regard des importantes
faillites bancaires survenues cette année. La
plus lourde, Colonial Bank, annoncée la semaine
dernière, représente 20 milliards US en dépôts.
La FDIC a passé un accord avec l a banque
régionale Stea r ns Ba n k , é t a bl i e à St.
Cloud dans le Minnesota, selon lequel cette
dernière s’engage à reprendre immédiatement
l’intégralité des dépôts d’ebank, a précisé le
régulateur dans un communiqué.
La FDIC et Stearns Bank ont aussi accepté de
partager les pertes associées aux actifs
d’eBank, qui s’élèvent à 111 millions US.
En outre, le coût de cette faillite s’élève à 63
millions US pour le régulateur bancaire, selon
les calculs de ce dernier.
Le nombre de faillites grimpe de 31%
EN BREF
Il y a eu 10364 faillites au mois de mai au Canada,
soit 9,6% de moins qu’en avril, mais 30,9% de plus
qu’en mai 2008, indiquent les données publiées hier
par le Bureau du surintendant des faillites. Au total,
9900 consommateurs et 464 entreprises ont déclaré
faillite en mai. Pour les consommateurs, il s’agit
d’une baisse de 9,5% par rapport au mois précédent,
mais d’une hausse de 34,4 % par rapport à mai 2008.
Pour les entreprises, le nombre de faillites du mois
de mai est de 12,3 % inférieur à celui du mois d’avril
et de 16,2 % inférieur à celui de mai 2008.
Crédit : Les Américains paient plus
vite
NEW
YORK — Pour la première fois depuis 10 ans, un plus
grand nombre d’Américains ont compris qu’ils avaient
intérêt à payer à temps les mensualités de leur
carte de crédit; le taux de recouvrement s’est
amélioré au troisième trimestre par rapport au
trimestre précédent.
Les
défaillances sur les cartes de banques sont tombées
à 1,1% entre juin et septembre, comparativement à
1,17% pour les trois précédents mois.
La diminution, de 6%, est significative non
seulement en volume, mais par le moment où elle se
produit. La période de la rentrée est généralement
associée à des difficultés à rembourser, d’après
Ezra Becker, de la société financière TransUnion.
Après un recul de 11% entre le premier et le
deuxième trimestre, la variation de 6% au troisième
indique que les Américains pilotent mieux leurs
dettes. Les sommes moyennes dues reculent de 5719 à
5612$ US. Une raison de cette prudence nouvelle: la
peur de perdre son emploi, dans un pays où le
chômage atteint un taux record de 10,2%.
CARTES DE CRÉDIT LES FACTURES IMPAYÉES
S’EMPILENT - Philippe Mercure
Plus
haute, toujours plus haute : la pile de factures
impayées des Canadiens grossit à un rythme qui
s’accélère sans cesse, révèlent de nouvelles données
publiées hier par Equifax Canada.
La proportion de consommateurs pris à la gorge qui
sont incapables d’acquitter leurs paiements de
crédit a bondi de 24% entre juin 2008 et juin 2009,
poursuivant une tendance lourde qui ne fait que
s’aggraver.
Les
statistiques dévoilées chaque mois par Equifax
sont en effet sans cesse plus sombres les unes que
les autres. En février dernier, par exemple, la
firme avait détecté une augmentation des défauts
de paiement 7,3 % par rapport à un an auparavant.
L’augmentation était passée à 9% en mars pour
atteindre un taux qu’Equifax avait alors jugé «
alarmant ». Ce n’était pourtant qu’un prélude.
L’augmentation a atteint 13% en avril, puis 19% en
mai, pour culminer au chiffre de 24% dévoilé hier
pour le mois de juin.
En date du 30 juin dernier, le taux de défaillance
sur les paiements de crédit a donc atteint 1,56 %
au pays, un sommet depuis au moins six mois
(Equifax n’a pas été en mesure, hier, de dire à
quand exactement il faut remonter pour le voir si
haut).
Equifax ne documente pourtant que les cas de
retards extrêmes. Les consommateurs qui paient
leur solde quelques jours ou même quelques
semaines en retard échappent à son radar, de même
que ceux qui ne peuvent s’acquitter de la totalité
de leurs factures, mais qui les allègent tout de
même de quelques dollars. Seuls les comptes pour
lesquels aucun paiement n’a été fait durant 90
jours ou plus sont comptabilisés.
«
À partir de 90 jours, on juge que la situation
est sévère, avait déjà commenté par le passé
le vice-président d’Equifax Canada, Nadim
Abdo. Sauter un paiement, ça peut pardonner.
Mais après avoir manqué trois paiements, ou 90
jours, ça devient beaucoup plus problématique.
Les chances de rétablir la situation sont
beaucoup moins bonnes et le risque de défaut
augmente grandement. »
PHOTO ARCHIVES LA PRESSE
CANADIENNE
La proportion de
consommateurs pris à la gorge qui sont
incapables d’acquitter leurs paiements de
crédit a bondi de 24% entre juin 2008 et
juin 2009, poursuivant une tendance lourde
qui ne fait que s’aggraver.
Un porte-parole d’ Equifax Canada a indiqué
hier qu’une grande partie des défauts de
paiement provient des consommateurs qui
profitent des offres des grands magasins du
type « achetez maintenant, payez plus tard »
et qui se retrouvent finalement incapables de
payer leurs factures le moment venu.
Les cartes de crédit au solde i mpayé figurent
au deuxième rang de la liste des coupables.
C’est
dans l’Ouest canadien que les défauts de
paiement augmentent le plus rapidement, avec
des bonds de 32% en Alberta et de 30% en
Colombie-Britannique en juin 2009 par rapport
à juin 2008. Le Québec se situe légèrement
sous la moyenne nationale avec une
augmentation de 23,5%.
D’impor t a ntes di f férences existent aussi
entre les villes. À 1,44 %, le taux de
défaillance à Montréal est un peu sous la
moyenne nationale, mais beaucoup plus élevé
qu’à Québec – la championne canadienne du
paiement de factures avec un taux de
défaillance de seulement 0,83%. Mais c’est
Toronto qui compte la plus grande proportion
de délinquants avec un taux de 2,03%.
Les fournisseurs de services semblent avoir
moins de difficulté à se faire payer malgré la
crise. Gaz Métro affirme ne pas avoir de
problème particulier à cotiser ses clients. «
Nous observons une légère augmentation des
activités de recouvrement chez nos clients
individuels, mais ce n’est pas problématique
», dit de son côté Flavie Côté, porte-parole
d’Hydro-Québec, qui observe cependant un «
certain impact » du côté des clients
industriels à cause des entreprises qui font
faillite.
Retards records pour les
paiements de carte de crédit aux États-Unis
Les
retards de remboursement des cartes de crédit ont
atteint un montant record au premier trimestre 2009
aux États-Unis, a annoncé hier l’Association des
banques américaines (ABA), l’expliquant par une
vague record de suppressions d’emplois pendant cette
période.
« Plus de 2 millions d’Américains ont perdu leur
emploi pendant les trois premiers mois de l’année,
ce qui porte à 6 millions le nombre d’emplois perdus
depuis le début de la crise », en décembre 2007, a
indiqué l’ABA.
Le
nombre de retards de paiements sur les crédits à la
consommation – cartes de crédit, crédits
automobiles, crédits à la consommation – a
globalement augmenté à 3,23% en données corrigées
des variations saisonnières, contre 3,22% au
trimestre précédent.
Le volume des impayés a également augmenté, passant
de 3,16 % à 3,35 % en données non corrigées des
variations saisonnières.
« L’explication principale des retards de paiement
est la perte d’emploi », a estimé l’économiste en
chef de l’ABA, James Chessen. « La situation ne
s’améliorera pas tant que nous n’assisterons pas à
une vraie reprise. »
Les employeurs sont prudents
Les prévisions d’emplois du site d’emploi canadien
révèlent que les embauches se poursuivront à un
rythme prudent au cours du troisième trimestre.
Les employeurs procèdent à des changements afin de
contenir les coûts pour protéger la santé de leur
entreprise. Les sociétés au Canada embauchent avec
prudence tout en suivant de près les mesures
entreprises pour renforcer l’économie.
Bien que de nouveaux postes seront créés, les
entreprises se concentreront davantage sur la mise
à niveau des talents dont elles disposent
actuellement tout en conservant le même nombre
d’employés. Cela afin de traverser la crise
économique et d’assurer leur position face à la
concurrence.
Cinquante-t rois pour cent des employeurs i
ndiquent qu’i l s ne prévoient aucun changement
dans le nombre de leurs employés permanents à
temps complet au cours du troisième trimestre.
Cette enquête, de Harris Interactive, a été
réalisée entre le 22 mai et le 10 juin 2009 auprès
de plus de 400 gestionnaires recruteurs et
professionnels des ressources humaines
d’entreprises du secteur privé.
Selon l’étude, 22% des employeurs ont augmenté
leur nombre d’employés au deuxième trimestre 2009,
alors que près de la majorité (46%) l’a laissé
inchangé. Trois employeurs sur 10 (30%) ont réduit
leurs effectifs au deuxième trimestre et 2 %
étaient indécis.
Les prévisions d’embauches pour le troisième
trimestre cadrent avec les six premiers mois de
l’année, tandis que les réductions d’effectifs
sont orientées à la baisse.
Un employeur sur ci nq ( 21 %) envisage
d’augmenter son nombre d’employés permanents à t
emps complet, un chiffre similaire aux résultats
des premier et deuxième trimestres.
Dix-sept pour cent des employeurs prévoient de
réduire leurs effectifs au troisième trimestre, en
net recul par rapport au nombre ayant réduit ses
effectifs au deuxième trimestre. La moitié (53 %)
ne prévoient aucun changement dans le personnel,
tandis que 9 % restent indécis.
Pour diminuer les coûts, 15 % des employeurs ont
indiqué avoir dû procéder à des baisses de salaire
pour les employés à temps complet au cours des six
derniers mois.
Pour le troisième trimestre, quatre employeurs sur
10 pourraient envisager de mettre en place des
incitations auprès de leurs employés actuels avec
une augmentation prévue des salaires allant
jusqu’à 3 %, tandis que 8 % prévoient de les
augmenter de 4 % ou plus. Quatre employeurs sur 10
ne prévoient pas d’ajustement des salaires et 8 %
envisagent des réductions de salaire, tandis que 4
% sont indécis.
Alors que les employeurs attendent des nouvelles
positives au sujet des économies canadienne et
mondiale, leur attention est tournée vers la santé
financière de leur propre entreprise et la
maîtrise des coûts.
Cinq tendances constatées au premier semestre
1. Des dates de démar r age repoussées – Un
employeur sur 10 a publié cette année des offres
d’emploi avec des dates de démarrage repoussées
afin de s’assurer des qualifications tout en
retardant les dépenses associées à l’embauche de
nouvelles personnes.
2. Le chômage technique – 10 % des employeurs
ont institué le chômage technique obligatoire
pour leurs employés au cours des six derniers
mois.
3.
Un gel des embauches – 57 % des employeurs ont
institué un gel des embauches au cours des six
derniers mois, 23 % ont indiqué qu’ils allaient
embaucher à partir de maintenant tandis que 34 %
ont affirmé qu’ils maintenaient le gel des
embauches.
4. Une révision des règles de maladie – Un
employeur sur 10 a modifié ses règles concernant
les périodes de maladie ou les périodes
d’absence rémunérées, en offrant moins de jours,
en n’autorisant pas la reconduction des jours ou
en limitant le nombre de jours pouvant être
reconduits.
5. Moins d’avantages – 39 % des employeurs ont
réduit les avantages en 2009. Les principaux
domaines touchés sont les bonus, les primes, les
avantages bien-être, une couverture médicale et
des remboursements scolaires réduits.
Même les morts en souffrent - Hugo
Fontaine
La
récession frappe fort aux États-Unis. Même les
morts écopent.
Le nombre de corps non réclamés atteint des
records dans plusieurs comtés américains,
certaines familles ne pouvant tout simplement plus
se permettre les coûts associés aux rites
funèbres.
Le magazine Time a remarqué ce phénomène dans des
villes comme Detroit, Los Angeles ou Las Vegas.
Les comtés doivent donc supporter les frais de
crémation ou d’inhumation.
Los Angeles et Las Vegas notent des hausses de 36%
et 22% cette année. À Detroit, près de 70 corps
sont prêts à être enterrés par l’administration
publique. Dans près de 40 cas, la famille a
renoncé à reprendre le corps en raison des coûts
que cela représenterait.
Il n’existe rien de tel au Québec, selon ce qu’a
constaté La Presse Affaires.
Martin Bolduc, propriétaire de Bleu ciel, un
centre funéraire de Montréal qui s’occupe des
corps non réclamés, remarque une forte croissance
du nombre de cas qui lui sont envoyés (190 sur une
période de 12 mois, selon son dernier compte).
Mais il attribue le phénomène plus à des raisons
sociales (il y a davantage de gens qui vivent
isolément) qu’à des raisons économiques.
« Et huit fois sur 10, la police finit par
retrouver de la famille ou des amis qui veulent
s’occuper du corps », ajoute M. Bolduc.
L’État offre aussi, par le truchement de l’aide
sociale ou du régime des rentes, une aide
financière de 2500$ pour aider les gens dans le
besoin à procéder à des rites funéraires minimaux.
« Souvent, c’est ce qui va faire la différence
entre le fait que les gens s’en occupent ou ne
s’en occupent pas », dit M. Bolduc.
Tendance au magasinage
Selon la plupart des centres funéraires joints par
La Presse Affaires, la récession n’a pas non plus
poussé les Québécois à réduire les frais
funéraires. En fait, c’est une tendance qui est en
marche depuis au moins cinq ans.
«
De façon systématique, les gens demandent combien
ça coûte, ils vont magasiner le prix, dit Martin
Bolduc. Ce sont des choses qu’on ne voyait pas
avant. Le changement s’est amorcé il y a 10 ans
mais s’accélère depuis cinq ans. » Selon M.
Bolduc, l’endettement des consommateurs est plus à
blâmer que la récession.
« Les gens ne sont plus à l’Église, ajoute M.
Bolduc. Les rites de passage sont moins priorisés,
ne font plus partie de la vie. »
Au Complexe f unérai re Fortin, qui se targue
d’avoir été le premier à indiquer ses prix dans
ses publicités, le président, Patrick Fortin,
soutient que le prix est devenu un élément
important dans le choix des clients. « Les gens
prennent le temps de magasiner, ils font plus
attention. »
Tout est moins automatique que par le passé dans
ce secteur, alors que les gens allaient à la
maison funéraire habituelle et faisaient des choix
traditionnels.
Les
gens privilégient la location d’un cercueil au
lieu de l’achat et optent pour la crémation, note
Pierre-Luc Landreville, t hanatologue à l a
Résidence f unérai r e Omer Landrevi l l e &
Fi l s , de Joliette, fondée par son grand-père.
« Quand quelqu’un sonnait à la porte, mon
grand-père savait qu’il allait vendre un cercueil
et une exposition, dit M. Landreville. Ce n’est
plus vraiment le cas aujourd’hui. »
« Les gens sont plus sensibles au prix et
remettent en question leur choix habituel de
maison funéraire », dit Mario Aylwin, directeur
général de la Coopérative f unéraire de l a
Rive-Sud de Montréal.
Celui-c i r emarque pa r ailleurs une faible
diminution de ses revenus depuis six mois, sans
doute en raison de la récession. « Les gens vont
par exemple louer un cercueil un peu moins cher,
mais ils ne vont pas changer de rituel. » La
récession ne les convaincra pas de passer de
l’inhumation à l’incinération.
Selon une enquête du magazine publiée en janvier
dernier, les frais funéraires, de l’embaumement à
la mise en terre, varient de 11 000 à 19 000 $,
avec un cercueil en chêne massif.
Les millionnaires moins nombreux et
moins riches en 2008
PARIS — La crise a fait chuter le nombre de
millionnaires dans le monde en 2008 à 8,6 millions
de personnes, soit un million et demi de moins
qu’en 2007, selon une étude publiée hier.
Lesmillionnaires, qui étaient 10,1millions en
2007, ont vu leur fortune totale fondre: elle est
désormais estimée à 32 800 milliards US pour 2008,
soit 7900 milliards US de moins que l’année
précédente, selon l’étude annuelle de la banque
d’affaires Merrill Lynch et de la société-conseil
Capgemini.
L’étude, qui ne prend en compte que la fortune
hors résidence principale, distingue également la
catégorie des « très fortunés », définis par un
patrimoine de plus de 30 millions US. Cette
catégorie comptait 78 000 personnes dans le monde,
soit une chute de 25% par rapport à 2007, alors
que le nombre de simples millionnaires ne s’est
réduit que 15%.
«
Ce déclin sans précédent efface les deux ans de
croissance soutenue de 2006 et 2007, ramenant à la
fois le nombre de millionnaires et leur patrimoine
à un niveau inférieur à celui enregistré en 2005
», note Gilles Dard, président de l’activité
gestion privée France et Europe continentale de
Merrill Lynch.
Les auteurs de l’étude prévoient que le patrimoine
des riches va recommencer à croître, enmoyenne de
8% par année d’ici à 2013 pour atteindre 48 500
milliards US, surtout en Amérique du Nord et en
Asie-Pacifique.
Le recul du nombre de millionnaires en 2008 a été
visible dans toutes les régions du monde, mais il
a été particulièrement marqué en Amérique du Nord
(-19%), en Europe (14,4%) et en Asie-Pacifique
(-14,2%).
Entente de principe avec quatre
syndicats
Le
quotidien La Presse a conclu une entente de
principe avec quatre de ses syndicats, affiliés à
la FTQ.
Il s’agit des syndicats représentant la publicité,
la préparation, l’imprimerie interne et la
chaufferie.
Tant la direction de La Presse que le Syndicat des
employés professionnels et de bureau (SEPB-FTQ)
ont confirmé l’information hier après-midi.
Selon la direction de La Presse, l’entente de
principe toucherait environ le tiers des syndiqués
du journal.
La plus grande partie des syndiqués, affiliés à la
CSN, n’ont toujours pas réglé avec l’employeur. Il
s’agit des syndicats de la rédaction, du personnel
de bureau, de l’informatique et de la
distribution.
L’entente de principe avec les syndiqués de la FTQ
est intervenue hier midi. Elle sera soumise aux
syndiqués concernés aujourd’hui, a-t-on précisé au
SEPB-FTQ.
Ni
la direction de La Presse ni le SEPB-FTQ n’ont
voulu en dévoiler le contenu avant que les
syndiqués concernés en prennent connaissance.
La direction de La Presse a fait savoir, par voie
de communiqué, que les négociations se
poursuivaient avec les quatre autres syndicats
affiliés à la CSN.
Plainte de la CSN
Par ailleurs, la CSN a déposé une plainte pour
négociation de mauvaise foi et pour ingérence dans
les affaires syndicales contre la direction de La
Presse devant la Commission des relations du
travail.
Dans un communiqué, la centrale syndicale explique
que sa plainte vise à obtenir une ordonnance
provisoire « empêchant la direction du quotidien
montréalais de continuer à contourner les
représentants des travailleurs en s’adressant
directement aux syndiqués ».
La CSN cherche également à obtenir les états
financiers de l’entreprise pour les cinq dernières
années. Elle affirme que les documents transmis à
ce jour par la direction sont « beaucoup trop
partiels ».
NÉGOCIATIONS À LAPRESSE Des offres raisonnables
et responsables - Guy Crevier
Certains
médias
ont fait état, au cours des derniers jours, des
négociations entre La Presse et les syndicats de ses
employés. Après 16 semaines de pourparlers, nous
souhaitons informer nos lecteurs de l’évolution de
la situation, compte tenu du danger réel qui pèse
sur la survie du quotidien.
PHOTO DAVID BOILY,
ARCHIVES LA PRESSE
Rappelons que ces négociations visent à alléger la
structure de coûts de La Presse, frappée comme les
autres quotidiens du continent par une chute brutale
de ses revenus publicitaires. Si une entente
n’intervient pas d’ici le 1er décembre prochain, La
Presse se verra dans l’obligation de suspendre sa
publication. À cinq semaines de cette échéance, la
direction a fait savoir aux représentants de ses
employés qu’elle déposera cette semaine des offres
globales et finales.
Confrontés à cette crise structurelle sans
précédent, plusieurs quotidiens ont dû faire des
mises à pied et imposer des diminutions de salaire.
La Presse a fait des efforts considérables pour
trouver des solutions qui minimisent l’impact des
changements sur ses employés. Les offres que nous
déposons cette semaine sont raisonnables et
responsables.
Ces propositions privilégient une vision d’avenir en
intégrant les activités de Cyberpresse et de La
Presse. Ainsi, les journalistes de l’imprimé seront
assurés de profiter, plutôt que de subir, la
croissance de l’internet.
De plus, l’implantation de la semaine de travail de
cinq jours se fera SANS MISES À PIED parmi ses
employés réguliers. Soucieux de protéger le rythme
de vie de nos employés, nous avons R E NONCÉ À
DEMANDER UNE BAISSE DE SALAIRES. Nos employés
profiteront également d’un programme de partage des
bénéfices.
Voici les principaux éléments de nos offres:
• intégration des activités de Cyberpresse et de La
Presse;
• passage de la semaine de quatre jours (32 heures)
à un horaire de cinq jours (35 heures), SANS MISES À
PIED; la proposition initiale de La Presse prévoyait
49 mises à pied;
•
gel des salaires pour trois ans. La direction
avait d’abord demandé une baisse des salaires de
6%;
• partage des bénéfices futurs à raison de 15%;
• bonification des primes de départ volontaire (
jusqu’à un an et demi);
• abolition de la fonction d’a i de-dist r i buteu
r. Cette mesure ne résulte pas de l’implantation
de la semaine de cinq jours. La Presse est le seul
journal en Amérique du Nord à employer des
aides-distributeurs. Les personnes qui devront
quitter leur emploi recevront une prime de départ
équivalant, dans la plupart des cas, à TROIS ANS
DE SALAIRE, jusqu’à un maximum de 100 000$.
Tout au long de sa démarche, La Presse a gardé à
l’esprit l’importance que ses employés attachent à
leurs conditions de travail. Au fil des
pourparlers, la direction a ramené de 13 millions
à 10 millions les compressions exigées. Nous
savons que ces changements représentent un
sacrifice significatif pour nos employés. C’est
pourquoi nous avons proposé des mesures
supplémentaires de conciliation travail-famille.
Dans le contexte d’aujourd’hui, s’adapter n’est
pas un choix, c’est une nécessité. En vertu de ces
offres, nos employés continueront de bénéficier de
conditions de travail comparables à celles que
l’on trouve dans les autres grands quotidiens
d’Amérique du Nord.
I l r este s eulement c i nq semaines pour sauver
La Presse. Plus nous approchons de l’échéance,
plus les risques sont élevés.
Les solutions existent. Mais nous n’y arriverons
qu’avec l’appui et la contribution de ceux qui
font de La Presse un élément essentiel de la
démocratie québécoise.
Les syndicats de Canwest sur le
qui-vive - Katia Gagnon
Les syndicats des médias de l’empire Asper, qui
s’est mis hier sous la protection de la loi sur la
faillite, sont sur le qui-vive. Mais l’annonce
d’hier n’est pas nécessairement accueillie comme
un désastre par les employés.
« On savait que ça s ’en venait , dit Paul
Cormier, président du syndicat des employés de
Global television à Montréal. Pour nous, c’est un
peu comme le statu quo. On a passé à travers de
très grosses coupes il y a un an. Je dirais que
pour nous, cette annonce, c’est quatre à six mois
de répit. Au terme de cette période, le plan de
relance va pouvoir prendre effet. »
« Ce ne sont pas de bonnes nouvelles, mais ce
n’est pas un désastre », poursuit M. Cormier. Les
employés se sentent toujours sur la corde raide,
mais sont rassurés par le fait que la direction a
investi plusieurs millions dans les
infrastructures de la station, il y a un an à
peine.
À
The Gazette, le seul quotidien anglophone de
Montréal, on n’est pas non plus surpris par
l’annonce d’hier. « Nous savions que Canwest était
en grande difficulté, dit Irwin Block, vice
président de la Guilde des journaux de Montréal.
Depuis des mois, nous sommes inquiets. Mais il n’y
a pas de panique chez les employés. »
Les j ournaux du groupe Canwest, sauf le National
Post, sont exclus de la demande de protection,
souligne M. Block. Ce qui n’exclut pas une
éventuelle vente de ces actifs par la famille
Asper. « Nous savons que notre journal fait du
profit. Le journal est toujours en santé. Et ce
qu’on sait, c’est qu’il y a des investisseurs qui
voient encore de la valeur dans les journaux. Je
vois très mal qu’une ville comme Montréal n’ait
pas un quotidien anglophone. » Des rumeurs ont
couru, la semaine dernière, sur la possibilité que
le président du conseil d’administration de
Canwest, Paul Godfrey, achète certains journaux.
M. Godfrey a démenti la nouvelle publiée en ce
sens dans le Globe and Mail.
A illeu rs au pays, le Syndicat canadien des
communications, de l’énergie et du papier, qui
représente plusieurs employés des journaux Canwest
a dit espérer que les employés ne seront pas les
victimes « d’erreurs financières désastreuses. »
Peter Murdoch, le porte-parole du syndicat, estime
qu’il serait « immoral » de faire des mises à pied
massives ou de réduire les conditions de t ravai l
, puisque les employés ont déjà « tout fait » pour
maintenir l’entreprise en vie. « Des milliers de
personnes ont perdu leur emploi et il n’y a pas eu
d’augmentations salariales depuis des années »,
dit M. Murdoch.
Les négociations se poursuivront de
façon intensive à La Presse
La
direction et les syndicats de La Presse et de
Cyberpresse ont convenu hier de poursuivre de
façon intensive le processus de négociation.
Da n s u n com mu n iqué com mu n , les pa r ties
ont annoncé que les pourparlers se dérouleront à
huis clos, et qu’aucune déclaration publique ne
sera faite.
Plus tôt hier, la Fédération nationa le des com mu
n ications de la CSN, qui représente la majorité
des employés de La Presse, avait souhaité que la
menace de suspension de la publ ication du
quotidien et de Cyberpresse cède le pas à la
négociation.
La FNC exhortait la direction de La Presse, qui
réclame u n règlement pou r le 1e décembre, à
donner accès rapidement à la dema nde
d’informations fina ncières des syndicats. Selon
la présidente de la F édérat ion , Chantale
Larouche, il s’agit d’une condition nécessaire à
une évaluation « éclairée » de la situation.
M m L a rouche t rouva it déceva nt et
contradictoire que, malgré l’urgence de la
situation, La Presse fixa it à la mi-octobre le
dépôt des i n for mat ion s f i na nc ières
demandées par les syndicats depuis plus de deux
mois.
La Fédération estime que les syndicats ont exprimé
à maintes reprises leur volonté de contribuer au
repositionnement du journal. Chantale Larouche
ajoute que, si la sit uation l’ex ige, les sy
ndiqués sauront prendre les décisions adéquates
pou r assurer l’avenir du quotidien et de leurs
emplois.
L
a Fédération se dit consciente qu’un virage et une
réorganisation s’imposent, précisant toutefois que
cela ne peut pas se faire dans le seul intérêt de
l’entreprise et de l’actionnariat.
L es mesu res récla mées pa r l’employeur
comprennent notamment la mise à pied d’une
centaine de travailleurs sur les quelque 700 que
compte le journal, et une restructuration des
horaires de travail.
Le président et éditeur du quotidien, Guy Crevier,
a annoncé j eudi qu’à compter du 1e décembre
prochain, La Presse « ne pou r ra tout simplement
plus poursuivre ses activités sa ns cha ngements
importants dans ses coûts ».
Com me la plupa r t de s quotidiens, La Presse a
vu ses recettes publicitaires s’effondrer au cours
des dernières années. La direction estime que le j
ournal accumulera des pertes de plus de 100
millions en cinq ans si rien n’est fait pou r
réduire les dépenses.
En juin dernier, le propriétaire de La Presse,
Gesca, une filiale de Power Corporation, avait
indiqué vouloir réduire de 2 6 m i l l ion s les
coûts d’exploitation du journal. La moitié de
cette somme devait provenir de concessions faites
par les employés.
L a v ice -présidente au x communications chez
Gesca, Caroline Jamet, a soutenu jeudi que la
direction a déjà réalisé sa part des économies
escomptées, notamment en abandonnant l’édition
dominicale de La Presse et en réduisant la taille
du quotidien.
G esca : Trois mois pour s’entendre
avec les employés de La Presse
L
a d i rec tion de G esca a menacé, hier, les
employés de La Presse de « suspendre » les
activités du quotidien et du site internet
Cyberpresse à compter du 1er décembre, si elle ne
peut conclure une entente avec ses syndiqués au
cours des trois prochains mois, en vue de réduire
les coûts.
Les syndicats ont affirmé qu’ils n’étaient pas
surpris, mais ont déploré les méthodes de
l’entreprise.
Le groupe de presse Gesca avait déjà fait savoir,
en juin, qu’il souhaitait réduire de 26 millions
les coûts d’exploitation de La Presse, dont 13
millions devaient provenir de concessions faites
par les employés.
La vice-présidente responsable des communications
à La Presse et chez Gesca, Caroline Jamet, a
indiqué en entrevue que la direction avait déjà
réalisé sa part des économies escomptées,
notamment en abandonnant le numéro dominical de La
Presse, en réduisant la taille du quotidien pour
économiser sur les coûts du papier journal, ainsi
qu’en concluant des ententes avec des institutions
financières pour obtenir du nouveau financement.
La porte-parole a précisé qu’il reste maintenant à
négocier avec les syndicats pour réduire les coûts
de main-d’oeuvre. Elle a précisé que l’élément clé
de ces négociations porte sur l’abandon de la
semaine de quatre jours de travail, un avantage
dont jouissent présentement 69% des employés à
plein temps du quotidien.
La direction souhaite ainsi faire passer la
semaine de travail des syndiqués de 32 à 35
heures, réparties sur 5 jours. M me Jamet a
précisé que cette mesure entraînerait la
suppression d’u ne centaine d’emplois, sur un
total de 700.
Selon la porte-parole, des départs à la retraite
permettraient de réduire le nombre de mises à
pied.
Mme
Jamet a indiqué que le quotidien accumulera des
pertes de plus 100 millions en 5 ans si rien n’est
fait pour réduire les coûts à La Presse.
Elle a de plus indiqué que les mesures envisagées
ne concernent pour l’instant que La Presse, mais
que les autres quotidiens de Gesca ( Le Soleil, La
Tribune, Le Nouvelliste, Le Droit, Le Quotidien et
La Voix de l’Est) avaient tous reçu le mandat de
revoir leurs structures de coûts.
Elle a précisé qu’il appartenait aux éditeurs de
chacun de ces quotidiens de relever les moyens de
réduire les coûts.
Les syndicats déterminés à poursuivre les
pourparlers
De leur côté, les huit syndicats de La Presse
affirment être résolument déterminés à poursuivre
les pourparlers, « jour et nuit » s’il le faut.
La présidente du Syndicat des travailleurs de
l’information, Hélène De Guise, dit qu’elle n’est
pas surprise de cette tactique de l’employeur.
Toutefois, cette manière de procéder est jugée
déplorable, selon elle.
Le président du Syndicat des typographes, Yvan
Berthelot, estime quant à lui que le calendrier
établi par l’entreprise est plus ou moins
réaliste. Il accuse Gesca de ne pas avoir été
prête à livrer ses données financières avant et
ajoute que la période de vacances a aussi retardé
l’avancement des négociations.
Un calendrier de négociation a été remis à la
partie patronale. L’espoir d’en arriver à une
entente négociée demeure un objectif commun.
S’ADAPTER POUR SURVIVRE - Guy Crevier
L’INDUSTRIE DESQUOTIDIENS À TRAVERS LE MONDE
TRAVERSE UNE CRISE STRUCTURELLE ALIMENTÉE PAR L’IMPACT
DE L’INTERNET ET ACCÉLÉRÉE PAR LA RÉCESSION. LA PRESSE
N’Y ÉCHAPPE PAS. C’EST UN CONSTAT PARADOXAL, ALORS
QU’IL N’Y A JAMAIS EU AUTANT DE GENS QUI CHOISIS
La Presse n’échappe pas à la crise de l’industrie
Au
cours des dernières années, La Presse a réalisé
des réformes qui lui ont permis de connaître de
nombreux succès. Bien qu’historiquement rentable,
La Presse a toujours eu des marges opérationnelles
faibles en raison de sa structure de coûts qui ne
corre
Ces années-ci , l’industrie des quotidiens est
confrontée, à travers le monde, à une baisse des
revenus publicitaires causée par l’impact de
l’internet et la multiplication des réseaux de
distribution. La récession que nous traversons a
radicalement accéléré cette tendance, remettant
aujourd’hui en question le modèle d’affaires des
journaux.
Depuis les derniers mois, pas une semaine ne passe
sans qu’un quotidien majeur n’annonce un processus
de réduction de coûts importants. Parmi ceux-ci
citons, chez nos voisins américains, le Boston
Globe, le San Francisco Chronicle, le Chicago
Tribune, le New York Times et le Los Angeles
Times. Et, plus près de nous, le Globe and Mail,
le Toronto Star et le National Post. Aujourd’hui,
force est de constater que près d’un quotidien sur
deux évoluant dans des grands marchés en Amérique
du Nord est déficitaire.
À La Pr e s s e , nous avons entamé au cours des
dernières années une transformation progressive et
significative de l’entreprise. Malgré ces
initiatives, le contexte industriel et économique
actuel nous entraîne dans un déficit structurel.
Nos modèles f i na ncier s , qui ont fait l’objet
d’analyses détaillées et attentives, laissent
entrevoir des pertes d’exploitation cumulatives
qui dépasseront les 100 millions au cours des cinq
prochaines années, si aucune mesure n’est prise.
De plus, la santé financière de La Presse est
fragilisée par un déficit de son régime de
retraite, qui doit être assumé totalement par La
Presse et qui atteint 113 millions à ce jour (voir
texte sur le régime de retraite).
Pour faire face à la situation et assurer la
pérennité de l’entreprise, nous n’avons pas
d’autres options que de réduire nos coûts,
accroître la productivité et augmenter le niveau
de flexibilité de l’organisation du travail.
Nous souhaitons aborder cette démarche en
collaboration avec nos partenaires syndicaux et
nos employés, dans le respect d’une culture
d’entreprise qui nous est propre, qui privilégie
un dialogue et une négociation de bonne foi dans
un climat de transparence.
Nos employés nous ont aidés à réussir notre virage
internet par l’intégration de Cyberpresse. Leur
contribution est au coeur de nos succès. C’est
pourquoi notre proposition prévoit offrir aux
employés une participation aux bénéfices
éventuels.
Réduire nos coûts
La Presse est à mettre en place un certain nombre
d’actions destinées à réaliser d’importantes
économies. D’autres mesures suivront à court
terme, dont l’arrêt de l’édition du dimanche qui
sera publiée pour la dernière fois le 28 juin.
Les efforts requis pour atteindre l’équilibre
d’exploitation seront partagés également entre les
employés et l’entreprise. Concrètement, nous
demandons aux employés syndiqués des concessions
de 13 millions par année. Toutes les mesures
adoptées s’appliqueront à l’ensemble du personnel
y compris les cadres.
Nous avons la conviction que cette proposition est
équilibrée et raisonnable. Après les mesures de
réduction des dépenses, nos employés bénéficieront
de conditions de travail comparables à celles que
l’on retrouve dans les grands journaux au Canada.
Sans ces concessions, La Presse sera incapable de
trouver une institution financière disposée à
l’appuyer dans la recherche de son nouveau modèle
d’affaires.
La Presse traverse une étape charnière de son
histoire. Confiants dans l’avenir, nous abordons
cette période dans un esprit de dialogue et
d’ouverture afin que nos employés participent à un
modèle d’avenir assurant le maintien d’un média de
premier plan et des emplois de qualité.
Notre structure de coûts ne correspond plus au
contexte d’aujourd’hui
L’impasse financière dans laquelle La Presse se
retrouve a pour origine une structure de coûts qui
ne correspond plus au contexte économique et
publicitaire d’aujourd’hui. Alors que les revenus
sont en baisse, notamment en raison de la
récession, nos coût
Quelques exemples permettront d’illustrer le
problème. Il ne s’agit pas de cibler nos employés
ou des groupes particuliers parmi eux; nous savons
que tous ont à coeur l’avenir de La Presse.
Or pour que celle-ci survive, sa structure de
coûts doit être adaptée à la nouvelle réalité des
médias. Les condit ions de travail à La Presse ont
fait l’objet d’ententes conclues de bonne foi
entre la direction et les syndicats. Des
changements à ces conditions ont été apportés avec
le temps. Cependant, l a s ituat ion ac t uel le
nous impose de franchir une étape supplémentaire.
› À titre d’exemple, la semaine de t rava i l de
69 % de nos employés à temps plein est de quatre
jours et de 32 heures par semaine, alors que dans
l’ensemble du Québec, moins de 0,2 % des employés
syndiqués bénéficient d’un tel avantage. Nos
employés travaillent fort, ils travaillent bien.
Mais un tel horaire génère des coûts trop élevés
pour une entreprise dont le modèle d’affaires est
menacé.
› Nos employés de la distribution travaillent
quatre jours par semaine. La grande majorité des
camionneurs à la distribution sont à l’oeuvre
entre 4 et 5,5 heures par jour, sur quatre jours,
pour un total de 16 à 22 heures par semaine. Leur
rémunération correspond donc à un taux moyen de 72
$ l’heure, incluant les avantages sociaux. À titre
comparatif, le salaire moyen des camionneurs de
journaux en Amérique du Nord varie entre 15 $ et
20 $ l’heure.
›
Nos employés bénéficient d’un régime de vacances
et de congés généreux. 56% d’entre eux jouissent
de l’équivalent de neuf semaines ou plus de
vacances et congés divers par année.
› Pour la plupart des catégories d’emploi, la
rémunération des employés de La Presse est de loin
supérieure à ce que reçoivent celles et ceux qui
occupent la même fonction dans d’autres
entreprises au Québec. À titre d’exemple, un
commis administratif à La Presse gagne 49% de plus
l’heure qu’un commis dans une compagnie de même
taille au Québec.
› Enfin, le régime de retraite de La Presse est
parmi les meilleurs de l’industrie au pays.
Nous souhaitons parvenir à ces nécessaires
ajustements de concert avec nos employés.
Apr è s l e s mes u r e s d e réduction de
dépenses, nos employés bénéf ic ieront de condit
ions de t ravai l comparables à celles que l ’on
retrouve dans les grands journaux au Canada.
Un régime de retraite impossible à soutenir
En
plus des difficultés occasionnées par la conjoncture
mondiale, la santé financière de La Presse est
fragilisée par la situation de son régime de
retraite. Ainsi, bien que la caisse de retraite de
La Presse présentait un surplus au début des années
2000, elle affiche aujourd’hui un déficit de 113
millions. Et ce, malgré des rendements qui la
classent généralement dans le groupe des plus
performants au Canada. Aujourd’hui, 94% des régimes
de retraite sont en déficit au Canada, en raison de
la chute des marchés et de la faiblesse des taux
d’intérêt à long terme.
La
Presse ne fait pas exception. Ainsi, le taux de
solvabilité de son régime de retraite se situe à la
médiane des régimes de retraite des entreprises
canadiennes. Par ailleurs, le modèle du régime de
retraite de La Presse devait coûter 8 cents pour
chaque dollar de salaire versé, ce qui en faisait
déjà un des plus généreux de l’industrie des
communications au pays. Aujourd’hui, en raison du
financement de son déficit, le régime de retraite
des employés de La Presse coûte 23 cents par dollar
versé en salaire. Une contribution impossible à
soutenir pour toute entreprise.
Un remarquable travail d’équipe
La
Presse s’est distinguée, au cours des dernières
années, à tous les niveaux. Cette réussite est
attribuable en très grande partie aux employés qui
se sont engagés dans un effort collectif avec
talent, créativité et professionnalisme, à faire
progresser La Presse. Je tiens aujourd’hui à les
remercier et à souligner leur remarquable travail,
qui a mené à nos nombreux succès.
Les assises de La Presse reposent sur une culture
forte qui valorise le respect et la contribution
de tous et chacun. Et je suis fier d’affirmer que
l’évolution de La Presse a été réalisée dans une
dynamique de collaboration qui, à maintes
reprises, a nécessité la participation étroite de
nos syndicats. Les ententes sur le travail
multimédia de la rédaction ou encore sur
l’impartition de l’impression sont des exemples de
cette culture d’entreprise qui s’appuie avant tout
sur la recherche de règlements négociés de bonne
foi.
Ces
réussites
ne nous mettent pas à l’abri de la crise
structurelle que traverse l’industrie des journaux
ni des effets de la récession sur les revenus
publicitaires.
Nous avions un plan pour réformer notre modèle
d’affaires, en plusieurs étapes, qui misait sur la
transformation graduelle de l’entreprise.
Malheureusement, l’ampleur et la brutalité de la
crise nous obligent à prendre des mesures et à
revoir immédiatement et en profondeur notre
structure de coûts. Nous avons l’intention
d’aborder ce défi avec les mêmes valeurs qui nous
ont guidés ces dernières années.
La situation actuelle est difficile pour tous les
employés de La Presse et amène son lot
d’insécurité. Cependant, je suis convaincu que
nous trouverons, avec nos employés, les solutions
nécessaires pour assurer l’avenir de l’entreprise,
et surtout, pour que La Presse continue de jouer
son rôle de premier plan dans notre société.
Votre journal, un pilier de la démocratie
- Guy Crevier
Malgréuntirageenhausse,
malgréuncontenu plus richeetplus appréciéque
jamais, malgré les nombreux prix prestigieux
remportés par ses artisans, La Presse est
frappée de plein fouet par les puissants
courants qui grugent les fondations de la
presse écrite dans le monde occidental.
Cette situation est extrêmement préoccupante.
Ce n’est pas seulement une entreprise, un
journal qui est menacé, c’est une institution
vitale pour notre démocratie.
Il y a eu la radio. Puis la télévision. Et
enfin l’internet. Chaque fois, on a annoncé la
mort de la presse écrite. Elle est toujours
là. Et chaque matin, dans toutes les villes du
monde, ouvrir le journal est un des premiers
gestes que font des centaines de millions de
personnes.
Pourquoi les journaux ont-ils résisté à toutes
les tempêtes ? Parce que malgré les atouts
dont jouissent les autres médias, l’imprimé
conserve des avantages uniques.
La démocratie, c’est le gouvernement par et
pour les citoyens. Afin d’assumer pleinement
leurs responsabilités – choisir leurs
représentants, participer aux débats publics,
militer pour les causes qui leur sont chères –
les citoyens doivent disposer de l’information
la plus complète possible. Cela signifie
qu’ils doivent avoir accès à:
› Un portrait exhaustif de l’actualité locale,
nationale et internationale. Aucun média
généraliste n’est autant en mesure qu’un grand
journal quotidien de fournir un tel portrait
de manière crédible et objective. La Presse
s’acquitte de cette tâche depuis 125 ans.
›
Des enquêtes fouillées sur les zones d’ombre
des gouvernements et des entreprises. Ce sont
les journaux qui, la plupart du temps,
débusquent les abus de toutes sortes. Beaucoup
de médias font du journalisme d’enquête. Mais
partout, la presse écrite est de loin le média
qui consacre le plus de ressources à cette
mission fondamentale. L’excellence du travail
de La Presse dans ce domaine a été maintes
fois reconnue.
› Un large éventail d’opinions documentées et
solides, de sorte que les citoyens puissent
eux-mêmes, en toute autonomie, se forger leur
propre point de vue. C’est le propre des pages
d’opinion des grands quotidiens, telles les
pages Forum de La Presse. La Presse compte
aussi plusieurs columnists et éditorialistes
dont la réputation et l’impact social sont
inégalés au Québec. On entend et voit beaucoup
d’autres commentateurs chevronnés dans les
médias électroniques. Mais l’opinion écrite
conserve une force particulière. Les écrits
restent.
L’importance des quotidiens imprimés en ce
début de XXIe siècle est confirmée par le fait
que les autres médias en tirent une bonne
partie des informations qu’ils diffusent. Que
seraient les émissions radiophoniques et
télévisuelles du matin sans les journaux? À
quoi s’abreuveraient les sites internet?
Pourquoi en est-il ainsi ? Parce qu’encore en
2009, les grands quotidiens sont parmi les
médias d’information qui consacrent le plus de
ressources humaines et financières à la
nouvelle, à l’enquête, à l’analyse et au
commentaire. Malgré leur contribution
révolutionnaire à la diffusion d’informations,
rien n’indique que les médias diffusant
uniquement sur Internet seront bientôt en
mesure de déployer autant de moyens pour
recueillir et pour analyser la nouvelle, et
surtout pour aller au-delà de l’information
officielle.
Ce n’est donc pas parce qu’ils sont moins
pertinents que les quotidiens sont fragilisés,
mais parce que leur modèle économique ne tient
plus. Si nous ne trouvons pas les moyens
d’empêcher le déclin des journaux, c’est la
démocratie elle-même qui sera en péril.
C’est pourquoi la direction de La Presse est
déterminée à assurer à ce grand quotidien des
fondations solides qui lui permettront de
continuer à jouer son rôle unique,
irremplaçable dans la société québécoise.
Le Conseil a confiance - André
Desmarais
La Presse est devenue au fil des ans un
média d’information d’une qualité
exceptionnelle. Les membres du Conseil
d’administration de La Presse sont très fiers de
cette réussite. Le Conseil est convaincu de la
nécessité de maintenir des médias forts, car il
sait que ceux-ci jouent un rôle fondamental dans
nos démocraties. C’est pourquoi le Conseil a
toujours respecté l’indépendance de la salle de
rédaction. La Presse est une institution
particulièrement importante dans la société
québécoise. Grand quotidien national de langue
française, elle permet notamment au Québec de se
faire entendre à l’échelle du Canada. Cependant,
le monde de l’information subit des
transformations profondes qui forcent les
journaux de toute la planète à changer leur
modèle d’affaires. Non seulement doivent-ils
traverser une période de ralentissement
économique et d’incertitude sans précédent, ils
doivent en même temps réussir leur
transformation au numérique. Dans un tel
contexte, les journaux sont appelés à revoir de
fond en comble leur structure de coûts. La
Presse n’y échappe évidemment pas. Au cours des
dernières années, la direction et les employés
de La Presse ont su relever plusieurs défis. Le
Conseil d’administration a confiance que, face à
la crise financière qui frappe aujourd’hui
l’entreprise, ils sauront trouver les solutions
qui permettront la survie de La Presse dans
cette nouvelle réalité.
La Presse ne sera plus publiée le
dimanche - Agnès Gruda
Le
déficit du quotidien pourrait atteindre 24 millions
en 2009
« Le modèle d’affaires d’hier ne fonctionne plus, le
modèle de demain n’est pas en place, et on se
retrouve entre les deux au pire moment que l’on
puisse imaginer. »
Confrontée à une situation financière difficile, La
Presse cessera de publier le dimanche à compter du 5
juillet prochain. Le président et éditeur de
La Presse, Guy Crevier, a lancé un appel aux
employés, leur demandant de revoir leurs
conditions de travail à la baisse.
Le président et éditeur de La Presse, Guy Crevier, a
annoncé cette décision aux employés du quotidien,
rassemblés à huis clos hier après-midi au Palais des
congrès à Montréal.
En plus de l’abandon de l’édition dominicale,
publiée depuis 25 ans, d’autres mesures entreront en
vigueur prochainement pour permettre au journal de
réduire ses coûts de production. Ainsi, La Presse
changera de format : dès le mois d’août, elle perdra
un pouce de largeur. Auparavant, le journal a aussi
annulé son stage de formation annuel pour jeunes
journalistes.
Mais tous ces efforts ne suffiront pas à combler un
déficit qui pourrait atteindre 24 millions en 2009.
« Actuellement, nous brûlons 2 millions par mois »,
a dit Guy Crevier, soulignant que le déficit de la
caisse de retraite, qui atteint 113 millions,
s’ajoute à ce manque à gagner.
Il a donc lancé un appel aux employés, leur
demandant de revoir leurs conditions de travail à la
baisse. Ces concessions, qui pourraient toucher la
durée de la semaine de travail, les vacances et même
les salaires, devront permettre des économies
annuelles de 13 millions.
Cet appel à des concessions vise autant les
journalistes que les employés de bureau ou ceux de
la distribution du journal. Plus des deux tiers des
syndiqués de La Presse bénéficient de la semaine de
quatre jours, a souligné Guy Crevier. Ce dernier a
promis que les cadres seraient, eux aussi, mis à
contribution.
« Notre préoccupation, c’est de sauver La Presse »,
a assuré Guy Crevier, qui a dit ne pas tenir ce
discours « de gaieté de coeur ».
Le Syndicat des travailleurs de l’information de La
Presse, dont le contrat de travail est échu depuis
le 31 décembre dernier, n’a pas apprécié que
l’employeur identifie les mesures de compression
possibles, ce qui « outrepasse les règles de la
négociation », selon sa présidente Hélène De Guise.
Celle-ci n’a toutefois pas écarté la possibilité que
les syndiqués contribuent à l’effort de redressement
du journal. Mais pour cela, elle aimerait pouvoir
consulter les états financiers du quotidien. « S’il
faut mettre l’épaule à la roue, nous allons le
faire, mais nous voulons d’abord vérifier les
chiffres », a-t-elle dit.
Selon Guy Crevier, trois facteurs contribuent à la
mauvaise situation financière de La Presse : la
récession, le déficit du régime de retraite qui
atteint 113 millions, et l’exode des annonceurs qui
quittent la presse imprimée au profit de l’internet.
« La récession a été subite et brutale, la moitié
des journaux américains sont aujourd’hui
déficitaires », a-t-il dit. Il a rappelé que les
pertes de revenus publicitaires touchent tous les
journaux en Amérique du Nord, et que la publicité
qui déserte l’imprimé ne se retrouve pas
automatiquement sur les sites web des organes de
presse.
Par exemple, aux États-Unis, les journaux ont perdu
14 milliards de revenus publicitaires entre 2000 et
2008. Leurs sites internet, eux, vendent pour 3
milliards de publicités. « Onze milliards se sont
évaporés », a déploré Guy Crevier.
Le phénomène s’accélère, selon lui : « Depuis le
début de 2009, on descend plus vite que ce qu’on
avait prévu. » Cela sape tout le modèle d’affaires
qui a permis aux journaux de subsister jusqu’à
maintenant.
Guy Crevier se dit convaincu que « La Presse a
toujours un avenir ». Il a d’ailleurs offert aux
employés de participer, à raison de 15%, aux futurs
bénéfices que le nouveau modèle d’affaires,
débarrassé de la « lourde structure de coûts » du
journal, pourrait engendrer une fois que le
quotidien aura traversé cette période délicate.
Mais les changements qui affectent l’industrie
tombent à un bien mauvais moment, selon Guy Crevier
: « Le modèle d’affaires d’hier ne fonctionne plus,
le modèle de demain n’est pas en place, et on se
retrouve entre les deux au pire moment que l’on
puisse imaginer. »
Le président et éditeur de La Presse entreprend dès
cette semaine des rencontres avec les différents
groupes d’employés du journal pour les convaincre de
participer à l’effort de redressement. « Nous ne
voulons pas nous battre contre nos employés », a-til
assuré.
Les syndicats qui représentent l’ensemble des
employés de La Presse doivent faire connaître une
réaction commune aujourd’hui. Et le syndicat des
journalistes du quotidien doit tenir une assemblée
prochainement.
Léguer un « patrimoine en santé » aux
générations suivantes - Bruno Bisson
Le responsable des Travaux publics de la Ville
de Montréal, Sammy Forcillo, assure qu’il
sympathise avec les automobilistes. Mais s’il
n’en tient qu’à lui, les chantiers vont
continuer de se multiplier chaque automne dans
les rues de la ville afin de léguer aux
générations suivantes un « patrimoine en santé
».
Selon M. Forcillo, l’entretien et le
renouvellement des infrastructures est
aujourd’hui largement considéré, dans la
population, comme une priorité pour les
administrations municipales.
Après avoir pris des années de retard dans
l’entretien des routes, des ponts et des
conduites d’eau et d’égouts, la Ville de
Montréal i nve st i r a , ce t te a n né e , plu
s de 6 0 0 millions da ns 359 cha ntiers
d’infrastructures, dont près de la moitié (47 %)
reste à faire, avant les premières neiges.
« Les gens comprennent qu’on a l’obligation de
faire ces travaux, ditnients qui en résultent
aujourd’hui en matière de congestion, de bruit
et d’impatience.
Des chantiers par centaines
Au cours des prochains mois, Montréal compte
réaliser ou terminer 168 chantiers de conduites
d’eau il. La décision que nous avons prise
d’investir 10 milliards en 20 ans dans les
travaux d’infrastructures est une décision
responsable, et il faut aller de l’avant »,
malgré les inconvéet d’égouts, de voirie,
d’éclairage ou d’aménagement dans ses 19
arrondissements (la liste complète, par
arrondissement, se trouve sur cyberpresse.ca).
Ces chantiers, et les entraves inévitables
qu’ils entraînent, vont s’ajouter à des
centaines d’autres plus petits – souvent très
courts – réalisés dans chacun des
arrondissements, sous la responsabilité des
autorités locales. Dans la plupart des cas, il
s’agit d’asphaltage de tronçons relativement
courts, dont la réalisation est conditionnelle à
la météo, et qui fait toujours l’objet d’un
sprint de fin de saison, avant les premières
chutes de neige.
« Je sais que les investissements que nous
faisons commencent à porter leurs fruits», dit
M. Forcillo. En trois ans, assure-t-il, les
intervalles de la Ville ont permis de réduire de
moitié le pourcentage des chaussées municipales
considérées en «mauvais» ou en «très mauvais»
état.
CASSE-TÊTES ROUTIERS À VOLONTÉ
- Sara Champagne
Les
beaux jours des routes du Québec sont chose du
passé. Construit en majorité durant les années de
l’Expo 67, le réseau autoroutier de la région
métropolitaine a atteint sa durée de vie utile. Il
n’y pas que le Complexe Turcot et le pont
Honoré-Mercier
Soir de grande ouverture du 30e Festival de jazz.
Stevie Wonder s’apprête à ouvrir le bal. Il pleut
des cordes sur le centre-ville de Montréal. Les
touristes affluent. Mais au lieu de défier la foule
pour assister au spectacle, La Presse décide de
tester le réseau d’autoroutes de la couronne nord,
jusqu’à la 640, dans les Basses-Laurentides.
L’avenue Viger, à l’angle du boulevard
Saint-Laurent, ressemble à un stationnement. Le
viaduc enjambant l’autoroute Ville-Marie est bardé
de cônes orange. La Presse tente de remonter vers la
rue SaintAntoine Est pour emprunter une bretelle du
tunnel, direction Ouest. L’entrée est barrée. Les
panneaux clignotants pour l’indiquer n’ont pas été
activés. Idem à l’autre sortie. On décide de
remonter Viger, vers l’Ouest, jusqu’au boulevard
René-Lévesque.
Sous la structure du Palais des congrès, des
automobilistes sortent de leur voiture. Gros
festival de klaxons. Plusieurs ne se gênent pas pour
passer un coup de fil sur leur téléphone cellulaire.
Ou pour faire un doigt d’honneur à l’automobiliste
qui colle derrière. Ou à celui devant, qui n’avance
pas.
Trente minutes plus tard, on parvient à la rue
Notre-Dame. Mais pour découvrir que toutes les
bretelles d’accès de la 720sont fermées en raison
des travaux de nuit. La Presse s’engouffre dans les
rues de l’arrondissement de Côte-des-Neiges–
Notre-Damede-Grâce pour rejoindre Décarie. Des
panneaux préviennent qu’il y a des travaux à
l’échangeur Dorval. Mieux vaut éviter l’autoroute 13
nord.
Il reste l’autoroute 15. La circulation est fluide.
Tout le long du trajet, il y a des cônes alignés sur
l’accotement. La bretelle pour emprunter la 640
Ouest est fermée. Il faut slalomer dans une sortie
obscure indiquant Saint-Eustache à gauche. Toutes
les bretelles de l’échangeur sont en construction.
Encore un bouchon de circulation. Il est maintenant
22h30. La Presse a quitté le centre-ville il y a
1h30, bien après l’heure de pointe. En tout, il aura
fallu compter 1h45 à l’auteure de ces lignes pour
atteindre Oka, soit au moins 1h de plus qu’à
l’habitude.
Nombre record de chantiers
Ce
genre d’aventure sur les autoroutes de la région de
Montréal est monnaie courante cet été. Le nombre de
chantiers routiers fracasse un record de tous les
temps dans la région métropolitaine. Les
automobilistes qui ont l’habitude d’avoir un « congé
» de bouchons de circulation durant la période
estivale doivent cette année affronter des heures de
pointe aux allures de rentrée automnale. Et il ne
s’agit là que de la pointe de l’iceberg, prévient le
ministère des Transports, parce que les travaux
continueront de s’intensifier au cours des prochains
mois.
« C’est évident que, si on part du centre-ville et
qu’on n’a pas planifié notre trajet, on va avoir des
mauvaises surprises, indique Mario St-Pierre, de la
direction des communications de Transports Québec.
Et les chantiers diffèrent selon le temps qu’il fait
et d’autres facteurs. »
Dans l’ensemble du Québec, les investissements pour
retaper le réseau routier atteindront 3,7 milliards
de dollars cette année et en 2010, soit presque
l’équivalent du budget annuel de la Ville de
Montréal. De cette somme, 471,2 millions sont
consacrés à 73 chantiers montréalais, sans compter
le pont Mercier. Laval compte 20 chantiers et la
Montérégie, 288 pour l’Est et l’Ouest. Et 77
chantiers routiers sont actifs dans les Laurentides.
Évidemment, il n’y a pas de solution miracle pour
circuler, à moins d’avoir son hélicoptère personnel.
À Transports Québec, on indique « que les
automobilistes pensent à tort qu’on peut offrir une
voie de contournement ou des mesures de mitigat ion
pour chaque chantier ».
« Il y a trop de mouvance dans la gestion des
chantiers, explique Mario St-Pierre de Transports
Québec. Une journée, on va travailler sur telle
bretelle d’un chantier puis une autre journée, ce
sera une autre bretelle. Et puis, s’il y a de la
pluie, on ne peut pas rouler de l’asphalte. Et on
n’a pas l’habitude de rediriger les automobilistes
vers le réseau relevant de la Ville de Montréal. »
M. St-Pierre ne manque pas de faire remarquer que
les travaux sont aussi nombreux en soirée, la nuit,
et particulièrement le week-end, où l’achalandage
est moindre. Mais prix de consolation : le boom de
réfection permettra d’avoir 71% de chaussée en bon
état d’ici 2011, estime le Ministère. Ce qui
permettra ensuite de passer en mode entretien,
précise-t-on.
LE CENTRE-VILLE SENS DESSUS DESSOUS
particulièrement
chaotique sur le plan de la circulation automobile
au centre-ville, en raison de la rentrée. es rues
et les trottoirs du centre-ville de Montréal ne
sont Sylvie Laflamme, responsable des mises en
chantier à la Ville, pas épargnés par les
chantiers. Mis à part les gigantesques ajoute que
les chantiers dans les 19 arrondissements, au
nombre travaux dans le Quartier des spectacles, au
coût de 120 milde 289 cet été, atteignent des
records. Au centre-ville, il n’y a pas lions,
l’administration du maire Gérald Tremblay a donné
de fermeture complète de rues jusqu’à maintenant,
mais plusieurs l’aval, au printemps, à l’ouverture
de 20 chantiers au coeur de voies sont
retranchées: rues Sainte-Catherine, Saint-Urbain
et de la Montréal. Montagne, avenues Viger et
Docteur-Penfield, viaduc Saint-Laurent, etc.À ces
travaux, il faut ajouter six chantiers dont le
maître d’oeuvre est l’arrondissement de
Ville-Marie. Sans oublier ceux des entre«En ce qui
concerne le Quartier des spectacles, des
responsables de prises privées comme Bell et Gaz
Métro. Et les nombreux projets la Ville, des
policiers, pompiers et ambulanciers font le point
chaque de construction de promoteurs privés,
notamment dans le Quartier semaine pour mesurer
l’impact des travaux, précise Mme Laflamme.
chinois. Selon les bouchons de circulation, la
séquence des feux de circulation
En
raison de la pluie, Sammy Forcillo, responsable
des infrastrucest corrigée ou des policiers sont
affectés à certaines intersections. » tures au
comité exécutif de la Ville, admet que plusieurs
chantiers La Ville de Montréal a donc un mot
d’ordre pour les automobilisaccusent des retards.
Tous ces chantiers risquent donc de s’étirer tes:
les transports en commun. La marche. Et le vélo. «
Les automobiau-delà de la fête du Travail, jusqu’à
l’Action de grâce. Une période listes doivent
modifier leurs habitudes », dit Mme Laflamme.
QUÉBEC 511
Afin de réduire la grogne des automobilistes
et camionneurs, le ministère des Transports a
récemment conçu un site internet à l’intention des
usagers de la route. Le site permet non seulement
de se faire un trajet « à la carte », mais offre
aussi une vue des principales artères et chantiers
à partir des caméras de Transports Québec. On peut
aussi avoir accès aux travaux prévus en soirée, la
nuit et le week-end. Pour ceux qui n’ont pas
l’internet :
L’inflation plonge et refait
surface
Cela peut paraître paradoxal, mais si le taux
annuel d’inflation est plongé en territoire
négatif en juin pour la première fois en 15
ans, c’est à cause du recul du prix de
l’essence depuis juillet 2008. Et si l’indice
des prix à la consommation ( I PC) a progressé
au cours de cinq des six premiers mois de
l’année, c’est aussi largement à cause du prix
de l’essence !
En juin, le taux annuel d’inflation au Canada
s’est établi à - 0,3 %, a indiqué hier
Statistique Canada. Les prix ont reculé dans
quatre provinces, stagné dans deux autres et
augmenté encore dans quatre. Au Québec, le
rythme annuel d’inflation a été de 0,2 %, en
hausse d’un dixième.
Il s’agit d’une première plongée en territoire
négatif depuis novembre 1994. Cette année-là
Ottawa avait sabré dans sa taxe sur le tabac
afin de diminuer la contrebande de cigarettes.
Sinon, il faut remonter à 1955 pour observer
une baisse du taux annuel d’inflation.
De mai à juin cependant, l’IPC a progressé de
0,3 % à l’échelle du pays et de 0,5 % dans sa
société distincte. D’avril à juin, le taux
d’inf lation canadien a même avancé de 1,1 %
en rythme a nnualisé, signe i ndéniable qu’une
baisse généralisée des prix n’est pas dans les
cartes.
Et
pour confondre les sceptiques les plus
aguerris, l’indice de référence (IPCX) de la
Banque du Canada voguait le mois dernier à
1,9 %, soit à un dixième près de la cible
visée par les autorités monétaires, mais à
trois dixièmes de plus que sa prévision
d’avril.
« C’est la preuve irréfutable que le Canada
ne traverse pas une période de déflation,
même si l’inflation totale est passée sous
zéro », résume Sébastien Lavoie, économiste
chez Valeurs mobilières Banque Laurentienne.
En juin dernier, le prix du litre d’essence
ordinaire vendu en libre service s’est élevé
en moyenne à 1,36 $ d’un océan à l’autre,
selon l’agence fédérale. Le mois dernier, le
prix moyen a été de 1,02 $, soit 24% de
moins.
Les prix ont commencé à chuter en deuxième
moitié de juillet jusqu’à leur creux de 76
cents le litre en décembre. Depuis, ils
remontent. Ce jeu de bascule devrait garder
le taux annuel d’inflation en territoire
négatif durant quelques mois.
« La glissade de l’inflation dans le rouge
est presque entièrement une histoire
d’énergie, résume Douglas Porter, économiste
en chef adjoint chez BMO marchés des
capitaux. Sans elle, l’IPC progresse de 2,1
%. »
Au cours de la dernière année, les prix des
biens ont reculé de 2,7% alors que ceux des
services qui représentent les deux tiers de
l’IPC progressaient de 2,0%. Les prix des
aliments ont été en hausse de 5,5 %, tandis
que ceux de l’énergie plongeaient de 19%.
Hors énergie et aliments, le taux annuel
d’inflation s’est élevé à 1,3 %, inchangé
par rapport à mai.
Sur une base mensuelle, seuls les prix du
logement et des vêtements et chaussures ont
reculé. Le prix des transports, qui accuse
encore un recul annuel de 7,7% a grimpé de
2,3%.
Même le prix des voitures a recommencé à
monter. « C’est un signe que les
concessionnaires se sentent moins désespérés
à mesure qu’ils voient fondre leurs stocks
», fait observer Avery Shenfeld, économiste
en chef chez CIBC.
De fait, l’inflation est de retour, bien que
son rythme ne soit pas alarmant. La
faiblesse de l’économie canadienne va
continuer d’exercer des pressions à la
baisse sur les salaires tout en privant les
détaillants de toute velléité d’augmenter
les prix. En outre, si la force du huard
face au billet vert devait persister, les
prix des biens importés du sud ne devraient
guère augmenter.
Il reste que l’IPCX et l’inflation des
services s’activent. Depuis mars, le premier
trotte à 2,5 % et la seconde caracole à 3,7%
en chiffres annualisés, fait remarquer
Yanick Desnoyers, économiste en chef adjoint
à la Financière Banque Nationale. « Le taux
officiel réel (d’inflation) semble être très
bas pour ces taux officiels de base. »
LA FIN DUMONDE (TEL QU’ON LE CONNAÎT)
EST PROCHE - FRANÇOIS CARDINAL
JEFF
RUBIN, EN PLUS D’ÊTRE L’UN DES ÉCONOMISTES LE PLUS EN
VUE AU PAYS, EST UN REBELLE, COMME LE CONFIRME SA
RÉCENTE DÉMISSIONDE LACIBC, APRÈS 20ANSDE SERVICE.
LARAISON: LA PUBLICATION D’UN LIVRE SUR L’IMMINENCE DU
PROCHAIN CHOC PÉTROLIER, QUE LA BANQUE R
Les vacances en Europe, les vins australiens, les
fraises en hiver, vous devrez bientôt faire une croix
sur ces petits plaisirs ainsi que sur vos longs
trajets quotidiens en automobile, si l’on se fie à
l’ancien économiste en chef de la CIBC, Jeff Rubin.
Celui qui avait prédit, contre vents et scepticisme,
la hausse spectaculaire du prix du pétrole l’an
dernier, prévoit cette fois que le baril s’échangera à
plus de 200$ d’ici un peu plus d’un an. Si ce n’est
plus tôt.
Résultat: le prix de l’essence dépassera les 2$ le
litre, nos habitudes quotidiennes seront complètement
bouleversées… et la mondialisation ne sera plus
qu’histoire ancienne, conclut-il dans un livre
coupde-poing publié ces jours-ci, Why Your World Is
About to Get a Whole Lot Smaller.
« Aujourd’hui, en plein milieu de la pire crise des 60
dernières années, le baril s’échange à un peu plus de
60$... Pas besoin d’un diplôme en économie pour
imaginer combien il coûtera quand la récession sera
finie, quand les gens retrouveront un emploi, quand
ils recommenceront à conduire… »
À combien, justement? À 100$ dans les 12 mois suivant
une relance économique, puis à 200$ d’ici 2012,
estime-t-il.
Certes, la prédiction peut faire sourciller, venant
d’un homme reconnu pour sa flamboyance et ses opinions
tranchées. Mais elle est partagée par d’autres experts
qui croient comme lui que la crise financière, qui se
traduit actuellement par une baisse des
investissements pétroliers, prépare le terrain pour de
« futures brusques hausses des prix », selon les mots
du numéro deux du Fonds monétaire international (
FMI), John Lipsky.
Alors qu’ils dépassaient les 147$ en juillet dernier,
qu’ils ont chuté à un peu plus de 32$ en décembre, les
cours du pétrole dépassent aujourd’hui les 60$. « Il y
a quatre ou cinq ans, observe Jeff Rubin, un tel prix
aurait été considéré comme un record de tous les
temps. Aujourd’hui, rien de plus normal… »
La fin du pétrole
Jeff Rubin est un disciple de la théorie du pic
pétrolier (la production mondiale de pétrole atteindra
son apogée puis amorcera un inévitable déclin) depuis
un voyage en Irlande, en 2000. Il a alors discuté avec
l’auteur de l’essai The Coming Oil Crisis, le géologue
Colin Campbell, une rencontre qui ne l’a pas autant
convaincu de l’épuisement du pétrole… que de
l’épuisement du pétrole bon marché.
Or
tout, souligne-t-il, de notre alimentation à notre
lieu de résidence en passant par nos loisirs de tous
les jours, est basé, précisément, sur le pétrole
abordable.
« La raison pour laquelle l’économie mondiale a mis
tous ses oeufs dans le même panier est simple,
écrit-il dans son essai, il n’existe pas d’autre
panier. »
D’où sa prédiction: l’économie s’apprête à vivre un
choc historique, qui nous ramènera collectivement là
où nous étions dans les années 60.
« Le monde sera de plus en plus petit, explique-t-il.
Nous nous rapprocherons de nos communautés. Les
identités régionales redeviendront importantes. Les
industries du passé renaîtront de leurs cendres.
L’économie de service sera remplacée par une économie
de manufactures, de production. »
Le pétrole sera si cher, ajoute-t-il, que les cargos
cesseront de faire l’aller-retour vers la Chine, les
gens se rapprocheront de leur lieu de travail, ils
quitteront les couronnes pour la ville, ils n’auront
plus les moyens de traverser l’océan ni de consommer
des poissons provenant de Norvège, etc.
« Aussi, au cours des 10 prochaines années, pas moins
de 20% des voitures devraient disparaître des routes,
préditil. Regardez l’autoroute Décarie et imaginez la
disparition d’une auto sur cinq… La question se posera
alors : y aura-t-il suffisamment d’autobus pour
accueillir tous ces gens? »
Cela dit, Jeff Rubin ne croit pas que tout cela soit
une mauvaise nouvelle en soi. Nos vies seront plus
simples, mais aussi plus ancrées dans leur milieu,
dans leur environnement. Elles ressembleront, en fait,
à la vie des Européens, illustre-t-il, qui roulent
depuis longtemps avec de petites voitures, résident
dans d’étroits logements et se déplacent en train.
Ajoutons à cela les bénéfices qui accompagneront à son
avis ce bouleversement, que ce soit le retour des
usines et des manufactures au Canada, la renaissance
de l’industrie de l’acier ou le renouveau agricole.
« En fait, les contrecoups, ce sont davantage les
populations du Sud qui les vivront, en raison de la
fin des exportations. Quand l’Occident se serre la
ceinture, il étrangle habituellement les pays du
tiers-monde », observe-t-il.
DITES AU REVOIR AU SHIRAZ AUSTRALIEN ET AU SAUMON
DU PACIFIQUE - FRANÇOIS CARDINAL
FRANÇOIS CARDINAL QÀ
quand la fin du pétrole bon marché? R C’est déjà fini,
même si personne ne le crie sur les toits. Autant les
pétrolières aiment tenir des conférences de presse
lors de la découverte de n’importe quel gisement,
autant elles se gardent d’annoncer qu’un puits s’est
complètement asséché. Or, chaque année, nous perdons
l’équivalent de 4 millions de barils par jour en
raison de l’épuisement de la ressource. Cela signifie
qu’au cours des cinq prochaines années, il faudra
trouver 20 millions de barils par jour, uniquement
pour remplacer ce qui a disparu… QÇa
tombe bien, l’Alberta compte produire plus de quatre
millions de barils dans un proche avenir… R Oui, mais
on remplace ainsi du pétrole conventionnel et
abordable du Moyen-Orient par du pétrole dont
l’extraction est de plus en plus chère. Or ce qui est
bon pour Fort McMurray ne l’est pas pour le reste du
monde, car une production accrue en Alberta ne peut se
faire que dans un monde où le prix du baril ne cesse
d’augmenter. Bref, le pétrole de remplacement sera un
pétrole que le commun des mortels ne pourra pas se
payer… QComment
cela se traduira-t-il ? R Le baril s’échangera dans
les trois chiffres dans les 12 mois suivant une
relance économique. Il atteindra même les 200$ en
2012, si ce n’est plus tôt. Cela dit, que ce soit 200$
ou 120$, peu importe, c’est la fin du monde tel qu’on
le connaît. QVous
prétendez que le monde sera de plus en plus petit… R
Effectivement, car la hausse des prix du pétrole nous
empêchera de partir en voyage comme nous le faisons
actuellement. Les gens continueront à prendre des
vacances, mais ils le feront à proximité de leur
résidence. Les Montréalais visiteront le mont
Tremblant plutôt que la vallée du Rhône, ils feront du
vélo au Saguenay plutôt qu’en Bourgogne… Peut-être
même que Jacques Parizeau déménagera son vignoble
français dans les Cantons-de-l’Est ! QQuelles
autres conséquences suivront le choc pétrolier que
vous prédisez ? R Deux choses surviendront. Le prix
des maisons déclinera rapidement dans les couronnes,
car les gens n’auront plus les moyens de faire la
navette quotidienne entre leur demeure et leur lieu de
travail. Le prix de la nourriture, lui, va grimper
très rapidement, ce qui nous obligera à cultiver les
aliments localement. Résultat: nous augmenterons la
densité dans la ville et nous reconvertirons des zones
résidentielles de banlieue en zones agricoles. QDans
un
proche avenir ? R Vous serez surpris à quel point ces
changements surviendront rapidement… QNous
modifierons nos habitudes alimentaires ? R Dans mon
assiette, on retrouvera du poisson provenant du lac
Ontario, non plus du saumon de l’Atlantique ou du
Pacifique. Le vin proviendra de la péninsule du
Niagara, car le coût d’importation du shiraz
australien sera prohibitif. Les légumes auront poussé
dans la région. QC’est
la fin des espressos et autres cappuccinos aux grains
exotiques ? R Disons qu’à plus de 5$ le café latte,
beaucoup de gens se tourneront vers Tim Hortons.
Starbucks devra fermer bien des magasins. Les
baristas, sans emploi, iront travailler dans des
usines, des manufactures, sur des fermes, puisque nous
produirons notre propre nourriture, nous fabriquerons
nos propres téléviseurs, etc. Les emplois de la
nouvelle économie n’auront rien à voir avec les
emplois actuels. QCe
sera la fin de la mondialisation? R La mondialisation
sera de l’histoire ancienne, car les échanges seront
de moins en moins importants dans l’économie de
demain. En revanche, les marchés domestiques prendront
de l’importance. Et cela sera aussi vrai pour
l’Amérique du Nord que pour la Chine… QAu
Canada, quelles seront conséquences ? R Le Québec et
l’Ontario seront les grands vainqueurs de la hausse du
prix du pétrole, car cela fera renaître l’industrie de
l’acier ainsi que l’industrie manufacturière.
l es QÀ
quoi ressemblera la vie d’un citadin moyen, dans
quelques années ? R Il travaillera dans une usine qui
n’existait pas 10 ans plus tôt, car elle avait été
délocalisée en Chine. Il ne sera pas un grand voyageur
du monde. Il prendra ses vacances au Québec ou à
proximité, au Vermont, en Ontario. Il aura une diète
alimentaire ressemblant à celle de ses parents, 30 ans
plus tôt. Il mangera des légumes cultivés au Québec.
Il sera beaucoup plus conscient du monde qui
l’entoure, du sort de l’environnement. Si son
grillepain se brise, il le fera réparer, plutôt que de
s’en acheter un nouveau. Tout cela, en raison de la
hausse prochaine des prix.
Panne sèche - ARIANE KROL
Le
baril de brut à 225$? L’essence à 2,25$ le litre? Dès
2012, affirme l’économiste canadien Jeff Rubin.
L’avenir nous dira s’il a vu juste. Quoi qu’il en
soit, il est grand temps de commencer à réfléchir sur
l’après-pétrole.
La thèse dupicpétrolier ( peak oil) n’est pas neuve.
Et elle compte plus que sa part de sceptiques. Mais
l’essai que vient de publier Jeff Rubin, Why Your
World Is About to Get a Whole Lot Smaller, lui donne
une visibilité nouvelle. D’autant que l’auteur, qui
était jusqu’à tout récemment économiste en chef de
Marchés mondiaux CIBC, a mis toute sa crédibilité dans
la balance.
Jeff Rubin n’annonce pas la fin du pétrole, mais la
fin du pétrole à bon marché. Parce qu’il est convaincu
qu’après avoir atteint un sommet (certains croient que
c’est déjà fait), la production va se mettre à
décroître rapidement. On aura beau argumenter sur la
plausibilité de ce scénario, seuls les faits pourront
trancher.
De
toute façon, il n’est pas nécessaire d’adhérer à la
thèse du pic pétrolier pour constater à quel point
notre mode de vie est lié à cette énergie non
renouvelable. Quelqu’un a-t-il oublié le choc du baril
à 147$ l’été dernier? On ne l’a pas seulement ressenti
à la pompe, mais à l’achat d’une foule d’autres
produits et de services. À 147$, les consommateurs ne
se contentent pas de se défouler sur les lignes
ouvertes. Ils modifient leurs projets de voyage et se
demandent comment aller travailler sans voiture.
La reprise va ramener les cours au-dessus de 100$ le
baril, affirme l’économiste canadien. Que cette
prévision nous plaise ou non, on peut difficilement la
qualifier de farfelue. Il n’y a qu’à voir la remontée
des dernières semaines, en pleine récession. Et il
faut une solide dose de pensée magique pour croire que
d’autres énergies et d’autres technologies sont prêtes
à prendre la relève immédiatement, sans coût
supplémentaire et en quantité suffisante. Certains
individus peuvent se payer des solutions alternatives,
comme des voitures électriques. Certaines régions
disposent d’autres sources d’énergie. Mais le pétrole
entre dans la production et le transport de tellement
de biens, incluant les denrées agricoles, que son coût
aura forcément un impact sur celui de nos achats. À
partir d’un certain seuil, il faut s’attendre à voir
des changements de comportements.
Ces changements ne seront sûrement pas aussi
dramatiques que le décrit l’auteur, en tout cas pas à
si court terme. Le rationnement qu’il dépeint est tel
qu’on dirait un état de guerre perpétuel,
bombardements en moins. À l’inverse. les parallèles
qu’il trace avec l’Europe, où l’essence est déjà
beaucoup plus chère qu’ici, nous semblent un peu trop
optimistes.
L’Amérique du Nord est très mal préparée à affronter
une flambée des prix du brut. Si un automobiliste sur
cinq se tournait vers le transport en commun demain
matin, nous aurions de sérieux problèmes. Les réseaux
des grands centres sont saturés et ceux de
l’extérieur, sous-développés. Le service interurbain
ne vaut pas mieux. Et le transport n’est qu’un
exemple. Pourtant, nous continuons à développer nos
milieux de vie comme si le pétrole allait demeurer bon
marché durant au moins 25 ou 30 ans. C’est loin d’être
assuré. Qu’attendons-nous pour en tenir compte?
Une extension abusive du concept de
dette - Louis Gill
L’auteur est économiste et professeur retraité de
l’UQAM. Il réplique à la chronique de Claude
Picher, intitulée « La dette, un épouvantail ? »,
qui a été publiée le 26 décembre.
Dans La Presse du 22 décembre, j’ai comparé la
dette du gouvernement du Québec contractée sur les
marchés ou « dette directe » (41% du PIB en 2009,
45% en 2010) à celle, beaucoup plus élevée, du
gouvernement des États-Unis (60% du PIB en 2009,
70% en 2010). Dans l’édition du 26 décembre,
Claude Picher estime qu’il est « téméraire » de se
limiter à cette mesure de la dette et qu’il faut
ajouter à la dette du gouvernement celles
d’Hydro-Québec, des commissions scolaires, des
municipalités, des hôpitaux et des universités,
ainsi que les engagements de l’ État envers ses
futurs retraités et la part du Québec dans la
dette du gouvernement du Canada, ce qui porterait
la dette du Québec à 108% du PIB en 2009.
Cette mesure de la dette que Claude Picher propose
est une extension abusive du concept de dette
(brute et nette) de l’ensemble des administrations
publiques, utilisé par les organismes
internationaux comme l’OCDE et le FMI pour
comparer l’endettement des divers pays. Ce concept
comprend les diverses composantes mentionnées par
Claude Picher, mais exclut les sociétés d’État
comme Hydro-Québec, ainsi que les engagements
envers les régimes de retraite du secteur public,
parce que certains pays les comptabilisent et
d’autres pas.
Ainsi
calculée
de manière à comparer des comparables, la dette
brute de l’ensemble des administrations publiques
du Québec représente 70% du PIB en 2009 plutôt que
les 108% calculés par Claude Picher. Ce chiffre
est significativement inférieur à la moyenne des
30 pays membres de l’OCDE qui est établie par cet
organisme ainsi que par le FMI à plus de 90% du
PIB en 2009 et à plus de 100% pour 2010. Sous cet
aspect comme sous celui de la dette directe, on
vérifie donc que la situation du Québec n’a rien
du caractère exorbitant que certains souhaitent
lui attribuer.
Il est par ailleurs pour le moins étonnant de voir
Claude Picher présenter les États des États-Unis,
et particulièrement la Californie, c o mme é t a n
t e n bi e n meilleure santé financière que le
Québec alors qu’on sait très bien que cet État et
plusieurs autres traversent en ce moment des
crises financières sans précédent, qui les placent
dans des situations de quasi-faillite et les
acculent à un véritable saccage de leurs services
publics.
Il est désolant de constater à quels glissements
peut mener l’admiration béate d’un t andem d’«
experts indépendants ».
Alerte à la dette - CLAUDE PICHER
D’une
façon ou d’une autre, les libéraux de Jean Charest
sont certains de se faire des ennemis. Réunis en
conseil général en fin de semaine, les militants ont
avancé toute une série de propositions pour renf
louer les coffres de l’ État : rétablissement du
péage sur les autoroutes, imposition de droits de
scolarité au collégial, hausse des tarifs
d’HydroQuébec, nouvelle taxe sur l’alcool et l’eau
embouteillée. En oublie-je ?
Le budget déposé en mars par l’ex-ministre Monique
Jérôme-Forget faisait état d’un déficit de 3,9
milliards. Les chiffres du premier trimestre,
publiés la semaine dernière, font déjà ressortir un
déficit de 3 milliards, uniquement pour ce
trimestre. Il faut évidemment se garder de faire des
projections téméraires à partir d’un seul trimestre.
N’empêche : il saute aux yeux que l’objectif de 3,9
milliards ne sera pas atteint. Chez les
spécialistes, on parle déjà de 5 à 6 milliards.
Ce trou dans les équilibres financiers du
gouvernement aura des répercussions sur les
exercices suivants. Déjà que Mme Jérôme-Forget
prévoyait accumuler des déficits de 11,6 milliards
jusqu’en 2013. Le nouveau ministre Raymond Bachand
aura fort à faire pour éviter de défoncer ce
chiffre.
Dans ces conditions, les 400 délégués au conseil
général ont cherché à renflouer les coffres de
l’État. Et voici qu’à la conclusion des t ravaux,
dimanche, le premier ministre Jean Charest a mis un
gros bémol sur tout cela. Avant de se lancer dans
des hausses de taxes et de tarifs, a-t-il dit, le
gouvernement devrait commencer par regarder comment
il pourrait mieux contrôler les dépenses, se «
serrer la ceinture » avant de vider les poches des
citoyens.
Bien dit, mais cela cache un défi de taille. Si le
gouvernement décide de hausser les tarifs et
certaines taxes, il se met à dos les consommateurs
et les contribuables. S’il veut réduire ses
dépenses, il déclenche la colère des omnipuissants
syndicats.
Pourtant, tôt ou tard, le gouvernement n’aura pas le
choix: les finances publiques québécoises se
détériorent gravement.
Le gros problème, c’est la dette.
Compte tenu de sa capacité de payer, le Québec est,
de loin, la région la plus endettée au Canada.
La dette nette du gouvernement québécois représente
16 336$ pour chaque citoyen, y compris les bébés,
contre 13 320 $ en moyenne dans les Maritimes, 11
552 $ en Ontario et 1667$ dans les provinces de
l’Ouest. En outre, chaque citoyen québécois doit
supporter sa part de la dette fédérale, soit 15
469$.
Ces chiffres fournissent une bonne indication du
niveau d’endettement des administrations
publiques, mais ne disent pas tout.
Ainsi, on vient de voir que la dette par habitant,
au Québec, est beaucoup plus élevée qu’en Ontario.
Or, les Ontariens, même en tenant compte des
récents déboires de l’industrie automobile, sont
plus riches que les Québécois. Donc, pour chaque
Ontarien, le fardeau de la dette publique est
beaucoup plus léger qu’il n’y paraît à première
vue.
Pour mieux ref léter cette réalité, on exprime la
dette en pourcentage du produit intérieur brut (
PIB), c’est-àdire de la taille de l’économie. Au
fédéral, la dette publique nette atteint 515
milliards, ou 32% du PIB. Pour les autres régions,
voici ce que cela donne: provinces de l’Ouest,
dette de 17 milliards, ou 3%; Ontario, 149
milliards ou 25 %; provinces de l’Atlantique, 31
milliards ou 32 %; Québec, 127 milliards ou 42%.
Voici un autre point de vue, qui donne froid dans
le dos: les Québécois, qui forment 23% de la
population canadienne, comptent pour 40% de
l’ensemble des dettes des administrations
provinciales. Ce déséquilibre est tellement i
mportant qu’il est grand temps de sonner l’alerte.
Certes, toutes proportions gardées, le déficit
budgétaire du Québec sera moins élevé, cette
année, que dans la plupart des autres provinces.
Mince prix de consolation. Justement parce qu’il
est déjà beaucoup plus lourdement endetté que les
autres, le Québec doit tout faire pour éviter d’en
rajouter.
Mais comment en est-on arrivé là ? C’est une
vieille histoire. Déjà au début des années 90,
juste avant que n’éclate la crise des finances
publiques, le Québec était lourdement endetté. En
1991, la dette nette du gouvernement québécois
s’élevait à 37,6 milliards, contre 38,4 milliards
pour l’Ontario, pourtant bien plus riche et bien
plus peuplé.
Par la suite, on s’est attaqué avec un succès
mitigé au cancer du déficit, bien que les
ministres des Finances n’aient souvent réussi à
atteindre le déficit zéro qu’au prix d’acrobaties
comptables, d’ailleurs dénoncées par les
vérificateurs généraux.
En revanche, à part un remboursement symbolique
effectué dans le temps par la ministre Pauline
Marois, et l’initiative du ministre Michel Audet
de c réer un Fonds des générations (lequel a été
confié à la Caisse de dépôt, et donc frappé de
plein fouet par la crise financière), on a
toujours négligé de s’attaquer sérieusement à la
dette.
En ce sens, le Parti québécois et le Parti libéral
peuvent difficilement s’accuser mutuellement pour
le désastre. Ils en sont tous deux responsables.
Avoir la cote - JEAN-PASCAL BEAUPRÉ
Il
y a quelques jou rs, l’agence Standard &
Poor’s a envoyé u n petit avertissement au
gouvernement Charest en réduisant de positives à
stables les perspectives rattachées à sa cote de
crédit A+.
L’agence de notation compte sur le gouvernement
québécois pour qu’il revienne rapidement à
l’équilibre budgétaire et qu’il diminue le fardeau
de sa dette. Sinon, une décote n’est pas à
écarter.
La baisse des revenus rattachée à la récession
fait évidemment mal au portefeuille de l’État. Et
la possibilité que la croissance des transferts de
péréquation soit réduite à compter de 2010-2011 ne
ferait que plomber davantage ses finances. Avec
ses 8,3 milliards reçus l’an dernier, le Québec a
été de loin le plus grand bénéficiaire de toutes
les provinces.
Une décote signifierait des coûts d’emprunt
supplémentaires. Le Québec doit déjà affecter 10 %
de son budget au paiement des intérêts sur la
dette, autant d’argent qui n’est pas consacré aux
services gouvernementaux.
Lors de sa mise à jour des finances québécoises
prévue dans quelques semaines, le ministre Raymond
Bachand devrait nous laisser savoir si le déficit
anticipé de 3,9 milliards tient encore la route
pour l’année 2009-2010. Au fédéral, on sait déjà
que les prévisions sont passées de 34 à 56
milliards.
Devant
la menace d’une décote, rappelons-nous les
sacrifices majeurs que le gouvernement Bouchard
avait dû imposer à la fin des années 90 afin de
revenir au déficit zéro. À l’époque, la dette du
Québec atteignait 47 % du produit intérieur brut.
Or nous atteindrons ce seuil d’ici deux ans.
Penda nt les a n nées de vaches grasses qui ont
précédé la récession , le gouvernement québécois
aurait pu en profiter pour ramener le poids de la
dette sous la barre des 40 % du PIB. Mais il a
privilégié des mesures plus populaires, comme une
baisse d’impôt.
L orsque la B a nque du Canada rouvrira la porte à
une hausse du loyer de l’argent quelque part en
2010, la facture des intérêts, déjà à plus de 6
milliards par an, grimpera inévitablement et
monopolisera une partie grandissante du budget de
l’État québécois.
Le gouvernement Charest sera confronté à des choix
déch i ra nts da ns les pro - chains mois. Ces
décisions ne pourront être pelletées dans le futur
indéfiniment. Si le Québec ne fait pas le ménage
dans ses affaires, les agences de notation se
chargeront de lui forcer la main.
On ne pourra compter sur une hausse significative
des revenus fiscaux. La population active
diminuera à partir de 2013 ; il sera conséquemment
difficile d’augmenter les recettes en impôts.
Relever la TVQ de 1 % de plus dès 2010 ne nuirait
pas, mais il n’apportera que 1 milliard de plus
dans les coffres du gouvernement. Il
vaudrait donc mieux planifier immédiatement les
compressions nécessaires à tête reposée. Attendre
une menace de décote pourrait mener à des actions
draconiennes qui auraient des répercussions
pendant des années. Qui ne se souvient pas des
milliers d’emplois supprimés dans le réseau de la
santé ?
Québec hausserait la TVQ dès janvier
- Tommy Chouinard
Le gouvernement cherche à devancer Ottawa en cas
de changement au pouvoir
QUÉBEC — Le gouvernement Charest craint qu’un
changement de gouvernement à Ottawa ne réduise
subitement sa marge de manoeuvre au point de vue
fiscal.
PHOTO ANDREW VAUGHAN, LA PRESSE
CANADIENNE
Le premier ministre Jean
Charest, que l’on voit ici avec son homologue
de l’Île-du-Prince-Édouard, Robert Ghiz, a
assisté hier à une réunion des gouverneurs des
États de la Nouvelle-Angleterre et des
premiers ministres des provinces de l’est du
Canada au Nouveau-Brunswick. Il a reconnu
récemment que les coffres de l’État auraient
besoin d’être renfloués. Le gouvernement
pourrait hausser la TVQ dès janvier.
L’arrivée au pouvoir des libéraux de Michael
Ignatieff risquerait d’ouvrir la voie à une
augmentation de la taxe de vente sur les
produits et services, réduisant l’espace que
lorg ne Q uébec pou r augmenter sa propre taxe
de vente.
C ’est le c a lc u l que fa it le m i n istre
des F i na nces , Raymond Bachand en évoquant
tout de suite la possibilité pour Québec de
hausser de 1 % la TVQ dès janvier 2010 plutôt
que d’attendre le début de 2011, comme le
prévoyait le budget de Monique JérômeForget, le
printemps dernier. Chaque augmentation de 1% de
la TVQ fait entrer près de 1 milliard dans les
coffres du gouvernement.
Le ministre Bachand, qui en privé, a présenté
ces arguments à plusieurs personnes, insistait
hier sur le fait qu’il n’y avait pas de décision
quant à une hausse de la TVQ, dès janvier
prochain.
Hier le même ministre qui avait évoqué ce
scénario dans une entrevue, voulait temporiser.
Il n’y aura pas de hausse de taxe tant que
l’économie ne sera pas revenue en selle. « Tant
que la reprise ne sera pas solide, enclenchée,
il n’y aura pas de changement » a-til soutenu.
Même si l ’o p p o s i t i o n péquiste
l’invitait à combler l’espace rendu vacant, le
gouvernement Charest n’avait pas bougé quand, à
Ottawa, Stephen Ha r per ava it fa it réduire de
2 % la taxe fédérale. En coulisse, on explique
que les recettes fiscales du gouvernement sont «
légèrement en bas des prévisions », qu’il n’y a
pas matière à sonner le tocsin. En revanche,
Québec n’a pas pesé assez sur le crayon quand il
a fallu faire des provisions pour la
réévaluation triennale du coût des régimes de
retraite du secteur public, indique-t-on.
Hier
en point de presse pour marquer la rentrée
parlementaire, la chef péquiste Pauline Marois
n’a pas voulu dire si elle était favorable à une
hausse dès janvier prochain. C’est au
gouvernement de prendre sa décision,
expliquet-elle, soutenant que « le premier
ministre Charest avait été d’une parfaite
hypocrisie dans la campagne électorale », en
attaquant le PQ qui prédisait des hausses de
taxes.
Dans le dernier budget, le 1 % annoncé réglait
40 % du problème de déséquilibre des finances
publiques. Le 60 % restant sera au centre d’un
large débat public, qui abordera aussi les
hausses de tarifs, a expliqué le ministre
Bachand.
Ce dernier a fait pression pour qu’avance le
projet de loi 40 par lequel Québec suspend
l’application de la loi antidéficit.
Pour la reprise des travaux à l’Assemblée
nationale, la chef péquiste Mme Marois a attaqué
la stratégie du gouvernement « qui veut avoir un
chèque en blanc » pour creuser un déficit de 11
milliards en quatre ans.
L’a n dernier, le premier ministre Charest «
tournait en ridicule » ses adversaires qui
prédisaient que la crise économique le forcerait
à hausser les ta xes et les tarifs. Il a tenu le
même discours durant la campagne électorale,
pour reconnaître récemment que les coffres de
l’État auraient besoin d’être renfloués. « Il
disait pas de problèmes dans les finances
publiques, pas de déficit, pas de nouvelles
taxes », a rappelé Mme Marois.
Pour Jean Cha rest, person ne ne pouva it prédi
re l’impact de la crise financière, Desjardins a
dû revoir ses prévisions à 12 reprises en 2009.
Québec envisage de hausser la TVQ et
les tarifs
QUÉBEC — La TVQ et les tarifs gouvernementaux
pourraient augmenter plus tôt que prévu, dès 2010
au lieu de 2011, selon ce qu’a appris La Presse
Canadienne.
Déjà, on savait que le gouvernement Charest a l l
a i t hausser la TVQ de 7,5 à 8,5%, à partir de
janvier 2011, mais voilà qu’on examine la
possibilité d’augmenter cette taxe à la
consommation d’un autre point de pourcentage dès
2010.
Ce scénario ne se réalisera cependant que si, dans
les prochains mois, l’économie commence à aller
mieux, au point de laisser croire que la reprise
est solide. « On manque d’argent », a résumé le
ministre des Finances, Raymond Bachand, au cours
d’un entretien récent à La Presse Canadienne.
« Alors sûrement qu’au budget (2010), il y aura
une partie des choix qu’on fera comme gouvernement
» pour renouer avec l’équilibre budgétaire, ajoute
le ministre qui prépare déjà son premier budget,
attendu en mars.
Québec serait donc tenté d’indexer les tarifs de
certains services publics et de hausser la TVQ
d’un autre point de pourcentage, dès lors.
Chaque
hausse d’un point de pourcentage de la TVQ
représente environ 1 milliard de revenus
additionnels dans les coffres de l’État.
De la place
Le ministre Bachand s’appuie sur la chef péquiste,
Pauline Marois, pour justifier son ouverture à
l’idée d’augmenter la TVQ de deux pour cent en
deux ans.
« Pauline Marois a dit qu’il y avait de la place »
pour une telle hausse, soutient M. Bachand, en se
demandant à voix haute: « Y a-t-il de la place? »
Le ministre répond par l’affirmative.
« Il
y a un certain nombre d’endroits où i l y a de
la place » pour des hausses, dont la TVQ et
les tarifs d’hydroélectricité, répond le
ministre quand on lui demande de nommer à
quels « endroits » il fait allusion.
Il explique que son gouvernement a fait le
choix de maintenir les services publics à leur
niveau actuel, et que cette décision entraîne
la recherche de nouvelles – et substantielles
– sources de revenus, en puisant notamment au
fond des poches des contribuables.
En 2007, la chef péquiste avait proposé au
gouvernement d’occuper le champ fiscal laissé
vacant par Ottawa, en déc r ét a nt une hausse
de l a T VQ correspondant à la baisse de deux
points de TPS, ce qui n’aurait pas entraîné
d’impact pour les contribuables.
Ma i s l e gouvernement Charest avait refusé
cette avenue, à l’époque, ridiculisant la
position du PQ et clamant que la population
n’était pas un « guichet automatique ».
En mars der nier, l ’ exmi n i s t r e de s F
i n a n c e s , Monique Jérôme-Forget , avait
donc surpris bien des gens e n a n nonça nt u
ne hausse d’un point de la TVQ en 2011, une
fois la reprise bien amorcée, de même que
l’indexation au taux d’inflation de tous les
tarifs gouvernementaux, à l’exclusion des
garderies à 7 $ par jour.
Mais le milliard additionnel de dollars de la
TVQ et les 60 millions de plus récoltés des
tarifs indexés ne suffiront pas à faire sortir
le Québec du rouge, et de cela, le ministre en
est bien conscient.
Sa commande est grosse : trouver 4 milliards
de revenus de plus pour respecter l’engagement
de boucler le budget 2013-2014 sans un cent de
déficit.
M. Bachand pressé
I l s e mble donc pressé de t r ouver de
nouveau x « endroits » où piger de l’argent
pour ramener le Québec tranquillement, mais
sûrement, vers l’équilibre budgétaire.
« Plus vite on peut se le dire et arriver à un
consensus sur ça, mieux c’est », tranche-t-il.
Québec mise donc sur la consultation menée au
cours des prochains mois sur le f i nancement
des services publics pour conclure avec la
population rien de moins qu’u n « nouveau c
ontrat social ».
M. Bachand plaide en faveur d’« un changement
culturel global », et les Québécois, selon
lui, seraient mûrs pour effectuer ce
changement de cap, davantage axé sur le
principe de l’utilisateur-payeur.
Cependant, le ministre Bachand s ’est appliqué
à abaisser l es at t entes par rapport à cette
consultation publique, annoncée en août par le
premier ministre, Jean Charest.
Il ne faut donc pas prévoir assister
prochainement à un grand sommet, comme celui
organisé par Lucien Bouchard sur le déficit
zéro, en 1996, ou à l’image du Forum des
générations, présidé par le gouvernement
actuel, en 2004.
INFRASTRUCTURES: QUI PAIERA LA NOTE?
- Stéphane Paquet
À
voir l’état de nos routes, à peu près personne ne
doute de la nécessité de sortir l’asphalteuse du
garage. Et si en plus ça permet de conserver des
milliers d’emplois en temps de crise, tant mieux !
Sauf que, quand arrivera la facture de ces
travaux, le nombre de Québécois sur le marché du
travail commencera à décliner. Choc budgétaire en
vue ?
Des travaux d’infrastructures, le gouvernement
québécois en a prévu pour 41,8 milliards de
dollars entre 2008 et 2013, plus environ 9
milliards d’Ottawa et des municipalités.
Québec financera ces travaux à long terme. Chaque
année, il paiera des intérêts et remboursera une
partie du capital emprunté. Ainsi, pour l’année en
cours, la facture est de 288 millions… et grimpe
rapidement à 1,4 milliard en 2012-2013, selon les
estimations du ministère des Finances, la dernière
année pour laquelle le Ministère a publié des
prévisions.
Certains travaux d’infrastructures, comme les
bâtiments, peuvent être amortis sur 50 ans. Le
développement informatique, lui, doit être
remboursé en 5 à 10 ans. Au 31 mars 2008, le taux
d’intérêt moyen pondéré payé par Québec était de
5,2 %.
Moins de travailleurs dans l’avenir
L’économiste Marc Van Audenrode, de l’ Université
de Sherbrooke, ne remet pas en question le
bien-fondé de ces dépenses, mais est tout de même
« très inquiet » de l’état des finances publiques.
« Le problème, ce n’est pas qu’on dépense quand
l’économie va mal. Le problème, c’est de ne pas
avoir mieux géré qua nd l ’ é c o n o mie allait
bien. »
Il
a été un des premiers à faire le lien entre la
précarité des finances québécoises et le « choc
démographique » à venir : dans cinq ans, le nombre
potentiel de travailleurs commencera à baisser au
Québec. Moins de travailleurs signifie moins de
croissance économique et, donc, moins de revenus
pour l’État.
Il n’est pas le seul à s’en i nquiéter. Les
économistes de la Banque TD et de Desjardins ont
aussi documenté l e phénomène, de même que Luc
Godbout, également de l ’ Université de
Sherbrooke.
Pendant que des économistes s’inquiètent, la dette
nette de la province aura continué à augmenter :
de 129 milliards au 31 mars dernier, à 137
milliards le printemps prochain, à 145,6 milliards
le suivant, soit 46,2 % du PIB québécois. Cette
année seulement, alors que les taux d’intérêt sont
à un creux historique, c’est plus de 6 milliards
qui seront consacrés aux intérêts de la dette, ce
qui représente plus de deux fois le budget du
ministère des Transports.
Pour Marc Pinsonneault, économiste principal à la
Ba nque Nationa l e , c e t t e situation est «
très sérieuse ». D’autant plus, souligne-til, que
le déficit actuel de Québec est « structurel ». «
Le déficit augmente au fil des ans, même quand la
reprise économique s’i nstallera » , dit-il.
Son collègue de la Banque L au r e nt i e n ne,
Sébast i e n Lavoie, estime d’ailleurs que le
déficit québécois sera plus élevé que les 3,9
milliards annoncés au printemps. « Ça pourrait
tourner autour des 5 milliards », estime-t-il.
L a s e ma i n e de r n i è r e , l ’agence de not
at ion Standard & Poor’s a aussi fait passer à
« stables » ses perspectives pour la cote de
crédit du Québec, contre le « positives » qu’elles
se méritaient avant.
Au ministère des Finances, on maintient « pour
l’instant » la somme du déficit prévu au
printemps, nous a-t-on écrit, car on veut éviter «
une révision précipitée ». La première mise à jour
du ministre des Finances Raymond Bachand aura lieu
le mois prochain.
Québec peinera à contenir son déficit
- Rudy LeCours
Ma
l g r é s e s pr é t e n t i o n s récentes,
Québec aura bien du mal à limiter à 3,9 milliards
le déficit budgétaire prévu pour l ’e xercice en
cours. En fait, il pourrait se creuser d’au moins
un demimilliard de plus parce que la récession
aura été plus forte que ce à quoi le ministère des
Finances s’attendait cet hiver.
Le scénario de recettes f iscales est fondé sur
une décroissance de 1, 2 % de l’économie réelle,
en 2009. Cette semaine, la Banque TD voyait plutôt
un repli de 1,7 % t andis que Valeurs mobilières
Banque Laurentienne estimait, hier, la contraction
du PIB québécois à 1,9 %.
L’assiet te f i nancière est mesurée à l’aune du
produit i ntérieur brut exprimé en dollars
courants pour refléter l’inflation. Québec
estimait l’hiver dernier le recul du PI B nominal
à seulement 0,1 % alors que le taux d’inflation
sera quasi nul durant l ’ exercice. L’a mpleur du
recul du PIB réel ref létera donc fidèlement le
manque à gagner du Trésor.
« Le déficit au Québec sera passablement plus
élevé que les 3,9 milliards prévus dans le budget,
prédit Sébastien Lavoie, économiste de
l’institution montréalaise. On doit s’attendre à
une baisse d’au moins 500 millions des revenus
autonomes. »
Les bénéfices des entreprises seront moins élevés
que prévu et, forcément, la part qui échouera dans
le Trésor public.
Dans s on
Rappor t mensuel des opérations financières publié
la semaine dernière, le ministère des Finances
faisait état d’un excédent des dépenses sur les
revenus de près de deux milliards pour avril et
mai, les deux premiers mois de l’année budgétaire.
Le rapport rappelle que cet écart rétrécit
traditionnellement au cours des mois suivants ce
qui amène la conclusion suivante : « Sur la base
des résultats cumulatifs au 31 mai 2009, le
déficit budgétaire de 3,9 milliards de dollars
prévus en 20092010 est maintenu ».
Le lendemain, Moody’s r e c onduisa i t l a note
de crédit du Québec Aa2 en s oul i gnant que « l e
pla n budgétaire visant à rétablir l’équilibre à
moyen terme soutient la perspective de notation
stable ».
Hausse de la TVQ
« Je s uis d’accord avec Moody’s, mais cela i
mplique que Québec devra faire d’autres annonces
pour rétablir l’équilibre budgétaire en 2013-2014
», souligne M. Lavoie.
En 2011, il est prévu que Québec porte de 7,5 % à
8,5 % la taxe provinciale de vente. Des
discussions sont en cours avec Ottawa pour
l’harmoniser complètement avec la TPS fédérale,
comme l’Ontario et la Colombie-Britannique vont le
faire, ce qui leur donnera de généreuses
ristournes d’introduction.
La volonté affichée par le ministère des Finances
de s’en tenir à sa cible contraste avec ce qui est
observé dans d’autres provinces. Mardi, la
Colombie-Britannique faisait passer son déficit de
500 millions à 2,8 milliards et, partant,
annonçait un plan t r iennal de compressions des
dépenses pour rétablir l’équilibre.
La semaine dernière, l’Alberta creusait son
déficit de 4,7 à 6,9 milliards.
Les deux provinces sont lourdement touchées par
l’effondrement du prix du gaz naturel qui fait
fondre leurs redevances.
Plus tôt cet été, l’Ontario portait le sien de 14
à 18,5 milliards, à cause des efforts consentis
pour relancer son industrie automobile.
Toutes ces provinces ont été plus f r appées que
le Québec par la récession.
Mais la société distincte n’a pas été épargnée. En
juillet, elle a perdu 32 000 emplois selon
Statistique Canada, le pire chiffre depuis 1992.
Ce sont 32 000 personnes qui paieront moins
d’impôt pendant plusieurs semaines.
Les Québécois devront faire des « sacrifices
» - Stéphane Paquet
Le
débat sur les f i nances publiques annoncé par le
premier ministre Charest a beau être encore dans
sa phase préparatoire, les économistes de la
banque TD y vont de leurs réflexions : avec une
population active qui croîtra à peine et une
faible productivité, les Québécois devront payer
davantage pour les services offerts par le
gouvernement.
« Le concept que l’administration publique est
capable de subventionner généreusement
l’électricité, les frais des études supérieures et
les services de garderie doit être remplacé par un
autre qui viserait plutôt à diriger l’aide vers
les ménages à faible revenu », écrivent les
économistes Don Drummond et Pascal Gauthier, dans
Le point sur l’économie québécoise, publié hier.
Ce document est en fait une mise à jour d’une
étude publiée il y a deux ans. Depuis, notent les
auteurs, le Québec a su faire preuve d’une «
résilience relative » dans l’actuelle récession,
même si les pertes d’emplois devraient se
poursuivre jusqu’au début de 2010, souligne M.
Drummond.
Selon eux, trois facteurs ont joué en faveur du
Québec pendant ce ralentissement: le programme
d’infrastructures qui était déjà en place au début
de la récession; les prix des maisons qui ne se
sont pas effondrés; et la diversification de
l’économie. « Le Québec n’a pas les autos »,
précise l’économiste en chef de l’institution
torontoise.
Des défis
Si
les derniers mois ont été plus faciles ici que
dans le reste du Canada, cela ne doit pas faire
oublier, expliquent les auteurs, les défis
importants qui attendent le Québec à moyen et long
termes. Se basant sur les dernières prévisions
démographiques, ils concluent que le plus grand
nombre de naissances ne sera pas suffisant pour
permettre au Québec de combler son désavantage par
rapport au reste du Canada et aux États-Unis.
« Le vieillissement des babyboomers,
l’augmentation de l’âge médian et la diminution
des taux de participation dans les cohortes plus
âgées au Québec, comparativement aux autres
régions du pays, demeureront des vents contraires
importants auxquels la province sera confrontée au
cours des 25 prochaines années. »
La productivité des entreprises est un autre de
ces « vents contraires » que doit affronter
l’économie québécoise. « D’importants r i sques de
baisse de la productivité persistent malgré le
bilan pourtant lamentable de la dernière décennie
à ce chapitre », écrivent-ils. Parmi ces risques:
la remontée du dollar canadien et celle des prix
de l’énergie.
Ces deux défis que représentent la démographie et
la faible productivité étaient déjà présents lors
de leur dernière étude du Québec, en 2007. Depuis,
l’état des finances publ iques s ’est détérioré. «
Certains sacrifices devront être faits », écrivent
donc les économistes, afin de redonner un peu
d’air aux finances publiques québécoises.
Ou, en d’autres termes, « la province ne dispose
pas des outils nécessaires pour assainir de
manière considérable son climat macroéconomique et
devra d’abord démontrer qu’elle est en mesure de
stabiliser son ratio de la dette au PIB ».
Celui-ci dépassera les 50% en 2013-2014. M.
Drummond, qui a été fonctionnaire fédéral pendant
la crise des finances publiques fédérales, refuse
de parler de crise pour le Québec, « mais c ’est
une situation grave », précise-t-il.
Équité entre générations
- Simon Langlois
Revoyons les types de rentes plutôt que d’imposer
une hausse des cotisations aux plus jeunes
L’auteur est professeur au département de
sociologie de l’Université Laval. L’équilibre
financier du Régime de rentes du Québec est menacé
à long terme pour deux raisons. Les mauvais
placements de la Caisse de dépôt et placements ont
causé un important trou financier estimé à 9
milliards de dollars. La seconde raison tient à
des causes structurelles. Les retraités vivent
plus vieux que prévu da ns les modèles actua
riels, les cotisants prennent leur retraite plus
tôt (l’âge moyen est de 62 ans) et il y a moins de
cotisants à cause de la dénatalité passée. Le
manque à gagner dû à ces causes est estimé à
environ 2 milliards.
PHOTO MICHEL
EULER, ARCHIVES AP
Il faut collectivement
revoir la représentation de la « liberté 55 »
dans notre société où l’espérance de vie dépasse
maintenant les 80 ans.
Deux avenues s’offrent pour rétablir l’équilibre
financier : hausser les taux de cotisations – ce
qui entraînera l’accentuation des iniquités entre
générations – ou encore revoir les types de rentes
afin de les ajuster aux nouvelles réalités
sociales, 43 ans après la mise en place du Régime.
La Régie des rentes propose deux grands scénarios.
D’un côté, elle estime qu’il faudrait augmenter
les cotisations de 9,9 % à 12 % environ pour
rétablir l’équilibre financier à long terme sans
modifier les types de rentes actuellement en
vigueur.
L’autre solution est un compromis ; elle consiste
en une hausse moindre du taux de cotisation (+ 0,5
% étalée sur cinq ans) et une série de changements
aux dispositions du Régime à long terme, sans
remettre en cause les acquis des retraités
actuels.
Le premier scénario pénaliserait injustement les j
eunes générations de cotisants. L’analyse que nous
avons présentée en com m ission parlementaire
montre avec évidence que les hausses rapides des
taux de cotisations au Régime de rentes du Québec
entre 1987 et 2002 ont eu un important effet
générationnel. Les jeunes générations de
travailleurs ont cotisé et cotiseront une part de
leurs revenus beaucoup plus élevée que les autres
générations, alors que leurs revenus réels n’ont
pas augmenté aussi rapidement. Toute hausse des
cotisations – même modérée comme celle proposée
dans le scénario 2 – accentuera encore l’effet de
génération, augmentera l’effort demandé aux plus
jeunes.
Il faut plutôt revoir les types de rentes et les
dispositions prévues par le régime, à commencer
par la rente d’invalidité entre 60 et 65 ans,
actuellement calculée selon des critères généreux,
ou encore la rente de conjoint survivant, puisque
la situation des femmes vivant en couple est
maintenant très différente de celle de leurs
grand-mères en 1966. Il y va de l’équité entre
générations de femmes (et d’hommes, bien sûr !).
Transformer la rente viagère de conjoint survivant
en rente temporaire de 10 ans est un bel exemple
de mesure raisonnable et dont la transition est
bien planifiée dans la proposition soumise par la
Régie des rentes.
Mais il faut fa i re d ava nt a ge . D’autres
avenues s’imposent et les analyses de la Régie des
rentes sont explicites : le régime public doit
engranger plus de cotisations (et non seulement
hausser les taux). L’une des causes de la crise
anticipée du Régime de rentes tient au fait que
les Québécois trava illent moins longtemps, donc
cotisent moins au régime, et qu’il y a moins de
travailleurs cotisants que prévu, ce qui affecte
le ratio retraités/cotisants. Il faut donc agir
dans cette direction et favoriser une hausse de la
participation au marché du travail.
On sait par des enquêtes que bon nombre de
travailleurs à l’approche de l’âge de la retraite
désirent garder un emploi, mais à des conditions
différentes, moins stressantes. Le grand défi des
prochaines années sera donc de concilier le
travail et le loisir en fin de vie active, comme
on a réussi à favoriser la conciliation
travail-famille par des politiques novatrices qui
correspondent aux besoins des jeunes couples avec
enfants et qui font l’envie d’autres sociétés.
Il faut collectivement revoir la représentation de
la « liberté 55 » dans notre société où
l’espérance de vie dépasse maintenant les 80 ans.
Si on travaille moins longtemps, ce sont les
jeunes qui paieront la note, les chiffres le
montrent. Il ne s’agit pas de forcer qui que ce
soit à travailler plus longtemps s’il ne le désire
pas. Il s’agit plutôt de lever les obstacles qui
empêchent ceux qui le veulent de rester en emploi,
selon des horaires souples à aménager par exemple.
Diverses mesu res doivent être mises à l’essai, à
commencer par la levée de rigidités dans les
conventions collectives et les lois du travail,
sans oublier la bonification des rentes versées à
ceux qui cotiseront davantage. Plusieurs mesures
ont été identifiées par la Régie et on doit aller
de l’avant en ce sens.
La Régie est cependant timide dans l’énoncé des
mesures à prendre. Par exemple, pourquoi ne pas
hausser l’âge de la pré-retraite de 60 à 62 ans,
suivant en cela l’exemple du Da nema rk ? On pou
rrait aussi mettre en place des mesures fiscales
comme il en existe pour les familles avec enfant
ou pour le retour en emploi des bénéficiaires de
l’aide de dernier recours.
Si on ne change rien, les jeunes paieront
davantage et ce sont eux qui écoperont lorsque le
temps de leur propre retraite sera venu.
Le Régime de rentes du Québec est basé depu is sa
c réation su r le pr i nc ipe de la sol ida r ité
. L e temps est venu de considérer un autre
principe fondateur qui doit aussi l’orienter :
l’équité entre les générations.
Gignac veut faire travailler les 55 ans et
plus - Stéphane Paquet
Clément Gignac n’a pas troqué sa verve contre une
langue de bois. Dans sa première grande entrevue,
le nouveau ministre du Développement économique,
de l’Innovation et de l’Exportation avance deux
idées importantes : d’abord, faire travailler
davantage le
« Dans le groupe des 55 ans et plus ou des 60 ans
et plus, le taux de participation est
systématiquement plus faible (au Québec) que dans
le reste du Canada. »
PHOTO PATRICK
SANFAÇON, LA PRESSE
Clément Gignac. ancien
économiste en chef de la Banque Nationale, a été
nommé ministre du Développement économique, de
l’Innovation et de l’Exportation à la fin du
mois de juin.
Pour sa première entrevue de fond à titre de
ministre, Clément Gignac avait fait préparer des
statistiques. Un des tableaux est tout petit,
mais, selon lui, il pourrait avoir un impact
important sur l’économie du Québec dans les
prochaines années. Son thème : le taux d’activité
des 55 ans et plus.
Ce qu’on y lit ? Que moins de 30 % des Québécois
de 55 ans et plus ont un emploi ou en cherchent
un. Bref, ils ne sont pas actifs sur le marché du
travail. En 1998, ils l’étaient encore moins, à 22
%. L’écart entre le Québec et le Canada s’est
toutefois creusé au cours des 10 dernières années,
passant de 2,6 points de pourcentage à 4,5.
Historiquement, ce sont les femmes qui sont moins
actives sur le marché du travail. Il faut noter
aussi que cette donnée inclut des gens beaucoup
plus âgés que 55 ou 60 ans, qui n’ont plus l’envie
ou la force de retourner travailler.
« Je pense non seulement au plan humain, à la
valorisation des gens de 55 ans et plus ou 60 et
plus, mais aussi à l’apport économique de ces
personnes. Ils ont de l’expertise, ces gens-là,
notamment pour la formation des plus jeunes. »
Conscient que son idée risque de faire sourciller
ceux qui rêvaient à la liberté 55, il précise : «
On ne forcera pas personne. »
L’a ncien économiste en chef de la Banque
nationale, nommé ministre à la fin juin, reste
flou sur la façon de procéder. Les idées, qu’il
débat avec le ministre des Finances, Raymond
Bachand, et la ministre responsable des aînés,
Marguerite Blais, sont encore « embryonnaires »,
dit-il, mais « il y a quelque chose à réfléchir de
ce côté-là qui serait un élément pour éviter cette
décélération du PIB potentiel ».
Le
PIB potentiel… C’est un peu technique, mais disons
que c’est la croissance possible de l’économie du
Québec, dans une situation de pleine utilisation
des ressources. Les économistes s’entendent sur le
constat : ce PIB potentiel sera en forte baisse
dans les prochaines décennies au Québec. Donc, la
croissance sera moins grande, même si l’économie
tourne à plein régime et cela, parce qu’il y aura
moins de travailleurs disponibles.
Dans une récente étude, les économistes de
Desjardins ont même calculé qu’à partir de 2014,
soit dans cinq ans, le nombre de personnes en âge
de travailler au Québec commencera à baisser. Ce
qui aura une incidence sur la croissance
économique… et les finances publiques québécoises.
Le ministre Gignac en est conscient. « Il faut
travailler sur la création de richesse, une
création de richesse plus rapide, et là, la marge
de manoeuvre au niveau fiscal, au niveau du
maintien de la qualité des programmes sociaux, va
s’établir davantage. »
Dans l’espoir d’augmenter cette possibilité de
croissance de l’économie, le gouvernement a
notamment haussé les seuils d’immigration et signé
des ententes de mobilité de la main-d’oeuvre. M.
Gignac annoncera aussi cet automne une nouvelle
politique de l’innovation, en espérant que ça aura
un impact sur la productivité des Québécois, que
l’économie pourra produire davantage, avec moins
de personnel.
« Sur le plan de la création de richesse, il faut
retourner toutes les pierres, dit-il.
– Et une plus grande place des 55 ans et plus sur
le marché du travail, est-ce une grosse pierre à
retourner ?
– Je crois que c’est une pierre importante à
considérer. »
Les nouveaux bébés ne résorberont pas l’impasse
financière du Québec - Francis Vailles
Le
mini baby-boom que vit le Québec comporte une bonne
et une mauvaise nouvelle pour les finances
publiques. La bonne, c’est qu’il réduira un peu la
pression sur les déficits à long terme. La mauvaise,
c’est qu’il faudra traverser une longue période
difficile avant d’y arriver.
Voilà ce que conclut une étude de la Chaire de
recherche en fiscalité et en finances publiques de
l’ Université de Sherbrooke. Réalisée par cinq
chercheurs, dont le fiscaliste Luc Godbout, l’étude
met à jour une recherche publiée en 2007 sur
l’impact du vieillissement de la population sur les
finances du Québec.
La recherche avait fait l’objet du livre Oser
choisir maintenant, qui concluait que le Québec se
dirigeait vers l’impasse financière d’ici 2051 en
raison du vieillissement de la population. L’étude
se basait sur les données démographiques de 2003 de
l’Institut de la statistique du Québec (ISQ).
L’ISQ a dernièrement produit de nouvelles
projections démographiques à la lumière du mini
baby-boom. L’indice de fécondité est en effet passé
de 1,5 enfant par femme dans le scénario de 2003 à
1,65 dans celui de 2009. Essentiellement, conclut
l’ISQ, l’augmentation de l’indice de fécondité et de
l’immigration fera en sorte que la population du
Québec ne décroîtra plus, mais atteindra jusqu’à 9,2
millions de personnes en 2056, comparativement à 7,8
millions dans le scénario de référence de 2003.
À partir de ces données, la Chaire en fiscalité a
refait ses propres projections de déficits dans les
années à venir. Conclusion : la vague de personnes
vieillissantes est trop forte pour renverser la
tendance d’ici le milieu du siècle. Autrement dit,
les finances publiques du Québec continueront d’être
sous forte pression, malgré les nombreux nouveaux
bébés qui naissent.
Ainsi, en 2031, le déficit annuel équivaudra à 2,7 %
du PIB, soit un niveau identique au scénario
précédent. À titre de comparaison, le déficit que
prévoit le Québec cette année à cause de la
récession, soit 3,9 milliards de dollars, équivaut à
1,3 % du PIB.
Cette constance relative des déficits s’explique par
les efforts financiers que devra faire le
gouvernement pour l’éducation des nouveaux rejetons.
En fait, à court terme, soit en 2021, le déficit
annuel du Québec pourrait même être plus élevé que
dans le scénario précédent, soit 1,3 % du PIB
comparativement à 0,9 %. L’étude présuppose une
croissance annuelle du PIB de 1,4 à 1,8 %, en
moyenne.
C’est
à long terme que les nouveaux poupons seront
bénéfiques pour les finances du Québec, mais encore,
le vieillissement et ses effets sur les dépenses de
santé étant inexorables, le déficit continuera de
croître.
Ainsi, la Chaire prévoit un déficit annuel
équivalant à 4 % du PIB en 2051, contre 4,5 % pour
le scénario pré mini baby-boom. Bref, la situation
demeure sombre à long terme, même si la teinte est
moins foncée.
En plus de l’explosion des dépenses de santé, le
phénomène s’explique par la diminution relative de
la population en âge de travailler et donc de
rapporter des impôts.
Le ratio de dépendance traduit bien cette situation.
Il s’agit du nombre total d’enfants de 19 ans et
moins et d’aînés de 65 et plus en pourcentage du
nombre d’adultes de 20 à 64 ans. Ce ratio était de
59,2 % cette année. Il passera à 84% en 2031 et à
89% en 2051, peu importe qu’il y ait eu ou non de
mini baby-boom, selon la Chaire.
Une caisse démographique
Pour éviter l’impasse, disent les auteurs, il faut
dès maintenant augmenter les impôts, taxes ou tarifs
annuels et verser ces nouvelles recettes dans une
sorte de caisse démographique. Les fruits de cette
caisse seraient ultérieurement décaissés au profit
des générations futures. « La
meilleure façon de protéger nos services
publics, ce n’est pas de jouer à l’autruche,
mais de faire l’écureuil »,
dit le professeur Luc Godbout.
Avis aux sceptiques : les chercheurs sont optimistes
quant aux hypothèses économiques, comme le taux
d’emploi, la productivité et le contrôle des
dépenses publiques. Pour ceux qui, en désaccord avec
les hypothèses, voudraient refaire l’exercice, la
Chaire a créé un simulateur accessible sur le site
http://pages.usherbrooke.ca/lgodbout/. Bonnes
simulations !
Déclin de la population active au
Québec Il faut agir vite, disent des économistes
À
défaut d’une croissance de sa force de travail, le
Québec s’expose à de graves conséquences,
préviennent des économistes de Desjardins.
Si les récentes données de l’ I nstitut de la
statistique du Québec ( ISQ) et de Statistique
Canada prévoient que l ’augmentation des taux de
natalité et d’immigration va freiner le déclin de
la population québécoise d’ici 2056, les
économistes de Desjardins constatent tout de même
une baisse de la population active au même moment
que le vieillissement de la population s’accentue.
En ent r ev ue à L a P r e s s e Canadienne hier,
l’économiste Hendrix Vachon a rappelé que le
déclin de la population des 15 à 64 ans devrait
s’amorcer dès 2014 et se poursuivre au cours de la
décennie suivante. Si rien n’est fait, Desjardins
prévoit une diminution de la population active au
Québec de 0,1 % à 0,4 % de 2014 à 2021.
Les
entreprises québécoises devront donc modifier leur
façon de faire si elles désirent maintenir leur
productivité d’ici à 2021. Mais relever la
productivité avec la même quantité de ressources,
voire moins de travailleurs, n’est pas une tâche
facile.
Faute de pouvoir augmenter la force de travail,
les entreprises québécoises devraient notamment
investir davantage dans de meilleures
technologies, plus performantes, afin d’augmenter
leur productivité, indique M. Vachon.
Au cours des dernières années, le Québec a
enregistré une hausse moyenne de sa productivité
de travail d’environ 1% par année. Selon les
nouvelles prévisions de Desjardins, les gains de
productivité nécessaires au maintien d’une
croissance du produit intérieur brut (PIB)
potentiel sont de 2% d’ici 2021
M. Vachon propose donc à court terme d’inciter un
plus grand nombre de travailleurs à se joindre à
la population active ou à demeurer sur le marché
du travail plus longtemps. Sinon, prévientil, les
problèmes et les défis à relever d’ici les 15
prochaines années vont demeurer entiers.
Du déclin au déséquilibre ANDRÉ PRATTE
Un jour
ou l’autre, il faudra bien prendre des mesures pour
faire face aux conséquences du vieillissement de la
population.
Les plus récentes projections démographiques de
l’Institut de la statistique du Québec, publiées cette
semaine, amènent d’abord l’observateur à pousser un
soupir de soulagement. Alors que les projections
précédentes, faites en 2003, annonçaient un déclin de
la population totale de la province à compter de 2031,
l’ISQ se fait aujourd’hui rassurante : la population
québécoise continuera à croître au moins pendant les
50 prochaines années. Dans un demi-siècle, on comptera
9,2 millions de Québécois, 1,6 million de plus
qu’aujourd’hui.
L e s prév i s i ons de 2 0 03 étaient surtout
inquiétantes parce qu’elles laissaient entrevoir, dès
2011, une baisse du nombre de personnes en âge de
travailler (20-64 ans). Or, une nation dont la
population active diminue voit nécessairement sa
croissance économique ralentir. Et une nation dont
l’économie stagne ne peut s’offrir les services
publics dont elle a besoin, surtout quand le nombre de
personnes âgées explose.
Les nouvelles projections prévoient qu’il y aura bel
et bien une baisse du nombre de Québécois en âge de
travailler, mais cette baisse sera de courte durée. La
catastrophe annoncée ne se produira pas.
Il ne faudrait toutefois pas qu’ayant poussé ce soupir
de soulagement, les Québécois s’assoient sur leurs
lauriers. Comme le souligne l’Institut, « le défi du
déséquilibre démographique demeure colossal ».
Soulignons d’abord que si les projections
démographiques sont aujourd’hui moins sombres, c’est
surtout grâce à l’augmentation du nombre
d’immigrants décidée par le gouvernement du Québec.
La hausse du taux de fécondité amorcée en 2006, dans
la mesure où il s’agit d’une tendance à long terme,
contribuera bien sûr à freiner le déclin. Cependant,
c’est l’immigration internationale qui sera le
facteur dominant. L’ouverture du Québec aux gens
venus d’ailleurs devra donc être maintenue et il
nous faudra apprendre à gérer les tensions qu’elle
génère. On ne pourra pas se payer un psychodrame
Bouchard-Taylor tous les deux ans.
Malgré la hausse de la fécondité et l’arrivée de
milliers d’immigrants relativement jeunes, le nombre
et la proportion de vieilles personnes grimperont
rapidement. Il y aura en 2056 le même nombre de
Québécois âgés de 20 à 64 ans qu’aujourd’hui, mais
1,5 million de plus âgés de 65 ans et plus. Les
personnes de plus de 75 ans représenteront 16% de la
population de la province, contre 6% maintenant.
C’est dire que la population active devra soutenir
(on pense surtout aux dépenses de santé) une
population viei l l issante beaucoup plus nombreuse
qu’aujourd’hui. Déjà très serrées, les finances
publiques du Québec seront sollicitées comme jamais.
Derrière la bonne nouvelle de ces prévisions – pas
de déclin démographique – se cache donc la même
réalité têtue – le déséquilibre démographique. C’est
une réalité que les Québécois ont refusé d’admettre
jusqu’ici. Pourtant, un jour ou l’autre, il faudra
bien prendre des mesures pour faire face aux
conséquences du vieillissement de la population.
Chose certaine, nous commettrions une grave erreur
en prenant prétexte du plus récent scénario de l’ISQ
pour nous enfoncer la tête plus profondément dans le
sable.
Après la récession, le choc
démographique? - RUDY LE COURS
« Le
Québec se dirige inévitablement vers une impasse
financière majeure, surtout que l’augmentation des
dépenses gouvernementales est supérieure à celle du
PIB nominal depuis quelques années. »
La récession présente qui plombe l’équilibre
budgétaire d’Ottawa et deQuébec ne doit pas occulter
l’effetplusgraveencoreàmoyenterme du choc
démographique sur les finances publiques québécoises.
Tel est l’avertissement lancé hier par l’équipe
d’études économiques de Desjardins au moment où
l’Institut de la statistique ( ISQ) confirmait que la
récession s’était accélérée en février.
Le produit intérieur brut ( PIB) par industrie a décru
de 1,0% de janvier à février, en raison d’un
affaissement de 19% de la production aéronautique.
Après deux mois, la taille de l’économie a rapetissé
de 1,2% par rapport à celle de décembre. Facteur
aggravant, l’ISQ a révisé à la baisse son chiffre de
janvier au profit de celui de décembre. Résultat,
prévoit Hélène Bégin, économiste principale chez
Desjardins, « le premier trimestre sera plus négatif
(entre - 4% et -5%) que la diminution de 3% que nous
avions anticipée ».
Stat i st ique Canada nous indiquera lundi que le
recul à l’échelle du pays s’est situé entre 6,5 et 7%.
Cette chute dramatique appréhendée a déjà forcé le
ministre des Finances, Jim Flaherty, à porter au-delà
de 50 milliards de dollars sa prévision de déficit
budgétaire pour l’année en cours, alors qu’il tablait
sur moins de 40 milliards en janvier.
Même si Québec s’en tient à sa prévision d’un manque à
gagner de quelque 4 milliards jusqu’ici, les
économistes de Desjardins insistent surtout sur le
fait que l’élimination de son déficit sera plus
difficile en raison de la plus grande gravité du choc
démographique qui va le frapper dès 2013. C’est
l’année où l’ex-ministre des Finances Monique
JérômeForget prévoyait, l’hiver dernier, le retour à
l’équilibre.
La proportion de la cohorte des 65 ans et plus sera
plus élevée dans la société distincte qu’ailleurs au
Canada. Les baby-boomers y sont plus nombreux et la
diminution des naissances, après 1966, plus
importante.
Cela signifie plus de retraités, moins de travailleurs
potentiels pour faire fonctionner les entreprises,
moins de consommation intérieure. Les entreprises
devront conquérir d’autres marchés extérieurs pour
survivre et s’épanouir. Le secteur manufacturier ne
paraît pas au bout de ses peines.
Une
plus forte immigration et des mesures incitatives pour
retarder la retraite peuvent au mieux retarder d’un ou
deux ans le choc. Des gains de productivité de plus de
2 % par année nécessaires pour compenser le manque de
maind’oeuvre paraissent un objectif hors de portée,
compte tenu de la performance moyenne de 1% au cours
des quatre dernières décennies.
Le potentiel de croissance réelle de l’économie sera
ramené de 2,1 % à environ 1 % seulement, estime
Desjardins. Cela compromet l ’ augmentation des
recettes fiscales nécessa i res pour fa i re face à
l’augmentation fatale des dépenses de soins de santé
et même celles en éducation, compte tenu du regain de
la natalité au cours des dernières années.
« Le Québec se dirige inévitablement vers une impasse
financière majeure, surtout que l’augmentation des
dépenses gouvernementales est supérieure à celle du
PIB nominal depuis quelques années », écrivent
François Dupuis, Hélène Bégin et Hendrix Vachon.
Cela sera à la fois brutal et lourd surtout pour les
acquis sociaux, concluent-i ls après avoir passé en
revue les choix déchirants auxquels ont été confrontés
le Japon, la Finlande et la Suède qui ont déjà
traversé un tel choc.
Pour l’atténuer, et freiner l’exode des cerveaux, ils
préconisent une refonte de la fiscalité en misant
davantage sur les taxes à la consommation et moins sur
l’impôt des particuliers.
Ce ne sera pas suf f isant cependant. « Il importe
aussi de redéfinir le rôle de l’État pour permettre
aux Québécois de vivre davantage selon leurs moyens,
avertit le trio. Certaines vaches sacrées devront sans
doute être sacrifiées afin de diminuer le fardeau de
la dette et, surtout, le rendre supportable pour les
jeunes générations. »
Étant économistes et pas politiciens, ils se gardent
bien de suggérer lesquelles.
Vieillissement de la population : Un
retour aux années 70 - Ariane Lacoursière
Dès 2016, la Ville de Laval comptera plus
d’habitants âgés que de mineurs. Plusieurs autres
régions du Québec seront dans pareille situation.
Mais ce vieillissement de la population n’est pas
catastrophique, assure Amélie Quesnel-Vallée,
professeure de sociologie et d’épidémiologie. Car
la proportion de citoyens vulnérables reviendra au
même taux qu’en 1970, alors que les plus jeunes
baby-boomers étaient enfants.
« Nous avons été capables comme société de nous
adapter aux babyboomers. On a su gérer une
population jeune. On va le faire avec les aînés »,
dit Mme Quesnel-Vallée, qui est professeure à
l’Université McGill.
Dans les années 70, le taux de dépendance de la
population québécoise était de 90%. La majorité du
fardeau était attribuable aux jeunes de 0 à 19
ans. Dès 2030, le Québec retrouvera un taux de
dépendance de 90%, mais cette fois-ci, les
personnes âgées seront majoritaires. « Le fardeau
économique pourrait même être atténué parce que
les aînés, contrairement aux jeunes, paient des
impôts », note Mme Quesnel-Vallée.
La professeure a livré ces explications mercredi,
au cours d’un colloque sur le vieillissement à
Laval. L’objectif était de préparer la Ville à
affronter le vieillissement de sa population. La
directrice de la santé publique de Laval, la Dre
Nicole Demestoy, est aussi venue présenter les
défis que devra surmonter sa municipalité et
plusieurs autres villes du Québec.
Selon elle, les villes devront revoir leur
définition de la vieillesse. Car on ne devient
plus vieux à 65 ans. « L’espérance de vie à 65 ans
est de 17 ans pour les hommes et de 21 ans pour
les femmes, dit la Dre Demestoy. Parce que cette
tranche de population est souvent en bonne santé
et très active, les entreprises devront prendre
des moyens pour encourager ces citoyens à rester
au travail. »
Transport adapté
Afin de garder les personnes âgées actives et
autonomes, les villes, principalement les villes
de banlieue, devront prévoir des moyens de
transport adaptés. « Pour prévenir l’isolement,
qui est l’une des causes premières de perte
d’autonomie, des villes comme Laval, où
l’automobile est prépondérante pour vaquer à ses
occupations, devront revoir leurs systèmes de
transports », commente la Dre Demestoy.
Les agences de santé devront adapter leurs
services. Desprogrammes de dépistage systématique
des abus envers les aînés pourraient être mis en
place. Actuellement, de 2 à 10% des personnes
âgées subissent des abus, mais seulement un cas
sur 14 est signalé, explique la Dre Demestoy.
Les autorités doivent aussi prévoir que le taux de
suicide chez les aînés, qui est actuellement de
10% à Laval, augmentera. « Les babyboomers
amèneront leur vision plus acceptable du suicide.
Cette couche de population a toujours eu un taux
plus élevé de suicides que les générations
précédentes et suivantes. Il faut s’y préparer »,
illustre la Dre Demestoy.
Les régions doivent aussi faire attention à la
disponibilité de leurs médecins de famille. À
Laval seulement, le tiers des 321 médecins de
famille ont plus de 55 ans. « Le vieillissement de
la population est un défi. Pas une catastrophe.
Mais il faut s’y préparer », dit la Dre Demestoy.
Notre prospérité en dépend
- MONIQUE LEROUX
Avec le déclin de la population active,
l’augmentation de la productivité sera un enjeu
crucial au Québec
L’auteure est présidente et chef de la direction
du Mouvement des Caisses Desjardins. Ce texte
est extrait d’une allocution qu’elle prononçait
hier devant le Cercle canadien de Montréal. Dans
la prochaine décennie, le vieillissement
accéléré de la population et, incidemment, la
baisse du nombre de personnes qui participent
activement au marché du travail vont affecter
toute la dynamique de la croissance économique
du Québec. Cela rendra aussi la gestion des
finances publiques très délicate. Puisque la population
active ne croira plus dès 2014, les gains de
productivité seront essentiels afin de
stimuler la croissance de l’économie
québécoise.
Par rapport aux autres provinces et aux autres
pays où le vieillissement de la population
représente également un défi, le Québec a ceci
de particulier que pendant une génération, à
partir de l’après-guerre, il a affiché un très
fort taux de fécondité. Dès la génération
suivante toutefois, ce taux a chuté
dramatiquement. C’est le contraste entre les
deux, plus accentué chez nous qu’ailleurs, qui
sera la cause des importants défis que nous
devrons relever dans les années à venir.
Comme l’écrivait récemment un chroniqueur du
journal Les Affaires ( René Vézina) : « Vieillir
n’est pas un drame et on peut fort bien s’en
accommoder. Le problème surgit quand toute une
société vieillit en même temps. »
Pourquoi cela posera-t-il problème ? Parce
depuis une dizaine d’années, le potentiel de
croissance de l’économie repose sur deux
éléments principaux : la progression de la
population active au travail et les gains de
productivité. Avec le déclin, à compter de 2014,
de la population en âge de travailler, nous
courons le risque de voir ralentir
significativement le rythme de la croissance
économique.
Dans un Point de vue économique publié
aujourd’hui même, les économistes de Desjardins
insistent sur le fait que dans le contexte des
échéances démographiques à venir, c’est
l’accélération des gains de productivité qui
permettra d’éviter une baisse de régime trop
prononcée de l’activité économique.
Si, dans la prochaine décennie, l’augmentation
de la productivité ne faisait que se maintenir
au même rythme que celle des 10 dernières
années, soit environ 1% en moyenne annuellement,
la baisse de la population active entraînerait
alors le potentiel de croissance de l’économie
sous les 1% d’ici 2020. Et tout indique que la
tendance se maintiendrait pour la décennie
suivante.
À
titre de comparaison, rappelons que l’économie
québécoise avait, de 2003 à 2008, un potentiel
de croissance de 2,1% par année. L’enjeu est
donc crucial pour le Québec car moins de 1% de
croissance équivaut à une quasi-stagnation de
l’économie et à une situation de panne pour la
création de richesse. Le Japon, qui a fait face
à cette réalité au cours des 10 dernières
années, a connu d’importants problèmes, en
particulier un accroissement inquiétant de sa
dette publique.
La hausse de la productivité sera la pierre
angulaire de notre prospérité future et il
importe d’agir sans tarder à ce chapitre. Cela
est d’autant plus important que les finances
publiques, déjà précaires, seront soumises à de
fortes pressions.
Je suis bien consciente du fait que pour un
grand nombre de personnes, entendre parler de
productivité et de performance suscite la
méfiance plutôt que l’enthousiasme. Plusieurs
associent la productivité à la froide logique de
l’économie. Plusieurs voient cela en opposition
aux valeurs sociales de solidarité et de
compassion. Et ils sont aussi nombreux à
associer le concept de productivité à la
nécessité de travailler plus fort.
Le dictionnaire nous dit que la productivité est
le rapport entre les résultats, quantitatifs ou
qualitatifs, tirés d’une activité et les
ressources ou facteurs de production affectés à
cette activité.
En fait, une productivité croissante profite à
l’ensemble des agents économiques. Quand la
productivité augmente, les entreprises
augmentent leurs profits et cela permet
généralement de verser de meilleurs salaires aux
travailleurs et d’accroître les investissements
en capital. En bout de ligne, les revenus des
gouvernements augmentent, ce qui permet de
maintenir la qualité des services publics. Les
gains de productivité sont ainsi à la base de
toute la dynamique de la croissance de
l’économie, de l’enrichissement de la
collectivité et de la hausse du niveau de vie
des citoyens. Sur une longue période, les pays
qui affichent les plus fortes croissances de la
richesse collective dominent au chapitre des
gains de productivité. Et qui dit richesse
collective dit aussi possibilité de redistribuer
cette richesse en fonction de nos priorités et
de nos valeurs comme société. Car il existe un
principe fondamental : il faut d’abord créer la
richesse avant de la redistribuer !
Vieillissement de la population / Le
Québec devra hausser sa productivité, dit Monique
Leroux - Sylvain Larocque
Le Québec doit absolument accélérer ses gains de
productivité s’il veut éviter que le
vieillissement de la population ne réduise à
néant ses perspectives de croissance économique,
a plaidé hier la présidente et chef de la
direction du Mouvement Desjardins, Monique
Leroux.
Dans un discours prononcé à la tribune du Cercle
canadien, à Montréal, Mme Leroux a reconnu que
l’augmentation de la productivité suscitait plus
souvent la méfiance que l’enthousiasme,
plusieurs personnes y voyant notamment
l’obligation de travailler plus fort.
La gra nde patronne de Desjardinss’est toutefois
appuyée sur une étude préparée par les
économistes du Mouvement pour marquer l’urgence
de la situation. Ainsi, en maintenant au cours
de la prochaine décennie l’amélioration de la
productivité au même rythme que celui des 10
dernières années, soit environ 1% annuellement,
le Québec verrait son potentiel de croissance
sombrer sous les 1% d’ici 2020, selon
Desjardins.
De 2003 à 2008, le Québec a joui d’un potentiel
de croissance de 2,1% par année, estime
Desjardins.
«
L’enjeu est donc crucial pour le Québec, car
moins de 1% de croissance équivaut à une
quasistagnation de l’économie et à une situation
de panne pour la création de richesse », a
déclaré Monique Leroux, en soulignant que le
Japon a vécu ce problème au cours des dernières
années, ce qui a notamment contribué à faire
exploser sa dette publique.
« La hausse de la productivité sera la pierre
angulaire de notre prospérité future et il
importe d’agir sans tarder à ce chapitre »,
a-t-elle martelé.
Desjardins estime que la population québécoise
en âge de travailler reculera dès 2014, même en
tenant compte du mini baby-boom des dernières
années et de la hausse de l’immigration.
Mme Leroux a assuré qu’accroître la productivité
n’allait pas forcément à l’encontre des valeurs
de solidarité et de compassion. Elle a soutenu
qu’une meilleure productivité se traduirait
certes par une hausse des profits des
entreprises, mais aussi par de meilleurs
salaires et une progression des revenus des
gouvernements, ce qui serait de nature à
préserver les services publics. Pour accroître
sa productivité, qui est nettement inférieure à
celle de l’Ontario et des ÉtatsUnis, le Québec
devra agir sur plusieurs facteurs, dont
l’innovation, la qualité de l’éducation, les
investissements en immobilisations, le régime
fiscal et la réglementation, croit la PDG.
Retard de productivité Un boulet qui plombe la
richesse collective - Hugo Fontaine
Le retard de productivité agit comme un boulet
sur le Québec et maintient la province en queue
de peloton des économies industrialisées quant
au niveau de vie de ses habitants.
Une étude du nouveau Centre sur la productivité
et la prospérité (HEC Montréal) révèle que,
depuis 1981, la productivité est une cause de
plus en plus importante, voire dominante, des
écarts de richesse entre le Québec et les autres
économies.
La comparaison avec l’Ontario est un bon
exemple.
En 1981, chaque Ontarien pouvait compter
annuellement sur près de 5000$ de plus qu’un
Québécois, selon la mesure du PIB par habitant.
En 2008, il disposait de 6500$ de plus que son
voisin.
L’écart de 2008 s’explique pour plus du tiers
par la plus faible productivité du travail (
PIB/heures travaillées) des Québécois. En 1981,
pourtant, l’écart de richesse s’expliquait
presque entièrement par le taux d’emploi, la
productivité du travail étant même légèrement
supérieure au Québec.
Ce changement majeur, sur une période de 30 ans,
trouve surtout sa source dans le secteur des
services, et particulièrement dans le commerce
de gros et le transport.
Peu importe la comparaison
La productivité joue un rôle encore plus
important (58%) dans l’écart entre le niveau de
vie du Québec et celui du Canada dans son
ensemble.
Quant à l’écart entre le niveau de vie des
Québécois et celui des Américains (près de 19
000$ par habitant), il s’explique à plus de 70%
par la productivité. Le Québec gagnerait plus de
100 milliards de dollars annuellement (40% de
son PIB) s’il affichait la même productivité du
travail que les États-Unis.
Le Québec ne peut pas se consoler en se
comparant avec les autres pays industrialisés.
Face à la performance de 20 pays membres de
l’OCDE en termes de croissance annuelle de la
productivité (1981-2008), le Québec occupe
l’avant-dernier rang. Seule la Suisse (déjà très
riche au début de la période) lui permet
d’éviter la cave.
Pour
chaque heure travaillée en 2008, le travailleur
québécois apporte 47,23$ au PIB national, contre
50,22$ pour la moyenne de l’OCDE et 57,85$ pour
la moyenne du G7.
Les causes potentielles du retard de
productivité sont nombreuses: manque
d’investissements privés dans les PME, manque de
formation, réglementation, faible concurrence.
Quoi qu’il en soit, « le Québec devra
inévitablement redresser sa performance en
matière de productivité du travail s’il veut
combler son retard économique », écrivent les
auteurs de l’étude.
Nouveau centre de recherche
Le bilan sur la productivité au Québec depuis
1981 a été publié hier à l’occasion du lancement
du Centre sur la productivité et la prospérité
(CPP) de HEC Montréal.
L’étude est un diagnostic de la situation de la
productivité au Québec, mais le directeur du
nouveau centre, Robert Gagné, affirme que les
prochaines recherches permettront d’élaborer des
solutions ou des recommandations.
Le centre aura aussi un rôle d’éducation auprès
du plus la rge public possible afin que les
Québécois saisissent mieux la nature et
l’importance de la productivité, ajoute M.
Gagné.
« Augmenter la productivité, c’est pas faire
travailler plus fort, c’est pas faire travailler
davantage, c’est faire travailler mieux »,
dit-il.
Le ministère des Finances consacrera 6 millions
sur quatre ans au CPP.
L e minist r e Raymond Bachand,
présentàlaconférence de presse, a insisté sur
l’importance d’accroître la productivité, «
cette façon de devenir riche collectivement ».
Épargner, l’affaire des
riches - RICHARD DUPAUL
Les signes de reprise se multiplient aux
États-Unis. Mais les Américains hésitent à
dépenser et seuls les riches arrivent à
épargner, disent des experts. Les autres
s’appauvrissent.
Le ciel économique se dégage aux États-Unis :
regain de vie de l’immobilier, moral des ménages
à la hausse, remontée des Bourses, etc. De
bonnes nouvelles dans l’ensemble. Dix pour cent des
Américains empochent presque la moitié de tous
les revenus du pays – un sommet depuis que
l’État a commencé à compiler ces données, en
1913.
Mais un nouveau sondage rappelle que des nuages
se profilent à l’horizon et que la remise en
marche de la grosse machine américaine prendra
du temps.
Ainsi, selon une enquête Bloomberg, les
Américains comptent toujours restreindre leurs
dépenses dans l’avenir, contribuant à freiner
l’élan d’une économie qui dépend à 70% de la
consommation.
Seulement 8 % des répondants prévoient augmenter
leurs dépenses durant les prochains mois, tandis
que près du tiers veulent encore les réduire.
Donc, pas de ruée en vue dans les magasins. Une
autre douche froide pour les commerçants,
surtout que trois Américains sur quatre ont
réduit leurs dépenses l’an dernier, toujours
selon ce sondage.
Pourtant, les ventes au détail ont rebondi de
2,7 % en août, a révélé le Washington Post la
semaine dernière. Un regain de vie, certes, mais
surtout alimenté par le programme fédéral de
mise à la casse, qui a stimulé les ventes
d’automobiles. De toute évidence, le sondage
Bloomberg confirme que les Américains n’ont pas
l’esprit à la fête.
Ce coup de sonde renforce aussi l’i mpression
que les Américains ont plus envie d’épargner
après le choc provoqué par la crise financière.
Après être descendu autour de 1,75% il y a deux
ans, le taux d’épargne frôle en effet les 5%,
selon les données récentes.
Les économistes, qui reprochaient aux Américains
de vivre à crédit, les accusent aujourd’hui de
jouer les fourmis. À en croire les statistiques,
le mot d’ordre dans les chaumières est : on
regarnit les coffres, les dépenses viendront
plus tard.
Sauf que rien n’est plus i ncertain. Car l’A
méricain moyen n’épargne pas. Il arrive à peine
à joindre les deux bouts.
Qui épargne ?
L’économiste Sherry Cooper, du Groupe BMO
(Banque de Montréal), s’est penchée sur les
finances des ménages américains. Ce qu’elle a
découvert est troublant.
En se basant sur les données les plus récentes,
datant de 2007, Mme Cooper rappelle d’abord dans
une étude que la répartition de la richesse aux
États-Unis est lamentable.
La t r a nche de 1 % des contribuables les plus
fortunés accapare près du quart (24%) des
revenus nationaux. En élargissant le clan des
favorisés, le déséquilibre est encore plus
profond: 10% des Américains empochent presque la
moitié de tous les revenus – un sommet depuis
que l’État a commencé à compiler ces données, en
1913.
Or, cela indique « qu’une petite portion des
ménages a la capacité d’épargner », affirme Mme
Cooper, mettant en doute l’idée reçue qu’une
majorité d’Américains met actuellement de
l’argent de côté.
À cet égard, l’économiste a fait un petit
exercice comptable : si 1% des Américains les
plus nantis consacraient à l’épargne le quart de
leurs revenus (de 1,4 million US en moyenne),
cela dépasserait tout l’argent épargné par la
population américaine.
Ce qui signifie que 99 % des Américains ont
toujours un taux d’épargne négatif, soit de -1 à
-1,5 %, au lieu du taux officiel de 5 %. «
Autrement dit, les super riches ont la capacité
d’embellir les chiffres », dit Mme Cooper.
La remontée de la Bourse n’ent r a î ne-t - el l
e pas u n enrichissement des ménages, comme l’a
indiqué un rapport de la Réserve fédérale la
semaine dernière ? À nouveau, les chiffres sont
t rompeurs, ca r l ’embel l ie boursière profite
sur t out à une petite partie de la population.
Plus pauvres
L’analyse de Mme Cooper est d’ailleurs conforme
au portrait que brosse l’Office américain du
recensement.
Le r e ve nu moyen de s Américains tend à
diminuer, avec un repli de 3,6 % l’an dernier.
Et la pauvreté augmente : 13,2 % des citoyens
sont démunis, un sommet en 11 ans. ( Le seuil de
pauvreté est fixé à 11 000 $ US de revenu annuel
pour une personne seule.) Au total, 4 0 mi l l i
ons d’A méricains sont pauvres !
Au final, il faut en conclure que la classe
moyenne américaine ne dort pas sur une pile de
billets verts qui, dans un proche avenir,
pourrait servir à propulser soudainement la
consommation. Il faudra donc une reprise de
l’emploi pour réellement relancer la machine.
Dès l ors, on comprend mieux l ’ e x-président
de l a Réserve fédérale, Paul Volcker, qui a
remis les pendules à l’heure la semaine
dernière.
Selon lui, l’économie américaine mettra « des
années » à revenir à ce qu’elle était avant la
crise. Et sa remise en marche nécessitera un «
travail ardu ». Au moins 40 millions
d’Américains seront d’accord avec cela.
Pourquoi on n’épargne pas - CLAUDE
PICHER
Vo u s a ve z p e ut-ê t r e remarqué l ’excel
lent dossier de mon collègue Marc Tison, dans La
Presse Affaires de jeudi. On y apprend que les j
eunes Québécois, contrairement à un préjugé
largement répandu, sont loin d’être des paniers
percés ; en fait, ils épargnent beaucoup plus
que leurs parents.
Cette nouvelle apparaît comme une agréable
surprise. Tous les spécialistes en finances
personnelles vous diront qu’épargner, c ’est i
nvestir dans sa qualité de vie.
Or, si on regarde la chute spectaculaire du taux
d’épargne depuis quelques années (sur ce point,
le Québec n’est pas tellement différent du reste
du Canada), il pourrait y avoir de quoi s’i
nquiéter : c’est comme si les gens mettaient
toute prudence de côté.
Comme l’a montré le reportage de Marc Tison, il
semble que le message passe mieux chez les
jeunes. Il faut toutefois préciser que leur
profil d’épargnants n’est pas le même que chez
les ménages plus âgés : la première raison qui
motive les jeunes à épargner, c’est pour
réaliser un projet qui leur tient à coeur.
Le taux d’épargne est la proportion du revenu
personnel disponible (c’est-à-dire les revenus
provenant de toutes sources moins les taxes,
impôts et contributions sociales) que les gens
mettent de côté. Cela ne comprend pas les
caisses de retraite.
En 1982, au Canada, le taux d’épargne a atteint
un record de 20,2%, du jamais vu depuis que
Statistique Canada a commencé à compiler ce
genre de données, au début des années 60. Par la
suite, on observe une érosion presque
ininterrompue. À peine cinq ans plus tard, dès
1987, le taux d’épargne dégringole à 11, 9%.
Certes, il y a bien quelques sursauts à
l’occasion; ainsi, en 1991, il rebondit à 13,3%.
Mais la descente vers le bas est aussi
spectaculaire qu’inexorable: 9,5% en 1994, 5,2 %
en 2001, et un creux historique de 2,1% en 2005.
Depuis, il a légèrement remonté (2,5% en 2007,
3,7% l’an dernier), mais demeure extrêmement
bas.
De là à conclure que les consommateurs ont
oublié les vertus de l’épargne et se comportent
de façon irresponsable, il n’y a qu’un pas.
Il faut se garder de le franchir trop
rapidement.
En fait, les ménages ont une excellente raison
de bouder les comptes d’épargne: ils ne
rapportent plus rien !
Si on observe l’évolution des taux d’intérêt et
du taux d’épargne depuis le début des années 60,
tels que compilés par Statistique Canada, on est
frappé par la corrélation entre les deux. À
quelques nuances près, la courbe est
pratiquement identique. Plus les taux d’intérêt
augmentent, plus le taux d’épargne grimpe
également, et l’inverse est aussi vrai.
Ainsi, nous venons de voir que le taux d’épargne
avait atteint un sommet en 1982. Or, depuis les
50 dernières années, c’est en 1981 que les
épargnants obtenaient les meilleurs rendements :
plus de 15% en moyenne sur les dépôts d’épargne
des banques. Et les quelques sursauts qu’on peut
observer depuis ce temps sont toujours liés à
des hausses temporaires de taux d’intérêt.
C’est une évidence : lorsque les taux sont
élevés, les gens, comme épargnants, ont intérêt
– c’est le cas de le dire – à en profiter, et à
augmenter leur effort d’épargne en conséquence :
cela rapporte gros. Lorsque les taux sont bas,
les mêmes gens, comme consommateurs, ne voient
pas pourquoi ils laisseraient dormir leurs
épargnes dans des comptes qui ne rapportent même
plus autant que la hausse de l’indice des prix à
la consommation: cela équivaut à s’appauvrir.
Dans ces conditions, mieux vaut consommer.
Bien sûr, l’évolution des taux d’intérêt ne peut
pas expliquer, à elle seule, les fluctuations du
taux d’épargne. Il faut aussi tenir compte
d’autres facteurs, comme la conjoncture
économique, l’état de santé du marché du
travail, l’inflation, les taux de change, le
poids de la dette publique, entre autres.
Mais il apparaît clairement, en observant les
données des 50 dernières années, que les ménages
épargnent ou consomment en fonction de
l’évolution des taux d’intérêt. Ils sont loin
d’être des irresponsables : au contraire, ils
cherchent à profiter au maximum de la
conjoncture. Que les taux d’intérêt remontent,
et on peut compter sur les ménages pour
redécouvrir les vertus de l’épargne.
Les jeunes Canadiens épargnent
moins que leurs parents
TORONTO — Les j e u ne s Ca nad i e n s é c o
nomisent moins que leurs parents et leurs
grands-parents l’ont fait avant eux, les j
eunes hommes étant les plus indisciplinés
quand vient le temps de r e s pecter u n
budget, révèle une nouvelle étude de TD Canada
Trust.
L’enquête publ i ée hier démontre que 8 0 %
des Canadiens estiment qu’il est « trop
difficile » de faire des économies et que les
jeunes âgés de 18 à 34 ans sont davantage
intéressés à épargner en vue de l’achat d’une
maison qu’en prévision de leur retraite.
Dans c e groupe d’âge, seulement 19 % des
personnes interrogées mettent de côté entre 10
et 25 % de leur revenu mensuel total. En
comparaison, 29 % des gens de plus de 55 ans
ont affirmé qu’ils faisaient de même à cet
âge.
Les jeunes adultes attribuent l eur f a i ble
niveau d’épa r gne à des s a l a i r es i nsuf
f i s a nts , t a ndis que les gens de 55 ans
et plus disent que le coût de la vie les a
empêchés d’économiser quand ils étaient plus
jeunes.
Ca r r i e Russel l , de la Banque T D, qual i
f i e ces résultats de décevants. Elle aj oute
qu’ i l s démontrent qu’il est difficile pour
les gens d’épargner.
« I l faut de la pratique, a-t-elle dit. Et
plus on commence tôt, mieux c’est. »
L’étude a établi que 54 % des 18-34 ans
interrogés ont mis de l’argent de côté en cas
de coup dur, comparativement à 55 % des 35-54
ans et 63 % des 55 ans et plus.
Toutefois, 76 % des 18-34 a ns se considèrent
financièrement prudents, comparativement à 82%
des 35-54 ans et 86% des 55 ans et plus.
L’endettement représentait le principal
obstacle à l’épargne chez les jeunes, et
surtout chez les hommes. Vingt-huit pour cent
des hommes interrogés ont cité cette cause,
comparativement à 18% chez les femmes.
L’étude a aussi établi que les femmes
respectent plus f a c i l e ment l e u r
budget . L’écart est surtout marqué chez les
35-54 ans, où 43 % des femmes respectent leur
budget comparativement à 28 % des hommes.
Mme Russell explique que les femmes, souvent
considérées comme de grandes dépensières,
gèrent plus facilement un budget parce
qu’elles ont l ’ habitude de gérer les
finances familiales.
« Elles sont souvent celles qui doivent
décider de ce qu’on achète ou pas, a-t-elle
dit. C’est un dilemme quotidien pour elle. »
L’étude de la firme Angus Reid a été menée
auprès de 1000 hommes et femmes à la fin de
juillet. Sa marge d’erreur est de 3,1 points,
19 fois sur 20.
Les jeunes font fi de la crise -
Hugo Fontaine
La
récession ne bouleverse pas les habitudes des jeunes
adultes du pays. Une très forte majorité d’entre eux
n’ont pas changé ni ne prévoient changer leurs
habitudes de consommation malgré la récession,
révèle un sondage réalisé par TNS/Canadian Facts
pour le compte de la société de marketing
montréalaise Newad Media. Les jeunes Canadiens de
18-34 ans n’ont jamais vécu d’autre récession. Une
proportion de 87% d’entre eux affirment ne pas
avoir ressenti l’impact de la crise.
Les jeunes sont résolument confiants et optimistes.
« C’est encourageant, dit Michael Reha, président de
Newad Media, au cours d’un entretien avec La Presse
Affaires. Une économie dynamique commence par une
confiance. »
Qu’on les questionne sur toutes sortes de catégories
de produits et services variant de l’épicerie aux
produits de beauté en passant par les services
internet et les DVD, entre 70 et 90% des jeunes
Canadiens de 18 à 34 ans des milieux urbains
prévoient maintenir ou même augmenter leurs dépenses
dans les six prochains mois.
Même que 18% d’entre eux songent à faire l’achat
d’une voiture ou d’une propriété d’ici la fin de
l’année, une proportion bien plus forte qu’à
l’habitude pour de tels achats d’envergure.
Généralement, les intentions d’achat d’une propriété
tournent autour de 7%, souligne Michael Reha. « Les
jeunes voient des occasions », précise-t-il.
Pourtant, 81% des jeunes trouvent la situation
économique stressante. « Mais cette crainte ne se
transforme pas en réduction des achats, note Michael
Reha. Les jeunes dépensent au même rythme. »
Il
faut dire que la récession ne semble pas avoir
touché concrètement les jeunes Canadiens de 18-34
ans, qui n’ont jamais vécu d’autre récession. Une
proportion de 87% d’entre eux affirme ne pas avoir
ressenti l’impact de la crise, et une même
proportion croit que leur situation financière
demeurera stable dans la prochaine année.
Trois sur quatre pensent qu’ils conserveront leur
emploi dans les prochains mois. Et très peu de
personnes de leur génération et de leur entourage
ont perdu le leur.
Newad est une société de marketing nationale qui
compte 350 employés, dont 85 à son siège social
montréalais. Elle se spécialise dans l’affichage et
le marketing événementiel visant les jeunes. « On a
développé une expertise dans ce créneau et on
investit beaucoup pour comprendre ce marché-là,
explique M. Reha. Et ça intéresse nos clients aussi.
»
À l’automne, Newad et ses clients voulaient ainsi
comprendre comment les jeunes allaient réagir à la
crise, « car on ne sentait pas que la panique
s’était installée », dit M. Reha. Le coup de sonde
est venu confirmer cette impression.
Le sondage a été effectué par la firme de recherche
TNS/Canadian Facts entre le 31 mars et le 15 avril
auprès de 1639 personnes dans les marchés de
Montréal, Toronto, Vancouver, Calgary et Edmonton.
La marge d’erreur est de 2,4 points de pourcentage,
19 fois sur 20.
Les Canadiens encore plus endettés
à
partir de la page 1 « On achète maintenant et on
paie plus tard, c’est dans la mentalité des Canadiens,
note Karine Robillard. Beaucoup de gens ont tendance à
combler le manque de revenu par du crédit. »
L’étude de CGA-Canada est dévoilée dans un contexte où
l’économie dépend de la consommation pour retrouver
son élan.
L’association de comptables « reconnaît l’importance
des dépenses de consommation pour l’essor des
entreprises et la croissance économique. Il lui semble
toutefois plus souhaitable d’adopter une approche
équilibrée des dépenses, de l’épargne et du
remboursement des dettes pour sortir du marasme
économique actuel, que d’essayer de promouvoir les
dépenses de consommation ».
Pas assez d’épargne
Les perspectives d’amélioration de la situation
d’endettement des ménages ne sont pas très
encourageantes. De fait, les Canadiens « perçoivent
leur situation financière comment étant meilleure que
ce qu’elle est, et beaucoup ne se rendent pas compte
des effets du repli économique sur leurs finances »,
lit-on dans l’étude.
Par exemple, la baisse des marchés boursiers a affecté
la valeur des programmes de retraite. Et dans
certaines régions du pays, la baisse de la valeur des
maisons a fait fondre l’actif de plusieurs ménages.
Pendant
que la det te des Canadiens s’accroît, leurs habitudes
d’épargne ne s’améliorent pas et leur budget est
souvent très serré.
Un Canadien sur trois n’affecte pas un sou à
l’épargne, et un sur quatre ne serait pas en mesure de
faire face à une dépense imprévue de 5000$, même en
s’appuyant temporairement sur ses cartes ou ses marges
de crédit.
Même la crise ne semble pas vouloir bouleverser les
habitudes financières des consommateurs.
Près de quatre répondants sur cinq (78%) au sondage
ont fait savoir qu’ils n’allaient pas changer leurs
habitudes d’épargne.
« Le gouvernement a créé beaucoup d’outils dans les
dernières années pour inciter les gens à épargner (
REER, CELI), mais ça ne se transforme pas
nécessairement en résultats », dit Rock Lefebvre.
M. Lefebvre et CGA-Canada déplorent d’ailleurs le
manque de connaissance financière des Canadiens,
notamment chez les plus jeunes générations. Selon M.
Lefebvre, il faut une meilleure éducation à ce
chapitre dans les écoles, que ce soit au primaire ou
au secondaire.
Le sondage de CGA-Canada a été effectué par la firme
Synovate auprès de 2014 répondants du 3 au 14 novembre
2008. La marge d’erreur est de 2,18%, 19 fois sur 20.
De plus en plus endettés - Claude
Picher
V ous
êtes découragé en voyant le solde i mpayé de votre
carte de crédit ? Consolez-vous, vous n’êtes pas seul.
Récession ou pas, les Québécois continuent de
s’endetter à un rythme affolant.
Selon
des chiffres publiés cette semaine par l’Institut de
la statistique du Québec ( ISQ), l’endettement moyen
de chaque Québécois, en 2008, a augmenté de 601 $ pour
atteindre 9691 $. Il s’agit d’une hausse de 7 %, trois
fois l’inflation. Pire : cette hausse survient alors
que le revenu personnel disponible n’augmente que de 4
%. Autrement dit, les consommateurs québécois vivent
au-dessus de leurs moyens.
Résultat:
le taux d’endettement à la consommation,
c’est-à-dire le pourcentage entre la taille du
crédit et le revenu personnel disponible, atteint
maintenant le niveau sans précédent de 38%.
Nous parlons uniquement ici de crédit à la
consommation, ce qui inclut pour l’essentiel le
solde impayé des cartes de crédit, les marges de
crédit ainsi que les prêts personnels.
Les hypothèques sont exclues du calcul. L’hypothèque
est une dette, certes, mais elle sert à augmenter le
patrimoine immobilier de l’emprunteur. Sauf en de
rares exceptions (heureusement, nous ne sommes pas
aux États-Unis), la valeur marchande de la maison
est supérieure, souvent largement supérieure, au
solde de l’hypothèque, de sorte que l’emprunteur
possède, au total, une valeur nette importante.
En temps de récession, les ménages ont tendance à
moins utiliser leurs cartes de crédit. C’est normal:
les gens ne sont pas certains de conserver leur
niveau de revenus, voire de garder leur emploi.
L’heure n’est pas à la dépense.
Ainsi, lors de la récession de 1981-1982, les
consommateurs québécois ont réduit leur endettement,
en moyenne, de 2%. Lors de la récession de 1990, on
a observé une hausse de 3,5%. Mais une augmentation
de 7% en pleine récession, comme en 2008, c’est du
jamais vu.
La croissance de l’endettement à la consommation a
connu une poussée fulgurante depuis un quart de
siècle.
En 1981, l’ensemble des dettes des consommateurs
québécois s’élevait à 8,9 milliards. En 2008, ce
montant dépassait les 75 milliards, huit fois plus.
Même en tenant compte de l’inflation, la progression
est phénoménale. La hausse réelle, c’est-à-dire
ajustée en fonction de l’indice des prix à la
consommation, est de 324%!
Il
va de soi que cette utilisation débridée des cartes
de crédit a propulsé le taux d’endettement à la
consommation à des niveaux records. On vient de le
voir, ce taux se situe à 38%. Or, il était de
seulement 14% en 1982. La détérioration a été
particulièrement brutale au cours des cinq dernières
années. En 2003, ce qui n’est pas si lointain, les
dettes à la consommation se situaient à 46
milliards, ou 6191$ par habitant. Comment expliquer
cela? « T r a dit i on nel l e ment , les ménages
avaient tendance à se constituer un coussin
d’épargne », observe James O’Connor, spécialiste de
la question à l’ISQ. « C’était, si on veut, leur
marge de manoeuvre. Aujourd’hui, on considère
davantage que c’est la marge de crédit qui constitue
la marge de manoeuvre. Sans doute que le rendement
extrêmement faible des comptes d’épargne y est pour
quelque chose. »
Toujours est-il que les Québécois ne présentent pas
un cas unique. Ils peuvent même se consoler en
pensant qu’ils demeurent légèrement moins endettés
que les autres Canadiens.
Dans l’ensemble du Canada, le crédit à la
consommation représente en effet 395 milliards, ou
11 868$ par habitant, pour un taux d’endettement de
42%.
Il faut cependant dire que, sur une longue période,
la situation se détériore plus rapidement au Québec.
En 1981, l’endettement à la consommation au Québec
se situait à 1358$ par personne au Québec, à
seulement 70% du niveau canadien. En 2008, cette
proportion est passée à 82%. C’est d’autant plus
inquiétant que le revenu personnel disponible, au
Québec, est de 11% inférieur à la moyenne
canadienne.
Les Québécois, comme les autres Canadiens,
continuent donc joyeusement de surcharger leurs
cartes de crédit. Cela semble d’autant plus
difficile à comprendre qu’un récent sondage mené par
l’Association des comptables généraux accrédités du
Canada (CGA) montre que les consommateurs semblent
bien conscients du danger.
L’enquête nous apprend que 65% des Canadiens
réalisent que leur endettement restreint leur
capacité d’atteindre leurs objectifs financiers, et
84% des répondants se disent préoccupés par la
hausse de l’endettement des ménages. Un Canadien sur
cinq (21%) se dit dépassé par ses dettes, et se
déclare incapable de les gérer.
Enfin, le niveau élevé d’endettement est accompagné
d’un autre fléau : l’insuffisance de l’épargne.
Toujours selon l’enquête des CGA, le tiers des
ménages n’affecte aucune ressource à l’épargne ; un
ménage sur quatre, même en tenant compte de sa marge
de crédit, serait incapable de faire face à une
dépense imprévue de 5000$, et il s’en trouve même
10% pour qui une dépense inattendue de 500$ poserait
un grave problème financier.
MEUBLE : LA TROISIÈME PRISE POUR L’INDUSTRIE? - Hugo
Fontaine
«
Quand le dollar était à 65 cents, c’était nous les
Chinois de l’Amérique. Le cheap labor, on le trouvait
au Québec », dit Fernand Fontaine, propriétaire de
Groupe Dutailier.
Une jolie table de cuisine ronde, quatre chaises, et
un buffet tout en bois. Une photo de cet ensemble
fabriqué par Shermag orne la une du dernier rapport du
ministère du Développement économique, de l’Innovation
et de l’Exportation sur l’industrie québécoise du
meuble, en 2007. Deux ans plus tard, le plus grand des
fabricants de la province fait face à une liquidation
de ses actifs.
Même
si l’ancien fleuron de l’industrie est sur la voie de
garage, l’industrie est encore là. Mais avec l’Asie,
le dollar, puis la récession, les fabricants tentent
aujourd’hui d’éviter la troisième prise et le retrait.
C’est le cas de Fernand Fontaine, président,
propriétaire et cofondateur de Groupe Dutailier, basé
à Saint-Pie. L’entreprise, qui fabrique notamment des
fauteuils sur billes pour les femmes enceintes et les
jeunes mamans, compte 450 employés dans ses usines de
Saint-Pie, Saint-Hyacinthe et
Sainte-Anne-de-la-Pérade.
« On a déjà eu 850 employés, souligne Fernand
Fontaine, en entrevue avec La Presse Affaires. On a
fermé quatre usines au cours des six dernières années.
»
Première prise
La première prise est arrivée comme une rapide en
provenance d’Asie. Les bas salaires asiatiques, dans
une industrie à haut taux de main-d’oeuvre, ont
désavantagé les fabricants de meubles québécois, comme
ceux d’une foule d’autres secteurs manufacturiers.
« Les Américains sont allés s’approvisionner en Asie,
dit M. Fontaine. On a perdu le client. Et c’est très
difficile de le reconquérir. »
« L’industrie a été fouettée par l’augmentation des
importations de produits asiatiques, explique le
président-directeur général de l’Association des
fabricants de meubles du Québec, Jean-François
Michaud. Cela a déstabilisé le marché et apporté une
déflation des prix. Ç’a changé drastiquement les
habitudes d’achat des professionnels. On nous sortait
très souvent des planchers des magasins. Et après ça,
c’est très long de rétablir des habitudes d’achat. »
Deuxième prise
La deuxième prise a suivi sans trop tarder, avec la
hausse du dollar canadien, en même temps que la baisse
du yuan
chinois, si bien que le Groupe Dutailier a vécu « deux
ou trois années où c’était vraiment pas rentable »,
dit M. Fontaine.
« On a vu le dollar monter et on se disait que ce
serait temporaire, mais non », ajoute-t-il. Le Québec
a perdu sa compétitivité. « Quand le dollar était à 65
cents, c’était nous les Chinois de l’Amérique. Le
cheap labor, on le trouvait au Québec. » qu’il était,
dit M. Fontaine. Auparavant, il n’était pas rare, dans
des expositions de meubles, de signer des commandes
qui nous occupaient pour trois ou quatre mois dans
l’année. Ça n’existe plus. »
Chez
Groupe Lacasse, à quelques pas de l’usine de Dutailier
à Saint-Pie, le volume des ventes de ses meubles de
bureau aux États-Unis a reculé de 30 à 40% en un
Chez Dutailier, cette nouvelle donne s’est traduite
par des compressions de maind’oeuvre, mais aussi par
un changement de la chaîne de production. «
L’industrie du meuble qu’on connaissait à nos débuts,
en 1977, avec des grands volumes vendus aux mêmes
clients, c’est terminé », soutient M. Fontaine.
Troisième prise, retiré ?
Mais la décennie n’allait pas se terminer ainsi. La
crise économique s’est pointée. La troisième prise
fatale ? « Au début de la crise financière, j’ai
craint, se rappelle Fernand Fontaine. J’ai vu la
faillite de gros réseaux de détaillants, un paquet
d’annulations de commandes, on s’est demandé si
c’était la fin. »
Comme beaucoup d’autres fabricants québécois, que ce
soit dans le mobilier résidentiel ou de bureau, Groupe
Dutailier exporte une bonne partie de sa production
aux États-Unis. Dans son cas, c’est 75%. Or, le marché
s’est effondré.
« Le marché américain est moins preneur an. C’est
sensiblement la même chose chez Artopex, de Granby,
qui fait aussi dans le mobilier de bureau.
En maintenant ses ventes au pays, notamment grâce à
une poussée dans l’Ouest, Artopex s’en tire avec un
recul de 18% de ses ventes cette année.
Pour toute l’industrie, le volume de ventes a baissé
de 14,5% au premier trimestre de 2009, par rapport au
trimestre correspondant en 2008, indique Joëlle
Noreau, économiste chez Desjardins.
« L’industrie du meuble est très liée à l’habitation,
dit-elle. Or, c’est un secteur qui n’en est même pas
encore à l’étape de la convalescence au États-Unis. »
C’est aussi douloureux du côté commercial, qui
représente un peu moins du tiers du secteur québécois.
« Il s’est perdu 500 000 à 600 000 emplois par mois
aux États-Unis, dit François Giroux,
président-directeur général du Groupe Lacasse, filiale
de la société américaine Haworth. Au début, la plupart
des pertes d’emploi étaient dans le secteur financier
et dans les services. Tous ces gens-là, ce sont mes
clients! » Pas d’employés, pas besoin de meubles de
bureau.
Le choc n’est pas récent. « La récession, pour nous,
ça dure depuis 2007, explique le président du conseil
du fabricant de meubles de salle à manger Canadel, Guy
Deveault. Avec la hausse des prix des produits
pétroliers, les consommateurs avaient moins d’argent
pour acheter des meubles. Les Chinois, pris avec leur
surproduction, ont baissé les prix. Ça a démarré la
spirale. »
Une
spirale que les fabricants ne peuvent vraiment
inverser. Mais il y d’autres moyens d’arriver d’être
sauf au premier but, puis de marquer des points.
QUEL AVENIR POUR LE SECTEUR AU QUÉBEC?
Les
années fastes du début de la décennie ne sont plus
qu’un lointain souvenir pour l’industrie québécoise
de la fabrication de meubles.
PHOTO ANDRÉ
TREMBLAY, LA PRESSE
L’industrie du
meuble a énormément changé dans les dernières
années, perdant au passage quelques milliers
d’emplois.
Des fabricants ont dû réduire de moitié leurs
effectifs depuis le début de la décennie. Les
investissements ont fondu de 50%.
« Je pense que la croissance de l’industrie du
meuble, telle qu’on l’entendait à la fin des années
80-90, c’est un rêve! » dit Fernand Fontaine,
président du Groupe Dutailier.
Mais les fabricants croient toujours qu’il y a un
avenir pour l’industrie au Québec.
« Je ne crois pas à une croissance débridée, dit M.
Fontaine. Je crois plutôt à une croissance modérée,
si croissance il y a, et à une stabilisation de
l’industrie. »
« C’est mieux que disparaître, car l’industrie est
très atomisée », ajoutet-il. Partout au Québec se
trouvent des centaines de petits et grands
fabricants, et quelque 25 000 emplois à la
production. « S’il fallait que ce tissu-là
disparaisse, voyez-vous tout le lot de chômeurs ? »
note M. Fontaine.
Guy Deveault, président du conseil des Meubles
Canadel, de Louiseville, croit qu’il est toujours
possible de fabriquer au Québec, « mais pas selon le
modèle d’affaires d’il y a cinq ou 10 ans ».
Pour s’adapter au contexte changeant, Canadel a pris
le virage technologique. Elle investit sur un
nouveau programme 3D pour présenter ses produits aux
clients qui se font aider de designers d’intérieur.
C’est une manière de trouver une niche.
« Ça nous force à entrer dans un aspect de la
commercialisation auquel on ne touchait pas avant,
alors qu’on vendait aux magasins et ça s’arrêtait là
», dit M. Deveault.
Artopex a aussi changé son angle d’attaque du
marché. « Dans les quatre ou cinq dernières années,
on s’est davantage orienté vers les contrats », dit
Maurice Pelletier, vice-président exécutif et
copropriétaire du fabricant de mobilier de bureau.
« Nous avons maintenant des délais de livraison de
12 jours, ce qui nous a aidé à combattre ce qui
vient de l’Asie. »
En contrepartie, l’horizon change. « Des plans de 5
ans ou de 10 ans, ça n’existe plus, en tous cas pas
chez nous, dit M. Pelletier. On fait un plan de 90
jours et on fonce avec ça. »
Le PDG du Groupe Lacasse, François Giroux, soutient
quant à lui que les fabricants de mobilier de bureau
sont « relativement en santé » malgré de fortes
baisses du volume de ventes, car ils ont massivement
réinvesti en technologie et en design pour maintenir
une pression sur les coûts.
L’après-récession, encore un défi
L’industrie du meuble a énormément changé dans les
dernières années, perdant au passage quelques
milliers d’emplois. Elle changera sûrement encore. «
De s j oueu r s s o n t pa r t i s , d ’ aut res
vont pa r t i r , di t Guy Deveault, de Canadel. Il
y aura une consolidation. »
Canadel vient d’ailleurs de mettre la main sur des
équipements de Meubles Morigeau et MorigeauLépine,
tombé au combat à la fin de l’année 2008.
Mais même après la crise, un autre défi, mis en
veille par la récession attend l’industrie : le
manque de main-d’oeuvre spécialisée.
« C’est un grand problème, dit Fernand Fontaine. On
n’a pas fait la promotion nécessaire. Un peu tout le
monde est responsable. Tout le monde pensait que
cette industrie était moribonde et que ça ne valait
pas la peine de réinvestir. On devrait retrouver la
fierté de l’artisan qui fabrique un meuble. On n’a
pu cette fierté-là. »
Nortel meurt, Novink naît - Sophie
Cousineau
R estructuration judiciaire. Cette expression
qui faisait frémir les gens d’affaires est
entrée dans le langage de tous les jours depuis
que le président américain Barack Obama la
décrit sur toutes les tribunes comme une «
opération chirurgicale rapide ».
Ce que cette image sous-entend, c’est que
l’entreprise malade sortira promptement des
soins intensifs et retrouvera la santé. Le
constructeur automobile Chrysler n’a-t-il pas
échappé à l’emprise de ses créanciers en un
court mois, malgré la frousse de dernière minute
provoquée par des caisses de retraite de
l’Indiana qui s’opposaient à cet arrangement ?
Toutefois, si Chrysler redémarre avec le
constructeur italien Fiat dans le siège du
conducteur, il n’est pas dit que son moteur ne
calera pas de nouveau. À preuve, la rechute
d’Air Canada. Le transporteur semble avoir évité
de justesse une seconde restructuration en cinq
ans en négociant des accommodements avec ses
principaux syndicats.
Dans le cas de Chrysler et de General Motors, de
surcroît, les deux constructeurs avaient en main
des ententes avec leurs principaux créanciers et
syndicats avant d’avoir recours à la protection
des tribunaux. Ententes arrachées in extremis,
alors que l’Oncle Sam maintenait un fusil sur la
tempe de toutes les parties.
Ce n’est généralement pas le cas. La
désintégration de Nortel Networks, qui s’est
confirmée vendredi avec la vente des activités
en sans-fil à Nokia Siemens Networks, montre à
quel point toute restructuration est périlleuse.
Bref, la démarche n’a rien de banal.
Dans le cas de Nortel, la restructuration a fait
fuir les derniers clients sans persuader les
banquiers de lui accorder un financement
intérimaire, l’oxygène de toute réorganisation.
Presque par compassion, semble-til, la
restructuration a mis fin à une longue agonie.
«
Le démantèlement de l’entreprise n’est pas notre
priorité », affirmait pourtant Mike Zafirovski,
président et chef de la direction de Nortel,
lorsque cet équipementier a fait appel aux
tribunaux en janvier après avoir échoué à vendre
certaines activités.
« Au contraire, ajoutait-il, nous comptons
revenir commeune société techno plus leste, plus
concentrée, plus forte. »
Cet Américain, qui a pris la tête de la vedette
déchue des télécoms il y a quatre ans, était
bien déterminé à ce que Nortel retrouve son
lustre de la toute fin des années 90. À son
sommet, l’entreprise comptait 95 000 employés et
représentait près du tiers de toute la valeur
boursière de la Bourse de Toronto. Mais les
dommages causés à Nortel étaient quasi
irréparables.
Le gonflement artificiel des ventes grâce à un
crédit trop facilement octroyé aux clients.
L’éclatement de la bulle techno. Les primes au
rendement qui ont amené certains dirigeants à
tripoter la comptabilité. La porte tournante à
la direction. Les coupes et restructurations qui
ont laissé l’entreprise exsangue et
démoralisée...
Malgré les milliards dépensés en acquisitions et
en R&D, Nortel a perdu son leadership et
s’est retrouvée à la remorque de la révolution
internet. Le genre de chose dont une techno ne
se remet pas. Aucun plan de sauvetage n’aurait
changé quoi que ce soi. De toute manière, Nortel
n’avait pas le poids économique (et politique)
pour forcer la main des gouvernements,
contrairement à l’industrie ontarienne de
l’auto.
Pour
sauver les apparences, le gouvernement fédéral a
offert 300 millions de dollars en financement à
Nokia Siemenspar l’entremise d’Exportation et
Développement Canada, pour que ce repreneur
maintienne 2500 emplois de Nortel au Canada et
aux États-Unis.
A priori, Quebecor World ne semblait pas dans
une meilleure posture lorsqu’elle s’est mise à
l’abri de ses créanciers, en janvier 1998. Chose
certaine, elle n’était pas plus susceptible
d’attirer la sympathie des gouvernements.
Mais cette entreprise de 87 usines et de 19 000
salariés dispose d’atouts indéniables. L’une des
raisons pour lesquelles l’imprimeur montréalais
s’est mis en difficulté, c’est qu’il avait
entrepris un ambitieux programme de
modernisation. Depuis 2002, donc, Quebecor World
s’est départi de ses vieilles imprimeries pour
s’équiper des presses les plus rapides qui
peuvent servir autant les éditeurs et que les
détaillants. Mais les bienfaits de ces coûteux
investissements ont tardé à se faire sentir.
Les imprimeries de Quebecor World en Amérique du
Nord sont à la pointe de la technologie. Et
l’imprimeur montréalais n’a plus à traîner le
boulet de sa filiale européenne, qui imprimait à
l’encre rouge. Ou à payer les intérêts sur une
dette d’une lourdeur excessive. L’entreprise
dirigée par Jacques Mallette, ancien chef de la
direction financière qui a pris le relais de Wes
Lucas en décembre 2007, a réussi à obtenir un
financement intérimaire pour se restructurer.
Cela a donné le temps à l’imprimeur de négocier
un compromis avec ses créanciers. Compromis que
les créanciers ont avalisé lundi.
Les conditions de l’industrie ne seront pas
moins difficiles lorsque Quebecor World
commencera sa deuxième vie, vers la mi-juillet.
La concurrence dans cette industrie morcelée
reste féroce. C’est d’autant plus vrai que la
transition de l’imprimé vers l’électronique
aggrave encore la surcapacité.
Mais être l’un des imprimeurs les moins endettés
et les plus efficaces permettra à Quebecor
World, alias Novink, de son futur nom, de tirer
son épingle du jeu. C’est du moins l’espoir.
Espoir que Nortel a complètement perdu.
De Nortel à mortel - Michel
Girard
En huit années donc, Nortel a vu sa valeur
boursière passer de 400 milliards de dollars à
seulement une vingtaine de millions.
Qui pouvait prédire que le titre de Nortel
allait devenir « mortel » pour le portefeuille
! Août 2000. Il y a huit ans ou presque,
l’action de Nortel touchait un sommet
historique à 1245$. Pendant que la bulle
internet tirait à sa fin, Nortel Networks
représentait à elle seule plus du tiers de la
capitalisation boursière de la Bourse de
Toronto. Vendredi dernier, l’action de Nortel
a été retirée de la cote des Bourses de
Toronto et de New York. Le titre de cet ancien
fleuron de la bulle internet en est à ses
derniers balbutiements en se négociant
aujourd’hui comme un vulgaire penny stock sur
l’OTC Markets (Over The Counter). À combien? À
4 cents l’action. Et on parle ici d’une action
qui a déjà fait l’objet d’une consolidation de
10 pour 1. En huit années donc, Nortel a vu sa
valeur boursière passer de 400 milliards de
dollars à seulement une vingtaine de millions.
Victime de
manipulation comptable et de nouvelles
mensongères sous l’ancienne direction,
Nortel n’a jamais été capable de reprendre
son envol en dépit des efforts louables de
l’actuel président, Mike Zafirovski.
Lorsque Nortel se négociait à son zénith en
2000, la majorité des analystes des maisons de
courtage continuaient d’en recommander
l’achat. Les plus pessimistes des analystes y
allaient avec leurs sempiternelles
recommandations : « à conserver ».
C’est ce qui explique sans doute pourquoi
nombre de petits actionnaires de Nortel
avaient conservé leurs actions au lieu de les
liquider à fort prix. Ces petits actionnaires
rêveurs étaient légion. Un grand nombre
d’entre eux avaient « hérité » de leurs
actions de Nortel parce qu’ils étaient
actionnaires de BCE. On se rappellera que le
1er mai 2000, BCE avait redistribué à ses
actionnaires le gigantesque bloc d’actions de
Nortel que la société contrôlait.
Pour chaque lot de 100 actions de BCE,
l’actionnaire recevait 157 actions de Nortel,
et 100 actions de BCE. Imaginez la petite
fortune que ces 157 actions de Nortel
représentaient en août 2008. On pa r l e de
195 4 65 $ . Aujourd’hui, ces 157 actions
valent 6,28$, à la condition que vous puissiez
les revendre sur le marché américain O.T. C.
Nouveau symbole boursier de Nortel : NRTLQ. En
fait, elles ne valent même pas la commission
qu’il en coûte pour s’en départir, ne
serait-ce qu’avec un courtier à escompte
Mais quel gâchis ! À cause de quoi? La bulle
internet a entraîné Nortel Networks dans le
scandale financier… Ce fut carrément
désastreux pour Nortel. Victime de
manipulation comptable et de nouvelles
mensongères sous l’ancienne direction,
l’entreprise n’a jamais été capable de
reprendre son envol en dépit des efforts
louables de l’actuel président, Mike
Zafirovski.
Alors que le gouvernement Harper a accepté d’i
nvesti r dans le plan de sauvetage de General
Motors, i l a ref usé d’aider financièrement
Nortel. Conséquemment , e x pl i que
Zafirovski, l’entreprise n’a pu éviter la
faillite et son démantèlement prochain. Nortel
s’est placée sous la protection de la loi sur
les faillites en janvier dernier.
Chose certaine, les actionnaires de Nortel ne
pourront jamais accuser M. Zafirovski d’avoir
profité de sa position d’initié pour
s’engraisser le portefeuille à leurs dépens.
C’est plutôt le contraire qui est survenu. En
2007 et 2008, le grand patron de Nortel a
sorti de ses poches 1,7 million de dollars
pour acquérir sur le marché un bloc de quelque
160 000 actions.
De plus, croyant en la survie de Nortel
Networks, il a, dit-il, convaincu des membres
de sa famille d’investir également dans
l’achat d’actions de Nortel.
À l’instar de tous les actionnaires de Nortel,
M. Zafirovski et ses proches se retrouvent
aujourd’hui avec de lourdes pertes sur les
bras. Tout comme d’ailleurs plusieurs
dirigeants et administrateurs de la
multinationale déchue.
Cela m’amène à nous mettre en garde contre les
transactions d’achat des initiés. On a beau
dire, avec preuves à l’appui, que les grosses
transactions d’achat de 500 000$ ou plus des
initiés représentent généralement un bon
signal d’achat, la catastrophe de Nortel nous
ramène les deux pieds sur terre.
En Bourse, il n’y a jamais rien d’acquis, même
quand le grand patron investit massivement de
sa poche dans son entreprise, et ce en toute
bonne foi.
En terminant, notons que M. Zafirovski s’est
fait varloper par d’anciens employés lorsqu’il
a récemment paradé devant la Chambre des
communes. Ces derniers lui reprochent d’avoir
versé des primes de 45 millions à ses
collègues de la haute direction alors que
l’entreprise, placée sous la protection de la
loi sur les faillites, avait refusé de payer
des indemnités de départ à ses employés mis à
pied.
Le cul-de-sac européen
- Richard Dupaul
Une devise trop forte qui étrangle les
commerçants et les exportateurs. Des banques
qui ne prêtent pas... La zone euro peut-elle
trouver une issue à la crise ?
ÉCONOMIQUE La force de l’euro (à 1,62 $CAN
environ) fait maugréer beaucoup de Québécois
qui s’envolent vers l’Europe pour les vacances
estivales. Mais la devise européenne suscite
encore plus de mécontentement parmi les
détaillants slovaques et irlandais ces
jours-ci. Le président de la
Banque centrale européenne, Jean-Claude
Trichet, qualifie d’« adéquat » le niveau
actuel des taux.
Six mois après l’adhésion de la Slovaquie à
l’euro, le gouvernement enquête déjà sur les
raisons qui incitent des milliers de citoyens
du pays à faire leurs emplettes chez les
voisins, en Hongrie. Or, on connaît déjà la
réponse.
La poussée de 15% de l’euro contre le forint
hongrois, depuis le début de 2009, i ncite les
Slovaques à acheter de la nourriture, des
frigos et même des voitures moins chers en
Hongrie. Un exode douloureux, qui a fait
chuter de 9,2 % les ventes de détail slovaques
en avril.
L’euro trop cher
Les médias européens parlent aussi de la
grogne montante en Slovénie, le seul autre
pays d’Europe de l’Est, outre la Slovaquie,
qui a adopté l’euro. Le commerce de détail
dans ce pays a plongé de 13,4 % en mai alors
que les détai l l a nts blâ ment sur t out
l’euro, encore une fois.
Même phénomène en Irlande, dont les citoyens
se rendent chaque jour en Irlande du Nord pour
profiter des aubaines découlant de la
faiblesse de la livre sterling.
L’an dernier, le nombre d’Irlandais visitant
les « cousins » britanniques, au nord de l’île
celtique, a bondi de 26%, selon l’office de
tourisme. Une vraie gifle pour les
commerçants, au sud, dont les affaires ont
rétréci de 16% au premier trimestre.
P o u r é qui l i br e r les forces, le
détaillant britannique Marks& Spencer a dû
réduire de 12%, il y a 10 jours, le prix des
meubles et des appareils ménagers vendus en
Irlande. Le mois dernier, la chaîne de
supermarchés Tesco abaissait de 22% ses prix
dans 11 magasins irlandais pour soutenir ses
détaillants exaspérés.
Trichet ne bouge pas
Malgré l eur c r i d’a l a r me, les
commerçants exaspérés ont obtenu peu d’aide de
la Banque centrale européenne ( BCE), qui a
décidé jeudi de garder inchangé son taux
directeur à 1%.
Une baisse des taux d’intérêt, en temps
normal, affaiblit une devise en rendant les
investissements locaux moins attrayants.
Toutefois, le président de la BCE, Jean-Claude
Trichet, n’a pas bronché, qualifiant d’«
adéquat » le niveau actuel des taux.
Mais
comparé
aux banques centrales américaine ou
britannique, dont le principal taux est près
de zéro et qui ont imprimé en masse de la
monnaie pour lubrifier le système bancaire, «
la BCE continue d’être en retard dans son
soutien » à l’économie, déplore la firme
Capital Economics, de Londres.
La zone euro, qui s’enfonce dans une récession
d’environ 5% cette année, n’est même pas en
voie de convalescence. Les derniers
indicateurs de confiance montrent une timide
embellie, mais peu convaincante.
Le crédit en panne
Or, la BCE et plusieurs cambistes jugent
qu’une baisse de taux aurait peu d’impact sur
l’euro, dont la vigueur est surtout la
conséquence du repli des autres devises.
Le problème est en fait plus profond. Car les
banques européennes demeurent très frileuses
quand vient le temps de prêter aux
consommateurs et aux entreprises.
En effet, les conditions du crédit se
dégradent encore outreAtlantique. La
croissance des prêts au secteur privé a
nettement ralenti, en mai, affichant une
hausse de 1,8 % sur un an contre +2,3 % en
avril, selon la BCE.
Les chiffres ont de quoi inquiéter, car ils «
montrent qu’il n’y a toujours pas de détente
des conditions de crédit très dures » en
Europe, af f i r me la f i r me Global Insight
dans une étude. L’économie, donc, étouffe.
Le ralentissement du crédit s’explique aussi
par le fait que les entreprises ont gelé leurs
investissements face à des exportations en
baisse.
Bref, la crise est complexe et l’Europe
s’enfonce dans un culde-sac. C’est pourquoi M.
Trichet, au lieu d’abaisser inutilement les
taux, a opté pour une autre solution en
inondant le marché de liquidités la semaine
dernière.
La BCE a accordé un record de 442 milliards
(690 milliards CAN) de prêts aux banques
européennes sur une durée d’un an (à 1%). Le
but : abaisser le coût du crédit et stimuler
l’investissement et la consommation.
Cette opération est ambitieuse mais elle
arrive un peu tard au goût de certains. Car on
ne saura que dans un mois ou deux si la
stratégie est une réussite et si les
consommateurs ont enfin plus d’argent à
dépenser. Entre-temps, les commerçants i
rlandais et slovaques devront regarder leurs
clients filer vers la frontière.
L’Europe est hantée par la déflation
- Marc Thibodeau
—
Les gouvernements européens, qui tentent sans
grand succès de relancer leur économie à coups de
milliards, doivent maintenant composer avec le
spectre de la déflation.
Les dernières données de l’office européen des
statistiques, Eurostat, parues il y a quelques
jours, indiquent que l’indice des prix à la
consommation pour mai 2009 se situait au même
niveau qu’en mai 2008 pour les 16 pays utilisant
l’euro. C’est la première fois qu’une inflation
nulle est enregistrée depuis l’introduction de la
monnaie unique.
Certains pays membres ont enregistré dura nt la
même période une inflation négative. C’est le cas
de l’Irlande, où le recul sur un an est de près de
2%. L’ancien « tigre celtique » est l’un des États
du continent les plus touchés par la crise, avec
un recul attendu du PIB de près de 10% en 2009.
La France a aussi vu l’inflation passée sous la
barre du zéro en mai, avec un indice des prix à la
consommation en recul de 0,3 % par rapport à celui
enregistré à pareille date l’année dernière.
L’Institut national de la statistique et des
études économiques ( INSEE) a précisé qu’il
fallait remonter à 1957 « pour retrouver une
baisse annuelle » des prix dans le pays.
Annonce attendue
L’annonce d’une inf lation négative était attendue
par plusieurs analystes, qui l’expliquent par la
baisse marquée du coût de l’énergie et, plus
particulièrement, du pétrole. Le baril de brut
avait flambé à pareille date l’année dernière,
grimpant jusqu’à 150$ à l’été avant de chuter au
tiers de ce prix dans les premiers mois de la
crise.
L’indice des prix à la consommation pour les
produits « non volatils », excluant l’énergie et
l’alimentation, a augmenté de 1,6% dans la zone
euro pour la période considérée.
La ministre de l’Économie française, Christine
Lagarde, a rapidement réagi à l’annonce des
données de l’INSEE en soulignant qu’il s’agissait
d’une baisse « passagère » de l’indice des prix et
non d’une tendance durable susceptible de
paralyser peu à peu l’économie.
Elle a ajouté qu’il s’agissait, pour l’instant,
d’une évolution positive pour les consommateurs. «
Le repli temporaire des prix agit comme un facteur
de soutien à la consommation dans le contexte
difficile de la remontée du chômage », a-t-elle
expliqué.
Les analystes préviennent que l’inflation négative
ne peut être profitable qu’à court terme. Si elle
se maintient, les consommateurs sont amenés à
repousser leurs achats dans le temps,
affaiblissant plus encore la demande pour les
entreprises.
Ces dernières sont tentées de brader leurs
produits et cherchent à réduire leurs coûts
internes, exerçant une pression à la baisse sur
les salaires qui vient alimenter la baisse de la
demande et la spirale déflationniste. Et se
traduit par une longue période de morosité
économique.
Ce fut le cas notamment au Japon dans les années
90, souligne Cyril Blesson, analyste de la firme
d’investissement Seeds Finance.
Courte période
Malgré la baisse enregistrée en mai, ce
spécialiste ne croit pas que le continent va subir
une longue période de déflation. La hausse en
cours du pétrole, qui dépasse la barre des 70$ le
baril, devrait faire en sorte que l’indice des
prix à la consommation recommence à grimper avant
la fin de l’année.
Cette évolution, qui aura comme effet négatif de
réduire le pouvoir d’achat de la population, ne
doit pas faire oublier que l’Europe est une zone «
quasi structurellement déflationniste » depuis 15
ans, relève M. Blesson.
Pour se remettre des déficits importants
enregistrés au début des années 90, les
gouvernements de la zone ont tenu serrés les
budgets. La Banque centrale européenne a
parallèlement mené une politique centrée sur la
lutte contre l’inflation.
La force de l’euro a aussi miné la croissance,
souligne M. Blesson. « On a tendance à dire que
les États-Unis sont responsables de la crise, mais
c’est un peu court. Pendant 15 ans, l’Europe n’a
pas été une zone de croissance, les gouvernements
refusant de stimuler leur économie. Il fallait
bien que quelqu’un le fasse », dit-il.
La flambée des déficits menace les
contribuables européens
«
Bruxelles nous dit d’un côté qu’il faut que les États
européens combattent la crise en augmentant les dépenses
publiques, puis de l’autre qu’il faut faire attention
parce que nous allons dépasser les déficits qui étaient
prévus. »
La crise économique et les coûteux plans de relance mis
de l’avant pour la contrer promettent des lendemains
difficiles aux contribuables de l’Union européenne.
Les Irlandais, qui ont profité pendant des années d’une
croissance fulgurante avant de voir l’économie du «
Tigre celtique » s’écraser, viennent de l’apprendre à
leurs dépens. Et d’autres exemples pourraient suivre
sous peu.
Le premier ministre irlandais Brian Cowen a présenté il
y a quelques semaines un plan d’austérité qui n’épargne
pratiquement personne.
Des augmentationsd’impôt tous azimuts ciblant les
classes aisées, mais aussi la classe moyenne, notamment
à travers la hausse des taxes sur l’alcool, la
cigarette, et l’essence, ont été introduites dans
l’espoir de contenir le déficit public. Selon les
dernières projections, il pourrait excéder 10% du PIB en
2009.
Les f onc t i on na i r e s , qui avaient mani festé en
grand nombre dans les rues de Dublin en février, sont
aussi touchés par le plan, présenté comme une étape
incontournable par le gouvernement pour obtenir la
relance espérée.
« Il nous faut d’abord stabiliser les finances
publiques. Tant que nous ne pourrons pas nous remettre à
f lot, ceux qui ont investi chez nous et ceux qui
pourraient investir à l’avenir ne nous feront pas
confiance », a-t-il déclaré.
La Grande-Bretagne, qui est aussi aux prises avec une
détérioration marquée des finances publiques, s’est
engagée timidement sur une voie similaire dans son
dernier budget en augmentant les impôts des
contribuables qui gagnent plus de 150 000 £ (280 000$)
par année.
La plupar t des ana lystes dénoncent comme trop
optimistes les projections du ministre des Finances
Alistair Darling et ont prévenu que le prochain
gouvernement devra recourir à des coupes draconiennes.
Selon le Financial Times, ces coupes devraient toucher
directement la rémunération des fonctionnaires et
inclure des hausses d’impôts importantes.
M. Darling lui-même a fini par reconnaître que les
dépenses publiques devraient être resserrées « plutôt
sévèrement » dans un avenir rapproché.
Tant la
Grande-Bretagne que l’Irlande font l’objet d’une
procédure pour déficit excessif ouverte par la
Commission européenne, qui a aussi dans le collimateur
la Grèce, la France et l’Espagne. Les gouvernements de
ces États doivent présenter au plus tard en octobre 2009
les mesures qu’ils entendent prendre pour rétablir
l’équilibre.
L’initiative reflète la détérioration croissante des
finances publiques des pays de l’Union européenne, qui
sont durement touchés par la crise.
Le commissaire aux Affaires économiques, JoaquínAlmunia,
estime que la « consolidation budgétaire » est une
condition nécessaire pour permettre une relance durable
et qu’il serait par conséquent « désastreux » de laisser
filer les déficits sans sévir.
Les semonces de la Commission européenne ont été très
mal accueillies à Paris, où l’on martèle que « la
priorité est au redémarrage des circuits de financement
et à la relance de l’économie ».
Le ministre du Budget, Éric Woerth, estime que
l’attitude de l’organisation européenne est « un peu
gonflée ».
« Bruxelles nous dit d’un côté qu’il faut que les États
européens combattent la crise en augmentant les dépenses
publiques, puis de l’autre qu’il faut faire attention
parce que nous allons dépasser les déficits qui étaient
prévus », dit-il.
« Quand il y a un incendie, on ne chipote pas sur le
montant de la facture d’eau », souligne, de manière plus
imagée, le président de la Commission des finances du
Sénat, Jean Althuis.
Le gouvernement ne se voit guère annoncer des mesures de
restrictions alors que la tension sociale ne cesse
d’augmenter et que les syndicats mobilisent leurs
troupes pour obtenir une meilleure protection des
emplois et du pouvoir d’achat.
L’ex-prem i e r s e c r é t a i r e du Parti socialiste,
François Hollande, a f f i r me que le « laxisme » du
gouvernement vise d’abord et avant tout à protéger les «
privilégiés » et ne pourra durer qu’un temps, ce qui
rend incontournable une ponction fiscale accrue.
« Tout a une fin. Et la sortie de crise sera aussi
douloureuse que la crise elle-même... La question
majeure, politiquement, devient de savoir une nouvelle
fois qui paiera ! Ce serait un comble que les victimes
d’aujourd’hui soient les contribuables de demain »,
souligne M. Hollande.
La
pelle en attente - ANDRÉ
PRATTE
Les conservateurs savent que seuls les projets
annoncés dans les prochains mois leur seront
politiquement utiles.
Les fonds du programme de stimulation de
l’infrastructure, un élément clé du plan de relance
économique du gouvernement Harper, se font attendre.
Des municipalités craignent de ne pas pouvoir
profiter pleinement de la saison de construction de
2009. Du coup, certains projets devront peut-être
être retardés et ne pourront être terminés avant
l’échéance fixée dans le budget Flaherty, le 31 mars
2011.
Ce retard s’explique en partie par la lenteur des
négociations entre Ottawa et certaines provinces. À
ce jour, cinq provinces (dont le Québec) ont conclu
avec le fédéral une entente relative au Fonds de
stimulation de l’infrastructure.
Autre source de retard: à Ottawa, une partie de bras
de fer est engagée entre le politique et la
bureaucratie. La tension est une conséquence directe
de l’affaire des commandites. La columnist Chantal
Hébert intitulait d’ailleurs sa chronique d’hier
matin, dans Le Devoir: « Les commandites, prise II.
»
Rappelons que le juge Gomery a attribué une part
substantielle de la responsabilité du scandale au
sous-ministre des Travaux publics, Ranald Quail.
Selon M. Gomery, le haut fonctionnaire avait «
abdiqué son devoir » de superviser la gestion du
programme des commandites de crainte de déplaire à
ses patrons politiques. « L’une des qualités exigées
des hauts fonctionnaires est le courage », a
souligné le magistrat.
Les
fonctionnaires ont retenu la leçon. La fonction
publique a tenu à étudier chacun des centaines de
projets d’infrastructure soumis par les provinces et
les municipalités avant que les fonds ne soient
déboursés. Selon des informations qui ont coulé dans
les journaux, le sous-ministre des Transports et des
Infrastructures, Louis Ranger, a résisté aux
pressions de son ministre, John Baird, au point de
susciter le mécontentement de ce dernier et du
premier ministre lui-même.
Les conservateurs sont pressés d’aller de l’avant
pour de bonnes et de mauvaises raisons. Ils savent
que pour avoir quelque impact sur la relance
économique, les projets d’infrastructures doivent
être en chantier maintenant... sinon hier! Ils
savent aussi que seuls les projets annoncés dans les
prochains mois leur seront politiquement utiles
pendant une campagne électorale automnale.
Cette précipitation risque d’être néfaste, des
milliards de fonds publics étant dépensés pour des
projets plus ou moins bien ficelés, dont la
nécessité n’est peut-être pas aussi évidente que le
croient leurs promoteurs. Par ailleurs, même si on
fait le plus vite possible, dans bien des cas la
construction commencera alors que le pays sera déjà
sorti du creux de la récession.
Quand on le fait suivant un plan cohérent et à long
terme (voir le programme lancé en 2007 par le
gouvernement du Québec), investir dans les
infrastructures est une excellente idée. Mais quand
on veut aller vite, les risques de dérapage sont
importants. Or ces risques ne valent pas la peine
d’être courus parce que de toute façon, l’impact de
tels projets sur le ralentissement économique ne
sera pas significatif. Par contre, l’impact sur les
finances publiques sera certainement néfaste.
PROJETS
D’INFRASTRUCTURES
- Harper presse Québec d’agir
« L’argent doit être dépensé rapidement, sinon
il sera perdu. Ces milliards de dollars ne seront
pas disponibles pour toujours », a souligné M.
Harper.
— Dans une critique à peine voilée envers le
gouvernement du Québec, le premier ministre Stephen
Harper a estimé qu’il fallait mettre de côté les «
chicanes de compétences » et la lourdeur
administrative afin d’accélérer le démarrage de
projets d’infrastructures. Mais attention, il faut
faire vite, prévient-il, parce que l’argent du
fédéral ne sera pas disponible éternellement.
« L’argent doit être dépensé rapidement, sinon, il
sera perdu. Ces milliards de dollars ne seront pas
disponibles pour toujours », a souligné M. Harper,
hier, dans une allocution prononcée dans le cadre
des assises annuelles de l’Union des municipalités
du Québec (UMQ), à Gatineau.
« Les dépenses pour stimuler l’économie, prévues
dans notre plan d’action économique, s’arrêteront à
la fin de la récession, a-t-il ajouté. Nos déficits
seront aussi importants qu’ils ont besoin de l’être
pour nous aider à traverser cette récession. Mais
nos déficits doivent être temporaires. Notre action
doit être rapide et ciblée. »
En début de semaine, le ministre fédéral du Revenu,
Jean-Pierre Blackburn, avait carrément affirmé que
les retards dans la mise en oeuvre des projets
d’infrastructure étaient imputables directement à la
lenteur administrative à Québec.
Le premier ministre québécois, Jean Charest, qui
prenait aussi la parole devant les maires et
conseillers municipaux rassemblés à Gatineau, a
estimé que sa province était plutôt en avance sur
les autres.
« On travaille avec le fédéral pour aller le plus
vite possible. Tout le monde est conscient que dans
la période de ralentissement, il faut investir
aujourd’hui, a dit M. Charest. Je pense que tout le
monde travaille de bonne foi. Toutes les provinces
sont dans la même situation que nous. Mais je pense
qu’on est plus avancé dans la signature des
ententes. »
Ottawa
et Québec ont par ailleurs confirmé la bonification
des transferts aux municipalités de la taxe de vente
sur l’essence. De 2010 à 2014, les municipalités
recevront ainsi 2,6 milliards de dollars, soit une
augmentation de 55% par rapport à ce qui avait été
annoncé l’an dernier par M. Charest.
« C’est selon nous la meilleure façon de dépenser au
niveau des infrastructures, s’est réjoui le
président de l’UMQ, Robert Coulombe. Ça fait que
chaquemunicipalité peut planifier à court et à moyen
terme, plutôt que les autres programmes
d’infrastructures, où les enveloppes sont octroyées
en fonction du dépôt de projets. »
Il est par contre urgent d’agir, selon M. Coulombe,
pour débloquer les fonds plus vite pour tous les
projets qui ont été annoncés en grande pompe depuis
des mois.
« En ce moment, les chèques, on ne les voit pas. On
veut mettre en chantier des travaux rapidement. On
est prêt. Étant donné qu’on a gardé la structure
conventionnelle d’approbation pour s’inscrire dans
les programmes de subventions, les délais sont trop
longs », critique le président de l’UMQ, qui refuse
toutefois de blâmer l’un ou l’autre des
gouvernements.
S’adressant pour la première fois aux membres de
l’UMQ, le premier ministre Harper a rappelé les
nombreux investissements annoncés par son
gouvernement pour des projets d’infrastructures.
L’opposition à Ottawa reproche au gouvernement
conservateur d’annoncer desmilliards de dollars,
sans que l’impact ne se fasse toutefois sentir sur
le terrain.
Les
dépenses
fédérales de relance sont parfois mal dirigées
Des régions canadiennes où le taux de chômage est
élevé sont laissées pour compte, tandis que des
milliards de dollars en dépenses fédérales de
relance économique affluent dans des coins de pays
qui ont évité le pire de la récession, selon une
analyse effectuée par La Presse Canadienne.
Dans si x provinces, les régions qui profitent le
plus du programme de relance présentent en fait
des taux de chômage très inférieurs à la moyenne
provinciale.
Ainsi, les sommes confiées à la
Colombie-Britannique, à l’Alberta, à la
Saskatchewan, au Québec, au NouveauBrunswick et à
NouvelleÉcosse s ont a l l ées à des régions où
les travailleurs s’en sont tirés relativement
bien.
Dans trois autres provinces, soit le Manitoba,
TerreNeuve-et-Labrador ainsi que l ’ Ontario, les
régions qui ont profité des stimulants affichent
effectivement des taux de chômage plus élevés que
la moyenne, mais les régions favorisées ne sont
même pas les plus durement affectées par le
chômage au sein de chacune de ces trois provinces.
L’
Î le-du-Prince-Édouard ne c ompte qu’u ne s eule
région économique, selon la carte standard de
Statistique Canada, ce qui fait que l’on ne peut
pas faire de comparaisons au sein de la province.
Par ailleurs, la région canadienne où le secteur
de l’emploi s’est le plus détérioré, soit la
région de Cariboo à l’intérieur de la
ColombieBritannique, n’a reçu aucun t raitement
spécial dans le cadre du programme fédéral de
relance.
« Nous devons chercher à créer des emplois, mais
nous ne voyons pas cela arriver », se désole
Robert Leclerc, président du Conseil du travail de
Quesnel et région, dans le secteur de Cariboo.
« J’ai de la peine pour les travailleurs des
usines de pâtes et papiers, ajoute-t-il. Qui sait
ce qu’ils vont faire? » Les usines de la région
ont réduit leurs effectifs ou ont carrément fermé
leurs portes, indique M. Leclerc, et il pourrait y
avoir encore d’importantes pertes d’emplois.
L’objectif du programme fédéral de relance était
de « soutenir la croissance économique et l’emploi
cette année et l’an prochain tout en augmentant la
capacité de production du Canada à long terme »,
soulignait en janvier dernier Jim Flaherty,
ministre fédéral des Finances.
FAUSSE ROUTE - Patricia
Lefèvre
OPINION Il est si facile de dilapider des milliers de
dollars de fonds publics pour asphalter un bout de
chemin
Brièvement conseillère municipale d’un petit village
des Cantons-de-l ’ Est et c oordonnatrice depuis
plusieurs années d’un organisme à but non lucratif, j
’ai été rapidement scandalisée de la façon dont sont
gérées les subventions provinciales destinées aux
travaux publics.
Obligée de produire une tonne de justifications pour
chaque dollar dépensé par mon organisme, j ’ai en
effet constaté que l e s mêmes règles ne
s’appliquaient pas a u s e c t e u r municipa l . I l
est tellement facile, légal et ordinaire de dilapider
des dizaines de milliers de dolla rs de fonds publics
pour asphalter un bout de chemin sur lequel il ne
passe jamais personne, à part monsieur le maire, que
c’en est vraiment déroutant...
L e s budge t s d e vo i r i e dépendent
essentiellement de la bonne qualité des relations
entre le maire et le député. C’est en effet ce dernier
qui détermine, « en collaboration avec les
municipalités et les MRC », les montants qui seront
alloués à des fins d’a mél i or a t i on du r é s e au
local dans sa circonscription électorale. Quant aux
compensations allouées à des fins d’entretien, elles
sont inconditionnelles et le ministère des Transports
annonce candidement sur son site internet qu’il ne
vérifie même pas l’utilisation des fonds.
Dans notre village, comme dans beaucoup d’autres, vous
pourrez chercher longtemps les indicateurs de
fréquentation et d’état des routes sur lesquelles
devraient t héor i quement êt r e pr i s es l es
décisions. Et la plupart des contrats de voirie sont
accordés au même entrepreneur, année après année, sans
que personne ne s’en offusque (sauf les nouveaux
venus, qui finissent par s’habituer). L e s ystème e s
t t el l e ment ancré que bien souvent, on ne
retrouvera plus qu’un seul soumissionnaire pour
répondre aux appels d’offres…
En
conséquence, ma fille de 15 ans sait maintenant que
les routes ne servent pas à faire rouler des voitures,
mais à gagner des élections.
L’asphalte de monsieur le maire, c’est plutôt
folklorique. Mais quand on se met à parler de travaux
majeurs, comme l ’ i nstallation d’un système
d’épuration des eaux usées, la situation est encore
moins drôle. Une fois son contrat signé avec la grosse
f i r me d’i ngénieurs qui va chercher au fédéral et
au provincial les subventions requises par des travaux
dont elle assurera ensuite la maîtrise d’oeuvre, une
petite municipalité sera pieds et poings liés face à
cette dernière.
Comme la firme en question sera rétribuée en fonction
d’un pourcentage sur le montant total des t ravaux,
elle choisira généralement l ’option l a plus
coûteuse, même si celle-ci n’est pas la plus adaptée
au contexte local. La petite municipalité n’au r a pas
l es r essou r c es r e quises pou r é va l uer la
validité de l’option retenue par la f i r me, ni pour
surveiller son « maître d’oeuvre » durant la
réalisation des travaux. Et si des défauts
apparaissent, elle n’aura pas non plus les moyens de
se défendre en cour face à son puissant fournisseur,
même si celui-ci a tourné les coins ronds.
Dans les deux cas, ce sont des causes structurelles
qui provoquent l e ga s pi l l a ge d’argent public.
Des enquêtes au cas par cas permettront de colmater
quelques fissures, mais si les fondations sont
pourries, ça ne servira pas à grand-chose.
Choc et
contre-choc pétroliers
BP,
Eni, Petro-Canada... plusieurs géants pétroliers
réduisent leurs dépenses d’exploration en réaction à
la chute des prix du brut et de la demande mondiale.
La crainte des experts se confirme : on réunit les
éléments d’une remontée en flèche du cours de
L’agence internationale de l’énergie invite les
producteurs à continuer d’investir dans
l’exploration... sinon le monde vogue vers « une grave
pénurie de pétrole en 2013 ».
La semaine dernière, on a signalé un embouteillage
monstre à Rotterdam. Non pas dans les rues de cette
jolie ville néerlandaise, mais dans le port. Pour répondre à la croissance
de la demande mondiale d’ici à 2030, il faudra une
capacité de production de 64 millions de barils par
jour, soit huit fois la production de l’Arabie
Saoudite.
Plusieurs gros pétroliers ont dû jeter l’ancre à
l’écart des quais, obligés d’attendre avant de
décharger leur précieuse cargaison. Du jamais vu dans
le plus grand port européen.
La raison : les réservoirs du port de Rotterdam, qui
servent à stocker près de 12 millions de mètres cubes
de produits pétroliers, sont pour la plupart remplis à
ras bord. Il faut donc attendre qu’ils se vident… pour
les remplir à nouveau.
Cette congestion maritime peu commune est une autre
indication, avec la chute de 100$ US du prix du brut,
que la récession mondiale étrangle la demande
pétrolière.
Deuxième producteu r en importance en Europe, BP Plc (
British Petroleum) a sans doute pris note de ce qui se
passe à Rotterdam. Car en annonçant un plongeon de 64%
de ses profits au premier trimestre, mardi dernier, le
géant britannique a aussi réduit pour la deuxième fois
son budget d’exploration. BP abaisse ainsi de 10% ses
investissements prévus en 2009, à moins de 20
milliards US.
La stratégie semble faire tache d’huile. L’italienne
Eni SpA (profits en baisse de 43% au 1er trimestre) va
aussi freiner ses dépenses, ayant reporté des
investissements prévus dans des gisements
pétrolifères.
Même chose à Petro-Canada ( perte de 47 millions
contre un profit de 1,1 milliard un an plus tôt), qui
vient de suspendre le projet de sables bitumineux
Forts Hills, en Alberta. Son budget d’investissement
est aussi ramené au minimum.
Récession
La récession fait mal aux producteurs d’or noir.
Dans son dernier rapport , l’Agence internationale de
l’énergie (AIE) prévoit un recul de la demande
pétrolière de 1,2 million de barils par jour (mbj), ou
de 1,6%, cette année. Or, l’agence a révisé sept fois
ses prévisions en un an à cause de la crise
économique.
Chose
certaine, la demande va se contracter pendant deux
années d’affilée – ce qu’on n’a pas vu depuis le début
des années 80 – et elle enregistrera en 2009 sa plus
forte contraction depuis le début des années 70.
Dans ce contexte, pas surprenant que les prix du
pétrole se soient écroulés : d’un sommet de près de
150$US le baril l’été dernier, ils oscillent depuis
entre 43 et 53$US.
Le choc est important. Car l’OPEP (Organisation des
pays exportateurs de pétrole) soutient que le prix du
brut doit demeurer au-dessus de 70-75 $ US pour que
ses membres puissent justifier de nouveaux
investissements en exploration et en production.
Pénurie
Lemoisdernier, l’AIE a pourtant invité les producteurs
à prendre leur mal en patience et à continuer
d’investir, en tablant sur un regain des prix avec la
reprise économique. Sinon, le monde vogue vers « une
grave pénurie de pétrole en 2013 », prévient l’agence.
Mais on fait la sourde oreille dans l’industrie. Une
quarantaine de projets d’exploration ont été retardés
ou annulés depuis l’été, selon l’AIE.
Le recul des investissements porte le germe d’une
pénurie « catastrophique » et d’une flambée des prix,
a pourtant averti Ali Al Nouaïmi, le ministre saoudien
du pétrole, lors d’un séminaire international sur
l’énergie en mars. Il a raison.
Pour répondre à la croissance de la demande mondiale
d’ici à 2030, il faudra une capacité de production de
64 mbj, soit huit fois la production de l’Arabie
Saoudite, estime l’AIE.
« Les bas prix d’aujourd’hui préparent le terrain pour
une nouvelle poussée de prix dans l’avenir », a
prévenu le numéro 2 du Fonds monétaire international (
FMI), John Lipsky, dans une récente allocution.
Dans l’immédiat, le FMI ne se plaint pas trop de la
chute du prix du brut – une grosse économie qui
correspond à une injection de 1000 milliards US (2000
milliards US, selon l’OPEP) dans l’économie mondiale.
Mais on sait fort bien que ce répit n’est pas une
solution à long terme.
« Plus les prix du pétrole chuteront et plus ils
resteront bas longtemps, plus cela aura un impact
négatif sur l’offre future » , prévient M. Lipsky.
Autrement dit, le message du FMI est le suivant :
profitons des bas prix de l’essence pendant que ça
passe.
Le tourisme seul ne suffira pas
ESTORIL, Portugal — Les pays du sud de l’Europe,
fortement touchés par la crise économique
mondiale, misent sur une reprise du secteur-clé du
tourisme pour relancer leurs économies et
rembourser leurs dettes. Cette reprise ne devrait
toutefois pas être suffisante en 2010 pour leur
assurer une sortie de crise rapide. La Grèce, avec son
acropole, fait partie des 20 premières
destinations touristiques du monde. Les pays du
sud de l’Europe misent sur une reprise de
l’industrie pour relancer leurs économies.
L’Europe est l’une des premières destinations
touristiques du monde. Le tourisme, un des trois
premiers secteurs de services, compte pour environ
11% de son produit intérieur brut (PIB) et génère
24 millions d’emplois. Grèce, Espagne, Italie et
Portugal, qui font partie des 20 premières
destinations touristiques du monde, attirent à eux
seuls 130 millions de touristes par an.
Le tourisme « est considéré par le gouvernement
comme l’un des secteurs stratégiques pour le
développement économique durable du pays », a
ainsi estimé le ministre du Tourisme portugais,
Jose Vieira da Silva.
Cependant, au plus fort de la crise économique
mondiale en 2009, l’industrie touristique s’est
effondrée. L’Europe a été, avec le Moyen-Orient,
la région la plus touchée sur le plan touristique
en 2009 avec une baisse de 5% des arrivées dans
les pays du bassin méditerranéen, selon
l’Organisation mondiale du tourisme des Nations
unies (OMT).
Les choses semblent s’améliorer quelque peu en
2010. L’OMT prédit une « modeste » éclaircie en
Europe cette année, mais l’augmentation du nombre
de visiteurs pourrait n’être que de 1%.
Dans la station balnéaire d’Estoril au Portugal,
située à 25 km à l’ouest de Lisbonne, 2 0 0 9 aété
«u ne a n née noire », déplore son directeur
touristique, Duarte Nobre Guedes.
« Nous n’avons pas pu esquiver la crise mondiale
», a-t-il commenté, prédisant toutefois des
perspectives « bien plus favorables » dans l’un
des secteurs économiques « vitaux » du Portugal,
qui génère 10% du PIB et des emplois.
En Espagne, le tourisme est la première industrie
du pays, engendrant 11 % du PIB et employant plus
de 8% de la population active. Avec une baisse de
9% des arrivées à 52,5 millions d’euros (environ
73 millions CAN) en 2009, les revenus de
l’industrie touristique ont plongé de 6,8 % pour
atteindre 48 milliards d’euros (66,7 millions
CAN).
L’Espagne s’attend à une amélioration des arrivées
en 2010, mais ce sera seulement une « année de
transition », a estimé Joan Mesquida, chef du
département du Tourisme espagnol.
Le tourisme ne devrait en effet pas permettre à
lui seul une relance rapide del’économie dans ces
pays. « Il y a une croissance et cela va les
aider, mais c’est seulement une partie de ce qui
est nécessaire pour une reprise plus large », a
estimé David Goodger, économiste au sein de la
société Tourism Economics.
Le principal frein à la reprise du tourisme tient
notamment à ce que les principaux pays pourvoyeurs
de touristes, comme la Grande-Bretagne ou
l’Allemagne, connaissent eux-mêmes des
difficultés. Et, en temps de crise, les voyages
sont souvent le premier poste de dépenses sacrifié
dans le budget des ménages.
Le voyage à pic -
Jean-Pascal Beaupré
Le
parcours du tourisme québécois en 2009 ressemble à
une étape en haute montagne au Tour de France:
l’industrie doit affronter des côtes escarpées
avec un fort vent de face par temps maussade.
La première pente raide, c’est évidemment la pire
récession en un demi-siècle qui affecte le
tourisme mondial. Quand l’économie plie l’échine,
les familles ont le réflexe, quand elles n’y sont
pas contraintes, de réduire leur budget de
vacances et de rester dans leur propre cour. D’où
une diminution prévisible de 8% de l’activité
touristique sur la planète au premier trimestre.
Le Québec n’échappe pas à cette tendance : de
janvier à avril, la province a accueilli 6% moins
de touristes que durant la même période l’an
dernier.
Autre obstacle majeur à surmonter : la perte du
Grand Prix du Canada a dépouillé l’économie
montréalaise de dizaines de millions de dollars
dépensés par les touristes étrangers,
principalement européens, amoureux de Formule 1.
Sans compter que le retrait de la célèbre épreuve
au circuit Gilles-Villeneuve, qui était
retransmise dans le monde entier, prive Montréal
d’une précieuse visibilité.
Le défi devient herculéen lorsqu’un huard à 90
cents pénalise doublement le tourisme québécois.
D’une part, il rend le Québec moins attrayant
comme destination touristique pour les Américains,
qui composent les deux tiers de nos touristes
étrangers. Leurs finances étant déjà sérieusement
affaiblies par la crise, ils ne voient plus dans
leur voisin du Nord l’aubaine qu’il représentait
lorsque le dollar canadien valait moins de 70
cents, il y a quelques années.
À
l’inverse, avec un dollar canadien tonifié, ce
sont plutôt les Québécois qui ont l’occasion de
visiter les États-Unis à moindres frais. En
conséquence, ils dépensent moins dans leur propre
province. La récession ayant été moins sévère ici
qu’ailleurs, passablement de Québécois ont encore
les moyens de s’offrir des périples à l’étranger.
Si ce n’était pas suffisant, le mauvais temps des
dernières semaines a poussé beaucoup de Québécois
à mettre le cap vers les destinations ensoleillées
du Sud plutôt que de se promener sur les routes
mouillées du Québec. D’autant plus que des
vacances dans les Caraïbes ne coûtent parfois pas
plus cher. Rien pour améliorer le déficit
touristique de près de 1 milliard que le Québec
enregistre bon an mal an.
Évidemment, on peut espérer que la désaffection
des touristes étrangers soit circonstancielle et
temporaire. Sauf que l a repr i s e économique qui
semble poindre s ’ annonce plutôt anémique, de l ’
avi s d’économistes réputés. Les Américains
épargnent davantage, donc consomment moins, et
verront leur taux de chômage augmenter pendant
encore plusieurs mois. Les Européens ne sont pas
encore sortis du bois eux non plus.
Quant au Grand Prix, reviendra-t-il à Montréal en
2010 ? Bien malin qui pourrait le prédire. On
verra s’il sera réinscrit au calendrier qui sera
rendu public à l’automne.
Alors, que faire pour préserver les 330 000
emplois générés par le tourisme au Québec ? Les
trois quarts des touristes sont déjà des Québécois
eux-mêmes. En attendant des jours meilleurs, on
aurait intérêt à consacrer encore davantage nos
dollars-vacances à découvrir les attraits de la
Belle Province. Un brin de protectionnisme
touristique ne nous ferait pas de tort.
UN ÉTÉ SOMBRE POUR LES
HÔTELLIERS - Louise Leduc
Et
s’il n’y avait que le Grand Prix! Ajoutez la
crise, la météo, le fait que le touriste arrive
ici surtout avec l’intention d’y trouver l’aubaine
du siècle, et vous avez de gros nuages noirs qui
planent sur l’industrie touristique. Dans l’oeil
du cyclone
En 25 ans dans l’industrie touristique, je n’ai
jamais rien vu de tel. » Directeur général du
Delta, rue Président-Kennedy, Alain Crevier
explique que, en juin, à son hôtel, le taux
d’occupation était de 10% plus bas que l’an
dernier, disparition du Grand Prix oblige.
L’ennui, c’est qu’il n’y a pas d’éclaircie à
l’horizon. « Le mois d’août s’annonce terrible
aussi, les clients n’ont pas réservé », dit-il. Depuis le début de l’année
à Montréal, le taux d’occupation des hôtels est
en baisse de 8%.
Les heures des femmes de chambre et des serveurs
ont été réduites, mais il hésite à supprimer des
postes. « Il y aura pénurie de main-d’oeuvre
bientôt. Quand les affaires vont reprendre, on
aura besoin d’eux. »
Depuis le début de l’année à Montréal, le taux
d’occupation des hôtels est en baisse de 8%.
Et encore, ce chiffre ne rend pas compte de toute
la déprime de l’industrie. Car si la baisse n’est
pas plus marquée, c’est que les hôtels consentent
des rabais substantiels.
À l’Hôtel Reine-Élizabeth, en juin, les chambres
coûtaient en moyenne 60 $ de moins qu’en juin
2008, explique la directrice générale, Johanne
Papineau. « En ce moment, il y a une réelle guerre
de prix. Cela fait en sorte que notre clientèle
est très inhabituelle : les gens cherchent les
aubaines. »
« Même les congressistes, qui se font rares,
veulent payer le moins cher possible! » résume M.
Crevier, de l’Hôtel Delta.
Tout est-il perdu ? Danielle Chayer,
vice-présidente et directrice générale de
l’Association des hôteliers du Québec, note que
l’été est particulièrement difficile à Montréal et
à Québec parce que ces villes ciblent surtout les
touristes de l’extérieur du Québec – de l’Ontario,
frappée de plein fouet par le déclin du secteur
automobile, ou alors des États-Unis ou de
l’Europe, très marqués par la crise de façon
générale.
Des vacances en régions
Par contre, en région, ça s’annonce tout à fait
correct. « La saison a commencé tranquillement
parce que les Québécois ont de plus en plus
tendance à ne prendre leurs vacances qu’en août,
mais tout indique que des régions comme Charlevoix
et l’Estrie s’en sortiront très bien », prévoit
Mme Chayer.
Impossible de dire quel est l’effet direct de la
publicité, mais le ministère du Tourisme du
Québec, dès le printemps, a encouragé les
Québécois à prendre leurs vacances ici. « L’idée
n’est pas d’obliger qui que ce soit à rester ici,
mais il est bon de rappeler aux gens que, quand
ils passent leurs vacances au Québec, ils aident
une industrie touristique dans laquelle
travaillent 300 000 Québécois », relève Michel
Couturier, directeu r général du ma rket i ng au
ministère du Tourisme du Québec.
Le réf lexe à Montréal et à Québec: baisser les
prix, ce que déconseille l’Association des
hôteliers. « Si l’hôtelier loue sa chambre 169 $
habituellement et qu’il baisse son prix à 89$, il
risque d’avoir bien du mal à revenir à son prix
réel, surtout si la crise se poursuit. On
encourage plutôt les hôteliers à offrir une prime
: une troisième nuitée gratuite, un massage, un
cocktail, par exemple », dit Mme Chayer, de
l’Association des hôteliers du Québec.
Ce qui complique aussi les choses, pour les
hôteliers, c’est que « les gens ont de plus en
plus tendance à réserver à la dernière minute,
même quand ils arrivent d’outre-mer », relève
Michel Couturier.
Ce qui s’essouffle particulièrement? Pour les
congrès, ce n’est pas la meilleure saison, mais
c’est conjoncturel, croit-on. Par contre, ce qui
semble s’affirmer comme une tendance à long terme,
c’est le désintérêt grandissant pour le voyage de
groupe. « Les babyboomers ne veulent plus se faire
organiser ! La moyenne d’âge de ces voyages de
groupe est de 69 ans. C’est vous dire à quel point
cette clientèle est en voie de disparition »,
évoque M. Couturier.
En revanche, les destinations « grande nature »
sont de plus en plus populaires. Les Français ont
longtemps demandé et redemanderont encore du
fleuve et des baleines – si la crise finit par
passer –, mais le ministère du Tourisme commence
aussi à faire miroiter les paysages québécois aux
Américains, qui ont longtemps eu tendance à ne
faire ici qu’un petit tour, à peine un bout
d’autoroute 20, sans jamais s’aventurer au-delà de
Québec.
Enfin, tantàTourismeMontréal qu’au ministère du
Tourisme, on ne lésine pas sur l’opération
séduction des jeunes urbains de Paris ou de
Londres qui, croiton, envisagent de plus en plus
de franchir l’océan pour aller à New York. S’ils
vont passer le weekend à New York, pourquoi ne
viendraient-ils pas à Montréal, la prochaine fois
?
Le Québec ou l’Europe à peu de frais
«
Tout ce que notre conducteur de calèche nous a
dit, c’est le nom et l’âge de son cheval, et puis
il nous a dit qu’on était devant le Château
Ramezay. Autrement, il était tout le temps au
cellulaire et il s’arrêtait très souvent pour
faire des transactions d’argent. Selon moi, notre
conducteur de calèche, c’était un vendeur de
drogue! » lance en riant Nicole Larose, une
anglophone de Vancouver en visite à Montréal avec
ses trois filles.
Malgré tout, à l’instar des touristes rencontrés
dans le VieuxMontréal, ceux qui viennent ici y
trouvent généralement leur compte. Vive les
festivals, vive les musées, mais encore une fois,
ce que les touristes disent beaucoup apprécier
ici… ce sont les Québécois eux-mêmes. « La
gentillesse et la politesse des gens est
frappante, dit Julien Terrier, de Perpignan, en
France. Chez nous, quand tu prends le bus, c’est
la cohue. Pas ici. »
Linda et David Horn, de Floride, nous trouvent
aussi bien gentils, Peter et Sheila Sharf, de
ColombieBritannique, adorententendreparler
français – tout en se faisant parfaitement
comprendre en anglais.
Le Québec, pour les Ontariens et les Américains,
c’est un peu l ’ Europe, une Europe sans l’euro,
une Europe à peu de frais. « Nous avons mangé dans
un très bon restaurant hier et on s’en est tiré
avec une addition de 40$, c’était très raisonnable
», dit Linda Horn.
«
Les Français savent que c’est très peu cher ici,
alors beaucoup de mes amis m’ont demandé de leur
rapporter des trucs: des iPod, des vêtements, etc.
», dit M. Terrier.
Les touristes sont d’ailleurs très nombreux à
s’attendre à trouver d’excellentes aubaines.
Plusieurs ont d’ailleurs des attentes
démegratuite, même après qu’on lui eut dit que
c’est aussi le cas des grandes églises
européennes.
Claudina Pintado, de Mexico, n’en est pas revenue
de se faire imposer, à cinq jours d’avis, un visa
qui, avec le chèque certifié à faire, lui a coûté
100$. « Aussi, je m’attendais à ce qu’une ville
comme Montréal soit beaucoup plus accessible aux
fauteuils roulants. Dans le métro, ce n’est pas
terrible mais en plus, à tout moment, je dois
descendre des trottoirs parce que les restaurants
y installent des tables. » Mme Sharf, elle, trouve
qu’il manque de restaurants familiaux abordables
àMontréal. Quant àMme Larose de Vancouver, elle
n’en revenait pas de voir autant de fumeurs dans
les rues. « La fumée de cigarette, c’est quand
même embêtant. »
Même dehors ? « Oui, oui, même dehors. »
L’embarras du choix aux États-Unis -
Judith LaChapelle
Trouver un motel sur les plages du Maine à la
dernière minute, à la fin du mois de juillet?
C’était impossible, ou très difficile, ces
dernières années. Mais cet été, les vacanciers ont
l’embarras du choix.
L’industrie touristique américaine est en mauvaise
posture cette année. Du petit motel de
Nouvelle-Angleterre jusqu’aux grands palaces f lot
tants de Floride en passant par Las Vegas au grand
complet, des chambres vides attendent des clients
qui ne viennent pas. Les Américains ayant choisi
de rester à la maison cet été, l’industrie
touristique fait les yeux doux aux Canadiens,
moins touchés par la crise économique.
« Nous, ça va bien, on a une bonne clientèle qui
revient d’année en année » , dit Danielle
Bourassa, du motel Kebek 3, à Old Orchard Beach. «
On parle français, c’est un grand avantage pour
les Québécois. Mais dans les autres hôtels, ça
paraît que c’est vide. Peu d’établissements
affichent complet. »
Le téléphone sonne moins au bureau, ajoute-t-elle.
Mme Bourassa estime que, auparavant, sa clientèle
était à 80% québécoise. Comme les Américains ne
voyagent plus, la proportion de clients québécois
a grimpé à plus de 90% dans son établissement. De
plus, la saison a bien mal commencé sur la côte
Est, avec 28 jours de pluie en juin, dit Mme
Bourassa. « Le motel n’était pas plein pour le
Memorial Day (dernier lundi de mai), ce qui est
assez rare. Mais il l’était à la fête de la Reine,
même si ça a pris plus de temps. »
Des chambres, en pleines vacances de la
construction, il en reste aussi quelques-unes au
Wel ls-Ogunquit Resor t . « C’est la première fois
depuis plusieurs années », dit sa propriétai re,
Sarah Proach. Le mauvais temps de juin, la crise
économique, « et peut-être aussi les tracas liés
aux passeports » expliquent ce ralentissement,
croit Mme Proach. Les hôtels et les restaurants du
coin en pâtissent. « C’est probablement la pire
année depuis 10 ans », dit-elle. Selon Steve
Lyons, directeur du marketing à l’Of fice de
tourisme du Maine, on s’attendait à cette
situation : « La US Travel Association avait prévu
que les voyages au pays seraient en baisse de 2,5%
cette année. Mais il est encore trop tôt pour dire
ce qu’il en sera réellement. S’il fait beau, avec
des températures de 30°C tous les jours, on
pourrait peut-être renverser la tendance. »
Ailleurs aux États-Unis, la situation est loin
d’être plus rose. « Les compagnies de bateaux
américaines ont des prix que je n’ai jamais vus de
ma vie », dit Lyne Rose, présidente de Voyages
Bergeron. Une croisière d’un mois, du Chili à la
Floride, à 4000$, « je n’ai jamais vu ça ! »
s’exclame Mme Rose.
« Et Las Vegas pleure », dit la voyagiste. « Il y
a des aubaines à saisir en général. » Mais si le
prix des croisières ou des forfaits avion-hôtel
est à la baisse, ce n’est pas nécessairement le
cas pour un touriste qui se rend en voiture à
Boston, par exemple.
Il reste que les Canadiens ont un peu plus
d’argent en poche que les Américains pour voyager
et que l’industrie touristique ne ménage pas les
efforts pour les attirer. Prix réduits, dol la r
au pai r ou presque, « c’est très alléchant,
partout, partout ».
Les dépenses touristiques continuent
de ralentir au pays
—
Les dépenses touristiques ont diminué de 1,3 % au
premier trimestre de 2009 au Canada, en raison
principalement du fort recul des dépenses des
visiteurs étrangers.
PHOTO MARTIN ROY,
ARCHIVES LA PRESSE
Les dépenses des visiteurs
étrangers au Canada ont diminué de 5,7 % au
premier trimestre de 2009. Il s’agit du 14e
recul au cours des 17 derniers trimestres et de
la baisse la plus marquée depuis la crise du
syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) au
deuxième trimestre de 2003.
Statistique Canada a précisé hier que c’est la
première fois que les dépenses touristiques
affichent des reculs pendant trois trimestres
consécutifs depuis 2001, alors que le secteur du
tourisme, déjà en proie à un ralentissement, était
frappé par les attentats terroristes du 11
septembre.
Au cours du repli de 2001, le recul cumulatif des
dépenses touristiques s’était élevé à 5,3 %. Par
la suite, en raison de la crise du syndrome
respiratoire aigu sévère (SRAS), la demande liée
au tourisme avait diminué de 5,8 % pendant le
premier trimestre et le deuxième trimestre de
2003.
Le repli actuel est jusqu’ici moins prononcé,
puisqu’il atteint 2,4 %.
Les dépenses des visiteurs étrangers ont diminué
de 5,7 % au premier trimestre de 2009. Il s’agit
du 14e recul au cours des 17 derniers trimestres
et de la baisse la plus marquée depuis la crise du
SRAS au deuxième trimestre de 2003.
Les visiteurs en provenance de l’étranger ont
moins dépensé au chapitre de tous les biens et
services touristiques. Les dépenses liées au
transport étaient particulièrement faibles, en
baisse de 8,0 % par rapport au trimestre
précédent. La consommation de carburant automobile
a diminué de 10,3 %, tandis que le nombre de
voyages de même jour en automobile en provenance
des ÉtatsUnis continuait sa descente. Les dépenses
en restauration ont également été remarquablement
plus faibles, soit une baisse de 8,0 %.
Les dépenses des Canadiens au chapitre du tourisme
dans leur propre pays ont régressé légèrement de
0,1 % au cours des trois premiers mois de 2009,
après avoir affiché des reculs modestes au cours
des deux trimestres précédents.
De plus, l ’emploi dans le tourisme a reculé de
0,4 % au premier trimestre, en raison des pertes
dans les services de voyages, les services de
restauration et l’industrie du transport aérien.
Des gains ont toutefois été enregistrés dans les
industries de l’hébergement ainsi que des loisirs
et divertissements.
Des pertes colossales - Claude
Picher
Si
les deux premiers mois de l’année sont
représentatifs de la suite des choses, les pertes
pourraient donc friser, à l’échelle de la planète,
les 70 milliards, l’équivalent de plusieurs
millions d’emplois.
On peut déjà prédire que l’impact de la crise
économique sur le tourisme mondial sera
catastrophique cette année. Selon la plus récente
compilation de l’Organisation mondiale de tourisme
(OMT), un organisme des Nations unies dont la
crédibilité est solidement établie, le nombre de
touristes internationaux est en baisse de 7,7 %
pour les deux premiers mois de 2009, par rapport à
la période correspondante l’an dernier. Il est
très rare d’observer des chutes de cette ampleur.
PHOTO DAVID
BOILY, LA PRESSE
Les recettes du tourisme international ont atteint
près de 900 milliards l’an dernier (tous les
montants, dans cette chronique, sont exprimés en
dollars américains). Si les deux premiers mois de
l’année sont représentatifs de la suite des
choses, les pertes pourraient donc friser, à
l’échelle de la planète, les 70 milliards,
l’équivalent de plusieurs millions d’emplois.
Le secteur touristique a connu une croissance
spectaculaire entre 1995 et 2007. Pendant ces 12
années, le nombre de touristes internationaux est
passé de 537 à 908 millions, une hausse annuelle
moyenne de 5,5 %.
L’industrie touristique a frappé un mur à compter
de l’été 2008. L’année avait pourtant bien
commencé, avec une hausse de 6% de janvier à juin,
performance qui s’inscrivait tout à fait dans la
moyenne des années précédentes. Mais dès que les
premiers signaux du naufrage financier sont
apparus, la situation a complètement changé. Les
six derniers mois, qui comprennent notamment le «
pic » de juillet et août, s’est traduit par un
recul de 2%. Pour finir, l’année s’est soldée par
une faible progression de 1,7 %.
L’important recul de 7,7 % observé au début de
2009 masque d’importantes variations régionales.
La région la plus touchée est le Proche-Orient
(une quinzaine de pays, dont la Turquie, Israël,
l’Iran et l’Arabie Saoudite qui accueille près de
trois millions de pèlerins par année), avec une
chute de 28%. À l’autre bout de l’échelle,
l’Afrique du Nord, et notamment les populaires
destinations du Maroc et de la Tunisie, a connu
une croissance de 5%. Le Proche-Orient et
l’Afrique du Nord, ensemble, comptent pour près de
8% du volume du tourisme international. La région
la plus visitée, et de loin, est l’Europe, qui
accapare à elle seule 53% de tous les voyages
intern a t i o nau x . E n janvier et février, l’
Europe a subi u ne ba i s s e de 8, 4 %, les pays
les plus touchés étant l ’ Italie et l’Espagne.
Les États-Unis et le Canada, qui comptent ensemble
pour 11% des voyages, encaissent un recul de 3,4%,
beaucoup moins grave que la moyenne.
Nuages sombres, donc, pour le secteur touristique,
mais cela ne nous empêchera pas de terminer sur
une note optimiste, pour deux raisons.
D’abord, il est loin d’être certain que 2009
accuse des pertes de 70 milliards, comme nous
l’avons vu plus haut. Ce chiffre est le résultat
d’une projection basée sur les deux premiers mois.
Par définition, ce genre de projection est
toujours risqué. L’exercice peut être utile pour
fournir un ordre de grandeur, mais ne nous permet
pas de conclure que le reste de l’année sera aussi
désastreux que les deux premiers mois. Au Canada
et aux ÉtatsUnis, nous savons même que l’indice de
confiance des consommateurs, durement amoché
durant la crise, est en train de reprendre du poil
de la bête. Cela peut se traduire par une baisse
moins marquée que prévu des voyages
internationaux. C’est peut-être déjà commencé,
mais nous ne le saurons pas avant l’automne.
L’OMT, qui doit colliger des milliers de données
fournies par les 160 pays membres de
l’organisation, publie ses chiffres avec quelques
mois de décalage. En revanche, les spécialistes de
l’organisation sont formels : les voyages
internationaux seront en forte baisse cette année.
D’autre part, l’OMT s’intéresse au tourisme
international. Elle établit ses statistiques en
compilant les arrivées de touristes dans chacun
des pays membres. Ses données excluent donc les
voyages intérieurs. Or, en période de crise, les
consommateurs sont plus portés à sabrer leur
budget de vacances internationales, plus coûteuses
que des vacances passées chez eux. Au Québec, par
exemple, il est possible qu’il y ait cet été moins
de visiteurs européens, japonais ou américains.
Mais il est également possible que de nombreux
Québécois renoncent à un voyage outre-mer au
profit d’une destination locale.
TOURISTES RECHERCHÉS - Marie
Tison
Amputée du Grand Prix de Formule 1, l’industrie
prévoit un été sans soleil Avec la crise financière,
la hausse du chômage et le prix du pétrole qui ne
cesse de grimper, personne ne s’attend à un été de
rêve dans l’industrie touristique. Mais si la situati
Les autocars de touristes ont commencé à déverser leur
cargaison aux abords du Vieux-Montréal. Disciplinés,
les touristes suivent une guide qui agite un petit
drapeau jaune au-dessus de sa tête, histoire d’être
bien visible et de ne perdre personne au détour d’une
rue ou dans la foule.
Or,
les foules ne seront peut-être pas au rendez-vous
cet été. La belle saison ne s’annonce pas très
clémente pour l’industrie touristique.
Plusieurs gros nuages s’amoncellent, à commencer
par la récession, qui frappe particulièrement fort
les plus importants marchés que vise l’industrie
touristique québécoise, soit les États-Unis,
l’Ontario et l’Europe.
« Nous ne sommes pas très optimistes en ce qui
concerne juillet et août, soupire Bill Brown,
vice-président exécutif de l’Association des
hôtels du grand Montréal. Nous ne nous attendons
pas à grand-chose, avec ce qui se passe dans le
monde. »
Les hôteliers ne croient pas que les milliers
d’Américains et de Canadiens qui ont perdu leur
emploi depuis le début de l’année prendront des
vacances.
« Quant à ceux qui travaillent dans de grandes
compagnies comme GM, Ford ou Citibank et qui ne
savent pas d’une journée à l’autre si leur emploi
va durer, même s’ils prennent des vacances, je
pense qu’ils vont rester chez eux », indique M.
Brown.
Le fait que le passeport soit maintenant exigé à
la frontière constitue un autre nuage.
«
C’est une certaine limite, mais nous pensons que
les gens vont s’y habituer, surtout ceux qui
vivent près de la frontière », déclare Martine
Lizotte, responsable de la recherche et des
relations publiques chez Tourisme Montréal.
Le taux de change extrêmement variable des
dernières semaines constitue une autre
incertitude.
« Il joue quand même en notre faveur par rapport à
l’année dernière », soutient Mme Lizotte.
Le coût de l’essence pourrait également avoir un
impact, même si, pour l’instant, « ce n’est pas
encore » trop important, selon Mme Lizotte.
La grippe A ( H1N1) ne vient pas améliorer les
choses.
« Elle contribue à réduire la mobilité », déplore
François Meunier, vice-président aux affaires
publiques et gouvernementales à l’Association des
restaurateurs du Québec.
UN ÉTÉ SANS GRAND PRIX
Les statistiques officielles pour les mois de mai
et juin ne sont pas encore disponibles. Mais en
avril, le taux d’occupation dans les hôtels
montréalais a chuté de 11% par rapport à avril
2008.
Le prix moyen d’une chambre a aussi glissé de près
de 7 % pour atteindre 128,14$.
Pour couronner le tout, le Grand Prix de Formule 1
n’a pas eu lieu cette année. L’année dernière,
l’événement avait attiré 319 000 spectateurs.
Selon Tourisme Montréal, ce sont 100 millions de
dollars de dépenses touristiques qui ne se sont
pas matérialisées cette année.
« Ça nous a fait mal, a déclaré Bill Brown, de l
’Association des hôtels du Grand Montréal. Pour
nous, ce sont les trois ou quatre jours les plus
importants de toute l’année. On peut essayer de
remplacer le Grand Prix par plusieurs événements,
mais pas par un événement unique. »
L’hôtel Westin, qui a ouvert ses portes à la
mi-mai, aurait bien aimé bénéficier du Grand Prix
pour remplir ses 454 chambres rapidement après son
ouverture. Le directeur général de
l’établissement, Jacques Baheux, se montre
toutefois philosophe.
« Cette semaine-là, nous avions deux groupes, qui
occupaient 300 chambres, indique-t-il. Mais le
Grand Prix, ça nous aurait aidés. »
Le groupe Starwood Hotels & Resorts Worldwide,
qui possède Westin, a fait l’acquisition de
l’ancien édifice du quotidien
en octobre 2005 pour en faire un hôtel de luxe.
«
Lorsque les propriétaires ont acheté
l’emplacement, ils ne s’attendaient pas à une
crise économique en 2009, déclare M. Baheux. Le
côté positif, c’est qu’ils ont continué avec le
projet et ils ont fait l’ouverture. »
Il affirme que les premiers résultats sont même
supérieurs à ce qui avait été prévu. Selon lui, ce
serait dû au fait que le Westin est un tout nouvel
hôtel et qu’il est bien situé. Étant placé dans le
Vieux-Montréal et aux abord du Palais des congrès
et du Quartier international, il peut compter sur
une clientèle de touristes, de congressistes et de
gens d’affaires.
François Meunier affirme pour sa part que la
situation est loin d’être désastreuse pour les
restaurateurs, qui peuvent compter sur une bonne
clientèle locale.
« Depuis le début de l’année, nous avons 7% moins
de faillites qu’à pareille date l’année dernière,
soutient-il. Les ventes ont augmenté de 5%. »
Cette augmentation a toutefois été compensée par
la hausse du coût des denrées et de la
main-d’oeuvre.
« La crise n’a pas touché le Québec autant qu’on
l’avait prédit, soutient-il. Il y a un niveau de
prudence, mais c’est plus lié à la perception
qu’ont les gens de la situation. Pour le reste, ça
se maintient assez bien. Les scénarios catastrophe
qui nous pendaient au-dessus de la tête ne se sont
pas encore concrétisés. »
Martine Lizotte, de Tourisme Montréal, fait
également preuve d’optimisme en ce qui concerne
l’automne prochain.
« Nous savons déjà que le début de l’automne va
bien se passer parce que nous avons plusieurs
réservations pour des congrès », affirme-t-elle.
Les congrès représentent environ 40% des recettes
touristiques de Montréal, soit environ 2,3
milliards de dollars.
LE SPLEEN DU TOURISME PARISIEN - Marc Thibodeau
A
priori, difficile de percevoir l’ombre d’un
changement en arpentant les rues de la capitale
française, qui demeure depuis des lustres l’une
des destinations touristiques les plus courues de
la planète. La récession, qui frappe
particulièrement fort les plus importants
marchés que vise l’industrie touristique
québécoise, soit les États-Unis,
Dans l’île Saint-Louis, des dizaines de curieux
s’alignent sur une file tous les jours devant les
boutiques pour goûter les glaces Berthillon,
devenus par quelque miracle du marketing moderne
un passage obligé pour tout visiteur de la Ville
lumière.
À un jet de pierre de là, des familles font le
pied de grue, matin comme après-midi, en attendant
de découvrir les splendeurs de la cathédrale
Notre-Dame. Sur la Seine, en contrebas, passent et
repassent des vedettes bondées de bruyants
passagers.
L’heure est néanmoins à la morosité parmi les
commerçants du secteur, qui évoquent une baisse de
fréquentation substantielle de leurs
établissements.
« On parle d’une diminution de chiffre d’affaires
d’entre 30 et 50%. C’est la même chose pour tout
le monde », confie Barbara, vendeuse au magasin de
souvenirs Paris Forever.
« Il y a beaucoup moins de touristes. Et ceux qui
viennent sont beaucoup plus attentifs à leur
argent », indique la commerçante, qui se fait
souvent demander de revoir à la baisse le prix
demandé pour ses versions miniatures de la tour
Eiffel ou ses plaques de rue.
« Les gens se permettent de voyager mais ils font
très attention après de ne pas dépasser leur
budget. C’est normal. On ne sait pas de quoi
demain sera fait avec cette crise économique »,
ajoute-t-elle.
Les magasins de souvenirs ne sont pas les seuls à
se plaindre par les temps qui courent de la rareté
relative des touristes.
Les hôteliers, qui avaient résisté au pire en
2008, ont vu le nombre de nuitées reculer de plus
de 10 % en février, selon l’Institut national de
la statistique et des études économiques, qui
prévoyait une accélération de la baisse pour les
mois subséquents.
Les prévisions pour la haute saison d’été ne sont
pas très encourageantes, confirme la présidente de
l’Union des métiers et des industries de
l’hôtellerie, Christine Pujol, qui s’inquiète «
terriblement » à ce sujet.
Les visiteurs en provenance de certains pays
habituellement friands de la France ont
pratiquement « disparu », indique la porte-parole,
qui s’étonne du faible nombre de ressortissants
anglais. Pour nombre d’entre eux, la dévaluation
marquée de
la livre face à l’euro a rendu les voyages
outre-Manche trop onéreux.
Nombre d’agents de voyages et de compagnies
aériennes cassent les prix pour contrecarrer la
baisse, ce qui fait le jeu de visiteurs comme
Diane, une Australienne de 43 ans croisée au
centre-ville avec ses trois enfants.
« Singapour Airlines offrait le voyage pour l’
Europe à moitié prix. On pensait d’abord n’envoyer
que ma fille et mon père en visite mais on s’est
dit que ça valait la peine de faire venir tout le
monde à ce prix-là », relate-t-elle.
Le secrétaire d’État au tourisme, Hervé Novelli,
estime que l’industrie touristique nationale
pourra éviter le pire grâce au tourisme « interne
», la crise augmentant plus encore le pourcentage
déjà élevé de Français qui préfèrent passer des
vacances dans le pays plutôt qu’à l’étranger.
La situation hexagonale n’a rien d’exceptionnelle
à en juger par les projections de l’Organisation
mondiale du tourisme (OMT), qui prévoit une baisse
des arrivées de touristes internationaux pouvant
atteindre jusqu’à 3% pour 2009 à l’échelle du
continent. Une baisse du même ordre a été
enregistrée en 2008.
Les dirigeants de l’organisation ont mis sur pied
un comité de crise chargé de répertorier les
mesures mises de l’avant par les gouvernements
pour stimuler le secteur de manière à encourager
les initiatives.
En France, où le tourisme représente 6 % du PI B,
le gouvernement vient notamment de faire voter une
réduction de la TVA pour les restaurants, qui doit
permettre de réduire sensiblement le prix de
plusieurs plats tout en soutenant la création
d’emplois.
Il faudra cependant bien plus pour sortir du
marasme, juge Barbara, qui ne croit guère à une
issue rapide à la crise. « On en a pour des années
», dit la vendeuse.
Tourisme: nuages noirs à l’horizon - Claude
Picher
La
plupart des spécialistes du secteur touristique
s’attendent à une saison catastrophique cette année.
Certes, le pessimisme n’a pas encore gagné la ville de
Québec, animée par le maire Labeaume et qui compte sur
le Moulin à images et le Cirque du Soleil pour attirer
les visiteurs. On leur souhaite bonne chance. Mais le
fait est que, partout ailleurs au Canada, on voit les
gros nuages noirs s’accumuler. C’est normal: en
période de crise, les loisirs, et particulièrement le
budget de vacances, sont le premier poste de dépenses
que les ménages pensent à comprimer.
Hier, Statistique Canada a publié ses perspectives
trimestrielles sur l’hébergement des voyageurs. Il
s’agit en fait des résultats d’un sondage auprès de ceux
qui, sur le terrain, sont probablement les mieux placés
pour se prononcer: les hôteliers. Tous les trois mois,
quelque 1400 entreprises au Canada, essentiellement des
hôtels, participent à l’enquête sur une base volontaire.
Un échantillonnage de cette taille donne des résultats
d’autant plus précis que tous les participants sont tous
des professionnels dans leur secteur. On leur demande,
entre autres, de fournir leurs prévisions quant au
nombre de chambres réservées, aux taux d’occupation, aux
tarifs quotidiens moyens des chambres et au nombre
d’heures travaillées par les employés.
Les résultats publiés hier concernent le deuxième
trimestre (avril, mai, juin), mais peuvent aussi servir
d’indicateur avancé pour la saison de pointe.
Normalement, cette enquête
trimestrielle attire peu l’attention des médias. De
façon classique, quand on leur demande s’ils prévoient
que les nuitées réservées augmenteront, diminueront,
ou resteront stables, une majorité d’hôteliers
répondent qu’ils entrevoient peu de changements. Il
n’y a pas là de quoi faire les manchettes.
Cette fois-ci, c’est différent. Le pessimisme chez les
répondants atteint des niveaux jamais atteints
auparavant. Voyons plutôt. Presque quatre hôteliers
sur cinq (78%) pensent que les réservations de
chambres diminueront; nous venons de le voir, c’est du
jamais vu. À l’inverse, ceux qui s’attendent à une
augmentation ne forment qu’une rachitique part de 3%.
L’enquête ne fournit pas de ventilation régionale
parce que l’échantillonnage n’est pas assez important.
Peut-on penser que ces 3% d’optimistes sont des
hôteliers de Québec ?
L’an dernier à pareille date, 44% des répondants
pensaient que la situation demeurerait à peu près
inchangée, et le reste se divisaient à peu près
également entre optimistes et pessimistes. Apprécions
l’ampleur du revirement.
Cette situation fera des heureux et des malheureux.
Les gagnants seront évidemment les voyageurs. Lorsque
78% des hôteliers s’attendent à une baisse du taux
d’occupation, cela aura inévitablement un impact sur
le prix des chambres. En fait, une majorité assez
nette (57%) anticipe déjà des baisses de tarifs,
comparativement à seulement 10% qui entrevoient une
hausse.
Les perdants, comme on s’en doute, seront les employés
de l’hôtellerie. Selon 72 % des répondants, la baisse
de la clientèle entraînera une baisse des heures
travaillées ; seulement 2 % des participants croient
le contraire.
Sans surprise, les répondants montrent du doigt la
conjoncture économique comme la première cause, loin
devant toutes les autres, du climat général de
morosité. Par contre, les hôteliers canadiens semblent
bien moins obsédés que les Américains par les
questions de sécurité. Seulement 3% d’entre eux
pensent que l’inquiétude liée à la sécurité constitue
une entrave pour le secteur touristique.
Voyagez au Québec!
Puisqu’il est question de tourisme, jetons un coup
d’oeil sur une intéressante petite étude publiée
récemment par le service de recherche économique du
Mouvement Desjardins.
Le dollar canadien oscille aujourd’hui aux alentours
de 85 cents américains. L’été dernier, les deux
monnaies étaient à parité. Cela veut dire qu’un
voyage aux États-Unis vous coûtera plus cher cette
année. En revanche, les prix de l’essence (une
composante importante du budget-vacances pour les
nombreux ménages qui voyagent en auto) ont baissé de
façon appréciable. L’été dernier, le prix de
l’essence à la pompe atteignait 1,38$ le litre. Il
se tient aujourd’hui aux alentours de 90 cents. Les
prix ont suivi la même trajectoire au sud de la
frontière.
D’où cette question, fort pertinente en cette
période de l’année où les familles planifient leurs
vacances d’été : pour ceux qui prévoient aller aux
États-Unis, la baisse des prix de l’essence estelle
suffisante pour compenser la baisse du dollar
canadien?
Pour l’immense majorité des ménages, il sera plus
avantageux financièrement de rester au Québec (ou
encore de visiter l’Ontario, où les taxes sur
l’essence sont plus basses).
Supposons un voyage de 2500 kilomètres. Votre
voiture a un réservoir de 60 litres et consomme 9,6
litres aux 100 kilomètres. L’an dernier, votre
essence vous a coûté 361 $. Cette année, à 90 cents
le litre, vous économiserez 127 $.
Si votre budget de vacances est de 1500$ et que vous
décidez d’aller aux États-Unis, vous paierez, avec
un dollar à 85 cents, 264 $ de plus que l’an
dernier. La baisse du prix du litre est donc
largement insuffisante pour compenser la chute du
huard. Au total, sur un budget de 1500 $, cela fait
une différence qui frise les 10%.
En fait, seuls les propriétaires de grosses
cylindrées, et dont le budget de vacances est
inférieur à 1000$, pourraient éventuellement sortir
gagnants d’un voyage aux États-Unis, et encore à
condition que le prix à la pompe continue de
descendre jusqu’à 80 cents.
On peut freiner le huard
Peu de moyens pour freiner le huard
- Joël-Denis Bellavance
OTTAWA — La Banque du Canada ne peut à elle
seule freiner la hausse vertigineuse qu’a connue
le dollar canadien au cours des derniers mois,
estime le gouverneur de l’institution, Mark
Carney.
PHOTO CHRIS WATTIE, REUTERS
Mark Carney, gouverneur
de la Banque du Canada, croit que la décision
de la Banque de maintenir son taux directeur à
0,25% jusqu’en juin 2010 limitera l’attrait du
dollar canadien auprès des spéculateurs
étrangers.
Mais elle dispose quand même de certains outils
pour limiter cette hausse à condition que
d’autres politiques économiques soient également
mises en oeuvre, a-t-il expliqué hier devant le
comité des finances de la Chambre des communes.
« L’histoire nous enseigne qu’une telle
intervention (de la Banque du Canada) fonctionne
rarement à long terme sans l’adoption d’autres
politiques qui soutiennent cette intervention »,
a affirmé Mark Carney, sans toutefois donner
plus de détails sur les autres politiques qui
devraient être envisagées.
La semaine dernière, le gouverneur de la Banque
du Canada a déclaré que l’ascension rapide du
dollar canadien risquait de mettre en péril la
reprise économique qui s’est engagée au pays. Il
a aussi affirmé que l’institution qu’il dirige
dispose de certaines options pour limiter la
hausse du huard.
Devant les députés, M. Carney a été longuement
interrogé sur les possibles retombées de la
hausse du dollar sur l’économie canadienne. Le
dollar canadien s’est apprécié de plus de 25%
par rapport à la devise américaine au cours des
derniers mois.
M. Carney a d’ailleurs indiqué hier que la
Banque du Canada prévoit que le taux de
croissance de l’économie canadienne sera
légèrement inférieur à ce qui avait été prévu au
printemps. Selon les nouvelles prévisions,
l’économie canadienne se sera contractée de 2,4%
cette année, mais elle progressera de 3,0% en
2010 et de 3,3% en 2011. En somme, la reprise
sera un peu plus modeste que celle observée en
moyenne lors des cycles économiques précédents.
La dernière fois que la Banque du Canada est
intervenue sur les marchés monétaires pour
influencer la valeur du dollar canadien remonte
à 1998. Pour l’heure, Mark Carney croit que la
décision de la Banque du Canada de maintenir son
taux directeur à 0,25% jusqu’en juin 2010
limitera l’attrait du dollar canadien auprès des
spéculateurs étrangers.
Attention à l’inflation
Mais au bout du compte, la Banque du Canada doit
évaluer l’incidence de la montée du dollar
canadien sur l’inflation au pays. Et l’envolée
du huard a eu pour effet de contenir les
pressions inflationnistes jusqu’ici.
« L’objectif que vise la Banque dans la
formulation de la politique monétaire est
d’atteindre la cible d’inflation de 2%. Le taux
de change doit être envisagé dans ce contexte.
(...) Ce qui importe en définitive, c’est
l’incidence du taux de change conjuguée à tous
les autres facteurs d’origine interne et externe
sur la demande globale et l’inflation au Canada.
Autrement dit, la Banque examine tout à travers
le prisme de l’atteinte de la cible d’inflation
», a affirmé Mark Carney.
Le gouverneur de la Banque du Canada a tout même
indiqué que le moyen traditionnel d’intervention
pour influencer la valeur du dollar canadien,
outre la fixation du taux directeur, consiste à
acheter ou à vendre justement des devises en
dollars canadiens. M. Carney a aussi affirmé que
la décision d’intervenir ne doit pas être prise
« à la légère ». Une telle décision importante
doit être prise si la fluctuation du dollar a
des conséquences sérieuses sur la vigueur de
l’économie.
M. Carney a tenu ces propos le jour même où un
rapport rédigé par Marchés mondiaux CIBC
affirmait qu’un dollar canadien trop fort
risquait de saper les fondements du secteur
manufacturier du pays.
Les économistes de la filiale des services
bancaires en gros de la Banque CIBC ont ajouté
que la Banque du Canada devrait se préparer à
intervenir de façon exceptionnelle afin de
stabiliser le huard et de protéger ce secteur de
l’économie.
Ils ont soutenu qu’en refusant d’intervenir sur
le marché des devises lorsque les spéculateurs
font grimper le huard à des sommets qu’elle juge
injustifiés, la banque centrale canadienne
risque un effondrement de la base industrielle
du pays.
Parité maudite - Alain Dubuc
Le dollar canadien a dépassé la marque des 97
cents américains au cours de la journée pour
sagement revenir à 96,48 cents en clôture. Ce
sursaut a néanmoins ravivé les craintes que
notre devise puisse retrouver, ou même dépasser,
la parité avec le dollar a méricain dans les
semaines ou les mois qui viennent.
Il est, hélas! probable que notre dollar
continuera à grimper. Il faut s’en inquiéter. Ce
serait une très mauvaise nouvelle pour
l’économie canadienne. Et le pire, c ’est qu’il
n’y a rien à faire, que nous sommes parfaitement
impuissants.
Un dollar plus haut, qui fait la joie des
touristes, pénalise les entreprises
exportatrices parce que leurs produits valent
soudainement plus cher sur les marchés
étrangers. On a vu, il y a deux ans, les ravages
provoqués par la remontée de notre dollar à près
de 1,10 $ US. Le secteur manufacturier a perdu
des emplois par dizaines de milliers. Une autre
remontée affecterait à nouveau un secteur
manufacturier déjà malmené par la récession,
freinerait les exportations et risquerait ainsi
d’affecter la vigueur de la reprise.
À l’heure actuelle, ce n’est pas tant le dollar
canadien qui grimpe que le dollar américain qui
dégringole, parce que l’économie américaine est
fragile, que sa reprise est hésitante. Il est
normal qu’une économie mal en point voit sa
devise perdre de sa valeur. À cela s’ajoute le
fait que le billet vert perd son attrait comme
valeur refuge. Notre dollar monte également
parce que l’économie canadienne est en meilleur
état que la plupart des autres. Et c’est ainsi
qu’il a progressé de 4,5 % par rapport à l’euro
depuis deux semaines et demie.
Il
y a donc des facteurs tangibles derrière
l’appréciation du dollar canadien. Mais il faut
aussi compter sur le jeu destructeur de la
spéculation. Notre dollar est très vulnérable
aux mouvements des capitaux. Il est en outre
très sensible aux f luctuations des prix des
ressources et surtout à ceux du pétrole, le
paradis des spéculateurs. L’expérience a montré
qu’un intérêt pour le dollar canadien peut
soudainement se transformer en passion. Comme
lors de la f lambée de l’automne 2007. L’inverse
est également possible. On l’a vu en octobre
dernier, quand il a plongé de 96 cents à 78
cents en quelques semaines, même si l ’économie
canadienne résistait mieux à la tourmente.
En soi, nos entreprises peuvent résister à une
remontée raisonnable du taux de change. Mais
elles peuvent difficilement s’ajuster à des
mouvements brusques comme ceux que nous
connaissons : le dollar a grimpé de 5% en 10
jours. D’autant plus qu’on ne sait pas quand et
à quel niveau cela va s’arrêter.
Que faire ? Le gouvernement canadien ne peut r
ien fa i re. C’est en substance ce que le
premier ministre Stephen Harper a dit hier en
conférence de presse. Il se dit inquiet, mais
ajoute que c’est du ressort de la Banque du
Canada. C’est ce qu’il devait faire dire pour
respecter l’indépendance de la banque centrale.
Et la Banque du Canada ? Elle a jusqu’à un
certain point les mains liées, parce qu’elle ne
peut plus compter sur son principal outil, une
baisse des taux d’intérêt, puisqu’ils sont déjà
presque à zéro. Ce qui est cependant nouveau,
c’est que le gouverneur de la Banque du Canada,
Mark Carney, a récemment dit s’inquiéter de la
hausse du dollar, ce qui est un changement de
cap pour une banque. Il peut intervenir sur les
marchés, envoyer des messages aux spéculateurs.
Mais la morale de l’histoire, c’est qu’on ne
pourra pas se protéger contre les hausses
brutales du taux de change tant qu’on n’aura pas
trouvé une parade contre le fléau de la
spéculation.
Parité ? La reprise remise en question
- Philippe Mercure
Le
dollar canadien continue à grimper. À un
point tel que bien des économistes se sont
remis à leur ordinateur question de réviser
les scénarios de relance économique du
pays... à la baisse.
Le huard a atteint 96,46 cents US, hier, en
hausse de 0,73 cent US par rapport à la
fermeture de vendredi dernier. La hausse
suit celle d’environ 3 cents US enregistrée
la semaine dernière et a relancé les paris
sur le moment où notre dollar atteindra la
parité avec le billet vert américain.
La parité, on l’a bien connue en 2007 et
2008... sauf que c’était au sommet du cycle
économique. La voir se profiler alors qu’une
reprise fragile est en cours en inquiète
plus d’un.
« Ce qu’on va voir, c’est probablement que
les exportations nettes – ce qu’on exporte
moins ce qu’on importe – vont fortement
ralentir la croissance économique », prédit
Martin Lefebvre, économique principal au
Mouvement Desjardins.
Interrogé à ce sujet hier, Stephen
Harper a rappelé que la Banque du Canada a
déjà affirmé qu’une montée rapide pourrait
nuire à la relance économique du pays. Il a
toutefois souligné que son plan de reprise
est « plus grand que le seul facteur du
dollar ».
S’il croit peu au scénario d’un dollar fort
qui se maintient longtemps, Carlos Leitao,
économiste en chef à l a F i na nc i è r e
Ba nque Laurentienne, admet qu’il pourrait
saboter le scénario de relance au Canada,
qui consiste à soutenir la demande
intérieure jusqu’à ce que les exportations
reprennent le flambeau.
« Dans ce cas, c ’est tout le scénario qui
tombe, et la croissance pourrait rechuter en
territoire négatif au deuxième semestre de
2010 », dit l’économiste.
À Exportation et développement Canada, on en
est aussi à revoir les scénarios à cause de
la hausse du huard. « Les prévisions pour
2010 risquent d’être plus basses », dit
Stuart Bergman, directeur du groupe
économique, sans être encore en mesure de
chiffrer les changements.
Les exportateurs admettent que la hausse
rapide et imprévue du dollar est « un défi
qui s’ajoute à tous les autres défis », mais
refusent de se plaindre.
« On n’a pas de contrôle là-dessus, lance
José Louis Jacome, directeur général des
Manufacturiers et exportateurs du Québec. Ce
qu’on dit aux manufacturiers, c’est qu’il
faut que les entreprises soient
concurrentielles avec un dollar au pair. Si
on fait ça, quand le dollar canadien baisse,
on en bénéficie. »
À la Banque Nationale, Stéphan Marion se
montre moins inquiet et continue de tabler
sur une reprise plus vigoureuse que prévu
aux États-Unis, ce qui viendra soutenir le
dollar américain et faire baisser le huard
par la bande.
Quand le billet vert coule
Parce que si le huard est si haut, ce n’est
pas tant qu’il a le vent dans les voiles :
c’est surtout le dollar américain qui coule
à pic.
Valeur
refuge par excellence, le billet vert était
extrêmement populaire au pire de la crise.
Depuis, l’appétit pour le risque revient...
et on s’en départit.
En fait, les banques centrales du monde
lèvent carrément le nez sur le dollar a
méricain et regarnissent leurs coffres avec
des euros et des yens question de
diversifier leurs portefeuilles. Et ça
semble faire bien l’affaire des Américains,
qui voient leurs entreprises bénéficier d’un
avantage concurrentiel.
« Les Américains veulent utiliser
l’exportation pour se sortir de la crise.
Ils disent au monde: c’est mon dollar, mais
c ’est ton problème », dit François
Barrière, viceprésident au développement des
affaires sur le marché des devises à l a
Banque Laurentienne.
Des j ournaux rapportent aussi que certains
pays chercheraient à s’entendre «
secrètement » pour cesser d’utiliser le
dollar américain dans leurs transactions.
« Hautement spéculatif », « complètement
déconnecté de la réalité économique », « i r
r éal i ste » , « absurde » : l’économiste
Carlos Leitao ne mâche pas ses mots pour
décrire la dégringolade qu’encaisse
actuellement le dollar américain.
« Je sais que d’autres vont vous di r e
exactement le contraire, on est dans une
période assez turbulente. Mais à mon avis,
le dollar américain ne devrait pas être si
faible que ça et ne demeurera pas à ces
niveaux. »
Le président de Toyota s’est déjà plaint de
voir le yen japonais si haut par rapport au
dollar, et M. Leitao ne serait pas surpris
de voir les banques centrales du monde se
concerter pour soutenir le dollar américain
si celui-ci continue de chuter.
Les spécialistes soulignent par ailleurs que
les spéculations vont bon train actuellement
sur les devises, ce qui contribue à
augmenter les variations.
« I l va peut-être y avoir de petits
correctifs, mais la tendance a l’air très
claire, croit de son côté Stéphanie
Larivière, directrice, gestion des risques
pour entreprises, à la Banque Nationale, qui
s’attend à voir le dollar américain bas – et
donc le huard haut – au moins jusqu’à la fin
de l’année.
Des effets bien concrets -
Martin Vallières
Au Canada, le recul du dollar américain
et la remontée correspondante du huard
ont de quoi réjouir les i mportateurs
ainsi que les voyageurs au sud de la
frontière.
Hormis les frais de conversion, le
pouvoir d’achat des dollars canadiens
aux États-Unis s’est amélioré de 15 %
depuis janvier dernier. Et c’est sans
compter les baisses de prix pour de
nombreux biens et services qui découlent
de la pire récession en un demi-siècle
pour l’économie américaine.
Mais si la faiblesse du dollar américain
– qui est encore la monnaie de référence
pour les matières premières – gonfle les
prix affichés pour le baril de pétrole
et l’once d’or, elle contribue aussi à
tempérer l’impact réel de ces hausses de
prix au Canada.
Ainsi, autour de 74$US le baril, le prix
du pétrole s’affiche ces jours-ci en
hausse de 76% par rapport à son cours
moyen de janvier 2009, alors à 42$US.
Mais lorsqu’on la considère en dollars
canadiens, la hausse du prix du pétrole
brut s’avère en fait limitée à 50%
depuis janvier 2009.
C’est là un avantage concret d’un dollar
canadien relativement fort par rapport à
un dollar américain malmené sur le
marché de devises.
En
contrepartie, pour des producteurs
canadiens de biens et services vendus en
dollars américains, la faiblesse du
billet vert peut s’avérer grave de
conséquences financières sur leurs
revenus réels.
Un cas t ype : l a société
AbitibiBowater, première productrice de
papier journal en Amérique du Nord, qui
est en protection de faillite depuis
avril et dont dépendent des milliers
d’emplois directs et indirects au
Québec.
La grave c r i se du marché du papier
journal a fait fléchir de 37 % son prix
en dollars américains depuis janvier
2009.
Or, la f a i blesse accent uée de l a
devise a méricaine depuis quelques jours
aggrave à 47 % la baisse de revenus en
dollars canadiens pour AbitibiBowater,
qui lui servent à payer les frais
d’exploitation de ses usines au Québec
et en Ontario.
Même dilemme pour les producteu r s e t
e x por t a - teurs de bois d’oeuvre,
dont AbitibiBowater fait aussi partie.
Coté en dollar américain, le prix du
prix d’oeuvre s’est relevé de 9 % depuis
janvier dernier.
C’est la conséquence de la relative
stabilisation de la construction
résidentielle aux États-Unis , après la
grave déroute qui a succédé à la bulle
hypothécaire qui a éclaté à la fin de
2007.
Le sciage souffre
Pour t a nt , malgré c et t e apparence
d’un marché moins défavorable, la
glissade du dolla r a méricain signi f
ie pour les usines de sciage au Québec
que leurs revenus en dollars canadiens
sont encore Achats divers aux USA
Pétrole Or Aluminium Gaz naturel Bois
d’oeuvre Papier journal en baisse de 7 %
par rapport à janvier dernier.
Dans ce contexte, il n’est pas étonnant
que les nombreuses usines de bois
d’oeuvre fermées depuis deux ans ne
rouvriront pas malgré le redressement
des prix amorcé aux ÉtatsUnis, de loin
leur principal marché d’exportation.
La parité est « réalisable », selon
un économiste
Le huard pourrait atteindre la parité avec le
dollar américain d’ici la fin de l’année, tandis
que la croissance économique en Asie stimule les
prix des matières premières, soutient David
Rosenberg, é c o n o mi s t e e n c h e f d e
Gluskin Sheff & Associates, à Toronto.
L a dev i s e c a nadien ne est susceptible de
prendre de l a vigueur pa r c e que la hausse du
chômage aux États-Unis force Washington à
adopter des mesures stimula ntes addit i onnel l
es, ce qui affaiblit encore plus le dollar
américain, ajoute M. Rosenberg. Glusk i n Sheff
& Associates gère des actifs de 4 milliards
US.
« Si vous m’accordez une fenêtre de trois à six
mois, je dirais que c’est très réalisable »,
précise M. Rosenberg, ancien économiste en chef
pour l’Amérique du Nord de Merrill Lynch&
Co. Il faisait ainsi allusion à la parité
éventuelle entre les 2$. « Il me semble,
ajoute-t-il, que l’économie asiatique est sur
une voie ascendante perceptible, dit-il, et ce
sera la marée qui soulèvera le bateau du
complexe des matières premières. »
Le huard a atteint la parité avec la devise
américaine en septembre 2007 pour la première
fois en trois décennies et il s’est maintenu
autour de ce niveau jusqu’en juillet 2008, à la
suite d’une progression de 60 % sur cinq ans
alimentée par la hausse des prix des matières
premières. Les expéditions de pétrole brut, de
gaz naturel, de bois d’oeuvre, d’or, de cuivre
et d’autres matières premières forment plus de
la moitié des revenus d’exportation du Canada.
Dans u n r appor t qu’ i l avait produit en
novembre 2006 tandis qu’il était encore à
l’emploi de Merrill Lynch, M. Rosenberg avait
écrit que l’économie se trouvait « sur le
tranchant d’un couteau » et il estimait les
risques de récession à 51 %. Il a quitté Merrill
Lynch en mai dernier. Cette maison de courtage a
été rachetée par Bank of America en janvier
dernier.
Le produit intérieur brut en Chine, premier
consommateur de métaux comme l ’a luminium, le c
uivre et le zinc, pourrait bondir de 9,5 % en
2010 après une progression de 8,3 % en 2009, ce
qui serait l’essor le plus modeste en huit a
nnées, selon un sondage effectué par Bloomberg
au cours de la semaine du 28 août dernier auprès
de 22 économistes.
Depuis la fin de mars dernier, les analystes ont
revu à la hausse, de 17 %, leurs prévisions de
bénéfices par action des compagnies de l ’ i
ndice MSCI de l ’A siePacifique, alors que
l’indice lui-même a grimpé en f lèche, soit de
42 %.
Le huard s’est déprécié de 18 % l ’a n dernier (
un r ecord) pa r r apport à la devise américaine
pendant que l a demande de produits de base
s’est évaporée dans un contexte de crise
financière mondiale. Mais le dollar canadien,
dont la valeur a augmenté de 13 % cette année,
est susceptible de poursuivre sa présente
envolée, tandis que les prix de s matière s pr e
mières rebondissent et que le dollar américain
s’affaiblit, estime M. Rosenberg.
« Le lapin que l’administration (américaine) est
incapable de sortir de son chapeau est l’emploi,
qui baisse encore », indiquait M. Rosenberg la
semaine dernière au cours d’une entrevue
accordée à Bloomberg Radio. « Le taux de chômage
va probablement continuer à grimper, non
seulement au cours de la prochaine année,
ajoutait-il, mais peut-être pendant encore
plusieurs années. »
Le taux de chômage aux États-Unis a bondi à 9,7
% en août dernier, un sommet depuis 1983, et les
employeurs ont sabré 216 000 postes le mois
dernier, selon un rapport du Département
américain du travail publié le 4 septembre
dernier. Depuis le début de la récession en
décembre 2007, le nombre total des emplois
perdus aux États-Unis atteint 6,9 millions, ce
qui représente la pire baisse de l’emploi au
cours de l’un ou l’autre des crises économiques
survenues depuis la Deuxième Guerre mondiale.
Le gouvernement américain et la Réserve fédérale
américaine (Fed) ont dépensé, prêté ou promis
plus de 12 mille milliards US pour requinquer
l’économie et ravivé les marchés du crédit.
La hausse du taux de chômage « donne à penser à
une autre ronde de stimuli fiscaux, selon M.
Rosenberg. Mais la question qui se pose est
celle-ci : qui achètera les obligations ? »
Le huard hésitant avant l’annonce
de la Banque du Canada
Le dollar canadien s’est échangé ces derniers
jours près de son niveau le plus élevé en plus
d’un mois tandis que la hausse des mises en
chantier a compensé les conjectures voulant que
la Banque du Canada fasse état de préoccupations
aujourd’hui quant à la vigueur du huard.
Ce dernier s’est apprécié de 2,3% depuis la
dernière réunion de la banque centrale
canadienne le 21 juillet dernier. Les décideurs
avaient alors soutenu que la force du huard
nuisait à la reprise économique au pays. La
banque a maintenu son taux directeur à son
niveau plancher record de 0,25% et elle a promis
de le laisser intact jusqu’en juin 2010 selon la
manière dont l’inflation se présentera.
« L’attention se tourne déjà vers la Banque du
Canada demain (aujourd’hui) », indiquait hier
Matthew Strauss, stratège en matière de devises
de RBC Marchés des capitaux, à Toronto, filiale
de la Banque Royale. « Chacun se concentre sur l
’engagement conditionnel de laisser les taux
inchangés, a-t-il ajouté. Je crois qu’ils vont
respecter cet engagement conditionnel. »
Hier,
le huard a cependant clôturé en baisse de 13
centièmes, à 92,51 cents US, après avoir frôlé
les 93 cents US plus tôt durant la journée. Le
dollar canadien est venu hier au deuxième rang
quant aux pires performances des devises
comparativement au dollar américain parmi les 16
devises les plus échangées suivies par
Bloomberg, après le dollar de Taiwan. Les
dollars australien et néo-zélandais qui, comme
le huard, ont tendance à suivre les mouvements
des prix des actions et des produits de base,
ont chacun grimpé de 0,6% par rapport au dollar
américain.
La Banque du Canada ne changera pas son taux
d’intérêt directeur à sa réunion d’aujourd’hui,
selon tous les 21 économistes sondés par
Bloomberg News. Ce taux, qui était de 4% lorsque
le gouverneur Mark Carney a pris les rênes de la
Banque du Canada en février 2008, est demeuré
stable depuis avril dernier.
Hier, le huard a atténué une baisse survenue
plus tôt dans la journée après que la Société
canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL)
eut annoncé que les mises en chantier en août
avaient augmenté de 150 400 sur une base
annualisée, soit plus que l’estimation médiane
de 139 500 recueillie après de 20 économistes
sondés par Bloomberg News. « Le grand catalyseur
fut les données meilleures que prévu sur les
mises en chantier », a expliqué J.P. Blais,
vice-président de la filiale des devises
étrangères de BMO Marchés des capitaux, à
Toronto. « Le dollar canadien a profité de ce
fait », a-t-il dit. Même dans ce cas-là,
l’énoncé de politique monétaire de la Banque du
Canada aujourd’hui « est un facteur très présent
à l’esprit des gens », a-t-il ajouté.
Le huard reprend sa poussée - RUDY
LECOURS
Le dollar canadien est repassé facilement
au-dessus des 92 cents américains hier. Il a
terminé dans une envolée hebdomadaire très
agitée par un gain de plus d’un cent.
Le huard a arraché 46 centièmes d’équivalence
hier à hauteur de 92,43 cents US.
Lundi, il était descendu à 90,31 cents US, son
niveau le plus faible en quatre semaines, dans
la foulée de la correction des marchés boursiers
et des prix des produits de base déclenchée en
Asie. Il a repris tout le terrain perdu et bien
plus au cours des quatre séances suivantes:
90,76 cents US, 91,27, 91,97 et 92.
La correction, qui a pris fin mardi, avait été
amorcée après une poussée jusqu’à 94,30 cents US
au début du mois. Elle avait amené le ministre
des Finances Jim Flaherty à manifester
publiquement son inquiétude et stimulé les
spéculations de quelques économistes sur la
possibilité que la Banque du Canada intervienne
sur les marchés des changes pour freiner
l’ascension de notre monnaie. Contrairement à la
Banque nationale de Suisse qui a freiné son
franc, nos autorités monétaires n’ont pas
bronché.
Notre monnaie évolue parallèlement aux prix des
produits de base de manière générale, et du
pétrole en particulier, lesquels dopent les
marchés boursiers par les temps qui courent. Or,
l’or noir a dépassé la barre des 73$ US le
baril, un sommet en 10 mois, qui reste néanmoins
à mi-chemin grosso modo de son sommet de juillet
2008.
Dans la lettre hebdomadaire envoyée à sa
clientèle tous les vendredis, l’équipe
londonienne du marché des devises de BNP Paribas
a souligné que les prix des produits de base
sont largement tributaires ces jours-ci des
nouvelles en provenance de Chine. Elle affirme
que cela devrait stimuler notre monnaie encore
la semaine prochaine.
Retour de la parité
BNP Paribas croit d’ailleurs au retour à la
parité d’ici quelques mois. Cette prév i s i on
e s t pa r t a gée pa r quelques institutions
financières canadiennes, dont TD Groupe f i
nancier et BMO Marchés des capitaux.
Le
huard profite aussi de l’intérêt des étrangers
pour les actions et les obligations canadiennes.
En juin, ils en ont acheté pour plus de 10,5
milliards. « Les solides assises de l’économie
attirent les investisseurs étrangers, observe
Diana Petramalia, économiste chez TD Groupe
financier. Le dollar canadien devrait poursuivre
sa montée jusqu’à la parité d’ici la fin de
l’année. »
Durant la poussée précédente vers la parité, en
2007, l’ascension du huard avait été régulière,
presque linéaire. Cette fois-ci, cependant, elle
s’avère des plus chaotiques.
En mai , notre monnaie avait bondi de 9,3 %, un
rendement inédit depuis 1950. En juin, elle
s’était dépréciée de 6,1 %, avant de rebondir de
7,9 % en juillet.
« Cette volati l ité accrue reflète à la fois
l’héritage de la crise mondiale du crédit et les
signes divergents d’une reprise économique
globale, analyse Michael Gregory, économiste
principal chez BMO Marchés des capitaux. On peut
présumer qu’elle diminuera à mesure que
s’affirmeront les signaux de reprise et que
s’atténueront les effets de la crise. »
Trois éléments stimuleront la progression plus
régulière de notre monnaie, soutient-il.
D’abord, le billet vert va continuer de faiblir
contre les autres monnaies à mesure que
l’appétit du risque se propage parmi les
investisseurs. « Le dollar américain n’est pas
un bon endroit où parquer ses valeurs, a affirmé
hier l’économiste nobélisé Joseph Stiglitz au
cours d’une conférence à Bangkok. En ce moment,
le dollar ne procure pratiquement pas de
rendement et tout le monde qui l’examine juge
qu’il comporte des risques élevés. »
Ensuite, le prix des produits de base va encore
progresser car la demande asiatique ira
grandissant. Enfin, la croissance économique
canadienne s ’a nnonce plus robuste à moyen
terme que celle des États-Unis. Une fois épuisés
les stimuli gouvernementaux, ses fondements plus
solides vont permettre de résorber plus rapide
la demande intérieure refoulée des ménages et
des entreprises.
Face à la poussée de notre monnaie, l es ent r
epr i s es devront s’adapter en modernisant leur
production. « Au bout du compte, le Canada
héritera d’une compétitivité accrue qui ne sera
plus tributaire des caprices des taux de change
», conclut M. Gregory.
Couper les ailes au huard
La Banque du Canada pourrait maintenir son taux
directeur à un creux record
La Banque du Canada pourrait prolonger son
engagement de maintenir son taux directeur à un
creux record si un huard trop vigoureux menace
de prolonger la récession au pays, croit Derek
Holt, un économiste de Scotia Capital à Toronto.
PHOTO BLAIR GABLE, REUTERS
Le mois dernier, Mark
Carney, le gouverneur de la Banque du Canada,
a prévenu que la devise constituait un risque
majeur pour la croissance économique du
Canada.
L e moi s d e r n i e r , Ma r k Carney, le
gouverneur de la Banque du Canada, a gardé le
taux directeur à 0,25 %. À ce moment-là, il
avait souligné que la devise constituait un
risque majeur pour la croissance économique,
ajoutant qu’il disposait de « souplesse » pour
composer avec la situation. Mardi dernier, le
ministre fédéral des Finances, Jim Flaherty, a
fait écho aux propos de M. Carney en indiquant
que des « mesures pourraient être prises » pour
amortir la vigueur du dollar canadien.
La semaine dernière, le dollar canadien a
cependant plongé de près d’environ 1,50 cent US
pour retomber sous la barre des 92,50 cents US.
Mais des spécialistes ont évoqué la possibilité
que la devise retrouve la parité avec le billet
vert d’ici la fin 2009.
M. Carney a déjà fait savoir qu’il avait l ’ i
ntention de ne pas apporter de changements à sa
politique des taux jusqu’au deuxième t r i
mestre de 2010 et prolonger cet engagement
pendant un trimestre ou deux constitue la
meilleure manière de freiner les élans du huard
pendant une période plus longue, estime M. Holt.
Pour sa part, Andrew Spence, un ancien
conseiller de la banque centrale c a nadienne et
chef de l’analyse des changes chez TD
Securities, avait fait une prédiction semblable
le 31 juillet dernier.
« La vigueur du dollar canadien réduit en partie
la nécessité de retirer des stimulants grâce à
des hausses de taux quelque part au cours de la
prochaine a nnée » , soulignait hier M. Holt au
cours d’une entrevue téléphonique. « J’imagine
sans mal qu’ils pourraient attendre un trimestre
ou deux de plus », avait-ilajouté.
D’autres options telles que la vente de dollars
canadiens pour affaiblir le taux de change ou
l’achat de valeurs, qu’on appelle
assouplissement quantitatif, sont susceptibles
d’être inefficaces et elles pourraient affecter
les marchés de crédit, selon M. Holt.
« Si vous êtes la Banque du Canada et que vous
tentez de vous opposer au x ma r c hés mondiaux
des changes, bonne chance, dit-il. Vous vous
préparez ainsi de gros ennuis. »
En 1998, la Banque du Canada a abandonné une
politique de transactions systématiques sur les
marchés des changes pour contrôler la volatilité
du dollar. La banque centrale n’est pas
intervenue sur les marchés des changes lorsque
le huard a atteint un sommet record en 2007 ou
lorsqu’il a connu en mai sa plus forte ascension
en un mois depuis la guerre de Corée.
Des ventes en baisse
Un huard plus fort rend les biens manufacturés
canadiens moins compétitifs tandis que les
faillites de General Motors et de Chrysler cette
année ont entraîné la fermeture d’usines, de
concessionnaires et de fournisseurs de pièces.
Les ventes de l’industrie manufacturière ont
chuté de 29% depuis juillet 2008 et les
manufacturiers ont licencié 221 500 travailleurs
au cours des 12 mois terminés en juin dernier,
une baisse de l’effectif de 11%.
« Il y a toujours un risque avec cette sorte de
chose », soutient Paul Riganelli, directeur
financier de Exco Technologies Ltd. à Markham,
en Ontario, en faisant référence à la tentative
de la banque centrale d’influencer la valeur du
huard.
« Je crois que la banque a fait ce qu’elle
pouvait et je pense que le reste dépend de nous
», ajoute-t-il.
Huard : Un rebond
normal - François Barrière
Dans ce va-et-vient rapide, le huard est revenu à
son niveau de la pré-crise financière
La dernière intervention de la Banque du Canada
remonte à la crise asiatique en 1998. Depuis,
plus rien.
L’auteur est viceprésident, Marchés
internationaux, à la Banque Laurentienne. Au
cours des cinq derniers mois, la devise
canadienne a gagné plus de 18% contre le billet
américain. Il s’agit d’un gain rapide qui semble
en surprendre plusieurs, au point où le ministre
des Finances, Jim Flaherty, a dû affirmer plus
tôt cette semaine « qu’il surveillait le tout de
très près » et que « certains gestes pouvaient
être faits pour ralentir la spéculation indue ».
Qu’en est-il réellement du pouvoir
d’intervention du gouvernement lorsqu’il est
question de la valeur de notre dollar?
PHOTO ARCHIVES AP
En s’y attardant un peu,
on voit que la récente hausse du dollar
canadien n’est que le reflet de la chute
brutale de son vis-à-vis américain.
Tout d’abord, c’est le rôle de la Banque du
Canada d’intervenir sur le marché des devises et
non pas celui du gouvernement. Et comme
l’indépendance de la Banque du Canada est totale
– ce qui est une très bonne chose –, la décision
viendra du gouverneur de la banque centrale,
Mark Carney. La dernière intervention date de
1998 en pleine crise asiatique, alors que notre
devise venait de chuter de 10% en quelques mois.
Depuis, plus rien. Aucune intervention en 2002
lorsque le huard a touché son creux historique,
pas plus que durant la période 20022007 lorsque
nous avons vécu la hausse spectaculaire, nous
ramenant à la parité avec le billet américain.
Rien non plus l’automne dernier lorsque nous
avons chuté de 20% en deux mois à peine, la
période la plus volatile de l’histoire du huard.
D’ailleurs, en s’y attardant un peu, on voit
bien que la récente hausse du dollar canadien
n’est que le reflet de la chute brutale du
billet vert, résultant d’un retour à la normale
des conditions économiques et financières
mondiales. Si les investisseurs internationaux
ont eu très peur cet hiver d’une pandémie
financière, au point de ne vouloir se protéger
qu’avec des titres américains, il est aussi tout
à fait normal que le retour de nouvelles
économiques un peu plus positives ramène chaque
devise à son point d’origine. Et que l’on vende
massivement la valeur refuge qu’est le dollar
américain.
Dans ce va-et-vient rapide, notre devise est
revenue en ligne avec les niveaux d’avant la
crise financière. Certains y voient une anomalie
alors que le Canada est maintenant en récession,
que nos exportateurs souffrent encore et que les
prix des commodités – bien qu’en hausse
dernièrement – soient loin des niveaux de 2008.
Soit! Mais la contrepartie d’un dollar canadien
qui monte, c’est aussi un dollar américain qui
descend. Et en regardant de l’autre côté de la
frontière, il est facile de trouver une raison
logique expliquant pourquoi notre devise est
mieux perçue par les investisseurs mondiaux que
le dollar américain. Dans cette dernière
remontée spectaculaire contre le billet vert, le
huard a quand même perdu du terrain devant
plusieurs devises ( Brésil, Australie,
Royaume-Uni).
Les gouvernements ont quand même un impact sur
la valeur d’une devise, puisque ce sont eux qui
mettent en place les lois, les règles et la
fiscalité qui font en sorte qu’un pays devient
compétitif pour ses concitoyens et pour les
investisseurs. Mais, ces changements se font sur
le long terme, et, idéalement, ils doivent avoir
un impact positif sur notre devise. Aucun pays
n’est devenu riche en dépréciant volontairement
sa devise sur le long terme.
ACHATS AUX ÉTATS-UNIS MOINS
AVANTAGEUX QU’ON LE PENSE - Rudy
LeCours
Le
pouvoi r d’achat accru des Canadiens avec la force
retrouvée du huard en incitera plusieurs à vouloir
courir les aubaines au sud de la frontière.
Cette fois-ci, ils risquent la déception, à moins
de s’atteler à un complexe exercice de comparaison
des prix.
Oubliez les milliers de dollars épargnés et les
formalités fastidieuses pour l’achat d’une
voiture neuve au Vermont ou dans l’État de New
York. Une enquête menée par BMO Marchés des
capitaux montre que le jeu n’en vaudra pas la
chandelle pour la plupart des marques.
« Nous avons découver t que les Canadiens ne
payent pas vraiment plus que les Américains en
moyenne, quand on tient compte des promotions,
écrit Douglas Porter, économiste en chef a dj oi
nt , da ns u ne é t ude parue hier. Il y a un
peu plus d’un an, l’écart allait jusqu’à 20 %. »
L’enquête révèle qu’il est ramené à 1 %.
L’avantage
transfrontalier (quand il y en a un !) ne tient compte
ni du temps ni de l’essence pour s’y rendre ni de la
patience dont il faut se doter à la frontière...
Il existe même des produits dont, surprise ! , les
prix sont meilleurs au Canada. C’est le cas du
baladeur 32G iTouch d’Apple. Des deux côtés de la
frontière, son prix affiché est de 399,99$. Comme
le huard s’échange ces jours-ci contre 92 cents
US, achemonnaie a aussi dissipé toute envie de
chasser les aubaines au sud, ce qui a permis de
limiter les dégâts d’une baisse des dépenses de
consommation liée à la récession. Toutefois, pense
M. Porter, les détaillants ne pourront pas dormir
en paix avec l’engouement en partie retrouvé pour
le magasinage, à moins de consentir de nouveaux
efforts sur les prix. ter au Canada représente une
économie de 8%.
Cet avantage pourrait fondre cependant, si le
huard devait atteindre la parité. « Le magasinage
transfrontalier pourrait alors renaître », estime
M. Porter.
Les fluctuations sur les marchés de change sont
beaucoup plus rapides que les approvisionnements
des détaillants. Voilà peut-être pourquoi les prix
des biens n’ont pas beaucoup monté l’hiver dernier
au Canada, malgré l’effondrement du huard en
octobre. La dépréciation de notre
Le panier de provisions un peu aléatoire retenu
pour l’enquête fait toujours état d’un écart de
6,8 % favorable au magasinage aux États-Unis. Il y
a 18 mois, l’écart était de 18%. Un retour à la
parité pourrait le ramener en moyenne à 16 %, à
l’exception notable des voitures et des magazines
où les prix paraissent bien alignés.
L’avantage transfrontalier ne tient pas compte ni
du temps ni de l’essence pour s’y rendre ni de la
patience dont il faut se doter à la frontière (à
moins d’avoir téléchargé de la musique sur son
nouveau gadget Apple acheté juste avant).
Des aubaines-surprises
Ce n’est pas là où on s’attend à épargner qu’on
fera de bonnes affaires ces jours-ci. L’écart de
prix pour une console Wii est de 3%, pour une
caméra numérique ou un GPS Garmin, 2% à peine. «
Il semble que les jeunes chassent les meilleurs
prix plus agressivement, suggère M. Porter. Les
détaillants le savent sans doute. »
Par contre, si le coffre de votre voiture est
imposant et que vous ne craignez pas le plein
air malgré la pluie, alors gréez-vous d’un
barbecue ou d’une tronçonneuse. Vous pourrez
épargner plus du tiers sur pareil achat dans le
premier cas, plus du quart pour le second.
Après avoir passé quelques heures à assembler le
premier ou à tailler des billes avec la seconde,
vous serez sans doute en sueur. Ce sera le temps
d’une bonne crème glacée. Vous serez heureux de
la déguster en constatant que vous avez bien
fait de patienter. Elle coûte en moyenne 23% de
moins au Canada.
Quelle belle journée d’aubaines vous aurez
réalisée !
UN HUARD FORT POUR LES
VACANCES - Rudy LeCours
Le temps chagrin qui sévit chez nous incite les
Québécois qui ne sont pas encore en vacances à
envisager d’autres cieux que les nôtres pour
recharger leurs batteries avant l’automne. Ils
en auront pour leur argent, quels que soient les
caprices de dame Nature, car notre monnaie est
en pleine ascension.
Hier encore, elle a arraché 16 centièmes pour se
hisser à 92,50 cents US d’équivalence. En cours
de séance, elle a même touché 92,78 cents US, un
sommet depuis le mois d’octobre.
Jusqu’ici, en juillet, le huard s’est apprécié
de 7,4 % face au billet vert, dont 6% au cours
des deux dernières semaines. Des facteurs
techniques devraient lui faire gagner encore un
peu d’altitude d’ici à la fin de la semaine.
Pour la suite des choses, la conjoncture
économique sera déterminante.
Les gestionnaires canadiens de portefeuilles
rajustent en fin de mois leurs pondérations.
Plusieurs ont parié sur une forte reprise des
actions américaines et surpondéré leurs mises.
Ils doivent rééquilibrer leurs pondérations ces
joursci. Cela signifie rapatrier une partie des
gains, ce qui crée de la demande pour le huard.
« Depuis le début du mois, le moteur du huard,
c’est avant tout la performance des Bourses,
explique Jack Spitz, directeur des marchés des
devises à la Financière Banque Nationale. À
l’inverse, la faiblesse relative du billet vert
reflète un regain d’appétit pour le risque. »
Il n’y a pas que les parquets new-yorkais qui
attirent de plus en plus les investisseurs,
celui de Toronto aussi.
« Depuis deux semaines, les acheteurs de dollars
canadiens sont des Nord-Américains » , observe
Frédéric Mayrand, premier vice-président taux
d’intérêt et change de BNP Paribas Canada. Parmi
les devises liées aux prix des matières
premières, comme les dollars australien et
néo-zélandais, le huard est fort,
note-t-il.
«
La reprise paraît mieux engagée chez nous,
renchérit Claude Desautels, directeur marchés
des changes de BMO Marchés des capitaux. La
demande de matières premières reprend
vraiment. Le taux de croissance annualisé en
Chine était de 8% au deuxième trimestre. »
Le contrat à terme sur le baril de pétrole WTI
s’échangeait audessus des 68$US, celui du
Brent au-dessus des 70$US.
La semaine dernière, la Banque du Canada a
affirmé que le pays renoue avec la croissance
cet été, ce qui paraît stimuler la demande de
titres canadiens.
En fait, selon l ’a ge n c e Bloomberg, le
huard est la monnaie qui s’est le plus
appréciée face au billet vert. Ce n’est pas
une bonne nouvelle pour les manufacturiers
exportateurs sauf s’ils importent plusieurs
éléments des produits qu’ils fabriquent.
Depuis le début de l’année, le huard a repris
la majeure partie des pertes subies depuis la
crise du crédit provoquée par la faillite de
la banque d’affaires américaine Lehman
Brothers, il y a 10 mois. L’hiver dernier, il
s’est échangé quelques jours contre moins de
77 cents US.
Depuis le début de l’année, il a gagné plus de
10% aussi face à l’euro, au yen et au renminbi
chinois. Il fait presque aussi bonne figure
devant le au peso mexicain, mais il reste au
même point qu’en janvier face à la livre
sterling malgré d’importantes fluctuations. «
À 1,78$, la livre n’est vraiment pas chère,
nuance Shaun Osborne, cambiste en chef du
Groupe financier Banque TD. La livre a perdu
30% de sa valeur depuis l’an dernier. »
Les différentes opinions émises pour justifier
le comportement de notre monnaie entraînent
les experts dans des voies divergentes quant à
la suite des choses.
M. Osborne croit que notre monnaie se dirige
vers la parité, qu’elle devrait atteindre
avant la fin de l’année. M. Desautels, tout
comme M. Spitz, croit que le huard grimpera
jusqu’à 95 cents US d’ici au mois de
septembre.
Plus prudent, M. Mayrand affirme que le huard
poursuivra sur sa lancée avant que le dollar
américain retrouve un peu de tonus en fin
d’année ou, au plus tard, au début de l’an
prochain. « Le marché est divisé, mais je
crois qu’on est en train d’exagérer. » Deux
éléments de nature différente sont
susceptibles de faire remonter le billet vert:
la perte d’appétit du risque des investisseurs
qui ferait suite à de mauvaises données
économiques ou les attentes d’une remontée des
taux d’intérêt par la Réserve fédérale
américaine par suite d’une tenue des économies
américaine et mondiale meilleure que prévu.
Dans le premier cas, le huard pourrait
retomber à près des 80-85 cents US mais, dans
le second, il devrait rester au-dessus des 90
cents US sans se rapprocher de la parité. Face à
l’euro, le huard peut encore prendre du poids.
Il faut ces jours-ci 1,54$ pour acheter la
monnaie unique. D’ici à la fin de l’année,
1,50$ devrait suffire.
FORCE DU HUARD Un joker contre les
exportateurs
La
Banque du Canada fonde son scénario de reprise en
établissant à 87 cents, en moyenne, la force
relative du huard face au billet vert d’ici la fin
de 2011. Il s’agit du taux moyen observé depuis
avril.
Depuis deux semaines, cependant, le huard carbure
à l’EPO. Hier encore, il a gagné plus d’un cent, à
92,04 US. Les cambistes ont spéculé sur le fait
que la Banque annonçait la fin de la récession.
La Banque admet pourtant qu’une monnaie beaucoup
plus forte que la valeur anticipée dans son
scénario donnera plus de fil à retordre aux
manufacturiers exportateurs au moment où ils
pourront profiter de la reprise a méricaine,
attendue en fin d’année.
Toutefois, elle attribue sa force relative
actuelle à l’appréciation des prix des produits de
base dont le Canada est grand exportateur et à la
faiblesse généralisée du billet vert. « Le
scénario de la Banque est parmi les plus
optimistes, note Douglas Porter, économiste en
chef adjoint chez BMO Marchés des capitaux. Même
la poussée fulgurante du dollar canadien est
considérée comme un irritant gérable. »
Augmentation des exportations
La Banque croit d’ailleurs que les exportations
canadiennes devraient augmenter de 6 % à 7 % en
moyenne en 2010 et 2011, soit beaucoup plus vite
que la croissance anticipée de l’économie
américaine. Elle la voit à 1,4 % l’an prochain et
à 3,4 % en 2011.
Cela tient au fait que nos livraisons sont
concentrées dans des secteurs particuliers, plus
sujets aux variations cycliques. Ainsi, nos
fabricants de véhicules et de pièces d’autos et
nos manufacturiers de matériaux de construction
ont été plus touchés respectivement par la
restructuration et la crise de leur secteur.
La demande refoulée qui s’est créée devra
bientôt être comblée. C’est déjà commencé sur le
marché de la revente domiciliaire avec une
troisième augmentation mensuelle d’affilée en
juin. Les mises en chantier reprennent aussi
tout doucement. La sortie de faillite de
Chrysler et de GM et l’assouplissement
progressif des conditions de crédit (plus lent
aux États-Unis qu’au Canada) vont permettre la
relance des ventes de véhicules prochainement.
Tout cela pour le plus grand bien des
exportateurs canadiens... dans la mesure où le
huard ne vienne pas tout gâcher.
Sur une croissance projetée de 3,0 % l’an
prochain, la Banque croit que les exportations
apporteront une contribution de deux points. En
avril, elle misait plutôt sur 1,6 point de
pourcentage.
La vitalité de la demande intérieure viendra
cependant annuler cet apport, puisque
l’augmentation des importations sera plus forte
encore.
Il s’agit néanmoins d’un revirement nettement
positif. Pour l’année en cours, les exportations
nettes (exportations moins importations)
contribuent à la croissance par un jeu
arithmétique qui n’a rien de stimulant. Les
importations diminuent plus vite encore que les
exportations qui retranchent pourtant 5,3 points
de pourcentage à la croissance. Cela i l lustre
bien l’effondrement des échanges commerciaux
depuis l’automne dernier. En 2009, l’économie
canadienne va reculer de 2,3 %.
L’an prochain, le commerce international va se
redresser et il contribuera même à l’expansion
de l’économie en 2011 quand la croissance des
exportations sera plus rapide que celle des
importations.
Entre-temps, la progression de l’économie sera
assurée par la demande intérieure et par la
reconstitution des stocks.
QUELLE SAISON POUR LE HUARD? - Vincent
Brousseau-Pouliot
Àl’approche
des
vacances estivales, le huard est en chute libre,
ayant perdu 5,5 cents US face au dollar américain
ce mois-ci. Pour les Québécois qui prendront
bientôt d’assaut les plages de la
Nouvelle-Angleterre, il y a un coupable tout
désigné : Mark Carney, gouverneur de la Banque du
Canada.
Le banquier en chef du pays veut que le huard
s’affaiblisse par rapport à la devise de l’Oncle
Sam. Pas que Mark Carney veuille que les Canadiens
paient plus cher pour leurs vacances aux
États-Unis, mais il craint plutôt qu’un dollar
canadien trop fort ralentisse la reprise
économique attendue pour l’automne.
« On a pu constater que M. Carney est devenu
plus loquace lorsqu’il a vu le dollar canadien
monter, dit Stéfane Marion, économiste en chef à
la Banque Nationale.
M. Marion fait remarquer qu’un dollar fort peut
miner la reprise économique.
« M. Carney ne semblait pas content de la montée
du dollar cette année, dit François Barrière,
vice-président du développement des affaires du
marché des devises à la Banque Laurentienne. La
Banque du Canada tente de baisser les taux pour
faire repartir l’économie, mais la hausse du
dollar canadien lui complique la vie. »
Mark
Carney verra vraisemblablement son souhait
exaucé – du moins pour la période estivale.
Selon les experts consultés par La Presse
Affaires, le huard continuera sa descente cet
été pour atteindre un creux entre 83 et 85
cents US. Le dollar canadien, qui s’échangeait
hier à 86,77 cents US, a perdu plus de 5 cents
US depuis son sommet annuel de 92,5 cents US
établi le 2 juin. « Les marchés présument que
la Banque du Canada ne semble pas confortable
avec le niveau actuel du dollar canadien et
pourrait prendre des mesures pour y remédier
», dit Christian Dupont, directeur du
développement des affaires du marché des
devises au Mouvement Desjardins.
Christian Dupont croit que la baisse estivale
du huard sera surtout attribuable à la baisse
des marchés boursiers. Que viennent faire le
TSX et le Dow Jones dans la chute du huard? «
Le dollar canadien a la réputation de bien
performer quand l’aversion au risque est
faible, dit Christian Dupont. En contrepartie,
il performe moins bien quand les investisseurs
hésitent à prendre des risques, comme c’est le
cas lors d’un ralentissement boursier. »
Le spécialiste du marché des devises reconnaît
l’ironie de la situation: ce sont surtout les
difficultés de l’économie américaine qui
causent cette incertitude nuisible au dollar
canadien et favorable au billet vert de
l’Oncle Sam. « Ça va un peu à l’encontre de
l’analyse fondamentale, mais c’est parce que
le dollar américain a été une valeur de refuge
assez exceptionnelle depuis le début de la
crise », dit Christian Dupont. Au plus fort de
la crise, entre le 22 septembre et le 28
octobre dernier, l’indice du dollar américain
( US Dollar Index) a gagné 15,8% contre un
panier de cinq autres devises, dont le dollar
canadien.
L’Europe plus attrayante
Les Québécois qui s’envoleront pour le Vieux
Continent cet été auront plus de chance: le
dollar canadien devrait tenir le coup, voire
s’apprécier, par rapport à l’euro. Hier, le
huard s’échangeait 0,616 euro, une baisse de
seulement trois centimes depuis le début du
mois. Pendant la même période, le dollar
canadien reculait de six cents et demi par
rapport au dollar américain.
Selon François Barrière, le dollar canadien
pourrait gagner un centime additionnel cet
été. Stéfane Marion est encore plus optimiste
: le huard devrait gagner cinq centimes cet
été pour se maintenir à 66,7 cents euro. Une
hausse qui n’est pas tellement attribuable à
la rigueur du dollar canadien qu’aux problèmes
immédiats de l’économie européenne. « Les
perspectives de reprise économique sont plus
lentes en Europe qu’aux ÉtatsUnis », dit
l’économiste en chef de la Banque Nationale.
Pour le taux de change avec le dollar
américain, les experts consultés par La Presse
Affaires s’entendent tous sur une fourchette
entre 83 et 85 cents US. Rien à voir avec les
deux derniers étés passés près de la parité
(95 cents US en moyenne en 2007 et de 97 cents
US en 2008).
François Barrière doute toutefois que la
faiblesse du huard éloigne les Québécois des
plages de la Nouvelle-Angleterre cet été. «
Mon chalet dans le Maine me coûtera un peu
plus cher cette année à cause des fluctuations
de devises, mais on m’a offert un rabais de
50%, dit le viceprésident du développement des
affaires du marché des devises à la Banque
Laurentienne. C’est le temps de voyager car il
y a des aubaines aux États-Unis. » Comme quoi
il n’y a pas que le taux de change dans la
vie, même pour ceux qui passent leurs journées
à analyser les fluctuations des devises !
Rocket huard est de retour
- RUDY LE COURS
Le dollar canadien s’est apprécié de presque
deux cents hier
La dette colossale quedoit
financerWashington amène beaucoup
d’investisseurs à bouder le marché
obligataire américain, ce qui affaiblit le
billet vert et propulse le huard par
ricochet.
Notre monnaie a bondi de 190 centièmes à
hauteur de 91,60 cents US. Elle s’est
appréciée de 8,8% au cours du mois. Il faut
remonter à l’entrée du Canada dans la guerre
coréenne en 1950 pour retrouver pareille
poussée qui fait sourciller les autorités
politiques et monétaires.
« Ça nous préoccupe toujours beaucoup quand
le dollar canadien fluctue rapidement et
c’est plutôt rapide depuis les dernières
semaines, a commenté le ministre des
Finances Jim Flaherty à Toronto hier. Je
sais que le gouverneur de la Banque du
Canada surveille la situation. »
La Banque reconduira jeudi son taux
directeur à 0,25%. Les observateurs espèrent
qu’elle se prononce sur l’appréciation de
notre monnaie car son scénario économique
d’avril misait sur sa stabilité relative aux
environs de 80 cents US.
Certains analystes croient même que sa
présente poussée le mènera jusqu’à la parité
pendant un certain temps, d’ici la fin de
l’année.
« Notre prévision s’appuie en partie sur le
fait que le dollar américain perdra de son
attrait comme valeur refuge et comme point
de chute de l’inversion de l’effet de levier
et en partie sur l’idée que la situation
canadienne est attirante d’un point de vue
fondamental », expliquait hier Eric
Lascelles, économiste en chef et stratège
chez TD Valeurs mobilières. Il précise qu’il
s’agit cependant d’un phénomène transitoire.
« L’appétit pour le risque revient. La peur
est temporaire, mais la cupidité dure plus
longtemps », renchérit Hughes Lajeunesse,
vice-président principal, change chez BNP
Paribas Canada. Établi à Londres, le
cambiste en chef de la banque française,
HansGuenter Redecker, prévenait ses clients
la semaine dernière de ne pas rater le
rallye du huard qui profite aussi de la
remontée du prix des produits de base et de
la solidité de son système financier. «
Parmi les autres points qui le favorisent,
il y a le déficit budgétaire américain de
12% (du PIB) pour stabiliser le système
financier et stimuler l’économie. Celui de
3% du Canada paraît petit en comparaison,
écritil. Nous demeurons convaincus que le
billet vert restera faible durant l’été. »
Le désintérêt grandissant pour le billet
vert ne s’explique pas seulement par le
regain d’appétit pour le risque. Le
financement de la dette américaine inonde le
marché de titres du Trésor au point de les
rendre de plus en plus indigestes aux yeux
des acheteurs habituels de Treasuries. La
dette devra davantage être financée à
l’interne.
Si les ménages renouent avec les bienfaits
de l’épargne, ils cherchent aussi les
rendements en principe plus élevés des
marchés boursiers. Le Trésor devra les
attirer en consentant des taux plus élevés.
Or, les taux d’intérêt hypothécaires
évoluent en parallèle des taux obligataires,
avec un écart. Pour empêcher ces derniers de
grimper trop vite au point de compromettre
une relance fragile du marché de
l’habitation, la Réserve fédérale achète
directement une part des nouvelles émissions
du Trésor. Elle s’est engagée à le faire
jusqu’à concurrence de 300 milliards, mais
elle devra peut-être faire davantage.
Cette politique de monétisation de la dette
équivaut à imprimer de l’argent. Cela
affaiblit le billet vert et refroidit
davantage l’appétit des acheteurs étrangers
d’obligations.
Voilà qui explique en partie pourquoi les
taux sur les obligations américaines ont
bondi cette semaine au moment où Washington
lançait de nouvelles émissions dépassant les
100 milliards. L’écart entre les taux de
deux ans et de 10 ans a grimpé jusqu’à 275
centièmes, du jamais vu en six ans, ce qui a
de quoi inquiéter la Fed. « À moins d’une
rechute des cours boursiers, il serait
surprenant que les taux obligataires de 10
ans revisitent le creux de 2,03% atteint en
décembre, mais à 3,75% le niveau actuel ne
semble pas refléter la réalité », jaugent
François Dupuis et Martin Lefebvre,
économistes chez Desjardins, dans la
dernière livraison du mensuel La courbe de
rendement.
LA CAISSE VEUT RÉINVESTIR DANS QUÉBEC
INC. - Martin
Vallières
La Caisse de dépôt et placement veut
redorer son blason parmi les
entrepreneurs d’ici en se proposant
davantage comme investisseur et
fournisseur financier de haut niveau, en
particulier pour leurs ambitions
internationales.
« La Caisse n’a plus à faire le choix
entre le rendement et la contribution
économique au Québec. Les deux vont
ensemble. La Caisse peut générer du
rendement en investissant davantage dans
les entreprises québécoises », a indiqué
son président, Michael Sabia, au cours
d’un colloque de gens d’affaires
commandité par la Caisse, hier à
Montréal.
Selon M. Sabia , avec ses nouvelles
priorités de gestion, la Caisse de dépôt
entend mener de front ses objectifs de
rendement à long terme « selon les
besoins de ses clients » et de
contribution au développement économique
du Québec.
« La Caisse de dépôt et placement
souhaite renforcer son rôle de
leadership au Québec, tout en respectant
les besoins en rendement de ses clients
(caisses de retraite et fonds
d’assurance publics) afin qu’ils
puissent s’acquitter de leurs
obligations », a indiqué M. Sabia.
« Nous connaissons le Québec et son
économie en profondeur. Nous avons aussi
des avantages comparatifs que nous
pouvons utiliser davantage avec les
entreprises québécoises. »
Quels avantages en particulier? Le
président de la Caisse est demeuré avare
de détails.
C’est l’un de ses principaux adjoints,
Normand Provost, premier vice-président
aux placements privés et chef des
opérations de la Caisse, qui a résumé
ces avantages.
D’une part, a-t-il indiqué, la
Caisse connaît bien les rouages de
la haute finance pour améliorer les
conditions financières faites aux
entreprises d’ici.
« La Caisse ne manquera jamais de
fonds pour appuyer de bonnes
entreprises québécoises qui ont de
bons projets », selon M. Provost.
« Et même s i nous ne gagnons pas
toutes les soumissions financières
que nous leur faisons, tant mieux si
notre intervention permet à ces
entreprises d’obtenir de meilleures
conditions financières. »
D’autre part, a souligné M. Provost,
la Caisse a un réseau international
de partenaires qui pourrait servir
davantage aux entreprises d’ici à
des moments-clés de leur expansion
vers les marchés extérieurs.
Selon Normand Provost, ces
entreprises font figure de « PMM,
c’est-à-dire des petites et moyennes
multinationales ».
En exemple,
le vice-président de la Caisse a
cité son injection récente de 40
millions de dollars en dette et en
capital auprès du groupe Laperrière
& Verreault (GLV), de
Trois-Rivières, lors de son
acquisition d’une entreprise en
Autriche pour 153 millions.
« C’était un achat stratégique pour
GLV qu’elle n’aurait sans doute pu
réaliser sans l’assistance
financière de la Caisse, ainsi que
sa connaissance des règles
européennes lors des acquisitions
d’entreprise. »
Dans cette foulée, M. Provost a
confirmé que la Caisse négocie
actuellement « deux dossiers
semblables » à celui de GLV avec
d’autres entreprises québécoises,
qui pourraient aboutir bientôt.
Quant aux détails des intentions de
la Caisse envers les entreprises
d’ici, Normand Provost a promis
qu’ils seraient communiqués « au
cours des prochaines semaines ».
La Caisse prépare aussi une deuxième
série de colloques régionaux
d’entrepreneurs pour le printemps
2010, durant lesquels elle prévoit
accentuer son démarchage.
Mais déjà, hier, des dirigeants
d’entreprise qui parti-
Ne tirez pas sur le réformateur
- Francis Vailles
La Caisse de dépôt ne perdra pas
d’argent cette année, mais ses
rendements seront nettement moins bons
que ceux de ses pairs. Le nouveau PDG,
Michael Sabia, n’a toutefois pas
grand-chose à voir avec ces mauvais
résultats. Voici pourquoi.
D’abord, parmi les observateurs avisés,
personne n’est surpris d’apprendre que
la Caisse a des résultats inférieurs à
ceux des autres caisses de retraite
cette année. Hier, notre collègue Denis
Lessard, avec ses excellentes sources, a
écrit que la Caisse obtenait un
rendement de 5 ou 6% pour les 10
premiers mois de l’année,
comparativement à 10 à 12% pour les
pairs.
Cet écart avec la concurrence est
déjà connu depuis t rois mois. À la
mi-août, la Caisse a en effet donné un
aperçu de ses résultats semestriels.
Elle rapportait alors un gain de 5 %
entre janvier et juin, gain qui était
toutefois annulé entièrement par la
déconfiture de son portefeuille
immobilier. En comparaison, les pairs
avaient fait 6 ou 7 % durant la même
période.
Position en actions
Deuxième élément connu : le portefeuille
de la Caisse contenait
proportionnellement moins d’actions que
les autres caisses de retraite en début
d’année. L’institution avait alors 22 %
de son portefeuille en actions,
comparativement à 30 % pour OMERS et 42%
pour Teachers’, deux caisses
ontariennes.
Hier, le porte-parole de la Caisse,
Maxime Chagnon, a indiqué que la
Caisse avait rebâti sa position en
actions depuis mars. Au 30
septembre, elle avait 34% de son
portefeuille en actions, dit-il. Cet
ajout de 12 points de pourcentage
(de 22 à 34%) vient, d’une part, de
la hausse des marchés et, d’autre
part, d’une injection de fonds de la
Caisse. L’institution a en effet
injecté 8,5 milliards de dollars
provenant de son portefeuille de
revenus fixes, a indiqué M. Chagnon.
PHOTO
FRANÇOIS ROY, ARCHIVES LA
PRESSE
Michael
Sabia, PDG de la Caisse de dépôt,
doit composer avec les stratégies
de ses prédécesseurs. On ne verra
sa marque qu’en 2010.
Cet ajout de fonds s’est néanmoins
fait progressivement. La Caisse n’a
donc pu profiter pleinement du boum
boursier comme ses pairs. Aux
États-Unis, le Dow Jones est en
hausse de 17% depuis le début de
l’année et, au Canada, l’indice TSX
de la Bourse de Toronto a grimpé de
27%.
Michael Sabia peut donc
difficilement être tenu responsable
de cette sous-pondération en
actions. Le nouveau PDG a pris la
barre de l’entreprise en mars et il
a hérité des stratégies de
l’administration précédente.
La sous-pondération du début d’année
s’expliquait notamment par la
politique de couverture de change
particulière de la Caisse. L’automne
dernier, la brusque chute du huard a
obligé l’institution à décaisser 8,9
milliards de dollars pour faire face
à ses appels de couverture. Ces
milliards ont été obtenus non pas
par la vente d’immeubles – un
processus long et fastidieux – mais
par la liquidation de titres
boursiers. Cette liquidation, entre
autres, a fait chuter la pondération
en actions de la Caisse.
Michael
Sabia doit également composer avec
l’imposant portefeuille immobilier
de l’institution. La Caisse a une
forte présence immobilière aux
ÉtatsUnis, un marché où les prix
sont en baisse de 35 à 45% depuis le
sommet de 2007.
Certes, les immeubles de la Caisse
sont de première catégorie.
Toutefois, les cycles immobiliers
sont longs et, avant que le marché
ne remonte, d’ici 18 mois, le
portefeuille continuera de perdre
des plumes.
Autre élément: la précédente
administration avait choisi de miser
environ 3 milliards de dollars dans
le secteur des prêts hypothécaires
mezzanines aux États-Unis. Or, ces
prêts de deuxième rang, plus
risqués, ont perdu énormément de
valeur, affectant d’autant le
rendement de la Caisse.
Enf i n, l e nouveau c hef des
placements de la Caisse, Roland
Lescure, a été nommé en juillet,
mais n’est arrivé à la Caisse qu’à
la mi-octobre. Son empreinte sur les
rendements de la Caisse ne se fera
donc réellement sentir qu’en 2010.
Bref, Michael Sabia doit encore
composer avec les stratégies
contestables de l’administration
précédente, soit le
surinvestissement dans les papiers
commerciaux risqués et dans
l’immobilier, notamment. C’est
l’année 2010 qui sera déterminante
pour juger de l’équipe
Sabia-Lescure.
Charles Sirois dénonce «
l’obsession » du rendement
Les caisses de retraite doivent établir
des cibles de rendement réalistes et
adaptées à leurs propres besoins plutôt
que d’être obnubilées par la performance
de leurs pairs, a soutenu hier
l’entrepreneur Charles Sirois, président
de la firme d’investissement
Télésystème.
« Ce n’est pas vrai que lorsqu’on gère
des sommes de capital gigantesques, on
peut s’attendre à aller chercher des
rendements de 10-12 % alors que
l’inflation est de 2% à long terme. Je
regrette, c’est impossible. L’économie
réelle ne peut pas supporter ce type
d’écart-là, sauf si on prend des risques
énormes et qu’on accepte une variabilité
énorme (des résultats) », a déclaré M.
Sirois à la tribune de la chambre de
commerce du Montréal métropolitain.
Le président du conseil d’administration
de la Caisse de dépôt et placement du
Québec, Robert Tessier, a assisté au
discours de Charles Sirois et n’a rien
dit pour le contredire.
« Je pense que comme tout le monde,
l’obsession, maintenant, c’est de suivre
de très près ce que ceux qui déposent
veulent et ont besoin », a-t-il admis.
La Caisse s’est fixé un objectif de
rendement à long terme « d’environ 7% ».
Depuis sa création, en 1966, elle a
enregistré un rendement annuel moyen de
8,3 %, même en tenant compte de la chute
de 25% de la valeur de ses
investissements, en 2008, attribuable en
partie à des placements risqués.
Crise financière
Faisant l’autopsie de la crise
financière qui a éclaté l’an dernier,
l’ancien président de Téléglobe et de
Microcell (Fido) a par ailleurs formulé
quelques suggestions pour repartir sur
de meilleures bases.
Il prône notamment un encadrement plus
serré de l’effet de levier (emprunter
pour investir), l’imposition de limites
sur la variation des cours de certains
produits financiers afin d’en réduire la
volatilité et l’adoption de nouvelles
règles sur les ventes à découvert.
Le plus important, c’est que le secteur
financier se remette au service de
l’économie réelle, plutôt que l’inverse,
a-t-il rappelé, en mettant toutefois en
garde contre la « surréglementation ».
Président du conseil d’administration de
la Banque CIBC depuis février, M. Sirois
a assuré que le mouton noir de
l’industrie avait « appris beaucoup » de
ses mauvaises expériences, notamment son
incursion coûteuse dans le secteur du
courtage aux États-Unis.
LE RÉGIME DE RENTES TENTE DE GARDER LE
CAP - Martin Vallières
Faut-il hausser les cotisations
salariales ? Réviser à la baisse les
rentes futures ? Ou encore retarder l
’âge de la retraite et l’accès aux
rentes ?
L’avenir de la principale caisse de
retraite collective des Québécois, un
héritage majeur de la Révolution
tranquille, est examiné comme jamais
auparavant, ces joursci en commission
parlementaire à Québec.
L’enjeu : assurer la viabilité à long
terme du Régime de rentes du Québec,
malgré les coûts croissants dus au
vieillissement de la population et la
relative stagnation du nombre de
salariés cotisants.
De plus, ce débat lancé l’an dernier par
le gouvernement du Québec et sa Régie
des rentes s ’est aggravé
considérablement après les déboires qu’a
connus la Caisse de dépôt et placement
en 2008.
La Caisse est le gestionnaire exclusif
du fonds du Régime de rentes du Québec.
Or, les pertes massives de l’an dernier
à la Caisse – 39,8 milliards en tout –
ont provoqué une amputation imprévue de
9 milliards au fonds du Régime.
L’actif du fonds a été recalé à 26
milliards au 31 décembre dernier, 11
milliards de moins que ce qu’avait prévu
la Régie des rentes, il y a deux ans à
peine.
La
conséquence
immédiate de cette perte : l’épuisement
du Régime des rentes sous sa forme
actuelle, prévue auparavant pour 2051,
s’en retrouve devancé à 2037.
Ce serait dans 28 ans seulement. En
d’autres termes, les salariés actuels de
moins de 45 ans risqueraient de se buter
à une caisse publique vide lors de leur
retraite, après leur 65e anniversaire.
Afin d’éviter ce scénario, le
gouvernement québécois doit trouver seul
une solution puisque les autres
provinces du Canada participent plutôt
au Régime de pensions du Canada ( RPC),
dont le fonds de réserve a subi moins de
dégâts l’an dernier.
Aussi, le Canada anglais affronte un
vieillissement de la population moins
prononcé qu’au Québec.
« C’est notre r esponsabi l i t é de pa
r l ementai r e s d’assurer la pérennité
de cet héritage collectif qu’est le
Régime des rentes », a indiqué le
ministre de l’ Emploi et de la
Solidarité sociale, Sam Hamad, en début
de commission parlementaire, il y a une
semaine.
« Cette consultation est l’occasion
d’entendre les principaux acteurs de la
société… pour en arriver à un Régime
mieux financé et mieux adapté. »
En fin de journée hier, la Commission
des affaires sociales a ajourné ses
travaux pour quelques jours. Elle a déjà
entendu des groupes comme le Conseil du
patronat, principal porte-parole des
employeurs du privé, la centrale
syndicale FTQ, des gestionnaires de
caisses de retraite et des associations
de retraités.
Évidemment, chaque intervenant a fait
valoir ses priorités selon ses propres
intérêts. Le milieu syndical, par
exemple, s’oppose à toute réduction des
prestations futures du Régime de rentes.
De même que les représentants de
retraités des secteurs privés et
publics.
En contrepartie, ils réclament une
hausse des cotisations aux salariés
actuels et à leurs employeurs.
C’est d’ailleurs l’une des
solutions les plus rapides déjà
envisagées par le gouvernement du
Québec: rehausser de 9,8% à 10,4% le
taux de cotisation salariale sur une
période de cinq ans, à compter de 2011.
Si elle prévaut, une telle hausse de
taux pourrait rapporter à terme 500
millions de plus par an au fonds du
Régime de rentes.
Mais du point de vue patronal, une telle
hausse de cotisations reviendrait à
gonfler encore les « taxes sur la masse
salariale » au Québec, déjà trop élevées
par rapport à l’Ontario, selon le
Conseil du patronat.
Par ailleurs, a-t-il souligné en
commission parlementaire, il serait mal
avisé d’augmenter encore les cotisations
salariales au Québec en pleine période
de récession.
Par conséquent, parce qu’il faut
renflouer le fonds du Régime de rentes,
mieux vaudrait décaler toute hausse de
cotisation jusqu’en 2011.
Et même à ce moment, insiste le Conseil
du patronat, Québec devrait compenser
cette hausse de coût pour les employeurs
par une baisse équivalente des autres
prélèvements sur leur masse salariale.
Jusqu’à maintenant, au gouvernement du
Québec, le ministre Sam Hamad n’a pas
encore écarté une hausse rapide des
cotisations.
Mais une décision gouvernementale
pourrait prendre encore quelques mois,
peut-être jusqu’au prochain budget
provincial du printemps 2010.
D’ici là, espèrent plusieurs, le vif
rebond des marchés boursiers pourrait
renflouer une partie des pertes
imprévues de l’an dernier au fonds du
Régime de rentes.
La Caisse de dépôt risque de
perdre un demi-milliard
La Caisse de dépôt et placement du Québec
pourrait perdre 285 millions de livres
anglaises (508 millions CAN) sur une dette
assortie d’une garantie concernant les
propriétés londoniennes de l’investisseur
Simon Halabi après que leur valeur
eut chuté d’environ 50%, selon
deux personnes au fait du dossier.
La Caisse possède la portion de second
rang d’un prêt de 1,45 milliard de livres
assorti d’une garantie adossée aux neuf
édifices de bureaux de M. Halabi, ont
précisé les sources qui ont requis
l’anonymat parce que l’information n’est
pas de nature publique.
La partie de premier rang du prêt, soit
1,15 milliard de livres, a été transformée
en valeurs adossées à des hypothèques
commerciales en 2006. Les détenteurs
d’obligations, qui sont en défaillance,
viennent au premier rang lorsque la dette
est remboursée. Les paiements d’intérêts
au prêteur subalterne ont déjà cessé.
La valeur des propriétés commerciales au
Royaume-Uni ont chuté de 44% depuis le
sommet atteint à la mi-2007, d’après
Investment Property Databank Ltd. Des
prêts d’une valeur d’environ 230 milliards
de livres ont été consentis pour les
propriétés commerciales au Royaume-Uni,
selon une recherche de l’Université De
Montfort établie à Leicester.
« Le prêt de premier rang lui-même est
déjà mal en point », selon Gioia Dominedo,
de l’équipe CMBS de Fitch’s, à Londres. «
Les valeurs des propriétés devraient
revenir à leur niveau de départ pour que
le prêt senior retrouve toute sa valeur,
sans parler du prêt junior », ajoute
l’analyste.
MCR, firme de restructuration
d’entreprises, a obtenu un contrat le 21
août dernier pour liquider l’entreprise
londonienne de conseil en matière de
propriétés de M. Halabi, Buckingham
Securities Holdings. Kamlesh Bathia, le
directeur financier de Buckingham, n’a pas
répondu aux appels ni aux courriels pour
obtenir des commentaires. François
Gaboury, porte-parole de la Caisse, a
refusé de commenter l’affaire.
Les propriétés de M. Halabi, qui
comprennent les bureaux l ondoniens de J
PMorgan Chase & Co., étaient évaluées
à 1,8 milliard de livres lorsque le prêt
de premier rang a été transformé en
obligations. En juin dernier, leur valeur
avait été ramenée à 929 millions de
livres.
Les paiements d’intérêts sur le prêt de
second rang ont été interrompus le 15
juillet dernier lorsque le prêt de premier
rang devait être remboursé, précisait CB
Richard Ellis Group Inc. dans un
communiqué émis lundi dernier. Les
fiducies de M. Halabi ne sont pas en
mesure de refinancer la dette et il est
vraisemblable que les propriétés seront
vendues, avait indiqué Fitch Ratings Ltd.
en juin dernier.
« Nous obtenons tous les avis pertinents
et nécessaires pour établir une stratégie
visant à maximiser la récupération », a
fait savoir CB Richard Ellis Inc., le
gestionnaire de la dette.
La Caisse a i nscrit une moins-value
latente de 5,7 milliards de dollars
canadiens sur ses actifs immobiliers pour
la première moitié de l’exercice, ce qui a
effacé le gain de 5% sur ses autres
investissements, selon un communiqué émis
le 11 août dernier. La Caisse a fait
savoir qu’elle songeait à renoncer aux
activités dans le secteur des prêts
subordonnés.
Holà au risque - ANDRÉ
PRATTE
Michael Sabia a pris de nouvelles mesures
pour réduire l’exposition au risque
excessif de la Caisse de dépôt et
placement du Québec (CDPQ). On ne peut que
s’en réjouir.
Mardi, le président et chef de la
direction a annoncé que la Caisse se
retirait du domaine des prêts
hypothécaires subordonnés, des
investissements évidemment plus risqués
que les hypothèques de premier rang.
L’étranglement du crédit et l’éclatement
de la bulle immobilière aux États-Unis ont
fait plonger la valeur de ce type de
placements, de sorte qu’au cours des six
premiers mois de l’année, la Caisse a
inscrit pour cette seule catégorie
d’actifs une perte non matérialisée de 2,2
milliards.
Les résultats semestriels (fragmentaires)
publiés par la Caisse révèlent que
l’organisation continue de subir les
effets de la crise économique et
financière qui lui avait fait perdre 40
milliards l’an dernier. Au cours du
premier semestre de 2009, la CDPQ a vu la
valeur de ses placements dits « moins
liquides » baisser de 5,7 milliards, une
baisse qui a annulé les gains – fort
modestes par ailleurs – obtenus dans les
actifs boursiers et à revenus fixes.
Ces pertes « sur papier » ne résultent pas
toutes de l’imprudence passée de la
Caisse. La baisse de la valeur des
immeubles – 1,8 milliard – sera
certainement effacée à mesure que
l’immobilier commercial américain
recouvrera la santé.
Par
contre, les pertes de 2,2 milliards dans
les prêts hypothécaires subordonnés se
concrétiseront en grande partie. Les
gestionnaires de ce secteur ont investi
alors que le marché était à son plus haut,
croyant que les belles années n’auraient
pas de fin. Très grave erreur.
LaCDPQ a aussi vu la valeur du PCAA
qu’elle détient fondre d’un autre 400
millions, en sus des 5,6 milliards déjà
effacés. Les placements privés ont été
dévalués de 1,3 milliard; à ce sujet,
malheureusement, le secret absolu demeure
la règle. Comble de malheur, la Caisse
ayant dû vendre des actifs boursiers au
pire de la crise, elle amoinsprofité
qued’autres de la forte remontée des
actions canadiennes survenue depuis le
début de l’année.
La culture anti-bas de laine qui s’y était
graduellement installée continue donc de
coûter très cher à la Caisse. C’est cette
frénésie du rendement, cette banalisation
du risque que M. Sabia s’affaire à
corriger. Si les résultats des six
premiers mois de l’année sont décevants,
l’orientation choisie et les décisions
prises jusqu’à maintenant sont
rassurantes. Elles ont en tout cas rassuré
Standard & Poors, qui vient de
confirmer la cote de crédit AAA de la
Caisse. L’agence s’est notamment réjouie
du fait que le gouvernement « a clairement
manifesté sa volonté de préserver
l’indépendance de la Caisse », un
commentaire que nos politiciens devraient
garder à l’esprit.
L’ef fort de transparence consenti cette
semaine par l’équipe Sabia est louable. Il
faudra voir si cette ouverture (très
relative) se maintient ; il est plus
facile d’être transparent pour les erreurs
de ces prédécesseurs que pour les siennes.
Rendement nul - Francis
Vailles
L’immobilier coule la Caisse de dépôt au
premier semestre
Les marchés boursiers sont en hausse, mais
la Caisse de dépôt et placement n’a pu
faire mieux qu’un rendement nul au premier
semestre de 2009. Principal responsable :
l ’ i mmobilier. Hier, l’institution a
annoncé que ses placements non liquides
ont dû être dévalués de 5,7 milliards de
dollars au cours de la période terminée le
30 juin. À lui seul, le secteur immobilier
accapare 71 % de cette dévaluation, soit 4
milliards. Michael Sabia,
président de la Caisse de dépôt
Ce recul de l’immobilier est compensé par
un gain de 5% dans les autres placements
de la Caisse ( Bourse, obligations etc.),
ce qui ramène le rendement global aux
environs de 0% pour les six premiers mois.
Pour l’année 2008, la Caisse avait déclaré
une perte de 25% ou 39,8 milliards.
«
Notre performance du premier semestre pour
les autres placements correspond aux
attentes que nous avions il y a quelques
mois. Je dirais que nous en sommes
satisfaits et en ligne avec l’industrie.
Mais avec un rendement global neutre à cause
de l’immobilier, personne ne pense ici que
c’est ce que nous devrions viser », a
expliqué le PDG, Michael Sabia, au cours
d’une téléconférence avec les journalistes.
La déconfiture du secteur immobilier de la
Caisse, en particulier pour les prêts
hypothécaires à risque aux ÉtatsUnis, a
incité l’institution à réorganiser ses
structures, intégrant la division Cadim à la
filiale SITQ immobilier. La réorganisation
est stratégique et aucune mise à pied n’est
prévue, dit M. Sabia.
Cadim est davantage présent dans les
secteurs hôteliers et résidentiels, tandis
que les filiales SITQ et Ivanhoé se
concentrent sur les immeubles de bureau et
les centres commerciaux.
Il y a t r oi s s e maines, La Presse
Affaires avait donné un avant-goût de ces
changements, révélant les départs du PDG de
Cadim, Richard Dansereau, et du chef des i
nvestissements de SI TQ, Daniel Fournier. La
Presse avait également fait état des graves
problèmes de la Caisse avec ses prêts
hypothécaires mezzanines aux États-Unis.
Ce sont justement ces prêts mezzanines qui
donnent des maux de tête à la Caisse. Il
s’agit de prêts de deuxième ou troisième
rang sur un immeuble. Dans les bonnes
périodes, ces prêts rapportent davantage,
mais ils sont plus risqués.
En cas de défaut de paiement, c’est le
prêteur de premier rang qui est le mieux
protégé, puisque les fruits de la revente de
l’immeuble saisi lui seront d’abord versés.
Les prêteurs de 2e et 3e rang récupéreront
les restes. C’est ce qui est arrivé à la
Caisse en avril avec un gratte-ciel à New
York. L’institution y a perdu les 130
millions US qu’elle avait prêtés en 2006.
Hier,
la Caisse a annoncé qu’elle abandonnait le
secteur des prêts mezzanines et autres prêts
subordonnés. Les baisses de valeur de ces
prêts à la Caisse atteignent 2,2 milliards
pour le premier semestre, ce qui en ramène
la valeur à quelque 800 millions, a indiqué
la Caisse.
C’est la première fois que l’institution
dévoile ses résultats semestriels, quoique
non détaillés. La Caisse dit répondre ainsi
aux demandes de transparence du public et
des médias.
Michel Nadeau, di r e c - t eur général de l
’ I nstitut pour la gouvernance, salue cette
initiative. I l constate toutefois que le
rendement semestriel de la Caisse est
inférieur à la médiane des caisses de
retraite, qui oscille entre 6 et 7 %. « La
Caisse commence l’année avec un retard de
6,5 % sur les autres caisses de retraite »,
constate M. Nadeau.
La Caisse a par ailleurs confirmé la
nomination de René Tremblay au poste de
président du groupe Immobilier de la Caisse.
M. Tremblay portait ce titre par intérim
depuis que Fernand Perreault était devenu
PDG par intérim avec la démission de Richard
Guay. Hier, Michael Sabia a indiqué que M.
Perreault gardait le titre de conseiller
spécial du PDG.
« Le modèle de banques d’affaires de Cadim
est remis en question en fonction des
réalités du marché. On veut revenir au
métier de base de l’immobilier », a déclaré
hier René Tremblay.
Le nouveau chef de l’immobilier a confiance
dans le portefeuille d’immeubles détenus par
la Caisse, de grande qualité. Ces immeubles
rapportent de meilleurs revenus qu’en 2008,
mais ils sont dévalués en raison des
transactions actuelles à prix moindres. Le
marché immobilier demeurera difficile
jusqu’au début de 2011, dit-il, mais
reprendra à long terme.
Quant au reste, Michael Sabia affirme que la
Caisse est à augmenter de façon assez
importante la part du portefeuille investi
sur les marchés boursiers.
Le secteur immobilier perd des
morceaux - Marie Tison
Le secteur immobilier de la Caisse de dépôt et
placement du Québec, ébranlé par de piètres
résultats, perd deux piliers.
Le président et chef de la direction de Cadim,
Richard Dansereau, a annoncé son départ il y a
quelques jours. Pour sa part, le
vice-président-directeur et chef des
investissements de la SITQ, Daniel Fournier, a
quitté son poste le 15 juillet.
Cadim, filiale de la Caisse, se spécialise
notamment dans les hôtels et les immeubles
résidentiels au Canada, aux États-Unis, en
Europe et en Asie. La SITQ, filiale à 91,6 % de
la Caisse, se spécialise surtout dans la gestion
d’immeubles à bureaux et de parcs d’affaires au
Canada, aux États-Unis, en France, au
Royaume-Uni et en Allemagne.
En 2008, l’ensemble du secteur i mmobilier de la
Caisse a enregistré un rendement de -16,1 %.
C’est encore plus négatif que l’indice de
référence de -2,6 %. Et le secteur immobilier
n’est pas au bout de ses peines. Hier, La Presse
Affaires a révélé que la Caisse connaissait de
nouvelles difficultés avec son portefeuille de
prêts hypothécaires non résidentiels aux
États-Unis. La Caisse a accordé des prêts
hypothécaires de deuxième ou troisième rang sur
des immeubles, plus risqués que des prêts de
premier rang. Or, les prix des immeubles de
bureaux et des centres commerciaux ont baissé de
35 à 45% aux États-Unis par rapport au sommet de
2007.
La Caisse a notamment dû racheter pour 100 000 $
US un immeuble à bureaux de 42 étages à New York
pour lequel elle avait prêté 130 millions US.
Non
seulement elle a perdu cette somme, mais elle
a dû rembourser 240 millions US au prêteur
hypothécaire de premier rang, la Deutsche
Bank. L’immeuble a un taux d’inoccupation de
31 %.
Richard Dansereau s’était joint à l’équipe de
direction de Cadim en octobre 2000, d’abord à
titre de vice-président aux investissements,
puis à titre de président et chef de la
direction.
La Caisse n’a pas voulu donner de détails sur
les raisons de son départ. Elle n’a pas voulu
non plus expliquer les modalités du processus
de succession.
« Je ne peux pas commenter là-dessus, a
déclaré la porte-parle de la Caisse, Mylène
Bélanger. Je ne suis pas au courant et, même
si je l’étais, je pense que ça devrait
demeurer confidentiel, tous ces processus-là.
»
De son côté, la SITQ avait créé le poste de M.
Daniel Fournier en juin 2008. La filiale n’a
pas non plus voulu donner de détails sur le
départ du haut dirigeant.
« Comme toute organisation dynamique, il y a
des arrivées et de départs », a simplement
déclaré la porte-parole la SITQ, Amélie
Plante.
Elle a indiqué que les gens qui relevaient de
M. Fournier relèveront directement du
président et chef de la direction de la SITQ,
Paul Campbell.
Autre tuile pour la Caisse
- Francis Vailles
L’institution a 2 milliards de prêts hypothécaires
à risque aux États-Unis
EXCLUSIF
Avec le dégonflement de la crise financière, on
aurait pu croire que la Caisse de dépôt et
placement était enfin tirée d’affaire. Mais La
Presse Affaires a appris que l’institution avait
de sérieux problèmes avec son portefeuille de
prêts hypothécaires non résidentiel aux
États-Unis.
Ce
portefeuille de prêts a été constitué durant les
belles années de l’immobilier précédant la crise.
Or, aujourd’hui, la perte de valeur des immeubles
aux États-Unis est telle que le portefeuille de
prêts appelés « mezzanines » fond comme neige au
soleil. Pour la Caisse, l’enjeu oscille entre 2 et
3 milliards de dollars.
Les prêts hypothécaires mezzanines sont des prêts
de deuxième ou troisième rang sur un immeuble. Ils
rapportent davantage mais sont plus risqués. En
cas de non-paiement d’un immeuble, c’est le
prêteur hypothécaire de premier rang qui est le
mieux protégé, puisque les fruits de la revente de
l’immeuble saisi lui seront d’abord versés.
Suivent les prêteurs de deuxième et troisième
rangs, mais ces derniers récupéreront leur mise
seulement s’il reste des fonds une fois que le
premier prêteur se sera servi.
Immeuble
de 42 étages à New York
C’est ce qui arrivé à la Caisse en avril dernier
avec un immeuble de bureaux à New York, situé au
1330, Avenue of the Americas, au coeur du
Rockefeller Plaza. Le propriétaire du
gratte-ciel de 42 étages, Macklowe Properties, a
omis de payer son dû à la Caisse sur un prêt de
130 millions US.
L’immeuble a été mis aux enchères, mais comme
aucun prétendant ne s’est présenté, la Caisse
n’a eu d’autres choix que de racheter l’immeuble
pour la valeur symbolique de 100 000$ US.
Autrement dit, la Caisse y a perdu les 130
millions US qu’elle avait prêtés en 2006.
Qui plus est, pour racheter la propriété, la
Caisse a dû rembourser au prêteur hypothécaire
de premier rang, la Deutsche Bank, une somme de
240 millions US. Autrement dit, le coût réel de
la transaction s’est élevé à 370 millions US
pour la Caisse, et l’immeuble a un taux
d’inoccupation de... 31%.
Selon nos sources, la Caisse s’attend maintenant
à devoir comptabiliser de grosses pertes en 2009
sur son portefeuille américain de prêts
hypothécaires mezzanines. Au 31 décembre 2008,
l’ensemble du portefeuille de financement
hypothécaire géré par la filiale de la Caisse,
Otera Capital, valait 11,3 milliards CAN.
Environ 30% de ce portefeuille portent sur des
prêts aux États-Unis et l’essentiel est
constitué de prêts mezzanines.
Dans le cas du 1330, Avenue of the Americas, la
Caisse espère récupérer sa mise en gérant
l’immeuble adéquatement et en augmentant le taux
d’occupation. L’institution peut notamment
compter sur l’expertise approfondie de sa
filiale immobilière SITQ.
Cependant, la Caisse devra être patiente parce
que les bureaux sont difficiles à louer à New
York en ces temps de crise. Certains s’attendent
même à ce que la déconfiture de l’immobilier non
résidentiel aux États-Unis surpasse le krach
immobilier du début des années 1990.
En 2009, les prix des immeubles de bureaux et
des centres commerciaux aux États-Unis étaient
en baisse de 35 à 45% par rapport au sommet de
2007. L’exemple du 1330, avenue of the Americas
risque donc de se reproduire.
La Presse Affaires a demandé à la
vice-présidente des affaires juridiques d’Otera
Capital, Marie Giguère, si d’autres immeubles
étaient en défaut de paiement aux États-Unis,
mais elle n’a pas voulu commenter. Pas de
commentaires non plus de la part du porte-parole
de la Caisse, Maxime Chagnon.
À part la Caisse, les fonds de retraite
canadiens qui ont investi dans les prêts
mezzanines aux États-Unis sont plutôt
l’exception. Les régimes ontariens Teachers’ et
Omers ne seraient pas présents sur ce marché,
nous dit-on. Au Québec, Otera Capital s’est
associé au Régime des rentes du Mouvement
Desjardins pour le financement hypothécaire
américain.
Bref, l’année 2009 s’annonce difficile pour le
financement hypothécaire et l’immobilier à la
Caisse, elle qui a eu un rendement de -22% en
2008. Heureusement, dans certains segments de
marché, l’institution avait vu venir le recul de
l’immobilier et s’était retirée du marché. Par
exemple, la Caisse ne détient plus que trois
centres commerciaux aux États-Unis, elle qui en
avait 25 en 2006.
Autre élément favorable, les immeubles détenus
par la Caisse sont de première catégorie et bien
rempli, notamment au Canada. Leur perte de
valeur le cas échéant risque donc d’être moins
forte que la moyenne du marché. Mais chose
certaine, l’institution veut se retirer
progressivement du marché des prêts mezzanines,
nous diton. Chat échaudé craint l’eau froide...
Un homme et son « erreur »
- SOPHIE COUSINEAU
Le papier commercial aurait été la seule réelle
faute de la Caisse; en scrutant chacun des
arbres, l’institution n’a pas vu la taille de la
forêt.
Tiré à quatre épingles dans son complet charbon,
Henr i-Paul Rousseau s’est présenté au Salon
rouge 20 minutes avant que ne commencent les
audiences de la commission des finances
publiques.
Assis seul avec son air le plus grave, l’ancien
président de la Caisse de dépôt et placement du
Québec aurait pu être pressé d’en finir. Après
tout, c’était sa dernière journée dans la mire
des caméras de télé avant qu’il ne se cloître
dans les bureaux de la discrète Power
Corporation ( propriétaire de La Presse).
Mais à l’évidence, l’homme de 60 ans espérait
infléchir le jugement de l’Histoire, lui qui a
volontairement prêté serment avant de livrer des
réponsesf leuves pendant six heures. L’« erreur
» du papier commercial hante Henri-Paul
Rousseau. « J’y pense à tous les jours », at-il
confié.
Alors que les députés enfilaient les questions
polies et pointues, Amir Khadir a toutefois
rappelé au di rigeant , un de ces « monarques
qui se croient au-dessus de tout » , qu’il ne se
trouvait pas devant l’auditoire docile de la
Chambre de commerce du Montréa l métropolitain.
« Votre arrogance et votre mépris cachent une
certaine lâcheté : vous avez préféré démis
sionner » , a lâché le député de Mercier avant
d’être rappelé à l’ordre par le président de la
commission.
Blême, Henri-Paul Rousseau a évoqué les
sacrifices qu’il a consentis pour servir
l’intérêt public du Québec, en se contentant
d’une rémunération moindre à la Caisse et en
liquidant la totalité de ses placements à l’été
2002, au creux du marché, sans aucune
planification fiscale ( !), pour être au-dessus
de tout soupçon. Voilà pourquoi il refuse –
toujours – de renoncer à sa prime de départ
controversée, que Québec a inscrite à son
contrat d’embauche sans qu’il ne la réclame.
Deux univers irréconciliables.
La Caisse de dépôt ne pouvait faire meilleure
publicité au livre du journaliste Mario
Pelletier en envoyant une mise en demeure à son
éditeur pour qu’il retire La Caisse dans tous
ses états des étagères des libraires.
D’ailleurs, les journalistes s’échangeaient hier
les rares copies de ce livre tel un ouvrage à
l’index sous Duplessis.
Si la Caisse a jugé nécessaire de prendre cette
mesure extraordinaire, c’est que ce livre accuse
Henri-Paul Rousseau d’avoir eu recours à la
technique dite du « bain de sang ». On met les
choses au pire en arrivant, en radiant un
maximum de mauvais investissements. Puis, les
choses s’embellissent et la nouvelle
administration prend tout le crédit. Disons
simplement que ce n’est pas inédit en affaires.
Henri-Paul Rousseau a néanmoins été piqué au
vif. Dès son arrivée, hier, il a insisté pour
tirer les choses au clair en lisant une
déclaration et en martelant la table de son
index. Le gros des radiations dans Quebecor
Media (2 milliards de dollars) a été pris à
l’époque de son prédécesseur, Jean-Claude
Scraire. HenriPaul Rousseau n’a radié que 523
millions de plus. L’ex-dirigeant a qualifié de «
très graves » ces accusations, puisqu’elles
remetgouffre chez les gestionnaires de fonds.
Le
papier commercial aurait été la seule réelle
faute de la Caisse ; en scrutant chacun des
arbres, l’institution n’a pas vu la taille de la
forêt. Pour le reste, blâmez les méthodes
comptables qui ne s’appliquent qu’à la Caisse.
Ou encore la vieille politique de couverture du
taux de change, pour protéger ses
investissements immobiliers contre les
fluctuations adverses des devises.
Ainsi, Henri-Paul Rousseau a cherché à banaliser
cet accident de parcours. « Vous allez en
bicyclette, vous tournez la tête et vous foncez
dans un camion », a-t-il illustré.
Henri-Paul Rousseau se défend d’avoir institué
une culture qui tent en question son intégrité
et sa réputation, de même que celles du
Vérificateur général du Québec.
Personne ne doute de la probité d’Henri-Paul
Rousseau. On est même prêt à lui donner le
bénéfice du doute quand il affirme avoir quitté
la Caisse à un moment où, pensait-il, « le ciel
s’éclaircissait ».
Mais là où on ne le suit plus, c’est lorsqu’il
égrène un chapelet d’explications pour justifier
la contre-performance de la Caisse en 2008.
Rappelons que la Caisse a perdu 39,8 milliards
de dollars l’an dernier. Ce rendement négatif de
25% est de 6,6% inférieur aux indices auxquels
la Caisse se compare, un incitait les
gestionnaires à risquer trop. Il affirme qu’il a
même réduit le seuil de versement de la prime au
rendement des gestionnaires de portefeuille du
marché monétaire (de 30 à 25 points centésimaux)
pour éviter toute course à la performance. «
C’est complètement faux de dire que la politique
de rémunération est à la source de tout »,
a-t-il dit.
Il n’empêche que la façon la plus simple pour un
gestionnaire de toucher une prime, c’était
encore d’investir dans les papiers commerciaux.
Ces investissements à court terme rapportaient
un tout petit peu plus que les obligations des
gouvernements, tout en étant sensiblement plus
risqués.
Henri-Paul Rousseau a aussi passé sous silence
les pertes importantes enregistrées par des
cowboys de la finance qui pariaient sur les taux
d’intérêt et les indices boursiers. Cette
spéculation explique les trois quarts des pertes
dans les activités dites de répartition de
l’actif, de 2 milliards de dollars au total. Et
ici, il ne s’agit pas de pertes sur papier.
C’est de l’argent que les Québécois ne reverront
plus.
Alors que cette commission parlementaire tire à
sa fin, le Québec ne comprend toujours pas
pourquoi la Caisse s’est gavée de papier
commercial jusqu’à la toute fin. Même après que
la firme Coventree, son grand « pusher », eut
prévenu la Caisse que ses papiers commerciaux
étaient contaminés par les hypothèques
américaines à haut risque! Devant les « signaux
contradictoires », les gestionnaires de la
Caisse se trouvaient dans la « confusion totale
», a justifié l’ancien dirigeant.
Henri-Paul Rousseau a répété 100 fois qu’il ne
fallait pas désespérer. Plus de la moitié des
pertes de 2008 (22,4 milliards) sont sur papier.
C’est à peu près comme dire à ceux qui ont
acheté des actions de Bombardier à 20$ que le
titre finira bien par remonter!
Ainsi, sur les radiations de 5,9 milliards
associées au papier commercial, seulement 181
millions de dollars sont disparus à jamais.
I ronique non, qu’Henr iPaul Rousseau demande
aux Québécois d’être patients avec le papier
commercial, patience qu’il n’a jamais manifestée
à l’endroit de Quebecor Media ? Je me demande
bien envers qui, de Rousseau ou de Scraire,
l’histoire sera la plus sévère.
« La Caisse n’est pas en péril »
Henri-Paul Rousseau a voulu se faire rassurant
devant la commission parlementaire
« Les papiers commerciaux, c’est une erreur.
Comme si vous allez à bicyclette, ne regardez
pas en avant et rentrez dans le mur... C’est une
erreur », a soutenu Henri-Paul Rousseau, hier.
— À terme, les déboires de la Caisse de dépôt et
placement (CDP) en 2008 ne coûteront pas 40
milliards aux contribuables. Plus de la moitié
de cette somme, soit 22 milliards, est
constituée de provisions, d’écritures comptables
qui ne se matérialiseront jamais. « La Caisse
n’est pas en péril, elle est là pour longtemps
», a soutenu l’ancien président de la Caisse de
dépôt, Henri-Paul Rousseau. Henri-Paul Rousseau
s’est défendu d’avoir quitté la barre de la
Caisse de dépôt au moment où la tempête
financière se manifestait. En mai 2008, tous
les indicateurs économiques étaient
favorables, a-t-il insisté.
Après six heures de témoignage devant la
commission parlementaire spéciale chargée de
scruter les résultats catastrophiques de la CDP
l’an dernier, M. Rousseau a voulu se faire
rassurant. À la fin de 2008, les conventions
comptables ont forcé la Caisse à prévoir de
lourdes pertes dans son portefeuille immobilier.
Or, ces actifs continuent à apporter des
recettes croissantes à la Caisse. Et comme il
n’est pas question de les vendre, personne ne
devrait s’inquiéter de leur valeur au 31
décembre dernier. Il faudra cinq ou six ans pour
se faire une opinion solide quant à l’impact de
l’année dernière sur les chiffres de la CDP.
Peu de réponses, selon le PQ
Toutefois, selon le critique financier du PQ,
François Legault, c’est faire peu de cas de la
performance de la CDP, comparée à celle de ses
concurrents. « Vous achetez une action 10$ et
elle ne vaut plus que 6$. Vous avez perdu 4$.
Tout le monde comprend ça. Et pire encore, vos
concurrents n’ont eux perdu que 3$! » a lancé M.
Legault.
En vain, M. Legault a tenté d’en savoir
davantage sur les jours qui ont précédé
l’apparition, le 9 août 2007, des problèmes de
liquidités pour les papiers commerciaux adossés
à des actifs. Des enregistrements des
conversations entre courtiers et gestionnaires
de portefeuilles démontrent que ceux qui
vendaient ces produits de plus en plus douteux
mettaient en garde les employés de la Caisse sur
les conséquences de leur geste, a révélé hier M.
Legault.
Selon le PQ, le peu de réponses données par M.
Rousseau devrait pousser le gouvernement à
déclencher une commission d’enquête ou une
investigation poussée du Vérificateur général
sur les causes des déboires de la CDP. Et, selon
François Bonnardel, de l’ADQ, il est clair
qu’une commission d’enquête est nécessaire, tant
les réponses des dirigeants actuels et passés de
la Caisse ont été, depuis deux semaines,
insatisfaisantes.
Mais à plusieurs reprises hier, M. Rousseau
s’est retrouvé sur la sellette en commission
parlementaire et a dû se défendre d’avoir «
quitté le navire », en mai 2008, à quelques mois
de la « tempête parfaite » qui allait frapper
les marchés boursiers à l’automne. En fin de
journée, il a soutenu « penser à chaque jour aux
papiers commerciaux » et a assuré qu’il serait
resté à la barre de la Caisse s’il avait pu
prédire l’avenir.
« Les papiers commerciaux, c’est une erreur.
Comme si vous allez à bicyclette, ne regardez
pas en avant et rentrez dans le mur... C’est une
erreur », a soutenu M. Rousseau, ques de
pension, c’est l’argent qui rentre dans le
cochon. L’immobilier peut être dévalué, mais les
loyers rentrent pareil », a-t-il illustré. Les
recettes demeurent en dépit d’un recul sur la
valeur des actifs, a-t-il souligné, rappelant
que les recettes de l’aéroport de Londres,
détenu par la Caisse, avaient augmenté de 40%
cette année par rapport à l’an passé.
Sans « l’erreur » des papiers comun peu exaspéré
devant les journalistes après son long
témoignage hier. Il reste convaincu que les 6
milliards de provisions pour perte sur les 13
milliards de papiers toxiques ne seront pas
nécessaires. Après 18 mois de tourmente, les
pertes réelles sur ce produit ne sont que de 181
millions, a-t-il insisté.
Et, surtout, précise-t-il, les rentrées, les
revenus courants de la caisse sont restés
élevés, à 5,8 milliards en 2008, comparativement
à 6,2% l’année précédente. « Ce qui est
important pour payer les chèmerciaux, le
rendement sur cinq ans, de 2004 à 2008 aurait
été près du premier quartile – le peloton de
tête des fonds comparables au Canada –, « même
en pleine tempête la Caisse demeure solide », a
soutenu l’ancien patron.
Le ton monte
Le ton a singulièrement monté quand le seul
député de Québec solidaire, Amir Khadir, l’a
accusé de « lâcheté » pour avoir opté pour le
privé, une vice-présidence chez Power
Corporation, à quelques semaines de la crise
boursière. Pour M. Khadir, seule la « cupidité »
peut expliquer les salaires énormes qui se sont
versés dans les milieux financiers en dépit des
contre-performances réalisées. « Vous êtes de
ces nouveaux monarques qui se croient tout
permis », a lancé le député de Mercier.
Même le député libéral de Montmorency, Raymond
Bernier, avait lancé le débat en demandant
d’entrée de jeu à M. Rousseau: « Pourquoi avoir
ainsi quitté le navire? »
Piqué, M. Rousseau a répliqué qu’il ne pouvait
accepter qu’on dénigre ainsi son travail et la
contribution des employés de la Caisse, qui
acceptent des sacrifices pécuniaires pour le
bien de l’ensemble des déposants québécois. Il a
souligné qu’à la barre de la Caisse, « il
n’avait initié ni autorisé » aucune transaction
qui aurait été à l’avantage de son futur
employeur. Au contraire, la Caisse, dans une
assemblée d’actionnaires, avait manifesté son
opposition à des décisions proposées par le
conseil de Power, a-t-il rappelé.
Une pratique dénoncée
Selon François Legault, l’ancien président de la
Caisse n’a pas pu expliquer pourquoi, dans la
plupart des portefeuilles, sur les cinq
dernières années, la Caisse a fait moins bien
que les indices. Même pour l’année 2008, les
orientations de placements n’ont pas varié après
le départ du président. De plus, le portefeuille
des placements privés, où la Caisse a réalisé
10%, tandis que l’indice reculait de 3%, a été
dopé par une sousévaluation du placement dans
Quebecor Media, ramené à 436 millions en 2002 –
une radiation de 1,5 milliard. L’évaluation du
placement l’a ramené à 2 milliards cinq ans plus
tard, ce qui a gonflé artificiellement le
rendement de ce portefeuille, a estimé M.
Legault. Le portefeuille de répartition de
l’actif, qui spéculait sur les taux d’intérêt,
selon lui, a perdu 2 milliards. La Caisse avait
investi tout cet argent avec seulement 90
millions d’avoir, a soutenu M. Legault,
rappelant que le nouveau patron, Michael Sabia,
avait pris ses distances de telles pratiques,
d’effet « levier » décuplant le risque.
Selon M. Rousseau le niveau global d’emprunt –
l’effet de levier – était remonté rapidement à
58% en 2008, simplement parce que la valeur des
actifs avait diminué. Il y a deux semaines,
Michael Sabia avait soutenu que le risque de
l’effet de levier était trop élevé, c’est-à-dire
que la Caisse empruntait trop pour investir plus
qu’elle n’avait d’actifs. Or, pour 2006 et 2007,
la Caisse avait réduit considérablement le poids
relatif de ces emprunts.
M. Rousseau s’est défendu d’avoir quitté la
barre au moment où la tempête financière se
manifestait. En mai 2008, tous les indicateurs
économiques étaient favorables, a-t-il insisté.
De plus, dès sa nomination en 2002, il avait
prévenu qu’il ne ferait qu’un mandat. Dans des
entrevues accordées à l’époque, il avait promis
qu’il serait ailleurs à la soixantaine, at-il
rappelé.
À propos des papiers commerciaux, M. Rousseau a
affirmé qu’il avait arrêté toutes les
transactions dès qu’il avait été mis au courant
des problèmes de liquidités, le 9 août 2007. La
Caisse s’est retrouvée avec 13 milliards de ces
papiers toxiques. La semaine dernière, devant la
commission parlementaire, Richard Guay, ancien
patron de la CDP, avait reconnu qu’il s’en était
acheté encore entre le 24 juillet et le 13 août
avant que l’alarme ne soit sonnée. François
Legault a tenté en vain de connaître les trois
ou quatre employés responsables – un seul nom
est tombé, celui de Luc Verville, leur ancien
patron qui a quitté la CDP. À LIRE, L’ANALYSE
D’ALAIN DUBUC, LES MAÎTRES DE L’UNIVERS, EN PAGE
A29.
Plus de cotisations, moins
d’avantages
Les pertes de la Caisse de dépôt frapperont le
régime des rentes
Même si les avantages du régime de rentes
étaient réduits pour stopper l’hémorragie quand
les baby-boomers vont déferler vers la retraite,
ceux qui sont déjà prestataires ne verront pas
leurs avantages changer. Il en ira tout
autrement pour ceux qui prendront leur retraite
après la prochaine révision du régime,
prévisible en 2011.
Avec le vieillissement de la population, Québec
devra revoir son programme de rentes – réduire
les bénéfices aux futurs retraités ou augmenter
les cotisations. « Ce sera probablement un
mélange des deux », a expliqué hier André
Trudeau, président de la Régie des rentes, venu
témoigner devant la commission parlementaire sur
les pertes de la Caisse de dépôt en 2008.
La Régie des rentes a vu sa réserve fondre de 9
milliards de dollars (26,4%) en 2008 en raison
des mauvais résultats de la Caisse de dépôt et
placement (CDP). Ce résultat est l’un des pires
parmi les déposants à la CDP. La Régie des
rentes du Québec (RRQ) planifie à long terme et
est ainsi amenée à prendre davantage de risques,
« c’est ce qui nous a joué un tour », expliquait
hier, en fin de journée, M. Trudeau.
Se faisant rassurant, il insistait hier sur le
fait que « cette perte ne menace pas le
versement des rentes aux bénéficiaires de la
Régie, ni aujourd’hui ni pour plusieurs années
». Même si les avantages du régime de rentes
étaient réduits pour stopper l’hémorragie quand
les baby-boomers vont déferler vers la retraite,
ceux qui sont déjà prestataires ne verront pas
leurs avantages changer. Il en ira tout
autrement pour ceux qui prendront leur retraite
après la prochaine révision du régime,
prévisible en 2011.
M. Trudeau, qui siège aussi au conseil
d’administration de la Caisse de dépôt, souligne
qu’une perte « aussi considérable, de 9
milliards de dollars pour la réserve de la RRQ,
aura des répercussions, nous en sommes bien
conscients. Il faudra plusieurs années de bons
rendements pour retrouver ce montant ».
Déjà, la Régie avait prévu une hausse aux taux
de cotisation, « et la crise boursière va nous
amener à faire des projections différentes », a
admis le mandarin hier. Sur le long terme, la
Régie a toujours un rendement de 8,5% de ses
fonds à la CDP. Un niveau de 7,2% est nécessaire
au maintien du régime.
Mais à partir de 2010, la Régie devra commencer
à gruger ses revenus de placement pour payer les
rentes.
La réserve à sec, 15 ans plus tôt
Hier, la députée péquiste de Crémazie, Lisette
Lapointe, a rappelé que si rien n’était fait, au
rythme prévisible des retraites des
baby-boomers, la réserve de la Régie serait
vidée en 2037. La crise de 2008 a rapproché
cette échéance, théorique, de 15 ans, a-t-elle
soutenu, rappelant une étude de l’institut CD
Howe sur les perspectives actuarielles de la
RRQ.
Pour M. Trudeau, tenir compte des pertes
forcerait une hausse des cotisations de 9,9% à
11%. CD Howe avait fait le calcul. Actuellement
9,90$ sont prélevés sur chaque 100$ de salaire.
Un document de réflexion du gouvernement, lancé
au printemps 2008, suggérait de hausser le taux
à 10,40$, mais, avec la crise, cela risque de ne
pas être suffisant. Il faudra hausser davantage,
a convenu M. Trudeau hier, échangeant avec
quelques journalistes.
Le régime québécois des rentes n’est pas
totalement capitalisé. S’il l’était, il faudrait
hausser à 20% les cotisations, une hérésie du
point de vue économique. Il s’appuie sur la
solidarité entre les générations, qui pousse les
décideurs d’aujourd’hui à faire en sorte que les
générations à venir n’aient pas à porter une
part inéquitable du fardeau, a-t-il expliqué.
Pour
lui, une hausse à 11% de cotisation – évaluée
par CD Howe –, serait difficile à accepter pour
l’économie et il faudra vraisemblablement se
tourner aussi du côté des avantages du régime.
Ces propos, publiés sur Cyberpresse, ont suscité
une réaction immédiate de l’ancien chef
adéquiste Mario Dumont. « Je disais exactement
la même chose en campagne électorale et les
libéraux m’accusaient d’être malhonnête », a
lancé M. Dumont.
Parmi les moyens qui s’offrent, reconnaît André
Trudeau, on peut reculer l’âge où on peut
réclamer des prestations – 60 ans actuellement.
C’est la voie choisie par certains régimes pour
les fonctionnaires en France. Selon Herman Huot,
porte-parole de la Régie, on pourrait penser
aussi réduire la rente au conjoint survivant. En
janvier dernier, on a aussi permis des
prestations à des gens qui travaillent – 10
millions de plus de décaissements.
Toutes ces formules seront discutées dans le
cadre d’une consultation qui aura lieu à partir
de l’automne prochain, ont insisté MM. Trudeau
et Huot.
Choix de Michael Sabia
Plus tard, M. Trudeau, qui siège aussi au
conseil d’administration de la Caisse et faisait
partie du comité de sélection du président, a
souligné que le président du conseil, Robert
Tessier, avait rencontré Michael Sabia, pour
présider la Caisse, avant même que son nom soit
soumis au comité chargé de choisir le nouveau
président.
Le comité a aussi appris à ce moment qu’un
nouveau membre du conseil, Me Jean-Pierre
Ouellet, « connaissait bien M. Sabia », celui
que le comité allait « choisir » quelques heures
plus tard pour diriger la CDP.
« Il y avait une question de disponibilité des
candidats, il y avait aussi une certaine urgence
de trouver un PDG, c’est des facteurs qui ont
beaucoup influencé. On était en crise, il faut
un capitaine pour mener le bateau, quelqu’un par
intérim ne prend pas toujours les décisions. Il
fallait agir... et on a agi », a expliqué M.
Trudeau.
Plus tôt, l’ancien patron du Mouvement
Desjardins, Alban D’Amours, était venu
témoigner, donnant sa version des événements sur
la gestion de la Caisse de dépôt – au sein du
conseil d’administration, il était responsable
du comité de suivi du risque. Comme les
dirigeants de la Caisse mardi, il a souligné que
la Caisse n’avait pas pensé à évaluer la valeur
totale des papiers commerciaux qu’elle détenait,
et s’était contentée de vérifier qu’elle n’avait
pas trop acheté auprès de chaque émetteur.
Aussi, a-t-il souligné, la différence entre
papiers commerciaux bancaires et non bancaires
n’avait jamais été soulevée avant la crise
d’août 2007 – finalement seules les banques ont
couvert les titres qu’elles avaient émis, la
Caisse s’est retrouvée avec 13 milliards de
créances douteuses.
Le comité responsable d’analyser le risque au
conseil d’administration disposait de toutes les
données nécessaires. « On nageait dans une mer
de chiffres », a-t-il lancé. Il a été
visiblement piqué quand, en point de presse, il
s’est fait demander s’il était justifié d’avoir
doublé la valeur des jetons de présence aux
membres du conseil d’administration devant des
rendements aussi catastrophiques.
Selon M. D’Amours, la rémunération des
administrateurs n’a pas joué dans la décision
d’acheter ces produits toxiques. Le responsable
des achats de papiers commerciaux à la CDP avait
déjà atteint sa prime maximale. Il a été depuis
congédié.
La construction touchée par les
résultats de la Caisse de dépôt
Le fonds de 10 milliards reste à la Caisse «
pour l’instant »
« Perdre 2 milliards de dollars, c’est pas
rien, c’est venu gruger la réserve de 1,5
milliard qu’on était parvenu à se constituer
après le changement de régime », a dit le
président de la Commission de la
construction, André Ménard.
— Les déboires de la Caisse de dépôt vont
avoir des conséquences douloureuses pour les
travailleurs de la construction qui
prendront tout prochainement leur retraite.
Le président de la
Commission de la construction, André
Ménard, n’a pas caché que les employés qui
« prendront leur retraite cette année,
subiront les effets des rendements
négatifs de la Caisse ».
La perte de 600 millions de dollars du fonds
de retraite de la construction, signifie une
réduction « moyenne » de 4% des rentes dans
un avenir immédiat, une coupe potentielle de
700 $ par année pour les 3000 ouvriers qui
comptaient accrocher leur marteau en 2009.
Hier, à la commission parlementaire chargée
d’examiner les pertes record – 40 milliards
de la Caisse de dépôt en 2008 –, le
président de la Commission de la
construction, André Ménard, n’a pas caché
que les employés qui « prendront leur
retraite cette année subiront les effets des
rendements négatifs de la Caisse ». Les 77
000 ouvriers qui sont déjà à la retraite ne
seront pas affectés.
« Il ne faut pas penser que les résultats de
la Caisse de dépôt n’auront aucun impact à
moyen et à long terme à la Commission de la
construction. Pour l’année en cours il n’y a
pas de changement », s’est contenté de dire
le ministre du Travail, David Whissell.
En 2004, forcés d’effacer un énorme déficit
actuariel – 1,2 milliard de la caisse de
retraite de la construction –, syndicats et
entrepreneurs s’étaient entendus sur une
refonte majeure: les employeurs augmentaient
sensiblement leur contribution, mais, en
revanche, les salariés perdaient leur régime
à prestation déterminée. Comme les futurs
retraités se partagent ce qu’il y a dans la
cagnotte, qui en 2008 est passée de 12 à 10
milliards, cette perte de 2 milliards pour
ce fonds géré par la Caisse de dépôt a un
impact beaucoup plus immédiat que pour les
autres retraités dont la rente est à
prestation déterminée. Il y a 237 000
salariés qui contribuent à ce régime de
rente moins généreux que celui de leurs
prédécesseurs.
Hier, les critiques péquiste et adéquiste
aux Finances, François Rebello et François
Bonnardel, ont salué la « franchise » du
président de la Commission de la
construction, M. Ménard. La veille, la
plupart des autres « déposants » à la Caisse
avaient soutenu que les hausses prévisibles
de rendement annuleraient les mauvais
résultats de 2008. « M. Ménard est le
premier qui nous dit en pleine face que cela
sera difficile, que les travailleurs auront
à payer plus », a dit M. Bonnardel. Le
péquiste François Rebello a salué la
détermination de M. Ménard « d’embarquer sur
la glace et de poser des questions à la
Caisse de dépôt ».
En
Chambre, la chef péquiste Pauline Marois a
fait un dur bilan de la semaine en
commission parlementaire. « C’est la
signature de ce gouvernement : refuser de
rendre des comptes. Peut-on donner l’heure
juste aux Québécois et leur dire de combien
leur chèque de paie sera amputé? Les
résultats de la Caisse sont connus depuis
février, on a amplement eu le temps
d’évaluer les impacts ! » a-telle lancé.
Selon François Legault, le gouvernement
devrait aussi convoquer à la barre Luc
Verville, ex-cadre de la Caisse de dépôt,
responsable des papiers commerciaux qui a
contredit dans les médias le témoignage de
son ancien patron, Henri-Paul Rousseau.
Pour le ministre des Finances, Raymond
Bachand, 34 heures de commission
parlementaire suffisent à expliquer ce qui
s’est passé à la Caisse. La commission
terminera mardi avec son témoignage.
Abandonner la Caisse ?
« Perdre 2 milliards de dollars, c’est pas
rien, c’est venu gruger la réserve de 1,5
milliard qu’on était parvenus à se
constituer après le changement de régime »,
a soutenu M. Ménard.
En plus, sans amélioration des rendements,
il faudra ajouter 75 cents de l’heure aux
cotisations payées par l’employeur qui sont
déjà de 3,50$ pour un « compagnon », un
ouvrier reconnu. La période pourrait être
allongée pour favoriser la capitalisation du
régime – on vise actuellement 2018 –, ce qui
réduirait la pression à la hausse sur les
cotisations, explique-t-on à la CCQ.
Hier encore, M. Ménard a souligné que les
résultats décevants de la Caisse avaient
relancé un débat à l’interne sur
l’opportunité de continuer comme déposant. «
Pour l’instant » la CCQ reste parmi les
déposants à la Caisse. Mais « les gens de
l’industrie envoient un message à la Caisse.
On veut des relations plus étroites avec la
Caisse, on veut des rendements, mais des
titres qui ne sont pas trop volatils. Quand
nous choisissons un portefeuille en
obligations, on veut savoir ce qu’il y a
dedans », a précisé M. Ménard.
La
bonne idée de M. Parizeau - ANDRÉ
PRATTE
Insatisfaits des réponses obtenues en
commission parlementaire, les partis de
l’opposition et une association de retraités
réclament la mise sur pied d’une commission
d’enquête sur les pertes de la Caisse de
dépôt. À notre avis, une telle commission
serait interminable, coûteuse et inutile.
Des causes des pertes de 40 milliards –
réelles et sur papier –, on sait maintenant
l’essentiel. Une partie de ces pertes était
inévitable, causée par l’effondrement des
marchés.
Une autre partie s’explique par les
politiques d’investissement de
l’institution, certaines bien fondées mais
qui se sont retournées contre elle, d’autres
mal avisées. Enfin, l’investissement massif
dans les PCAA non bancaires fut une erreur
monumentale.
L’opposition aimerait prolonger le supplice.
Cependant, l’heure est venue de penser à
l’avenir de la Caisse. Dans nos pages samedi
dernier, le député péquiste François Legault
proposait « une réflexion fondamentale sur
la mission » de la Caisse. Une commission
d’enquête ne serait pas un forum approprié
pour une telle réflexion. Le gouvernement
devrait plutôt mettre sur pied un groupe
d’experts qui ferait rapport à l’Assemblée
nationale sur les moyens de prévenir de tels
dérapages et, plus largement, sur ce que
devraient être la mission de la Caisse et la
gestion de ses actifs dans le nouveau monde
financier qui prend forme. C’est cette voie
qu’a proposée Jacques Parizeau dans une
entrevue au canal Argent: « On établit une
commission d’enquête lorsqu’on pense qu’il y
a eu de la malhonnêteté ou des
irrégularités, ce qui n’est pas le cas du
tout. Des experts devront se pencher sur la
situation et nous dire, à l’avenir, voici
comment il faudra procéder. »
Parmi les questions qu’un tel groupe devrait
étudier, il y a celle duniveaude risque.
Onabeaucoup dit que sous Henri-Paul
Rousseau, la Caisse était devenue obsédée
par le rendement. En réalité, il y a belle
lurette que la Caisse n’a plus rien d’un bas
de laine. Les dirigeants de l’institution,
qu’ils aient été nommés par les libéraux ou
les péquistes, n’ont cessé de faire pression
sur le gouvernement pour que soient levées
les contraintes autrefois imposées par la
loi et que la Caisse puisse placer son
argent dans des véhicules plus rentables
(forcément plus risqués). Si l’on souhaite
que la Caisse soit désormais plus prudente,
il faudra accepter que ses rendements moyens
soient plus faibles. Devrait-on amender la
loi pour circonscrire la marge de manoeuvre
des gestionnaires de la Caisse? Ou bien la
nouvelle organisation de gestion de risque
mise en place par Michael Sabia sera-t-elle
suffisante?
La baisse de la part des actifs de la Caisse
investis dans des entreprises québécoises
suscite une inquiétude légitime. Ce
glissement ne date pas d’hier. « Quand on
connaît bien un marché, c’est aussi prudent
d’investir à Paris qu’à Montréal »,
soutenait Jean-Claude Scraire il y a une
dizaine d’années. Le mouvement s’est
toutefois accéléré sous M. Rousseau.
Faudrait-il imposer à la Caisse un seuil
minimal de participations québécoises? Ce
n’est certainement pas notre avis mais la
question doit être étudiée et vidée.
Bref, le débat de fond doit succéder à
l’inquisition.
Les maîtres de l’univers -
Alain Dubuc
Diriger la Caisse peut donner l’impression
d’être au-dessus des lois de la gravité, créer
un sentiment d’omnipuissance et
d’invulnérabilité.
C’était au tour de l’ancien patron de la Caisse
de dépôt, Henri-Paul Rousseau, de parader devant
la commission parlementaire qui se penche sur la
triste performance de l’institution. Est-ce que
cela donnera quelque chose? On aura beau
interroger M. Rousseau et les autres dirigeants
de la Caisse, on aura beau fouiller,
questionner, décortiquer, cela ne nous aidera
pas beaucoup à comprendre ce qui s’est passé. Le ton a monté hier
quand le député de Québec solidaire, Amir
Khadir (à gauche), a accusé Henri-Paul
Rousseau de « lâcheté » pour avoir opté pour
le secteur privé, à quelques semaines de la
crise boursière.
Dans la tourmente mondiale, la Caisse a perdu 40
milliards. Si sa performance avait été
comparable à celle d’autres institutions, ses
pertes auraient plutôt été de 30 milliards. Cet
écart de 10 milliards s’explique largement par
l’achat massif de papiers commerciaux adossés à
des actifs.
Et la question centrale, c’est de savoir
pourquoi la Caisse a acheté tant de PCAA.
Pourquoi n’a-t-elle pas plafonné ces achats,
pourquoi ne pas avoir perçu le risque de ces
titres, pourquoi ne pas avoir informé le conseil
d’administration, pourquoi s’être fié aux
analyses d’une seule agence de cotation? La
réponse, d’une grande simplicité, c’est que les
gens de la Caisse ont estimé qu’il n’y avait pas
de risque, ils n’ont pas perçu l’existence d’un
problème. Ils ne l’ont tout bêtement pas vu. Et
s’ils ne voyaient pas le risque, il n’y avait
pas de raison de réduire le portefeuille de PCAA
ou d’avertir le conseil d’une stratégie de
placement que l’on croyait banale.
L’erreur a été assez majeure, et la crise
financière a été assez substantielle pour que la
Caisse modifie ses procédures. Mais cela mène à
une autre question. Pourquoi la Caisse a-t-elle
acheté tant de PCAA quand d’autres institutions
n’ont pas touché à ce produit ou l’ont fait avec
prudence? Il y a toutes sortes d’explications:
l’appât du gain des gestionnaires qui gonflaient
ainsi leurs bonis, un changement de mandat qui
mettait l’accent sur le rendement. Je tente une
autre explication, qui n’est pas politique, qui
n’est pas financière, mais qui est presque de
nature psychologique.
Il
y a plusieurs similitudes entre l’erreur de la
Caisse sous la houlette d’Henri-Paul Rousseau et
l’autre grande erreur de la Caisse, le soutien à
Quebecor pour l’achat de Vidéotron, qui a causé
des milliards de pertes sous la direction de son
prédécesseur Jean-Claude Scraire. Ces erreurs
peuvent s’expliquer par ce que l’on pourrait
appeler le syndrome des maîtres de l’univers.
Les deux PDG ont dirigé la Caisse au moment où
éclatait une bulle, la bulle « techno » dans le
temps de M. Scraire et la bulle financière pour
M. Rousseau. Dans les deux cas, la Caisse est
tombée dans le panneau, elle a joué à fond la
caisse la logique qui sous-tendait ces bulles.
M. Scraire a misé sur les mirages de la
convergence en soutenant Vidéotron, M. Rousseau
a choisi de privilégier l’innovation financière
et les produits à la fine pointe de la
modernité. Il y a là un « pattern ».
Le fait de diriger la Caisse semble avoir un
impact sur ses dirigeants. Ils gèrent des sommes
énormes, ils jouissent d’un pouvoir économique
considérable, surtout par rapport à la taille du
Québec, ils n’ont pas beaucoup de comptes à
rendre. Cela insuffle sans doute un désir
d’aller plus loin, de réussir, de battre la
concurrence. Mais cela peut donner l’impression
d’être audessus des lois de la gravité, créer un
sentiment d’omnipuissance et d’invulnérabilité.
On peut en tirer une leçon. Pour améliorer la
performance future de la Caisse, en plus de
renforcer le conseil, en plus de resserrer la
gestion du risque, il faut aussi gérer l’impact
de l’institution sur ses propres dirigeants,
savoir déceler les signes qui semblent indiquer
que le pouvoir monte à la tête.
LA
CAISSE DE TOUS LES MAUX...
Selon Richard Guay, ex-président de la Caisse,
l’épisode des PCAA est à
la source des déboires de l’institution
« Sans les papiers commerciaux, on ne serait pas
ici », a dit Richard Guay.
— Pendant trois semaines, à partir de la f i n de
juillet 2007, la Caisse de dépôt a acheté des
papiers commerciaux adossés à des actifs ( PCAA),
même si, dans les marchés financiers, on avait
tiré l’alarme pour se retirer rapidement de ces
placements risqués.
Les témoignages surprenants se sont succédé hier à
la commission parlementaire qui commençait ses
deux semaines de travaux pour scruter les causes
des résultats catastrophiques de la CDPen 2008,
marqués par des pertes historiques de 40 milliards
de dollars.
Dans sa première déclaration publique après son
passage éclair à la barre de la Caisse de dépôt,
Richard Guay a expliqué qu’il avait choisi de
prendre du repos, en pleine crise financière,
plutôt que de courir le risque de commettre des
erreurs lourdes de conséquences à cause de la
fatigue.
Tant M. Guay que Claude Bergeron, vice-président
aux affaires juridiques de la CDP, ont expliqué
que, comme la Caisse avait acheté ces créances
toxiques d’une vingtaine d’émetteurs différents,
avec chacun moins de 3% du portefeuille, elle
tenait pour acquis qu’elle était à l’abri des
mauvaises surprises. Ainsi divisés, les 22
milliards investis à un moment donné dans ces
produits « étaient passés sous le radar », a
expliqué Me Bergeron. Or, reconnaît-il maintenant,
personne n’avait pensé qu’une crise des liquidités
pouvait, d’un coup, frapper l’ensemble de ces
titres similaires.
Pas de réponses
M. Guay n’avait pas de réponse aux questions du
député péquiste François Legault, qui a observé
que, du 7 au10 août 2007, la Caisse avait acheté
pour 893 millions en papiers commerciaux non
bancaires. La CDP savait pourtant dès le 18
juillet que ces produits étaient sérieusement
problématiques. Pire encore, la CDP a alors vendu
des papiers commerciaux émis par les institutions
bancaires – qui seront couverts par les émetteurs
– et augmenté sa position dans les produits émis
par les firmes bien moins solides financièrement.
Les membres du conseil d’administration n’ont rien
vu venir avant la débâcle; ces transactions, ainsi
morcelées dans une vingtaine d’institutions,
faisaient partie des opérations quotidiennes.
Pour M. Guay, cet épisode des papiers commerciaux
est à la source des déboires de la Caisse en 2008
: sur les 13 milliards qu’elle n’est pas parvenue
à vendre à temps, il a fallu provisionner des
pertes de 6 milliards. « Sans les papiers
commerciaux, on ne serait pas ici », a dit M. Guay
aux députés. François Legault n’est pas d’accord:
« C’est trop facile de tout ramener aux papiers
commerciaux. Il y avait une dérive, le message du
gouvernement Charest était de faire du rendement.
»
Dans la crise des PCAA, la Caisse ne savait pas
exactement ce qu’elle achetait. « Il n’y avait pas
une connaissance totale, transparente des produits
sous-jacents (sur lesquels s’appuyaient ces
papiers) », a indiqué Me Bergeron. Il a décrit le
mouvement de « panique » qui s’est emparé des
marchés à l’endroit de ces produits, dès le 18
juillet 2007. Richard Guay a été informé le 6
août, et le grand patron, HenriPaul Rousseau, le
9. Le lendemain, une réunion d’urgence était
convoquée et on a alors décidé de freiner
brusquement pour réduire l’ampleur des placements
de la Caisse dans ces produits.
La Caisse est passée de 22 à 16 milliards de ces
produits empoisonnés entre le 1er et le 31 août.
Mais elle s’est départie de 10 milliards en
papiers bancaires, qui s’avéreront couverts par
les émetteurs, pour se replier vers les produits
plus vulnérables. La distinction à l’époque
n’existait pas, a fait valoir M. Guay.
Au début de la crise d’ailleurs, les opinions
étaient partagées sur la valeur réelle de ces
placements, a relevé Me Bergeron. « Certains
investisseurs et DBRS(la Dominion Bond Rating
Service) étaient réconfortants », a-t-il rappelé.
Sabia est contredit
Le nouveau patron de la CDP, Michael Sabia, a
soutenu la semaine dernière que la Caisse avait
pris trop de risques, ce qui expliquait la
catastrophe de 2008. Richard Guay et Fernand
Perreault, qui l’avait remplacé par intérim, ont
été bien plus nuancés.
Pour M. Perreault, la Caisse aurait présenté des
résultats respectables, n’eût été « la dislocation
des marchés » survenue à l’automne 2008. Les
changements apportés en 2004 par le gouvernement
libéral à la loi sur la Caisse n’ont pas modifié
ses politiques de placement, a-t-il insisté.
Surtout , la Caisse n’a pas pris plus de risques
que les autres fonds de placement jusqu’en 2008,
selon lui.
Pour Richard Guay, la CDP n’a pas pris des
décisions en 2008 qui augmentaient le risque. La
tempête qui a frappé les marchés a bien sûr rendu
les titres plus volatils, et en octobre 2008, les
dirigeants de la Caisse ont décidé de vendre
massivement des titres
pour ramener le risque à des niveaux plus
acceptables.
Mais, a souligné Me Guay, même avec l’année 2008
et l’erreur des papiers commerciaux, la Caisse a
eu, sur cinq ans, un rendement moins volatil que
les autres fonds de retraite comparables. Le
risque des placements de la Caisse jusqu’en juin
2008 était même inférieur à ce qu’il était en
2002, a-t-il expliqué. « La comparaison historique
illustre que le risque réalisé du portefeuille de
la Caisse a été inférieur au risque médian des
pairs », indique le document déposé par la CDP.
Tous les députés libéraux présents – le ministre
des Finances, Raymond Bachand, ne sera là que pour
la clôture des travaux, la semaine prochaine – ont
permis à M. Perreault de mettre en relief que les
changements à la loi en 2004 touchaient la
gouvernance de l’organisme, et non ses stratégies
de placement.
Selon M. Perreault, le parc immobilier de la CDP
se compare avantageusement à ceux des autres fonds
de retraite, mais l’obligation d’en inscrire la
valeur, théorique, au 31 décembre, a contribué à
creuser le déficit de la CDP pour l’an dernier.
La Caisse a annoncé il y a deux semaines la
disparition d’un portefeuille de « répartition
d’actifs », responsable de pertes de 2 milliards
en 2008. Le critique péquiste aux Finances,
François Legault, a indiqué que ce fonds
empruntait largement pour investir sur les marchés
boursiers, plus de 80 fois les liquidités réelles,
a-t-il soutenu. Fernand Perreault a refusé de
rendre publique une étude commandée par la caisse
à Price Waterhouse, sur la gestion de risque. Des
informations sensibles se trouveraient disponibles
pour les concurrents : « Je ne publie pas le code
de mon système d’alarme », a-t-il soutenu.
La Caisse remet en question les évaluations de
Teachers’
—
La Caisse de dépôt et placement est plus exigeante
dans l’évaluation de ses immeubles que Teachers’
et OMERS, ce qui expliquerait les écarts de
rendements avec ses rivales ontariennes.
Hier, l’ex-PDG par intérim de la Caisse, Fernand
Perreault, a expliqué les contraintes plus grandes
de la Caisse à cet égard. Le gestionnaire de 65
ans a passé l’essentiel de sa carrière dans le
secteur immobilier de la Caisse.
En vertu des normes comptables canadiennes, la
Caisse de dépôt est considérée comme une société
de placement et non comme une caisse de retraite,
comme le sont Teachers’ et OMERS. Or, pour les
sociétés de placement, les normes veulent que
l’actif immobilier soit évalué selon la juste
valeur à une date donnée, sans égard à un problème
extraordinaire de marché au moment de
l’évaluation.
« Mon hypothèse, c’est que d’autres caisses de
retraite ont évalué leur portefeuille comme s’il
était conservé à long terme. On verra (ce qui
arrivera) », a dit M. Perreault.
En 2008, le portefeuille immobilier de la Caisse a
reculé de 22%, comparativement à une baisse de
4,3% pour Teachers’ et une hausse de 6% pour
OMERS.
Fernand Perreault soutient que le type de
portefeuille immobilier de la Caisse est « à peu
près le même » que ceux de Teachers’ ou OMERS,
soit des immeubles de grande qualité. Toute
proportion gardée, les revenus qu’ont procurés ces
immeubles en 2008 (rendements courants) sont
semblables, dit-il.
Sans être en mesure d’en quantifier l’importance,
le gestionnaire estime donc que la principale
raison qui explique l’écart avec ses rivales est
la méthode d’évaluation dictée par les normes
comptables. À cet égard, Fernand Perreault a lu un
extrait du rapport annuel de Teachers’ qui indique
que l’évaluation des immeubles de l’institution
ontarienne est « comparée aux attentes de la
direction ».
À la Caisse, dit-il, la valeur des immeubles «
n’est pas comparée aux attentes » de la direction.
Le 22 octobre 2008, la Caisse a écrit au Conseil
de surveillance de la normalisation comptable, lui
demandant de pouvoir bénéficier des mêmes
modifications accordées aux régimes de retraite,
mais sans succès. Le 24 novembre 2008, le Conseil
a refusé cette demande.
En somme, comprend-on des propos de la Caisse,
lorsque la crise sera passée, la valeur de son
portefeuille immobilier s’accroîtra davantage que
celui des autres.
Effet de levier
L’effet de levier est une autre raison qui
explique les mauvais rendements de la Caisse en
immobilier. En 2008, le niveau d’emprunt sur la
valeur de l’actif (le levier) était de 55%. Or,
l’indice de référence de la Caisse pour
l’immobilier a plutôt un levier de 40%, a indiqué
M. Perreault.
Quant aux investissements immobi l iers
internationaux, « nous n’avons pas agi en cowboy,
mais avec des partenaires solides ». Sur 5 ans, le
portefeuille étranger de la Caisse a grimpé de
15%.
L’achat de PCAA problématique a doublé en un an
Selon le document de la Caisse, le volume de
PCAA détenu par l’institution a suivi une courbe
de croissance relativement semblable au marché
dans son ensemble, lui-même en très forte
croissance.
— Quelques mois avant la crise, la Caisse de
dépôt et placement avait fait doubler son volume
de papier commercial problématique, indique un
document remis à la Commission parlementaire sur
les finances publiques, hier.
Au 31 août 2005, l’institution détenait 5,5
milliards de dollars de PCAA non bancaire. Seize
mois plus tard, soit au 31 décembre 2006, ce
volume était passé à 13,2 milliards, le même
niveau qu’au moment du gel du marché, en août
2007.
Cette croissance exponentielle a surpris le
député péquiste François Legault, qui a
questionné le vice-président des affaires
juridiques de la Caisse à ce sujet, Claude
Bergeron.
« J’ai de la difficulté à croire que c’est un
hasard ou un mystère de la vie, comme l’a dit
Henri-Paul Rousseau. Comment expliquer cette
croissance ? » a demandé François Legault.
Durant la même période, a fait remarquer M.
Legault, la Caisse n’a pratiquement pas augmenté
son volume de PCAA bancaire. Rappelons que,
contrairement au PCAAnon bancaire,
lePCAAbancaire n’a pas été gelé en août 2007,
puisqu’il a été soutenu par les banques
canadiennes, qui ont assuré le roulement du
produit.
Le non bancaire surpasse le bancaire
Le niveau de PCAA non bancaire à la Caisse a
commencé à surpasser le bancaire à partir de
septembre 2005. Alors que le volume de PCAA non
bancaire a pratiquement doublé dans l’année qui
a suivi, à 13,2 milliards, le PCAA bancaire
s’est maintenu à peu près au même niveau, à 7
milliards.
Claude Bergeron ne fait pas la même lecture des
chiffres que M. Legault. Selon lui, la Caisse
achetait les deux types de PCAA depuis plusieurs
années. « Il y a eu des progressions dans un
marché comme dans l’autre. Ça dépend des
périodes », a-t-il dit.
Selon ses explications, les marchés financiers
ne faisaient pas la distinction entre le
bancaire et le non bancaire jusqu’en août 2007.
Les deux types de PCAA étaient d’ailleurs
reconnus comme des investissements de grande
qualité par la firme DBRS, la seule à avoir
accepté de donner une cote aux PCAA canadiens.
Selon le document de la Caisse, le volume de
PCAA détenu par l’institution a suivi une courbe
de croissance relativement semblable au marché
dans son ensemble, lui-même en très forte
croissance.
« Une certaine panique »
C’est l’équipe responsable du marché monétaire à
la Caisse qui a acheté tout le papier
commercial. L’équipe était composée de quatre
gestionnaires. Selon Claude Bergeron, cette
équipe a constaté « une certaine panique » dans
le marché à partir de la mi-juillet 2007, un
mois avant la crise. Cette panique était
notamment liée aux problèmes d’un des fonds de
Bear Stearns avec des titres subprimes
(hypothèques à haut risque).
La Caisse et les porteurs de PCAA ne savaient
pas, alors, le niveau d’exposit ion des PCAA
canadiens aux subprimes, puisque les actifs
sousj acents aux PCAA étaient opaques. Le 18
juillet, DBRS a indiqué que les PCAA canadiens
n’en comprenaient que 4% à 7%.
Les gest ionnai res de la Caisse se sont alors
mis à vendre le PCAA non bancaire pendant une
semaine. Plus précisément, du 23 au 26 juillet,
la Caisse était vendeuse, a dévoi lé François
Legaul t . Curieusement, l’institution est
redevenue acheteuse à partir du lundi 27
juillet, jusqu’au 10 août, achetant pour 893
millions de ces titres.
Le chef de la direction des placements, Richard
Guay, a été mis au courant des problèmes du
marché le 6 août. Il a alors donné l’ordre de
réduire les positions. Les titres banca i res
ont a lors été réduits, mais pas les non
bancaires, et M. Guay n’a pas été en mesure
d’expliquer pourquoi, hier.
Enfin, précisons que la Caisse avait
significativement réduit ses positions de PCAA
non bancaire au printemps 2007, ce qui coïncide
avec les premiers problèmes de Bear Stearns. Au
30 avril 2007, la Caisse avait réduit sa
position à 11,2 milliards avant de la
réaugmenter de 2 milliards essentiellement en
deux tranches de 1 milliard, soit en mai 2007 et
en août 2007.
COMMISSION SUR LA CAISSE DE DÉPÔT : Sept
questions pour les élus
C’est
demain que débute la commission parlementaire sur les
résultats de la Caisse de dépôt et placement du Québec.
Pour aider les élus, La Presse Affaires suggère sept
questions qui devraient être posées aux dirigeants a
Le premier à témoigner demain matin sera Fernand
Perreault, l’ex-PDG par intérim. Suivra en après-midi,
entre autres, Richard Guay, l’ex-bras droit d’Henri-Paul
Rousseau, qui a dirigé l’institution durant quelques mois
avant de prendre un congé pour surmenage, en pleine crise
financière.
Le
témoignage de M. Rousseau ne sera entendu que la semaine
prochaine. Entretemps, les parlementaires auront
l’occasion de questionner Alban D’Amours. L’ex-président
du Mouvement Desjardins était président du comité de
gestion des risques du conseil d’administration de la
Caisse de dépôt. C’est lui qui a passé en revue les
stratégies de risque de la Caisse avant les deux
catastrophes qui ont frappé l’institution: la crise du
papier commercial PCAA, en août 2007, et la crise
boursière, en octobre 2008.
Voici donc nos questions, regroupées en trois volets.
Le dollar et l’immobilier
1-Le portefeuille immobilier de la Caisse a fondu de
22% en 2008. En comparaison, celui du fonds ontarien
Teachers’ a perdu 4,3%, tandis que le portefeuille d’OMERS
a gagné 6%. Comment expliquer cette grande différence ?
Est-ce la surexposition de la Caisse dans des marchés
internationaux en dépression? Ou est-ce que ce sont plutôt
les méthodes de calcul qui diffèrent ? 2-Depuis 15 ans, la
Caisse protège pleinement ses investissements immobiliers
et ses placements privés contre les fluctuations du dollar
canadien.
Or ,
penda nt l a c r i se de l’automne 2008, la Caisse a
fait passer son taux de couverture de 100% à environ 80%
pour des questions de liquidités. Compte tenu du rebond
récent du dollar canadien, la Caisse s’attend-elle
maintenant à perdre beaucoup d’argent puisqu’elle n’est
plus couverte à 100%?
Les papiers commerciaux PCAA
3-La
Caisse détenait 13,2 milliards de dollars de PCAA non
bancaire au déclenchement de la crise d’août 2007, un
chiffre jugé anormalement élevé (38% du marché). Est-il
possible que la Caisse, quelques mois avant la crise,
ait été obligée de racheter des milliards de dollars de
ces PCAA parce que des investisseurs se retiraient du
marché? Autrement dit, est-il vrai que la Caisse a pu
jouer le rôle de banque centrale pour éviter que le
marché ne s’effondre ? 4-Dans son portefeuille à court
terme, la Caisse détenait principalement du PCAA non
bancaire, comprend-on. Pourquoi ne détenait-elle pas
plutôt du PCAA bancaire, principalement, un produit
moins risqué qui ne s’est pas effondré? En somme, quelle
a été la ventilation de la Caisse dans les divers
produits de marché monétaire au cours des trois années
précédant la crise et qu’est-ce qui explique ce choix de
ventilation? 5-Jusqu’en décembre 2006, 10 mois avant la
crise, la Caisse était le principal actionnaire (30%) de
Coventree, le principal producteur de PCAA non bancaire.
Est-il possible que la Caisse ait massivement acheté du
PCAA non bancaire pour appuyer Coventree?
Le risque
6-Au cours des cinq dernières années, le taux d’emprunt
de la Caisse (de type REPO) a représenté 22,3% de son
actif net, en moyenne, contre 15,8% pour Teachers’ et
10,6% pour OMERS. L’effet de levier de la Caisse a donc
été significativement plus grand que ses rivales.
Pourquoi? Comment justifier que la Caisse ait maintenu
ce degré plus élevé de risque? 7-Avec ses déposants, la
Caisse a bâti un portefeuille de référence auquel elle
se compare. Ce portefeuille de référence a fondu de
18,5% en 2008, comparativement à un recul de 9,6% pour
celui de Teachers’ et de 13,2% pour celui d’OMERS. La
chute plus grande du portefeuille de référence de la
Caisse suggère qu’elle prend plus de risque que ses
rivales. Qu’en est-il?
Michael Sabia : Le procès - SOPHIE
COUSINEAU
Cela ne
devait pas être le procès de l’ancienne administration,
qui se tiendra plus tard ce mois-ci. C’était le baptême
parlementaire du nouveau président de la Caisse de dépôt
et placement du Québec. Mais le passé dont Michael Sabia
hérite est si lourd qu’il a hanté son témoignage de
quatre heures.
Même la salle choisie faisait office de symbole. La
comparution des dirigeants de la Caisse ne se tenait pas
dans le fastueux salon Rouge, où Henri-Paul Rousseau
avait envoûté les députés avec ses explications sur le
papier commercial, mais dans le très beige salon
Lafontaine.
« Ce n’est pas à moi à juger des actions de mes
prédécesseurs », a dit Michael Sabia d’emblée. Mais
toutes les remises en question de la nouvelle direction
sont criantes de récriminations.
Ainsi en est-il de l’effet de levier, une technique
financière répandue mais risquée qui consiste à
emprunter des fonds pour les réinvestir afin d’en tirer
un rendement supérieur au coût de l’emprunt.
« Notre niveau de levier à la Caisse en général est un
peu élevé, oui », a reconnu Michael Sabia en réponse aux
questions de François Legault, critique aux finances du
Parti québécois.
Même critique, à mots couverts, de la politique de
rémunération qui octroie des primes aux gestionnaires
sans égard aux risques subis, ce qui explique en partie
les investissements catastrophiques dans le papier
commercial. Le président du conseil, Robert Tessier, a
expliqué que les administrateurs réexaminaient cette
politique pour que rendements et risques soient évalués
de concert, avant de récompenser les dirigeants.
Les investissements en immobilier, qui expliquent en
bonne partie la contre-performance de 2008, sont aussi
scrutés à la loupe. Michael Sabia s’interroge sur les
investissements dans les titres d’emprunt immobiliers,
et non dans les immeubles à proprement parler.
« Le niveau de risque, (l’utilisation de) l’effet de
levier et la performance sont tout à fait inacceptables
», a tranché Michael Sabia.
Personne
ne l’a dit à voix haute. Mais tout le monde a compris
que la Caisse a joué aux cow-boys avec les épargnes des
Québécois.
Comment se fait-il que le conseil d’administration n’ait
rien vu? Il s’est endormi, a expliqué en substance
Robert Tessier. « Si vous êtes dans un premier de
classe, avec des résultats excellents, c’est un facteur
qui crée une certaine confiance, une situation de
confort. »
Lui aussi s’est gardé de juger ses prédécesseurs. Mais
Robert Tessier a eu cette phrase révélatrice, en parlant
de la création, au conseil, d’un comité pour évaluer les
risques. Ce comité sera composé des personnes « avec la
plus haute compétence pour "challenger" la haute
direction ».
Personne n’osait critiquer HenriPaul Rousseau, qui
dominait son entourage à la Caisse, au propre comme au
figuré.
C’est tout le contraire pour Michael Sabia, dont la
nomination téléguidée par le cabinet de Jean Charest a
ridiculisé les prétentions d’indépendance de la Caisse.
Surtout que le dirigeant, arrivé en poste il y a
seulement six semaines, ne maîtrisait évidemment pas le
détail de ses dossiers, hier. Aux yeux de l’opposition,
il a paru vulnérable.
Le député péquiste Jean-Martin Aussant a remis en cause
l’attachement de Michael Sabia pour le Québec en
évoquant la vente avortée de BCE à un consortium piloté
par la caisse de retraite des enseignants de l’Ontario,
Teachers’. Mal lui en a pris.
Michael Sabia, dont le grandpère d’origine italienne a
émigré à Montréal sans le sou, s’est empourpré, sa voix
trahissant son émotion. « Je me considère comme un
allophone qui a des racines profondes au Québec. »
Aux yeux de Michael Sabia, il vaut mieux investir dans
les entreprises québécoises de taille moyenne, pour
créer les multinationales de demain. Investir entre 25
et 30 milliards de dollars pour empêcher les grandes
entreprises du Québec de tomber sous contrôle étranger
équivaudrait à mettre beaucoup d’oeufs dans le même
panier. Sans rendement assuré.
Il n’est pas le seul à défendre cette position, le
Québec étant divisé en deux camps bien définis sur la
mission économique de la Caisse. Mais ce n’est pas parce
que Michael Sabia ne croit pas aux minorités de blocage
qu’il est un traître à la nation.
Michael Sabia : utiliser l'effet de levier de
façon plus prudente
Commission parlementaire sur la Caisse de dépôt et
placement
— Piqué au vif sur la question de son attachement au
Québec, Michael Sabia a fait un plaidoyer émotif sur
sa décision d’accepter de prendre la barre de la
Caisse de dépôt et placement en cette période
difficile. Le nouveau président de la
Caisse, Michael Sabia, a témoigné hier devant la
Commission parlementaire sur l’avenir du bas de
laine des Québécois.
Durant quatre heures d’échanges devant la Commission
des finances publiques sur l’avenir de la Caisse, le
député péquiste de Nicolet, Jean Martin Aussant, a mis
en doute l’attachement de M. Sabia au Québec et à son
développement économique. Alors à la tête de BCE, M.
Sabia avait appuyé une prise de contrôle par un fonds
ontarien, il « a tenté de vendre à Toronto, un fleuron
» parmi les entreprises québécoises, a lancé le député
péquiste.
Clairement meurtri, Michael Sabia a tout de suite
amené le débat au niveau identitaire, rappelant
d’abord qu’il avait été l’instigateur de la
construction du nouveau siège social de BCE, un
édifice de 250 millions à L’Île-des-Soeurs.
On est venu le chercher pour diriger la Caisse: « Je
n’ai jamais cherché cet emploi », a-t-il insisté.
« J’ai un engagement fondamental envers le Québec, une
compréhension des défis du Québec. J’ai eu des offres
en Europe, en Asie, aux États-Unis. J’ai décidé de
demeurer ici pour essayer de rendre service… » a lancé
M. Sabia, dont la nomination, il y a six semaines
avait été reçue froidement par certains ténors du
Québec inc.
Devant la commission parlementaire, dans un français
parfois laborieux, il a défendu ses origines «
allophones » et rappelé « qu’il y a presque 100 ans
(son) grand-père est arrivé ici, à Montréal, d’Italie,
avec rien… rien dans les mains ». Il s’est établi ici
parce qu’il était convaincu que le Québec était une
société ouverte. « Et j’ai grandi avec ces idées », a
martelé M. Sabia.
Plus tard, en point de presse, il a qualifié de «
ridicule » la sortie d’un Jacques Parizeau qui le
décrivait comme l’émissaire du Conseil privé fédéral
dans l’économie québécoise – M. Sabia a été haut
fonctionnaire dans le gouvernement Mulroney.
Changements annoncés
Pendant quatre heures à l’Assemblée nationale, évitant
soigneusement d’attaquer l’administration de ses
prédécesseurs, M. Sabia a indiqué que plusieurs
changements fondamentaux seront bientôt apportés à la
gestion de l’organisme qui gère le bas de laine
collectif des Québécois, plus de 120 milliards. Avec
la tempête financière de l’an dernier, « le monde a
changé complètement en 2008. À cause de cela, la
Caisse doit changer aussi », a résumé M. Sabia en fin
de journée.
Aux questions pressantes du critique péquiste
aux Finances, François Legault, il a indiqué qu’il
comptait revoir le principe de « levier », qui fait
que la Caisse puisse emprunter pour maximiser ses
rendements.
Dans cette réévaluation de pratiques aussi
fondamentales pour M. Sabia, il s’agit de vérifier si
le fait d’emprunter pour investir n’accroît pas
exagérément le niveau de risque, a-t-il fait valoir.
La Caisse avait emprunté plus que d’autres caisses de
retraite pour investir davantage, elle l’avait fait
notamment pour acheter 13 milliards de papiers
commerciaux, une stratégie qui s’est avérée
catastrophique.
« Le défi est d’utiliser ces leviers de façon plus
efficace et plus prudente », a dit M. Sabia.
Trop éparpillée ?
Selon François Legault, il faut se demander aussi si
la Caisse ne s’est pas trop « éparpillée » avec des
investissements importants à l’étranger, au
Royaume-Uni, au Brésil et en Espagne, par exemple. Les
études démontrent que les caisses de retraite font
leurs meilleurs rendements dans les investissements
dans des sociétés à moins de 100 kilomètres, a-t-il
fait valoir. Les 2 milliards injectés par la Caisse
dans les aéroports de Londres ne valent plus rien,
a-t-il relevé.
Pour lui, la Caisse n’a pas suffisamment investi dans
plusieurs sociétés québécoises, en dépit de son mandat
originel institué dans les années 60. De plus, elle a
réalisé ses meilleurs résultats dans les actions
canadiennes. Partout ailleurs, elle a été battue par
les indices, sur les cinq dernières années.
M. Legault considère que le gouvernement a dénaturé
l’objectif d’origine de la Caisse en faisant passer le
rendement en priorité, aux dépens du développement
économique du Québec. « Je suis catholique, mais pas
jésuite », a répliqué M. Sabia à M. Legault, qui
faisait l’exégèse des discours de Jean Lesage dans les
années 60. Plus tard, en point de presse, M. Sabia a
insisté: le développement économique du Québec et la
maximisation des rendements sont deux objectifs
compatibles.
Selon le président de la Caisse, il faudrait injecter
jusqu’à 30 milliards pour qu’elle ait une position
suffisante pour influencer les entreprises qui ont
leur siège social au Québec, mais cette décision
serait contraire à la diversification des
investissements, primordiale à ses yeux.
Le président du Conseil de la Caisse, Robert Tessier,
a souligné qu’il sentirait le besoin d’informer plus
précisément le gouvernement – le ministre des Finances
– si une tempête boursière s’abattait comme l’an
dernier.
En revanche, le ministre Raymond Bachand reste opposé
à l’idée que la Caisse ait à rendre des comptes
plusieurs fois par année, et refuse que le
gouvernement ait le mandat d’approuver la politique de
rémunération de ses dirigeants. L’indépendance de
l’organisme est un élément important pour les firmes
qui évaluent le travail de la Caisse, a expliqué le
ministre.
Une crise à la Germain Houde - Stéphane
Laporte
Tout le
monde dit que c’est la crise. Pourtant, personne ne fait
de crise. Nous sommes calmes. Passifs. Presque
végétatifs. La Caisse de dépôt a perdu 40 milliards de
dollars. Quarante milliards de notre argent, de nos
économies. Avez-vous entendu quelqu’un crier quelque
part ? Avez-vous entendu quelqu’un se choquer? Pas du
tout.
On est là, devant notre télé. On regarde la commission
parlementaire. On hausse les épaules. On se dit : « Ben
cou’donc... » On trouve ça plate, pis on change de
poste.
On s’émeut plus quand Bob Gainey s’obstine à faire jouer
Carey Price. Pourtant, avec 40 milliards, on pourrait se
payer tous les gardiens de la LNH!
L’ancien boss de la Caisse de dépôt, Henri-Paul
Rousseau, est venu expliquer que ce n’était pas vraiment
sa faute. Qu’ils n’ont pas été chanceux. Il a dit: «
Vous allez en bicyclette, vous tournez la tête et vous
foncez dans un camion. C’est ça qui est arrivé. Bête de
même. »
Quarante milliards envolés. Ce n’est la faute de
personne. C’est la faute du camion. Qu’est-ce qu’il y
avait, dans le camion? Du papier commercial ? Avez-vous
entendu quelqu’un piquer une crise après avoir entendu
ces excuses qui n’en sont même pas ? Personne. Il y a
bien le solidaire Amir, qui a levé le ton un peu. Mais
ce n’était pas une vraie crise. C’était une crisette.
Une crisette à cinq cennes. Pas une crise à 40
milliards.
Où est Germain Houde quand on a besoin de lui? Vous avez
vu Germain Houde dans Les Invincibles, la fois où il
corrige son fiston? Au gala Artis, on a déclaré cette
scène « le pétage de coche de l’année ». Le père de P.A.
est tellement excédé par son grand irresponsable fils de
30 ans qu’il lui donne la fessée. Il l’allonge sur le
lit et lui tape le derrière avec rage et énergie.
Germain Houde aurait dû faire ça avec Henri-Paul
Rousseau : « Viens ici, mon petit gars! T’as perdu 40
milliards! Quarante milliards de l’argent à papa! Quin!
Quin! Ça t’apprendra ! »
Ça, c’est une crise. Germain Houde aime son gars quand
même. On aime bien M. Rousseau aussi. On n’a rien contre
lui. Ça semble un bon monsieur, mais 40 milliards,
bondance, faut ben qu’on se défoule un peu!
Quarante
milliards,
divisés par sept millions de Québécois, ça donne 5714$.
Ce n’est pas rien, 5714$, ça permet d’avoir une chambre
avec vue sur la mer pendant quatre jours et quatre nuits
à Cannes. Imaginez le fun qu’on aurait eu.
Cela dit, même si Henri-Paul Rousseau avait raison, même
si ce n’était pas vraiment sa faute, ce n’est pas grave,
Germain Houde lui donne la fessée quand même et on la
donne aux autres aussi : Jérôme-Forget, Charest, les
sousministres, les comptables, les analystes, amenez-les
tous. Même les péquistes! On fait comme dans les grosses
familles. Quand on ne sait pas qui a fait le mauvais
coup, quand tout le monde dit que c’est pas lui c’est
l’autre, on donne une fessée collective. Tout le monde
sur le ventre, go ! Un peu de communisme pour replacer
le capitalisme, ça ne peut pas faire de tort.
Germain Houde pourrait, un coup parti, donner aussi la
fessée à Michael Sabia, le nouveau patron de la Caisse.
À titre préventif. Pour être certain que ça ne se
reproduise pas. Avant de s’asseoir dans le grand
fauteuil moelleux du président de la Caisse, mieux vaut
avoir les fesses endolories un peu, on reste plus
sensible à ce qui se passe autour, dans le vrai monde.
C’est ça, la solution à la crise: une autre crise.
Combattre le feu par le feu. Combattre la crise des
milieux financiers par une crise à la Germain Houde. La
crise des milieux cassés et tannés de l’être. Que
Germain donne la fessée à tous ces banquiers, ces
spéculateurs, ces investisseurs qui ont voulu faire trop
de profits. Mes grands bébés gâtés, vous allez apprendre
à regarder en avant quand vous êtes en vélo! Lance
Armstrong, il ne fonce pas dans les camions. Si vous
êtes à la tête de toutes ces caisses, banques et
compagnies, c’est parce que vous êtes censés être des
Lance Armstrong de la finance. Pas des mononcles Jacques
Villeneuve !
Vous avez les gros salaires, les actions, les primes
d’arrivée, les indemnités de départ, les jets privés et
les parachutes dorés, parfait. Mais trompez-vous pas !
Et surtout ne faites pas payez vos erreurs par les plus
petits.
Ce n’est pas un appel à la révolution. C’est un appel à
l’évolution. À la responsabilisation. Arrêtons de tout
gober. De laisser les autres décider. Voyons à nos
affaires. Mettons le pied par terre. Il faut s’affirmer.
Ajouter un peu de pression. Bien sûr, il ne faut pas
fesser pour vrai. On parle ici de fessée morale. De
respect.
Il n’y a pas plus grand coeur que le père de P. A. dans
Les Invincibles. Mais à un moment donné, trop, c’est
trop. Il faut mettre ses culottes et baisser celles de
ceux qui exagèrent.
Messieurs les puissants, ça va faire ! Faites ce que
vous voulez avec votre cash, mais quand c’est notre
argent, il faut que vous y fassiez attention. Et que
vous marchiez les fesses serrées.
CAISSE DE
DÉPÔT : LES PRIMES ENCOURAGEAIENT L’ACCUMULATION DE PCAA -
Francis Vailles
POURQUOI
LA CAISSE DE DÉPÔT A-T-ELLE ACCUMULÉ AUTANT DE PAPIER
COMMERCIAL? QU’EST-CE QUI L’A POUSSÉE À Y INJECTER 13,2
MILLIARDS DEDOLLARS? LES RÉPONSES À CETTE QUESTION SONT
VARIÉES, MAIS SELON NOS RENSEIGNEMENTS, UNE PARTIE DE
L’ÉNIGME SE TROUVEDANS LE
Le mode d’attribution des primes à la Caisse de dépôt et
placement est un des éléments qui ont encouragé l’achat
des PCAA non bancaires, a constaté La Presse Affaires.
Dans certains cas, il aurait pu permettre de doubler la
paye de certains gestionnaires, nous indique un haut
dirigeant de la Caisse.
Dans le milieu financier, l’attribution des primes vise à
inciter les gestionnaires de fonds à obtenir un rendement
plus élevé que certains indices, dans le respect des
politiques de risques.
Deux sources nous indiquent qu’à la Caisse, l’objectif de
l’équipe du marché monétaire était d’obtenir 25 points
centésimaux de plus que les bons du Trésor de 90 jours,
soit un quart de 1%. La Caisse nous a confirmé cette cible
de valeur ajoutée.
Par exemple, si le rendement moyen des bons du Trésor du
gouvernement canadien était de 4%, le gestionnaire devait
rapporter un rendement de 4,25% pour obtenir une bonne
prime.
Comment se comparait le rendement des PCAA aux bons du
Trésor ? Entre 2003 et avant la crise de 2007, les PCAA
non bancaires ont procuré un rendement moyen de 43 points
centésimaux de plus que les bons du Trésor, selon un
rapport de l’OCRCVM publié en octobre 2008. L’OCRCVM est
l’Organisme canadien de réglementation du commerce des
valeurs mobilières.
La Presse a consulté trois autres sources indépendantes de
la Caisse à ce sujet. Il en ressort que l’écart avec les
bons du Trésor excédait souvent les 25 points centésimaux,
selon le moment de l’achat, la qualité du PCAA et
l’échéance (lire l’encadré).
Autrement dit, l’équipe du marché monétaire de la Caisse,
dirigée par Luc Verville, pouvait espérer de généreuses
primes sans trop se casser la tête en achetant des PCAA
non bancaires.
En atteignant cette cible de 25 points, les gestionnaires
d’expérience étaient susceptibles de recevoir un bonus
représentant 80% de leur salaire de base, nous
indique-t-on en haut lieu à la Caisse. Encore mieux: en
battant l’indice par 40 points, les gestionnaires
d’expérience pouvaient espérer un bonus de 120% de leur
salaire de base, soit plus du double. Pour les
gestionnaires plus jeunes, le maximum était de 60%.
Par exemple, un gestionnaire d’expérience avec un salaire
de base de 150 000$ aurait pu obtenir une prime de 120
000$ (80%) à 180 000$ (120%).
Alain Chung, gestionnaire de portefeuille de la firme
Claret, constate que la bonification est une puissante
mesure incitative. Toutefois, « ce système est un couteau à
deux tranchants. Il pousse les gestionnaires de portefeuille
à faire mieux que leur cible de rendement, mais les incite
aussi à prendre plus de risques », dit-il.
Justement, qu’en est-il du risque? Avant d’acheter un
produit, les gestionnaires s’en remettent aux directives de
l’institution à cet égard. Or, la Caisse n’avait imposé
aucun plafond global pour l’achat de PCAA non bancaires, une
erreur qu’a reconnue Henri-Paul Rousseau devant la chambre
de commerce.
En fait, une limite existait, mais elle avait été fixée par
une fiducie émettrice de PCAA non bancaires. Les
gestionnaires pouvaient placer au plus de 1,75% à 5% de leur
portefeuille de marché monétaire dans une seule fiducie.
Comme il existait 22 fiducies, la limite globale d’achat de
PCAA était pratiquement inexistante (22 X 5% = 110%).
À ce sujet, le rapport annuel 2007 de la Caisse est
révélateur de sa gourmandise pour les PCAA non bancaires.
L’institution a acheté des papiers commerciaux dans 21 des
22 fiducies. Pire : ces 22 fiducies avaient en circulation
35 différentes émissions de PCAA de série A et E et la
Caisse a acheté 32 de ces 35 émissions.
L’explosion des PCAA non bancaires coïncide avec la présence
de la Caisse dans ce secteur. Entre la fin 2004 et la fin
2006, ce marché a bondi de 198%, selon des documents de la
firme DBRS. Plus précisément, le volume total est passé de
11,1 milliards au 31 décembre 2004 à 33,1 milliards au 31
décembre 2006. En août 2007, au moment de la crise, on
estimait ce marché à 35 milliards.
Réponses de la Caisse
La Presse a posé des questions précises à la Caisse au sujet
des primes et du PCAA. Dans sa réponse écrite, l’institution
ne nie pas spécifiquement que le système de primes ait pu
contribuer à l’accumulation de PCAA non bancaires, mais elle
insiste sur l’absence de plafond global comme élément
central du fiasco.
« L’absence de limites par type de produits est considérée
comme le facteur déterminant », écrit la Caisse par
l’entremise du porte-parole, Maxime Chagnon.
La Caisse ajoute que son système n’est pas différent
d’ailleurs. « Les politiques de rémunération de la Caisse,
incluant les multiples applicables à la rémunération
incitative, sont semblables à celles des gestionnaires de
fonds en général au Canada. Elles ont principalement pour
but d’offrir une rémunération compétitive, permettant le
recrutement et la rétention des employés », écrit la Caisse.
Qui plus est, dit la Caisse, depuis 2000, le portefeuille du
marché monétaire a bien fait « en termes de valeur ajoutée
positive, peu importe le volume de PCAA détenu en
portefeuille ».
LA
CAISSE AGISSAIT DES DEUXCÔTÉSDE LA
CLÔTURE - PCAA
- La Caisse se retrouvait ni plus ni moins qu'en
conflit d'intérêt !...- Francis Vailles
Imaginons
une hypothétique industrie des portes triangulaires au
Canada. Le principal fabricant est une agence du
gouvernement du Québec, appelée QuebTree. Globalement,
QuebTree fabrique la moitié des portes triangulaires au
Canada. La Caisse était le plus grand
actionnaire du principal concepteur de PCAA,
l’entreprise torontoise Coventree.
Pendant un certain temps, l’industrie est impressionnée.
Les portes triangulaires se vendent comme des petits pains
chauds, à un bon rapport qualité-prix. Mais un beau jour,
coup de théâtre : on apprend que le principal acheteur est
QuebCaisse, une autre agence du gouvernement. QuebCaisse
achète 40% de toutes les portes triangulaires.
Autrement dit, le gouvernement soutient l’industrie. D’un
côté, il fabrique et de l’autre, il achète. Devinez la
suite ? On découvre un vice de fabrication dans les portes
triangulaires et l’industrie s’effondre, provoquant des
pertes énormes aux contribuables. Quant aux détenteurs de
portes autres que QuebCaisse, ils restent pris avec des
produits défectueux.
Cette histoire, c’est un peu celle de la Caisse de dépôt
avec le papier commercial PCAA, qui a fait perdre 5,6
milliards à l’institution.
La Caisse était le plus grand actionnaire du principal
concepteur de PCAA, l’entreprise torontoise Coventree. En
2006, 48% du volume de PCAA non bancaire au Canada avait
été émis par l’entremise de Coventree et de sa filiale
Nereus Financial, selon les documents de DBRS.
La Caisse a commencé à investir dans Coventree en 2000
(2,1 millions de dollars), sous l’ère du PDG Jean-Claude
Scraire. Entre 2001 et 2005, elle y a injecté environ 10
millions de plus, si bien qu’elle détenait 30% de
Coventree à la fin de 2006, le maximum permis par sa loi
constitutive. À partir de 2001, la Caisse a d’ailleurs eu
un représentant au conseil d’administration, du nom de
François Maheu.
En 2006, la Caisse était non seulement le principal
actionnaire du plus grand concepteur de PCAA, mais elle
était aussi le principal acheteur. Au moment de la crise
d’août 2007, l’institution en détenait 13,2 milliards,
soit 38% du marché canadien.
Coventree s’inscrit en Bourse en novembre 2006. Elle
recueille 41 millions, dont 34 millions ont été empochés
par la Caisse de dépôt, qui conserve alors 9,9% de
l’entreprise.
Une muraille de Chine
L’ex-PDG
Henri-Paul Rousseau a abordé cette question des liens
avec Coventree à la chambre de commerce, le 9 mars
dernier. En répondant aux journalistes, il a affirmé
qu’il y avait une muraille de Chine entre le secteur des
placements privés de la Caisse, qui détenait les actions
de Coventree, et la division des placements, qui
achetait le papier commercial.
Cette situation rend toutefois mal à l’aise certains
observateurs. « Une telle proximité crée des dangers,
c’est clair. Quand on est des deux côtés de la
transaction, on est en conflit d’intérêts. Il faut qu’on
institue une enquête pour faire la lumière sur ces
choses », nous dit Jean Roy, professeur de finance à HEC
Montréal.
Est-il possible qu’en raison de cette proximité, la
Caisse ait fait la sourde oreille aux réserves émises
par les firmes américaines Standard& Poors et
Moody’s au sujet des PCAA canadiens ?
Dans un article daté d’août 2002, Standard& Poors
explique clairement pourquoi elle ne veut pas leur
attribuer une cote. Les structures du PCAA, écrit la
firme, « nécessitent un acte de foi dans le fait que les
liquidités seront disponibles en temps opportun, ce qui
est insuffisant comme réponse au risque de crédit pour
que les fiducies (émettrices de PCAA) obtiennent une
cote de crédit de premier ordre pour les papiers
commerciaux ».
Une seule agence a finalement attribué une cote aux
PCAA, soit DBRS, de Toronto. DBRS a accordé une cote de
R1 High à la plupart des PCAA non bancaires,
l’équivalent d’une cote AAA pour les obligations.
La Caisse ne fut pas la seule à avoir été sollicitée
pour acheter du PCAA non bancaire. Le gestionnaire
Jarislowsky Fraser s’en est aussi fait offrir vers la
fin de 2006. Mais contrairement à la Caisse, « nous n’en
avons pas acheté une seule piastre pour aucun de nos
clients, zéro », nous dit l’associé principal, Denis
Durand.
Pourquoi? « On a relu le prospectus deux fois plutôt
qu’une. On se fout de la cote de DBRS. Et nos analystes
trouvaient qu’il n’y avait pas de relation entre le
risque de liquidités et le rendement. De plus, les
actifs n’étaient pas d’assez grande qualité. Pour en
acheter, il aurait fallu qu’on nous offre 125 points
centésimaux de plus que les bons du Trésor, plutôt que
25 points », explique-t-il.
Jarislowsky Fraser gère un actif net de 42 milliards,
comparativement à 120 milliards pour la Caisse de dépôt.
Ses clients sont notamment des caisses de retraite
d’entreprises et des particuliers. En 2008, la firme a
obtenu un rendement de -12%, comparativement à -25% pour
la Caisse.
Denis Durand porte un jugement sévère sur les grands
investisseurs qui se sont fait prendre dans l’aventure
du PCAA non bancaire. « S’ils avaient lu le prospectus
jusqu’au bout, ils auraient vu ce qui était marqué au
sujet des liquidités. Sauf que les courtiers vendaient
le produit comme s’il était semblable aux bons du Trésor
et au papier commercial de banque, avec une qualité AAA
et AA », dit-il.
Depuis la crise des PCAA, la Caisse est devenue plus
sévère pour les nouveaux produits. Désormais, elle exige
que tout nouvel instrument financier soit coté par au
moins deux firmes.
La
Caisse et le Québec - ANDRÉ PRATTE
La
diversification géographique des actifs de la Caisse ne
date pas du règne d’Henri-Paul Rousseau.
La publication du rapport annuel 2008 de la Caisse de
dépôt et placement du Québec a donné l’occasion au Parti
québécois de relancer sa charge contre le gouvernement
au sujet des énormes pertes enregistrées par
l’institution. Notamment, le PQ déplore que la Caisse
n’investisse pas suffisamment dans les entreprises
québécoises.
« La Caisse ne détient que 4,9% des actions de CGI, que
3% des actions de SNC-Lavalin, que 3 dixièmes de 1% des
actions de Bombardier. La Caisse de dépôt ne détient
aucune action de la Banque Nationale », a dénoncé
François Legault.
« Est-ce que le premier ministre peut me dire s’il est
d’accord avec le fait que la Caisse de dépôt et
placement n’ait plus que 9,5% de ses investissements
dans les entreprises québécoises? », a demandé Pauline
Marois.
Ce questionnement est légitime. Mais la réponse est
moins simple que ce que laissent entendre les péquistes.
Si 9,5% est un pourcentage insuffisant, quelle part de
ses actifs la Caisse devrait-elle investir dans des
compagnies du Québec? 15%? 20%? Le gouvernement
devrait-il imposer un pourcentage plancher dans la loi
sur la Caisse, quitte à priver celleci d’une essentielle
flexibilité?
Il faut
savoir que la diversification géographique des actifs de
la Caisse ne date pas du règne d’Henri-Paul Rousseau.
Alors que le Parti québécois était au pouvoir et
Jean-Claude Scraire aux commandes, la part des
placements en actions canadiennes a glissé de 27% à 17%,
tandis que celle des actions étrangères a grimpé de 12%
à 21%.
Ceux selon qui la Caisse doit détenir une plus grande
part de ses actifs sous forme d’investissements au
Québec devraient préciser à quelles fins. Certains
voudraient que la CDPQ occupe ainsi une position
stratégique dans le capital des « fleurons de l’économie
québécoise » pour empêcher une prise de contrôle par des
étrangers (un vocable qui, aux yeux du PQ, désigne
autant les Canadiens des autres provinces que des
Américains ou des Chinois...). Cependant, de telles
manoeuvres exigeraient des sommes phénoménales ; en
supposant qu’il s’agisse d’une bonne politique, elle ne
devrait pas être confiée à une institution dont
dépendent les rentes et les prestations d’assurance des
Québécois.
De dire M. Legault, en ces temps de crise, la Caisse
pourrait fournir aux entreprises d’ici des capitaux dont
elles ont grand besoin. CGI, SNC-Lavalin, Bombardier
sont-elles vraiment à court de fonds? Dernier argument:
s’il détenait plus d’actions de compagnies québécoises,
notre « bas de laine » obtiendrait de meilleurs
rendements. Or, la composition actuelle de ses actifs
n’a pas empêché la Caisse de réaliser d’excellents
rendements avant que n’éclate la crise financière.
L’année catastrophique que vient de traverser la Caisse
de dépôt devrait inciter ses gestionnaires à mettre
l’accent sur la prudence dans la recherche d’un
rendement raisonnable. S’ils veulent atteindre d’autres
objectifs, les élus n’ont qu’à utiliser les outils qui
sont à leur disposition aux fins de développement
économique, en particulier la SGF et Investissement
Québec.
Le
papier commercial acheté avec de l’argent emprunté
LES INVESTISSEMENTS DE LA CAISSE DE DÉPÔT DANS
LE PAPIER COMMERCIAL ONT SOULEVÉ PLUSIEURS
QUESTIONS DEMEURÉES SANS RÉPONSE. APRÈS ENQUÊTE,
VOICI CE QUE LA PRESSE AFFAIRES A DÉCOUVERT
CONCERNANT CET ÉPISODE QUI A FAIT PERDRE À LA
CAISSE 5,6 MILLIARDS DE DO
« Henri-Paul Rousseau voulait battre Teachers’.
Et il ne voulait pas qu’il y ait de l’argent qui
dorme. C’est ce qui explique l’augmentation. »
our améliorer son rendement, la Caisse de dépôt
et placement a emprunté une montagne de
liquidités ces dernières années. Et cet argent
emprunté a notamment servi à acheter les 13
milliards de dollars de papier commercial
devenus problématiques, a appris La Presse
Affaires.
La stratégie existait déjà pendant l’ère de
l’ex-PDG JeanClaude Scraire, mais elle a pris
des proportions gigantesques entre 2002 et 2007,
pendant celle d’Henri-Paul Rousseau.
À la fin de 2001, la Caisse avait 2,4 milliards
sous emprunt destinés à être placés dans le
marché monétaire, à court terme. Dans les années
qui ont suivi, cette somme a explosé, atteignant
46,5 milliards à la fin de 2006, avant la crise
du papier commercial. Aucun autre poste n’a crû
autant à la Caisse pendant l’ère Rousseau, nous
indiquent les rapports annuels des dernières
années.
La stratégie est relativement simple : la Caisse
de dépôt profite de son portefeuille de titres
diversifiés pour emprunter des fonds et les
placer à court terme. En temps normal,
l’opération rapporte des profits intéressants.
Les taux d’intérêt obtenus sur les placements,
comme le papier commercial PCAA, sont plus
élevés que le coût des fonds empruntés. L’écart
de taux est parfois petit – 15 points
centésimaux – mais la technique peut rapporter
gros compte tenu des immenses sommes en jeu.
« Henri-Paul Rousseau voulait battre Teachers’.
Et il ne voulait pas qu’il y ait de l’argent qui
dorme. C’est ce qui explique l’augmentation »,
nous dit une source du conseil d’administration.
Bonifier le rendement
Dans un échange de courriels techniques avec La
Presse Affaires, la Caisse de dépôt a admis
utiliser des méthodes d’emprunt sophistiquées
pour « bonifier le rendement de ses déposants ».
Elle reconnaît également que l’argent emprunté a
notamment servi à acheter du papier commercial.
« La Caisse est active dans ce marché ( NDLR :
d’emprunt sophist iqué) depuis de très
nombreuses années, tout comme le sont plusieurs
de ses pairs canadiens, américains ou européens
», nous répond la Caisse par l’entremise de son
porteparole, Maxime Chagnon.
Dans son allocution devant la chambre de
commerce de Montréal, le 9 mars, Henri-Paul
Rousseau a af firmé que « la Caisse a commencé à
utiliser le PCAA comme instrument de gestion de
liquidités en 1997 (…) L’accumulation est le
fruit de centaines de transactions, réalisées
sans incident. La Caisse n’a pas décidé d’un
seul coup d’accumuler 13 milliards de PCAA. La
Caisse avait simplement beaucoup de liquidités
parce qu’elle avait encaissé beaucoup de profits
de 2005 à 2007 ».
Dans le marché, plusieurs observateurs avisés
s’interrogent sur les raisons invoquées par
l’institution. « Ce n’est pas parce que la
Caisse faisait beaucoup de profits qu’elle avait
besoin de placer de l’argent à court terme.
C’est sa stratégie qui augmentait ses liquidités
et créait ce besoin », nous dit un gestionnaire
bien au fait des politiques de la Caisse.
La technique REPO
Un des moyens privilégiés de la Caisse pour
emprunter est une technique appelée REPO,
acronyme anglais pour Titres vendus en vertu de
convention de rachat. Essentiellement, la Caisse
prête à d’autres institutions certains des
milliers de titres boursiers ou obligataires
qu’elle a dans ses livres et reçoit du comptant
en échange. La contrepartie utilise ces titres
de la Caisse pour diverses raisons : ventes à
découvert, réduction du fardeau fiscal,
arbitrage de fonds, etc.
Par analogie, c’est comme si la Caisse
hypothéquait ses titres financiers, comme ce
serait le cas d’une maison, et qu’elle recevait
de l’argent comptant en échange, pour quelques
jours ou quelques semaines. Cet argent est
réinvesti sur le marché monétaire à court terme
dans l’achat de bons du Trésor du gouvernement
ou de papier commercial, entre autres. Autrement
dit, la Caisse réussit donc avec ses titres
boursiers et obligataires à emprunter à faible
taux et à placer à meilleur taux.
À la fin de 2006, avant la crise, cette activité
de REPO représentait 24,4 milliards dans le
portefeuille de Valeurs à court terme. En
comparaison, ce portefeuille n’avait emprunté
que 450 millions en REPO à la fin de 2002 et 2
milliards à la fin de 2003.
Ces énormes liquidités à placer à la Caisse à
partir de 2004 ont coïncidé avec la raréfaction
d’un des principaux instruments de placement à
court terme : les bons du Trésor du gouvernement
fédéral. Cette diminution des émissions vient de
la baisse de la dette, notamment. Henri-Paul
Rousseau en a fait mention dans son allocution à
la chambre de commerce de Montréal et tous les
observateurs lui donnent raison sur ce point.
Explosion
Le papier commercial s’est donc avéré une option
pour absorber ces liquidités de la Caisse et
celles d’autres institutions. D’autant plus que
ce véhicule offrait un rendement variant entre
25 et 45 points de base de plus, selon diverses
sources.
Ce qui devait arriver arriva : entre la fin 2004
et la fin 2006, le papier commercial vendu sur
le marché a explosé de 198 %, selon un
recensement de La Presse Affaires dressé à
partir des documents de la firme DBRS.
Plus précisément, le volume total est passé de
11,1 milliards au 31 décembre 2004 à 33,1
milliards au 31 décembre 2006. En août 2007, au
moment de la crise, on estimait ce marché à 35
milliards.
Nous avons tenté de savoir à partir de quand la
Caisse a gonflé son portefeuille de PCAA, mais
l’institution n’a pas voulu nous dévoiler ses
chiffres, ni officiellement, ni par l’entremise
de l’accès à l’information. Nous avons également
cherché à savoir pourquoi la Caisse n’avait pas
plutôt acheté un tel volume de PCAA bancaire,
plutôt que non bancaire, mais sans succès.
Le PCAA bancaire, rappelons-le, n’a pas été gelé
pendant la crise d’août 2007, puisque pour
l’essentiel, les banques canadiennes ont assuré
les liquidités à l’échéance des titres. Dans le
cas du papier appelé non bancaire, ce sont les
banques internationales qui devaient assurer les
liquidités et elles ont fait faux bond aux
détenteurs de papier en août 2007.
Tout au plus, la Caisse nous a indiqué qu’elle
était un acteur majeur dans le PCAA non bancaire
au moins 18 mois avant la crise. En outre, elle
dévoilera certains renseignements à ce sujet au
cours de la commission parlementaire du début
mai.
La Caisse a risqué plus que Teachers’ et OMERS
« C’est risqué d’emprunter et de racheter des
instruments de marché monétaire par la suite
avec cet argent. »
Emprunter pour faire de l’argent n’est pas rare
dans le monde du placement, mais la technique
peut être risquée. Or, à la Caisse de dépôt et
placement, il appert que la direction ait été
plus téméraire qu’ailleurs à cet égard.
Toute proportion gardée, la Caisse a emprunté
trois fois plus que sa rivale ontarienne
Teachers pour bonifier son rendement depuis cinq
ans, selon les chiffres colligés par La Presse
Affaires. La Caisse a également emprunté deux
fois plus qu’une autre grande concurrente
ontarienne, OMERS.
Teachers’ et OMERS sont respectivement les
caisses de retraite des enseignants et des
employés municipaux de l’Ontario. Comme la
Caisse, ces institutions utilisent généralement
une technique d’emprunt à bas coût appelé REPO.
Essentiellement, elles hypothèquent leurs titres
boursiers ou obligataires, comme ce serait le
cas d’une maison, et obtiennent de l’argent
comptant en échange, qui est réinvesti.
À la Caisse, l’ensemble des portefeuilles avait
36,6 milliards de dollars de REPO à la fin de
2007, un sommet. Cette somme représentait plus
de 23 % de l’actif net. En comparaison, le fonds
Teachers’ en avait pour 7,9 milliards au même
moment, soit 7,3 % de son actif net. Et dans le
cas d’Omers, le taux est de 12,9 % de l’actif
net.
Sur cinq ans, la moyenne est de 13,3 % pour la
Caisse, soit trois fois plus que les 4,4 % de
Teachers et deux fois plus que les 6,6 %
d’OMERS.
Pour certains, cette activité d’emprunt REPO est
courante chez les organismes de gestion de
fonds. Le site internet Wikipédia affirme qu’il
s’agit d’un instrument important du marché
monétaire, notamment utilisé par les assureurs
et les organismes de gestion de fonds, comme la
Caisse.
Mais pour d’autres, la technique REPO est un
instrument risqué dont il ne faut pas abuser. «
C’est risqué d’emprunter et de racheter des
instruments de marché monétaire par la suite
avec cet argent. Essentiellement, c’est une
façon de faire du levier. Tout va bien quand les
taux d’intérêt ne varient pas beaucoup. Mais la
minute où les taux changent, l’institution est
frappée des deux côtés : sur son investissement
dans le marché monétaire d’un côté et sur son
collatéral de l’autre », nous dit Lars Stentost,
professeur de finance à HEC Montréal.
Denis Durand, associé principal de Jarislowski
Fraser, affirme que 95 % des caisses de retraite
dans le marché s’interdisent d’emprunter pour
faire du placement. L’homme connaît le tabac :
environ 55 % de l’actif sous gestion de
Jarislowski Fraser (42 milliards) vient de
caisses de retraite.
« On a fait des prêts de titres ( REPO) pour nos
clients, mais pas à grande échelle », dit-il.
Essentiellement, le gestionnaire de fonds
prêtait les titres de ses clients, avec leur
autorisation, et recevait en échange des bons du
trésor à 105 % de la valeur des titres prêtés.
L’argent n’était pas réinvesti dans le marché
monétaire par la suite. « On a cessé au
printemps 2008, de crainte qu’il y ait des
délais dans le retour des titres en raison des
difficultés des banques », nous dit M. Durand.
Le professeur de comptabilité Michel Magnan, de
l’Université Concordia, a jeté un coup d’oeil
aux états financiers de la Caisse. « Le bilan
ressemble un peu à celui d’une banque
d’investissement. L’emprunt pour investir est
une stratégie plus agressive que celle utilisée
traditionnellement par une caisse de retraite en
matière de liquidités », dit-il.
La Caisse a investi une partie des fonds
empruntés dans du papier commercial, a appris La
Presse Affaires. Or, tout indique que lorsque
les investissements dans le papier commercial
ont gelé, en août 2007, l’institution a dû
trouver des milliards de dollars de nouveaux
fonds ailleurs pour rembourser la contrepartie à
l’emprunt REPO.
Réplique de la Caisse
À la Caisse, on ne nie pas avoir emprunté des
fonds avec la technique du REPO. On admet aussi
que cet argent a servi à acheter du papier
commercial. Mais on estime qu’il ne s’agit pas
d’une activité risquée.
« Cette activité n’est ni nouvelle ni inédite :
cela fait longtemps que la Caisse utilise le
prêt de titres pour créer des liquidités
supplémentaires ou mener des activités
d’arbitrage sur les taux et la plupart des
grands investisseurs le font aussi », nous
indique le porte-parole Maxime Chagnon, par voie
de communiqué.
« Le fait de prêter des titres et de l’investir
dans des titres du marché monétaire n’est pas
une activité à haut risque puisqu’on conserve
cela en liquidité. On n’investit pas ces sommes
à long terme dans des immeubles ou du placement
privé ou même à la bourse, mais à court terme
dans les marchés monétaires.
« Le PCAA était alors considéré comme un
instrument sûr et une partie des liquidités a
été utilisée pour en acheter », écrit-il.
Les
Québécois
blâment la Caisse
Les Québécois blâment les gestionnaires de la
Caisse de dépôt et placement pour sa
contreperformance de 2008, et deux tiers
d’entre eux demandent au gouvernement
d’accroître la surveillance sur les décisions
d’investissement de l’institution, révèle un
sondage effectué par la firme Angus Reid.
Le tiers des Québécois n’a que peu ou pas
confiance en la Caisse de dépôt et placement,
et un répondant sur 10 dit même ne pas avoir
confiance du tout en la Caisse.
Quelque 64 % des Québécois croient également
que les pertes de 39,8 milliards pour
l’exercice 2008 auraient pu être évitées grâce
à une meilleure gestion.
Une proportion à peine plus élevée (67 %)
souhaite donc que le gouvernement surveille
davantage la Caisse.
L’arrivée de Michael Sabia semble également
laisser les Québecois dubitatifs. Invités à
anticiper le rendement de M. Sabia à la tête de
la Caisse de dépôt, un répondant sur deux se dit
incertain.
Environ 44 % des électeurs libéraux croient
néanmoins que le rendement de M. Sabia sera bon
ou très bon. Seulement 23 % des électeurs
péquistes pensent la même chose. Globalement,
plus de Québécois pensent que la performance de
M. Sabia sera bonne ( 31 %) que mauvaise (21 %).
Le sondage a été effectué les 13 et 14 avril
auprès de 800 adultes québécois. La marge
d’erreur est d’environ 3,5 points de pourcentage
19 fois sur 20.
DES
ÉTUDIANTS
DES HEC BATTENT LA CAISSE
Le directeur du département de finance de HEC
Montréal veut aider Michael Sabia et offre les
services de ses étudiants à la Caisse de dépôt
et placement du Québec. Même si les
gestionnaires étudiants du Fonds Standard
Life — HEC Montréal ont réussi à battre leur
indice de référence dans la volatile année
2008, « nous entrons sur le marché du
travail plus humbles face aux marchés », dit
Joel Kaczor (à gauche), accompagné sur la
photo par son collègue Matthieu Robillard.
Dans une lettre teintée d’humour et adressée
au président-directeur général de la Caisse,
Martin Boyer souligne que les étudiants qui
gèrent le Fonds Standard Life – HEC Montréal
(FSLHEC) depuis 10 ans ont enregistré une
meilleure performance que les gestionnaires de
la Caisse.
« Si les étudiants de finance de HEC Montréal
avaient été responsables de la stratégie de
placement de la Caisse en 2008, la perte
n’aurait été que de 25 milliards de dollars
plutôt que de 40 milliards », soutient M.
Boyer dans sa missive envoyée à La Presse
hier.
Il offre donc au nouveau président de la
Caisse Michael Sabia de laisser les étudiants
de HEC gérer 1 milliard du capital de
l’institution.
En échange, la Caisse pourrait rémunérer
HECMontréal à raison de 1% de l’actif sous
gestion (10 millions de dollars), en plus de
10% de la plus-value annuelle dégagée par
l’équipe de gestion.
Cette rémunération « pourrait servir à
éliminer complètement le fardeau financier des
quelque 3000 étudiants à temps plein de HEC
Montréal qui doivent s’endetter de 2000$ par
année », note M. Boyer.
En entrevue à La Presse Affaires, M. Boyer,
sourire en coin, dit ne pas se faire pas
d’illusion sur la réponse de M. Sabia.
Il assure néanmoins au nouveau PDG qu’on
lui retournera l’ensemble de l’actif dans
10 ans si les gestionnaires ne réussissent
pas à battre l’indice de référence.
Mais M. Boyer, qui supervise les activités
du FSLHEC avec son collègue Nicolas
Papageorgiou, respire la confiance: le
fonds étudiant a fait mieux que la Caisse
six fois au cours des neuf dernières
années.
« Si un déposant quelconque avait investi
1000 $ dans les habilités de gestion des
étudiants en finance de HEC Montréal en
2000, il aurait eu 1697$ dans son compte
au 31 décembre 2008, écrit le professeur.
Si par ailleurs il avait placé cette somme
à la Caisse, il n’aurait dans son compte
que 1230$. »
Sur un capital de 100 milliards, cela
signifie une différence de 40 milliards,
estime M. Boyer.
Même en éliminant du calcul l’année 2008
(et la désastreuse aventure des PCAA de la
Caisse), le fonds étudiant obtient un
rendement annuel moyen de 9,37%,
comparativement à 6,75% pour la Caisse,
avec le même niveau de risque.
« C’est assez bon que les étudiants
dégagent une si bonne valeur, d’autant
plus qu’ils doivent suivre l’indice de
référence d’assez près », a indiqué Martin
Boyer en entrevue.
Une expérience riche
Le FSLHEC est le deuxième fonds étudiant
en importance du Canada, et le plus
performant de sa catégorie (fonds
diversifié) en Amérique du Nord. Standard
Life a confié 2 millions aux étudiants
pour lancer le fonds en 1999. L’actif du
fonds, composé que de titres canadiens, a
atteint les 4 millions à la fin de 2007.
« Le fonds nous permet, après des cours
très théoriques, de nous exposer aux
marchés », dit Matthieu Robillard, un des
gestionnaires rencontrés par La Presse
Affaires dans les locaux de HEC, chemin de
la Côte-Sainte-Catherine.
En 2008, justement, le fonds a enregistré
un rendement de -14,9%, battant néanmoins
son indice de référence (-15,6%). Pendant
ce temps, la Caisse de dépôt perdait 25% (
par rapport à son indice de -18,5%) et
Teachers’ reculait de 18% ( par rapport à
son indice de -9,6%).
La crise aura été une expérience très
formatrice pour la quinzaine de
gestionnaires étudiants, tous bénévoles,
qui participent à l’exercice.
« En période très volatile, la plus petite
mauvaise décision peut avoir un impact
énorme sur ton rendement », dit Joel
Kaczor, qui gérait jusqu’à tout récemment
la portion obligataire du fonds. Les
gestionnaires ont d’ailleurs modifié la
composition du fonds au plus fort de la
crise, atteignant jusqu’à 55%
d’obligations.
Même si les gestionnaires étudiants ont
réussi à battre leur indice de référence
(et la Caisse de dépôt) dans la volatile
année 2008, « nous entrons sur le marché
du travail plus humbles face aux marchés
», ajoute Joel Kaczor.
Aujourd’hui, le fonds est revenu à une
répartition de 55% d’actions et 45%
d’obligations. C’est signe d’un certain
optimisme prudent, notent les apprentis
gestionnaires.
« Même s’il y a encore beaucoup
d’incertitude, il faut rester prêt pour la
reprise », dit M. Robillard.
CESSONS
LES CHICANES - DANIEL LAPOINTE
Créons un « fonds de sécurité »
complémentaire pour les retraités, qui
risquent de recevoir une rente amputée
Le fédéral doit accroître la limite au-delà
de laquelle les cotisations de l’employeur
au régime de retraite ne sont plus
admissibles à un traitement fiscal
favorable.
L’auteur est directeur général de l’Institut
canadien des actuaires. Les employés de
certaines entreprises en difficulté,
notamment ceux d’AbitibiBowater (Grand
Falls-Windsor) sont préoccupés par la
solvabilité de leurs caisses de retraite.
La crise f i na ncière, ainsi que la crise
économique qu’elle a engendrée, apporte de
mauvaises nouvelles tous les jours. Les
manchettes font état de l’inquiétude des
retraités de certaines entreprises au bord
de la faillite, notamment GM et
AbitibiBowater. Ces retraités sont
préoccupés par la solvabilité de leurs
caisses de retraite.
Les caisses de retraite au Québec, en
majorité, ne sont pas suffisamment
capitalisées et sont par conséquent
potentiellement incapables de garantir
pleinement les rentes promises. Cette
situation, quoique déplorable en soi,
devient vraiment dramatique lorsque
l’entreprise qui soutient la caisse de
retraite fait faillite. C’est alors que les
retraités se retrouvent avec une rente
amputée.
Ce scénario catastrophique hante, à l’heure
actuelle, de nombreux retraités. Ils suivent
avec attention l’actualité en souhaitant que
leur ex-employeur ne fasse pas faillite.
Cette situation est inacceptable. Le
retraité type, généralement trop âgé pour
réintégrer le marché du travail, n’a pas les
moyens de voir une partie de ses revenus de
retraite se volatiliser tout d’un coup.
Comment en sommes-nous arrivés là?
Qui doit-on blâmer? Il serait trop facile
depointerdudoigt unacteur enparticulier. Il
faut se méfier des analyses simplistes de
ceux qui accusent les employeurs d’avoir été
trop chiches pour capitaliser pleinement les
régimes de retraite ou encore des question
du droit aux surplus des caisses de
retraite. Cette dispute explique en partie
pourquoi les régimes ne sont pas pleinement
capitalisés aujourd’hui, les employeurs se
montrant habituellement réfractaires à
provisionner de façon conservatrice les
régimes dans un contexte d’incertitude quant
à l’utilisation des surplus potentiels.
Cette querelle malsaine n’a fait que des
perdants.
Le temps est venu pour tous les inter
venants d’examiner sérieusement la
proposition de l’Institut canadien des
actuaires (ICA) de créer un « fonds de
sécurité de autres qui accusent les
représentants syndicaux d’avoir été trop
gourmands. L’état actuel des régimes de
retraite résulte d’un concours de facteurs
très complexes et les solutions ne sont pas
évidentes.
Quelles leçons pouvons-nous tirer? D’abord,
les employeurs et les syndicats doivent
cesser leur sempiternelle dispute au sujet
du surplus des caisses de retraite. Avant la
crise, la situation financière des régimes
était beaucoup moins précaire. Les
employeurs et les syndicats s’opposaient
alors de façon dogmatique sur l’épineuse
retraite ». Cette proposition constitue la
pièce maîtresse de l’ensemble des
recommandations formulées par l’ICA pour
améliorer la situation des régimes de
retraite. Il s’agit d’un fonds,
complémentaire à la caisse du régime, qui
recueillerait l’argent supplémentaire versé
par les employeurs afin d’assurer un plein
approvisionnement (et du même coup, garantir
la sécurité des rentes) mais qui
retournerait à l’employeur les sommes
devenues superflues lorsque la situation
financière du régime indiquerait
l’accumulation d’un coussin suffisant.
Les gouvernements, quant à eux, ont aussi un
rôle à jouer. Le gouvernement fédéral doit
accroître la limite au-delà de laquelle les
cotisations de l’employeur au régime de
retraite ne sont plus admissibles à un
traitement fiscal favorable. La limite
actuelle est inappropriée et n’encourage pas
un approvisionnement prudent des régimes.
Les gouvernements (fédéral et provinciaux)
doivent aussi imposer aux régimes des «
marges de solvabilité cible », c’est-à-dire
des sommes additionnelles qui ont comme
effet de créer un coussin pour absorber les
situations imprévues et par conséquent
d’accroître encore plus la capacité du
régime d’honorer ses promesses de rentes.
L’ampleur de ces marges variera en fonction
des risques liés à la composition de l’actif
du régime. Un régime de retraite dont une
proportion importante des fonds est placée
en actions devra créer une marge de
solvabilité cible plus élevée que celui dont
les fonds sont placés dans des véhicules
financiers aux rendements plus prévisibles.
Il faut voir la crise actuelle comme une
occasion privilégiée pour tous les
intervenants ( gouvernements, employeurs,
syndicats, professionnels) de se retrousser
les manches et d’apporter aux régimes de
retraite les améliorations qui leur font
cruellement défaut depuis trop longtemps.
LA
CAISSE BLÂME LES NORMES COMPTABLES - MAUVAIS RENDEMENT
« Nous
aurions un tout autre portrait s’il avait été possible
d’évaluer ces placements en fonction de leur horizon de
détention. »
La Caisse de dépôt et placement du Québec blâme les normes
comptables pour expliquer une partie de ses mauvais
rendements. En particulier, l’institution s’en prend à la
règle d’évaluation des placements à la juste valeur («
mark-to-market » ), un concept critiqué en ces temps de
crise.
Dans le rapport annuel rendu publ ic hier, l ’
ex-président Fernand Perreault rappelle que la Caisse est
assujettie à des normes qui l’obligent à évaluer ses
placements comme s’ils étaient mis en vente le 31 décembre
– date de fin d’exercice – même dans un contexte de crise.
Les placements privés et les immeubles, par exemple, sont
assujettis à de telles normes, même s’ils sont conservés à
long terme.
« Nous aurions un tout autre portrait s’il avait été
possible d’évaluer ces placements en fonction de leur
horizon de détention », écrit M. Perreault, qui était PDG
par intérim jusqu’à tout récemment, avant la nomination de
Michael Sabia.
En 2008, la Caisse a présenté un rendement de -25%, ce qui
équivaut à une perte de 39,8 milliards. Son rendement est
de 6,6 points de pourcentage plus faible que ses indices
de référence, ce qui situe la Caisse dans le dernier
quartile des grandes caisses de retraite canadienne.
Selon M. Perreault, 56% des pertes de 39,8 milliards sont
des moins-values non matérialisées ( pertes sur papier),
soit 22,4 milliards.
Débat
Le débat sur l’évaluation à la juste valeur (
mark-to-market) a fait rage aux États-Unis ces derniers
mois en raison de son impact sur les résultats. Au début
avril, le Conseil financier des normes comptables (FASB) y
a changé les règles, ce qui a permis aux banques
américaines, par la suite, de présenter de meilleurs
résultats.
Au Canada,
le débat n’est pas terminé et à l’international, il n’est
pas clair que l’International Accountant Standing Board (
IASB) suive la parade. Rappelons que ce sont les normes de
l’IASB qui s’appliqueront au Canada à partir de 2011.
Dans son rappor t , la Caisse consacre deux pages à cette
question des normes comptables. Selon les règles en
vigueur au Canada, la Caisse est considérée comme une
société de placement et non une caisse de retraite, comme
Teachers’ ou Omers, par exemple. À ce titre, elle ne peut
pas clas-
ser certaines catégories d’actif comme étant détenues
jusqu’à l’échéance « comme ont pu le faire d’autres
institutions financières », écrit la Caisse.
Les placements dans l’immobilier et les infrastructures
ont donc dû été évalués à leur juste valeur marchande au
31 décembre. Comme le marché était inactif en cette
période de crise, les règles exigent qu’on utilise une
méthode qui prend en compte les entrées de fonds futures
ramenées en valeurs actuelles en fonction des taux
d’intérêt (actualisation des flux monétaires), explique la
Caisse. Or, l’écart de taux d’intérêt ayant bondi avec la
crise, la valeur actuelle a fondu.
Pour cette raison, les placements dans l’immobilier ou
dans les infrastructures ont perdu 21,9% et 44,7%,
respectivement, même si ces actifs produisent en 2008 des
revenus similaires à ceux de 2007.
Scénarios extrêmes
Par a i l l eurs, Fernand Perreault indique que la crise
du papier commercial PCAA et la crise financière de 2008
ont forcé l’organisation à revoir la gestion des risques
face aux scénarios extrêmes.
En novembre 2008, la Caisse a lancé un ensemble de travaux
de réflexion, dit M. Perreault. Au menu : la couverture de
change, la gestion des liquidités, le recours au levier
financier et la fixation des objectifs de rendements. Les
recommandations issues de ces travaux seront mises en
oeuvre en 2009.
Concernant le PCAA, rappelle l’ex-PDG, il a obligé la
Caisse à adopter une politique qui exige que deux agences
de notation évaluent tout instrument financier. Dans le
cas du PCAA, une seule agence ( DBRS) avait accordé une
cote à ce produit.
Toujours nécessaire -
Madeleine Michaud
Il est
dans l’intérêt des Québécois de tenir une commission
d’enquête sur les pertes de la Caisse
De très nombreuses questions n’ont pu être posées
en commission parlementaire. Et les réponses obtenues
ont été imprécises, voire contradictoires.
L’auteure est présidente de l’Association québécoise
des retraité(e)s des secteurs public et parapublic
(AQRP). Elle réagit à l’éditorial d’André Pratte
intitulé « La bonne idée de M. Parizeau », publié le
21 mai. La commission parlementaire
sur la Caisse de dépôt laisse une désagréable
impression de manque de transparence qui empêche de
connaître toute la vérité, estime Madelaine Michaud,
présidente de l’Association québécoise des retraités
des secteurs public et parapublic.
Da ns son édi t o r i a l , M. Pratte a exprimé son
désaccord à l’égard de notre demande de commission
d’enquête por t ant sur les pertes historiques de 40
mi l l iards de dol lars de la Caisse de dépôt et
placement du Québec.
Selon la loi, le gouvernement peut instituer une
commission d’enquête « sur quelque objet qui a trait
au bon gouvernement du Québec, sur la gestion de
quelque partie des affaires publiques, sur
l’administration de la justice ou sur quelque matière
importante se rattachant à la santé publique ou au
bien-être de la population » . Les commissions
d’enquête ne sont donc pas réservées aux cas de
malversations. C’est un outil qui est à la portée des
représentants du peuple pour faire la lumière sur tout
enjeu majeur d’intérêt public.
M.
Pratte estime que l’on sait maintenant « l’essentiel »
des causes des pertes de la Caisse en 2008. Nous
sommes en désaccord fondamental avec cette affirmation
plutôt étonnante. D’une part, de très nombreuses
questions n’ont même pas pu être posées en commission
parlementaire. D’autre part, les réponses obtenues ont
été imprécises, voire contradictoires, comme sur la
question de l’approbaune désagréable impression de
manque de transparence qui nous empêche de connaître
toute la vérité.
Le débat sur l’avenir de la Caisse doit être fait. De
nombreux enjeux doivent être discutés, comme la
représentation des retraités, la rémunération des
gestionnaires ou les pratiques de communication de la
Caisse. Mais ce débat doit être alimenté par une
information juste et adéquate, qui identifierait
notamment la responsabilité de chaque acteur impliqué
dans le désastre de 2008. Sinon, comment s’assurer de
ne pas répéter les mêmes erreurs ?
M. Pratte le dit lui-même : « Une partie de ces pertes
tion de l’utilisation des PCAA par les déposants.
Pire, la presque totalité des témoins entendus ont
tenté d’attribuer la responsabilité des pertes tantôt
à d’autres intervenants, tantôt à des phénomènes
théoriquement imprévisibles. D’autres témoins ont
tenté de minimiser la portée de ces pertes
historiques. L’ensemble laisse était inévitable,
causée par l’effondrement des marchés. » C’est donc
dire que l’autre partie de ces pertes était évitable !
Il serait dans l’intérêt de l’ensemble des citoyens du
Québec que le gouvernement affecte les sommes
nécessaires à la tenue d’une commission d’enquête sur
les pertes historiques de la Caisse en 2008.
Une vision pour la Caisse -
FRANÇOIS LEGAULT
Dans
sa mission, le développement économique du Québec doit
être aussi important que la recherche de rendements
Le fragile équilibre entre la gestion saine et
prudente du risque et la recherche de rendements a été
rompu.
LL’auteur est député de Rousseau et porte-parole de
l’opposition officielle en matière de finances et
d’économie. es pertes colossales de la Caisse de dépôt
et placement du Québec ont alarmé les Québécois et
c’est pourquoi une commission parlementaire analyse
présentement les raisons qui expliquent ce dérapage
financier. La Caisse de dépôt et
placement est l’acteur financier le plus important
au Québec.
Comme plusieurs, je crois que le fragile équilibre
qu’une société de placements comme la Caisse doit
toujours conserver entre la gestion saine et prudente
du risque et la recherche de rendements a été rompu.
Si cette situation regrettable découle de choix
d’investissements mal avisés des dirigeants de la
Caisse, je maintiens qu’elle découle également d’une
vision à courte vue de ce que doit être le mandat de
cette institution.
J’ai mentionné à maintes reprises dernièrement que
compte tenu des résultats très décevants qui ont été
dévoilés cet hiver, il est essentiel de revoir
plusieurs façons de faire de l’institution afin
d’endiguer la situation. Je réaffirme cette
conviction.
Certains ont vu dans cette insistance une obsession
peu avisée sur le plan économique, « une vision des
années 60 ». Je propose plutôt une réflexion
fondamentale sur la mission que doit avoir cette
institution au XXIe siècle pour appuyer l’économie
québécoise. Il s’agit après tout de l’acteur financier
le plus important au Québec; il est bien normal que
l’on s’assure de lui faire jouer le bon rôle.
Deux
philosophies s’affrontent à ce sujet. La première
postule que le Québec sera mieux servi si la
préoccupation des gestionnaires de la Caisse est la
poursuite du rendement maximal. Pour les tenants de
cette école, les autres considérations sont de second
ordre. On peut néanmoins résumer concrètement cette
approche en disant qu’il suffit de comparer le
rendement attendu d’un investissement à Londres par
rapport à un investissement au Québec pour établir le
gagnant.
Une deuxième philosophie, que je partage, place le
développement économique du Québec au même titre que
la recherche de rendements dans la mission de la
Caisse.
Depuis sa création, la Caisse a le mandat de gérer les
avoirs collectifs des Québécois. Cette mission
centrale doit se poursuivre.
De plus, nos dirigeants politiques de toutes les
allégeances ont conservé jusqu’à tout récemment la
clairvoyance nécessaire afin que la Caisse appuie
pleinement le parcours du Québec vers la maturité
économique et financière. En effet, le premier
ministre Jean Lesage a voulu que la Caisse de dépôt
joue un rôle dans la protection des sièges sociaux. Le
9 juin 1965, il affirmait : « Supposons que, dans un
cas précis, il soit essentiel de ne pas laisser aller
la direction d’une entreprise passée à l’étranger. La
Caisse de dépôt devra alors non pas assumer seule tous
les risques de l’opération, mais constituer un groupe
dont elle sera au besoin le pivot. Dans la mesure où
son autorité morale sur le marché sera suffisamment
établie, je ne vois pas pourquoi un tel groupe ne
pourrait pas être constitué. »
Battons-nous à armes égales
Il
faut outiller la Caisse pour favoriser la présence de
sièges sociaux de grandes entreprises au Québec
Le Québec est plus fragile que les autres pays parce
qu’il n’a pas une longue tradition
d’entrepreneurship.
(...) Il est indéniable que la présence de sièges
sociaux de grandes entreprises au Québec est
importante pour le développement économique. Ce sont
ces entreprises qui tissent des liens et choisissent
des fournisseurs et des professionnels (avocats,
comptables, consultants, etc.) du Québec. Ce sont
aussi ces entreprises qui vont choisir plus souvent de
réaliser leurs projets de développement au Québec et
d’offrir une vaste gamme d’emplois stimulants à nos
citoyens.
En période de ralentissement économique, il est bon de
se rappeler que des dirigeants d’ici, bien que soumis
aux mêmes impératifs financiers que s’ils étaient à
Seattle, vont plus facilement choisir d’épargner les
établissements du Québec. Ne soyons pas naïfs, le
vieil adage « loin des yeux, loin du coeur »
s’applique aussi aux entreprises.
Nos collèges et universités produisent un bon nombre
de diplômés de qualité, mais comment espérer les
retenir chez nous si le Québec ne dispose pas
d’entreprises dynamiques et stimulantes? Le Québec a
fait des bonds prodigieux dans l’enseignement
universitaire, mais pourra-t-il offrir des débouchés à
la hauteur des aspirations des nouveaux diplômés s’il
ne dispose pas d’une masse critique d’entreprises qui
ont leurs assises chez nous? Pourquoi nos « meilleurs
» voudraient-ils rester au Québec si notre économie
s’étiolait au point où les décisions affectant nos
entreprises et nos emplois se prenaient ailleurs ?
Plus personne ne peut prétendre que les Québécois
soient dominés économiquement et, en ce sens, toutes
les portes leur sont ouvertes. Depuis près de 40 ans,
un Québécois peut devenir PDG d’une multinationale,
tout en continuant à vivre au Québec et à contribuer à
l’essor de notre société. Ce qui m’importe, c’est
d’outiller le Québec et la Caisse pour que des
investissements rentables permettent à nos futurs
gestionnaires de continuer à pouvoir diriger une
grande entreprise, ici, en français, plutôt que de
devoir s’exiler pour y parvenir. Il faut poursuivre
cette marche ascendante du Québec Inc. Mettre en place
un outil financier qui lui permettra d’atteindre de
nouveaux sommets. Pour le bien de nos entrepreneurs,
de nos travailleurs et pour celui du Québec.
Le
Québec ne vit toutefois pas en vase clos et il est
tout à fait normal qu’à l’occasion, des entreprises
d’ici passent aux mains de groupes étrangers.
Inversement, il devrait être tout aussi normal que des
entreprises d’ailleurs passent aux mains de gens d’ici
et encore davantage que des entreprises d’ici restent
aux mains de gens d’ici! À quand remonte la dernière
grande acquisition étrangère québécoise? On ne compte
pourtant plus les départs… Le Québec compte
actuellement une quarantaine d’entreprises clés, des
fleurons. Elles sont vulnérables à des prises de
contrôle étrangères, en particulier avec la baisse du
prix des actions des entreprises sur les marchés
boursiers.
Le Québec est plus fragile que les autres pays à ce
chapitre parce qu’il n’a pas une longue tradition
d’entrepreneurship, ni un bassin important de fortunes
familiales capables de maintenir la propriété
québécoise de nos grandes entreprises.
Personne ne demande que l’on maintienne les canards
boiteux sur le respirateur artificiel aux frais des
Québécois. Depuis quelque temps, plusieurs souhaitent
que le Québec crée davantage de richesse afin de
pouvoir mieux la partager. J’en suis et c’est pourquoi
il me semble qu’assurer la pérennité de centres
décisionnels au Québec est un élément clé pour y
arriver. À quoi bon faire l’éloge de la richesse si
l’on ne prend pas tous les moyens pour la créer et la
partager chez soi !
Le gouvernement du Québec et la Caisse ont le devoir
d’exercer un leadership pour garder nos sièges sociaux
au Québec. On ne pourra pas toujours gagner, mais il
faut s’assurer de ne pas perdre par défaut.
Bien sûr, ce n’est pas uniquement par un leadership
financier que l’on pourra maintenir et même accroître
le nombre de sièges sociaux au Québec. C’est une
véritable politique de développement économique qu’il
faut mettre en place, avec tout ce que cela comporte
comme investissements dans des secteurs clés comme
l’éducation et la fiscalité des entreprises. Mais
pourquoi se priver d’outils que d’autres utilisent?
Battons-nous à armes égales.
Une « erreur » profitable - Pierre-Karl
Peladeau
L’investissement de la Caisse dans Vidéotron a généré
des milliers d’emplois et de la richesse pour
l’économie québécoise
Quelle erreur d’avoir permis au Québec de conserver un
de ses trop rares sièges sociaux.
L’auteur est président et chef de la direction de
Quebecor inc. Il réplique à une chronique d’Alain
Dubuc. M. Dubuc, c’est avec intérêt que j’ai pris
connaissance de votre chronique intitulée « Les
maîtres de l’univers », publiée dans l’édition du 20
mai de La Presse.
Si j e prends l a plume aujourd’hui, c’est parce que
j’estime que le rapprochement que vous faites entre
l’investissement de la Caisse de dépôt et placement du
Québec dans la prise de contrôle de Vidéotron en 2001
et les achats massifs de papiers commerciaux faits par
la même institution en 2007 et 2008 est aussi
injustifié qu’erroné. Comme s’il ne vous avait pas
suffi de qualifier l’achat de Vidéotron « d’autre
grande erreur » de la Caisse, vous avez été jusqu’à
affirmer que cette transaction avait provoqué des
pertes se chiffrant en milliards de dollars pour le
bas de laine des Québécois. Or, c’est faux.
Ce qui est toutefois le plus choquant, c’est le
parallèle que vous tracez entre un investissement dans
des outils financiers purement spéculatifs et des
investissements dans une entreprise québécoise qui
crée de l’emploi au Québec et qui y réinjecte la
majeure partie de ses revenus!
Quelle erreur, en effet, d’avoir permis au Québec de
conserver unde ses trop rares sièges sociaux, un
endroit où les décisions sont prises par des Québécois
qui ont à coeur d’offrir le meilleur à leurs clients
québécois.
Quelle erreur, également, d’avoir permis le
développement d’une expertise en ingénierie et en
technologie de l’information unique au Québec, d’y
préserver des milliers d’emplois et d’en créer 3000 de
plus, faisant ainsi de Quebecor Media le troisième
plus important créateur d’emplois au Québec en 2007.
C’est par la richesse qu’elle a su créer que notre
entreprise, qui a vu son bénéfice d’exploitation
(BAIIA) pratiquement doubler en sept ans, passant de
525 millions de dollars en 2002 à 1,1 milliard en
2008, a pu créer de l’emploi et injecter des sommes
importantes dans l’économie.
Quelle
erreurdonc, justement, de laisser Vidéotron investir
chaque année des centaines de millions de dollars au
Québec, pour un total qui dépasse 1,5 milliard depuis
cinq ans. Je serais aussi curieux de savoir si les
centaines d’organismes sans but lucratif et
communautaires qui bénéficient de notre soutien année
après année considèrent, comme vous, que le fait
d’avoir gardé entre les mains d’intérêts québécois un
des fleurons du monde des affaires d’ici constitue une
erreur.
Est-ce aussi une erreur si près de 900 000 foyers
québécois ont – enfin! – pu bénéficier de meilleurs
prix et de plus de choix en matière de téléphonie
grâce à la concurrence que Vidéotron a su amener après
des décennies de régime monopolistique?
Devrions-nous reconsidérer notre intention de faire
preuve, une deuxième fois, du même esprit d’innovation
et de faire bénéficier les consommateurs des bénéfices
d’une réel le concurrence dans le domaine des
communications sans fil, secteur dans lequel nous
investirons près de 1 milliard et créerons 1000
nouveaux emplois?
Pour votre gouverne, apprenez en outre que si
Vidéotron était passée aux mains de Rogers, ce n’est
pas d’un accès de 50 mgbits/sec comme celui que
Vidéotron offre dans plus de 100 municipalités au
Québec que nos concitoyens bénéficieraient, mais
plutôt d’un accès à 18 mgbits/sec.
Comme entrepreneur et dirigeant d’entreprise, je ne
peux reprocher à Rogers d’avoir fermé le siège social
de Microcell à Montréal et de l’avoir vidé de ses
forces vives pour les rapatrier en Ontario après
l’acquisition de Fido. Mais je ne peux m’empêcher, non
plus, de penser que c’est ce qui ce serait produit si
Vidéotron était tombée aux mains du câblodistributeur
ontarien au début des années 2000.
À
l’ombre de Jean Lesage? - Alain Dubuc
Peut-on, plus de 40 ans plus tard, ressortir Jean
Lesage des oubliettes pour s’en servir comme guide
dans notre réflexion sur le rôle et lamission de la
Caisse?
COLLABORATION SPÉCIALE François Legault a fait
référence à Jean Lesage – père de la Révolution
tranquille et de la Caisse de dépôt – en commission
parlementaire cette semaine.
De toutes les envolées auxquelles le débat sur la
Caisse de dépôt a donné lieu, les plus farfelues ont
été les références à Jean Lesage et les spéculations
sur ce qui aurait été sa vision sur la mission de
cette grande institution.
Jean Lesage a été un grand premierministre. C’est le
père de la Révolution tranquille. L’une de ses grandes
initiatives, dont nous profitons toujours, fut la
création de la Caisse de dépôt, avec de jeunes loups
comme Jacques Parizeau. Mais c’était en 1965.
Peut-on, plus de 40 ans plus tard, ressortir Jean
Lesage des oubliettes pour s’en servir comme guide
dans notre réflexion sur le rôle et la mission de la
Caisse? C’est ce qu’a fait François Legault, critique
péquiste en matière de finances, en commission
parlementaire cette semaine. La lecture des discours
de M. Lesage l’a amené à conclure que, pour le père de
la Révolution tranquille, la Caisse avait une double
mission: le rendement des actionnaires, mais aussi le
soutien au développement économique du Québec. Et
qu’il croyait que la Caisse pourrait empêcher une
entreprise québécoise de passer à l’étranger. Un
argument massue: vous voyez, la Caisse doit empêcher
le départ des sièges sociaux. C’est Jean Lesage qui
l’a dit!
En 50 ans, le monde financier s’est profondément
transformé et les enjeux de développement économique
ne peuvent plus se poser dans les mêmes termes. On ne
peut pas définir la mission et la stratégie d’une
société d’État avec la même grille qu’au moment de sa
création.
Ces
références au passé ne sont pas un accident. Elles
s’inscrivent dans une culture où l’on a eu tendance à
sacraliser tout ce qui émane de la Révolution
tranquille. Cela mène à une approche presque
religieuse du développement économique. Peut-on créer
de la richesse en regardant en arrière?
Les références à Jean Lesage ont également des
connotations partisanes. Elles permettent de mettre
les libéraux d’aujourd’hui en contradiction avec ceux
d’hier. Et surtout d’affirmer que, dans les faits, les
authentiques héritiers de la Révolution tranquille se
retrouveraient maintenant dans le camp péquiste.
Mais il y a autre chose. Ces références aupassé
servent à rappeler nos racines, nos traditions et les
considérations de nature identitaire qui ont mené à la
création de la Caisse de dépôt. Et de rappeler du même
coup que le nouveau PDG de la Caisse, Michael Sabia,
ne s’inscrit pas dans cette tradition. Pas tant par ce
qu’il est un anglophone que parce qu’il est un
outsider, qui n’appartient pas au réseau tissé serré
duQuébec inc., qu’il n’a pas la fibre nationaliste
qu’exigerait sa fonction. En fait, c’est la première
fois depuis presque 20 ans que le patron de la Caisse
ne provient pas de la mouvance souverainiste.
Le débat sur la nomination de M. Sabia a ainsi porté
sur ses convictions, plutôt que sur ses compétences,
ce qui a mené à des dérives gênantes, notamment en
forçant le patron de la Caisse a faire une profession
de foi dans un climat d’inquisition qui avait un
je-ne-saisquoi de stalinien. C’est l’ex-premier
ministre Parizeau qui est allé plus loin sur cette
voie: « C’est le Conseil privé, c’est-à-dire Ottawa
qui met la main sur la Caisse… la puissance de la
Caisse vient de changer de main. » Une accusation
simpliste qui nous rappelle que la corrélation entre
l’âge et la sagesse n’est pas absolue.
La morale de l’histoire? Laissons donc Jean Lesage
dormir en paix. Les débats pointus sur les nuances
dans la formulation de la mission de la Caisse nous
font oublier l’essentiel: la bonne performance de la
Caisse et la compétence de ses dirigeants.
Une fois l’an, la Caisse devra
s’expliquer devant les députés
L’opposition dénonce les mesures de contrôle annoncées
par le ministre des Finances
— La Caisse de dépôt devra désormais, chaque année,
venir expliquer en commission parlementaire ses
résultats, après la publication de son rapport annuel,
a annoncé hier le ministre des Finances, Raymond
Bachand. Le ministre des Finances du
Québec, Raymond Bachand, a annoncé hier devant
l’Assemblée nationale ses mesures de contrôle pour
éviter en 2009 la répétition du bilan catastrophique
de la Caisse de dépôt.
En clôture de la commission parlementaire destinée à
lever le voile sur les résultats catastrophiques de la
Caisse en 2008, M. Bachand a annoncé une série de
mesures pour éviter la répétition de l’année
désastreuse où la CDP a perdu 40 milliards. Il n’a pas
été tendre à l’endroit de la Caisse, souhaitant
qu’elle soit « plus prudente à l’avenir ».
En début de soirée quand les journalistes lui ont
demandé si des sanctions allaient être prises à
l’endroit des dirigeants qui avaient perdu 40
milliards, le ministre Bachand a hésité, puis rappelé
que beaucoup d’entre eux avaient quitté leur poste,
depuis le désastre.
Pour le critique péquiste aux Finances, François
Legault, les 34 heures de commission parlementaire se
« terminent en queue de poisson », sur des
propositions « minimalistes » du gouvernement. « On ne
change pas la loi sur la Caisse, le gouvernement a
changé l’équipe Brunet-Rousseau par celle de
Tessier-Sabia. Il leur a donné les clés de l’auto et a
allumé des lampions en espérant qu’ils ne rentrent pas
dans le mur. »
Selon François Legault, Québec devrait demander au
vérificateur général de se pencher sur ce qui s’est
passé dans l’achat de papier commercial. Un comité
d’experts indépendant devrait revoir les politiques de
placement, ajoute-t-il. Finalement, le sous-ministre
aux Finances devrait retrouver sa place au conseil
d’administration de la Caisse. « M. Bachand était
ouvert à cette idée, Mme Jérôme-Forget aussi, mais
Jean Charest ne veut surtout pas savoir ce qui se
passe à la Caisse », a lancé le péquiste. Aussi, selon
M. Legault, la commission aurait dû entendre Luc
Verville et Nicolas Deblois, les deux employés de la
CDP responsables de l’achat des papiers commerciaux. «
Ce qui s’est passé entre le 3 et le 10 août 2007, ce
n’est pas ce qui m’intéresse », a rétorqué M. Bachand.
Pour l’adéquiste François Bonnardel, il est clair que
tous les déposants avaient « mis des lunettes roses »
et tenté d’atténuer les faits qui auraient pu alarmer
les contribuables. La commission se révèle être « un
pétard mouillé ».
Selon l’adéquiste de Shefford, la Caisse devrait être
scindée pour réduire le risque: « Est-ce qu’on confie
120 milliards au même homme », a demandéM. Bonnardel.
Les propositions du ministre hier « sont plutôt
minimales, ridicules », quatre heures de comparution
sont un contrôle bien léger compte tenu des montants
en cause, a-t-il ajouté.
Le
ton est vite devenu acrimonieux hier entre MM. Bachand
et Legault. Le ministre a accusé le péquiste de
dénaturer sans vergogne ses déclarations. M. Legault
n’a pas été plus tendre et a piqué davantage son
adversaire, après avoir été traité de « xénophobe »
par M. Bachand: « C’est cette personne qu’on a comme
ministre! » a laissé tomber M. Legault.
Plus de contrôles
Le ministre Bachand a affirmé que les changements
apportés à la loi de la Caisse en 2004 n’ont pas
augmenté le risque pour le bas de laine des Québécois.
En revanche, ceux adoptés en 1997 sous Lucien
Bouchard, quand Bernard Landry était ministre, ont
augmenté l’exposition de la Caisse au marché
immobilier – un trou de 4 milliards cette année – et à
de nouveaux produits financiers, comme les papiers
commerciaux adossés à des actifs.
Parmi la série de mesures annoncées hier par M.
Bachand, en plus d’une comparution annuelle, Québec
demandera à la Caisse de déposer tous les trois ans «
un plan d’orientation exposant sa vision et ses
priorités ». La première version de ce plan devrait
être disponible en 2010.
Chaque année, la Caisse devra également aussi
présenter un rapport distinct sur sa gestion du
risque, un problème important reconnu en commission
parlementaire par le nouveau président, Michael Sabia.
La Caisse devra déposer aussi, l’an prochain, un
rapport sur sa politique de rémunération. La prime de
départ versée à HenriPaul Rousseau, plus de 400000$, a
alimenté la controverse.
Finalement, le gouvernement demande à la Caisse d’être
plus précise dans son rapport annuel sur la façon dont
elle a respecté son obligation de participer au
développement économique du Québec.
Déboires
de la Caisse de dépôt - Charest ne veut pas d’enquête
QUÉBEC— Une enquête sur les déboires de la Caisse
de dépôt et placement du Québec ne servirait que les
intérêts partisans de l’opposition, a soutenu le premier
ministre Jean Charest, hier.
Du même souffle, M. Charest a repoussé du revers de la
main la proposition péquiste de créer un comité
d’experts « non partisans » pour revoir les règles
prudentielles et le mandat du « bas de laine » des
Québécois. Le premier ministre a justifié son double
refus en mettant en doute la pureté des intentions de la
chef péquiste.
« On le
sait, la chef de l’opposition officielle voudrait que le
PQ ait les deux mains dans la gestion de la Caisse de
dépôt et placement du Québec », a-t-il avancé, au cours
des échanges en Chambre. Selon le premier ministre, la
commission parlementaire spéciale de 30 heures qui s’est
terminée mardi a permis de tirer les leçons adéquates
pour la suite des choses.
Pour Pauline Marois, ces auditions publiques n’ont
certainement pas permis de lever le voile sur les causes
de la catastrophe financière. Comme L’ADQ, elle croit
qu’une enquête du vérificateur est nécessaire pour
identifier la chaîne d’événements qui a conduit la
Caisse à perdre 10 milliards de plus que les
institutions comparables l’an dernier.
Les
Canadiens
abandonnent leur téléphone traditionnel
TORONTO — De plus en plus de Canadiens pourraient
abandonner leur téléphone t raditionnel au profit de
leur cellulaire, poursuivant une tendance qui risque
d’aller en s’accélérant au fur et à mesure que de
nouveaux acteurs arriveront sur le marché de la
téléphonie sans fil avec des offres alléchantes. L’Association canadienne des
télécommunications sans fil révèle qu’à la fin de
l’an dernier, 21,5 millions de Canadiens
utilisaient un téléphone cellulaire, ce qui
correspond à une pénétration nationale de 67% pour
ce service.
Rogers Communications, qui offre les services Fido
et Rogers, propose déjà des for f a i t s qui
ciblent les utilisateurs qui souhaitent renoncer à
leur ligne terrestre, a indiqué hier le président de
Rogers sans fil, Rob Bruce.
« Je crois qu’il y aura des occasions de croissance
énormes du point de vue du sans-fil », a-ti l i
ndiqué dans le cadre de la conférence annuelle
organisée par BMO Marché des capitaux à l’intention
des acteurs des secteurs des médias et des
télécommunications, à Toronto.
Selon M. Bruce, environ 9 % des clients Fido à
l’échelle nationale ont abandonné leur ligne
terrestre et plutôt opté, par exemple, pour un
forfait qui offre 2000 minutes par mois pour 40 $.
« Nous croyons que c’est une tendance qui continuera
à s’accélérer, surtout en raison de la prolifération
des forfaits », a-t-il ajouté.
M.
Bruce croit que les nouveaux acteurs qui se
lanceront sur le marché au cours des prochains mois
i nciteront les consommateurs à se départir de leur
ligne terrestre.
« D’après ce que je peux voir des nouveaux acteurs,
je pense qu’ils vont arriver avec des forfaits qui i
nciteront bien des consommateurs à délaisser leur
ligne terrestre et à adopter le sans-fil comme
substitut », a dit M. Bruce.
Jean-François Pruneau, viceprésident au x finances
de Vidéotron, qui est propriétaire d’un de ces
nouveaux acteurs, a expliqué à la conférence que les
consommateurs f i niraient par n’avoir qu’un
téléphone sans fil.
Le réseau sans fil de Vidéotron dev r a i t ê t r e
e n f o nc t i o n a u deuxième trimestre de 2010,
a-t-il précisé.
L’Association canadienne des télécommunications sans
fil révèle qu’à la fin de l’an dernier, 21,5
millions de Canadiens utilisaient un téléphone
cellulaire, ce qui cor respond à une pénétration
nationale de 67 % pour ce service.
Dans les grands centres urbains, le taux de
pénétration serait de près de 80 %, ajoute
l’association.
Infrastructures
: Un boom au-delà de la relance ? - Philippe
Mercure
Fatigués d’entendre parler de grands projets
d’infrastructure ? Vous en avez peut-être encore
pour longtemps. Parce que selon les analystes, le
boom risque de durer bien au-delà du coup
d’accélérateur donné par les gouvernements pour
dégeler l’économie. Et avis aux investisseurs : ça
pourrait vouloir dire des occasions de placement.
« Même lorsque les mesures de relance disparaîtront
avec le retour à la normale de l’économie mondiale,
une conjonction de forces contribuera à favoriser
les dépenses d’infrastructure sous toutes ses formes
», écrit la banque UBS dans un rapport publié hier.
Les raisons de ce boom prolongé sont simples : les
infrastructures des pays développés arrivent en fin
de vie et requièrent d’importants investissements,
tandis que celles des pays en voie de développement
restent encore à être érigées pour soutenir la
croissance démographique et économique.
«
Est-ce que l’infrastructure va continuer ?
Absolument, c on f i r me Benoî t Ca r on , a
nalyste en i ngénierie et infrastructure à la
Financière Banque Nationale. Après les quelques
années de stimulus, on n’aura pas fait 20 % de ce
qui est à faire. Quand les édifices s’écroulent,
quand les conduits d’eau pètent, quand le béton
tombe du Marriott sur les gens et que les ponts
s’affaissent au Québec, au Minnesota et en Ontario,
ça veut dire qu’il faut faire quelque chose. »
La question à plusieurs milliards de dollars est
évidemment la suivante : quand les gouvernements
endettés cesseront d’injecter l’argent à grands
coups de milliards, qui le fera ?
UBS fait le pari que le privé prendra le flambeau.
« Le secteur privé semble disposé à prendre la place
des États à court de financement afin d’assurer la
construction des infrastructures indispensables,
écrit la banque suisse. La vente ou la concession
d’actifs devraient se généraliser pour limiter la
hausse de l a dette et t rouver du financement.
»
Carlos
Leitao, économiste à la Banque Laurentienne, apporte
toutefois un bémol.
« Il y a quand même eu un changement important qui a
eu lieu il y a un an exactement, et c’est un choc
financier majeur. Ça a changé les façons de se
financer. Avant septembre 2008, on trouvait du
financement facilement. Je ne suis pas sûr que ce
sera le cas dans les années à venir pour les
infrastructures, même si les besoins sont criants. »
Benoît Ca ron, de la Nationale, souligne qu’au
Québec en particulier, les entreprises ont très peu
d’intérêt à investir pour construire une route entre
Chibougamau et le Lac-Saint-Jean. Ce sont encore les
fonds publics qui devront s’en acquitter.
L’analyste
note à ce sujet un écart entre le pouvoir de
taxation des municipalités (8 % de l’assiette
fiscale) et du budget d’infrastructure dont elles
doivent s’acquitter (52 % selon ses chiffres). « Il
va y avoir des changements au niveau de la t a
xation, c’est pratiquement inévitable », dit-il.
UBS souligne qu’une vague prolongée
d’investissements en i nfrastructure amènera
d’intéressantes opportunités de placement. Benoît
Caron, de la Financière, souligne l’existence des
fonds communs e n i n f r a s t r uc t u r e . « Ça
offre un panier de 30 à 50 compagnies dans le
domaine », dit-il.
« Une compagnie comme SNC-Lavalin, ce n’est pas
demain matin que ça va arrêter, les contrats, dit-il
aussi. De toutes les compagnies que j e couvre, SNC
est la société qui a les tentacules les plus longues
et les plus diversifiées à travers la planète pour
donner une exposition à l’infrastructure. »
Denis Durand, a s s ocié principal chez
JarislowskyFraser, note cependant qu’il y a « peu de
représentation de l’infrastructure sur le marché
boursier canadien ». Il mentionne des noms comme le
géant f rançais Lafarge, inscrite sur Euronext
Paris, ou la firme américaine Fluor, dont le titre
se négocie à la Bourse de New York.
Le
Dow Jones à la Bourse de Toronto
«
Notre fonds Dow Jones négocié en Bourse comporte
plusieurs avantages, dit Atul Tiwari, premier
vice-président chez BMOGestion d’actifs. Il est
couvert contre les fluctuations du dollar canadien
et son traitement fiscal est plus avantageux que le
fonds Dow Jones acheté à la Bourse de New York. »
Plus de 113 ans après sa création, le célèbre indice
boursier américain Dow Jones traverse enfin la
frontière canadienne.
Hier, le Dow Jones a fait son entrée sur les marchés
boursiers canadiens comme fonds indiciel négocié à
la Bourse de Toronto. Lancé par la Banque de
Montréal , le fonds BMO Dow Jones Diamonds Index
reproduit l’indice boursier créé en mai 1896 par le
journaliste Charles Dow, qui voulait mieux suivre
les marchés boursiers. Encore aujourd’hui, cette
moyenne – qui regroupe 30 blue chips américains –
est la plus suivie au monde.
Jusqu’à hier matin, les investisseurs canadiens qui
voulaient acheter l ’ indice Dow Jones avaient deux
options: un fonds en dollars américains négocié à la
Bourse de New York ou un fonds commun de la Banque
TD.
BMO offre maintenant une troisième option: un fonds
en dollars canadiens négocié directement à la Bourse
de Toronto.
À la fermeture hier, le fonds de BMO s’échangeait à
15,45 $ l’unité, soit une fraction des 8750 points
de l’indice Dow Jones. Hier, le Dow Jones a gagné
0,86%, ou 75 points.
« Notre fonds Dow Jones négocié en Bourse comporte
plusieurs avantages, dit Atul Tiwari, premier
vice-président chez BMO Gestion d’actifs. Il est
couvert contre les fluctuations du dollar canadien
et son traitement fiscal est plus avantageux que le
fonds Dow Jones acheté à la Bourse de New York. »
Côté
frais
de gestion, le fonds négocié en Bourse de BMO
(0,24%) est moins cher que le fonds commun de TD
(0,84%). Il faut toutefois ajouter des frais de
transaction pour un fonds négocié en Bourse comme le
BMO Dow Jones Diamonds Index.
Plusieurs sous-indices Dow Jones se négociaient déjà
à la Bourse de Toronto, mais pas l’indice principal
( Dow Jones Industrial Average) qui constitue la
moyenne des 30 titres industriels américains les
plus importants.
Signe des temps, le Dow Jones Industrial Average a
procédé à deux changements en début de semaine,
évinçant ainsi le constructeur automobile en
faillite GM et la financière Citigroup. Un seul
titre du Dow Jones faisait partie de l’indice Dow
Jones lors de sa création le 28 mai 1896 : General
Electrics (GE).
Outre l’indice industriel Dow Jones, BMO Groupe
Financier a lancé hier trois autres fonds indiciels
négociés à la Bourse de Toronto: un fonds
d’obligations canadiennes, un fonds d’actions
américaines et un fonds d’actions canadiennes Dow
Jones. Il s’agit des premiers fonds négociés en
Bourse de BMO.
La famille des fonds négociés en Bourse de BMO
s’agrandira bientôt. Au cours de l’été, BMO lancera
trois nouveaux fonds indiciels: un fonds d’actions
de pays émergents, un fonds d’actions
internationales et un fonds d’actions
internationales axées sur les infrastructures.
BMO veut concurrencer les firmes comme Barclays
(iShares), BetaPro ( Horizons) et Claymore, qui ont
déjà des fonds négociés à la Bourse de Toronto.
Selon la firme Investors Economics, la valeur des
fonds négociés en Bourse passera de 20 milliards à
105 milliards au Canada d’ici 2016.
QUÉBEC VA DE L’AVANT, MALGRÉ LES HAUTS CRIS
DES AGRICULTEURS - Maxime Bergeron
Ma lgré l ’ o pposi t i o n virulente de
milliers d’ag r i c u l t e u r s qui ont
manifesté cette semaine dans les rues de la
métropole, Québec a entériné hier un nouveau
chapitre controversé de l’Accord sur le commerce
intérieur (ACI).
Le ministre du Développement économique, Clément
Gignac, a ratifié l’entente en compagnie de ses
homologues des autres provinces, pendant une
conférence à Whitehorse, au Yukon. Cette
modification à l’ACI vise à empêcher « le
recours à des mesures déraisonnables risquant de
nuire à la libre circulation des produits
agricoles à travers le Canada», selon le Conseil
de la fédération.
Or, les agriculteurs québécois ne voient pas du
tout les choses sous un angle favorable. Selon
eux, le nouvel accord risque carrément de tuer
la spécificité de l’industrie agroalimentaire
d’ici. Les normes sévères d’étiquetage et de
composition des produits en vigueur au Québec
pourront être contestées beaucoup plus
facilement, avance Christian Lacasse, président
de l’ Union des producteurs agricoles ( UPA).
Le nouvel accord risque par exemple de
compromettre la certification biologique accolée
aux produits bios québécois, dit le leader de
l’UPA. «C’est la certification la plus stricte
en Amérique du Nord. C’est clair que cette
norme-là, si l’accord est signé, elle ne fera
pas long feu et sera fortement contestée.»
Selon Christian Lacasse, les règles serrées qui
régissent le secteur agroalimentaire québécois
pourraient désormais être considérées comme des
« entraves au commerce» par les autres provinces
et faire l’objet de sanctions. À terme,
plusieurs normes de qualité seront abolies, ce
qui provoquera un « nivellement vers le bas»,
croit-il.
Silence des élus
L’UPA, tout comme la porteparole péquiste en
matière d’agriculture, Marie Bouillé, dénoncent
que le nouveau chapitre sur l’agriculture n’ait
pas fait l’objet d’un débat en commission
parlementaire. Les producteurs affirment aussi
avoir demandé plusieurs fois à s’entretenir avec
le ministre de l’Agriculture, Claude Béchard,
sans succès.
Le ministre Béchard a refusé de parler à La
Presse Affaires, hier. I l était dans son comté
toute la journée, à Kamouraska-Témiscouata, où
«le cellulaire ne se rend pas pa r t out » , s
elon s on at t aché de presse Pascal D’Astous.
Le ministre Clément Gignac, qui était à
Whitehorse à la Réunion du Comité du commerce
intérieur où le nouveau chapitre de l’ACI a été
entériné, n’a pas non plus voulu répondre à nos
questions.
L’at t ac hé de presse de Claude Béchard a
toutefois tenu à défendre le bien-fondé de
l’entente ratifiée hier. Selon lui, les
agriculteurs québécois seront gagnants sur toute
la ligne. « Les possibilités de contestation
étaient déjà là. Le gain obtenu est pas mal plus
grand que les désavantages potentiels.»
Olivier d’Astous affirme que le Québec demeurera
maître à 100% de son industrie agroalimentaire
et n’aura pas à abdiquer de pouvoirs aux autres
provinces. L’ACI revu et corrigé viendra au
contraire protéger le système de gestion de
l’offre actuelle, comme l’a fait affirmé le
Conseil de la fédération dans un communiqué du 7
août dernier, ajoute-t-il.
«Ça veut dire qu’on ne peut remettre en question
le système de gestion de l’offre au Canada, donc
le lait, les oeufs, tout ce qui est sous gestion
de l’offre, est protégé, a-t-il dit. Aucune
province canadienne ne peut arriver et remettre
cela en question.»
M. D’Astous soutient par ailleurs que le nouveau
chapitre sur l’agriculture de l’ACI facilitera
les exportations des producteurs d’ici vers les
autres provinces. Ce que réfute le président de
l’UPA, qui n’y voit absolument aucun avantage.
«Le nouvel accord ne changera rien à ça», a-t-il
lancé.
Le secteur bioalimentaire québécois a exporté
pour 5,8 milliards de dollars de biens vers les
autres provinces canadiennes en 2008, tandis que
ses importations ont atteint 6,6 milliards. Sa
balance commerciale était négative de 768
millions, plus du double de l’année précédente.
CE QU’EN DISENT LES OPPOSANTS
LA FIN DE LA SPÉCIFICITÉ QUÉBÉCOISE
La signature du nouveau chapitre sur
l’agriculture de l’Accord sur le commerce
intérieur (ACI) viendra tuer la spécificité de
l’agriculture québécoise, selon le président
de l’Union des producteurs agricoles (UPA),
Christian Lacasse. Pourquoi ? En vertu de la
version modifiée de l’ACI, des entreprises ou
gouvernements d’autres provinces pourraient
contester la légitimité des normes
d’étiquetage ou de composition des produits en
vigueur au Québec. La province applique des
standards très sévères à cet égard — notamment
en ce qui a trait aux aliments bio —, mais
elle pourrait être forcée de les « niveler
vers le bas », selon M. Lacasse.
MANQUE DE TRANSPARENCE
Le processus de négociation du nouveau
chapitre sur l’agriculture a été discuté «
derrière des portes closes », dénonce la
députée d’Iberville et porte-parole de
l’opposition officielle en matière
d’agriculture, Marie Bouillé. Par son manque
de transparence, le gouvernement n’a pas fait
la démonstration du bien-fondé de l’Accord,
dit-elle en somme. « La semaine dernière, les
députés libéraux ont refusé de discuter du
contenu du projet d’Accord en commission
parlementaire. Ce faisant, ils nous font
craindre le pire. Quand on ne veut pas montrer
les textes, c’est que le gouvernement cache
quelque chose aux agriculteurs et aux
consommateurs québécois », écrivait cette
semaine Mme Bouillé dans un communiqué.
PPROVISIONNEMENT LOCAL MENACÉ
L’approvisionnement prioritaire des abattoirs
québécois en porcs du Québec pourrait être
contesté par des producteurs d’autres
provinces. Ceux-ci pourraient faire valoir
qu’il s’agit d’une entrave au commerce
interprovincial, affirment Christian Lacasse,
de l’UPA, Marcel Groleau, président de la
Fédération des producteurs de lait, et Denis
Falardeau, de l’ACEF, dans une lettre ouverte
au de Chicoutimi.
PERTE DE POUVOIRS DE L’ÉTAT QUÉBÉCOIS
Québec « s’apprête à vendre unilatéralement sa
capacité de légiférer et de réglementer dans
le domaine de l’alimentation, et ce, sans une
seule étude d’impact », font aussi valoir les
signataires dans le Quotidien. La FTQ estime
pour sa part que Québec est prêt à « brader
les pouvoirs de l’Assemblée nationale, ainsi
que plus de 50 ans de pratiques agricoles au
Québec ».
UN CONSENSUS INSUFFISANT
Le consensus obtenu le 7 août dernier par le
Conseil de la fédération, qui exclut le
système de gestion de l’offre de l’ACI, ne
sera pas suffisant pour bien protéger les
droits des agriculteurs québécois, selon
l’UPA.
CE QU’EN DISENT LES PARTISANS
UNE BAISSE DES PRIX POUR LES CONSOMMATEURS
Si la réglementation d’une province empêche
les produits fabriqués ailleurs au Canada
d’être vendus sur son territoire, le
consommateur est forcément perdant, parce
qu’il a accès à moins de producteurs,
explique David Descôteaux, économiste à
l’Institut économique de Montréal.
Inversement, si les produits fabriqués
ailleurs peuvent être vendus au Québec,
l’augmentation de l’offre fera baisser les
prix et le consommateur en profitera, selon
lui. Les normes de fabrication d’un aliment
et les règles d’étiquetage sont souvent une
façon de protéger un marché contre la
concurrence, au détriment des consommateurs.
N MARCHÉ PLUS GRAND POUR LES PRODUITS
QUÉBÉCOIS
Si les produits fabriqués ailleurs au Canada
peuvent être vendus plus facilement au
Québec, il en sera de même pour les produits
québécois, qui seront disponibles sur un
plus grand marché. C’est un avantage
certain, reconnaît le porte-parole
d’Agropur, Jean Brodeur. Coopérative
appartenant à plus de 3000 producteurs
laitiers, Agropur transforme le lait du
Québec en yogourts et en fromages de marques
aussi connues que Sealtest, Oka et Yoplait.
Pour les producteurs québécois, la condition
essentielle pour profiter de ce plus grand
marché est l’adoption de normes de qualité
élevées et non l’inverse. « Si les
producteurs des autres provinces n’ont pas
les mêmes exigences de qualité à respecter,
ils pourront arriver sur le marché à un prix
inférieurs et nous serons perdants »,
tempère-t-il.
GAGE DE QUALITÉ
Les producteurs québécois craignent un
nivellement par le bas des normes de qualité
des produits alimentaires et à plus long
terme, une dégradation de l’assiette des
Québécois. Ce scénario catastrophe n’est pas
inévitable, estime Jean-Michel Laurin,
économiste et vice-président des
Manufacturiers et exportateurs du Canada.
Les consommateurs sont de plus en plus
informés sur ce qu’ils mettent dans leur
assiette et les producteurs québécois ont
des produits intéressants et ils ont les
moyens faire valoir la qualité de leurs
produits autrement qu’en empêchant la vente
de produits fabriqués ailleurs,
explique-t-il. En Europe, la libéralisation
des échanges n’a pas compromis les standards
de qualité des produits agricoles, qui
restent parmi les plus élevés au monde,
illustre-t-il.
SSURER L’AVENIR
Le Canada, pays qui vit de ses exportations,
ne peut pas continuer de négocier des
accords de libre-échange avec d’autres pays
souverains sans assurer la libre-circulation
des biens et services à l’intérieur de ses
frontières. « C’est aberrant de voir autant
de barrières qui nuisent au commerce
interprovincial quand on signe des ententes
internationales de libre-échange », souligne
Jean-Michel Laurin. L’Accord de commerce
interprovincial, même s’il est décrié par
les producteurs agricoles québécois, ne va
pas assez loin au goût de certaines
provinces, qui ont résolu de faire un pas de
plus vers la libéralisation de leur
commerce, ajoute-t-il. C’est le cas de la
Colombie-Britannique avec l’Alberta, et du
Québec avec l’Ontario.
CSeries Washington interroge Ottawa
- Marie Tison
Incité par Boeing, Washington a communiqué avec
Ottawa pour vérifier si l’aide gouvernementale
canadienne accordée à Bombardier pour le
développement de la CSeries respectait les
règles internationales du commerce.
« Les représentants du gouvernement des
États-Unis ont soulevé des questions lors des
rencontres bilatérales avec les représentants du
gouvernement du Canada concernant l ’ i
nvestissement du gouvernement du Canada dans le
programme CSeries », a déclaré à La Presse
Affaires hier une porte-parole du ministère des
Affaires étrangères et du Commerce international
du Canada.
Elle a soutenu que l’investissement du Canada
dans ce programme respectait ses obl i gations
commercia l es internationales.
Pour développer la CSeries, Bombardier pourra
bénéficier d’un investissement remboursable de
350 millions de dollars du gouvernement
canadien, de 118 millions du gouvernement
québécois et de 134,37 millions de livres du
gouvernement britannique.
Boeing avait pris contact avec l’administration
Bush peu de temps après le lancement de la
CSeries, en juillet 2008, parce qu’elle
craignait que cette aide gouvernementale ne
viole les règles de l’Organisation mondiale du
commerce (OMC). Le temps n’a pas atténué ses
inquiétudes et elle est repassée à l’attaque
lorsqu’une nouvelle équipe a pris le pouvoir à
Washington.
« Nous avons soulevé la question avec
l’administration Obama, a déclaré Tim Neale,
directeur des communications de Boeing Avions
commerciaux à Washington, DC. , en entrevue
téléphonique avec La Presse Affaires. Notre but,
c ’e s t de vous assurer que tous les
concurrents soient sur le même pied d’égalité. »
M. Neale a rappelé qu’il appartenait à
Washington de vérifier si les autres
gouvernements suivaient les règles
internationales.
« C’est pour cela que nous avons parlé à notre
propre gouvernement, a f i n de le sensibiliser
et de l’amener à poser les bonnes questions. »
Avant de déposer u ne plainte auprès de l ’ OMC,
un gouvernement cherche d ’ a bord à d i s c
uter avec le gouvernement apparemment
fautif.
Incité par Boeing, Washington a communiqué
avec Ottawa pour vérifier si l’aide
gouvernementale canadienne accordée à
Bombardier pour le développement de la
CSeries respectait les règles
internationales du commerce.
« Les représentants du gouvernement des
États-Unis ont soulevé des questions lors
des rencontres bilatérales avec les
représentants du gouvernement du Canada
concernant l ’ i nvestissement du
gouvernement du Canada dans le programme
CSeries », a déclaré à La Presse Affaires
hier une porte-parole du ministère des
Affaires étrangères et du Commerce
international du Canada.
Elle a soutenu que l’investissement du
Canada dans ce programme respectait ses obl
i gations commercia l es internationales.
Pour développer la CSeries, Bombardier
pourra bénéficier d’un investissement
remboursable de 350 millions de dollars du
gouvernement canadien, de 118 millions du
gouvernement québécois et de 134,37 millions
de livres du gouvernement britannique.
Boeing avait pris contact avec
l’administration Bush peu de temps après le
lancement de la CSeries, en juillet 2008,
parce qu’elle craignait que cette aide
gouvernementale ne viole les règles de
l’Organisation mondiale du commerce (OMC).
Le temps n’a pas atténué ses inquiétudes et
elle est repassée à l’attaque lorsqu’une
nouvelle équipe a pris le pouvoir à
Washington.
« Nous avons soulevé la question avec
l’administration Obama, a déclaré Tim Neale,
directeur des communications de Boeing
Avions commerciaux à Washington, DC. , en
entrevue téléphonique avec La Presse
Affaires. Notre but, c ’e s t de vous
assurer que tous les concurrents soient sur
le même pied d’égalité. »
M. Neale a rappelé qu’il appartenait à
Washington de vérifier si les autres
gouvernements suivaient les règles
internationales.
« C’est pour cela que nous avons parlé à
notre propre gouvernement, a f i n de le
sensibiliser et de l’amener à poser les
bonnes questions. »
Avant de déposer u ne plainte auprès de l ’
OMC, un gouvernement cherche d ’ a bord à d
i s c uter avec le gouvernement apparemment
fautif.
Un petit pas sur un long chemin -
Hélène Baril
cord qui vient d’être conclu est important,
estime David Descôteaux, surtout pour les
entreprises qui font des affaires dans les deux
provinces.
La mobilité de la maind’oeuvre sera facilitée
pour un plus grand nombre de métiers, une
centaine en tout, parce que le permis de
travailler dans une province sera reconnue
automatiquement dans l’autre, illustre-t-il.
Ce sera le cas dans le secteur financier,
confirme le Mouvement Desjardins, qui s’attend à
ce que l’accord lui facilite la vie. Les permis
nécessaires au Québec seront acceptés en Ontario
et viceversa. « On accueille favorablement cette
entente parce qu’elle va favoriser la mobilité
de notre main-d’oeuvre », estime Hélène Lavoie,
porte-parole du mouvement coopératif.
L’accord négocié par l’ancien ministre des
Finances Michel Audet et par Jim Peterson, le
frère de l’ancien premier ministre de l’Ontario
David Peterson, va aussi plus loin que l’Accord
sur le commerce intérieur qui lie les provinces
depuis 1995, souligne David Descôteaux.
« Il empêchera de nouvelles barrières
commerciales d’apparaître entre les deux
provinces, parce qu’une entreprise pourra se
plaindre à son gouvernement si ça arrive. Le
mécanisme de règlement des différends est aussi
plus contraignant et les sanctions financières
plus lourdes que dans l’accord pancanadien (10
millions plutôt que 5 millions), précise-t-il.
Le président de l’ Institut économique de
Montréal , Michel Kelly-Gagnon, se réjouit lui
aussi du progrès que représente l’accord conclu
entre le Québec et l’Ontario. « Il n’y a rien
qui va changer la face de l’humanité, mais il
faut réaliser qu’on ne partait pas de zéro »,
a-t-il commenté. L’Accord sur le commerce
intérieur de 1995 avait préparé le terrain, et
le Québec et l’Ontario sont allés plus loin.
Selon lui, ce genre d’accord commercial est à la
fois un exercice économique, à 55 %
précise-t-il, et politique, à 45%.
« Ça crée une dynamique sur le plan politique,
poursuit-il. Pour ceux qui pensent en termes
d’unité canadienne, ça envoie le message que le
Canada est un pays qui cherche à avoir une
cohésion sur le plan économique. »
Un message est important, estime Michel
Kelly-Gagnon parce que « plus c’est tissé serré,
plus ceux qui veulent le défaire vont avoir à
travailler fort ».
Buy
American Ottawa
et Washington proches d’une entente Une entente qui
exclurait le Canada de la clause Buy American
figurant dans le plan de relance économique du
gouvernement des États-Unis pourrait bientôt être
conclue, a rapporté hier la Société Radio-Canada.
Selon la SRC, les provinces auraient accepté de
supprimer les barrières commerciales et d’ouvrir
leur marché aux ÉtatsUnis afin d’avoir accès au
marché américain.
Selon le réseau CBC, citant des sources au sein du
gouvernement canadien, Ottawa s’attend à ce que la
MaisonBlanche se serve très bientôt de son pouvoir
discrétionnaire pour faire exempter le Canada de
la clause Buy American. En retour, le Canada
annoncerait que les marchés provinciaux et
municipaux au pays sont désormais ouverts aux
sociétés américaines.
Des sources affirment que l’annonce pourrait avoir
lieu lors de la première rencontre officielle des
négociateurs canadien et américain, respectivement
Don Stephenson et Everett Eissenstat.
Selon la SRC, le gouvernement de Stephen Harper
souhaite une déclaration de l’administration de
Barack Obama au cours des prochaines semaines
exemptant le Canada de la clause. Des négociations
seraient ensuite tenues, mais les entreprises
canadiennes pourraient bénéficier du plan de
relance américain entre-temps.
Près de 100 milliards du plan de relance du
gouvernement américain ont déjà été alloués aux
villes et États pour des projets d’infrastructures
avec, pour condition, que l’acier et le fer
utilisés proviennent de firmes américaines.
Le G20 doit d’urgence coordonner
une sortie de crise, selon l’OMC
GENÈVE — Les pays du G20, qui se réunissent les
24 et 25 septembre à Pittsburgh, doivent «
d’urgence » se coordonner sur une sortie de
crise permettant de mettre fin aux mesures
protectionnistes prises ces derniers mois,
estime l’Organisation mondiale du commerce (OMC)
dans un rapport publié hier.
Face au x « dérapages » protectionnistes
constatés depuis le début de l’année, « il est
urgent que les gouvernements commencent à plani
f ier une stratégie de s or t i e de c r i s e c
oordonnée », explique le rapport de l ’ OMC
conduit conjointement avec l’Organisation de
coopération et de développement économique
(OCDE) et la Conférence des Nations Unies pour
le commerce et le développement (CNUCED).
L’objectif est d’« éliminer ces éléments
(protectionnistes) aussi rapidement que possible
», ajoute-t-il.
Certaines mesures créatrices de distorsions dans
les échanges commerciaux telles que les
subventions ont un effet long terme d’autant
plus difficile à corriger que leur durée est
prolongée, fait-il valoir.
Attention au chômage
L’urgence est d’autant plus forte, préviennent
encore les trois organisations, que le chômage
en pleine croissa nce dans de nombreux pays du
monde risque d’augmenter la tentation pour les
gouvernements de protéger leurs industries
nationales face aux exportations et de ralentir
en conséquence une reprise encore très fragile.
« L’augmentation du chômage en raison de la
crise va continuer à alimenter les pressions
protectionnistes pour les années à venir »,
expliquent-el les appelant « les dirigeants du
G20 à rester vigilants ».
Le quatrième rapport de l ’a nnée de l’ OMC sur
le protectionnisme, le premier établ i avec l’
OCDE et la CNUCED qui s’est concentrée sur les
politiques commerciales des 20 économies les
plus riches de la planète, a constaté une «
poursuite de dérapages ( protectionnistes) par
de nombreux pays du G20 » entre avril et août.
P a r mi e u x , des « augmentations de d r oit
s de douane » , « de nouvel l e s mesures non ta
ri fa i res » ayant altéré certains f lux
d’importation ainsi que la réintroduction par
les ÉtatsUnis et l’ Union européenne de
subventions aux exportations agricoles ( pour
les produits laitiers) ou encore certains
paquets de relance qui favorisent les biens et
services nationaux.
La guerre des pneus - CLAUDE PICHER
Celle-là, on s’en serait bien passé. Voici que
les deux grandes puissances économiques de la
planète, la Chine et les États-Unis, viennent de
déclencher une nouvelle guerre commerciale de
première amplitude. Ce conflit, qui risque
d’avoir des répercussions sur l’ensemble du
commerce international, arrive au moment où la
plupart des économies nationales, assommées par
la récession que l’on sait, commencent de peine
et de misère à reprendre fragilement leur
souffle.
À l’origine de la crise : les pneus chinois
exportés aux États-Unis. Il y en a pour 1,8
milliard de dollars par année. Le montant peut
sembler énorme, même s’il ne représente à peine
un demi de un pour cent de l’ensemble des
exportations chinoises aux États-Unis.
N’empêche : les enjeux sont i mportants. Selon
le syndicat des métallos ( United Steel Workers
of America), les i mportations de pneus chinois
ont déjà détruit 5000 emplois aux États-Unis. À
la demande du syndicat, le président Barack
Obama a annoncé l’imposition, pendant les trois
prochaines années, d’un tarif sur les
importations de pneus chinois, et il n’y est pas
allé avec le dos de la cuiller : 35% la première
année, 30 % la deuxième et 25% la troisième.
Certes, c’est moins que les 55% réclamés par le
syndicat, mais c’est suffisant pour saboter
l’avantage concurrentiel des Chinois.
Ce n’est pas la première fois que les Américains
font preuve de protectionnisme à l’égard de la
Chine, et on peut comprendre pourquoi.
D’une part, le déficit commercial américain avec
son partenaire chinois s’est gonf lé de façon
prodigieuse en un temps relativement court.
Jusqu’au milieu des années 80, les échanges
entre les deux pays étaient pratiquement
équilibrés (insignifiant déficit américain de 6
millions en 1985).
En 1986, pour la première fois, la compétitivité
des produits chinois bon marché fait sentir ses
effets sur le marché américain. Cette année-là,
la Chine vend pour 4,8 milliards de biens aux
États-Unis, alors que les Américains n’en
écoulent que pour 3,1 milliards en Chine, pour
un déficit de 1,7 milliard. À partir de là, le
déficit américain s’est détérioré à la vitesse
de l’éclair.
Entre 1985 et aujourd’hui, les exportations
chinoises aux États-Unis ont littéralement
explosé de 8646% (oui, oui, huit mille six cent
pour cent), alors que les exportations
américaines en Chine se contentaient d’une
poussée plus modeste de 1708%. Autrement dit, le
commerce entre les deux pays s’est développé de
façon fulgurante, mais les exportateurs
américains n’ont jamais été capables de suivre
le rythme de leurs concurrents chinois. Résultat
: l’an dernier, les ventes américaines en Chine
ont atteint 70 milliards, alors que les ventes
chinoises aux États-Unis se situaient à 338
milliards, pour un déficit américain de 268
milliards. Les chiffres des six premiers mois de
2009 indiquent que les États-Unis se dirigent
vers un autre déficit monstrueux cette année.
Un déficit commercial de 268 milliards, cela
équivaut, pour les Américains, à dépenser 31
millions de l’heure, 24 heures par jour et 365
jours par année, pour créer de l’emploi et de la
prospérité en Chine.
Dans ces conditions, on peut comprendre les
Américains d’avoir le mauvais oeil sur les
importations chinoises.
Il y a autre chose. La Chine n’est pas un
partenaire de tout repos. L’explosion des
exportations chinoises est due en bonne partie
au fait que Pékin, pendant toutes ces années, a
maintenu la valeur officielle de sa monnaie à un
niveau plus bas que la réalité (le Japon a
utilisé le même truc dans les années 50 et 60).
L’artifice permet d’écouler les marchandises à
l’étranger à des prix avantageux, qui ont peu de
rapport avec la valeur réelle de la monnaie
chinoise. L’irritation de Washington dans ce
dossier est tout à fait légitime. Les États-Unis
ont aussi déposé de nombreux griefs à l’endroit
de la Chine, dans des secteurs aussi variés que
le respect des normes environnementales ou la
propriété intellectuelle.
Ce n’est pas pour rien que, dans la plupart des
dossiers de concurrence déloyale soumis à
l’arbitrage des instances internationales, les
États-Unis l’emportent sur la Chine.
Jusqu’à présent, la Chine a toujours essayé
d’éviter de jeter de l’huile sur le feu dans ces
différends commerciaux avec les États-Unis.
C’est facilement explicable : dans une guerre
commerciale, c’est toujours le pays déficitaire
qui a le gros bout du bâton ; autrement dit, les
Chinois ont beaucoup plus à perdre sur le marché
américain que les Américains sur le marché
chinois. Or, on a vu à quel point le
déséquilibre est important entre les deux pays.
Cette fois-ci, c’est différent. La Chine a réagi
avec rapidité et brutalité : hauts cris de
protestation, représailles immédiates sur les
pièces d’auto et sur le poulet importés des
États-Unis, plainte officielle à l’Organisation
mondiale du commerce pour « violation des règles
du commerce international ».
La crise est sans aucun doute une des plus
sérieuses des dernières années à survenir entre
les deux partenaires.
Tous les experts s’entendent : la timide reprise
qui s’amorce dans le monde est largement
tributaire du commerce international. Dans ces
conditions, la guerre des pneus, et toutes les
conséquences nuisibles qu’elle risque
d’entraîner, ne pouvait pas tomber à un pire
moment.
La restructuration d’Opel suscite
des tensions en Europe
BRUXELLES — Faisant fi de leurs promesses de
solidarité européenne, les pays de l’UE se
déchirent à propos du sévère plan de
restructuration programmé chez le constructeur
automobile Opel, l’Allemagne étant accusée de
privilégier ses intérêts nationaux.
« En termes de politique européenne coordonnée
et de solidarité entre pays européens, j’ai déjà
vu beaucoup mieux », a dénoncé hier la ministre
belge de l’ Emploi, Joëlle Milquet. « Il faut
éviter que des mesures protectionnistes viennent
sauvegarder l’activité dans un pays et la
détruire dans l’autre », lui a fait écho son
collègue responsable des Finances, Didier
Reynders.
La Belgique risque d’être la principale victime
de la cure d’amaigrissement prévue par le
repreneur choisi jeudi pour Opel,
l’équipementier canadien Magna, qui semble
vouloir supprimer 10 000 emplois en Europe.
L’Allemagne, qui pilotait les négociations sur
la reprise d’Opel, est apparemment le seul pays
à avoir obtenu la garantie que ses quatre usines
Opel seraient conservées.
En
revanche, la fermeture progressive de l’usine
belge d’Anvers, qui emploie 2600 personnes dans
la région néerlandophone de Flandre, a été
annoncée jeudi. Même si une source proche du
dossier assurait hier que Magna essaie toujours
de trouver une solution pour le site.
En Espagne, on parle de 170 0 s uppressions
d’emplois sur 7000 dans l’usine de F i g uer
uela s , près de Saragosse. Et la Pologne, qui
semble pour l’instant épargnée, reste méfiante :
son ministère de l’Économie a dit espérer hier «
que les démarches ultérieures à l’égard des
entreprises du groupe Opel en Europe reposeront
sur des critères économiques ».
En Belgique, la presse voit dans la sauvegarde
des sites allemands l’effet direct des 4,5
milliards d’euros d’aides publiques promis par
Berlin, contre lesquels les 500 millions offerts
par la région de Flandre ne pèsent pas lourd.
« Ce qui risque de se passer constitue la preuve
qu’en l’absence d’approche européenne, les
petits pays payent les pots cassés », a déploré
l’ancien premier ministre belge et président du
groupe libéral au Parlement européen, Guy
Verhofstadt. Il veut en débattre au Parlement
européen et « exiger de la Commis s i on eu r
opéenne qu’elle lance une enquête pour vérifier
que toutes les règles ont bien été suivies ».
Air Canada poursuit Washington
Air Canada a i ntenté une poursuite contre
l’administ ration Obama concernant une directive
qui interdit à la société aérienne canadienne de
fournir des vols nolisés à des équipes
professionnelles de hockey et de basketball. Air Canada croit que
Washington s’en prend à son service de
transport destiné aux équipes professionnelles
depuis que sa filiale Jetz a gagné de nombreux
contrats auprès d’équipes américaines.
Dans une lettre datée du 11 août dernier, le
département américain du Transport a ordonné à
Air Canada d’annuler tous ses vols nolisés de la
saison des équipes sportives, citant ses
craintes quant au trafic de cabotage, une
disposition qui i nterdit le transport de
passagers ou de fret par une société aérienne
étrangère uniquement entre deux destinations aux
ÉtatsUnis , a précisé le t r a nsporteur
canadien dans une plainte adressée à une cour
fédérale à Washington.
Étant donné que la saison de la Ligue nationale
de hockey est sur le point de commencer, a dit
Air Canada, la directive américaine a engendré «
une énorme confusion et des inquiétudes » parmi
les équipes de hockey. Ainsi, les Ducks
d’Anaheim viennent de terminer la première année
d’un contrat de trois ans tandis que les Blues
de St. Louis et les Bruins de Boston pourraient
chercher à obtenir les services d’un autre
transporteur, a indiqué Air Canada.
« Cela perturbe la saison de hockey et pourrait
affecter la saison de la NBA, tout en exposant
Air Canada à des plaintes de la part de ses
clients », a précisé le transporteur dans des
documents soumis au tribunal mercredi. Air
Canada cherche à obtenir un jugement pour
annuler cette directive et il réclame une mesure
réparatoire à temps pour sauver au moins une
partie de la prochaine saison sportive.
L’i
nterdic t i on t ouchant l e c abotage « ne s ’
appl i - que pas au trafic avec arrêt
intermédiaire puisque, par définition, les
arrêts intermédiaires comprennent un segment
international », a fait valoir Air Canada. La
directive américaine viole l’accord dit de «
ciel ouvert » qui fait partie intégrante d’un
traité entre les deux pays, a ajouté le
transporteur.
Air Canada, le principal t ransporteur de toutes
les six équipes canadiennes de la LNH, soutient
qu’il a été choisi pour subir des sanctions
après que sa division de vols nolisés, Jetz, a
commencé à obtenir des contrats d’équipes
américaines.
« Quand Jetz a commencé à compter parmi ses
clients des équipes de hockey et de basketball
établies aux États-Unis, la compagnie s’est mise
à subir des pressions, soutient Air Canada dans
sa plainte. Ces pressions ont été manifestement
inspirées par les concurrents américains qui ne
souhaitaient pas voir leurs activités écoper à
cause de Jetz. »
Les responsables du transport des deux pays ont
interdit à des sociétés aériennes de vols
nolisés transportant des équipes sportives de
faire de nombreux arrêts, alors que c’est une
pratique qui avait été permise pendant des
années, soulignait mercredi le quotidien
torontois Globe and Mail.
Si les interdictions demeurent en vigueur, les
équipes de la LNH et de la NBA auront des
difficultés à jouer deux parties de suite aux
États-Unis ou au Canada et elles pourraient être
contraintes de revenir à la maison entre les
parties.
Le Canada continuera à aider
l’industrie aéronautique
Le gouvernement canadien étudie minutieusement
la décision de l’Organisation mondiale du
commerce (OMC) sur l’aide gouvernementale versée
à Airbus, mais il entend continuer à aider
financièrement l’industrie aéronautique
canadienne.
« Nous continuons à croire que nous respectons
les règles et les traités internationaux, a
déclaré le ministre fédéral de l’Industrie, Tony
Clement, hier. Nous avons une relation très
positive avec l’industrie aérospatiale et cela
va continuer. »
M. Clement était justement à Montréal pour
confirmer le financement du programme Initiative
stratégique pour l’aérospatiale et la défense
au-delà de 2009. Ce programme, qui investit dans
des projets de recherche et développement,
pourra compter sur un financement de 200
millions de dollars entre 2010 et 2014.
Le ministre a également annoncé l’attribution
d’une somme de 7,6 millions pour appuyer un
projet présenté par la société ontarienne PCI
Geomatics. La petite entreprise, qui a également
un bureau à Gatineau, veut développer un cadre
de calculs et des logiciels qui permettront de
traiter et d’analyser de grandes quantités de
données fournies par des satellites.
Une petite entreprise de Colombie-Britannique,
Axys Technologies, bénéficiera pour sa part d’un
financement de 1,8 million pour créer une
interface entre des sources de données
différentes dans le domaine de la surveillance
maritime.
Vendredi dernier, l’OMC a remis une décision de
1000 pages dans le cadre du conflit qui oppose
Boeing et Airbus. Ce document est confidentiel,
mais selon des sources citées par Reuters,
l’organisation critiquerait l’aide
gouvernementale versée à Airbus pour développer
l’A380.
Cette
décision
pourrait avoir des conséquences pour le Canada
et la Grande-Bretagne, qui fournissent une aide
financière à Bombardier pour le développement de
la CSeries. Le gouvernement canadien a obtenu l
e volu mineux document.
Un journal brésilien, le Valor Economico, a
d’ailleurs rapporté plus tôt cette semaine
qu’Embraer pourrait porter plainte contre
Bombardier auprès de la Cour européenne de
justice au sujet de l’aide financière
britannique.
Une porte-parole d’Embraer n’a pas voulu
commenter cette possibilité hier.
À la fin des années 90, le Canada et le Brésil
se sont affrontés devant l’OMC au sujet de
l’aide gouvernementale reçue de part et d’autre.
L’organisation a jugé dans des décisions
différentes qu’Embraer et Bombardier avaient
toutes deux bénéficié d’une aide illégale. Le
Brésil et le Canada avaient alors décidé
d’enterrer la hache de guerre.
La menace d’une plainte d’Embraer n’a pas ému M.
Clement outre mesure.
« Ce n’est rien de nouveau, mais nous prenons la
situation au sérieux, a-t-il déclaré aux
journalistes. Nous croyons que nous nous
conformons aux règles internationales. S’ils
déposent une plainte, nous répondrons. »
ENGAGEMENT CONTRE LE PROTECTIONNISME Ottawa et les
provinces proches d’un accord
OTTAWA—
La plupart des provinces seraient proches d’un
accord dans lequel elles s’engageraient à ne pas
faire de discrimination envers les entreprises
américaines dans des projets financés par le
gouvernement fédéral, a indiqué hier le ministre
du Commerce international, Stockwell Day.
Le ministre a précisé qu’il espérait encore
parvenir à une entente unanime en obtenant
l’accord de toutes les provinces, mais qu’il
irait de l’avant même s’il ne recevait l’aval
que d’une majorité d’entre elles.
M. Day estime que la signature d’une telle
entente pourrait servir de moyen de négociations
avec les Américains.
Il espère ainsi encourager les États-Unis à
renoncer à leurs clauses Buy American, qui
privent les entreprises canadiennes de
participer aux appels d’offres de projets
d’infrastructure financés par le plan de relance
de Washington, dont la valeur totalise environ
290 milliards US.
R i e n ne ga r a nt i t que le Congrès et les
États américains suivront l’initiative du
Canada, mais le ministre Day a expliqué qu’une
guerre du commerce pourrait survenir si les
provinces n’essayaient pas de remédier à la
situation.
Le ministre a noté qu’il comprenait la réticence
des premiers ministres provinciaux à s’engager
dans ce dossier, mais il a également averti
qu’il n’y avait pas de temps à perdre puisque
les procédures de contrats ont été lancées, aux
États-Unis, sans que les entreprises canadiennes
n’aient eu l’occasion de soumissionner.
Environ 200 entreprises canadiennes auraient été
touchées par les clauses Buy American, selon
l’Alliance des manufacturiers et des
exportateurs du Canada.
À vendre : grande entreprise
canadienne - Sophie Cousineau
Toutes proportions gardées, aucun autre pays
que le Canada n’a vendu autant de ses grandes
entreprises à des intérêts étrangers, depuis
le début des années 2000.
C’est la conclusion à laquelle en vient la
firme de consultation montréalaise Secor,
après analyse des transactions d’achat et de
vente d’entreprises d’une valeur de plus de 1
milliard de dollars rapportées par l’agence
Bloomberg.
Ent r e 20 0 0 et 20 0 8 , le Ca nada a f f
iche un dé f ic i t de 158 milliards de
dollars amér icains ( acquisit ions à
l’étranger moins acquisitions d’entreprises
canadiennes par des intérêts étrangers). Il se
situe ainsi au troisième rang des pays
vendeurs, derrière les États-Unis (-220
milliards US) et l e Royaume - Uni ( - 15 8
milliards US).
« Si certaines transactions peuvent profiter
au pays vendeur, la perte de contrôle sur la
propriété de ses entreprises est préoccupante
», note Ken Smith, associé directeur du bureau
new-yorkais de Secor, dans un article publié
dans le numéro de juin du Harvard Business
Review. Ken Smith évoque en exemple la
migration de toute l’industrie des services
professionnels qui se colle aux sièges
sociaux.
En
contrepartie, la France se démarque net tement
comme étant l’acheteuse la plus enthousiaste
de grandes entreprises à l’étranger. Son
surplus de 234 milliards de dollars s’explique
par « une politique industrielle mondiale
agressive ». Suivent plus loin der r iè re l ’
Espagne (+101 milliards US) et la Belgique
(+79 milliards US).
Bref, contrairement à ce qu’on pourrait penser
à lire certaines manchettes alarmistes, les
Européens sont beaucoup plus gourmands en
grandes entreprises étrangères que les
Chinois, qui se classent seulement au 10e rang
des pays acheteurs pour cette période.
La propriété de grandes multinationales
rehausse l’influence des pays, aux yeux de Ken
Smith. « Les États-Unis, le Royaume-Uni et le
Canada vont prendre du retard s’ils ne se
préoccupent pas de leurs déséquilibres dans la
restructuration industrielle globale »,
prévient-il.
Le protect ionnisme n’est pas la solution,
fait toutefois valoir Ken Smith. Mais, les
pays doivent prendre de grands moyens pour
favoriser leurs multinationales.
Les pays doivent faire pression pour que leurs
entreprises puissent acquérir des entreprises
à l’étranger avec autant de facilité que s’ils
étaient une entreprise locale. Les
administrateurs ne doivent pas toujours céder
à la pression des fonds de couverture et des
fonds d’investissements privés, qui n’ont que
l’intérêt à court terme de l’entreprise à
coeur. Et les dirigeants doivent se soucier de
la taille de leur entreprise, pour ne pas se
laisser distancer par leurs concurrents
internationaux en mode acquisition.
Clause Buy American : Trop tard - Yvan
Loubier
La menace de représailles par les municipalités
canadiennes ne fera que braquer les Américains
Il
vaudrait mieux se tourner vers l’avenir et
entreprendre au plus vite des négociations formelles
sur l’élargissement des dispositions de l’ALENA.
L’auteur est économiste et conseiller principal au
cabinet de relations publiques National. La
Fédération c a nad i en ne des municipalités ( FCM)
a adopté, il y a quelques jours, une résolution qui
dénonce la clause Buy American du plan de relance
économique du président Obama. Elle vise à empêcher
les entreprises américaines d’obtenir des contrats
des municipalités canadiennes en guise de
représailles. Une tablette d’acier en
fusion sur un convoyeur. Les mesures imposées dans
le Buy American Act du président Barack Obama ne
représentent qu’un défi aux entreprises
canadiennes et non un frein.
Cette résolution est suspensive et ne prendra effet
que dans 120 jours, le temps, dit-on, que le
gouvernement canadien négocie de nouveaux
arrangements avec les autorités américaines.
On peut comprendre que les esprits s’échauffent,
compte tenu des 200 entreprises canadiennes déjà
victimes de cette clause. Mais cela ne nous autorise
pas à faire un geste comme celui-là.
Comme nous le précisions dans cette chronique en
mars dernier, cette situation douloureuse vécue par
les entreprises canadiennes était prévisible et nous
ne devons l’huile sur le feu. Il faut connaître
l’histoire de nos relations politiques et
commerciales et surtout la gâchette protectionniste
facile et « payante pol itiquement » du côté
américain, pour savoir nous en prendre qu’à
nousmêmes si des arrangements particuliers
concernant les marchés publics des États américains,
des provinces et municipalités canadiennes
n’existent pas, pas même dans l’ALENA.
Pour différentes raisons, dont notamment les
sensibilités politiques intérieures, le gouvernement
fédéral n’a pas négocié de tels arrangements avec
nos voisins du Sud. En ce sens, le Buy American,
même s’il nous frappe de façon brutale et va à
l’encontre de l’esprit du libre-échange
nord-américain, respecte les obligations légales des
États-Unis envers le Canada.
Deuxièmement, loin de contribuer à la résolution du
problème, la résolution de la FCM jette de qu’une
telle résolution, suspensive (faisant figure de
chantage de surcroît), ne fera que braquer davantage
les États-Unis.
Enfin, donner 120 jours au gouvernement, le temps
qu’il négocie un nouvel accord avec les Américains,
est irréaliste. On peut toujours rêver et ce serait
une formidable victoire si nous parvenions à
réaliser ce tour de force avant la fin de la
récession. Mais ce genre de négociations, qui
doivent absolument mettre le Québec et les provinces
à contribution, peut prendre plusieurs mois, voire
plusieurs années avant d’aboutir.
Au surplus, les États-Unis savent pertinemment que
s’ils font une except ion pour le Canada, sans ar
rangements préexistants et définis avant l’adoption
du Buy American, ils créeront un précédent et
subiront les pressions des pays tiers dans la même
situation que le Canada (notamment, la Chine et son
acier bon marché…).
Par ailleurs, croyons-nous vraiment pouvoir
mobiliser le Congrès, à majorité démocrate,
traditionnellement plus protectionniste, afin qu’il
adopte en pleine crise économique une disposition
faisant une exception pour le Canada? Permettez-moi
d’en douter.
La voie à suivre est plutôt de se tourner résolument
vers l’avenir et de le protéger en entreprenant, au
plus vite, des négociations formelles avec les
Américains sur l’élargissement des dispositions de
l’ALENA sur les marchés publics. Car il y aura
d’autres récessions ou des situations où les
Américains reviendront à leurs traditionnels
réflexes protectionnistes. Il faut s’en prémunir.
Agir rapidement ne signifie toutefois pas qu’il
faille agir tête baissée, avec précipitation. Il
faut prendre le temps de bien faire les choses et
avoir à l’esprit qu’une fois conclu, un tel accord
nous régira pour l’éternité, ou presque. La panique
et la colère sont de bien mauvaises conseillères.
La
clôture
de l’Oncle Sam - JEAN-PASCAL BEAUPRÉ
Déjà
aux prises avec une récession qui mine leurs
exportations, les entreprises québécoises sont
frappées de plein fouet par la clause Buy American.
Lors de sa visite éclair à Ottawa en février, le
président Barack Obama avait pourtant donné
l’assurance que son gouvernement ne mettrait pas de
l’avant de mesures protectionnistes dans son plan de
relance. Mais les États et les villes américaines,
qui ne sont pas assujetties à l’ALENA, ont exclu
l’achat de produits canadiens dans leurs projets
d’infrastructures.
C’est une tuile supplémentaire qui tombe sur la tête
des entreprises d’ici.
La chute de la consommation à l’étranger a provoqué
une chute de nos exportations de 10,3% au premier
trimestre. Et la décroissance pourrait s’accentuer.
Le pire de la débâcle économique est peut-être chose
du passé, mais les États-Unis ne sont pas sortis du
bois pour autant. Le retour à la croissance n’est
pas attendu avant la fin de 2009. Rien pour donner
un coup de pouce au marché québécois de
l’exportation, qui dépend à 75% des Américains.
Autre facteur aggravant: le huard, qui s’est envolé
de 12 cents depuis le début avril, rend nos
exportateurs moins concurrentiels. Sans compter le
prix du baril de pétrole qui a doublé depuis son
creux de 32$ il y a trois mois, ce qui a
sensiblement fait grimper les dépenses en transport
des marchandises.
La
politique protectionniste des États-Unis ne peut
donc qu’accabler davantage les entreprises
québécoises. Une application rigoureuse de la clause
Buy American entraînerait en toute logique une
cascade de mises à pied dans la province. Depuis
l’automne, la crise économique a déjà poussé le taux
de chômage de 7,1% à 8,7% au Québec (10,5% à
Montréal).
Le premier ministre Stephen Harper a déclaré jeudi
que l’Accord de libre-échange nord-américain devrait
être rouvert afin d’empêcher les gouvernements
locaux de bloquer l’achat de matériaux étrangers.
Son homologue québécois Jean Charest est d’accord.
Mais une telle entente ne sera pas conclue demain
matin.
En attendant, le président Obama doit joindre le
geste à la parole donnée: forcer États et
municipalités à accepter les soumissions étrangères
sous peine d’être exclus du programme de relance.
Car il existe un danger réel d’escalade. Déjà une
douzaine de villes canadiennes ont décidé de
riposter en cessant toute commande de fournitures
américaines.
Le ministre québécois des Finances et du
Développement économique, Raymond Bachand, soulève
avec raison le danger de « spirale négative ». Il
affirme d’ailleurs que les municipalités québécoises
n’ont pas développé ce réflexe protectionniste
depuis le début de la récession. Au contraire. Des
industriels québécois se plaignent parfois qu’on
favorise les produits américains au détriment des
leurs.
M. Bachand privilégie une voie plus constructive:
une offensive diplomatique auprès des autorités
américaines pour leur rappeler que sept millions
d’emplois aux ÉtatsUnis dépendent directement des
exportations au Canada.
Espérons que M. Harper mettra, comme il y songe, de
la pression sur le président Obama, alors que se
profile une guerre commerciale stérile qui ne
contribuera qu’à saboter la reprise économique des
deux côtés de la frontière.
CLAUSE « BUY AMERICAN » Les É.-U.
tenteront de calmer les inquiétudes
—
Les ÉtatsUnis travailleront de pair avec le Canada
pour tenter d’apaiser les inquiétudes suscitées
par la clause « Buy American » du plan de relance
américain, a assuré hier la secrétaire d’État,
Hillary Clinton. Aux côtés du ministre
canadien des Affaires étrangères, Lawrence
Cannon, la secrétaire d’État des États-Unis,
Hillary Clinton, a tenté hier d’apaiser les
inquiétudes suscitées par la clause «Buy
American» du plan de relance américain.
Certains craignent que la clause n’empêche des
compagnies canadiennes d’obtenir des contrats.
En point de presse aux côtés du mini st re
canadien des Affaires étrangères, Lawrence Cannon,
Mme Clinton a reconnu qu’il faudra peut-être
revoir certaines obligations en matière de
commerce international afin de faciliter les
échanges commerciaux entre les deux pays.
La clause « Buy American » n’est toutefois « appl
iquée d’aucune façon qui soit incompatible » avec
les obligations des États-Unis en matière de
commerce i nternat ional , a insisté la secrétaire
d’État.
« Le Canada est notre premier partenaire
commercial. C’est une relation qui nous est
mutuellement avantageuse et que nous avons
l’intention non seulement de nourrir, mais de voir
grandir » , a dit Mme Clinton, en visite
officielle au Canada pour la première fois à titre
de secrétaire d’État.
Elle a discuté de la question pendant une heure
avec le ministre Cannon, lequel a déclaré, dans
la conférence de presse qui a suivi la rencontre
à Niagara Falls: « Il y a déjà une bonne base
sur laquelle nous pouvons travailler, et il y
aura effectivement encore du travail à faire.
Mais comme nous avons toujours pu nous entendre
avec les Américains sur un grand nombre de
sujets, je ne pense pas que cet obstacle soit
majeur. Nous allons poursuivre notre dialogue. »
Mme Clinton et M. Cannon se trouvaient en
Ontario pour annoncer qu’ils s’engageaient à
modifier l’accord relatif à la qualité de l’eau
dans les Grands Lacs, lequel n’avait pas été
revu depuis 1987.
« Nous moderniserons l’accord afin de relever de
nouveaux défis et de réduire la pollution », a
signalé le ministre Cannon.
Les militants écologistes avaient réclamé que
les deux pays mettent à jour l’accord des Grands
Lacs afin qu’il réponde dava nt age au x
problèmes contemporains, comme la présence
d’espèces envahissantes ou les répercussions des
changements climatiques.
L’accord, qui a été ratifié en 1972 sous le
gouvernement de Pierre Trudeau, établit les
droits et les obligations du Canada et des
États-Unis visà-vis des Grands Lacs et d’une
partie du fleuve Saint-Laurent. I l scel le en
particul ier leur obligation de ne pas polluer
les eaux frontalières et celle de s’entendre sur
tout projet qui puisse en changer le niveau ou
le débit naturel.
BUY AMERICAN ACT Ottawa et les provinces
montent au créneau
Le
protectionnisme, « nous condamne à la médiocrité,
à la décroissance de notre économie »,a déclaré
hier Jean Charest.
— D’une seule voix, les provinces ont appuyé hier
la guerre qu’entend livrer Ottawa à la montée du
protectionnisme aux États-Unis. Dans une
déclaration unanime, publiée hier, le Conseil de
la fédération sedit « grandement préoccupé des
effets néfastes » du Buy American Act de
l’administration Obama.
Selon Jean Charest, les entreprises québécoises
n’ont pas à craindre la réciprocité d’accès aux
marchés publics, de part et d’autre de la
frontière. « On connaît nos travailleurs, nos
entreprises, on sait que chaque fois qu’on a
ouvert nos marchés, on a été gagnants. » Le
protectionnisme, a-t-il ajouté, en point de presse
hier, « nous condamne à la médiocrité, à la
décroissance de notre économie. Il faut absolument
s’ouvrir à l’extérieur, notre croissance
économique en dépend », a lancé M. Charest.
Plus tôt cette semaine, le premier ministre
Harper et les leaders provinciaux avaient tenu
une téléconférence d’une trentaine de minutes
pour arrêter une position commune. Dans sa
déclaration hier, le Conseil de la fédération
insiste : les dispositions protectionnistes
contenues dans le plan de relance de Barack
Obama , American Recovery and Reinvestment Act
of 2009, « constituent l ’antithèse du stimulant
économique qu’elles devaient être à l’origine ».
Des dispositions similaires se trouvent aussi
dans deux autres projets de loi actuellement
débattus au Congrès.
Ces dispositions, pour l’instant, précisent que
les municipalités et les États américains sont
tenus d’utiliser uniquement du fer, de l’acier
et des produits manufacturiers américains pour
leurs projets d’infrastructures financés par le
gouvernement fédéral.
Il
s’agit, soulignent les provinces, d’un «
obstacle à la bonne ma rche des chaînes
d’approvisionnement intégrées que les
entreprises américaines et canadiennes ont
développées ». Washington « nuira à la
prospérité et à la compétitivité des deux
économies », de l’avis des provinces.
Appui à Stephen Harper
Les provinces souscrivent aussi, et promettent
d’appuyer le projet de Stephen Harper qui
revendique que les ÉtatsUnis et le Canada
ajoutent à leur accord de libre-échange en
négociant « un accord de libéralisation des
marchés publics qui soit réciproque, de portée
large et englobant les mesures des gouvernements
fédéraux, provinciaux, territoriaux et des États
».
Il
s’agit de « garantir un accès mutuellement
bénéfique aux marchés » et d’af franchir le
Canada des effets négatifs du Buy American Act.
En coulisse à Québec, on indique qu’il n’est pas
question « d’ouvrir le traité de libreéchange ».
On veut « ajouter » à l’entente conclue il y a
près de 20 ans. Aussi, les provinces se sont
rapidement entendues sur le texte d’appui à
Ottawa dans ce dossier. « Personne n’a c hiqué
de guenille » , résume-t-on.
Dès lundi, M. Charest a profité de la Conférence
de Montréal pour aborder le sujet avec
l’ambassadeur canadien à Washington, Michael
Wilson, son ex-collègue du gouvernement
Mulroney.
Cette question sera aussi abordée lors de la
réunion annuelle du Conseil de la fédération,
qui se tiendra en Saskatchewan, en août, sous
les auspices du conservateur Bra d Wall.
Clause
Buy American : Le malheur des exportateurs canadiens
Industries Fournier a déjà cinq contrats potentiels
sur la glace, et le fabricant pourrait bientôt faire
une croix sur un sixième. Un des produits majeurs de
l’entreprise de Thetford Mines n’est plus dans les
bonnes grâces des Américains depuis l’adoption du
plan de relance économique et de la clause Buy
American, qui commence à frapper durement les
exportateurs canadiens.
Industries Fournier a mis au point une technologie
spécialisée de pressoir rotatif, qui permet de
séparer les solides des liquides dans les systèmes
de traitement des eaux usées. Environ 90% de la
clientèle pour ce produit appartient au monde
municipal américain.
Or, la clause Buy American impose aux municipalités
et aux États américains d’utiliser, pour les projets
financés par le plan de relance, de l’acier, du fer
et des produits manufacturés fabriqués aux
États-Unis.
Cette disposition protectionniste, qui frappe
notamment le secteur de l’acier, commence à se
répandre dans d’autres projets de loi américains,
comme le Water Quality Investment Act, qui
s’applique aux systèmes d’assainissement des eaux.
Pour
les contrats donnés au niveau municipal ou au niveau
des États, ni l’ALENA ( Accord de libre-échange
nord-américain) ni l’Organisation mondiale du
commerce n’offrent de protection pour les
entreprises canadiennes.
« Lorsqu’on reçoit une note comme quoi notre
technologie a été retenue, on nous demande si notre
produit sera conforme au Buy American », explique
Harold Roy, vice-président et directeur général
d’Industries Fournier.
L’entreprise, « qui a mis au point ce produit depuis
20 ans, qui s’est forgée une efficacité de
fabrication au Québec avec des équipements
spécialisés », est obligée de répondre par la
négative. Au grand dam de la cinquantaine d’employés
qui travaillent à ce produit.
Des centaines d’entreprises canadiennes sont ainsi f
rappées par le Buy American.
Le
fabricant d’équipement d’assainissement des eaux
Hayward Gordon, dans la banlieue ouest de Toronto,
est dans le même bateau. Environ les trois quarts
de sa production de pompes sont destinés au marché
américain.
« Nous avons une toute nouvelle usine ici,
explique le président John Hayward, en entrevue à
La Presse Affaires. On doit maintenant regarder
comment on pourrait construire aux États-Unis. »
De retour de Pennsylvanie, où il visitait des
installations qui pourraient accueillir
temporairement la production, M. Hayward précise
toutefois que s’installer aux ÉtatsUnis « serait
très difficile pour nous à long terme, très
coûteux ».
Représailles
À Halton Hills, la ville où est située l’usine
d’Hayward Gordon, le conseil municipal a répondu
aux appels des manufacturiers, qui tentent par
tous les moyens de pousser les Américains à faire
demi-tour.
La ville a adopté une résolution d’appui aux
manufacturiers. D’autres municipalités ont suivi.
Au congrès de la Fédération canadienne des
municipalités (FCM), cette fin de semaine, les
représentants discuteront d’une résolution
demandant aux municipalités du pays de revoir leur
politique d’achat et de se procurer seulement des
produits et matériaux produits par des pays qui
n’imposent pas de restrictions commerciales contre
les produits canadiens (ce qui exclurait les
États-Unis).
Ces représailles inquiètent certaines entreprises
américaines. Le Financial Times rapportait hier
matin le cas d’un exportateur du Texas qui
craignait l’escalade des représailles, ce qui
représenterait à terme des baisses d’emplois dans
son entreprise.
Dans une lettre au président Obama la
semaine dernière, le président de la Chambre de
commerce des États-Unis indiquait que dans le seul
secteur des infrastructures d’aqueducs et
d’égouts, les entreprises américaines pourraient
perdre 3 milliards de dollars des suites de
représailles canadiennes.
John Hayward, membre actif des Manufacturiers
canadiens contre le protectionnisme, espère que la
FCM adoptera la résolution, même s’il ne souhaite
pas de guerre commerciale. « On veut que le
problème soit réglé. On veut accélérer les
discussions. »
« C’est dommage qu’on en soit là, mais il faut se
servir de cela pour mettre de la pression sur le
gouvernementaméricain », dit Jean-Michel Laurin,
vice-président aux affaires mondiales des
Manufacturiers et exportateurs canadiens.
Un tsunami
Harold Roy, de son côté, souligne aux politiciens
l’urgence d’agir. Il leur demande de mettre toutes
les énergies pour régler ce problème. « Il faut
trouver une solution, sinon c’est un tsunami qui
s’en vient. »
Lu nd i , l e m i n i s t r e du Développement
économique et des Finances du Québec, Raymond
Bachand, a reconnu le problème. Il en a déjà
discuté avec le ministre fédéral du Commerce
international, Stockwell Day.
Ce dernier présentera d’ailleurs une allocution
devant la Chambre de c omme r c e du Ca nada
aujourd’hui à l’occasion de la Journée du commerce
international. Il devrait évoquer les priorités du
Canada en la matière.
Gageons que les manufacturiers exportateurs seront
tout ouïe.
POLITIQUE « BUY CANADA » Jim Flaherty
n’approuve pas la proposition des maires
Empêcher
les entreprises américaines d’obtenir des
contrats au Canada, comme l’ont décidé une
majorité de municipalités le week-end dernier,
risque d’entraîner l’économie « dans une spirale
de protectionnisme semblable à celle des années
30 », craint le ministre des Finances, Jim
Flaherty. Jim Flaherty craint
qu’une politique de type « Buy Canada »
n’entraîne l’économie dans une spirale de
protectionnisme.
« Ce n’est pas l’action qui va aider nos
industries, a déclaré le ministre hier matin
lors d’une conférence de presse à Montréal. Nous
devons discuter avec les Américains : les
économies du Canada et des États-Unis doivent
être en libre-échange. Nous ne voulons pas d’une
escalade de mesures protectionnistes, ce ne
serait pas dans notre intérêt. »
Pressé de questions sur cette proposition
adoptée par unemajorité de délégués lors de la
rencontre de la Fédération canadienne des
municipalités, à Whistler, en
Colombie-Britannique, le ministre Flaherty a
refusé de qualifier cette décision de «
dangereuse ». « C’est une inquiétude légitime
des maires, mais ce n’est pas bon pour nos
villes, nos provinces, pour le Canada. »
L’assemblée de la FCM a voté cette résolution en
réponse à la clause « Buy America », une des
propositions du plan de relance de Barack Obama
qui favorise l’achat de produits américains.
Le
ministre Flaherty a fait cette déclaration en
marge d’une annonce concernant le Plan
d’action économique mis en place par son
gouvernement en janvier dernier. En vertu
d’ententes avec des institutions prêteuses,
Ottawa a mis en place diverses mesures pour
favoriser l’accès au crédit pour les
particuliers et les entreprises. « Elles sont
maintenant toutes pleinement fonctionnelles »,
a annoncé le ministre, qui précise que quelque
115 milliards de dollars ont ainsi été versés
en prêts depuis le début de l’année.
Sans aller jusqu’à désapprouver les
municipalités, son collègue Christian Paradis,
ministre des Travaux publics, a renchéri un
peu plus tard en matinée, lors d’un point de
presse à Laval. « M. Harper a toujours été
clair: les mesures protectionnistes comme la
clause "Buy America", c’est néfaste, c’est
mauvais pour l’économie. Mais je comprends
que, dans la résolution de la Fédération
canadienne des municipalités, il y avait un
délai pour que les choses s’arrangent. Et je
peux vous dire qu’on travaille pour que les
choses s’arrangent. »
Interrogé à ce sujet, le premier ministre du
Québec, Jean Charest, a dit comprendre la
préoccupation des maires face à des
entreprises québécoises qui perdent des
contrats aux ÉtatsUnis. La résolution de la
FCM « aide dans le sens que les villes
envoient un message » aux Américains, a-t-il
dit lors d’un point de presse à Montréal.
Du même souffle, le premier ministre Charest a
dit désapprouver le principe même du
protectionnisme. « Il faut éviter de tomber
dans une spirale de protectionnisme, sinon on
sera les grands perdants ».
Accord
de libre-échange avec l'Europe : LE CANADA POURRAIT AVOIR
12 MILLIARDSDE RETOMBÉES
PRAGUE
L
Le Canada et l’UE affirment vouloir bâtir « une
économie mondiale à faible émission de carbone qui
soit sécuritaire et durable tout en renforçant la
capacité de s’adapter aux répercussions du changement
climatique ».
e pr e m i e r m i n i s t r e Stephen Harper estime
que les négociations entre le Canada et l’Union
européenne ( UE) visant à conclure un traité de
libre-échange constituent « un rayon de soleil dans la
tempête économique » qui secoue la planète. Le premier ministre Stephen
Harper et son homologue tchèque, Mirek Topolanek,
ont lancé hier des négociations qui devraient durer
au moins deux ans.
À l’issue du sommet CanadaUE, hier, M. Harper a
soutenu que ces négociations envoient un message on ne
peut plus clair aux pays, dont les États-Unis, qui
sont tentés par le protectionnisme pour relancer leur
économie.
Ces négociations sont le résultat de près de 30 ans
d’efforts de la part des autorités canadiennes pour
convaincre les pays membres de l’UE de conclure un
pacte commercial, a rappelé le premier ministre.
« Ce sommet aura été court, mais il aura aussi été
très productif. Il s’agit d’un événement très
historique. La relation entre le Canada et l’Union
européenne est très importante. L’Union européenne est
notre deuxième partenaire commercial en importance.
C’est aussi la première entente que l’Union européenne
tente de conclure avec un pays industrialisé », a
affirmé M. Harper.
M. Harper a donné le coup d’envoi à ces négociations
en compagnie de son homologue tchèque, Mirek
Topolanek, qui assume la présidence de l’UE, et le
président de la Commission européenne José Manuel
Barroso. Ces négociations devraient prendre au moins
deux ans.
Un traité de libre-échange aurait des retombées
économiques de 12 milliards pour le Canada et de près
de 18 milliards à l’UE sept ans après son entrée en
vigueur. En 2008, le Canada a exporté quelque 36,4
milliards de dollars en marchandises vers les pays
membres de l’UE. Le Canada a importé 54 milliards de
dollars de marchandises de ce bloc commercial.
Ambitieux accord
Les négociateurs des deux partis auront du pain sur la
planche pour mener à bien « cet ambitieux accord »,
selon l’expression utilisée par le premier ministre
Topolanek. Le nouvel accord envisagé devrait ouvrir le
commerce dans divers domaines, dont les services
d’investissement, l’approvisionnement gouvernemental
et les produits agricoles. En outre, l’accord souhaité
permettrait la mobilité temporaire de la maind’oeuvre
entre le Canada et les 27 pays membres de l’UE. Enfin,
il devrait permettre d’adopter des réglementations
semblables dans plusieurs domaines, notamment les
droits d’auteur et l’alimentation ainsi que la
sécurité animale.
Les États-Unis demeurent le principal partenaire
commercial du Canada, et de loin. Près de 85% des
exportations canadiennes aboutissent aux États-Unis.
Seulement 6% des marchandises canadiennes sont vendues
sur le territoire de l’UE. dérivés du phoque en
provenance du Canada.
Hier, M. Harper a indiqué, comme l’avait fait la
veille le ministre du Commerce international Stockwell
Day, que le Canada a la ferme intention de contester
cette mesure devant l’Organisation mondiale du
commerce.
Le
premier ministre a toutefois indiqué que ce différend
commerLe gouvernement Harper veut réduire la
dépendance commerciale du Canada vers son voisin
américain.
Les négociations ont été lancées 24 heures après que
le Parlement européen eut adopté un projet de loi
limitant la vente des produits cial n’aurait aucune
conséquence sur les négociations portant sur le
libre-échange, un signe selon lui de la maturité des
relations entre le Canada et l’UE.
« Le Canada et l’Union européenne sont en désaccord
depuis longtemps sur cette question. Mais le Canada va
continuer à défendre sa position de manière vigoureuse
autant au pays qu’à l’étranger. Nous allons continuer
de protéger les communautés autochtones qui seront
affectées par cette décision », a dit M. Harper.
Le président de la Commission eu ropéenne, José Manuel
Barroso, a affirmé que la décision du Parlement
répondait à des préoccupations exprimées par la
population sur le traitement réservé aux animaux et
n’est guère une forme de protectionnisme.
« Nous comprenons la position du Canada, mais nous
pensons que nos mesures sont tout à fait compatibles
avec les règles commerciales de l’OMC », a dit M.
Borroso.
Changements climatiques
Durant le sommet de six heures, M. Harper et ses deux
hôtes européens ont discuté de plusieurs dossiers
d’actualité, dont l’épineuse question des changements
climatiques et la mission de l’OTAN en Afghanistan.
Dans le communiqué final, le Canada et l’UE affirment
vouloir bâtir « une économie mondiale à faible
émission de carbone qui soit sécuritaire et durable
tout en renforçant la capacité de s’adapter aux
répercussions du changement climatique ». Les deux
parties s’engagent d’ailleurs à « collaborer
étroitement » pour favoriser l’adoption d’un accord
global sur les changements climatiques – le post-Kyoto
– à Copenhague, en décembre 2009.
Les deux parties affirment aussi que les pays
industrialisés doivent s’engager à atteindre des
objectifs « intermédiaires » de réduction des
émissions de gaz à effet de serre, applicables dans
tous les secteurs de l’économie, d’ici 2020. Elles
affirment aussi que les pays émergents doivent faire
un effort raisonnable pour réduire leurs émissions.
Le Canada et l’UE ont également signé un accord sur la
sécurité du transport aérien et conclu des
négociations sur un accord global en matière de
transport aérien. Cet accord, selon les autorités
canadiennes, permettra de réduire les prix et d’offrir
davantage de choix aux gens qui voyagent entre le
Canada et l’Europe.
LIBRE-ÉCHANGE
CANADA-EUROPE
- Plus de commerce et plus de problèmes
Mine de rien, un partenariat économique entre le
Canada et l’Union européenne ne diminuera pas les
litiges commerciaux. Il pourrait les augmenter. Ce qui intéresse avant tout
les Européens, ce sont les ressources énergétiques
canadiennes, croit Me Simon V. Potter, associé chez
McCarthy Tétrault. L’Europe désire diminuer sa trop
grande dépendance aux ressources russes.
Un accord commercial complexe qui engloberait la libre
circulation des biens, des échanges et de la
main-d’oeuvre est en fait un terreau fertile pour
cultiver des différends. « La conclusion d’un tel
accord vise à favoriser les échanges de biens et de
services, pas à éliminer les litiges sauf celui
d’accès au marché, précise en entrevue Me Simon V.
Potter, associé chez McCarthy Tétrault. Ce qu’il faut
espérer, c’est la libéralisation accrue des échanges.
»
Il exerce une pratique qui porte notamment sur le
droit du commerce et de l’investissement
international. À ce titre, il sera appelé à conseiller
quelques entreprises désireuses d’influencer les
négociateurs canadiens.
L’accès au marché européen est limité par exemple par
l’obligation de fabrication sur place pour quiconque
désire devenir fournisseur des États membres de
l’Union. Au Canada, l’Accord de libre-échange
nord-américain (ALENA) permet à une entreprise
canadienne de répondre à un appel d’offres de
Washington, mais le Buy America Act qu’appliquent les
États limite la portée. De même, des entreprises
américaines peuvent soumissionner pour des contrats
canadiens, mais les provinces gardent leurs propres
règles du jeu. Ainsi, dans un élan de protectionnisme,
l’Ontario vient-il de décider que ses hôpitaux, ses
écoles et sa fonction publique n’achèteront plus que
des aliments produits dans la province.
Si sa portée est grande, le futur traité dont la
négociation a été lancée hier à Prague pourrait
limiter de telles pratiques. « Tout traité est une
promesse de ne pas faire quelque chose », résume Me
Potter.
En fait, ni le Canada ni l’Europe ne veulent modifier
leur politique agricole respective (gestion de l’offre
et productions subventionnées). Les réglementations
encadrant l’emballage, l’étiquetage et les
appellations qui sont d’autant de barrières non
tarifaires pour limiter les importations seront sur la
table.
Cela touche une quantité incalculable de produits
susceptibles d’être importés ou exportés.
Qu’est-ce
qu’un cheddar, un camembert ou un prosciutto ?
Pourquoi les petits pots de bébés doivent-ils être
vendus dans deux formats seulement? Combien doit
contenir de cacao une friandise pour porter le nom de
chocolat ou de lait liquide un produit pour s’appeler
fromage?
Cela dit, ce qui intéresse avant tout les Européens,
ce sont les ressources énergétiques canadiennes, croit
Me Potter. L’Europe désire diminuer sa trop grande
dépendance aux ressources russes.
L’ouverture d’une route dans l’Arctique pourrait leur
donner accès aupétrolecanadien, mais cette question
sera embarrassante. Le Canada est déjà tenu par
l’ALENA d’assurer des approvisionnements d’or noir aux
États-Unis.
Le Canada a tout à gagner d’une percée sur la
libéralisation des échanges de services susceptible
d’assouplir la réglementation des permis de travail
pour la maind’oeuvre canadienne. Cela faciliterait le
déploiement de services d’ingénierie. « Les voyages de
professionnels devraient être un élément du traité.
Maintenant, il faut beaucoup de permis, rappelle Simon
Potter. On pourrait réduire cette difficulté. »
« Le Canada est en bonne position pour lancer des
critiques des règlements de l’Europe afin de permettre
à nos banques d’offrir plus de services, plaide Me
Potter. Pourquoi nos banques qui sont les plus solides
ne pourraient-elles pas avoir des activités de dépôt
ou proposer de la gestion de fortune? »
Le Canada réclamait depuis 1994 un traité avec
l’Europe, mais celle-ci a longtemps montré des
réticences. L’impasse de la ronde de Doha pour étendre
la libéralisation multilatérale du commerce aura
convaincu les Européens de briser l’isolement dans
lequel ils risquent de se retrouver avec le
développement du libre-échange en Extrême-Orient et
dans la zone Asie-Pacifique.
« On n’a pas besoin de libéraliser jusqu’au bout dans
le partenariat Canada-Europe. Jusqu’où ira-t-on? Tel
est l’enjeu », dit Me Potter.
Libre-échange avec l'Europe: damer le pion à Obama
Le vote pris plus tôt cette
semaine par le Parlement européen en faveur de la
fermeture des marchés de peaux de phoques du Canada a
quelque peu assombri le sommet Canada-Union européenne qui
a lieu à Prague. Ce sommet est l'occasion de lancer le
début des négociations d'un accord de libre-échange entre
Canada et l'Union européenne (UE).
L'Europe est le deuxième plus
important partenaire commercial du Canada. En 2008, les
échanges de biens et services entre l'UE et le Canada ont
dépassé les 112 milliards de dollars canadiens et le
montant des investissements s'est élevé à près de 420
milliards. On estime à environ 30 milliards les gains
produits par un partenariat économique plus étroit entre
l'UE et le Canada. Le gouvernement québécois a joué un
rôle de premier plan dans le développement de ce projet de
partenariat économique. Le Québec a non seulement utilisé
sa position au sein du Conseil de la fédération pour
forger des alliances provinciales autour d'un éventuel
accord de libre-échange avec l'Europe, mais a aussi su
exploiter sa relation privilégiée avec la France et
profiter de la présidence française de l'UE à l'automne
dernier pour s'assurer que le dossier ne disparaisse pas
de l'écran-radar européen.
Malgré des échanges commerciaux importants, le Québec et
le Canada sont des demandeurs face à l'UE. C'est nous qui
portons le fardeau de preuve. Si l'Europe représente notre
plus important partenaire économique après les États-Unis,
le Canada de son côté arrive seulement au 11ème rang, loin
derrière la Russie et la Chine et au même niveau que
l'Inde.
Si ces chiffres suggèrent que l'Europe ne partage
peut-être pas le même intérêt que le Canada pour une
libéralisation plus poussée des échanges, l'échec des
négociations multilatérales du cycle de Doha, de même que
la volonté actuelle de combattre la montée du sentiment
protectionniste, produisent néanmoins un contexte plus
favorable à la conclusion d'une entente bilatérale.
Ce qui rend particulièrement innovatrice l'idée d'un
partenariat économique plus étroit entre le Canada et l'UE
est que l'Europe n'a encore jamais conclu une entente de
ce type avec un pays riche comme le Canada.
Presque toutes les ententes de libre-échange de l'UE sont
avec des pays en voie de développement. Si la
libéralisation des échanges avec des pays plus pauvres ou
avec des marchés moins régulés comme celui des États-Unis
fait toujours craindre à l'électorat une forme de « course
vers le bas » conduisant inévitablement à l'érosion des
protections sociales et environnementales, une entente
Canada-UE pourrait potentiellement ouvrir la voie
à une forme nouvelle de partenariat économique. Une forme
de libéralisation économique plus sociale, équitable et
plus verte.
Comme en font foi leurs niveaux de dépenses sociales, le
Canada et l'UE partagent des valeurs de solidarité, de
redistribution et d'égalité des chances globalement
différentes de celles des États-Unis. Ils partagent aussi
une vision du monde comparable, multipolaire, davantage
axée sur le soft power et le recours au droit
international plutôt que sur la simple force militaire
pour résoudre les conflits.
Pour toutes ces raisons, un partenariat économique qui
serait plus large que le libre-échange traditionnel, qui
envisagerait des collaborations plus poussées au niveau
environnemental et des technologies vertes, de
l'éducation, de la recherche scientifique et de la
mobilité professionnelle, pourrait être politiquement plus
facile à vendre aux électeurs canadiens et européens.
La mondialisation a de plus en plus mauvaise presse. Mais
avec leurs valeurs communes, le Canada et l'UE ont
l'occasion de renverser cette tendance et atténuer les
replis protectionnistes et identitaires. En faisant preuve
de leadership, ils peuvent re-légitimer le commerce
mondial en lui donnant un visage « plus humain ».
Il ne faut cependant pas perdre de temps. Durant la
campagne présidentielle américaine, le candidat Obama
s'est dit intéressé à l'idée d'un libre-échange avec l'UE.
De tels appels sont susceptibles de résonner fortement du
côté européen, pressé de reconstruire les rapports
transatlantiques fragilisés par l'administration Bush.
Si les Américains nous dament le pion auprès de l'UE, nous
perdrons notre capacité d'initiative et d'innovation. Nous
devrons alors nous adapter à une entente négociée par les
États-Unis qui risque de nous être moins favorable. L'auteur est directeur du Centre d'excellence sur
l'Union européenne à l'Université de Montréal et à
l'Université McGill.
Libre-échange
Canada-Union européenne Début des négociations -
Ottawa
défendra la gestion de l’offre enmatière
agricole
« Nous sommes prêts à avoir une
conversation avec les Européens sur une foule de
questions durant les négociations, mais en bout
de piste, nous allons défendre les intérêts des
agriculteurs québécois et ontariens en
protégeant le système de gestion de l’offre. »
le système de gestion de l’offre », a déclaré à
La Presse une source gouvernementale sous le
couvert de l’anonymat. Le premier ministre du
Canada, Stephen Harper, est arrivé, hier, à
Prague, où il participe au sommet Canada-Union
européenne. M. Harper et son homologue
tchèque, Mirek Topolanek, qui assume la
présidence de l’Union européenne, donneront
officiellement le coup d’envoi aux
négociations sur l’établissement d’une zone de
libre-échange Canada-UE.
Les agriculteurs québécois tiennent au système
de gestion de l’offre qui leur garantit le prix
— Le gouvernement Harper tient mordicus à
protéger le système de gestion de l’offre durant
les négociations qui doivent permettre de
conclure un accord de libre-échange entre le
Canada et l’Union européenne ( UE) d’ici deux
ans.
Stephen Harper s’est d’ailleurs entretenu à ce
sujet avec le premier ministre Jean Charest la
semaine dernière et les deux hommes ont convenu
de l’importance de maintenir ce système pour les
agriculteurs québécois, selon des informations
obtenues par La Presse.
MM. Harper et Charest ont discuté des grandes
lignes des négociations qui vont commencer entre
le Canada et l’UE. Le premier ministre du Québec
s’est fait l’ardent promoteur d’un traité de
libre-échange entre le Canada et l’UE depuis
près de trois ans, estimant qu’il s’agit de la
meilleure façon de créer des emplois et de
diminuer la dépendance commerciale du Canada
envers le marché américain.
M. Harper est arrivé hier soir à Prague afin de
participer aujourd’hui au sommet CanadaUE. Le
premier ministre et son homologue tchèque, Mirek
Topolanek, qui assume la présidence de l’Union
européenne, donneront officiellement le coup
d’envoi aux négociations entre les deux parties.
Ces négociations devraient durer environ deux
ans, selon les estimations des fonctionnaires
canadiens.
Le gouvernement Harper s’est engagé à donner
voix au chapitre aux provinces durant les
négociations d’autant que celles-ci devront
éventuellement mettre en oeuvre certains
éléments de l’accord commercial. M. Harper a
donc informé M. Charest des objectifs du
gouvernement canadien la semaine dernière
puisque le premier ministre du Québec préside le
Conseil de la fédération.
« Le gouvernement du Canada va protéger
l’intégrité du système de gestion de l’offre.
Nous sommes prêts à avoir une conversation avec
les Européens sur une foule de questions durant
les négociations, mais en bout de piste, nous
allons défendre les intérêts des agriculteurs
québécois et ontariens en protégeant des
produits comme les oeufs, la volaille et le lait
et régit la qualité et la quantité de ces
produits. Cette mesure a toutefois déjà été
contestée devant l’Organisation mondiale du
commerce.
En août 2007, Stephen Harper avait d’ailleurs
résisté aux pressions des Américains au sommet
de Montebello qui voulaient forcer le Canada à
abandonner cette pratique.
L’objectif du gouvernement canadien dans ces
négociations qui commencent est de parvenir à
conclure avec l’UE un accord comparable à
l’Accord de libre-échange nord-américain entre
le Canada, les États-Unis et le Mexique.
En outre, les deux parties estiment que le
lancement de ces négociations enverra un message
sans équivoque relativement à l’importance de
libéraliser les marchés en ces temps de crise
économique au moment même où certains pays, dont
les États-Unis, jonglent avec l’idée d’utiliser
des politiques protectionnistes pour protéger
leur économie respective.
« Le timing de ces négociations ne pourrait
survenir à un meilleur moment. Il faut continuer
à libéraliser le commerce, pas le limiter », a
indiqué une source gouvernementale.
Le nouvel accord envisagé devrait ouvrir le
commerce dans divers domaines, dont les services
d’investissement, l’approvisionnement
gouvernemental et les produits agricoles. En
outre, l’accord souhaité permettrait la mobilité
temporaire de la maind’oeuvre entre le Canada et
les 27 pays membres de l’UE. Enfin, il devrait
permettre d’adopter des réglementations
semblables dans plusieurs domaines, notamment
les droits d’auteur et l’alimentation ainsi que
la sécurité animale.
L’UE souhaite par ailleurs que le Canada se dote
d’une seule commission des valeurs mobilières
pour simplifier les investissements, ce qui
pourrait faire grincer des dents le gouvernement
Charest, qui s’oppose à une telle mesure. Le
gouvernement Harper a toutefois clairement fait
savoir son intention de créer une commission
nationale des valeurs mobilières à laquelle les
provinces se joindront si elles le veulent.
Le coup d’envoi de ces négociations survient
moins de 24 heures après que le Parlement
européen eut adopté un projet de loi limitant la
vente des produits dérivés du phoque en
provenance du Canada. Toutefois, la loi prévoit
une exception pour les produits provenant de la
chasse traditionnelle des Inuits.
Cette mesure ne devrait pas const ituer un
obstacle aux pourparlers, selon un fonctionnaire
canadien qui a décrit la nouvelle loi comme une
petite source d’irritation.
Un sondage publié cette semaine révèle que 70%
des Canadiens interrogés souhaitent que le
gouvernement fédéral tente de conclure de
nouveaux traités commerciaux.
L’UEest le deuxième partenaire commercial en
importance du Canada après les États-Unis. Le
Canada exporte près de 85% de ses produits vers
son partenaire commercial américain.
En 2008, le Canada a exporté quelque 36,4
milliards de dollars en marchandises vers les
pays membres de l’UE. LeCanada a importé 54
milliards de dollars de marchandises de ce bloc
commercial. Selon une étude réalisée l’an
dernier, un resserrement des liens commerciaux
entre le Canada et l’UE aurait des retombées
importantes : 12 milliards de dollars pour le
Canada et 18 milliards de dollars pour l’UE.
Vers le
libre-échange Canada-Europe
La
conclusion d’une zone de libre-échange avec le Canada
gagne de l’attrait du côté européen.
Les négociations en vue d’un accord de libre-échange entre
le Canada et l’Union européenne ( UE) commenceront le 6
mai, soit 15 ans après que l’idée eut été lancée par
l’ex-premier ministre Jean Chrétien.
L’annonce a été faite hier par la commissaire au Commerce
de l’Union européenne, Catherine Ashton. Les pourparlers,
prévoit-on, dureront deux ans environ.
« Si on devait dépasser ce délai, les gens commenceraient
à deveni r nerveux » , expl iquait hier en entrevue Jason
Langrish, di recteur général du Forum sur le commerce
Canada-Europe ( FORCCE), un groupe formé en 1999 par des
entreprises et des organismes de recherche pour valoriser
les échanges entre les deux pôles commerciaux.
Jean
Charest, la bougie
En font partie des sociétés telles Alstom, Areva ou
Siemens du côté européen, Bombardier, CGI et Power
Corporation du côté canadien. FORCCE est coprésidé par
l’ex-ministre fédéral du Commerce international, Roy
McClaren, et par l’ancien éditeur du magazine The
Economist , William Emmott.
« Si la situation débloque enfin, c’est en bonne partie
grâce aux efforts de Jean Charest, poursuit M. Langrish.
Il a exploité ses bons contacts avec Nicolas Sarkozy, le
président français. »
Le dernier s ommet du FORCCE s’était déroulé le 17 octobre
dernier à Québec.
L’imprimatur de la France exigera que ne soit pas
modifiée la politique agricole européenne qui la
favorise.
La conclusion d’une zone de libre-échange avec
le Canada gagne de l’attrait du côté européen depuis
le report sine die de la ronde de Doha, lancée par
l’Organisation mondiale du commerce au début de la
décennie.
La consolidation des liens commerciaux entre les
grandes puissances d’Asie rend plus nécessaire un
rapprochement de l’UE avec le Canada pour y faire
contrepoids. Les 27 ont déjà un accord avec le
Mexique, mais n’en ont pas avec l’autre partenaire du
Canada au sein de l’ALENA (Accord de libre-échange
nord-américain), les États-Unis.
Les négociateurs devront surmonter plusieurs embûches
avant d’en arriver à un accord formel. L’imprimatur de
la France exigera que ne soit pas modifiée la
politique agricole européenne qui la favorise. Ces
dernières années, les litiges commerciaux entre le
Canada et la France ont été assez nombreux. L’Hexagone
a longtemps fait obstacle aux exportations canadiennes
de pétoncles qui menaçaient sa production de coquilles
Saint-Jacques. Les Français en ont contre nos tarifs
douaniers élevés sur leurs fromages, en raison des
politiques canadiennes agricoles de gestion de
l’offre.
Les barrières non tarifaires devront aussi être
abattues. Ainsi, certains membres de l’UE exigent que
le bois importé ait été coupé dans le cadre d’une
exploitation forestière respectueuse de leur
conception de l’environnement. Les 27 souhaitent en
revanche que le Canada n’ait qu’une seule commission
de valeurs mobilières de manière à simplifier
l’investissement, ce qui est loin d’être acquis.
En
2007, la valeur des échanges commerciaux entre les
deux ensembles se chiffrait à 80 milliards de dollars.
Cela peut sembler beaucoup. En réalité, cela équivaut
à peine aux échanges internationaux de biens réalisés
par le Canada durant un seul mois ou à ceux entre le
Canada et les États-Unis durant une cinquantaine de
jours.
Néanmoins, le Canada a exporté l’an dernier des biens
évalués à plus de 8 milliards dans l’UE, son deuxième
ma rché. Ses grands débouchés y sont l’Allemagne, les
Pays-Bas, la Belgique et la France. Nous vendons
surtout du minerai, des métaux et des avions. Le
Canada achète en Europe, d’abord au Royaume-Uni, mais
aussi en Allemagne, en France, en Italie et en Suède.
Il importe surtout du pétrole, des médicaments, des
produits chimiques et des boissons.
De 2007 à 2008, les importations du Canada en
provenance de l’UE ont progressé de 21,6%, alors
qu’elles ont stagné avec les États-Unis. Nos
exportations y ont bondi de 25%, alors que celles vers
les États-Unis ont reculé de 7,6%, selon Statistique
Canada.
Le commerce du Canada avec les 27 est déficitaire,
mais l’écart tend à se combler doucement.
Le Canada a aussi des accords de libre-échange avec le
Chili, le Costa-Rica et Israël.
Le
libre-échange
doit être relancé avec les États-Unis - Rudy
LeCours
SELONUNE ÉTUDEDUCONFERENCE BOARD
Pour accroître sa crédibilité, le Canada doit
aussi indiquer comment il mettra en application
d’autres accords de libre-échange conclus, mais
pas encore en vigueur.
Pour neutraliser les velléités protectionnistes
des démocrates, le Canada devrait promouvoir le
commerce bilatéral avec les États-Unis.
« L’idée derrière l’Accord de libre-échange
Canada-États-Unis de 1989 consistait à isoler le
Canada contre le protectionnisme américain qui
visait d’autres États », rappelle Marc L. Busch.
Il vient de signer une étude pour le Conference
Board sur les enjeux commerciaux pour le Canada,
compte tenu de l’élection des démocrates en
novembre et de la récession présente.
M. Busch passe en revue l’ensemble des
déclarations des élus des deux camps afin d’y
discerner si les États-Unis entrent dans une phase
de protectionnisme ou d’ouverture.
Il en déduit que la perception négative des
Américains à l’endroit de l’Accord de
libre-échange nord-américain (ALENA) vient surtout
de craintes à l’endroit du Mexique. En particulier
du respect des règles en matière d’environnement
et de travail qui font l’objet de deux ententes
parallèles à l’ALENA. « Les Américains considèrent
que commercer avec le Canada, c’est comme
commercer avec le Dakota-du-Nord », poursuit M.
Busch.
Reste que des litiges sont possibles, comme en
font foi les incessantes querelles à propos du
bois d’oeuvre.
Là-dessus, M. Busch fait remarquer que
l’administration de Barack Obama use de stratégie
avec les éléments les plus protectionnistes parmi
les sénateurs et les représentants, ces derniers
étant particulièrement vulnérables aux pressions
de leurs commettants. Plutôt que d’attiser les
réflexes protectionnistes susceptibles de faire
beaucoup de tort aux Américains eux-mêmes, la
Maison-Blanche met l’accent sur la mise en
application des accords.
C’est en ce sens que doit être comprise la
renégociation de l’ALENA pour que les volets
travail et environnement puissent faire l’objet de
litiges en bonne et due forme. Ouvrir l’ALENA,
c’est peut-être aussi signer son arrêt de mort,
prévient cependant l’auteur.
Voilà pourquoi le Canada a tout intérêt à
promouvoir les échanges bilatéraux quand il
s’adresse aux autorités américaines. Rien ne
l’empêche, en même temps, de faire la promotion de
l’ALENA pour continuer de développer sa relation
commerciale avec le Mexique.
Pour accroître sa crédibilité, le Canada doit
aussi indiquer comment il mettra en application
d’autres accords de libre-échange conclus, mais
pas encore en vigueur. M. Busch pense à
particulier à celui avec la Corée du Sud. Les
syndicats américains craignent que cet accord
s’avère un cheval de Troie pour l’entrée massive
de biens sud-coréens fabriqués avec des normes de
travail déficientes qui représentent de la
concurrence déloyale à leurs yeux.
S’il est difficile de savoir où la Maison-Blanche
loge au juste en matière de commerce, l’auteur
croit que la résolution récente d’un l itige avec
le Mexique l’éveille aux dangers du
protectionnisme. En vertu de l’ALENA, le Mexique a
obtenu le droit d’imposer des mesures de rétorsion
aux États-Unis trouvés coupables par le tribunal
d’arbitrage d’avoir violé l’ALENA. Bref, mettre
l’accent sur la mise en application des accords
plutôt que le protectionnisme se révélera
peut-être la marche à suivre pour convaincre les
élus du Congrès des bienfaits d’accords de
libre-échange.
« Aussi ironique que cela puisse sembler, un des
présidents les plus sceptiques en matière de
commerce, qui travaille avec un Congrès qui l’est
encore plus, pourrait bien s’avérer seul capable
d’étendre la mondialisation des échanges ou au
moins empêcher qu’elle ne recule », conclut-il.
Entre-temps, le Canada a tout intérêt à cultiver
son alliance commerciale en convainquant avant
tout les grands groupes industriels, susceptibles
de souffrir eux aussi du protectionnisme.
Il faut oublier la ZLEA, selon
Stephen Harper
—
Oubliez la Zone de libre-échange des Amériques
(ZLEA). Cette idée de conclure un traité commercial
qui engloberait 34 pays des Amériques n’est pas
réaliste, estime le premier ministre Stephen Harper.
Ce projet, qui avait été évoqué dans les années 90
et qui avait fait l’objet de pourparlers, est mort
et enterré, selon M. Harper. Au dernier sommet des
Amériques, à Trinité-et-Tobago, cette question n’a
même pas été soulevée, a révélé le premier ministre
au cours d’une entrevue exclusive accordée à La
Presse.
« Je pense qu’une entente de libre-échange
comprenant les deux Amériques n’est pas réaliste »,
a affirmé sans ambages le premier ministre.
Au
lieu de travailler à concrétiser une telle entente,
le Canada préfère nettement conclure des accords
avec chaque pays ou des groupes de pays de
l’Amérique centrale et l’Amérique du Sud, a indiqué
M. Harper.
« Je pense que la stratégie du Canada, c’est
essentiellement de conclure des ententes avec chaque
pays ou chaque groupe de pays: la Colombie, le
Pérou, les Caraïbes, l’Amérique centrale. Nous avons
déjà des ententes avec le Costa Rica et le Chili »,
a dit M. Harper.
« Nous avons l’occasion de conclure des ententes
exhaustives dans l’hémisphère Sud. Le grand pays qui
nous manque jusqu’à maintenant reste le Brésil. Mais
nous sommes un grand acteur dans notre hémisphère,
les Caraïbes et maintenant l’Amérique latine »,
a-t-il ajouté.
Plus cher au Québec qu’en Ontario
Les Québécois paient-ils trop cher pour leurs
aliments, comparativement à leurs voisins
ontariens ? Au point de permettre aux plus gros
détaillants d’engranger au Québec les marges de
profit parmi les plus élevées au Canada en
alimentation ? Le marché québécois de
l’alimentation est concentré entre les mains
de trois grandes entreprises : Metro,
IGA-Sobeys et Loblaw-Provigo. Les supermarchés
d’escompte du type des supercenters de
Wal-Mart n’ont pas encore fait de percée ici,
contrairement à l’Ontario.
En t out c a s , c ’e st ce qui r essort d’une
récente analyse des principaux détaillants
alimentaires au Québec et en Ontario réalisée
par une importante firme de courtage de Toronto,
pour ses clients-investisseurs.
D’autant que les auteurs vont jusqu’à qualifier
le marché québécois de « vache à lait » de
profits pour les grandes entreprises de
supermarchés.
En particulier pour Metro et IGASobeys, qu’ils
considèrent les plus dynamiques sur le marché
québécois face au groupe Loblaw-Provigo, encore
emmêlé dans une restructuration.
« Le marché de l’alimentation au Québec est sans
doute le plus profitable au pays, avec des prix
plus élevés et une présence moindre de
supermarchés à escompte que partout ailleurs au
Canada », selon les analystes Perry Caicco et
Mark Petrie, spécialistes du commerce de détail
chez Marchés mondiaux CIBC, la filiale de
courtage de la banque CIBC.
« Les prix dans les supermarchés réguliers et
ceux à escompte au Québec sont supérieurs de 5 à
15 % en moyenne à ceux que l’on retrouve dans
les magasins comparables en Ontario »,
soulignent-ils dans leur rapport.
Mentalité différente
Par ailleurs, un examen par La Presse Affaires
des plus récentes données de prix des aliments,
telles que recueillies par Statistique Canada,
tend à corroborer le constat des analystes de la
CIBC.
Pour l’essentiel, l’inflation alimentaire est
plus accentuée au Québec qu’en Ontario.
Depuis 2002, l’indice des prix des aliments a
cru 24% au Québec, comparativement à 21% en
Ontario. Et depuis un an, cette inflation
alimentaire atteint 7% au Québec, contre 5% en
Ontario.
Selon les analystes de Marchés mondiaux CIBC,
cette situation de surcoût alimentaire au Québec
par rapport à l’Ontario s’explique par deux
facteurs principaux.
Différences de mentalité et de culture
alimentaire, d’une part.
Pour l’essentiel, les Québécois seraient plus
exigeants que leurs voisins ontariens quant à la
qualité et la spécificité de leurs achats
alimentaires. Mais cette recherche de qualité
leur coûte plus cher. Ce qui expliquerait en
partie pourquoi le Québec accapare une plus
grande part des ventes alimentaires au Canada
que son pourcentage de la population totale.
Mais le principal facteur de surcoût alimentaire
au Québec par rapport à l’Ontario tient à la
structure même du marché québécois, selon les
analystes de CIBC.
Toutes proportions gardées, les supermarchés de
t ype « à escompte » sont moins influents dans
le marché de l’alimentation au Québec qu’en
Ontario.
Et en particulier, le marché québécois est
encore dépourvu des grandes surfaces à bas prix,
comme les supercenters ouverts par Wal-Mart dans
le sud de l’Ontario ces dernières années
Ces très grandes surfaces à escompte qui
combinent un supermarché et un magasin à rayons
ont eu une influence baissière considérable sur
les prix en alimentation en Ontario. Au Québec,
les analystes de Marchés mondiaux CIBC doutent
encore de l’implantation et de l’impact d’une
telle expansion de Wal-Mart en alimentation.
D’une part, estiment-ils, les récentes bisbilles
syndicales de Wal-Mart au Québec auraient dilué
l’intérêt du géant d’origine américaine d’y
étendre son format de supercenters.
D’autre
part, les analystes doutent de l’intérêt des
consommateurs québécois pour une nouvelle
bannière de supermarchés à escompte, comme le
suggère la pénétration de marché déjà moindre de
ce type de magasins d’alimentation.
Plus concentré
Mais en attendant une telle expansion de
Wal-Mart, notentils, le marché québécois de
l’alimentation demeure plus concentré qu’en
Ontario entre les mains de trois grandes
entreprises de supermarchés : Metro, IGA-Sobeys
et Loblaw-Provigo.
Et cette concentration de marché s’accentue en
faveur de Metro et IGA/Sobeys si l’on considère
les difficultés persistantes de Loblaw à
vraiment s’affirmer au Québec.
« Loblaw représente le géant un peu endormi sur
le marché québécois. Tant que cette situation
durera, le marché québécois demeurera une vache
à lait pour ses deux principaux concurrents,
IGA-Sobeys et Metro », écrivent les analystes de
Marchés mondiaux CIBC dans leur récent rapport.
Plus spécifiquement, à propos d’IGA-Sobeys, ils
estiment que sa division au Québec est «
probablement la plus forte sur une base
régionale de tout le marché de l’alimentation au
Canada ».
Quant à Metro, les analystes de CIBC estiment
que le détaillant a « une position tellement
forte et rentable sur le marché québécois qu’il
a décidé, avec raison, de diriger ses ressources
vers son expansion en Ontario, où son potentiel
de croissance est meilleur ».
Les analystes de CIBC font ainsi référence aux
acquisitions par Metro, ces dernières années,
des chaînes des supermarchés Dominion, A & P
et Loeb en Ontario.
Metro est d’ailleurs en voie de convertir ces
quelque 380 supermarchés ontariens à sa propre
enseigne la plus connue au Québec.
Le pétrole recule, mais l’essence bondit à la
pompe - Maxime Bergeron
Les cours du pétrole ont terminé avec une
nouvelle baisse hier à New York, au moment même
où le prix à la pompe explosait de 13 cents le
litre dans la région montréalaise, soulevant la
colère des automobilistes.
Le baril de light sweet crude pour livraison en
août a clôturé à 69,31 $ US au New York
Mercantile Exchange, en recul de 58 cents US par
rapport à la veille.
L’or noir avait amorcé la journée en hausse.
Mais il a changé de cap après la publication des
s t at i s t i ques hebdomadai r es du
département américain de l’Énergie sur les
réserves pétrolières du pays.
Ces données auraient pourt a nt dû susciter un
certa i n enthousiasme.
Elles indiquent que les stocks de brut, qui
avaient atteint des sommets de 19 ans au
printemps, ont baissé pour la quatrième semaine
consécutive. Ils ont même reculé plus vite que
les attentes des analystes au cours de la
dernière semaine (3,7 millions de barils).
« Ma i s ma l heureusement , les bonnes
nouvelles s’arrêtent là », a fait valoir
l’analyste Nic Brown, de la firme Natixis.
Les réserves d’essence et de produits distillés
ont progressé plus qu’anticipé aux États-Unis,
grimpant respectivement de 2,3 et 2,9 millions
de litres.
« La demande pour les produits r a f f i nés est
t out si mplement catastrophique », ont c
ommenté l es a nalystes de Morgan Stanley.
Automobilistes en furie
Même si le prix de l’essence à la pompe ne suit
pas à la trace celui du baril de brut, les
automobilistes montréalais ont vu le coût du
litre passer subitement de 98 cents à 1,11 $,
hier.
Ce bond est apparu suspect à plusieurs, d’autant
plus qu’il est survenu le jour de la fête du
Canada, où plusieurs travailleurs en congé
prennent la route. Le 1er juillet est aussi
marqué par des milliers de déménagements dans la
région, réalisés pour la plupart avec des
camions énergivores.
Selon CAA-Québec, le prix « réaliste » aurait dû
être de 1,04$ hier à Montréal. Un tel prix tient
compte de la marge de profit et des coûts
d’exploitation des détaillants, selon
l’organisme de défense des automobilistes.
Le CAA s’insurge depuis plusieurs mois déjà
contre les hausses « injustifiées » à la veille
des week-ends ou des congés.
Selon une étude du groupe publiée il y a deux
semaines, les stations-services montréalaises
ont haussé leurs prix à sept reprises la veille
des fins de semaine, entre le 30 mars au 12
juin. Or, cinq de ces hausses n’étaient
justifiées par aucun facteur économique réel,
soutient le CAA.
L’industrie pétrolière se défend d’abuser des
automobilistes. Carol Montreuil, vice-président
de l’Institut canadien des produits pétroliers,
a récemment qualifié la théorie des week-ends de
« légende urbaine » en entrevue à La Presse
Affaires.
Reste que les consommateurs ont le réel
sentiment de se faire rouler dans la farine.
L’annonce de la hausse subite du prix de
l’essence, publiée hier sur Cyberpresse, a
suscité en quelques heures plus de 50
commentaires de lecteurs. Plusieurs exprimaient
une vive frustration à l’égard des pétrolières.
ESSENCE LA FLAMBÉE DES PRIX À MONTRÉAL
ENRAGE LE CAA - Maxime Bergeron
La
hausse abrupte du prix de l’essence à 1,15 $ le
litre hier à Montréal a entraîné une sortie
musclée de CAA-Québec, qui juge injustifiée cette
nouvelle flambée à la veille d’un week-end.
Selon l’organisme de défense des automobilistes,
le coût « réaliste » aurait dû être 1,109$ à la
pompe. « Et déjà à ce prix, les détaillants ne
nous feraient pas de cadeau; ce serait un prix qui
refléterait les indicateurs pétroliers », a lancé
Sophie Gagnon, directrice des relations publiques
et gouvernementales chez CAA-Québec.
Le carburant surfe aujourd’hui à son niveau le
plus haut depuis le sommet de 1,50$ atteint l’été
dernier, au pic de la bulle pétrolière. Le litre a
bondi de plus de 7 cents dans la seule journée
d’hier à Montréal.
Le CAA a profité de cette hausse pour dénoncer une
autre pratique des pétrolières, hier. Selon une
étude du groupe, les stations-service
montréalaises ont majoré leurs prix à sept
reprises à la veille des onze derniers week-ends.
Or, cinq de ces augmentations « ne peuvent
s’expliquer par des hausses des indicateurs
pétroliers sur les marchés », soutient
l’organisme.
Des
milliers d’automobilistes, qui profitent des
week-ends pour faire de longs trajets, ont été
pénalisés par cette situation, fait valoir le
CAA.
Les marges de détail empochées par les marchands
d’essence – qui incluent les profits et les
coûts d’exploitation – étaient en outre trop
élevées pendant la période étudiée, d’après le
CAA. Les marges ont oscillé entre 6,6 et 11
cents le litre, note-t-on, beaucoup plus que la
moyenne de 4,7 cents observée depuis un an à
Montréal.
Foutaise, répondent les vendeurs d’essence,
souvent accusés de gonfler leurs prix à
l’approche des congés. « Cette théorie des
longues fins de semaine ne tient pas, c’est une
légende urbaine », a lancé à La Presse Affaires
Carol Montreuil, vice-président de l’Institut
canadien des produits pétroliers.
Selon M. Montreuil, il ne faut pas s’attarder à
des hausses subites comme celle d’hier pour
juger des profits des détaillants, mais plutôt
regarder les marges brutes sur une plus longue
période. Les marchands doivent parfois vendre le
carburant tout près du prix coûtant à cause de
la concurrence, note-t-il, ce qui influence les
moyennes.
Quoi qu’il en soit, un fait demeure : les marges
récentes des
Six Canadiens sur dix vivent de paie en
paie - Marc Tison
Une paie retardée de quelques j ours, et
bonjour les problèmes.
Selon un sondage mené pour l’Association
canadienne de la paie (ACP) auprès de 2800
personnes, 59 % des employés canadiens
auraient des difficultés à acquitter leurs
obligations si leur paie était versée une
semaine plus tard que prévu.
Les
travailleurs québécois font meilleure figure,
alors que 34% d’entre eux soutiennent que le
report de leur paie les placerait dans une
situation financière préoccupante. « Les
Québécois se sentent moins touchés par la
récession », explique Richard Rousseau,
président sortant du conseil d’administration
de l’ACP.
Les spécialistes en finances personnelles
recommandent pourtant aux ménages de
constituer un coussin budgétaire équivalent à
deux ou trois mois de dépenses. Mais cette
saine pratique, aux relents de désuétude, a
été délaissée au profit des cartes et marges
de crédit.
Parmi les groupes d’âge, ce sont les jeunes
Canadiens de 18 à 34 ans qui, dans une
proportion de 6 4 %, sont les plus nombreux à
longer inconfortablement le précipice
budgétaire.
Les
familles monoparentales témoignent de la
situation la plus fragile : 72% d’entre
eux seraient mis en difficulté par une
paie retardée.
« C’est i nquiéta nt , les gens ont pris
des habitudes de consommation qui font en
sorte qu’ils ont peu de marge de
manoeuvre, constate Maurice Gosselin,
titulaire de la chaire Groupe Investors en
planification financière à l’ Université
Laval. Et on est chanceux, on est dans une
période où les taux d’intérêt sont bas. »
Rien de surprenant, dès lors, que la
moitié des répondants s’estiment
incapables d’épargner plus de 5% de leur
paie nette. « Les experts financiers
disent qu’on devrait mettre 10% de côté
pour le régime de retraite, soulève
Richard Rousseau. On en est loin. »
Les
travailleurs ont pourtant conscience de
l’importance de l’épargne. En effet, 31 %
des Canadiens ont eu la noble intention
d’économiser davantage que l’année
précédente, sans parvenir pour autant à
joindre le geste au souhait.
Paradoxalement, la moitié des répondants
estiment avoir besoin d’un capital de 750
000 $ à 3 millions pour vivre une retraite
confortable. Ces chiffres sont
considérables. « Un régime de retraite
d’employeur, pour quelqu’un qui prend sa
retraite avec un salaire de 75 000 $, a
une valeur actualisée qui se situe entre
500 000 $ et 750 000 $ », souligne Maurice
Gosselin. Il en tire le constat d’un
problème majeur : « un certain
analphabétisme financier ».
Une r et r a i t e à 65 a ns , planifiée
suffisamment tôt, nécessitera un ratio
d’épargne inférieur aux 10 % souvent
cités, rappelle de son côté Martin Dupras,
vice-président chez Aon Conseil.
Autre problème, l ’épargnant peut se
sentir écrasé par l’ensemble des objectifs
financiers qu’on lui trace. « Le client se
dit qu’il a tellement peu les moyens de
tout faire qu’il décide de ne rien faire.
Et il va espérer que la 6/49 le gâte. »
C’est un autre élément de ce sondage :
s’ils gagnaient 1 million de dollars, 70 %
des Canadiens rembourseraient d’abord
leurs dettes.
Achat d'Opel par Magna : Le grand pari de
Frank Stronach - Martin Vallières
P r endre l e contrôle d’un c onst r uc t eu
r automobi l e établi est une grande
ambition de fin de carrière pour Frank
Stronach, 77 ans, président-fondateur de
Magna International.
N’empêche. Avec le choix de son offre par GM
pour sa division Opel en Europe, l’homme
d’affaires torontois sait que l’entreprise
qu’il a fait grandir depuis 40 ans d’une PME
de garage à une multinationale des pièces
automobiles s’engage dans un défi
considérable.
«Même si nous avons fait la meilleure offre
pour Opel, nous n’obtenons pas de cadeau
avec cette acquisition», a commenté M.
Stronach en début de semaine, alors qu’il
attendait la décision de GM sur son offre
présentée en mai dernier.
Le grand patron de Magna a de bonnes raisons
de contenir son enthousiasme, en public du
moins.
D’une part, ses principaux adjoints et lui
sont déjà aux premières loges de la crise
qui f r a ppent l ’ i ndustrie automobile en
Europe et en Amérique du nord.
Énorme fournisseur de composantes, Magna a
vu ses revenus plonger de 32% depuis un an.
Et malgré la fermeture de dizaines d’usines
et des milliers de licenciements, Magna est
passé d’un profit de 617 millions US à une
perte de 768 millions, sur une base
annualisée au 30 juin.
Par ailleurs, les patrons de Magna se
souviennent de leur ambition antérieure pour
Chrysler, lors de sa mise en vente il y a
trois ans.
Le fonds d’investissement Cerberus a prévalu
avec son offre de 7 milliards. Mais la suite
lui fut désastreuse.
«Nous avons été chanceux de rater cette
acquisition» a admis Frank Stronach en
entrevue avec CBC News, le printemps
dernier.
Par conséquent, au l ieu de crouler sous
Chrysler, et malgré la récession, Magna se
retrouve en situation financière très
enviable parmi ses pairs.
Au 30 juin, son bilan en mi-année affichait
une dette à long terme minime de 659
millions US, largement compensée par des
liquidités d’au moins 1,7 milliard.
Bref, de quoi endurer la récession sévère
dans l’automobile tout en finançant des
projets d’expansion, surtout vers l’Europe.
Aussi, Magna a su profiter des années de
prospérité dans l’automobile pour multiplier
ses relations d’affaires outre-Atlantique.
Un e xemple : c ’e s t e n Autriche, pays
d’origine de M. Stronach avant d’immigrer au
Canada en 1954, que Magna est devenu le
premier fournisseur de pièces à s’aventurer
vers l’assemblage de véhicules complets en
sous-traitance. Ses clients : les BMW,
Mercedes-Benz et Porsche, rien de moins !
Au niveau financier, c’est dans la nouvelle
classe capitaliste en Russie que Magna a
trouvé des alliés pour appuyer ses ambitions
vers des marchés prometteurs comme l’Europe
de l’Est.
Avec son offre pour Opel, c’est encore en
Russie, avec la Sberbank, que Magna a trouvé
son principal partenaire financier. Leur
consortium à parts égales détiendra le bloc
de 55% des actions du prochain capital
remanié d’Opel.
Par ailleurs, une f i r me immobilière
affiliée à Magna, MI Developments, a déjà
annoncé trois projets d’usines en Russie,
toutes reliées à l’automobile.
Mais dans l ’ i mmédiat , Magna devra
d’abord compléter une transaction très
complexe pour Opel. Elle implique une banque
russe, des fonds publics d’Allemagne
assortis de conditions d’emplois, les
syndicats d’Opel et même GM, qui demeure
actionnaire à 35% et un partenaire majeur
d’Opel.
Ensuite, Magna et ses nouveaux partenaires
devront piloter une révision sévère de
l’exploitation d’Opel. On s’attend à des fer
metures d’usines et la suppression de
milliers d’emplois en Europe de l’Ouest.
Cet exercice s’annonce très délicat en
Allemagne, en raison du soutien financier de
4,5 milliards d’euros promis par le
gouvernement allemand.
En contrepartie, l’investissement initial de
Magna dans Opel – 500 millions d’euros
partagés avec la banque russe Sberbank –
s’annonce plutôt modéré.
Aux Bourses de Toronto et de New York, les
investisseurs ont d’ailleurs poussé les
actions de Magna en légère hausse après l’a
nnonce du choix de GM.
Selon l’analyste Peter Sklar, qui suit Magna
chez Marchés des capitaux BMO, «les
investisseurs apprécient le potentiel de
croissance d’Opel vers des marchés comme la
Russie. Aussi, ils anticipent des avantages
pour Magna de contrôler un constructeur qui
demeurera une importante source
technologique pour GM et ses prochains
véhicules à mandats mondiaux.»
Voitures canadiennes : Une histoire d’essais…
et d’erreurs - Philippe Mercure
L’achat d’Opel par Magna a fait passer une
marque de voiture sous contrôle canadien.
Une première ? Non! Si le Canada était
jusqu’à hier le seul pays du G8 à ne pas
avoir sa marque de voiture, l’histoire
compte une poignée d’aventures parfois
rocambolesques de véhicules canadiens qui
n’ont jamais réussi à s’imposer.
PHOTO
ARCHIVES LA PRESSE
Parlez-en à Michel Fafard, de
Saint-Norbert, l’un des rares à rouler
dans une voit ure conçue et construite au
Québec. M. Fafard est propriétaire d’une
Manic GT – un coupé sport entré dans la
légende et signé Jacques About, un
Montréalais d’origine française.
« Si elle roule ? Ah bien oui, elle roule
! Je l’ai amenée dans un concours
d’élégance, au mois d’août… », dit M.
Fafard.
Fabriquée à environ 160 exemplaires à
Terrebonne, puis à Granby, entre 1968 et
1971, la Manic GT était équipée de pièces
Renault et cherchait à faire concurrence à
la Ford Mustang et à la Camaro. Mais le
rêve fut bref et les difficultés
financières, nombreuses. En 1971, l’usine
de Granby ferme ses portes. « C’est une
histoire un peu malheureuse d’une voiture
qui n’a pas abouti par manque de moyens,
de chance ou de vision », commente Michel
Guégan, un restaurateur de voitures qui
estime qu’il ne reste plus que trois ou
quatre Manic GT sur les routes du Québec.
La t r i ste histoire de la Man i c i l l
u s t r e c e l l e du développement des
voitures canadiennes au grand complet.
L’autre grande légende nationale à quatre
roues est cer t a i nement l a Br i c kl i
n SV-1. Créée par Malcolm Bricklin, un
homme d’aff a i r e s a mé r i c a i n q u
i a nota mment i ntroduit l es marques
Subaru et Fiat aux États-Unis, la Bricklin
était une voiture sport au look d’enfer
munie d’un l ong capot ondulé.
Le bolide avait séduit le gouvernement du
NouveauBrunswick au milieu des années 70,
qui avait dépensé une petite fortune dans
la construction d’une usine à Saint-Jean.
Mais le projet s’est terminé par une
faillite et moins de 3000 unités ont été
construites.
Un premier accident canadien
Une poignée d’autres tentatives ont émergé
ici et là au pays. Suzanne Beauvais,
conservatrice adjointe au Musée des
sciences et de la technologie d’Ottawa,
prépare une exposition sur les voitures
canadiennes qui sera présentée à partir du
24 juin 2010. Elle rappelle que la toute
première voiture à avoir roulé en sol
canadien était de conception. . .
canadienne.
Fabriquée à Stanstead, dans les Cantons-de
l’Est, en 1867, la Henry Seth Taylor
portait
le nom de son concepteur et fonctionnait à
la vapeur. « Elle n’avait pas de frein,
dit cependant Mme Beauvais. À un moment
donné, M. Taylor a descendu une côte…Ç’a
été le premier accident automobile au
Canada. »
La Russell de Toronto et la Gray-Dort de
Chatham, en Ontario, font partie des
autres véhicules canadiens qui n’ont
jamais percé. Au Québec, Éric LeFrançois,
qui signe des chroniques automobiles dans
La Presse, recense l a Bourassa et la
Comet, toutes deux conçues à Montréal au
tournant du XXe siècle. La Drednot Motor
Truck Company, également de Montréal, a
aussi construit une voiture blindée pour
le tsar de Russie en 1915.
Comment expliquer l’incapacité du Canada à
lancer sa propre marque de voiture ? « La
raison principale, c’est qu’on est collé
sur Detroit, le berceau de l’automobile
américain, répond M. LeFrançois. Les
Américains ont tout de suite traversé la
frontière pour s’implanter ici. Regardez
les filiales canadiennes : Ford est ici
depuis plus de 100 ans. »
M. LeFrançois rappel le qu’à défaut de la
ncer des véhicules, l e Canada est devenu
un important équipementier automobile.
L’exemple de Magna , qui gagné le contrôle
d’Opel hier, en est un excellent exemple.
« Qu’est-ce qu’une voiture canadienne ?
Une voiture dont le design intérieur et
extérieur est conçu au Canada? Ou une
voiture fabriquée au Canada par des
Canadiens ? Chacun a son interprétation
là-dessus. Ce sont les questions qu’on
veut poser aux visiteurs lors de
l’exposition », dit Suzanne Beauvais, du
Musée des sciences et de la technologie
d’Ottawa.
MAGNA DÉJÀ EN MODE RATIONALISATION
BERLIN — Le constructeur automobile
américain General Motors et l a c
hancelière Angela Merkel ont annoncé
hier la vente d’Opel à l’équipementier
canadien Magna, adossé à la banque r
usse Sberbank, comme le voulait le
gouvernement allemand.
À 17 jours de législatives à l’issue
desquelles elle devrait se succéder à
elle-même, c’est à la chancelière
conservatrice, rayonnante, qu’il est
revenu d’annoncer la nouvelle.
« Le conseil d’administration de GM a
décidé de vendre Opel à Magna »,
a-t-elle déclaré devant la presse. « Je
me réjouis vivement » de cette décision.
L e géa nt a mér i c a i n a confirmé
peu après, en précisant que certains
points devaient encore être négociés et
que l’accord définitif ne serait pas
signé avant « les toutes prochaines
semaines ». Donc après les élections
allemandes.
Ce devrait être fait d’ici la fin
novembre, a indiqué le viceprésident de
GM John Smith.
GM veut céder 55% d’Opel et Vauxhall à
Magna/Sberbank, qui devraient se
partager cette part à moitié-moitié, et
10% aux salariés. L’américain
conserverait ainsi 35% de ses anciennes
filiales européennes.
Mais le groupe de Detroit doit encore
négocier avec les syndicats sur la
restructuration d’Opel/ Vauxhall,
victime comme la concurrence de
surcapacités de production en Europe.
I l a déjà a n noncé s on intention de
fermer progressivement l’usine d’Anvers,
en Belgique, qui emploie plus de 2000
personnes.
« La proposition de Magna prévoit que
(le site de) Anvers ferme
progressivement », a déclaré M. Smith
lors d’une conférence à Berlin.
Opel compte économiser 1,2 milliard
d’euros, indique le patron de GM Europe
Ca r l - Peter For s t e r da ns une
entrevue au magazine WirtschaftsWoche.
Pour y parvenir, il faudra supprimer «
plusieurs milliers d’emplois »,
avertit-il.
Magna, dont l’offre repose sur
l’obtention de plusieurs milliards
d’euros de garanties publiques en
Allemagne, avait promis de ne pas fermer
de site dans le pays, mais pourrait
supprimer environ 10 000 emplois.
Les aides publiquesdevraient être
remboursées d’ici 2014, a promis M.
Smith.
« Je sais que ce n’était pas une
décision facile pour General Motors,
mais je me réjouis qu’Opel ait
maintenant un avenir », a commenté Klaus
Franz, chef du Comité d’entreprise
d’Opel.
Les 25 000 salariés allemands
d’Opel (pour un total de 50 000 en
Europe) sont échaudés depuis des mois
par les atermoiements de leur société
mère. Ces derniers jours, les rumeurs
avaient ainsi enflé sur la volonté
soudaine de GM de conserver Opel et sa
jumelle britannique Vauxhall.
En mai dernier, GM et Magna avaient déjà
signé une lettre d’intention sous le
patronage du gouvernement. Mais GM, à la
faveur d’une procédure éclair de
faillite, avait très vite repris la main
et relancé tout le processus pour
améliorer le rapport de force vis-à-vis
de Magna.
« Reste à négocier aussi avec les autres
pays européens concernés par des usines
Opel/ Vauxhall. Le gouvernement
britannique et le premier syndicat du
pays, Unite, sont en tout cas restés
prudents hier, assurant qu’ils
défendront le maintien d’un maximum
d’emplois au Royaume-Uni.
Une union houleuse
La « marque à l ’é cla i r » appartenait
à GM depuis la Grande dépression de
1929.
À l’époque, Opel fabriquait avant tout
des bicyclettes, domaine où elle
revendiquait le premier rang mondial, et
des machines à coudre, une de ses
spécialités depuis sa création en 1862
par Adam Opel.
L’entreprise ne s’est lancée dans la
production d’automobiles qu’en 1898,
mais dès 1906, la millième voiture sort
des ateliers, une sensation pour
l’époque.
Elle devient alors fournisseur de la
cour de l’empereur Guillaume II mais ce
sont ses petits modèles accessibles au
plus grand nombre qui assureront son
succès.
General Motors, qui voit en Opel la
marque phare de son extension en Europe,
concentre sa production sur l’automobile
et permet à la production en série de
prendre rapidement de l’ampleur. La «
Kadett », petit modèle familial, va
devenir un best-seller.
Pendant la deuxième guerre mondiale,
Opel produit surtout des camions « Blitz
» pour l’armée. Après, elle est
contrainte par les Alliés de se
concentrer sur la fabrication de
réfrigérateurs.
La production de voitures ne repartira
vraiment qu’au début des années 50.
Douze ans plus tard, une nouvelle
version de la « Kadett » est
commercialisée, alternative à la «
coccinelle » de Volkswagen et destinée
elle aussi au grand public.
Le début des années 70 est l’âge d’or
pour Opel, qui détient 20% du marché
allemand. Mais Volkswagen mettra un
terme à sa domination en lançant sa
petite voiture familiale, la Golf. Opel
ne s’en remettra jamais. Ses
diversifications par la suite dans le
haut de gamme (Omega) ou même les
voitures de sport (Tigra) échouent. Des
problèmes de qualités viennent entacher
sa réputation.
Les employés réclament leurs heures
supplémentaires - Philippe Mercure
Fini l’époque où les employés acceptaient de
rester plus longtemps au bureau sans être
payés davantage. Les heures supplémentaires
non payées, un phénomène longtemps passé
sous silence au Canada, sortent de l’ombre
grâce à une poignée de poursuites
judiciaires. Et les entreprises commencent à
réagir.
Un sondage publié hier par le Conference
Board du Canada montre à quel point les
mentalités changent lorsqu’il s’agit de
donner des heures gratuitement au patron. Un
coup de sonde mené auprès de grandes
entreprises canadiennes indique que
seulement 9% d’entre elles jugent que les
heures supplémentaires sont actuellement une
« préoccupation critique » au sein de leur
société.
Mais les entreprises voient venir la
tempête. Pas moins de 90 % d’entre elles
prédisent que les heures supplémentaires non
payées deviendront une préoccupation au sein
de leur organisation au cours des prochaines
années.
« C’est un problème qui vient tout juste
d’apparaître sur le radar au Canada » , c
onst a t e Michael Bloom, vice-président, ef
f icacité organisationnelle et
apprentissage, au Conference Board, qui
avoue avoir été surpris par l’ampleur des
préoccupations.
« Neuf entreprises sur 10, c’est vraiment
beaucoup », souligne-t-il.
Si les heures supplémentaires non payées
préoccupent tant les entreprises, c’est
parce qu’elles se sont retrouvées au centre
d’une série de poursuites judiciaires depuis
deux ans.
L’an
dernier, la f i r me comptable KPMG a
accepté de verser une somme estimée à 10
millions de dollars pour que certains
employés canadiens laissent tomber une
poursuite à ce sujet.
Cet été, la Cour supérieure de l’Ontario a
refusé d’autoriser un recours collectif de
600 millions de dollars intenté contre la
banque CIBC par des employés mécontents
d’avoir fait des heures supplémentaires
gratuitement. La décision vient toutefois
d’être portée en appel.
Emmanuelle Rolland, avocate chez Borden
Ladner Gervais, répertorie t rois autres
recours collectifs du même ordre au pays,
soit les cas de E. Care Contact, de la
Banque Scotia et du CN. Pour elle,
l’influence américaine est claire.
« Aux États-Unis, ce type de recours existe
depuis plusieurs années, ditelle. Il s’agit
d’une véritable épidémie : des milliers
d’employeurs en sont la cible. »
Selon Stat i st ique Canada, l es Canadiens
sont davantage susceptibles de faire des
heures supplémentaires non payées (11,4 %)
que payées (10,1 %).
Au Québec, la Loi sur les normes du travail
stipule que la semaine de 40 heures ne
s’applique pas aux cadres, qui n’ont donc
pas droit au paiement de leurs heures
supplémentaires. Selon le Conference Board,
une partie du problème vient justement des
entreprises qui définissent mal quels
employés sont admissibles aux heures
supplémentaires. Ménage et clarifications
sont en cours à plusieurs endroits.
« Les entreprises mettent beaucoup d’efforts
actuellement à réviser leur politique
relative aux heures supplémentaires et à la
redéfinir », dit Michael Bloom, du
Conference Board.
Revenu Canada veut forcer les banques à
collaborer - Francis Vailles
Pour pouvoir imiter les ÉtatsUnis dans l ’ a
f f a i r e UBS, Revenu Canada veut obliger
les banques faisant affaires au Canada à lui
divulguer tous les comptes des contribuables
canadiens ouverts à l’étranger.
Cette
mesure musclée fait partie d’une série de
moyens que souhaite prendre l’Agence du
revenu du Canada pour contrer l’évasion
fiscale, a dévoilé à JeanPierre Blackburn,
ministre du Revenu national. Les moyens
ciblés par le fisc doivent recevoir
l’assentiment du ministère des Finances et
nécessitent des changements législatifs.
Ces outils sont réclamés dans la foulée de
l’affaire de la banque suisse UBS. Cette
semaine, le département de la Justice
américain a réussi à s’entendre avec UBS, un
des principaux gestionnaires de fortunes
privées du monde.
En vertu de l’entente, UBS devra fournir au
fisc américain des détails sur 4450 comptes
bancaires que des contribuables américains
auraient ouverts en Suisse pour éluder le
paiement d’impôts. Le fisc américain estime
qu’il y a 18 milliards US dans ces comptes.
Le Canada n’a pas conclu une telle entente
avec UBS, n’ayant pu obtenir le témoignage
d’aucun dénonciateur, contrairement au fisc
américain. Revenu Canada a toutefois reçu
récemment les déclarations volontaires de
sept Canadiens qui ont placé des fonds en
Suisse, d’un montant indéterminé, nous dit
M. Blackburn. Le Ministère rencontrera
bientôt les représentants d’UBS. « Dans le
cas des paradis fiscaux, on a de la
difficulté à bien accomplir notre mission en
raison des lois actuelles qui nous limitent
dans nos actions », dit M. Blackburn.
Revenu Canada a besoin de six nouveaux
outils pour mieux connaître ceux qui
omettent de déclarer leurs revenus gagnés à
l’étranger. À la fin mai, ces mesures ont
été réclamées au ministère des Finances, Jim
Flaherty, dans une lettre que nous avons
obtenue. Pour aller de l’avant, le ministre
des Finances devra proposer des amendements
législatifs à la Chambre des communes.
Transferts de fonds
En ce qui concerne les banques faisant
affaires au Canada, Revenu Canada réclame
qu’elle divulgue tous les comptes des
Canadiens dans leur succursale à l’étranger,
nouveaux et existants.
L’Agence
demande également d’avoir accès aux
renseignements Centre d’analyse des
opérations et déclarations financières du
Canada (CANAFE). Ce Centre reçoit notamment
les déclarations des institutions
financières pour toutes transactions de plus
de 10 000 $ en espèces ou pour tout virement
électronique à l’étranger de plus de 10
000$.
En vertu des lois actuelles, le CANAFE peut
transmettre à Revenu Canada les transferts
financiers des Canadiens s ’ i l y a des
soupçons de blanchiment d’argent ou de
financement d’activité terroriste ou encore
s’il y a des indicateurs de fraude fiscale.
L’Agence du revenu réclame maintenant
l’accès à tous les renseignements.
Autre requête de l’Agence : que soit
prolongé le délai qui lui est accordé pour
recotiser un contribuable dans un dossier
impliquant des fonds à l’étranger.
Actuellement, le fisc dispose de trois ou
quatre ans pour récla mer son dû au
contribuable qui a omis de déclarer certains
revenus.
Comme les dossiers internationaux sont plus
complexes, explique M. Blackburn, Revenu
Canada veut que la loi lui accorde six ans
pour recotiser les particuliers et les
entreprises privées qui ont fait de
l’évasion fiscale à l’étranger et sept ans
pour les entreprises inscrites en Bourse.
Les trois autres outils réclamés par le fisc
concernent les échanges de renseignements
avec les paradis fiscaux et les conventions
fiscales avec les pays étrangers.
Entre autres, le fisc demande que le Canada
« poursuive de façon agressive » les accords
d’échange de renseignements avec l es
paradis f i s c aux. L’Agence veut que le
Canada profite « des événements
internationaux récents (qui) ont changé la
dynamique (…) et qui ont permis à plusieurs
pays de l’OCDE de s’engager dans des accords
d’échange de renseignements avec un nombre
grandissant de paradis fiscaux », est-il
écrit dans la lettre de l’Agence.
Jean-Pierre Blackburn dit prendre les
paradis fiscaux au sérieux. Il attend une
réponse du ministre Flaherty d’ici quelques
semaines, qui devra notamment tenir compte
de la Charte des droits et libertés et de la
Loi sur la protection de la vie privée.
COMMERCE ÉLECTRONIQUE
Le fisc « s’en vient » - Hugo
Fontaine
«
Notre but n’est pas d’aller chercher 32,64
$, mais vraiment ceux qui font du commerce.
»
Les Canadiens qui vendent beaucoup sur
l’internet, mais sans toujours en déclarer
les bénéfices, devront se ranger : le fisc
entend prendre la part des revenus qui lui
revient.
Après une joute juridique avec eBay Canada
qui a commencé en 2006, l’Agence du revenu
du Canada (ARC) a mis la main en novembre
dernier sur une liste de 5000 noms de
Canadiens qui ont fait des ventes
substantielles sur le site de vente en ligne
en 2004 et 2005. Elle met maintenant en
marche le processus de vérification.
Le f i sc l aisse un mois de grâce à ceux
qui n’auraient pas déclaré leurs revenus.
Ils peuvent se reprendre pour s’assurer
d’être en règle sur le plan des impôts.
L’ARC déclenchera à la fin de l’été une
série de vérifications sur la base des
informations reçues d’eBay. Ceux qui
n’auront pas payé leur juste part d’impôts
s’exposent à des pénalités et d’éventuelles
poursuites judiciaires. « Si vous n’avez pas
déclaré vos impôts dans les années
antérieures, c’est peut-être le temps de le
faire », souligne le ministre du Revenu
national, Jean-Pierre Blackburn, en entrevue
à La Presse Affaires.
« On s’en vient »
Pour l’instant, les personnes visées par le
fisc ne sont que celles qui ont possédé en
2004 et 2005 le statut de PowerSeller sur
eBay. Il s’agit de vendeurs qui génèrent en
moyenne au moins 1000 $ US de ventes
mensuelles et qui maintiennent un taux
d’évaluation positive de plus de 98 %.
«
Notre but n’est pas d’aller chercher 32,64$,
mais vraiment ceux qui font du commerce »,
dit le ministre, qui entend poursuivre dans
cette voie.
« On a demandé à la cour d’avoir les
autorisations pour 2004-2005, il y a un
précédent qui est là, et maintenant, on va
aller plus loin. »
« On s’en vient », a-t-il ajouté un peu plus
tard, en précisant que l’ARC demanderait à
eBay et à d’autres sites des listes de
vendeurs pour les années les plus récentes.
Le ministre n’était pas en mesure d’indiquer
combien le gouvernement estimait perdre en
impôts dans les mailles du commerce
électronique. Mais on sait que les
transactions électroniques des Canadiens
s’élèvent à environ 5 milliards US par
année, dont plus de 1 milliard sur eBay.
La
Cour fédérale avait accordé en 2006 le droit
d’obtenir les i nformations d’eBay Canada
sur les PowerSellers. « L’idée, c’était de
bien faire reconnaître par la Cour que si
vous faites du commerce électronique, les
revenus doivent aussi être déclarés à
l’impôt », note le ministre Blackburn.
L’entreprise avait porté la décision en
appel « pour la défense du droit à la vie
privée de ses membres », a-t-elle rappelé
dans une déclaration envoyée à La Presse
Affaires. Elle avait mis de l’avant le fait
que les informations n’étaient pas
conservées au Canada, mais dans les
ordinateurs du siège social d’eBay aux
États-Unis.
La Cour d’appel fédérale n’a pas retenu les
arguments d’eBay et a confirmé la décision
initiale en novembre dernier. eBay a dû
fournir les listes demandées. L’entreprise a
rappelé à ses membres qu’ils étaient «
responsables de suivre les lois et
réglementations des activités en ligne ».
Le site eBay Canada confirme qu’il n’a reçu
aucune autre requête d’information de la
part de l’ARC.
TRAVAIL AU NOIR Des « lacunes » à Revenu
Canada - Vincent Brousseau-Pouliot
Le
fisc canadien admet avoir plusieurs « lacunes
» dans sa lutte contre le travail au noir. Il
choisit mal ses dossiers, recueille peu de
renseignements auprès des banques et d’autres
sources, éprouve des problèmes de
communication entre ses équipes et analyse peu
le rythme de vie des contribuables soupçonnés
de travailler au noir, selon un rapport
interne daté de décembre dernier obtenu par La
Presse Affaires.
Au nombre des critiques formulées à l’égard
de l’Agence du revenu du Canada (ARC), la
principale lacune reste la sélection des
dossiers à risque élevé de travail au noir.
Selon le rapport interne de l’ARC, le fisc
devrait avoir une « approche plus centrée
qui appuie la nature particulière des
vérifications » des dossiers de travail au
noir.
« Les processus et les contrôles peuvent
être améliorés afin de détecter et de
sélectionner les dossiers à risque élevé
(...). Les évaluations des risques (...)
n’ont pas été menées systématiquement et
aucune méthode comparative pour l’évaluation
des secteurs n’a été établie », écrit-on
dans le rapport, qui s’appuie sur une
évaluation interne de 253 dossiers de
travail au noir entre 2004 et 2007.
« L’Agence effectue du travail sérieux. Elle
est toujours en train de se remettre en
question et d’améliorer ses façons de faire.
La vérification traditionnelle a atteint ses
limites dans la lutte contre le travail au
noir. Il faut être plus inventif. »
Durant l ’a nnée f i nancière 2007-2008, l’A
RC a récupéré 150 millions de dollars de
plus en impôts grâce à ses enquêtes sur
l’économie clandestine.
Outre de mieux choisir ses dossiers, le
rapport interne de l’ARC suggère au fisc
d’utiliser des techniques de vérification
plus modernes afin de lutter contre le
travail au noir. À titre d’exemple, 68 % des
dossiers ne comportent pas d’analyse du
train de vie des contribuables soupçonnés de
t ravai l ler au noir. Dans 30 % des
dossiers, l e cont r i buable n’est même pas
rencontré. Seulement 15 % des dossiers font
l’objet d’une demande de renseignements ba
nc a i r e s , qu i per met de mieux évaluer
les avoirs d’un contribuable.
Même si l’ARC a des « lacunes » sur
plusieurs aspects de sa vérification du
travail au noir – la sélection des dossiers,
les outils et techniques de vérification, la
communication entre les vérificateurs et les
agents de recouvrement –, le rapport
souligne que le fisc a fait des « progrès
raisonnables » depuis sa dernière évaluation
interne en 2004. Notamment, 18 des 28
recommandations formulées en 2004 ont été
complètement réalisées après quatre ans.
« L’Agence effectue du travail sérieux. Elle
est toujours en train de se remettre en
question et d’améliorer ses façons de faire.
La vérification traditionnelle a atteint ses
limites dans la lutte contre le travail au
noir. Il faut être plus inventif. C’est un
work in progress », dit le ministre du
Revenu du Canada, J e a n-P i e r r e Blac
kburn, e n entrevue à La Presse Affaires.
Le
ministre c onservateur assure que l’ARC a
déjà commencé à mieux cibler les secteurs
susceptibles d’être touchés par le travail
au noir dans sa sélection de dossiers à
vérifier. « Nous sommes en train d’évaluer
les sous-secteurs de l’économie (où le
travail au noir est plus répandu), dit le
ministre Blackburn. Nous avons toujours en
tête la construction et le tourisme, mais
nous avons aussi effectué des visites
d’information auprès des producteurs de
sirop d’érable. Dans le secteur de la
restauration, une entreprise à Vancouver a
inventé un zapper, mais nous venons de
trouver un logiciel pour découvrir les gens
qui l ’utilisent. C’est fondamental de
communiquer ces informations aux gens afin
qu’ils soient au courant qu’ils vont se
faire prendre s’ils utilisent ce nouveau
zapper. »
En 1997, le vérificateur général du Canada
estimait que l ’économie cla ndest i ne
représentait de 3 % à 20 % de l’économie du
pays, souligne le ministre Blackburn. Selon
le scénario le plus modéré, le travail au
noir génère des revenus de 48 milliards de
dollars cette année au Canada. Le
gouvernement fédéral prévoit faire un
déficit de 50 milliards cette année.
L’ARC consacre 8 % de son budget de
vérification, soit 60 millions de dollars en
2007-2008, dans sa lutte contre le t r avail
au noir. L’agence affirme que 1028 des 45
000 employés de l’ARC sont affectés à la
lutte contre le travail au noir. Durant
l’année financière 2007-2008, l’ARC a traité
11 394 dossiers de travail au noir,
découvrant des revenus non déclarés de 575
millions de dollars et établissant des
cotisations d’impôt supplémentaires de 150
millions de dollars.
L’ARC a été incapable hier de fournir le
montant des cotisations d’impôt
supplémentaires récoltées au cours des
années antérieures. Le fisc canadien compte
un programme de vérification spécifique au
travail au noir depuis 1993.
PLANIFICATIONS FISCALES AGRESSIVES Le milieu des
affaires se rebiffe
Le
milieu des affaires réagit fortement à
l’intention de Québec d’encadrer plus
sévèrement les planifications fiscales
agressives (PFA), qui respectent la lettre
de la loi, mais pas son esprit.
La plupa r t des mémoi r es déposés auprès
du ministère des Finances dans le cadre de
la consultation menée plus tôt cette année
s’opposent en tout ou en partie aux
propositions mises de l’avant par le
gouvernement dans son Livre vert sur la
question.
S’inspirant des régimes fiscaux américain et
britannique, Québec propose notamment
d’obliger les entreprises à divulguer
rapidement les opérations ou les
arrangements auxquels elles recourent pour
payer moins d’impôt. Si elles s’abstenaient
de faire une déclaration, elles
s’exposeraient à des pénalités allant de 10
000$ à 100 000$.
Le gouvernement vise plus particulièrement
les transactions confidentielles, les
opérations qui procurent une « rémunération
conditionnelle au résultat » (économie
d’impôt) à des conseillers fiscaux ou à des
promoteurs, de même que les « produits
fiscaux prêts à l’emploi ».
Les cabinets comptables Deloitte et
PricewaterhouseCoopers, l’Ordre des
comptables agréés et celui des CGA, de même
que l’Institut des cadres fiscalistes,
l’Association canadienne d’études fiscales,
l’Association de planification fiscale et
l’Association du barreau canadien estiment
tous que les mesures de divulgation
proposées ratissent trop larges. À divers
degrés, ces organisations pressent Québec
d’en restreindre l’application, à l’égard
notamment d’opérations fiscales «
routinières » ou liées à la bonne marche des
affaires.
Mais c’est la Fédération des chambres de
commerce du Québec ( FCCQ), sous la plume de
sa présidente-directrice générale, Françoise
Bertrand, qui mène la charge la plus
virulente: selon l’organisme, l’approche
préconisée par le gouvernement « apparaît
déconnectée de la réalité concurrentielle et
de la pratique courante ».
Comme les gouvernements réussissent
régulièrement à débusquer des PFA, on
soutient majoritairement que le système
actuel fonctionne adéquatement.
ANALYSE DU CONFERENCE BOARD L’économie
canadienne à la traîne parmi les pays riches
«
Nous ne pouvons tenir pour acquis que le Canada se
tirera mieux de la récession que les autres, car
il continue d’accuser un retard pour les
indicateurs clés d’une croissance économique
durable. »
— Le Conference Board du Canada accorde de nouveau
une note B au Canada pour sa performance
économique en 2008 et le 11e rang, soit dans le
peloton de queue, parmi les 17 pays les plus
riches du monde.
Dans le volet « économie » de son a nalyse
comparative publiée sous le titre « Les
performances du Canada : Bilan comparati f » , l
’organisme de recherche économique i ndique que la
position relative du Canada n’a pas changé en 2008
malgré une augmentation du taux de chômage, une
baisse du revenu par habitant, un ralentissement
de la croissance du produit intérieur brut ( PIB)
et une diminution de la productivité de la
main-d’oeuvre.
La note que l e Canada a obtenue r end compte de s
a performance à l’égard de huit indicateurs
économiques, soit l ’ i nf lation, l a c roissance
du PIB, le revenu par habitant, la croissance de
la productivité de la main-d’oeuvre, le chômage,
la croissance de l’emploi et l ’ i nvestissement
étra nger direct ( I ED) entrant ainsi que
l’investissement étranger direct sortant.
Le Canada a conservé une note globale de B, malgré
six C, en raison d’un A pour l’inflation, d’un B
pour la croissance du PI B et de C relativement
élevés qui ont fait monter sa moyenne en
comparaison de celle d’autres pays aux notes plus
disparates. Le Canada a aussi augmenté sa part des
I ED sortants de l’ensemble des pays comparés en
proportion de sa part du PIB de l’ensemble des
pays comparés, ce qui l’a fait monter dans le
classement.
Le Conference Board explique en outre dans son
étude que le 11e rang occupé par le Canada
signifie qu’il reste plutôt à la queue des pays
comparés.
« Par exemple, la Norvège, en tête du palmarès,
a un revenu pa r habit a nt s upérieu r au
Canada de presque 9200 $ US. Nous ne pouvons
tenir pour acquis que le Canada se tirera mieux
de la récession que les autres, car il continue
d’accuser un retard pour les indicateurs clés
d’une croissance économique durable. »
La première place au palmarès revient donc à la
Norvège, s uivie de l a Suisse e t des Pays-Bas.
Les États-Unis arrivent huitièmes et l a France
neuvième. L’ I rlande, qui était au premier rang
pour 2007, a r r ive au dernier rang pour 2008.
L e Conference Boa r d publie « Les performances
du Canada : Bilan comparatif » tous les ans
depuis 1996.
La catégorie de l’économie est l’une des six
dont se sert le Conference Board pour comparer
le Canada à 16 autres pays développés. Les
résultats dans les autres catégories, soit la
santé, la société, l’innovation, l’environnement
et l’éducation et les compétences, seront mis à
jour plus tard cette année.
REVENU RÉEL Les Canadiens rattrapent
les Américains - Rudy le Cours
Le
gain canadien est attribuable à des augmentations
de salaire plus substantielles, à une plus forte
création d’emplois et à une meilleure distribution
sectorielle des nouveaux emplois.
Enmoinsdecinqans, lesCanadiens ont rattrapé un
retard creusé pendant une quinzaine d’années avec
les Américains en ce qui concerne le revenu
disponible réel (RDR) par personne.
Et au sortir de la présente récession, tout
indique que le rattrapage canadien se transformera
en avantage net, car le retour à la croissance
reposera surtout sur les produits de base et les
denrées dont le Canada est grand producteur et
exportateur.
La toute récente étude menée par Benjamin Tal,
économiste chez CIBC, montre que le RDR – soit le
revenu après impôt – a grimpé de 1300$US, aux
États-Unis depuis 2005, alors qu’il a bondi du
double au Canada, exprimé en monnaie locale.
« Si on mesure les deux progressions en dollars
canadiens, on constate que le RDR au Canada par
rapport à celui des États-Unis est revenu à la
proportion du début des années 90. »
À l ’ époque , le RDR des Canadiens correspondait
à un peu plus de 80% de celui des ÉtatsUnis. Au
début de la décennie, il ne correspondait plus
qu’à 56% car le dollar canadien n’a pas arrêté de
se déprécier durant toute la période.
Depuis cinq ans, les Américains doivent surtout
l’amélioration de leur RDR à un fardeau fiscal
moins lourd, une embellie qui ne saurait
perdurer avec les déficits budgétaires actuels
de l’administration Obama.
M. Tal fait ressortir que le gain canadien est
plutôt attribuable à des augmentations de
salaire plus substantielles, à une plus forte
création d’emplois et à une meilleure
distribution sectorielle des nouveaux emplois.
Aux ÉtatsUnis, le nombre d’emplois bien
rémunérés a diminué de 4%, alors qu’il a grimpé
de 4,5% auCanada. Bref, la croissance de
l’emploi était moins concentrée dans les macjobs
de ce côté-ci de la frontière.
M. Tal reconnaît enfin que la présente récession
a fait reculer de 2% le RDRauCanada, mais cela
ne saurait faire oublier l’élan des dernières
années stimulé par le boom du prix des
ressources en voie de terminer sa correction. «
Cela suggère que dans l’après-récession, les
Canadiens vont continuer de toucher des chèques
de paye plus gros que leurs voisins du Sud. »
Cela paraît d’autant plus vrai que
l’augmentation de la population mondiale de 70
millions de personnes par année stimulera la
production céréalière et l’utilisation massive
d’engrais, selon un récent rapport d’Angelo
Katsoras, et de Pierre Fournier, associé
principal et analyste géopolitique à la
Financière BanqueNationale. Or, le Canada est
troisième exportateur de céréales mondial
derrière les États-Unis et l’Europe des 27. Qui
plus est, il dispose de 6% des réserves d’eau
potable, alors que sa population ne représente
que 0,5% de l’humanité. « Attendons-nous à un
transfert de la production agricole dans les
pays qui détiennent des surplus d’eau »,
prédisent les auteurs. Cela est d’autant plus
probable que le Canada est aussi un très grand
producteur de potasse, l’engrais le plus
recherché.
L’analysteDonCoxedeChicago, rattaché à BMO
Marchés des capitaux, croit que la croissance du
prochain cycle sera dominée par le Brésil, la
Chine et l’Inde, ce qui avantage des producteurs
de ressources comme l’Australie et le Canada. «
Leurs économies et leurs marchés boursiers sont
les gagnants patents de la croissance soutenue
de la demande de produits de base tributaire de
la forte expansion des trois grandes puissances
émergentes », prétendil dans la dernière
livraison de sa circulaire Basic Points.
C’est sans doute vrai, mais la reprise n’est pas
encore là, prévient l’équipe d’économistes de
Desjardins. Nous traversons plutôt les derniers
moments de la récession. « Au Canada, plusieurs
signaux pointent vers une reprise, notent-ils
dans le dernier numéro du Point de vue
économique. Ceux-ci ne garantissent pas quand
elle aura lieu : peut-être dans trois mois,
peut-être dans neuf mois. »
TRANSACTION DU CANADIEN DE MONTRÉAL
GILLETT NE PAIERA PAS D’IMPÔT AU CANADA -
Francis Vailles
TRANSACTION DU CANADIEN DE MONTRÉAL La
stratégie fiscale privera les gouvernements
d’environ 63 millions de dollars
EXCLUSIF
George Gillett a réalisé un i mportant gain
en vendant le Canadien de Montréal, mais
tout indique qu’il ne paiera pas un cent
d’impôt au Canada sur cette transaction.
Selon deux sources, les frères Molson et
leurs partenaires ont finalement offert 633
millions CAN pour mettre la main sur l’avoir
de M. Gillett. La transaction comprend 100 %
du Centre Bell et 80,1 % du Canadien et du
Groupe spectacles Gillett (les 19,9 %
restant ont toujours appartenu à la
brasserie Molson-Coors).
D’après trois fiscalistes, la structure
juridique des entreprises de M. Gillett est
telle qu’elle lui permet, en toute légalité,
d’être dispensé d’impôt au Canada.
La
stratégie fiscale privera les gouvernements
d’environ 63 millions de dollars.
À proprement parler, George Gillett n’a pas
vendu le Canadien et le Centre Bell, a-t-on
appris, mais la société en commandite qui
détient ces deux entités. Dans un tel cas,
le gain en capital est imposé entre les
mains des commanditaires de la société
vendeuse selon leur lieu de résidence. Les
commanditaires sont les membres de la
famille Gillett, essentiellement, qui
résident aux États-Unis.
Les fiscalistes Claire Laplante, de la firme
Samson Bélair, Éric Labelle, de Raymond
Chabot, et André Lareau, de l’Université
Laval, sont unanimes. « Si l’on se fie au
paragraphe 13 (4) de la Convention fiscale
Canada-ÉtatsUnis, George Gillett ne paiera
aucun impôt sur le gain en capital de cette
transaction à la condition que la portion
immobilière (le Centre Bell) ait une valeur
i nférieure à 50 % de la transaction », nous
explique Claire Laplante, associée en
fiscalité internationale de Samson Bélair
Deloitte& Touche.
Cette condition devrait être aisément
respectée. Dans son litige avec George
Gillett, la Ville de Montréal attribue une
valeur maximale de 225 millions au Centre
Bell, ce qui équivaut à seulement 35% des
633 millions de la transaction.
En 2001, George Gillett avait payé 150
millions pour mettre la main sur les 80,1%
du Canadien, en plus de 100 millions pour le
Centre Bell, soit un total de 250 millions.
Le prix payé par les Molson, estimé à 633
millions, équivaudrait donc à un gain en
capital de 383 millions pour la famille
Gillett.
Au Canada, le gouvernement fédéral et les
provinces imposent la moitié du gain en
capital. Le taux d’imposition est de 19 % au
fédéral, de 11,9% au Québec et de 14% en
Ontario. Le taux combiné fédéral-provincial
oscille donc entre 30,9% et 33% selon le
lieu d’imposition (le Canadien est notamment
détenu par un holding ontarien).
Autrement dit, la famille Gillett est
dispensée d’une facture d’impôt canadienne
de quelque 63 millions, selon nos
renseignements.
Nous
avons fait part de nos constatations
fiscales au club de hockey et demandé de
parler à M. Gillett à ce sujet, sans succès.
« Il n’y aura aucun commentaire de George
Gillett ou de l’organisation du Canadien
tant que le processus de vente ne sera pas
complété », a déclaré le porte-parole du
Canadien, Dominique Saillant.
Des impôts aux États-Unis ?
Le f i scaliste Éric Labelle, de Raymond
Chabot Grant Thornton, n’est pas outré par
cette manoeuvre fiscale. Certes, le gain de
M. Gillett ne sera pas imposé au Canada,
mais il le sera aux États-Unis.
Ensuite, la disposition de la convention
fiscale Canada-ÉtatsUnis s’applique autant
dans un sens que dans l’autre, rappellet-il.
Par exemple, si Bombardier vend une
entreprise américaine, elle sera dispensée
de l’impôt aux États-Unis sur le gain en
capital, à certaines conditions, mais devra
payer son dû au Canada. « C’est ainsi que ça
fonctionne dans la plupart des pays »,
dit-il.
Aux États-Unis, donc, le gain avec la vente
Canadien devrait être imposé selon le lieu
de résidence des commanditaires de la
société vendeuse. Ces commanditaires sont
George Gillett et ses quatre fils, de même
que Jeffrey Joyce, nous indique le registre
des entreprises du Québec.
George Gillett père déclare être résidant du
Wyoming ou de l’Idaho, selon deux documents
publics de 2009. Dans l’État du Wyoming, il
n’y a aucun impôt sur le gain en capital ;
seul l’impôt fédéral de 15% s’applique. En
Idaho, au Colorado et en Géorgie, où
résident les autres commanditaires, le taux
d’imposition combiné fédéral-État oscille
entre 18 et 20%.
Il n’est pas clair, cependant, si un impôt
sera réellement payé. En effet, aux
États-Unis, un gain en capital peut être
ramené à zéro si un contribuable a accumulé
d’autres pertes par ailleurs, explique
Claire Laplante. Les pertes admissibles
peuvent parfois remonter aux 15 ou 20 années
dernières.
Sachant les difficultés que connaît George
Gillet avec son club de soccer de Liverpool,
au Royaume-Uni, et son écurie Gillett
Evernham Motorsports, de la série Nascar, il
n’est pas impossible que soit annulé l’impôt
sur le gain du Canadien.
CENTRE BELL Pas de « taxe de
bienvenue » pour les Molson -
Francis Vailles
Non
seulement George Gillett sera dispensé
d’impôt au Canada, mais la transaction du
Canadien devrait permettre à la famille
Molson et ses partenaires de ne pas payer de
« taxe de bienvenue » sur le Centre Bell.
L’économie serait d’environ 3,4 millions de
dollars. En 2001, lorsqu’il a
acquis l’amphithéâtre et le club de
hockey, George Gillett avait donné une
valeur de 100 millions au Centre Bell.
Aujourd’hui, la Ville estime que
l’immeuble vaut 225 millions aux fins du
rôle foncier triennal 2007-2009.
Cette économie est possible parce qu’en
fait, ce ne sont pas le Centre Bell et le
Canadien qui ont été vendus, mais la société
qui les détient. Or, dans un tel cas, la Loi
sur la fiscalité municipale est claire :
aucun droit de mutation immobilière ne doit
être prélevé.
Le droit de mutation est le nom légal pour
ce qui est communément appelé la « taxe de
bienvenue ». Selon la croyance populaire, le
terme Bienvenue a été donné en l’honneur du
ministre du Revenu sous Robert Bourassa,
Jean Bienvenue. Mais c’est en fait par
ironie que l’on donne ce nom.
« Ce qui déclenche le paiement d’un droit de
mutation, c’est l’enregistrement d’un acte
de vente de la propriété au bureau de la
publicité des droits. Lorsque ce sont les
actions de l’entreprise qui détient
l’immeuble qui sont vendues, il n’y a pas
d’acte au bureau, donc pas de droit de
mutation », nous a expliqué Gilles Fafard,
avocat chez DeGrandpré Chait
Selon Me Fafard, cette constatation ne fait
pas de doute. « C’est spectaculaire parce
que c’est le Centre Bell, mais c’est comme
ça que s’acquièrent généralement des
entreprises qui détiennent des immeubles »,
dit-il.
La
vente du Canadien et du Centre Bell, qui
s’élève à 633 millions CAN selon nos
informations, pose un autre défi aux
autorités municipales. Quelle valeur les
parties attribuent-elles au Centre Bell
dans cette affaire ? La question est
sensible, puisque le Centre Bell est en
litige avec la Ville de Montréal sur la
valeur de l’aréna. En 2001, lorsqu’il a
acquis l’amphithéâtre et le club de
hockey, George Gillett avait donné une
valeur de 100 millions au Centre Bell.
Aujourd’hui, la Ville estime que
l’immeuble vaut 225 millions aux fins du
rôle foncier triennal 2007-2009.
Ni George Gillett ni le clan Molson n’a
intérêt à ce que l’immeuble vaille
beaucoup. Pour les Molson et leurs
partenaires, une forte valeur signifierait
un compte d’impôt foncier important. Et
pour George Gillett, un immeuble qui
aurait une trop forte valeur pourrait
l’obliger à payer des impôts au Canada sur
le gain en capital (voir autre texte en
une du cahier).
Selon une source, la valeur de la
transaction pourrait varier en fonction
des résultats de ce litige municipal, mais
aussi en fonction du cours des devises. En
janvier, le tandem George Gillett-Tom
Hicks devait 313 millions de livres
sterling à la Royal Bank of Scotland pour
le club de soccer Liverpool FC, ce qui
équivalait à environ 560 millions CAN.
Comme George Gillet détient la moitié de
cette équipe, sa part due à la Scotland
est évaluée à quelque 280 millions CAN.
350 millions de dettes
Par ailleurs, l’offre de 633 millions des
frères Molson et leurs partenaires
comprend la prise en charge de la dette
cumulée par le Canadien, le Centre Bell et
le Groupe spectacles Gillett. Cette dette
s’élève à quelque 350 millions, selon nos
informations.
Au net, c’est donc quelque 283 millions
CAN de fonds additionnels que devra verser
le clan Molson pour acquérir le club de
hockey et ses affiliés. Cette somme
correspond au montant dû par M. Gillett à
la Royal Bank of Scotland.
Les sociétés étrangères paient
moins d’impôts
Les multinationales étrangères qui
investissent au Canada sont beaucoup moins
imposées que leurs concurrentes en sol
canadien. Voilà l’une des aberrations
relevées dans une étude de deux éminents
chercheurs.
L’étude, rendue publique récemment, a été
commandée dans la foulée d’une politique de
lutte contre les paradis fiscaux du ministre
fédéral des Finances, Jim Flaherty. Pour
analyser la situation, le ministre a formé
un comité d’experts venu du secteur privé,
appelé Groupe consultatif sur le régime
canadien de fiscalité internationale.
Le rapport des chercheurs Duanjie Chen et
Jack M. Mintz décortique les taux réels
d’imposition des multinationales qui font
une acquisition ou investissent au Canada.
Il constate, entre autres, que l’utilisation
de paradis fiscaux permet aux
multinationales de bénéficier de taux réels
d’imposition beaucoup plus faibles que les
entreprises canadiennes.
Par exemple, une firme du Royaume-Uni qui
fait une acquisition au Canada paiera un
taux d’imposition réel de 11,4% sur son gain
en capital, comparativement à 24,4% pour une
entreprise canadienne. Les taux sont de
10,7% pour les firmes australiennes, de
14,7% pour les entreprises allemandes et de
15,9% pour les multinationales suédoises.
Mais il y a pire: dans le cas d’une
entreprise américaine qui investit au
Canada, le taux est même négatif (-3,3%),
selon l’étude. Autrement dit,
l’investissement au Canada est fiscalement
payant pour une firme américaine!
Alcan, Inco, le Canadien...
Même si elle ne mentionne aucun cas
particulier, l’étude donne froid dans le dos
quand on pense aux nombreuses firmes
canadiennes qui sont passées en mains
étrangères ces dernières années.
À
ce titre, mentionnons Alcan, Inco ou même le
Canadien de Montréal. Dans de tels cas, des
entreprises canadiennes qui auraient voulu
surenchérir se seraient probablement battues
avec des armes fiscales inégales.
Cette différence dans les taux est possible
grâce à l’utilisation d’un stratagème qui
permet aux multinationales de déduire deux
fois les intérêts d’un emprunt contractés
pour investir. Le stratagème de double
déductibilité des intérêts utilise
généralement un paradis fiscal. Les auteurs
ont basé leurs exemples sur des i
nvestissements réalisés par l’entremise de
la Barbade, des Pays-Bas, de Hong-Kong et de
la Suisse.
Dans le milieu de la fiscalité, néanmoins,
certains f iscalistes nous ont expliqué que
cette double déductibilité est possible même
sans utiliser un paradis fiscal.
En mai 2007, le ministre des Finances, Jim
Flaherty, avait clairement indiqué son
intention de mettre fin à cette «
échappatoire fiscale ». Un article de loi
(18.2) avait même été adopté à cette fin.
Toutefois, le ministre s’est finalement
rangé aux conclusions du Groupe consultatif
et abrogé l’article 18.2 dans son budget de
janvier dernier.
Selon l es c onclusions du Groupe, cet
article aurait nui aux multinationales qui
investissent hors Canada par rapport à leurs
concurrentes étrangères.
D’ailleurs, l’étude note que la double
déductibilité permet de réduire
significativement le taux d’imposition sur
le gain en capital des multinationales
canadiennes à l’étranger. Par exemple, pour
un investissement aux États-Unis, ce taux
passe de 31% à quelque 16,8%.
Ce taux de 16,8 % est inférieur à celui des
multinationales anglaises ( 17 %),
allemandes (19,9 %) ou suédoises (21,3 %),
mais supérieur à celui des australiennes
(15,4%).
Ce niveau d’i mposit i on à l’étranger amène
un autre constat troublant : les entreprises
canadiennes ont avantage à investir à
l’étranger plutôt qu’au Canada.
L’utilisation de la double déductibilité et
des paradis fiscaux ramène en effet les taux
sous le niveau canadien (24,4%).
C’est le cas des investissements faits au
Royaume-Uni ( 7 %), au Brésil ( 20,2 %), aux
États-Unis (16,8 %) et même en France (21,8
%). En Irlande, le taux devient négatif
(-22%), tandis qu’il est supérieur en Chine
(34,1%).
En fait, disent les chercheurs, pratiquement
tous les pays vivent cette distorsion que
créé la double déductibilité des intérêts.
Les auteurs avertissent que le stratagème «
confère des avantages fiscaux à des
entreprises qui ne sont pas nécessairement
les plus efficientes sur le plan économique
».
Le problème, c’est qu’il est très difficile
de faire autrement et de créer des règles
équitables « puisqu’aucun gouvernement n’a
de contrôle sur ce que font les autres pays
».
Jack Mintz est celui qui avait sonné
l’alarme sur la double déductibilité en
1997. À l’époque, le rapport du groupe qu’il
présidait concluait qu’il fallait éliminer
la double déductibilité au Canada. Cette
fois, les auteurs ne prennent pas position,
mais notent que la réduction des taux
d’imposition des sociétés au Canada d’ici
2012 aidera à diminuer les distorsions. Les
iniquités demeureront tout de même «
considérables », concluent-ils.
LUTTE CONTRE LA CORRUPTION Le
Canada accusé de traîner les pieds -
Marc Thibodeau
Les
firmes canadiennes qui versent des
pots-de-vin dans le but de s’assurer des
contrats à l’étranger n’ont guère à craindre
les poursuites.
C’est du moins ce que suggère Transparency
International dans un rapport qui écorche la
manière dont Ottawa veille à l’application
d’une convention de l’Organisation de
coopération et de développement économique
(OCDE) interdisant la corruption de
fonctionnaires étrangers.
Le Canada, indique l’organisation dans un
nouveau rapport, figure dans une liste de
pays signataires de la convention qui font «
peu ou pas » d’efforts pour la faire
respecter. Tous les autres membres du G8,
qui se réunit demain en Italie, l’appliquent
« modérément » ou « activement ».
Les États-Unis et l’Allemagne, qui
comptaient plus de 100 poursuites et plus de
100 enquêtes en cours à la fin de 2008,
sont, de loin, les pays les plus zélés dans
ce domaine.
Le Canada, à titre indicatif, ne comptait
qu’une poursuite et une enquête en cours à
la fin de l’année dernière.
Une firme canadienne, Hydro Kleen, a déjà
été condamnée à une amende de 25 000$ pour
avoir versé un pot-de-vin à un douanier
américain. Une autre firme pétrolière
faisait l’objet d’une enquête pour avoir
présumément tenté de corrompre des
fonctionnaires au Bangladesh.
Transparency International, qui produit
chaque année un rapport de suivi
relativement à la convention, souligne, dans
une note positive, que le pays s’est doté de
deux unités anticorruption au sein de la
Gendarmerie royale du Canada pour agir à ce
sujet.
Un geste salué
L’organisation salue par ailleurs
l’introduction de modifications législatives
visant à rendre possible la poursuite de
ressortissants canadiens qui réalisent des
actes de corruption à l’étranger. La loi se
limitait jusqu’à maintenant aux infractions
commises sur le territoire national.
Le
directeur de Transparency International,
Cobus de Swardt, indique dans un
communiqué que le laxisme avec lequel
plusieurs pays appliquent les dispositions
de la convention risque de la rendre
caduque.
La lutte anticorruption est d’abord et
avant tout une question de « volonté
politique », souligne M. Swardt, qui
demande à l’OCDE de rencontrer les
ministres de la Justice des pays laxistes
pour faire bouger les choses.
Le gouvernement canadien maint i ent ,
quoi qu’en dise Transparency I
nternational , qu’il respecte entièrement
la convention.
« Le fait que le Canada a un moins grand
nombre de condamnations que dans certains
autres pays (sic) ne veut pas dire que le
Canada n’applique pas la convention », a
indiqué par courriel à La Presse un
porte-parole du ministre du Commerce
international, Stockwell Day.
L’absence officielle d’enquêtes est «
peut-être » imputable au fait que les
enquêtes en cours ne sont pas divulguées
publiquement par la GRC en vertu de la Loi
sur la protection des renseignements
personnels, a-t-il précisé.
Transparency International avait aussi
critiqué l’année dernière le Canada
relativement à la convention, relevant à
titre d’exemple l’absence d’actions
judiciaires contre des firmes présumément
impliquées dans le scandale pétrole contre
nourriture contre l’Irak.
Une commission indépendante des Nations
unies avait identifié, en 2005, plus de
2000 entreprises de toute provenance
soupçonnées d’avoir versé des commissions
illicites au régime de Saddam Hussein en
vue d’acheter du pétrole ou de vendre des
biens humanitaires (médicaments,
nourriture, etc.).
Une demi-douzaine d’entreprises
canadiennes figuraient dans la liste. Mais
aucune poursuite à leur encontre n’a été
signalée à ce jour.
Plusieurs pays ont mené des actions
vigoureuses contre des ressortissants ou
des entreprises nationales identifiées
dans le rapport. C’est le cas, en
particulier, des États-Unis, où plus d’une
dizaine de condamnations ont été obtenues.
Plusieurs entreprises importantes,
incluant Chevron, ont dû payer des
pénalités pour écarter le risque de
poursuites. Même une firme danoise,
soumise à la juridiction américaine en
raison de sa présence en Bourse
new-yorkaise, a accepté récemment de
verser une amende de plusieurs millions de
dollars.
Téléphonie mobile : Le
Canada, l’un des pays les plus chers
La Finlande,
les Pays-Bas et la Suède affichent les
prix des communications mobiles les
plus faibles de l’OCDE, tandis que les
plus élevés sont enregistrés au
Canada, en Espagne et aux États-Unis,
indique l’Organisation de coopération
et de développement économiques.
Pour un usager à la consommation
moyenne (13 heures d’appels et 600 SMS
par an), la facture oscille entre 11$
et 12 $ par mois dans les trois
premiers pays, et entre 42 $ et 53$
dans les trois derniers, selon ce
rapport, qui se base sur les tarifs
d’août 2008.
Pour une consommation faible (six
heures d’appels et environ 400 SMS par
an), le Danemark arrive en tête avec
50$ par an (4,19$ par mois), suivi de
la Finlande et de la Suède. Les
États-Unis sont là encore le plus
mauvais élève, avec une facture de
279$ par an (23$ par mois), soit cinq
fois plus qu’au Danemark.
Pour une consommation élevée (28
heures d’appels, 660 SMS), les usagers
du Danemark, des Pays-Bas et de la
Suède sont avantagés. Ceux de la
Slovaquie et surtout de l’Espagne
paient le plus cher.
P a r mi l e
s 3 0 pays de l’OCDE, la France se
situe dans la deuxième partie de la
liste (20e position pour les
consommations moyennes et grandes et
22e pour les petites).
Entre 2006 et 2008, dans la zone OCDE,
le prix des communications mobiles a
chuté de 21% pour une faible
consommation, de 28 % pour un usage
moyen et de 32% pour une consommation
élevée.
En 2007, 96,1% des habitants étaient
abonnés à la téléphonie mobile, les
Italiens en tête avec un taux de
pénétration de 151%, certains usagers
possédant plusieurs cartes SIM.
« Le déclin de la téléphonie fixe a
cependant été ralenti par le
développement de l’internet haut
débit, les usagers gardant en général
leur ligne fixe pour bénéficier de ce
service », indique l’OCDE, qui
souligne la baisse des prix
enregistrée dans ce domaine: –14 % par
an entre 2005 et 2008 pour l’ADSL et
–15 % pour le câble.
Pour la téléphonie f i xe, l’ Islande,
la Corée du Sud et le Canada affichent
les tarifs les plus faibles, tandis
que la République tchèque, la Pologne
et la Hongrie se classent en queue de
peloton. Le budget tchèque, de près de
1000$ par an, se révèle trois fois
plus important que celui d’un
Islandais.
Une jeune région encore méconnue -
MARTINE
LETARTE
« En
proportion, (le Centre-du-Québec)
est la région du Québec la plus
manufacturière. »
— Éric Lampron, économiste
d’Emploi-Québec
P lusieurs l’appellent BoisFrancs,
un vestige de l’époque où elle
formait une région avec sa voisine
d’en face, la Mauricie. PHOTOMONTAGE
LA PRESSE
Or, depuis la subdivision du
territoire, en 1997, cette région
située entre la Montérégie et
Chaudière-Appalaches s’appelle le
Centre-du-Québec et elle a ses
caractéristiques bien à elle.
D’ab ord , le Centredu-Québec est
très manufacturier.
« En fait, en proportion, c’est la
région du Québec la plus
manufacturière », indique d’emblée
Éric Lampron, économisted ’ Emploi
- Québec pour la région de
Centre-du-Québec.
Les chiffres parlent d’euxmêmes :
sur environ 100 000 e mploi s da
ns larégion, 27 000 font partie du
secteur manufacturier.
Et que fabrique-t-on au
Centre-du-Québec ? Toutes sortes
de choses ! Des produits
métalliques en passant par des
pièces de machinerie et des
meubles. Le parc industriel de
Bécancour accueille d’ailleurs
plusieurs entreprises importantes,
dont Alcoa, Aluminerie Bécancour
et Silicium Bécancour.
Une région agricole
Le Centre-du-Québec est aussi une
région agricole où on produit
beaucoup de lait, de fromage, de
viande et de produits de l’érable.
C’est aussi la championne
québécoise de la production et de
la transformation de la
canneberge.
L’A s s oc i at i on des pro -
ducteurs de canneberges du Québec
a compté que des 68 producteurs de
canneberges dans la province, 56
sont situés au Centre-du-Québec et
ils réalisent 80% de la production
québécoise.
« L’agriculture et la
transformationagroalimentairesontdes
moteurs économiques importants
chez nous, peu importe la MRC »,
affirme Natacha Desnoyers,
directrice générale de la
Corporation de développement
agroalimentaire-forêt du
Centre-du-Québec.
Chez E
mploi - Québec , direction
Centre-du-Québec, on confirme que
le secteur crée une part
importante de l’emploi. « Dans le
domaine de la production, il y a
environ 8500 emplois dans la
région alors que la transformation
en crée 3700 », précise Éric
Lampron.
La crise économique
Comment l’économie du
Centre-du-Québec a-t-elle vécu la
crise économique ? « On ne peut
pas dire qu’on n’a pas vécu de
difficultés, indique M. Lampron,
mais lorsqu’on se compare, on
trouve qu’on s’en sort assez bien.
»
D’abord, il faut indiquer que la
région n’a pas connu de mises à
pied massives.
« Le plus gros licenciement a été
celui de Camoplast, à Princeville,
qui a été de moins de 200 employés
» , précise-t-il.
Les données d’ EmploiQuébec dans
le Centre-duQuébec i ndiquent que
le nombre de licenciements a été
en hausse de 9% en 2009 par
rapport à 2008. Le taux de chômage
en ce moment est de 18% plus élevé
qu’au même moment l’an dernier,
mais l’économiste indique que ce
chiffre inclut les travailleurs en
temps partagé.
« Ce programme du fédéral permet
aux entreprises de réduire le
nombre d’heures de travail de
leurs employés au lieu de les
mettre à pied lorsque le carnet de
commandes diminue. Ces
travailleurs peuvent par la suite
demander de l’assurance-emploi
pour ces heures perdues. Nous
avons beaucoup d’entreprises
manufacturières qui utilisent ce
programme », affirme M. Lampron.
Une partie de ces « chômeurs » ne
sont donc pas sans emploi.
D’ailleurs, le travail ne manque
pas dans la région.
En fa it , l e Cent r e - duQuébec
vit une ra reté de mai n-d ’ oeuv
re. Emploi-Québec a réalisé une
enquête auprès des entreprises de
cinq employés et plus pour savoir
s’ils éprouvaient des difficultés
en matière de recrutement. Or, 40
% ont répondu par l’affirmative.
« L’enquête a été réal i - sée
avant la crise, mais les besoins
en matière de maind’oeuvre
demeurent », affirme Éric Lampron.
Emploi-Québec éva l ue que la
région du Centre-duQuébec sera
confrontée à environ 16 000
départs à la retraite dans les
cinq prochaines années.
Une
économie en transformation - Janie
Gosselin
Transformation du bois et des métaux,
agric ulture, recherche et
développement, biotechnologies
maritimes : le Bas-SaintL au r ent
bénéf i c i e d’u ne économie
diversifiée.
PHOTO JEAN-SÉBASTIEN PERRON, SEPAQ «
On a un fleuve, des montagnes, de la
forêt, des grands lacs. On offre un
tourisme de plein air, mais aussi de
détente et de culture », souligne
Julie Lamontagne, responsable des
communications pour Tourisme
Bas-Saint-Laurent. Ci-dessus, le parc
national du Bic.
Considérée comme une région-ressource,
elle compte aujourd’hui un secteur
tertiaire important.
« Depuis une dizaine d’années, il y a
eu beaucoup de changements au
Bas-SaintLaurent. On s’est tourné vers
la deuxième et troisième et la
troisième transformation des
ressources », dit Serge Ouellet,
directeur général du Centre local de
développement (CLD) de
Rimouski-Neigette.
Le secteu r forestier a toujours
occupé une place importante dans
l’économie de la région. Mais les
crises successives ont incité
l’industrie à se repositionner.
On retrouve dans le BasSaint-Laurent
plusieurs entreprises de
transformation du bois, spécialisées
dans la production de portes et
fenêtres, notamment.
Comme ailleurs au Québec, le secteur
des pâtes et papiers et celui de
l’impression ont par t i c ul i
èrement souf fer t durant la dernière
année.
L’usine de pâte de Tembec, à Matane, a
fermé ses portes pendant près d’un an,
avant de rouvrir en janvier dernier.
duits t ransformés du porc dans une
vingtaine de pays et compte 450
employés.
Le Bas-Saint-Laurent est aussi un
producteur ovin. Certaines fermes se
lancent également dans des élevages
plus marginaux, comme celui de la
pintade.
« Aujourd’hui, le consommateur cherche
des produits distinctifs, de
proximité. Les de l’érable, après
ChaudièreAppalaches, sa voisine.
Le région profite aussi de sa
situation géographique pour exploiter
les produits de la mer. Matane compte
une usine de transformation de
crevettes reconnue.
Tourisme
Le Bas-Saint-Laurent est délimité par
le fleuve, la Gaspésie, le
Nouveau-Brunswick, le Maine et la
région de ChaudièreAppalaches. À
quelques heures de Montréal et de
Québec, il est bien situé pour attirer
les touristes et les gens d’affaires.
« On a un fleuve, des montagnes, de la
forêt, des grands lacs. On offre un
tourisme de plein air, mais aussi de
détente et de culture », souligne
Julie Lamontagne, responsable des
communications pour Tourisme
Bas-Saint-Laurent.
La région compte 10 0 0 entreprises
vouées au tourisme et 2500 emplois qui
y sont liés. En 2007, les retombées
économiques dans le secteur se sont
chiffrées à 138 millions, selon
Tourisme Bas-Saint-Laurent.
Le domaine touristique a été quelque
peu épargné par la crise économique :
la plupart des visiteurs sont
Québécois ou originaires des provinces
maritimes.
« On a été chanceux économiquement,
précise Mme Lamontagne. La crise nous
a touchés, mais pas durement.
Seulement 2% de notre clientèle,
environ, est américaine. »
I l faut dire que le BasSaint-Laurent
compte aussi sur un autre type de
tourisme qui contribue à l’industrie
tout au long de l’année : les gens
d’affaires.
T o u r i s me B a s - S a i n t -
Laurent estime à 7 millions les
retombées économiques des c ongrès
orga nisés à Rimouski l’an dernier.
Rivière-du-Loup, important centre
régional, tire aussi profit de cette
catégorie de visiteurs. « Le tourisme
est toujours important pour
Rivière-duLoup, indique Marie-Josée
Huot, directrice générale au CLD de
Rivière-du-Loup. C’est une
région-carrefour. C’est intéressant
pour le tourisme et les congrès. »
Un ef fort est aussi fa it pour
développer le tourisme hors des grands
centres du Bas-Saint-Laurent.
Un parc national devrait voir le jour
dans le Témiscouata en 2012. L’an
prochain, la station touristique du
MontCitadelle, à Saint-Honoré de
Témiscouata, devrait offrir une série
d’activités, dont une immense
tyrolienne de 1,2 km et une piste de
toboggan utilisable 12 mois par année.
« On renouvelle l ’ off re, on veut ra
mener les gens dans le Témiscouata,
précise Mme Lamontagne. Les gens
passaient sans s’arrêter, ce n’était
pas vraiment une destination. Mais ce
n’est pas j uste un endroit de
passage. »
UNE RÉGION RESSOURCE QUI CHERCHE
À SE RÉINVENTER - Caroline
Rodgers
EN UN COUP D’OEIL
L e
Saguenay-Lac-SaintJean f a i t pa
r t i e des régions ressources du
Québec. Deux grands secteurs
constituent l’épine dorsale de son
économie : l’industrie forestière
et la production d’aluminium.
Cette dernière s’est développée
grâce à l’abondante é nergie hyd r
o é l e c t r i que disponible sur
le territoire, extrêmement bien
pourvu en cours d’eau.
On y t r ouve d’a i l l eurs un
nombre t rès i mportant de
barrages et de centrales, dont la
majorité est de propriété privée.
E n s e mble, la forêt et l ’ a l
u minium c onst i t uent près des
deux tiers du sect eur
manufacturier de la région.
D’autres secteurs, comme l
’agriculture et le tourisme,
occupent aussi une part non
négligeable dans l’économie, mais
génèrent moins d’emplois.
Pour donner un aperçu de l ’ i
mpor t a nce de l ’ i ndustrie
forestière dans la région,
soulignons qu’environ 40 % de son
économie est basée sur cette
dernière, selon Marc Dubé,
directeur général de l a
Conférence régionale des élus du
Saguenay-Lac-Saint-Jean.
Elle fournit environ 10 000 e
mplois, e t l e qua r t du b o i s
c o u p é a u Québe c l’est dans
la région, ajoute Clément
Desbiens, économiste à la
direction régionale
d’Emploi-Québec.
Manque de diversification
Mais bien que la forêt et
l’énergie constituent de grandes
richesses, il y a un envers à la
médaille : le manque de
diversification rend la région
plus vulnérable.
Le t aux de chômage au
Saguenay-Lac-Saint-Jean est
historiquement plus élevé que la
moyenne québécoise. En 2009, il
était de 10 % en moyenne, alors
que le taux de chômage moyen était
de 8,5 % pour l’ensemble du
Québec.
« Plusieurs raisons expliquent ce
phénomène, dit Clément Desbiens.
Notre économie est moins
diversifiée que la moyenne
québécoise. La croissance de
l’emploi est moins forte que dans
d’autres régions. Et quand des
secteurs sont frappés pas la
mauvaise conjoncture, la région
est f rappée plus fortement
qu’ailleurs. »
De plus, l ’ éloignement
géographique constitue une
difficulté de plus à surmonter
pour les entreprises.
L’accès aux grands marchés est
plus di f f icile, et engendre des
coûts de transport plus élevés, ce
qui nuit à l a compétitivité,
ajoute M. Desbiens.
L a nat u r e de l ’ i ndus - trie
forestière fait en sorte que
plusieurs emplois sont
saisonniers, ce qui contribue à
faire gonfler le taux de chômage.
Il va sans
dire que la crise forestière, qui
sévit surtout depuis 2006, a fait
mal.
Environ 80 % des droits
d’exploitation appartenaient à
Abitibi-Bowater, qui s’est mise
sous la protection de la loi sur
les faillites en 2009. S o n u s i
ne de DolbeauMistassini est fermée
temporairement et pour une période
indéfinie.
En ce qui concerne l’industrie de
l’aluminium, les changements
technologiques ont entraîné une
diminution du nombre d’emplois
avec les années.
Au début des années 1980, la
région comptait 9000 emplois dans
ce sect eur. Aujourd’hui , on en
dénombre environ 5500.
« C’est appelé à connaître encore
une baisse dans l ’avenir, i
ndique Clément Desbiens. Il faut
passer par là, parce que si on ne
modernise pas nos industries,
elles vont disparaître
complètement. »
Deux chemins
L’avenir de l’emploi passe donc
par deux chemins : le
développement de nouveaux secteurs
à valeur ajoutée rel iés au bois
et à l ’a luminium, ainsi que par
la diversification de l’économie.
Plusieurs initiatives démontrent
que c’est la direction que la
région est en train de prendre,
petit à petit, mais i l reste
encore du chemin à faire.
« Nous sommes dans une période
charnière, dit Marc Dubé. I l y a
une grande incertitude sur ce que
sera le nouveau portrait de
l’industrie forestière. Mais la
ressource est là et il y aura
toujours des gens brillants qui
trouveront des façons de
l’exploiter et de lui trouver de
nouvelles utilisations. »
Toutefois, il reste encore
beaucoup à faire pour développer
une i ndustrie qui exploite
pleinement tout le potentiel du
bois en créant d e s pr o d u i t
s d é r i vé s à valeur ajoutée.
« Il faut faire des efforts du
côté de la seconde et de la
troisième transformation, et
développer des produits de niche,
dit Clément Desbiens. Certaines
entreprises ont déjà commencé, on
fabrique par exemple des pout res
pour la construction. À l’
Université du Québec à Chicoutimi,
un projet vise à aider les
concepteurs, architectes et
promoteurs à utiliser davantage le
bois dans la construction au lieu
de l’acier et du béton, et à leur
donner les compétences pour le
faire. »
Du côté de l’aluminium, l ’ i
ndustrie de la t ransformation se
développe bien depuis 20 ans et on
a mis en place des infrastructures
pour soutenir ce secteur, qui est
en croissance et crée des emplois
bien rémunérés. Des i nstitutions
comme le Centre québécois de
recherc he et de développement de
l ’ a l u minium, s i t ué à
Chicoutimi, et la Société de la
Vallée de l’aluminium, à Alma,
sont là pour soutenir ce
développement.
La région du
SaguenayLac-Saint-Jean doit aussi
relever un autre défi import ant :
contrer le déclin de sa
population.
Entre 2001 et 2006, celleci a
diminué de 2 %, alors que
l’ensemble du Québec c o n n a i s
s a i t u ne h a u s s e
démographie de 4 % pendant la même
période.
La tendance tend toutefois à se
résorber depuis quelques a nnées.
« Notre bi l a n migratoi r e e s
t de moins en moins négatif, et on
voit plus de gens revenir habiter
ici qu’auparavant », dit Marc
Dubé.
Beaucoup de projets sur la table
Le maire
de la ville fusionnée de
Saguenay, Jean Tremblay, est
reconnu pour son franc-parler.
Et à l’écouter, on sent son
enthousiasme envers les projets
de développement présentement en
cours à coups de millions, dans
une volonté de diversifier et
d’assurer l’avenir économique de
la ville.
« On a de gros problèmes avec
l’industrie forestière, des
problèmes qui relèvent d’enjeux
internationaux, dit-il. On a
longtemps été gâtés en
fabriquant des deux par quatre
et en les vendant aux
États-Unis, mais cette époque
est révolue. De plus en plus, on
s’aperçoit qu’on ne peut pas
vivre en vase clos. Il faut
s’ouvrir sur le monde. C’est
pour ça que l’on a créé
Promotion Saguenay, pour
réfléchir et se donner des
outils pour stimuler l’économie
et mieux se positionner.»
L’organisme, dont il est le
président, avait cerné trois
lacunes sur le plan de l’accès
et des transports qui
décourageaient des entreprises
de s’installer dans la région:
une route désuète, un aéroport
trop petit et des
infrastructures portuaires
insuffisamment exploitées.
La route, ils l’ont eue à force
d’insister auprès du
gouvernement, qui a refait
l’autoroute 175 du Parc des
Laurentides au cours des
dernières années.
Du côté des ports, on a investi
33 millions dans l’aménagement
d’un quai d’escale pour les
bateaux de croisière dans
l’arrondissement de La Baie,
ainsi que la construction d’un
pavillon d’accueil inauguré en
septembre dernier. «Nous
voulions attirer une clientèle
touristique venue de l’extérieur
du Québec, et pour cela, on en
est venus à la conclusion qu’il
nous fallait un outil d’accueil
intéressant », dit le maire.
Depuis l’ouverture du quai
d’escale, près de 26 000
passagers sont venus à Saguenay.
Et ce n’est pas fini: on a aussi
l’intention de construire un
village d’accueil, en plus du
premier pavillon. À terme,
l’objectif est d’attirer jusqu’à
60 000 passagers annuellement,
dont on sait qu’ils dépenseront
en moyenne 118$ chacun.
Du côté du port en eaux
profondes, on investira
également 35 millions pour
allonger le lien ferroviaire et
permettre au train d’y avoir
accès afin de faciliter le
transport de marchandises.
Aéroport et aéronautique
L’aéroport trop petit a souvent
été pointé du doigt par des
entreprises y voyant une raison
de ne pas venir s’installer à
Saguenay. D’ici deux ans, on
aura remédié à la situation en
investissant 20 millions.
D’abord,
une nouvelle route pour s’y
rendre sera construite au
printemps au coût de 8,5
millions. Ensuite, on procédera
à l’agrandissement du tarmac
pour en tripler la superficie.
Et finalement, la superficie de
l’aérogare sera doublée, ainsi
que le stationnement, en 2011 et
2012.
On compte aussi attirer des
entreprises de l’aéronautique en
créant un nouveau parc
industriel de trente hectares
dédié à cette industrie.
Plusieurs des terrains auront
accès aux pistes d’atterrissage.
Sans vouloir nommer les
entreprises intéressées, le
maire affirme que certaines ont
été courtisées et que des
dossiers risquent d’aboutir
prochainement.
Grâce à l’ensemble de ces
nouvelles infrastructures, le
maire espère positionner
Saguenay comme une plaque
tournante dans le cadre du
développement du nord québécois
projeté par le gouvernement.
Par ailleurs, la Ville construit
actuellement deux centrales
hydro-électriques qui avaient
été détruites lors du déluge et
qu’Hydro-Québec ne voulait pas
conserver, Chute-Garneau et
Pont-Arnaud.
« Les turbines sont achetées et
nous seront livrées au
printemps, et nous avons négocié
un tarif pour vendre
l’électricité produite à
Hydro-Québec, dit Jean Tremblay.
Les profits serviront au
développement industriel de la
ville. » Il s’agit d’un
investissement de 40 millions.
Nouvelle usine
Un autre gros dossier chemine
discrètement dans les of f i c i
nes saguenéennes : convaincre la
firme norvégienne Elkem Solar de
choisir Saguenay pour construire
sa prochaine usine de
fabrication de composantes de
panneau solaires.
Le maire s’est d’ailleurs rendu
en personne à Oslo pour
présenter tous les avantages de
sa ville aux dirigeants de la
compagnie. Ceux-ci connaissent
déjà Saguenay, puisque
l’entreprise y possède une usine
de silicium. La ville s’est
classée parmi plusieurs
finalistes à travers le monde
pour l’obtention de l’usine.
« Il m’est interdit de vous
donner des chiffres sur les
investissements ou de mentionner
les autres villes finalistes,
car Elkem Solar ne veut pas
dévoiler de détails à sa
concurrence, dit Jean Tremblay.
Mais je peux vous dire que c’est
très gros, et que ce sera l’un
des plus gros chantiers du
Québec si ça fonctionne. »
La décision d’Elkem ne sera pas
rendue avant plusieurs mois, car
l’entreprise vient de construire
une autre usine à Kristiansand,
en Norvège, et souhaite roder
cette dernière avant d’aller de
l’avant pour la prochaine.
Le Québec, royaume des
subventions - Martin
Vallières
Le
Québec serait un royaume des
subventions aux entreprises parmi
les provinces canadiennes, selon
l’Institut Fraser, un organisme
d’analyse économique du secteur
privé.
Le coût direct de ces subventions
pour le budget provincial
totaliserait quelque 6 milliards
de dollars par an. Ce serait
l’équivalent de 1600 $ pour chaque
contribuable québécois ayant
déposé un rapport d’impôt,
souligne l’Institut Fraser dans
une analyse publiée hier.
Par ailleurs, les 6 milliards en
subventions aux entreprises du
Québec seraient deux fois plus
élevées que celles versées par la
province voisine, l’Ontario.
Aussi, le Québec débourserait à
lui seul plus de la moitié des
subventions aux entreprises
provenant de toutes les provinces
canadiennes.
Un bémol s’impose toutefois sur ce
relevé de l’Institut Fraser: les
données provinciales sont pour
l’année financière 2007.
Par conséquent, elles sont
antérieures aux milliards de
dollars en subventions versées à
l’industrie automobile en Ontario
depuis l’an dernier, par les
gouvernements provincial et
fédéral.
Dans son rapport, d’ailleurs,
l’Institut Fraser consacre trois
des 11 pages à un relevé de ces
subventions à l’automobile. Elles
totaliseraient 15,3 milliards
depuis deux ans, déplore
l’Institut, fortement opposé à ce
« bien-être social pour les
entreprises ».
Dans le cas du Québec, l’Institut
Fraser critique aussi la
générosité des fonds publics
provinciaux envers les milieux
d’affaires.
« Les Québécois devraient se
demander si le fait de donner plus
de 6 milliards par an aux
entreprises est le meilleur usage
de l’argent des contribuables »,
commente Filip Palda, analyste
principal à l’Institut Fraser et
professeur à l’École nationale
d’administration publique (ENAP).
Parmi l es i ntervenants publics
et d’affaires, toutefois, on a
accueilli avec scepticisme la
teneur de l’analyse de l’Institut.
LeministreduDéveloppement
Économique, Clément Gignac,
ex-économiste de banque, a dit
douter de la « comparaison
inter-provinciale » faite par
l’Institut Fraser.
Par ailleurs, s’il admet que des
aides aux entreprises pourraient
être révisées au moment des
prochaines consultations
budgétaires de Québec, le ministre
Gignac a souligné que le
gouvernement demeure préoccupé «
d’aider le mieux possible les
entreprises à passer à travers la
récession. »
« Dans le contexte actuel, je ne
suis pas mal à l’aise que le
Québec soit reconnu pour ces
mesures d’aide aux entreprises. Et
ça fonctionne plutôt bien, alors
que le taux de chômage au Québec
est inférieur à la moyenne
canadienne », a indiqué M. Gignac
à La Presse Affaires.
À la Fédération des chambres de
commerce, l’économiste Stéphane
Duguay a dit souhaiter que
l’analyse de l’Institut Fraser
alimente le débat sur les
subventions aux entreprises.
« Avec les difficultés budgétaires
à Québec, c’est d’autant plus
important d’analyser le rendement
économique des mesures d’aides, a
indiqué M. Duguay.
« Juste en fiscalité, par exemple,
nous avons recensé au moins 260
mesures d’aide aux entreprises qui
se sont accumulées au fil des ans.
Nous demandons au gouvernement d’y
faire le ménage ».
À l’Association des manufacturiers
et exportateurs, le président,
Simon Prévost, souhaite aussi que
le rapport de l’Institut Fraser,
malgré ses raccourcis
idéologiques, provoque la
réflexion.
« C’est exagéré de dire comme
l’Institut que les subventions aux
entreprises n’apportent rien à
l’économie. En fait, des
programmes bien ciblés peuvent
aider à développer certains
secteurs », selon M. Prévost.
Cela dit, il déplore la timidité
du gouvernement à remettre en
question de nombreux programmes
d’aide.
« Les dirigeants d’entreprise
disent qu’ils préféreraient une
fiscalité plus concurrentielle au
Québec, plutôt que le maintien de
tous ces programmes », a indiqué
M. Prévost.
Payantes, les mines du
Nord - Stéphane Paquet
Dis-moi où
tu vis, je te dirai combien tu
gagnes.
Ainsi, le mineur de Fermont a
toutes les chances de faire un bon
parti pour la petite dernière,
financièrement parlant du moins.
Si le nord du Québec est trop
exotique à son goût, il y a aussi
le jeune professionnel de
Boisbriand qui s’en sort plutôt
bien.
Des don nées publ i é e s
récemment par l’Institut de la
statistique du Québec viennent
chiffrer les salaires des
travailleurs selon la municipalité
régionale de comté (MRC) où ils
résident.
Dans ce
palmarès, la municipalité
régionale de comté de Caniapiscau
(qui regroupe les municipalités de
Fermont et Schefferville) arrive
loin devant, avec un salaire
d’emploi de 71 761 $ en 2008, soit
27 585 $ de plus que le revenu
d’emploi moyen des Québécois.
C’est aussi plus du double de la
MRC des Basques, dans le
Bas-Saint-Laurent, la plus pauvre
de toutes.
La M RC Thérèse-De Blainville
arrive au deuxième rang des plus
riches (voir le tableau en page
4).
Pour
l e s h o mmes d e Caniapiscau,
le salaire moyen atteint même 92
798$, comparativement à 39 749$
pour les femmes. Le froid du
Nord est décidément plus payant
pour certains que pour
certaines.
À Fermont, la ville boume, elle
qui profite de la construction
d’une deuxième mine sur son
territoire. « On manque de
logement, explique Mireille
Arsenault, administratrice à la
ville. Si vous venez travailler
ici et que ce n’est pas pour la
mine (qui fournit le logement),
apportez votre tente! »
La ville, de 2800 résidants
permanents, a vu la valeur de
ses maisons doubler depuis «
maximum trois ans », dit-elle
encore.
Thérèse-De Blainville
À Boisbriand, la décoratrice
Luce Thibault n’a pas vu passer
la récession. « Oui, j’ai
beaucoup de clients, j’en mène
20 de front en ce moment », dit
la propriétaire de Décoration
conseil inc.
Il faut
dire que ses clients potentiels
sont, selon les données de
l’ISQ, les plus riches dans le
sud du Québec, avec un salaire
moyen de 53 820$.
Contrairement à ce qu’on
pourrait croire, ces emplois
payants ne se trouvent pas en
majorité à Montréal, loin de là.
En fait, selon des données de la
Communauté métropolitaine de
Montréal, à peine un employé sur
trois de la MRC Thérèse-De
Blainville vient travailler dans
l’île, comparativement à 42,5%
qui bossent dans la banlieue
nord et 18,3 % à Laval.
Les pauvres
Les régions où le revenu
d’emploi est le moins élevé se
trouvent pour plusieurs le long
de la frontière avec les
États-Unis ou le
NouveauBrunswick et autour de la
région de Mont-Laurier.
Dans les régions les moins
payantes, l ’é ca r t hommefemme
joue aussi. La MRC où le salaire
féminin est le moins élevé est
Les Etchemins ( 24 027 $). Pour
les hommes, c’est en
Haute-Gaspésie où les employeurs
sont les plus chiches. I ls leur
versent en moyenne 33 872$... à
peine un peu plus du tiers qu’à
Caniapiscau.
Le débat sur la perte des
ressources québécoises relancé
- Philippe Mercure
« Je suis
déçu du Québec inc. Je suis déçu
de voir qu’il n’a pas réagi face à
cette offre. Je trouve que c’est
un peu cheap. »
Jean-Pierre Thomassin est
directeur général de l’Association
de l ’exploration minière du
Québec. Depuis que la minière
québécoise Canadian Royalties a
annoncé vendredi dernier qu’elle
allait passer à des intérêts
chinois, il a quelque chose en
travers de la gorge.
« Tout le monde reconnaît que ça
apporte beaucoup aux régions,
l’industrie minière. Mais personne
ne met une cenne là-dedans au
Québec. C’est financé par Toronto,
Vancouver, les États-Unis, les
Chinois... »
« Il va falloir qu’on prenne un
virage à un moment donné. Sinon,
au fur et à mesure que nos
entreprises grossissent, elles
vont se faire acheter. »
Vous avez compris : le débat sur
la perte des ressources naturelles
à des mains étrangères est
relancé.
Canadian Royalties est une petite
entreprise d’exploration minière
québécoise qui a découvert du
nickel à Raglan, dans l’extrême
nord du Québec. L’entreprise a
commencé la construction d’une
mine... avant de se faire couper
les ailes par la crise financière.
Faute de f onds, el l e a mis son
projet sur la glace e n a t t e n
d a n t de s meilleurs.
Au mois
d’août, un consortium formé d’un
géant chinois du nickel ( Ji l i n
Jien) et d’une minière de
Vancouver ( Goldbrook) a cogné à
la porte avec une offre hostile.
Canadian Royalties a tout fait
pour trouver une solution de
rechange. En vain. Elle a tout de
même réussi à faire monter l’offre
de Jien de 148,5 millions à 192
millions de dollars. Vendredi
dernier, elle recommandait à ses
actionnaires de l’accepter.
« Raglan, j e vous le dis, c’est
LE camp minier du XXIe siècle, dit
M. Thomassin. Le nickel est un
métal très rare qui va devenir de
plus en plus important. Or, il n’y
aura plus un seul acteur québécois
là-bas. »
Si Canadian Royalt i e s passe bel
et bien aux mains de Jien, les
trois principales entreprises
actives dans le nord du Québec
seront en effet suisse ( Xstrata),
britannique ( Anglo-American) et
chinoise (Jien).
Sur le rôle de la Caisse
jours
Selon M. Thomassin, le cas montre
que, même si le Québec est nommé
meilleure juridiction du monde
dans l’industrie minière année
après année par l’Institut Fraser,
il compte très peu d’acteurs
importants capables d’acheter les
entreprises juniors prometteuses.
Quant à
savoir si la Caisse de dépôt
et le Fonds de solidarité de
la FTQ, deux des plus
importants prêteurs de
Canadian Royalties, auraient
dû intervenir, c’est un autre
vieux débat... que M.
Thomassin n’hésite pas à
rouvrir.
« Elles auraient pu investir,
tranche-t-il. Ou, à la limite,
supporter un white knight (une
entreprise qui aurait sauvé
Canadian Royalties des mains
de Jien). »
Josée
Lagacé, porte-parole au Fonds
de solidarité, explique que le
Fonds fait tout pour garder
les sièges sociaux au Québec.
« Dans ce cas, on avait déjà
prêté 20 millions et les
sommes nécessaires pour
relancer l’entreprise étaient
trop importantes pour nos
coffres à nous »,
explique-t-elle, rappelant que
le projet était sur la glace
depuis un an. La Caisse de
dépôt n’a pas voulu commenter
le dossier, mais a rappelé
qu’elle agit toujours dans
l’intérêt de ses déposants.
« C’est vrai que, pour le
minier, on n’est pas dans la
game, constate Michel Nadeau,
directeur général de
l’Institut sur la gouvernance
des institutions privées et
publiques. On a essayé à
travers Cambior, à travers la
SOQUEM (filiale de la SGF), de
bâtir une expertise minière au
Québec. Il faut reconnaître
que c’est un échec. On n’a pas
pu bâtir de grands groupes »,
dit l’ex de la Caisse de
dépôt, qui souligne toutefois
que la perte de sociétés est
inévitable quand on choisit de
« jouer le jeu du capitalisme
».
« De la même manière que
beaucoup d’entreprises
canadiennes vont exploiter les
ressources minières de
certains pays, il faut
accepter que des entreprises
étrangères exploitent des
ressources chez nous si ça se
fait dans un cadre légal »,
dit aussi Pierre-Olivier
Pineau, professeur agrégé à
HEC Montréal, qui parle dans
ce cas de « protectionnisme
mal placé ».
Adieu, sièges sociaux
- CLAUDE PICHER
Alors que Montréal est plongé en pleine
campagne élec t ora l e au milieu des
parfums de scandales que l’on sait, la
ville continue de se vider de ses sièges
sociaux.
C’est bien
connu, il y a des décennies que
Toronto a supplanté Montréal pour
ce qui est du nombre de grands
sièges sociaux. Jusqu’à tout
récemment, Montréal pouvait
cependant se consoler en se disant
qu’il arrivait bon deuxième au
Canada, der r i è r e Toronto c e
r t e s , mais loin devant Calgary
et Vancouver.
Triste nouvelle : ce n’est plus
vrai. Depuis huit ans, presque
imperceptiblement, Montréal a été
victime d’une véritable érosion de
ses sièges sociaux,
essentiellement au profit de
Calgary.
Voici des chiffres qui font peur :
> En
20 0 0, Toronto comptait 190
grands sièges sociaux, contre 92 à
Montréal, 50 à Calgary et 41 à
Vancouver.
> Huit ans plus tard, en 2008,
Toronto domine toujours le
classement avec 176, mais Calgary
arrive maintenant en deuxième
place avec 79, suivi de Montréal
avec 76. Vancouver est resté
exactement au même point avec 41.
C’est la première fois que
Montréal glisse en troisième
position.
Ces statistiques proviennent de
l’étude annuelle de l’Institut
Fraser sur les sièges sociaux, qui
vient d’être publiée.
Les auteurs du document basent l
eu r s c a l c uls s u r le
classement du Financial Post 500,
q u i é n u mèr e , comme son nom
l’indique, les 500 plus grandes
entreprises au Canada.
Pour
donner un ordre de grandeur,
disons que le groupe de
services financiers Optimum
(500 employés, 400 millions de
dollars de revenus, 2,3
milliards d’actifs sous
gestion) arrive au 500e rang,
juste derrière Van Houtte, le
plus vaste réseau de services
de café en Amérique du Nord.
Ça, ce sont les deux plus
petits. On ne parle pas ici de
bineries.
Les quatre villes que nous
venons de nommer abritent à
elles seules les trois quarts
des 500 plus grands sièges
sociaux au Canada.
Aux fins de l’étude, les
sièges sociaux sont attribués
à la région métropolitaine de
recensement. Par exemple, le
siège social d’Alimentation
CoucheTard est situé à Laval,
mais est comptabilisé comme un
siège social montréalais.
La présence de grands sièges
sociaux représente un atout
économique de taille pour
n’importe quelle ville. En
plus de fournir des milliers
d’emplois directs, les grands
sièges sociaux entraînent des
retombées importantes. Ils
font appel à un vaste éventail
de fournisseurs locaux:
informaticiens, avocats,
comptables, publicitaires,
ingénieurs. Ils constituent
des centres de décision
stratégiques. Ils ont
tendance, dans leurs contrats
internationaux, à favoriser
les sous-traitants locaux
parce qu’ils les connaissent
bien. Il existe bien sûr
quelques exceptions, un des
cas les plus connus étant
celui de la Banque de
Montréal, dont le siège
social, officiellement, est
bel et bien situé à Montréal
alors que l’institution, dans
les faits, est dirigée de
Toronto (c’est la même chose
pour la Banque de
Nouvelle-Écosse, dont le siège
social est toujours
officiellement à Halifax).
Mais dans la vaste majorité
des cas, il est clair que les
grands sièges sociaux
contribuent grandement à
stimuler l’économie des villes
qui les abritent.
Ce n’est pas tout. Le nombre
de sièges sociaux ne fournit
qu’une partie du portrait.
Pour
avoir une idée plus juste de
l’impact des sièges sociaux
sur l’économie locale, il faut
aussi tenir compte de la
taille des villes qui les
abritent.
Prenons une ville de 500 000
habitants, et une autre d’un
million, chacune abritant le
même nombre de grands sièges
sociaux. Il saute aux yeux que
c’est la plus petite des deux
villes qui profitera le plus
de leur présence.
Pour mesurer la concentration
des sièges sociaux, les
chercheurs de Fraser calculent
le nombre de sièges sociaux
par tranche de 100 000
habitants. Selon cette mesure,
Montréal n’est tout simplement
plus dans la course.
Ainsi, Calgary domine le
classement avec 6,7 sièges par
tranche de 100 000 habitants,
contre 3,2 pour Toronto et
seulement deux pour Montréal.
Autrement dit, toutes
proportions gardées, Calgary
abrite trois fois plus de
sièges sociaux que Montréal.
Vancouver ferme la marche avec
1,8 mais, contrairement à
Montréal, Vancouver n’a jamais
été reconnue pour son grand
nombre de sièges sociaux.
Surtout, ce que ces chiffres
nous disent, c’est que depuis
huit ans, la perte des sièges
sociaux montréalais s’est
faite avec une brutalité sans
précédent. En effet, entre
1990 et 2000, le nombre de
grands sièges sociaux
montréalais est passé de 96 à
92. On est loin de
l’hémorragie. Pendant ce
temps, Toronto en gagnait
quatre, Calgary six et
Vancouver en perdait quatre.
Or, comme on vient de le voir,
Montréal n’en conservait plus
que 76 l’an dernier. Cet
effondrement peut s’expliquer
de plusieurs façons: départs,
fermetures, ou tout simplement
baisse du chiffre d’affaires.
C’est notamment le cas de VIA
Rail, qui apparait parmi les
500 l’an dernier, mais qui a
été éjecté de la liste en 2008
à cause de la baisse de ses
revenus. Sur papier, c’est une
perte pour Montréal, même si
la ville conserve le siège
social de VIA Rail. Le
problème, c’est que cette
société n’est plus considérée
parmi les plus grandes. En
revanche, Van Houtte, qui
n’apparaissait pas au
classement de 2007, figure sur
la liste cette année (de
justesse, au 499e rang) en
raison de la hausse de son
volume d’affaires. C’est
normal: chaque année, des
entreprises apparaissent au
classement, d’autres en
disparaissent.
Ce qu’il faut retenir, c’est
qu’en considérant les sièges
sociaux des plus grandes
entreprises canadiennes,
Montréal n’est plus que
l’ombre de ce qu’il a été.
Québec sévit contre les
entourloupes fiscales -
Francis Vailles
Au menu:
des amendes, des pénalités et des
divulgations obligatoires
Les Bahamas, vous connaissez? Ce
paradis fiscal a été lucratif
pendant longtemps pour les
entrepreneurs audacieux. Certains
ont pu y transférer les actions de
leur entreprise au nom de leur
femme et éviter ainsi l’impôt à
payer.
Cette entourloupe fiscale sera
désormais plus risquée, cependant,
avec la série de mesures que vient
d’instaurer le gouvernement du
Québec. Au menu, des pénalités,
des divulgations obligatoires et
des délais plus longs accordés à
Revenu Québec pour recotiser les
fautifs.
Depuis toujours, le gouvernement
pénalise l’évasion fiscale, qui
contrevient carrément à la loi,
mais non l’évitement fiscal,
appelé aussi « planifications
fiscales agressives » (PFA).
L’évitement fiscal est structuré
avec des opérations qui respectent
la lettre de la loi, mais non
l’esprit.
En tout,
le gouvernement espère augmenter
ses revenus fiscaux de 50 millions
de dollars par année avec ces
mesures. Québec imite ainsi
certains pays comme l’Australie,
les États-Unis et le Royaume-Uni,
mais devance le gouvernement
fédéral et les autres provinces
canadiennes.
« C’est une question de justice
sociale. Il faut que les gens
paient leur juste part d’impôt »,
a déclaré le ministre des
Finances, Raymond Bachand.
Au Québec, le cas de PFA le plus
connu est celui mis au jour en mai
2006, appelé « Truffles ». En
créant une fiducie à l’extérieur
du Québec, des entreprises ont pu
éviter le paiement d’un
demi-milliard de dollars d’impôts
provinciaux, dont la moitié était
due au Québec.
Parmi elles, mentionnons Reitmans,
VanHoutte, Saputo, Alimentation
Couche-Tard et Transcontinental.
Le ministère des Finances du
Québec est i me à 50 0 millions
les sommes qu’il a réussi à
récupérer depuis 2001 en déjouant
les PFA.
Les nombreux cas découverts i
ncitent toutefois le Ministère à
proposer des mesures coercit i ves
pour fermer la porte à ces
stratagèmes fiscaux, utilisés par
des particuliers fortunés ou des
entreprises.
Premier élément: la divulgation
obligatoire des opérations à haut
risque d’évitement fiscal. Cette
divulgation vise les PFA à
rémunération conditionnelle,
autrement dit, les stratagèmes
vendus confidentiellement par des
promoteurs et payés en fonction du
succès. Une opération non
divulguée à Revenu Québec peut
entraîner une amende variant entre
10 000$ et 10 0000$.
Deuxième élément : une pénalité au
c ontribuable égale à 25% de
l’impôt éludé. Le promoteur de l
’opération est également passible
d’une pénalité de 12,5 % des
honoraires reçus lors de
l’opération.
Actuellement, les contribuables
coupables d’évitement fiscal
doivent repayer les impôts exigés
et les intérêts qui s’appliquent,
mais ne sont visés par aucune
pénalité. Québec poursuit ces
contribuables en vertu de la Règle
générale anti-évitement ( RGAE),
en vigueur depuis 1988.
Précisons que les mesures ne
prévoient pas de pénalités pour
les simples conseillers fiscaux,
dont le métier n’est pas la
promotion de recettes d’évitement
fiscal.
Troisième
élément : l’augmentation de t rois
ans du délai accordé à Revenu
Québec pour détecter une PFA, qui
s’ajoutera à la période normale de
trois ou quatre ans, selon le cas.
Quatrième élément: la définition
plus précise de la notion «
d’objets véritables » d’une
transaction commerciale (qui n’a
pas pour unique but l’évitement
d’impôt).
Bien que la lutte contre les PFA
soit de plus en plus répandue dans
le monde, certains critiquent les
mesures de Québec. « La notion
d’évitement n’est pas facile à
déterminer. Même la Cour suprême
est inconstante dans ses décisions
», dit Maurice Mongrain, PDG de
l’Association de planification
fiscale et financière (APFF).
Selon M. Mongrain, les entreprises
ne seront pas portées à faire une
divulgation obligatoire, «
n’aimant pas avoir le ‘spotlight’
de Revenu Québec sur soi ».
« Les entreprises feront leurs
opérations à partir de Toronto, t
out si mplement. On m’a informé
que c’est déjà commencé », dit-il.
De son côté, la Fédération des
chambres de commerce du Québec (
FCCQ) n’est pas contre la lutte à
l’évitement fiscal, mais dénonce
la bureaucratie qu’entraînera la
divulgation obligatoire.
« Que l e gouvernement réduise les
crédits d’impôt de toutes sortes.
Les PME ne s’y retrouvent plus.
Ils sont matière à interprétation,
ce qu’on peut confondre avec
l’évitement fiscal », dit
l’économiste Stéphane Duguay, de
la FCCQ.
Québec modernise sa loi des
compagnies - Martin Vallières
Attendue depuis des années, la
modernisation de la loi québécoise sur
les compagnies s’est enclenchée pour de
bon avec le dépôt du projet de loi 63,
hier à l’Assemblée nationale.
Pour quelque 300 000 entreprises à
charte québécoise – des PME surtout,
mais aussi des poids lourds comme
Quebecor, les détaillants Metro et Jean
Coutu et la financière
Industrielle-Alliance –, cette future
loi se traduira surtout par un meilleur
encadrement des relations entre les
actionnaires, l’entreprise et ses
dirigeants.
« Enfin, nous aurons tout un
dépoussiérage de la loi québécoise par
rapport à celle du fédéral et des
juridictions voisines. La loi actuelle
est considérée comme un véritable
gruyère, surtout en ce qui concerne les
recours des actionnaires minoritaires »,
résume Normand Caron, secrétaire à la
direction du MEDAC (Mouvement
d’éducation et de défense des
actionnaires).
« La future loi introduira de meilleures
balises pour l’exercice des recours des
actionnaires d’entreprises québécoises,
mais aussi des moyens d’y faire face
pour les entreprises et leurs dirigeants
», dit pour sa part Paul Martel, avocat
spécialisé en droit des affaires chez
Blake, Cassels& Graydon.
Parmi les
principaux éléments de la future loi,
dont l’entrée en vigueur est prévue en
2011, on note l’introduction de normes
pour les propositions d’actionnaires
minoritaires lors des assemblées
annuelles des entreprises à charte
québécoise.
« C’est un manquement grave de la loi
québécoise actuelle. Et c’est ce qui
permet à des entreprises québécoises
d’importance et même cotées en Bourse
de faire ce qu’elles veulent avec les
propositions d’actionnai res » ,
explique Normand Caron, du MEDAC.
« Vous voulez un exemple ? Au MEDAC,
depuis des années, nous présentons des
propositions d’actionnaires aux
assemblées annuelles de plusieurs
entreprises, en plus des banques. Mais
quand nous avons tenté de faire de
même auprès d’entreprises d’importance
à charte québécoise, comme Quebecor et
l’Industrielle-Alliance, nous étions
soumis au bon vouloir de leurs
dirigeants. »
Un autre amendement législatif très
attendu concerne les actionnaires
d’entreprises québécoises à capital
fermé, c’est-à-dire dont les actions
ne sont pas cotées en Bourse.
Selon la loi actuelle, ces
actionnaires qui sont en désaccord
important avec la gestion de
l’entreprise et qui veulent se
départir de leurs actions selon
limités à des transactions privées
avec d’autres investisseurs. Ou encore
à un rachat par l’entreprise, mais
selon la bonne volonté de ses
dirigeants.
Pour les actionnaires mécontents, il
s’agit évidemment d’une sit uation
beaucoup plus restrictive que la
simple revente en Bourse d’actions
d’une entreprise dont on ne veut plus.
Dans sa
prochaine version, la loi québécoise
des compagnies comblera en bonne
partie ce déficit important de recours
pour les actionnaires dissidents des
sociétés à capital fermé.
« Pour l’essentiel, ces actionnaires
mécontents obtiendront des moyens de
forcer le rachat de leurs actions par
l’entreprise dont ils veulent se
retirer », explique Normand Caron, du
MEDAC.
« Ça réduira considérablement le
risque de se retrouver collés avec des
actions dont on ne veut plus, mais
dont la revente à juste prix est très
difficile, sinon impossible »,
ajoute-t-il.
Selon l e minist r e des Finances,
Raymond Bachand, la future loi
québécoise des compagnies deviendra le
cadre législatif « le plus attrayant
et le plus concurrentiel au Canada ».
La loi actuelle a été adoptée en 1920
et sa dernière mise à jour remonte à
1981. Mais, depuis des années, sa
désuétude a incité de nombreuses
entreprises québécoises à se
constituer en vertu de la Loi
canadienne sur les sociétés par
actions.
Lors de la consultation qui a précédé
la rédaction du projet de loi 63, une
vingtaine de mémoires ont été soumis
par des ordres professionnels, des
professeurs d’université, des cabinets
d’avocats et de comptables, de même
que des groupes de pression comme le
MEDAC.
Bémol sur l’appauvrissement des
Québécois - Claude Picher
Si l’on en
croit une opinion assez répandue chez
les économistes, le Québec s’appauvrit
par rapport au reste du Canada.
C’est vrai : entre 2000 et 2008, le
poids économique du Québec à
l’intérieur du Canada est passé de 21
à 19%. Ces deux points de pourcentage
peuvent paraître insignifiants : en
réalité, ils représentent la bagatelle
de 33 milliards (autrement dit, si les
Québécois avaient simplement réussi à
maintenir leur poids économique depuis
2000, ils seraient collectivement plus
riches de 33 milliards aujourd’hui).
Ces chiffres sont basés sur le produit
intérieur brut (PIB), qui mesure la
taille de l’économie.
Or, le PIB ne
dit pas tout. Pour la plupart d’entre
nous, c’est une notion abstraite, même
quand on le divise par la population
pour obtenir le PIB par habitant.
D’autre part, le PIB ne reflète que
partiellement le niveau de vie. À
cause du pétrole, le PIB de
Terre-Neuve a fait un bond
spectaculaire de 125% depuis huit ans.
Cela ne veut pas dire que chaque
Terre-Neuvien s’est enrichi dans la
même proportion.
En revanche, s’il est une notion
facile à comprendre pour tout le
monde, c’est bien celle de la
rémunération hebdomadaire,
c’est-à-dire du chèque de paie que
l’on rapporte à la maison. La
rémunération globale inclut le salaire
de base, les heures supplémentaires et
les primes avant impôts, mais exclut
les avantages sociaux.
Voilà un indicateur du niveau de vie
concret, beaucoup plus palpable que le
PIB par habitant. Or,
des chiffres mis à jour cette semaine
par l’Institut de la statistique du
Québec (ISQ), et comportant des
données aussi récentes que celles de
juillet 2009, montrent que les
travailleurs québécois ne
s’appauvrissent pas tant que cela.
Dans l’ensemble du Canada, la
rémunération hebdomadaire moyenne
se situe actuellement à 824$. Au
Québec, la somme correspondante
est de 775$. Certes, le Québec
continue à accuser un retard sur
le reste du pays, mais cet écart,
qui correspond d’ailleurs à la
moyenne historique, n’est pas
dramatique. Après tout, les
salaires québécois atteignent 94 %
de la moyenne canadienne.
Ce qu’il est important de regarder
dans les chiffres de l’ISQ, c’est
à quel point les salaires des
Québécois évoluent par rapport aux
autres provinces.
Entre 1998 et aujourd’hui, la
rémunération hebdomadaire moyenne
au Canada est passée de 633$ à
824$, une hausse de 30%. Au
Québec, de 602$ à 775$, en hausse
de 29%. À quelques poussières
près, la courbe québécoise des
hausses salariales épouse celle de
la moyenne canadienne. En
supposant que les salaires
québécois aient suivi exactement
la même courbe que le Canada,
chaque Québécois gagnerait 8,92 $
de plus par semaine. . . ava nt i
mpôts. Pendant la même période, en
Ontario, les salaires
hebdomadaires sont passés de 673$
à 845 $, une progression de 26%,
donc sensiblement plus faible
qu’au Québec.
Il y a autre chose. Les chiffres
que nous venons de voir ne
tiennent pas compte de la hausse
du coût de la vie. Cela fait une
bonne différence.
Le cas le
plus spectaculaire est certes
celui de l’Alberta. Toujours entre
1998 et aujourd’hui, les salaires
albertains sont passés en moyenne
de 635$ à 943$, une prodigieuse
ascension de 48%, de loin la plus
forte au Canada. Or, pendant ce
temps, en Alberta, le coût de la
vie augmentait également de façon
beaucoup plus rapide que dans le
reste du pays : 37 % d’inflation
en 11 ans, contre une moyenne
canadienne de 26%. Résultat : le
salaire réel, en Alberta, n’a pas
augmenté de 48%, mais de 14%, ce
qui demeure quand même fort
honorable.
L’ i ndice des pr i x à la
consommation varie beaucoup d’une
province à l’autre. En Alberta, on
vient de le voir, i l a augmenté
de 37 %. À l’autre bout de
l’échelle, en
Colombie-Britannique, 21 %,
presque deux fois moins. Au
Québec, 23 %. La moyenne
canadienne est de 26%.
Si on veut voir à quel point les
travailleurs des différentes
provinces se sont enrichis depuis
une dizaine d’années, ce n’est pas
suffisant de considérer la
rémunération. Il faut aussi voir à
quel point les chèques de paie ont
été grugés par l’inflation. Voici
ce que cela donne.
Dans l’ensemble du pays, la
rémunération hebdomadaire moyenne
a augmenté de 3,7 % en termes
réels depuis 1998. Au Québec, le
chiffre correspondant est
pratiquement identique à 3,6 %. En
Ontario, de 2,5 %.
L’appauvrissement relatif du
Québec est une réalité quand on
regarde le recul de son poids
économique, recul dû, entre
autres, à sa faible productivité
et à son déclin démographique.
Prix de consolation : les chiffres
que nous venons de voir montrent
que cet appauvrissement n’apparaît
pas, du moins pas encore, sur les
chèques de paie.
Aucune retombée pour le
Québec - Marie Tison
Le gigantesque contrat de 4 milliards US
décroché par Bombardier Sifang pour la
construction de 80 trains à très grande
vitesse en Chine n’aura aucune retombée
au Québec. Même pas en ce qui concerne
la conception.
En fait, lorsqu’il est question de
grande vitesse, le Québec n’est
carrément pas dans la course. Même si
Bombardier est un des grands acteurs
mondiaux dans le domaine, avec Alstom et
Siemens.
« La conception et le développement des
trains à très grande vitesse se font
principalement de l’autre côté de
l’Atlantique ou du Pacifique », a
déclaré le porte-parole de Bombardier
Transport, Talal Zouaoui.
La raison est simple: les projets de
train à très grande vitesse se
retrouvent en Europe ou en Asie.
Dans les années 90, une équipe de
Bombardier Transport à Saint-Bruno a
travaillé au développement de l’Acela,
le train à grande vitesse qui relie
Washington et Boston. Sa vitesse ne
dépasse cependant pas 240 kilomètres à
l’heure, comparativement au Zefiro 380,
le nouveau train de Bombardier Sifang,
qui atteindra 380 kilomètres à l’heure.
Et l’Acela n’a pas fait de petits en
Amérique du Nord.
antique). »
C’est essentiellement en Europe, à son
centre d’expertise, que Bombardier a
conçu la technologie du Zefiro. C’est
toutefois à Qingdao, en Chine, que
Bombardier et son partenaire chinois,
CSR Sifang Rolling Stock,
développeront le projet de Zefiro 380,
avec la collaboration de l’équipe
ricaines. Le projet le plus avancé
relierait Sacramento, San Francisco,
Los Angeles et San Diego, en
Californie. Les promoteurs ont
toutefois déjà fait savoir qu’ils ne
favoriseraient pas Bombardier pour la
fabrication des trains parce que
l’entreprise n’a pas fourni de
services gratuits lors de la révision
des études d’ingénierie comme ses
concurrents Alstom, la société
espagnole CAF et les manufacturiers du
shinkansen japonais.
Bombardier aurait plus de chances avec
la Floride, qui veut remettre sur les
rails un vieux projet de train à
grande vitesse entre Tampa et Orlando,
le Jet Train, qui devait être
manufacturé à l’origine par
Bombardier.
Une partie de
la conception et du développement de
ce train pourrait être effectuée à
Saint-Bruno, mais cette proportion
dépendrait évidemment des exigences de
la Floride en fait de contenu local.
Le travail de conception et
développement au Québec serait
évidemment plus important pour un
projet de train à grande vitesse entre
Québec et Windsor, un corridor qui
vient de refaire son apparition dans
le discours des politiciens.
Bombardier Transport pourrait adapter
le Zefiro aux exigences des
gouvernements et aux conditions
locales.
« Nous serions en mesure d’assumer une
partie du développement et de la
fabrication des véhicules ici, sur
place, a assuré M. Zouaoui. Nous
sommes très bien positionnés, avec le
centre d’ingénierie de SaintBruno et
l’usine de fabrication de La
Pocatière. »
Le titre de Bombardier a gagné 7 cents
pour clôturer à 4,93$ hier, à la
Bourse de Toronto. L’action avait
gagné 29 cents lundi, après l’annonce
du contrat de Bombardier Sifang en
Chine, un bond de 6,35%.
L’anémie de la banlieue
- Claude Picher
De Laval à
Longueuil, de Repentigny à
Châteauguay, les élus locaux auront
beau s’efforcer de proclamer le
contraire, les quatre régions qui
forment la banlieue de Montréal,
c’est-à-dire Laval, Lanaudière, les
Laurentides et la Montérégie,
souffrent toutes intrinsèquement
d’anémie économique.
Autrement dit, dans les quatre cas, le
dynamisme économique local est
largement insuffisant pour créer de
l’emploi pour tout le monde, et à plus
forte raison des emplois de qualité.
Dans Lanaudière, la plus mal en point
des quatre régions, le produit
intérieur brut (PIB) par habitant est
même inférieur à celui de la Gaspésie,
la région la plus pauvre du Québec!
Le découpage administratif du Québec
fait que les régions de Lanaudière,
des Laurentides et de la Montérégie
comprennent de vastes territoires
parfois très éloignés de Montréal,
mais une écrasante majorité de leurs
résidants vivent en périphérie
immédiate de Montréal. Quant à Laval,
c’est essentiellement une ville de
banlieue, même si elle a le statut de
région administrative distincte.
Toujours est-il que si la banlieue
réussit malgré tout à maintenir un
niveau de vie comparable à celui du
reste du Québec, ce n’est pas à cause
de sa vigueur économique, mais à cause
de la ville centre et des emplois qui
s’y trouvent.
Pour mieux comprendre la faiblesse des
économies de la banlieue, il faut
faire la différence entre le revenu
personnel disponible et la valeur de
la production, c’est-à-dire le PIB.
Les plus
récentes séries de chiffres de
l’Institut de la statistique du Québec
(ISQ), publiées la semaine dernière,
nous apprennent que le revenu
personnel disponible par habitant,
dans l’ensemble du Québec, se situe à
25 494$ (1).
Le revenu personnel disponible
comprend les revenus de toutes
provenances (salaires, caisses de
retraite, prestations sociales,
revenus de placement et de location)
moins les taxes, impôts et
contributions sociales. Ainsi, un
Lavallois qui travaille et qui reçoit
son salaire à Montréal ajoute ce
montant à son revenu personnel, ce qui
contribue à faire grimper la richesse
de Laval...
À Montréal et dans les quatre régions
de la périphérie, le revenu personnel
disponible oscille entre 26 605$ et 24
222$. Donc, à quelques poussières
près, plus ou moins au même niveau que
la moyenne québécoise. Le problème ne
se situe pas là.
Le portrait change radicalement
lorsque l’on considère la taille des
économies régionales.
Le PIB mesure la valeur de l’ensemble
des biens et services produits sur un
territoire donné. Ainsi, le PIB du
Québec est de 283 milliards, ou 36
542$ par habitant. Le
PIB donne une idée du niveau de vie
d’une société, mais c’est un outil
qu’il faut manier avec précaution.
Ainsi, dans la région de Lanaudière,
le PIB se situe à 10 milliards, ou 22
142$ par habitant, le plus faible
niveau au Québec.
Est-ce dire
que les Lanaudois sont presque deux
fois plus pauvres que les autres
Québécois ? Certainement pas ! Comme
on vient de le voir, leur revenu
personnel soutient parfaitement la
comparaison.
En revanche, le PIB nous donne une
excellente image de l ’ ac t i vité
économique d’une région, de son
dynamisme entrepreneurial, de sa
capacité à créer de l’emploi
localement et, dans la mesure du
possible, des emplois de qualité.
I l s aute au x yeu x que Lanaudière
n’y parvient pas, et que la région
doit remercier Montréal pour son
niveau de vie relativement élevé. Même
chose pour la Montérégie, où le PIB
par habitant n’atteint que 30 776 $,
Laval (30 487$) ou les Laurentides (28
378 $). Tous des chiffres bien en deçà
de la moyenne québécoise, et qui font
clairement ressortir l’atonie
économique de la banlieue.
À Montréal,
par contre, le PIB par habitant bondit
à 52 883 $, presque deux fois plus
qu’en banlieue. Encore ici, cela ne
veut pas dire que les Montréalais sont
deux fois plus riches. Leur revenu
personnel disponible est à peine
supérieur à la moyenne provinciale. En
revanche, ce chiffre indique
clairement que c’est à Montréal même
que se trouve le moteur de l’économie
québécoise, le plus important
réservoir de dynamisme entrepreneurial
ainsi que les meilleurs emplois, en
nombre et en qualité, qui viennent
avec. En fait, la ville centre (et les
quelques autres municipalités situées
dans l’île de Montréal) compte à elle
seule pour 35% du PIB québécois, même
si elle n’abrite que 24% de la
population.
À lui seul, le PIB de Montréal (99
milliards, l’équivalent du PIB de pays
comme le Vietnam ou le Maroc) fait
facilement deux fois celui de la
Montérégie, sept fois les Laurentides,
huit fois Laval, dix fois Lanaudière.
Quand on parle de la « locomotive
Montréal », c’est de cela dont il
s’agit.
MEILLEURS MBA HEC dans le top
10 de Forbes
HEC
Montréal attire une fois de plus
l’attention du magazine Forbes.
L’institution figure pour une quatrième
fois consécutive sur les palmarès des
meilleurs MBA au monde.
Le programme i ntensif de HEC mérite le
dixième rang des MBA d’un an à
l’extérieur des États-Unis. Le
classement est établi sur la base du
rendement de l’investissement.
Tout au plus 25 écoles non américaines
sont incluses dans l’étude de Forbes,
mais HEC n’en retire pas moins une
certaine fierté.
« Le monde du MBA est très compétitif,
et ce genre de classement est une façon
de faire connaître l’excellence de nos
programmes partout dans le monde, dit
Jacques Roy, directeur du programme de
MBA à HEC Montréal. Ça vient renforcer
encore une fois notre réputation à
l’international. »
Environ 45% des 170 étudiants au MBA de
HEC Montréal proviennent de l’étranger.
L’ i nstit ution de l a
CôteSainte-Catherine est devancée au
classement par neuf écoles européennes.
Les f rais de
scola r ité peu élevés ( 26 000 $ pour
un étudiant étranger) avantagent HEC
Montréal, mais les bas salaires des
diplômés jouent contre l’école
montréalaise. Comme 55 % des diplômés
sont Canadiens, la plupart se trouvent
un emploi ici, à des salaires qui ne
peuvent se comparer à ceux de Londres,
de Genève ou de New York.
Un salaire de 92 000$
Pour établir son classement, Forbes a
calculé les salaires des diplômés de
2004 dans les cinq années suivant
l’obtention de leur diplôme. Le
magazine a mis ces données en rapport
avec les coûts d’opportunité, soit le
total des frais d’inscription, des
frais afférents et des salaires
reportés en raison des études.
Selon Forbes, le salaire moyen des
diplômés de la cohorte 2004 de HEC
était de 92 000$ en 2008, contre 32
000$ avant l’obtention de leur
maîtrise.
Sur cinq ans, Forbes établit que le
gain net d’un diplômé de HEC (les
profits dus au MBA divisés par toutes
les dépenses) est de 15 000$, soit 25%
des dépenses totales.
Par comparaison, l’école française
Insead, à Fontainebleau, génère un
gain de 192 000$ sur cinq ans, soit
162% des dépenses (qui comprennent des
frais de scolarité de 67 000$). Elle
est au premier rang de la liste de
Forbes.
La faculté de gestion Desautels, de l’
Université McGill, a quant à elle pris
le 11e rang mondial (excluant les
États-Unis) pour les MBA de deux ans.
« Nous sommes confiants d’être encore
mieux placés dans l ’avenir, a réagi
le directeur du programme, Don
Melville. Dans les deux dernières
années, nous avons changé notre
curriculum, rénové nos installations
et embauché 20 nouveaux professeurs.
Pour nous, c’est un nouveau départ. »
UNE FRACTURE
NORD-SUD - Stéphane Paquet
La f racture
NordSud sert normalement à décrire la
différence entre les économies
développées et celles des pays
pauvres. Un économiste vient de lui
trouver une nouvelle applicat i on :
expliquer les modèles économiques
différents des régions du Québec.
Cette fracture, soulignée par Mario
Polèse de l’ I NRS Urbanisation, prend
une dimension tangible quand on
compare le salaire des hommes qui y
travaillent : mieux payés au Nord…
mais dans une économie plus dynamique
au Sud !
Commençons par
les salaires. Voici les sept villes où
les salaires masculins étaient les
plus élevés en 2005 : Ba i e - Comeau,
S e ptÎ les, Rouyn-Noranda,
Sorel-Tracy, Saguenay,
Dolbeau-Mistassini et Alma. Les hommes
de ces régions – les femmes ont été
exclues pour des raisons
méthodologiques – gagnent entre 15 %
et 38% de plus que les hommes du r
este du Québec. Les hommes montréalais
se contentent de 7% de plus que leurs
compatriotes, en comparant les
salaires médians régionaux.
Voici maintenant les sept villes aux
salaires les plus bas – la bouss ole s
e déplace c l a i - r e ment ver s l e
Sud : Thetford Mines, SaintGeorges,
Victoriaville, Cowansville, Matane, D
r u m mondv i l l e e t Lachute. Les
hommes y rapportent à la maison un
pactole de 10 % à 14 % plus petit que
dans le reste du Québec.
«À l ’ i n t é r i e u r du Québec, c
’est l a coupure Nord-Sud qui fait la
différence ou, plus précisément, la
distinction entre les économies l oca
l es a xées s u r de grandes
industries tributaires des ressources
naturelles (dont l’énergie
hydro-électrique) et les économies
locales axées sur des PME
manufacturières plus diversifiées »,
écrit M. Polèse, dans le Panorama des
régions du Québec, publié par
l’Institut de la statistique du
Québec.
« Le défi est
autant social qu’économique dans des
collectivités marquées par une vieille
tradition syndicale et par de grands
patrons protecteurs. »
Avantage au sud
En se f ia nt seulement aux salaires,
le portrait semble être à l’avantage
des régions dépendantes de grandes
entreprises.
La situation est plus complexe. « La
croissance est beaucoup plus forte au
sud », souligne M. Polèse au
téléphone. En fait, écrit-il, « non
seulement l’entrepreneur en puissance
à Alma est-il plus loin du marché
américain que son cousin de
Cowansville, et sans les avantages de
la proximité d’une grande ville, mais
en plus doit-il naviguer dans un
marché local de travail où les
attentes salariales sont sensiblement
plus élevées ».
Le soudeur du Saguenay, illustre-t-il,
s’attendra à recevoir un salaire élevé
s’il est employé dans une PME: ses
voisins ont droit aux salaires et
avantages sociaux offerts par Rio
Tinto Alcan.
Le chercheur reconnaît luimême qu’il
n’est pas politiquement correct de
voir comme un avantage les plus bas
salaires. Mais, ajoute-t-il, « c’est
précisément parce que salaires sont
plus bas dans le Sud que c’est plus
intéressant dans le Sud », dit-il.
Pourquoi aussi
bas ? Pour M. Polèse, qui a déjà écrit
sur le sujet, la question linguistique
j oue clairement un rôle. « La f
rontière linguistique a pour effet de
réduire la mobilité de la
main-d’oeuvre francophone ce qui, du
point de vue de certaines entreprises,
comporte deux avantages : elle réduit
le rayon des repères salariaux des
travailleurs et rend la main-d’oeuvre
plus stable. »
Sa région du sud comporte toutefois
des zones « nordiques » : à
Sorel-Tracy, Trois-Rivières et à
Valleyfield, les salaires masculins
sont aussi plus élevés qu’à Montréal.
« De telles zones industrielles
connaissent plus de difficultés à se
recycler, par opposition à des zones
avec un héritage d’industrie légère ou
de PME. Le défi est autant social
qu’économique dans des collectivités
marquées par une vieille t radition
syndicale et par de grands patrons
protecteurs. »
Un avenir
Contrairement à d’autres économistes
qui misent peu sur le secteur
manufacturier dans les économies
développées, Mario Polèse estime qu’il
a un avenir. « Nos exportations vers l
es États-Unis ou l’extérieur, c’est de
75 % à 80 % des biens fabriqués »,
rappelle-t-il.
Et plus le t i ssu i ndustriel est
diversi f i é, mieux c ’ est .
D’ailleurs, l a bonne performance
relative de l’économie québécoise dans
la récession actuelle t rouve sa cause
dan la diversi f ication, selon lui. «
Prenez quelques villes du sud du
Québec et comparez-les à des villes du
sud de l’Ontario… »
B e l l e t & Tel u s : LA «
PROBABLE » FUSION SOULÈVE DES
CRAINTES - Maxime Bergeron
Le spectre
d’une fusion e n t r e B e l l e t Tel
u s est r evenu à l ’ava ntscène hier,
ce qui soulève des i nquiétudes à
Option consommateurs.
Dans un rapport exhaustif, l’analyste
Jonathan Allen, de RBC Marché des
capitaux, estime qu’une union entre
les deux géants des télécoms est «
très probable » d’ici à deux ans. Le
projet avait déjà été contemplé au
printemps 2007 mais a avorté.
Or, selon M. Allen, les obstacles qui
ont empêché le mariage à l’époque
auront presque tous disparu dans deux
ans. En premier lieu, l’opposition du
Bureau de la concurrence.
Pourquoi ? La nouvelle entité
Bell-Telus serait moins dominante sur
le marché qu’elle ne l’aurait été en
2007, à cause de l’arrivée de trois,
quatre ou cinq nouveaux fournisseurs
de sans-fil d’ici un an. Vidéotron et
Globalive, par exemple, promettent de
mener une guerre féroce aux géants
établis.
« Plus les nouveaux fournisseurs
seront perturbateurs (pour Bell et
Telus), plus les chances d’une fusion
augmenteront », écrit M. Allen.
Cette nouvelle dynamique de
concurrence empêcherait le tandem
Bell-Telus de faire grimper
artificiellement les prix grâce à son
« pouvoir de marché », ce qui
faciliterait du coup l’approbation des
autorités, avance l’analyste.
L’avantage premier d’une union réside
toutefois dans les économies
d’échelle. Selon Jonathan Allen,
l’entreprise née de la fusion pourrait
épargner 1,2 milliard de dollars par
année en combinant les activités de
ses deux entités. Au total , les «
synergies » pourraient atteindre 10
milliards, écrit-il.
Consommateurs inquiets
Tout cela est bien beau pour les
actionnaires, mais Michel Arnold,
directeur général de l’organisme
Option consommateurs, craint que ce
soient les clients qui paient le prix
d’un tel mariage. De leur poche.
« Toute f usion de compagnies met e n
péri l la concurrence qui pour r a i t
être au bénéfice des consommateurs »,
a-t-il fait valoir à La Presse
Affaires.
Michel Arnold est loi n d’être
convaincu que l’a rr i vée de nouveaux
f ournisseurs dans le sa ns-f i l c
ontrebala ncera l e poids immense
qu’auraient ensemble Bell et Telus. «
Même si de nouveaux acteurs arrivent,
et ce ne sera pas dans tous les
marchés, ce n’est pas un argument qui
fait en sorte qu’on verrait cette
fusion d’un bon oeil. »
Les
organismes de défense des
consommateurs dénoncent depuis
longtemps le prix élevé des services
de téléphonie cellulaire au pays.
Encore cette semaine, une étude de
l’OCDE est venue confirmer que c’est
au Canada qu’on paie le plus cher
parmi toutes les nations développées.
Jonathan Allen, de RBC, note cependant
que le revenu moyen par abonné est en
recul depuis plusieurs trimestres déjà
au Canada, signe d’une concurrence
plus vive. Et cette tendance à la
baisse devrait se poursuivre lorsque
les nouveaux fournisseurs arriveront,
ce qui poussera d’autant plus Bell et
Telus à fusionner pour réaliser des
économies d’échelle.
Troy Crandall, analyste en télécoms
chez MacDougall, MacDougall &
MacTier, juge lui aussi « très
souhaitable » une union des deux
sociétés, mais il doute que cela soit
possible avant au moins trois ans à
cause des autorités.
« Fusion hypothétique »
Au Bureau de la concurrence du Canada,
la porteparole Alexa Thorp a refusé de
se prononcer sur des « fusions
hypothétiques », soulignant que les
dossiers sont étudiés au cas par cas.
Si une f usion avait l ieu
aujourd’hui, Bell et Telus
détiendraient 54% du marché national
du sans-fil – plus de 60% dans six
provinces – et 85% du secteur des
grandes entreprises, indique Jonathan
Allen.
Mark Langton, vice-président aux
communications de BCE, n’a pas voulu
commenter cette fusion éventuelle,
hier. Stacey Masson, porteparole de
Telus, a elle aussi refusé de se
prononcer sur des « spéculations ».
La résurgence de cette idée semble
néanmoins avoir eu un impact sur les
titres des deux entreprises à la
Bourse de Toronto. Ils ont grimpé de
près de 2 % en milieu de journée.
Celui de BCE a clôturé en hausse de 35
cents, à 25,43 $, et l’action de Telus
a gagné 44 cents, à 33,63 $.
Selon Jonathan Allen, la fusion des
deux sociétés se réaliserait « entre
égaux » , sans versement en argent ni
nouvel emprunt. Bell constituerait les
deux tiers de la nouvelle entité, et
Telus, l’autre tiers. En 2007, Telus
souhaitait plutôt mettre la main sur
BCE.
Après l ’ avor t e ment de cette
première tentative, l’exprésident de
BCE, Michael Sabia, avait admis en
entrevue à La Presse Affaires que la
transaction aurait été très difficile
à faire approuver par le Bureau de la
concurrence. Selon lui, les chances de
succès étaient à peine d’une sur cinq.
Bell Canada avait finalement accepté
une offre de rachat de 51,7 milliards
de la part de Teachers’ et ses
partenaires, qui est tombée à l’eau en
décembre dernier après 18 mois de
péripéties.
Revenu Québec: « The sky is
the limit » - Michel Girard
Si votre dossier fiscal est rendu entre
les mains d’un percepteur du Centre de
perception fiscale, bonne chance.
Ça s’annonce mal pour la mère de JP.
Revenu Québec vient de l ui faire parvenir
un avis concernant les acomptes
provisionnels à verser les 15 septembre et
15 décembre prochains. Pourquoi ça
s’annonce mal ? Parce que l’avis a été
envoyé à l’ancienne adresse de madame et
que celle-ci ne les versera pas ! Par
surcroît, comme Madame ne déposera pas sa
déclaration de revenus de 2009, Revenu
Québec établira possiblement une
cotisation arbitraire et faute de réponse
de la part de madame, le dossier aboutira
entre les mains du Centre de perception
fiscale. Et là, ce sera au tour des «
limiers » de cette agence de recouvrement
de Revenu Québec de courir après madame.
Et ce n’est pas un changement d’adresse
qui va les arrêter…
Mais diable ! C’est quoi le problème avec
la mère de JP ? Le problème : elle n’a
plus accès à son courrier. Elle a changé
d’adresse ! Elle est rendue au ciel depuis
décembre 2008. Elle est décédée à l’âge de
88 ans.
Pourtant…
« Revenu Québec et Revenu Canada ont été
avisés i mmédiatement comme il se doit du
décès de ma mère et mes coordonnées, à
titre de liquidateur de la succession, ont
été fournies », explique JP.
« Le rapport d’impôt final a été acheminé
au début de l’année à chaque gouvernement,
en précisant bien que ma mère était
décédée. Les deux avis de cotisation ont
été bien reçus confirmant leur acceptation
des rapports d’impôts tels que soumis. Le
processus de liquidation de la succession
en est à la dernière étape, soit la
réception des autorisations de la
distribution des biens à la suite de la
demande déposée à Revenu Québec. »
« Non mais, ils dorment au gaz ou quoi ? »
conclut-il. C’est par l’entremise du
service de renvoi de courrier que JP a pu
mettre la main sur le nouvel avis
d’acomptes provisionnels destinés à sa
défunte mère.
À la suite de mes deux chroniques Revenu
Québec terrorise un vieillard de 87 ans et
Revenu Québec saisit une dame de 92 ans…,
il appert que le changement d’adresse des
contribuables cause un véritable problème
à Revenu Québec. Je vous rappelle que
Revenu Québec avait inutilement saisi les
comptes bancaires de ces deux personnes
âgées sous prétexte qu’elles ne donnaient
pas suite à ses avis de cotisation. Le hic
? Revenu Québec envoyait ses avis de
cotisation aux anciennes adresses des deux
contribuables !
C’estquoileproblèmedeRevenu Québec avec
les changements d’adresse des
contribuables ?
Selon Revenu Québec, tout fonctionne sur
des roulettes.
« Les systèmes (informatiques) à Revenu
Québec concernés par les changements
d’adresse des particuliers ont été
refondus et livrés entre les années 2001
et novembre 2005, ce sont des systèmes
très récents qui fonctionnent avec une
technologie de pointe », m’expl i que l e
por t e - pa r ole Dany Lapointe.
Mais
qu’en est-il de l’interface des adresses
alors que le système réactiverait une
adresse désuète simplement parce qu’elle
figurait sur une ancienne déclaration
traitée après le déménagement?
« Depuis le 6 mars 2009, ajoute M.
Lapointe, une modification apportée aux
systèmes de Revenu Québec empêche la
réactivation d’une ancienne adresse
lorsque celle-ci a été modifiée, à la
demande d’un contribuable. Cette
situation, c’est-à-dire le blocage de la
réactivation d’une ancienne adresse, peut
survenir lorsqu’un particulier omet de
modifier son adresse lors de la t
ransmission électronique de sa déclaration
d’impôt subséquente. Lors des retours de
courrier, un service spécialisé à Revenu
Québec veille à retracer les nouvelles
adresses des contribuables visés et met à
jour le fichier d’adresses dans le système
de Revenu Québec. »
Le recouvrement des créances fiscales
C’est le Centre de perception fiscale qui
agit comme agence de recouvrement des
créances f i scales que Revenu Québec
estime lui être dues. Et les percepteurs
dudit Centre sont si efficaces qu’ils
réussissent chaque année à dépasser les «
objecti fs corporatifs » f i xés par le
gouvernement Charest.
À preuve, au cours des quatre années
allant de 2004 à 2008, le Centre a réussi
à récupérer 500 millions de dollars de
plus que les 5,7 milliards souhaités.
Pour l’année financière 200809, le
gouvernement Charest s’attend à ce que le
Centre de perception f iscale de Revenu
Québec récupère en créances f iscales ( i
mpôts des particuliers et des entreprises,
plus les taxes impayées) rien de moins que
deux milliards de dollars.
« Toujours plus haut », voilà la devise
qui alimente les besoins f i nanciers du
gouvernement du Québec, aujourd’hui
grandement déficitaire.
Si votre dossier fiscal est rendu entre
les mains d’un percepteur du Centre de
perception fiscale, bonne chance. Pour
vous démonter à quel point les percepteurs
sont « ef f i caces » dans leurs méthodes
musclées de récupération des créances de
Revenu Québec, sachez que chacun d’entre
eux a réussi à récupérer l’équivalent de
1,8 million de dollars de créances
fiscales.
Et chaque année, le ministère du Revenu
exige de ses percepteurs du Centre de
perception un petit effort supplémentaire.
De grâce, si votre dossier se retrouve
parmi les 500 000 dossiers de créances
fiscales actuellement traités par le
Centre de perception, soyez « indulgent »
envers votre percepteur.
I l a des « objecti f s corporatifs » à
remplir ! Par contre, si vous le trouvez
trop zélé et agressif, vous pouvez
toujours vous plaindre soit au bureau du
ministre du Revenu (cabinet@ mrq. gouv.
qc. c a) ou au bureau du Protecteur du
citoyen (ww.protecteurducitoyen.qc.ca).
Bonne chance!
Le rattrapage québécois... et
ses faiblesses - CLAUDE PICHER
Depuis 2000, année après année (à une seule
exception près, en 2006), la croissance du
revenu personnel disponible, au Québec, a
toujours été au moins égale, et la plupart
du temps supérieure, à celle de l’Ontario.
Depuis quelque temps, l or s que St a t i s
t i que Canada publie les résult at s de s
on enquête mensuelle sur la population
active, il se passe quelque chose qu’on
n’aurait jamais cru possible : le taux de
chômage en Ontario est maintenant
systématiquement supérieur à celui du
Québec. Selon les derniers chiffres, 9,6 %
en Ontario, contre 8,8 % au Québec.
Bien sûr, cette situation exceptionnelle est
attribuable aux déboires de l’industrie
automobile nord-américaine, dont
l’importante production au Canada est
essentiellement concentrée dans la province
voisine.
Le taux de chômage est un indicateur
économique précieux, mais ce n’est pas le
seul.
Un autre outil qui permet de mesurer le
niveau de prospérité d’une société est le
revenu personnel disponible par habitant.
Or, les données les plus récentes de l’
Institut de la statistique du Québec,
incluant les prévisions pour 2009, montrent
que les Québécois, à ce chapitre,
s’enrichissent plus rapidement que les
Ontariens depuis une dizaine d’années.
Le revenu personnel disponible inclut les
revenus de toutes sources : salaires,
pensions, revenus de
Certes, les Ontariens demeurent plus riches
que les Québécois, mais l’écart s’amenuise
avec le temps. Voyons plutôt :
Entre 2000 et 2009, le revenu personnel
disponible par habitant est passé de 22 705
à 28 488$ en Ontario, une hausse de 25 %.
Les chiffres correspondants pour le Québec
sont de 18 915 et 25 408 $, une augmentation
de 34%. Les montants sont exprimés en
dollars courants, c’est-àdire qu’ils ne
tiennent pas compte de l’inflation.
Résultat : en 2000, le revenu disponible de
chaque Québécois se situait en moyenne à 83%
du niveau ontarien. Aujourd’hui, cette
proportion atteint 89%. au Québec continue
de dépasser largement celle de l’Ontario
sans interruption pendant 13 ans. C’est loin
d’être certain. Déjà, les prévisions
avancées du Conference Board laissent
entrevoir que l’Ontario reprendra l’avantage
dès 2010, avec une croissance du revenu
disponible par habitant de 2,7 %, contre 2,1
% pour le Québec.
D’autre part, le rattrapage du Québec est en
grande partie artificiel. En 2003, les
Ontariens ont élu le gouvernement libéral de
Dalton McGuinty. La même année, les
Québécois ont élu les libéraux de Jean
Charest. Les deux premiers ministres ont
donc été au pouvoir pendant la location,
intérêts et autres revenus de placement,
prestations sociales, moins les taxes, les
impôts et les cotisations sociales.
Depuis 2000, année après année (à une seule
exception près, en 2006), la croissance du
revenu personnel disponible, au Québec, a
toujours été au moins égale, et la plupart
du temps supérieure, à celle de l’Ontario.
Le rattrapage est donc bien réel. On
pourrait même être tenté de faire une
audacieuse projection : à ce r ythme, les
Québécois seront plus riches que les
Ontariens en 2022 !
Il faut se garder de pavoiser. Les choses
risquent de ne pas être aussi roses, pour
quatre raisons.
I l faudrait d’abord que la croissance du
revenu disponible plus grande partie de la
période étudiée.
Or, le gouvernement McGuinty s’est signalé,
entre autres choses, pour ses hausses
d’impôts, qui ont évidemment pour effet de
réduire le revenu personnel disponible.
Pendant la même pér i o de , l e gouve r
nement Charest a annoncé d’importantes
baisses d’impôts, augmentant d’autant le
revenu personnel disponible des Québécois.
Le rattrapage des Québécois n’est donc pas t
ant attribuable au dynamisme propre de
l’économie québécoise qu’aux politiques
fiscales des deux gouvernements provinciaux.
Troisièmement, si la croissance du revenu
disponible par habitant est plus forte au
Québec, c ’est en partie parce que sa
croissance démographique est plus faible.
Moins de personnes pour se partager la
croissance des revenus, cela fait forcément
un peu plus d’argent dans les poches de
chacun. C’est un avantage largement annulé
par les inconvénients d’une croissance
démographique anémique.
Enfin, si l’écart des revenus s’est rétréci
entre le Québec et l’Ontario, la situation
devient beaucoup moins rassurante si on
compare le Québec au reste du Canada.
Toujours entre 2000 et 2009, le revenu
personnel disponible par habitant a augmenté
de 38% au Manitoba, 40% dans les provinces
de l’Atlantique, 41 % en
Colombie-Britannique, 57% en Saskatchewan et
66% en Alberta. Toutes des performances qui
dépassent celle du Québec, et qui ont pour
résultat de propulser la moyenne, dans le
reste du Canada (y compris l’Ontario), à
37%.
Les entreprises québécoises à la
traîne - Michel Girard
C omment se débrouillent les « québécoises » de
la Bourse c a nadien ne ? Ont-el l e s réussi à
suivre le momentum dicté par l’indice phare de
la Bourse de Toronto, soit le S& P/ TSX
composé, lors des six premiers mois de l’année ?
Comment se défendentelles en Bourse
comparativement aux sociétés canadiennes des
autres provinces ?
Pour suivre l’évolution boursière des grandes
entreprises québécoises, deux indices boursiers
ont été mis au point par le Centre d’analyse et
de suivi de l’Indice-Québec, voire le IQ-30 et
le IQ-120.
L’indice IQ-30 rapporte la performance boursière
des 30 grandes sociétés boursières ayant leur
siège social au Québec, comme BCE, Power
Corporation, Jean Coutu, Banque Royale, Banque
Nationale, Transcontinental , Saputo, SNC, Rona,
Quebecor, T r a nsat , CN,
Industrielle-Alliance, Bombardier, Banque
Laurentienne, Cogeco Cable, Uni-Select,
Industries Dorel, etc.
Outre ces titres québécois à grande
capitalisation, l’indice IQ-120 renferme 90
autres titres de sociétés québécoises inscrites
à la cote de la Bourse de Toronto.
Pour la période allant du 1er janvier au 3
juillet dernier, l’IQ-30 a grimpé de 9,5 % et
l’IQ-120 de 11,9 %. Est-ce une bonne performance
par rapport à l’ensemble de la Bourse
canadienne?
C’est bien… mais il n’y a pas de quoi sauter au
plafond. La performance des indices québécois
est quand même nettement inférieure au gain
enregistré par l’indice S& P/ TSX composé.
Ce dernier a progressé de 14,0% lors de cette
même période. Et l’indice S& P/ TSX 60 de la
Bourse de Toronto (lequel regroupe les 60
grandes sociétés canadiennes) a mieux fait avec
une hausse de 14,6%.
À
défaut de battre l’ensemble des sociétés
canadiennes, estce que nos « québécoises » ont
réussi à se démarquer par rapport aux sociétés
qui ont leur siège social dans les autres
provinces canadiennes?
Par rapport aux cinq autres indices boursiers
provinciaux mis au point par le Centre d’analyse
et de suivi de l’Indice-Québec, notre IQ-30 ne
devance que l’indice boursier IA-15 des
provinces de l’Atlantique. Celui-ci a progressé
de seulement 9,07% au cours des six premiers
mois de l’année.
La meilleure performance provinciale de la
Bourse canadienne a été réalisée par les
sociétés de la Colombie-Britannique. L’indice
CB-20 a rapporté depuis le début de l’année un
énorme gain de 28,7 %.
Au deuxième rang, on retrouve les grandes
sociétés qui ont pignon sur rue dans les
Prairies. Leur indice, le IP-10, a gagné jusqu’à
présent quelque 21,8 %.
Suivent ensuite l’indice ontarien IO-40 avec un
gain de 13,7 % et l’indice albertain IAB-25 avec
une hausse de 9,95 % pour la période.
Fonds FTQ et CSN
La comparaison provinciale étant faite, ramenons
maintenant la performance rapportée la semaine
dernière par les deux fonds de travailleurs dans
leurs justes perspectives…
Les dirigeants du Fonds de solidarité de la FTQ
et ceux de Fondaction de la CSN étaient tout
fiers de comparer leur performance annuelle (du
1er juin 2008 au 31 mai 2009) avec certains
indices de référence qu’ils jugent appropriés.
Le Fonds de la FTQ a rapporté un rendement
annuel négatif de -12,6% et Fondaction de la
CSN, un rendement négatif de -14,8%.
Pour démontrer aux actionnaires qu’ils s’étaient
bien défendus dans le cadre de la crise
financière qui a sévi durant cette période de 12
mois, les dirigeants des deux fonds québécois
ont notamment rappelé la contre-performance de
la Bourse canadienne, soit -29,5 % pour le S
& P/ TSX composé et -34,5 % pour l’indice
BMO des compagnies québécoises à petite
capitalisation.
Pendant que le Fonds de la FTQ comparait
également sa performance annuelle avec la baisse
de -16,6 % de l’indice « des fonds équilibrés
mondiaux neutres » du Globefund, Fondaction de
la CSN y allait d’une comparaison avec la
contre-performance de -17,1 % enregistrée « pour
la moyenne des fonds équilibrés canadiens
actions » de Paltrak.
Bravo pour le choix des indices de référence !
C’est toutefois une arme à deux tranchants.
Pendant que le portefeuille du Fonds de
solidarité progressait d’un maigre 3,2 % lors
des six derniers mois de son exercice (1er
décembre 2008 au 31 mai 2009), et que celui de
Fondaction gagnait un timide 1,2 % durant ce
semestre, l’indice BMO des compagnies
québécoises à petite capitalisation explosait de
33,6 %.
Un méchant rattrapage qui méritait d’être
souligné !
CONGRÈS BIO 2009 : Il faut stimuler
l’esprit d’entrepreneuriat des chercheurs, dit
le premier ministre
ATLANTA,
Géorgie
— Le Québec a beau posséder l’une des
meilleures politiques d’encouragement au monde
en matière de biotechnologies, il reste encore
du travail à faire pour stimuler l’esprit
d’entrepreneuriat des chercheurs, a reconnu
hier le premier ministre Jean Charest.
« Il faut mieux organiser l’information que
nous voulons diffuser aux chercheurs québécois
», a-t-il déclaré en point de presse à
Atlanta, où il participe au plus important
congrès mondial de l’industrie, Bio 2009.
« Il existe beaucoup d’outils, il y a de
nouveaux fonds qui seront mis en place, mais
les chercheurs eux-mêmes n’ont pas
suffisamment développé la culture de
commercialiser leurs propres produits, a
estimé M. Charest. Il faut aider les
chercheurs, mieux les informer, leur fournir
du soutien pour qu’ils puissent faire le lien
entre leurs recherches et la
commercialisation. »
La question du financement est évidemment un
défi de taille, et c’était le cas bien avant
la crise financière qui a éclaté l’automne
dernier.
«
Lecapitalderisques’est éloigné du pur
démarrage (d’entreprises technologiques) au
cours des quatre dernières années », a convenu
le ministre du Développement économique,
Raymond Bachand, qui accompagne Jean Charest
dans la capitale de la Géorgie.
Même des investisseurs institutionnels comme
la Caisse de dépôt et placement ou le Fonds de
solidarité se sont montrés plus réticents face
au secteur ces dernières années. Ce sont le
plus souvent les petites entreprises de
biotechnologies qui ont écopé: les fonds de
capital de risque ont préféré réinjecter des
liquidités dans des entreprises avec
lesquelles ils travaillaient déjà plutôt que
de se lancer dans l’inconnu.
Le gouvernement espère renverser la vapeur
avec un train de mesures annoncées dans le
dernier budget : la mise sur pied de Teralys,
un fonds de capital de risque qui doit être
doté, à terme, de 825 millions de dollars, la
création de trois fonds d’amorçage et le
lancement d’un nouveau Régime
d’épargne-actions (REA II).
« Cet automne, il devrait y avoir des
émissions d’actions (dans le cadre du REAII),
je connais quelques cas » , a indiqué le
ministre Bachand.
Jean Charest a dit suivre de près la vague de
fusions-acquisitions qui frappe l’industrie
pharmaceutique, mais il ne craint pas que le
phénomène fasse trop de dommages au Québec, où
sont présentes les 10 plus importantes
multinationales du secteur. Il faut dire que
l’acquisition récente de Wyeth par Pfizer et
l’achat d’Aventis par Sanofi, en 2004, n’ont
pas eu, jusqu’ici, de répercussions néfastes
au Québec.
Les Québécois et le salaire minimum -
CLAUDE PICHER
Simplement pour avoir le même pouvoir d’achat
que son vis-àvis québécois, le travailleur
ontarien devrait toucher un salaire minimum de
10,35$. Même avec l’augmentation d’hier, à
9,50$, il est encore bien loin du compte.
Hier, le salaire minimum au Québec est passé
de 8,50$ à 9,00$ l’heure. Huit autres
provinces ont également profité du 1er mai
pour faire la même chose.
Avec ces changements, la province la plus
généreuse est maintenant l’Ontario, avec
9,50$. À l’autre bout de l’échelle, trois
provinces, la Colombie-Britannique, le
Nouveau-Brunswick et l’Îledu-Prince-Édouard,
n’offrent que 8,00$.
L’occasion est peut-être bien choisie pour
rappeler qu’au Québec, le salaire minimum
augmente moins rapidement qu’ailleurs depuis
10 ans.
Entre mai 1999 et aujourd’hui, le salaire
minimum québécois est passé de 6,90$ à 9,00$,
une progression de 2,10 $ ou 30%. En Ontario,
la hausse correspondante est de 39%. La hausse
la plus rapide a été observée à TerreNeuve,
avec 62%. Enfin, c’est la Colombie-Britannique
qui ferme la marche avec seulement 12% de
hausse en 10 ans (nous reparlerons du cas
pathétique de cette province un peu plus
loin).
Les chiffres que nous venons de voir sont
trompeurs parce qu’ils ne tiennent pas compte
de l’inflation. Une fois ajustées en fonction
de l’indice des prix à la consommation, les
données changent radicalement.
Ainsi, au Québec, entre 1999 et 2008, dernière
année complète pour laquelle on dispose de
statistiques, les travailleurs québécois
assujettis au salaire minimum ont connu, en
termes réels, une hausse de 1,3%... ou 9 cents
l’heure. Tout juste de quoi protéger leur
pouvoir d’achat, mais largement insuffisant
pour améliorer leur qualité de vie. Seule la
Colombie-Britannique réussit à faire pire:
toujours en termes réels, les travailleurs
britannocolombiens touchent 49 cents de moins
l’heure qu’il y a 10 ans.
Ne déchirons pas nos chemises trop vite. En
réalité, la situation des Québécois est loin
d’être aussi noire que ce que laissent
supposer ces chiffres, pour deux raisons.
Quand on compare le salaire minimum entre
les provinces, il faut tenir compte des
différences du coût de la vie.
Nous venons de voir, par exemple, que le salaire
minimum québécois vient de monter à 9,00$. En
Ontario, il vient de passer de 8,75$ à 9,50$, un
bond appréciable de 75 cents. Pourtant, mieux
vaut toucher le salaire minimumauQuébec plutôt
qu’en Ontario. Principalement à cause des coûts
du logement, le coût de la vie est en moyenne de
15% plus élevé en Ontario. Simplement pour avoir
le même pouvoir d’achat que son vis-à-vis
québécois, le travailleur ontarien devrait donc
toucher un salaire minimum de 10,35$. Même avec
l’augmentation d’hier, à 9,50$, il est encore
bien loin du compte.
D’autre part, il faut se rappeler que le salaire
minimum, au Québec, tous gouvernements
confondus, a toujours compté parmi les plus
élevés au Canada depuis 10 ans.
Il fallait donc s’attendre à ce qu’il monte
moins rapidement. Nous avons vu qu’il se situait
à 6,90$ en 1999. La même année, il était de
5,25$ à Terre-Neuve. S’il avait fallu que le
salaire minimum québécois grimpe au même rythme
qu’à Terre-Neuve, il se situerait aujourd’hui
non pas à 9,00$, mais à 11,20$, de loin le plus
élevé en Amérique du Nord.
Et puis après? N’est-ce pas une bonne chose que
les travailleurs les moins bien payés aient
droit à des revenus qui leur permettraient
d’accéder à une meilleure qualité de vie?
Dans un monde idéal, on pourrait bien monter le
salaire minimum à 10$ ou 15$. Mais nous ne
vivons pas dans un monde idéal. Vous pouvez
imposer le salaire minimum que vous voulez aux
employeurs, mais vous ne pouvez pas leur imposer
un nombre d’employés minimum. Lorsque le salaire
minimum augmente, les employeurs vont se
conformer à la loi, mais vont se reprendre en
restreignant l’embauche, de façon à de pas
augmenter leurs coûts de main-d’oeuvre. Les plus
touchés sont les nouveaux arrivants sur le
marché du travail, et particulièrement les
jeunes. Une étude publiée il y a quelques années
par l’économiste Michael Baker, de l’Université
de Toronto, calcule que chaque fois que vous
haussez le salaire minimum de 10%, vous
augmentez le chômage de 2,5% chez les jeunes de
15 à 19 ans.
Voilà pourquoi il faut être prudent avant de
jouer avec le salaire minimum. L’exemple de la
Colombie-Britannique est d’ailleurs assez
éloquent. Dans les années 90, sous la gouverne
des néo-démocrates, la province a atteint et
maintenu le salaire minimum de loin le plus
élevé au pays. L’écart, notamment avec la
province voisine d’Alberta, était tellement
important que le gouvernement libéral de Gordon
Campbell a dû, en 2002, le geler à son niveau de
l’époque (8 $), et il y est toujours. Les
travailleurs britanno-colombiens supportent donc
ce gel depuis sept longues années, mais cette
pénible situation aurait facilement pu être
évitée avec un peu de clairvoyance dans les
années 90.
Dans ces conditions, l’approche québécoise, qui
consiste à augmenter graduellement le salaire
minimum de façon à protéger le pouvoir d’achat
des travailleurs tout en évitant les hausses
trop brusques qui supprimeraient des emplois,
semble la mieux indiquée.
Ces
services dont on parle peu - CLAUDE PICHER
Le commerce de détail emploie 475 000
personnes au Québec; cela représente à peine
16% de tous les emplois dans le secteur des
services. De leur côté, l’hôtellerie et la
restauration fournissent ensemble 245 000
emplois, à peine 8% du total. Ces deux
secteurs sont ceux où on retrouve une majorité
de petits salaires.
Abit i biBowater , GM, Chrysler, l’Alberta en
déprime à cause du pétrole, la
ColombieBritannique sur le cul à cause du bois
d’oeuvre, que voilà de mauvaises nouvelles qui
attirent l’attention par les temps qui
courent.
Tous ces dossiers sont importants, certes,
mais ne représentent au bout du compte qu’une
petite partie de l’économie. Au Québec, comme
dans l’ensemble du Canada et des autres pays
riches, l’économie repose d’abord sur le
secteur des services.
Pourtant, on en parle peu et, quand on en
parle, c’est souvent avec mépris. Ainsi,
toutes les pertes d’emplois survenues depuis
deux ans dans le manufacturier ont été
amplement compensées par les emplois créés
dans les services. Or, une opinion largement
véhiculée veut que les emplois créés dans les
services, comme l’hôtellerie, la restauration,
les dépanneurs et le commerce de détail en
général, soient des petits emplois mal payés.
À quoi cela sert-il de perdre de bons emplois
chez GM si c’est pour les remplacer par des
emplois bas de gamme?
La réalité est radicalement différente, comme
le montre une nouvelle série de chiffres que
vient de publier l’Institut de la statistique
du Québec, et qui tiennent compte des données
les plus récentes, celles de 2008.
Et maintenant, le mythe des McJobs. La
rémunération hebdomadaire moyenne, au Québec,
toutes catégories de travailleurs confondues,
est de 751$. Dans les services, le montant
correspondant est de 710 $. C’est donc vrai
que les salaires, dans les services, sont
inférieurs à la moyenne, mais la différence
dépasse à peine 5%. C’est largement
insuffisant pour conclure qu’on échange des
bons emplois contre des emplois bas de gamme.
De plus, le chiffre de 710 $ est une moyenne,
et il faut parfois se méfier des moyennes. On
peut dire d’une personne qui a un pied pris
dans un bloc de glace, et l’autre pied Cela va
du simple au triple. Dans le commerce de
détail, le salaire se situe à 455$, un peu
mieux que dans la restauration, mais encore
très loin derrière la moyenne.
Le problème, c’est qu’on a souvent tendance à
assimiler le secteur des services au commerce
de détail et à la restauration. Rien n’est
plus faux.
Le commerce de détail emploie 475 000
personnes au Québec ; cela représente à peine
16% de tous les emplois dans le secteur des
services. De leur côté, l’hôtellerie et la
restauration fournissent ensemble 245 000
emplois, à peine 8% du total.
Ces deux secteurs sont ceux où on retrouve une
majorité de
D’abord, un rappel: le secteur des services
représente, à lui seul, 70% du produit
intérieur brut québécois. Sur les 3,9 millions
de travailleurs québécois, salariés et
autonomes, à temps plein ou partiel, trois
millions oeuvrent dans le secteur des
services.
C’est en ce sens qu’on peut dire qu’il s’agit
du véritable pilier de l’économie. posé sur
des charbons ardents, qu’en moyenne, sa
position est confortable !
L’image s’applique bien au secteur des
services. Au bas de l’échelle, c’est-à-dire
dans l’hôtellerie et la restauration, le
salaire hebdomadaire moyen est de 329$. Et
tout en haut de l’échelle, dans les services
professionnels, scientifiques et techniques,
il grimpe a 1036$. petits salaires. Ils
contribuent évidemment à faire baisser la
moyenne. Mais ils n’en comptent pas moins pour
seulement 24% des emplois.
Où sont les 76% qui restent? On l’a vu, dans
les services professionnels, scientifiques et
techniques, qui fournissent 266 000 emplois,
un peu plus que l’hôtellerie et la
restauration. Mais les services, ce sont aussi
des centaines de milliers d’emplois dans
l’enseignement, l’administration publique, les
services financiers et les assurances, le
transport et l’entreposage, les soins de
santé, le commerce de gros, l’information et
la culture, les services aux entreprises, les
services informatiques, les services de
gestion.
Voilà tous des secteurs où la rémunération
rejoint ou dépasse souvent largement la
moyenne générale.
Le seul domaine où la contribution du secteur
des services ne correspond pas à son poids
économique est celui des immobi l isat ions, c
’ est-à-di re les investissements en
construction, agrandissement ou rénovation de
bâtiments, ou encore acquisition,
modernisation ou réparation de machinerie et
d’équipement. C’est normal : par définition,
le secteur des services ne produit pas de
biens, et n’a donc pas besoin de réaliser des
immobilisations aussi importantes que le
secteur manufacturier ou celui des ressources.
Malgré cela, ses immobilisations ( surtout des
édifices commerciaux) at teignent 28 milliards
de dollars en 2008, soit 46% du total
québécois. Au total,
les services fournissent des emplois à trois
travailleurs québécois sur quatre, et quoi
qu’on puisse en penser, ce sont surtout de
bons emplois bien rémunérés.
Taxe sur la masse salariale -
Un vrai débat s’impose
Depuis trop longtemps, chacune des taxes
sur la masse salariale est considérée
isolément
C’est au Québec que le fardeau global,
déjà imposant, est le plus élevé pour les
entreprises.
L’auteur est président du Conseil du
patronat du Québec. Les entreprises
québécoises paient plus de 15 milliards
chaque année en taxes sur la masse
salariale.
Le Conseil du patronat du Québe c (CPQ)
est invité à se prononcer demain sur
l’augmentation du taux de cotisation des
employeurs à la Commission de la santé et
de la sécurité du travail. Des scénarios
pouvant aller jusqu’à 23% d’augmentation
ont été avancés.
Dans quelques semaines, ce sera l’annonce
officielle d’une troisième augmentation
consécutive du taux de cotisation à
l’assurance parentale qui retiendra notre
attention; les informations disponibles
l’estiment à 8%.
L’automne prochain, nous serons appelés à
nous pencher sur l’avenir du Régime de
rentes du Québec; sans compter l’impact de
la crise financière, on parle d’une autre
augmentation, attribuable aux changements
démographiques.
À tout cela s’ajoute la proposition du
nouveau chef du Parti libéral du Canada,
Michael Ignatieff, de rendre plus
accessible le programme de l’assurance
emploi, augmentant ainsi les coûts de plus
de 1milliard de dollars, avec les
répercussions inévitables sur les taux de
cotisation.
Bref, alors que nous sommes au coeur d’une
récession, les entreprises du Québec sont
bombardées de toutes parts de propositions
de hausses, parfois considérables, des
taxes sur la masse salariale (TMS).
Depuis trop longtemps, chacun de ces
régimes est considéré isolément. Le poids
fiscal substantiel de l’ensemble des TMS
est d’ailleurs moins connu que le taux
respectif de chacune d’elle, généralement
pas très élevé. En fait, l’ensemble des
TMS représente pour les employeurs un coût
additionnel de 10% en sus de la
rémunération versée aux travailleurs
québécois.
En chiffres absolus, les entreprises
québécoises paient plus de 15 milliards
chaque année en TMS. Pour donner un ordre
de grandeur, c’est plus que ce que le
gouvernement duQuébec reçoit de l’ensemble
des taxes sur la consommation.
Rappelons aussi que ces taxes sont
applicables en tout temps, que les
entreprises fassent des profits ou non.
Taxer davantage les salaires que le font
nos voisins rend les entreprises d’ici
moins compétitives.
Or, comme le montre un dossier préparé par
la directrice de la recherche et
économiste en chef du CPQ, Norma Kozhaya,
c’est au Québec qu’il en coûte le plus
cher parmi toutes les provinces à ce
chapitre.
Si on se limite à comparer le Québec avec
l’Ontario, l’écart est de 31% pour un
salaire de 40 000$. Cette constatation est
vraie également pour d’autres niveaux de
salaire, notamment ceux entre 15 000$ et
45 000$. Et l’écart augmente pour les
travailleurs les mieux rémunérés,
principalement en raison du Fonds pour les
services de santé, dont les taux sont
nettement plus élevés au Québec.
L’heure d’un vrai débat sur cet aspect du
fardeau fiscal des entreprises a sonné.
Il faut cesser d’aborder l’enjeu par le
biais de chaque régime pris isolément.
Même si chaque nouvelle ponction s’inscrit
dans des contextes spécifiques et semble
mineure en apparence, il faut désormais
considérer le fardeau global – déjà
imposant – de l’ensemble de ces taxes.
Le fait que les taux de plusieurs TMS
soient fixés au moyen de décisions
sectorielles n’aide certes pas à faire ce
débat. À titre d’exemple, la Régie des
rentes du Québec ou le Conseil de gestion
de l’assurance parentale soumettent des
recommandations dans une perspective
d’équilibrer les entrées et les sorties de
fonds de ces régimes, recommandations que
le gouvernement s’empresse de suivre.
Cette apparente décentralisation des
décisions évite aux gouvernements
d’assumer la responsabilité des
augmentations de ces taxes.
Pourtant, ce sont bel et bien les
gouvernements qui fixent les paramètres
des programmes et le coûts des prestations
afférentes, préparant de ce fait des
besoins financiers qui mènent à des
augmentations de cotisations. Et ce sont
aussi les gouvernementsqui sont les seuls
à pouvoir cerner le portrait d’ensemble
des TMS, et qui doivent donc prendre des
décisions en conséquence.
Nous réitérons donc notre appui à la
recommandation du rapport du Groupe de
travail sur l’investissement des
entreprises (le rapport Fortin), paru en
mars 2008, de ne plus augmenter le fardeau
global des TMS en proportion de la
rémunération totale.
Lamise en oeuvre de cette recommandation
améliorerait la compétitivité des
entreprises québécoises, dans un contexte
économique où elles en ont bien besoin.
Desjardins moins efficace que
les banques
« Nous n’avons pas d’objectifs de réduction de
l’écart à court terme. Les cibles seront
connues à l’automne, dans le cadre du plan
stratégique. »
Les résultats s’améliorent au Mouvement
Desjardins, mais les compressions annoncées
jeudi ne suffiront pas à rendre l’organisation
aussi productive que les autres institutions
financières. Hier, Desjardins a
annoncé un excédent avant ristournes de 117
millions de dollars pour le trimestre
terminé le 31 mars 2009.
Hier, Desjardins a annoncé un excédent avant
ristournes de 117 millions de dollars pour le
trimestre terminé le 31 mars 2009. Il s’agit
d’une hausse de 75% par rapport au même
trimestre de 2008, qui avait été fortement
entachée, faut-il dire, par le papier
commercial.
Malgré cette amélioration, Desjardins a
beaucoup de chemin à faire avant de devenir
aussi efficace que les autres institutions
financières. Jeudi, la présidente, Monique
Leroux, a donné des détails sur le « plan
d’évolution » du Mouvement, qui mènera à la
suppression de 900 postes d’ici trois ans. Au
terme de l’exercice, 150 millions de dollars
seront économisés, dont 40% avec la
main-d’oeuvre.
Pour se comparer aux autres, Desjardins
utilise un ratio de productivité, qui est
essentiellement le rapport entre les frais
d’exploitation et le revenu total du
Mouvement. Entre 2006 et 2008, ce ratio
oscillait entre 70 et 72%, exclusion faite des
effets de la crise financière, notamment
l’impact des PCAA.
Au premier trimestre de 2009, ce rapport est
passé à 79%. Le taux a augmenté par rapport à
la norme même si l’organisation a exercé un
contrôle serré des dépenses. Cette hausse
s’explique notamment par la pression sur les
revenus qu’occasionne le fort recul des taux
d’intérêt. Au premier trimestre, ces revenus
ont atteint 2,25 milliards, en hausse de 2,9%
sur la période correspondante de 2008.
Au cours d’un entretien téléphonique, le
vice-président de la planification financière
de Desjardins, Benoit Lefebvre, a reconnu que
Desjardins a un écart à combler avec
l’industrie bancaire, dont le ratio comparable
oscille entre 55 et 60%.
Structure coopérative
En excluant l’effet des
PCAA, l’écart est de 12 à 15 points de
pourcentage. Benoit Lefebvre estime que la
structure coopérative de Desjardins coûte entre
six et huit points à l’organisation. Par
exemple, Desjardins a un réseau de caisses
étendu, même en région, où le maintien de points
de service n’est pas toujours très rentable.
À terme, l’objectif ne sera donc pas de combler
ces 12 points d’écart, mais plutôt six points,
environ, fait valoir M. Lefebvre. Sachant que
les revenus annuels de Desjardins excèdent les 8
milliards de dollars, l’écart à combler avoisine
les 500 millions, soit bien davantage que les
150 millions d’économies annoncées jeudi.
Benoit Lefebvre explique que les quelque 350
millions manquants viendront plutôt d’une
augmentation du volume d’affaires plutôt que
d’une réduction des coûts. « Nous n’avons pas
d’objectifs de réduction de l’écart à court
terme. Les cibles seront connues à l’automne,
dans le cadre du plan stratégique », dit-il.
Encore le PCAA
Par ailleurs, le papier commercial PCAA a encore
amoindri les résultats de Desjardins au premier
trimestre. Au total, le papier honni a réduit
les excédents de 88 millions. De cette somme, 34
millions sont attribuables à une perte de
Desjardins sur une des fiducies de PCAA qui ne
faisait pas partie de l’entente de Montréal.
La deuxième tranche, soit 54 millions,
s’explique par une baisse additionnelle de 2% de
la valeur des PCAA restants. Au 31 mars 2009, la
moins-value des 2,4 milliards de dollars de PCAA
s’élève donc à 47%, soit 1,1 milliard.
Malgré tout, le portefeuille de prêt de
Desjardins demeure solide, comme en fait foi le
ratio de prêts douteux. Au 31 mars, quelque 466
millions de dollars de prêts étaient douteux,
soit un ratio de 0,44%. Ce ratio est certes en
hausse par rapport à celui de 2006 (0,39%), mais
il demeure bien en deçà de l’objectif de 1%.
Autre bonne nouvelle: l’encours de crédit
hypothécaire était en hausse de 3,9 milliards au
premier trimestre, ou 7,2%, malgré le
ralentissement des ventes de maisons.
Enfin, le secteur qui comprend Valeurs
mobilières Desjardins et Desjardins capital de
risque a enregistré un bénéfice net de 3,0
millions au premier trimestre, comparativement à
une perte de 4,0 millions au même trimestre de
2008.
L’industrie électrique pèse
lourd, au Québec
L’industrie électrique, qui représente 5% du
PIB du Québec, est très importante pour la vie
économique de la province. Et contrairement à
la croyance populaire, ce secteur ne se limite
pas aux activités d’Hydro-Québec.
D’ailleurs, pour rétablir les faits,
l’Association de l’industrie électrique du
Québec ( AIEQ) vient de rendre publique une
étude sur son secteur d’activités.
« Si on exclut les entreprises du domaine de
la construction, l’industrie électrique du
Québec emploie directement 55 000 personnes.
Hydro-Québec en embauche 22 000, ce qui en fa
it évidemment un ac teur important, mais nous
devons reconnaître qu’une grande partie des
employés du secteur de l’électricité
travaillent dans d’autres entreprises »,
souligne Jean-François Samray,
présidentdirecteur général de l’AIEQ.
Pour comprendre l’importance de l’industrie
électrique au Québec, il faut savoir que les
entreprises ne se limitent pas à produire de
l’énergie. On retrouve aussi les transporteurs
et les distributeurs, les fabricants
d’équipement, sans oublier les nombreuses
firmes de génieconseil spécialisées dans les
projets électriques.
L’étude révèle également que les emplois du
secteur de l’électricité sont de qualité :
entre 90 à 95% des travailleurs occupent des
postes à temps plein et leur salaire annuel
moyen s’élève à plus de 72 000$. « Et comme
l’électricité est une industrie de pointe, les
employeurs investissent environ 3% de la masse
salariale dans les activités de formation »,
ajoute M. Samray.
Des emplois partout
L’industrie électrique a aussi la
particularité de procurer des emplois dans les
17 régions administratives du Québec. De plus,
en 2007, les entreprises du secteur de
l’électricité ont exporté dans plus de 180
pays, ce qui en fait l’une des industries
québécoises les plus développées à l’échelle
internationale.
« Évidemment, les États-Unis demeurent le
client le plus important, mais notre
dépendance envers eux est moins grande que
celle de l’ensemble des industries en ce qui
concerne les biens », remarque Jean-François
Samray.
Le secteur de l’électricité est aussi en forte
croissance sur le marché international . En
2007, l’exportation de biens a atteint 3,7
milliards. « En 2008, malgré la crise
financière, les exportations de biens ont
augmenté à 4,2 milliards. En fait, au cours
des cinq dernières années, la croissance a été
cinq fois supérieure à celle de l’ensemble des
industries », précise le PDG de l’AIEQ.
Il croit d’ailleurs que cet élan n’est pas
près de s’essouff ler. « La demande en énergie
augmente constamment et 60% des réseaux de
transport d’électricité sont à refaire dans la
prochaine décennie en Amérique du Nord,
explique-t-i l . De plus, pour lutter contre
le réchauffement climatique, les sociétés
doivent laisser tomber les énergies
polluantes, comme le charbon, pour se tourner
vers des énergies vertes et renouvelables,
comme l’hydroélectricité. »
Génie-conseil : Le Québec rayonne aussi à
l’étranger
« Pas moins de 80% de nos activités sont
reliées à l’hydroélectricité et environ la
moitié de notre chiffre d’affaires se fait à
l’étranger. »
Avec le nombre imposant de grands projets
hydroélectriques réalisés au Québec dans les
dernières décennies, bien des entreprises
québécoises ont eu la chance de se faire la
main et ont réussi à développer de solides
expertises. C’est le cas de nombreuses firmes
de génie-conseil qui ont mené des projets pour
Hydro-Québec. Depuis, plusieurs exportent leur
savoir-faire à l’international et font des
affaires d’or.
« Pas moins de 80% de nos activités sont
reliées à l’hydroélectricité et environ la
moitié de notre chiffre d’affaires se fait à
l’étranger », indique George Dick, président
de RSW.
Mais quels pays sont si assoiffés de
l’expertise québécoise en matière
d’hydroélectricité ?
« Les pays du BRIC ( Brésil, Russie, Inde,
Chine) sont les centres de croissance dans le
monde et leur potentiel hydroélectrique est
abondant, affirme-t-il. On retrouve aussi
d’autres pays en Amér ique latine, où les
ressources sont présentes , comme l
’Argentine, le Chili, le Pérou et le
Venezuela. Plusieurs pays ont éga lement du
potentiel en Afrique. »
L’Amérique
latine
et l’Afrique sont aussi les principales
régions du monde où Tecsult, une autre firme
de génie-conseil spécialisée dans les projets
énergétiques, a décidé d’exporter ses
services.
« En Afrique, tout est à faire. Nous sommes
actifs dans une trentaine de pays là-bas,
principalement dans l’Afrique francophone. En
Amérique latine, il y a aussi beaucoup à
faire, même si on a tendance à penser que tout
le monde a l’électricité dans ces pays-là. Ce
n’est pas le cas », indique Normand Lévesque,
vice-président énergie et barrages chez
Tecsult.
Face au succès retentissant de quelques firmes
québécoises à l’étranger dans le domaine de
l’hydroélec t r ic ité, d’aut res joueurs sont
aussi tentés de faire le saut. Ce fut
récemment le cas de BPR, qui a réalisé un
projet au Népal et qui est actuellement en
train d’y en démarrer un deuxième.
« Nous regardons aussi les occasions
d’affaires en Afrique. D’ailleurs, je remarque
qu’à l’étranger, notre carnet de route, qui
comprend plusieurs réalisations pour
Hydro-Québec, est une belle carte de visite.
C’est un nom qui résonne à l’international »,
affirme Denis Tremblay, président-directeur
général de la division énergie chez BPR.
UN DÉFI POLITIQUE -
Pierre-Olivier Pineau
Bien que rentable, l’acquisition
controversée du réseau Énergie NB par
Hydro-Québec pourrait dégénérer
L’auteur est spécialiste en politiques
énergétiques et professeur agrégé à HEC
Montréal. Lorsqu’on fait le tour de la
Gaspésie, de majestueux parcs éoliens
découpent le paysage à quelques reprises. Si
certains trouvent que ces éoliennes
détonnent, c’est qu’ils ne regardent pas de
l’autre côté de la baie des Chaleurs, au
Nouveau-Brunswick : deux longues cheminées
crachent constamment de la fumée à Dalhousie
et Belledune. De tristes héritages du passé,
bien actifs cependant. Ce sont des centrales
de production d’électricité au pétrole lourd
du Venezuela et au charbon.
PHOTO ANDREW VAUGHAN, PC
Les premiers
ministres du Nouveau-Brunswick et du
Québec, Shawn Graham et Jean Charest,
quelques minutes avant la signature du
protocole d’entente visant l’achat de la
majorité des actifs d’Énergie du
Nouveau-Brunswick par Hydro-Québec, au
coût de 4,75 milliards.
Le Nouveau-Brunswick produit en effet 40 %
de son électricité avec des centrales
thermiques. Un autre 25% provient d’une
centrale nucléaire dont la mise à niveau
souffre de dépassements de coûts, et le
reste de centrales hydroélectriques ou
d’importations, essentiellement du Québec.
Il va sans dire que ce système coûte très
cher à opérer, et les consommateurs
d’électricité paient presque deux fois plus
cher qu’au Québec.
Il est parfaitement absurde, d’un point de
vue économique et environnemental, d’avoir
côte à côte deux réseaux électriques gérés
de manière complètement indépendante, avec
simplement des échanges ponctuels, lorsque
la situation à court terme le justifie. Cela
explique en grande partie pourquoi
Hydro-Québec reprend certains actifs
d’Énergie NB (l’équivalent d’Hydro au
Nouveau-Brunswick) : ses centrales les plus
propres et ses réseaux de transmission et de
distribution. Grâce à son nouveau parc de
production intégré, Hydro sera en effet en
mesure de fournir de l’électricité à bien
moindre coût qu’Énergie NB pouvait le faire
avec ses centrales thermiques. Le
Nouveau-Brunswick en sortira aussi gagnant,
puisque sa dépendance au charbon et au
pétrole sera grandement réduite.
De plus, pour Hydro-Québec, en plus de
vendre à meilleur prix son électricité, les
lignes de transmission vers la
Nouvelle-Angleterre lui offrent une nouvelle
porte d’entrée sur le marché américain.
C’est la force de ces arguments économiques
et environnementaux qui pousse une telle
transaction, malgré l’atteinte à la fierté
provinciale que cette perte de contrôle
d’Énergie NB représente.
Par ailleurs, la colère de
Terre-Neuve-et-Labrador vient compliquer un
peu les choses, mais surtout souligner le
caractère dysfonctionnel du secteur
électrique canadien. Cette province cherche
activement une manière de « sortir » 3000 MW
supplémentaires d’hydroélectricité du
BasChurchill. Le chemin naturel serait à
travers le Québec, mais Hydro-Québec
collabore peu avec cet éventuel concurrent,
parce qu’évidemment, ce n’est pas dans ses
intérêts d’acheminer l’hydroélectricité des
autres.
Une seconde avenue pour atteindre le
lucratif marché américain est de passer par
Terre-Neuve, puis sous la mer jusqu’au
Nouveau-Brunswick, afin de rejoindre les
États-Unis par le Maine. Cette approche
aurait aussi permis d’approvisionner les
autres provinces atlantiques en
hydroélectricité. Danny Williams, le premier
ministre de Terre-Neuve-et-Labrador, aurait
ainsi contourné le Québec et contribué à une
alliance atlantique de l’énergie.
Malheureusement, comme Hydro contrôlera
dorénavant le réseau électrique du
Nouveau-Brunswick, un acteur clé sort de
cette alliance. Le « problème » québécois
resurgit pour les Terre-Neuviens et
Labradoriens, et vient porter un coup dur au
projet du Bas-Churchill.
Malgré tout, la problématique de l’accès au
réseau de transmission devrait pouvoir se
résoudre, à moyen terme, par une meilleure
garantie de son ouverture par les organismes
réglementaires, telle que la Régie de
l’énergie. Hydro-Québec devra à cet égard
certainement se montrer plus amicale à
l’avenir avec ses voisins, pour ne pas
envenimer les relations interprovinciales et
éviter, peut-être, de voir l’agence de
réglementation américaine s’en mêler pour
comportement anti-compétitif.
L’entente entre Hydro-Québec et Énergie NB
est donc toute naturelle sur le plan
économique, énergétique et environnemental.
Elle profitera aux deux partenaires. Par
contre, sur le plan politique, elle est
inédite et controversée. Elle vient
souligner qu’une plus grande intégration des
marchés de l’électricité, bien que rentable,
est un défi politique qui pourrait
dégénérer. Espérons qu’au contraire, elle
ouvre la voie à une plus grande
réorganisation et harmonisation du secteur,
même si cela pourrait entraîner des
changements pour les consommateurs
québécois, dont les privilèges tarifaires
seront rendus encore plus visibles par cette
intégration avec le Nouveau-Brunswick.
La machine à piastres - CLAUDE
PICHER
Une opinion largement répandue veut que la
nationalisation de l’électricité a été
réalisée en 1962 par le gouvernement de Jean
Lesage. Ce n’est pas tout à fait exact. Le
pionnier de la nationalistion de
l’électricité, c’est Adélard Godbout. Dans
les années 30, la production et la
distribution d’électricité au Québec sont
entre les mains d’une douzaine de sociétés
contrôlées par des hommes d’affaires
anglophones. Une des plus puissantes de ces
sociétés, la Montreal Light, Heat and&
Power, est cordialement détestée de la
population, qui lui reproche ses tarifs trop
élevés. Encore plus que Eaton ou Morgan,
l’entreprise est devenue le symbole de
l’oppression des Canadiens français par le
grand capital anglais.
À l’époque, Godbout est ministre dans le
cabinet d’Alexandre Taschereau, et ne cache
pas son hostilité envers les sociétés
privées d’électricité. En 1936, lorsque
Taschereau démissionne à la suite du
scandale du comité des comptes publics,
Godbout le remplace, mais il est battu deux
mois plus tard par Maurice Duplessis. Aux
élections de 1939, il bat Duplessis à son
tour et, dès lors, multiplie les attaques
contre la Montreal Light. Il ne mâche pas
ses mots: pour lui, l’entreprise n’est rien
d’autre qu’une « dictature crapuleuse ».
En avril 1944, Godbout fait adopter une loi
qui nationalise la Montreal Light. C’est en
quelque sorte l’acte de naissance
d’Hydro-Québec.
La
nationalisation avait plusieurs objectifs :
remettre aux Québécois francophones le
contrôle d’une partie de leur principale
richesse naturelle, développer
l’électrification rurale, mettre fin aux
tarifs excessifs. En ce sens, on peut
considérer cette première nationalisation
comme un geste social.
Lorsque le gouvernement Lesage décide de
nationaliser les 11 autres sociétés
restantes, l’objectif est différent. Le
slogan « Maîtres chez nous » dit tout.
Sur le plan financier, le gouvernement fait
une affaire absolument extraordinaire.
En 1962, le ministre des Ressources
naturelles, René Lévesque, paie 640 millions
aux actionnaires des entreprises
d’électricité. Si on tient compte de
l’inflation, cette somme équivaut
aujourd’hui à 4,6 milliards. Or, cette année
seulement, Hydro remettra un dividende de
2,9 milliards à son unique actionnaire, le
gouvernement du Québec. C’est deux fois plus
que le dividende de Loto-Québec, quatre fois
plus que le dividende de la Société des
alcools.
Entre 2006 et 2009, le gouvernement a
touché 12,1 milliards en dividendes
d’Hydro. Pas mal pour une entreprise
payée le tiers de cette somme en dol l a
r s d’aujourd’hui . Parlez-moi d’une
machine à piastres !
Le plus fort, c’est que la société
d’État peut verser ces fabuleux
dividendes tout en pratiquant une des
politiques tarifaires les plus
généreuses en Amérique du Nord.
C’était dans les objectifs de la
première nationalisation en 1944, cela
n’a pas changé en 1962, et le cap est
toujours le même aujourd’hui. Puisque
l’hydro-électricité est une ressource
qui appartient à tous les Québécois,
qu’elle est pratiquement inépuisable et
qu’elle ne coûte pas cher à produire,
pourquoi ne pas en faire profiter tout
le monde? C’est ainsi que, depuis 65
ans, les Québécois achètent leur
électricité à rabais.
Prenons un ménage montréalais dont la
consommation d’électricité représente
2000$ par année. Pour une consommation
identique, le même ménage paiera 3280 $
à Toronto, 3940$ à Edmonton 4340$ à
Charlottetown. Aux États-Unis, les prix
atteignent 4380 $ à Houston, 5300 $ à
San Francisco, 5620$ à Boston et 6240$ à
New York.
Certes, ce n’est pas la même chose
partout : à Vancouver, les prix sont à
peine plus élevés qu’à Montréal ; à
Winnipeg et Seattle, il sont même
légèrement inférieurs. Mais ce sont là
des exceptions ; dans l’ensemble, les
prix québécois figurent de loin parmi
les plus bas en Amérique du Nord.
Or, la situation des finances publiques
québécoises n’est pas particulièrement
brillante. Contrairement à ce qui s’est
passé à Ottawa, aucun gouvernement
québécois, péquistes et libéraux
confondus, ne s’est sérieusement
intéressé au problème de la dette.
Si on tient compte, en plus de la
dette directe, des caisses de retraite,
des dettes des municipalités,
universités, hôpitaux, sociétés d’État,
la dette du gouvernement québécois
dépasse les 213 milliards. Pendant que
vous lirez cette chronique, elle aura
augmenté de 52 000$.
C’est beaucoup pour une société de 7,7
millions d’habitants, et qui figure dans
le peloton de queue parmi les moins
riches en Amérique du Nord.
On peut difficilement s’attaquer à la
dette en demandant un effort
supplémentaire aux contribuables, qui
sont déjà abominablement surtaxés (du
moins, les 58% qui paient des impôts).
Depuis quelque temps, plusieurs
économistes suggèrent qu’Hydro revoie
ses tarifs en fonction des prix du
marché. Ce n’est pas une mesure
populaire. Les sondages montrent que les
Québécois tiennent à leurs bas tarifs. À
long terme, c’est se tirer dans le pied.
Hydro est une machine à piastres, oui,
mais le gouvernement est loin d’utiliser
son plein potentiel. Dans le cas du
ménage que nous avons vu plus haut, une
hausse graduelle qui amènerait les
tarifs, disons, à 3000$ par année au
bout de cinq ans, coûterait 4 $ par
semaine la première année, 8$ la
deuxième et ainsi de suite jusqu’à 19$
dans cinq ans. Bien entendu, un crédit
d’impôt peut être mis sur pied pour les
plus pauvres.
Le sacrifice ne semble pas si énorme ;
en revanche, il permettrait à Hydro de
verser environ 1,5 milliard de plus par
année au gouvernement, tout en freinant
une conséquence déplorable de la
politique des bas tarifs : la
surconsommation et le gaspillage.
Où est le Plan Nord? -
Denis Lessard
Le grand projet du gouvernement n’existe que
sur le site du PLQ
QUÉBEC — Où est passé le Plan Nord?
L’empressement d’Hydro-Québec à ajuster ses
prévisions pour tenir compte de l’engagement
du gouvernement a plongé Thierry Vandal,
président d’Hydro, dans l’embarras, hier.
Le Plan stratégique d’Hydro-Québec 2009-2013
fait largement écho au Plan Nord annoncé en
campagne électorale l’an dernier par le
premier ministre Jean Charest. Or, lorsque
des citoyens frappent à la porte du
ministère des Ressources naturelles ou de
l’Environnement pour demander plus
d’information à ce sujet, ils reviennent
bredouilles.
«
Ils se font dire qu’il n’y a pas de document
et que la seule référence se trouve sur le
site du Parti libéral du Québec », lance le
critique péquiste en matière d’énergie,
Sylvain Gaudreault. « Chercher le Plan Nord,
c’est la quête du Graal » ironise-t-il. Dans
le document qu’elle a présenté hier en
commission parlementaire, Hydro indique même
que ce plan de développement nordique fait
partie « des points d’ancrage » à partir
desquels elle a défini ses orientations.
Pour le député péquiste, il est pour le
moins surprenant qu’Hydro ait basé son plan
stratégique sur un document purement
partisan, un projet qui n’existe
formellement nulle part au gouvernement.
Embêté, le président d’ Hydro, Thierry
Vandal, a commencé par dire que l’objectif
de tirer 3500 mégawatts supplémentaires de
ce territoire d’ici à 2035 était connu. Il a
admis toutefois n’avoir jamais vu de
document sur cet engagement du gouvernement.
Un adjoint est venu à sa rescousse et lui a
glissé le dernier budget de Monique
Jérôme-Forget, produit au printemps dernier,
dans lequel la commande du gouvernement pour
cette énergie est inscrite noir sur blanc.
Lors
du dernier conseil général du PLQ, il y
a deux semaines, à Drummondville, la
ministre des Ressources naturelles,
Nathalie Normandeau, a fait une
présentation aux militants de ce Plan
Nord, dont elle a la responsabilité –
mais elle a davantage fait un inventaire
des ressources et des installations
aéroportuaires ou routières du Nord
qu’indiqué ce que compte y faire Québec.
En point de presse, M. Vandal a
soigneusement évité de suivre son
prédécesseur André Caillé, qui s’était
ouvertement prononcé en faveur de
l’abolition du « bloc patrimonial » de
165 térawatt heures ( les t rois quarts
de la production d’Hydro) dont le tarif
est artificiellement plafonné à 2,8
cents le kilowattheure.
« M. Caillé a le droit de s’exprimer,
mais, pour moi, HydroQuébec opère en
fonction du cadre réglementaire et
législatif en place, qui prévoit que le
tarif patrimonial est gelé », a
prudemment déclaré M. Vandal. Il
soutient qu’Hydro n’a pas fait de
simulations sur l’impact d’une hausse
des tarifs sur la consommation. Toutes
les questions sur les hausses de tarifs
ont été écartées, « des questions de
nature politique » a-t-il insisté.
Nouvelle mouture
Il y avait plus de trois ans que
les dirigeants d’Hydro étaient venus
expliquer leurs projets devant les
parlementaires. Le prédécesseur de
Nathalie Normandeau, Claude Béchard, les
avait renvoyés à leur table de travail,
l’an passé, les pressant de présenter
une nouvelle mouture de leurs
orientations qui tienne compte du Plan
Nord du gouvernement. Hier, la ministre
a rappelé qu’Hydro ferait des
investissements de 25 milliards d’ici à
2013.
Les économies d’énergie attendues
atteignent 11 térawattheures en 2015 ;
la cible de 8 térawattheures a été
rapprochée à 2013. Cela représente
l’équivalent de la consommation d’une
région comme le Saguenay, a rappelé hier
M. Vandal.
Le patron d’Hydro a eu du fil à retordre
avec le député Gaudreault. Selon le
péquiste, les décisions malavisées du
président (près d’un demi-million de
dollars en commandites consenties à des
écoles cossues de Montréal) et les
problèmes de facturation qui ont frappé
120 000 personnes font en sorte que M.
Vandal ne devrait pas avoir droit à sa
prime annuelle de 122 000 $, en sus de
son salaire de 417 000 $.
Plus tard, en point de presse, M. Vandal
a déclaré : « Le porte-parole de
l’opposition s’était déjà exprimé
là-dessus. Je comprends qu’il est là
pour faire de la politique. » Hydro-Québec
reçoit chaque année 3000 demandes de
commandites. Le but de l’opération n’est
pas d’alimenter la controverse. « Quand
cela arrive, c’est qu’il y a des
ajustements à faire », a dit M. Vandal.
Hydro ne versera plus d’argent aux
institutions d’enseignement privées ou
hors du Québec. La politique d’Hydro sur
les commandites a été réévaluée après le
tollé soulevé l’été dernier ; « elle est
publique, transparente et se trouve sur
notre site », a conclu le président.
PLAN STRATÉGIQUE D’HYDRO L’interrogatoire
sera « très serré », promet l’opposition
- Michel Corbeil
LE PLAN STRATÉGIQUE D’HYDRO présenté à
l’Assemblée nationale
QUÉBEC — Hydro-Québec défendra, demain et
mercredi à l’Assemblée nationale, son plan
stratégique des cinq prochaines années.
L’opposition l’attend de pied ferme.
La société d’État a été convoquée par les
parlementaires, la semaine dernière. Elle ne
s’est pas présentée devant les élus depuis
2006.
Le critique péquiste Sylvain Gaudreault
promet de soumettre les hauts dirigeants à
un interrogatoire « très serré ». Dévoilé en
plein été, quelques mois après que le
gouvernement Charest eut renvoyé sans
ménagement Hydro à ses devoirs, le plan
promet « efficacité énergétique, énergies
renouvelables et innovation technologique ».
Par contre, il insiste sur une série de
projets pour de nouvelles centrales
hydroélectriques. La société d’État a
profité du dévoilement du document pour
confirmer qu’el le a désormais dans sa ligne
de mire la rivière Magpie, sur la
MoyenneCôte-Nord, à 200 kilomètres à l’est
de Sept-Îles. Le plan stratégique spécule
aussi sur les possibilités d’exportation de
l’énergie, notamment vers les États-Unis.
Planification
Le député du Parti québécois pour la
circonscription de Jonquière a soulevé des
objections dès le dévoilement des
orientations. « Pour les énergies
renouvelables, c’est nettement insuffisant
», a réitéré au Soleil M. Gaudreault. Il a
également des réserves sur les nouvelles
propositions de barrages, dont celle pour la
Magpie et une autre pour une rivière de la
même région, Petit-Mécatina.
Les experts d’ Hydro se sont souvent trompés
sur la planification des besoins en énergie
de leurs clients, a suggéré Sylvain
Gaudreault. Ce qui l’amène à se demander si
les travaux sur la Romaine, qui ont commencé
il y a quelques semaines, ne sont pas pour
produire une énergie superflue.
« Nous poserons également des questions sur
Gentilly II, a poursuivi le député. Comment
expliquer le lancement de travaux de
réfection de 2 milliards de dollars (à la
centrale nucléaire, située sur la rive sud
de Trois-Rivières) sans consultations
publiques ? »
Seuls les élus participeront aux échanges.
L’Union des consommateurs aurait souhaité
être invitée, a fait savoir Jean-François
Blain. L’analyste en politiques et
réglementation énergétiques croit qu’Hydro
se retrouvera avec de gigantesques surplus
d’énergie, pour de nombreuses années,
victime de la récession nord-américaine.
Il
redoute que la société d’État en soit
même réduite à payer des dédommagements,
faute de pouvoir remplir ses
engagements. Cela s’est produit à la
centrale thermique de Bécancour, où
TransCanada Énergie encaisse une
compensation de plus de 200 millions
parce qu’il n’y a pas preneur pour son
électricité.
Selon M. Blain, la rentabilité des
nouveaux projets de barrages est
d’autant plus à remettre en question que
l’affaiblissement de la demande ne peut
qu’entraîner « l’effondrement des prix »
pour l’hydroélectricité.
« On n’a pas seulement mis la charrue
avant les boeufs. On a mis les boeufs
dans la charrue et les Québécois vont se
retrouver à tirer tout ça ! »
Nationalisons l’éolien -
BERNARD DRAINVILLE
Hydro-Québec doit en devenir le maître
d’oeuvre, comme pour l’hydro-électricité
L’auteur est député péquiste de
Marie-Victorin. L’a n née pro - cha i ne,
nous célébrerons les 50 ans de la Révolution
tranquille. Cette période charnière de notre
histoire a été marquée par un projet
audacieux, porté par René Lévesque: la
nationalisation de l’électricité. Cette
grande entreprise est devenue symbolique de
l’esprit qui animait cette époque: la
volonté d’être « Maîtres chez nous». Grâce à
cette politique ambitieuse, nous avons pris
en main notre destinée en développant
fièrement nos ressources hydrauliques, qui
sont au coeur de notre identité et de notre
richesse collective.
PHOTO ARCHIVES LA PRESSE
« En plus de
diminuer nos émissions de gaz à effet de
serre, écrit Bernard Drainville,
l’utilisation intelligente de notre
potentiel de production électrique
permettra de nous libérer de notre
dépendance au pétrole, qui nous appauvrit.
»
En revanche, le travail amorcé par René
Lévesque et Jean Lesage n’est pas terminé;
il doit maintenant aborder les nouvelles
réalités du XXIe siècle. Pour demeurer
maîtres chez nous, il faudra que nous
devenions aussi les maîtres d’oeuvre de la
production d’énergie éolienne.
À ce titre, Hydro-Québec devra planifier et
exploiter les immenses ressources éoliennes
du Nord-du-Québec, en tout respect de
l’environnement et des populations qui
l’habitent. Le Québec est assis sur une mine
d’or renouvelable, et les contrats de
production sont donnés à des compagnies
privées. C’est inacceptable. L’énergie
éolienne est nôtre; les profits qu’elle
génère doivent appartenir aux Québécois.
En outre, si nous voulons vraiment nous
doter, à long terme, d’un parc de véhicules
électriques, nous allons devoir augmenter
d’u ne ma nière substantielle notre
production d’électricité. Nos immenses
«gisements» éoliens pourraient donc
contribuer à remplacer le pétrole comme
source d’énergie pour le transport. En plus
de diminuer nos émissions de gaz à effet de
serre, l’utilisation intelligente de tout
notre potentiel de production électrique
permettra de nous libérer de notre
dépendance au pétrole, qui nous appauvrit.
Idem pour l’ensemble de nos ressources
naturelles. Par exemple, en 2002, le
ministre de l’Environnement de l’époque,
André Boisclair, a fait adopter une
politique nationale de l’eau qui prévoit que
des redevances soient payées à l’État
québécois par tout exploitant privé de nos
ressources hydriques. Qu’ont fait les
libéraux ? Pendant six ans, ils ont refusé
de bouger sur ce dossier. À ce jour, des
entreprises comme Coca-Cola ou Naya
continuent de mettre notre eau en bouteille
sans nous payer quelque redevance que ce
soit.
Même chose pour l’exploitation de nos
ressources minières. Récemment, un rapport
du vérificateur général du Québec nous
apprenait que les compagnies minières ne
nous paient pas leur juste part pour les
profits que notre soussol leur permet de
réaliser. Qu’attendons-nous pour agir?
Dans le présent contexte de morosité
économique et de déficit structurel, les
libéraux s’apprêtent maintenant à augmenter
les tarifs (électricité, scolarité, etc.).
Mais, avant d’aller piger encore une fois
dans les poches de la classe moyenne,
pourquoi ne pas maximiser nos sources de
revenus pour enrichir notre État et, à
terme, notre nation?
Les grands projets hydroélectriques et
éoliens sont générateurs d’emplois et, à
condition qu’Hydro-Québec en soit maître
d’oeuvre, de revenus importants pour l’État.
Et si les compagnies privées qui exploitent
nos ressources hydriques et minières
payaient leur juste part de redevances, nous
serions aussi beaucoup plus riches
collectivement.
Bref, un nouveau maîtres chez nous, ça
voudrait dire une augmentation immédiate des
revenus disponibles pour l’État québécois.
Autant de milliards qui pourraient être
utilisés pour financer les services à la
population et assainir nos finances
publiques.
Prenons-nous en ma i n . Proposons aux
Québécois un Québec qui ne vise rien de
moins que l’indépendance énergétique. Un
Québec tellement riche qu’il n’aurait plus
besoin de la péréquation d’Ottawa. Un Québec
si riche qu’il n’aurait plus qu’à faire son
indépendance politique.
La Baie-James passe à l’attaque
- Philippe Mercure
Prenez une roulotte. Peignez-la de scènes
illustrant des pépites d’or, des loups et
des motoneiges. Remplissezla de télés qui
diffusent des images de la Baie-James,
attachez ça à une camionnette et allez garer
le tout devant l’Université McGill. Une
chose est sûre: vous allez attirer
l’attention.
C’est exactement ce que cherche à faire le
Comité mines action, qui a mis en branle
hier une vaste campagne de recrutement
intitulée « La ruée vers le Nord » et qui
vise à contrer la pénurie de main-d’oeuvre
dans le secteur minier de la région de la
Baie-James.
De Montréal à la Mauricie en passant par
l’Abitibi et le Lac-SaintJean, le groupe
déplacera son barda dans tout le Québec
jusqu’au 7 octobre. L’objectif: recruter
1000 travailleurs d’ici cinq ans qui
accepteront de s’embarquer vers la Jamésie,
cette immense région du Québec qui borde la
baie James et est prise en sandwich entre
l’Abitibi au sud et le Nunavik au nord.
« Géologues, ingénieurs, mineurs
d’extraction, foreurs, mécaniciens,
électriciens, comptables... On a besoin de
tout », a expliqué Alain Poirier, président
du Comité mines action.
Le Comité, financé à 60% par des fonds
publics et à 40% par les entreprises
minières, dispose d’un budget de 575 000$
sur trois ans pour convaincre les jeunes de
choisir la région.
Avec six mines en exploitation, une dizaine
de nouvelles qui pourraient voir le jour au
cours des prochaines années et près de 250
projets d’exploration, la Jamésie a raflé la
part du lion de l’exploration minière l’an
dernier. Exactement 241 millions de dollars
y ont été dépensés en 2008, comparativement
à 155 millions en Abitibi.
Un boom? Oui. Le hic, c’est qu’il a été
ébranlé par la crise financière. Jean-Pierre
Thomassin, directeur général de
l’Association de l’exploration minière du
Québec, croit d’ailleurs que les chiffres de
cette année montreront une importante
diminution des investissements en Jamésie,
qui devrait se faire à nouveau doubler par
l’Abitibi.
«
Avec la crise, les entreprises sont revenues
vers le sud, où ça coûte moins cher
d’explorer », dit-il de son bureau de
Val-d’Or, en Abitibi.
Pourquoi alors lancer une vaste campagne de
recrutement visant une région dont les
activités ralentissent ?
« À court terme, ça paraît un peu curieux,
admet M. Thomassin. Mais sur cinq ans, ç’a
de l’allure. Les gens quittent la région
actuellement, et si tous les projets en
cours se concrétisent, il y aura plein de
projets miniers en Jamésie. Il risque
effectivement d’avoir un i mportant problème
de main-d’oeuvre. »
Il faut dire que la lutte est féroce pour
attirer les travailleurs miniers. La ville
de Malartic, où l’entreprise Osisko
commencera sous peu la construction de la
plus grosse mine d’or au Québec, a déboursé
3500$ pour vanter ses attraits sur la chaîne
LCN dans une série de publicités télé.
Le Comité action mines, lui, s’est adjoint
les services du comédien François Gadbois
(le frisé des annonces de Rogers) pour
porter son message.
« Les jeunes sont souvent mal informés, dit
le comédien. Ils pensent encore qu’on
descend avec des cages et qu’on oublie des
mineurs en bas. On est là pour les informer
et leur dire que ça a changé. Il y a des
opérations aujourd’hui qui s’apparentent aux
chirurgies à distance, avec des équipements
téléguidés. »
Le groupe ne s’adresse pas qu’aux titulaires
de doctorat en géophysique. Selon Luc
Letendre, coordonnateur de la tournée « La
ruée vers le Nord », un jeune qui a fini son
3e secondaire peut s’inscrire à un DEP en
techniques minières; six mois plus tard, il
travaillera dans la mine.
La campagne semble déjà porter ses fruits.
Selon son président, Alain Poirier, une
quarantaine de CV avaient été reçus en fin
d’après-midi au Comité sectoriel de la
main-d’oeuvre concernant des emplois miniers
en Jamésie.
Le premier ministre de
Terre-Neuve s’en prend à Hydro-Québec
SAINT-JEAN, T.-N — Le premier ministre de
Terre-Neuve-etLabrador affirme
qu’HydroQuébec oeuvre contre les intérêts
nationaux du Canada.
Dans une diatribe livrée mercredi devant un
auditoire du Conseil canadien de l’ Énergie,
à Saint-Jean, Danny Williams a imputé à la
société d’État québécoise une attitude de
protectionnisme économique en mettant des
bâtons dans les roues du projet du
Bas-Churchill dans le but, a-t-il dit, de
protéger ses propres intérêts.
Dansunecourtenoteenvoyée à La Presse
Canadienne par c our r i er élec t r onique,
le chef des affaires publiques et médias
d’Hydro-Québec, Marc-Brian Chamberland, a
écrit qu’aucun commentaire ne sera émis en
réaction à ces propos.
I
l a été précisé que « le réseau de transport
d’électricité du Québec est ouvert » e t q u
e « Hyd r o - Québe c TransEnergie offre un
service en fonction de conditions communes à
l’industrie ».
Danny Williams soutient qu’il est temps que
le Canada dispose d’un réseau qui
permettrait la libre circulation de
l’énergie au pays.
Le premier ministre Williams avait lancé
quelques flèches du genre vers le Québec, il
y a environ trois ans. Pour convaincre le
gouvernement du Canada à l’aider à
développer le potentiel hydroélectrique du
Bas-Churchill, il avait suggéré que le
Canada agisse pour être moins dépendant du
Québec, compte tenu de la situation
politique incertaine au Québec.
La récession mine les profits
d’Hydro - Francis Vailles
Hydro-Québec commence à sentir les
conséquences de la récession, qui a pour
effet d’augmenter les mauvaises créances et
de diminuer les revenus d’exportation.
Hier, la société d’État a rapporté un
bénéfice net en baisse de 286 millions
(-39,7%) aucoursdudeuxième trimestre de
2009, à 435 millions. Il s’agit du plus
faible bénéfice pour un deuxième trimestre
depuis 2005.
« Les mauvaises créances et la baisse de la
demande des clients industriels se sont fait
sentir surtout au deuxième trimestre », a
expliqué en téléconférence la
vice-présidente, Comptabi l i t é et
contrôle d’Hydro-Québec, Lise Croteau.
Depuis le début de l’année, les mauvaises
créances sont en hausse de 46 millions pour
l’ensemble d’HydroQuébec, dont 25 millions
au deuxième trimestre.
Entre le début avril et la fin juin, les
ventes d’électricité ont reculé de 11%, à
2,63 milliards de dollars. Ce sont les
exportations qui ont particulièrement fait
mal aux profits d’Hydro-Québec, puisque les
ventes au deuxième trimestre ont atteint un
creux de 282 millions, soit une chute de 221
millions (-44%) sur le trimestre
correspondant de 2008.
Baisse de la demande
La récession mondiale a pour effet de
réduire la demande d’énergie, faisant du
même coup chuter les prix. Dans le nord-est
des États-Unis, par exemple, les prix de
gros sont en baisse de 40%.
Hydro-Québec a réussi à freiner le recul des
prix moyens de l’électricité qu’elle exporte
grâce à une politique de couverture sur les
marchés financiers. Ainsi, au deuxième
trimestre de 2008, le prix moyen de
l’électricité exporté par Hydro-Québec a été
de 6,7 cents le kilowattheure. Ce prix est
cependant en baisse par rapport aux 8,9
cents le kilowattheure obtenus en 2008.
En téléconférence, Lise Croteau a surtout
parlé des six premiers mois de l’année
plutôt que du seul deuxième t rimestre. Le
portrait est d’ailleurs moins sombre en
incluant le premier trimestre.
Pour justifier le recul des exportations,
Mme Croteau a parlé de la baisse du prix de
l’électricité, mais également des
températures plus froides du premier
trimestre au Québec. Ces températures plus
froides que l’an dernier ont obligé
Hydro-Québec à vendre plus d’énergie aux
Québécois entre janvier et mars, réduisant
ainsi les surplus disponibles pour
l’exportation.
I l n’a pas été question cependant de
l’effet de la température sur le deuxième
trimestre, une période où les exportations
ont pourtant reculé bien davantage.
En
dépit
des conditions encore difficiles du
marché, Hydro-Québec continue de prévoir,
pour 2009, le maintien ou le dépassement
de son niveau d’exportation de 2008. « Je
ne connais pas ce qui arrivera aux prix au
cours des six prochains mois, mais nous
essayons de mettre les outils financiers
en place pour maintenir nos prix à
l’exportation » , a expliqué Mme Croteau.
Il f aut di r e qu’ HydroQuébec sera aidé
par la mise en service de la nouvelle
ligne d’interconnexion avec l’Ontario.
Le 30 juin, Hydro a mis en r oute l e
premier des deu x c o nver t i s s e u r s
a u poste de l’Outaouais, permet t a nt
d’acheminer 625 des 1 2 5 0 mégawatts de
l’interconnexion.
Cette mise en service se reflétera sur les
résultats du prochain trimestre.
Précisons que la comparaison du deuxième
trimestre de 2009 avec celui de 2008 est
défavorisée par une question technique. En
2008, les charges d’exploitation avaient
été réduites de 129 millions pour une
question réglementaire, ce qui a eu pour
effet d’augmenter les profits. Ce boni
réglementaire ne s’est pas présenté en
2009.
Par contre, Hydro-Québec a bénéf i c i é
au deuxième t r i mestre de 2 0 0 9 d’une
diminution de taxes de 85 millions par
rapport à l’an dernier. En plus,
l’amortissement a été réduit de 55
millions.
« Dans un contexte commercial de récession
et tenant compte de certains éléments non
r éc urrents en 2 0 0 8 , Hydro-Québec
maintient de bons résultats » , a déclaré
Lise Croteau.
Des exportations moins rentables pour
Hydro - Hélène Baril
Le prix de l’électricité en chute libre
aux États-Unis
La récession qui frappe fort aux
États-Unis a eu pour effet de réduire la
consommation d’électricité et d’en faire
chuter le prix, ce qui tombe mal pour
Hydro-Québec qui a actuellement des
montagnes de surplus à écouler.
La société d’État, qui publie
aujourd’hui ses résultats du deuxième
trimestre, verra fondre les profits
qu’elle tire de ses exportations en
2009. L’an dernier, chaque kilowattheure
exporté a rapporté 8,9 cents.
Depuis le début de l’année, les
prix de gros ont dégringolé de 40% sur
le marché PJM, qui La baisse des prix
risque de réduire le dividende versé à
l’État. sert de référence dans le
nord-est des ÉtatsUnis. Sur le marché de
New York, les prix de gros sont en
baisse de 71% depuis un an, selon un
relevé effectué par Bloomberg. Résultat,
le kilowattheure se vend actuellement
autour de 4 cents et parfois moins,
selon les heures de la journée.
La chute est due principalement à la
récession, qui a réduit la demande
d’électricité.
Les prix de l
’électricité ont aussi diminué en
raison de la baisse du prix du gaz
naturel, qui sert à produire de
l’électricité dans le nordest
américain. Le prix du gaz est en
forte baisse, parce que l’offre
surpasse largement la demande alors
que l’économie tourne au ralenti. Il
se vend actuellement autour de 4$US
par million de BTU, soit trois fois
moins cher que l’an dernier à
pareille date.
L a ba i s s e des pr i x de
l’électricité aux États-Unis risque
de réduire les profits d’Hydro et le
dividende qu’elle verse chaque année
au gouvernement.
Hyd r o - Québec publ i e
aujourd’hui ses résultats pour les
mois d’avril, mai et juin. La
faiblesse des prix a sûrement
diminué la rentabilité des
exportations pendant cette période.
« Vous en saurez plus demain
(aujourd’hui) lors de la publication
de nos résultats du deuxième
trimestre », a indiqué une
porte-parole de la société d’État.
C’est toutefois pour le trimestre en
cours que l’impact se fera davantage
sentir. C’est pendant l’été que la
consommation d’électricité atteint
un sommet dans les marchés
d’exportation d’Hydro.
Cette année, comble de malchance, la
chaleur n’est pas au rendez-vous ni
en Ontario, ni dans le nord-est des
ÉtatsUnis. Le temps relativement
frais pour la saison empêche les
climatiseurs de tourner à plein
régime comme c’est le cas
généralement en cette saison.
La société
d’État exploite de plus en plus le
filon des exportations pour
augmenter sa rentabilité. La
quantité d’électricité exportée est
passée de 14,4 milliards de
kilowattheures à 21,3 milliards de
kilowattheures en cinq ans, soit une
augmentation de près de 50%. Le prix
moyen obtenu a varié entre 7,5 cents
le kilowattheure et 8,9 cents le
kilowattheure.
Cette année, Hydro a encore plus
d’électricité à vendre. En plus de
la division Production, qui est très
active sur les marchés
d’exportation, la division
Distribution doit revendre une
partie de l’électricité achetée par
appel d’offres pour satisfaire les
besoins du Québec et qui ne trouve
pas preneur.
Le ralentissement économique afait
égalementchuterla consommation
d’électricité au Québec et la
division Distribution estime qu’elle
aura des surplus sur les bras
jusqu’en 2020.
À plus long terme, Hydro prévoit
conclure des ventes fermes avec
l’Ontario et la Nouvelle-Angleterre.
Des négociations sont en cours avec
ces acheteurs éventuels mais le bas
prix actuel du gaz naturel
n’avantage pas la société d’État.
Le prix du gaz a toutes les chances
de rester bas longtemps, estime
Jean-Thomas Bernard, spécialiste en
énergie et professeur à l’
Université Laval. De nouveaux
gisements aux États-Unis et la
faiblesse de la demande sont des
facteurs qui contribueront à garder
le prix du gaz, et par conséquent
celui de l’électricité, à des
niveaux relativement bas, selon lui.
Hydro vise le Midwest et le
Grand Nord - Hélène Baril
Percer de nouveaux marchés, exploiter
davantage le Grand Nord et tester de
nouvelles technologies : c’est ainsi
qu’Hydro-Québecentend répondre à la
commandedugouvernement qui veut tirer
davantage de bénéfices de sa société d’État.
Le plan stratégique 2009-2013, que la
société d’État a rendu public hier avec six
mois de retard, était très attendu. Une
première version de ce plan de match des
cinq prochaines années avait été refusée en
février dernier par le ministre Claude
Béchard, qui avait demandé expressément aux
dirigeants de la société d’État de trouver
des façons de profiter de l’ouverture du
président Barack Obama aux énergies
renouvelables.
Hydro propose de prendre pied dans le
Midwest, un marché qui lui était
inaccessible jusqu’à maintenant, en se
servant de sa nouvelle interconnexion avec
le réseau de l’Ontario.
La mise en service de ce nouveau lien est
prévue plus tard cette année. Ce lien
permettra non seulement à Hydro d’accroître
les ventes de l’électricité en Ontario, mais
aussi de faire transiter son énergie vers
les états du centre des États-Unis.
Une grande partie de l’électricité consommée
dans ces États est produite à partir du
charbon et une percée de l’électricité
québécoise pourrait être encouragée par les
Américains, puisqu’elle permettrait de
réduire les émissions de gaz à effet de
serre.
Dans son marché traditionnel du nord-est des
États-Unis, Hydro mise sur une nouvelle
interconnexion qui lui coûtera 400 millions
de dollars pour répondre à la commande de
son actionnaire gouvernemental. Des contrats
de vente à long terme pourraient être
associés à la mise en service de ce nouveau
lien énergétique.
Hydro prévoit que la part de ses profits
associée aux exportations d’électricité
augmentera au cours des cinq prochaines
années, mais de façon très modérée. Le prix
de l’électricité sur les principaux marchés
d’Hydro-Québec est lié au prix du gaz
naturel, qui restera relativement bas
jusqu’en 2013.
En
2008, les ventes à l’exportation ont généré
32% des profits totaux de la société d’État
et, dans cinq ans, cette proportion sera de
38%, prévoit Hydro.
Des hydroliennes
Hydro augmentera sa production de 4500 MW au
cours des prochaines années, ce qui coûtera
10 milliards. En plus du projet de la
Romaine (1550 MW), les autres projets sont
identifiés pour la première fois dans le
document rendu public hier. Il s’agit du
harnachement des rivières Magpie sur la
Côte-Nord ( 850 MW) et Petit-Mécatina ( 1200
MW) également sur la Côte-Nord, ainsi que de
la centrale Tabaret au Témiscamingue ( 132
MW). La production de trois centrales
existantes sera augmentée, soit celle de
SainteMa r g uer i t e ( 4 4 0 MW) , de
Manic-2 (120 MW) et de Manic3 (210 MW).
D’autres projets total i sant 3500 MW seront
lancés dans le Grand Nord, mais Hydro ne les
identifie pas. Tout ce qu’on peut savoir est
qu’il s’agit de projets hydroélectriques de
3000 MW et
Cette incursion prévue dans les nouvelles
technologies laisse sur sa faim le
porte-parole de l’opposition en matière
d’énergie, Sylvain Gaudreault. Il estime
qu’Hydro a reporté son plan stratégique pour
pas grand-chose. « Le mot géothermie
apparaît ne donne aucun détail sur les
progrès réalisés.
Un groupe de travail a été mandaté pour
coordonner les efforts de développement du
transport électrique, et notamment la
création d’une infrastructure de recharge
des batteries qui sera d’énergie éolienne et
renouvelable « émergente » de 500 MW.
Hydro
veut par exemple mettre à l’essai des
hydroliennes, ou des turbines immergées qui
produisent de l’électricité grâce au débit
d’un cours d’eau, dans le nord du Québec et
dans les communautés qui ne sont pas reliées
à son réseau. une seule fois dans le
document (de 86 pages) », a déploré hier le
député.
Par ailleurs, Hydro-Québec n’a pas abandonné
son projet de s’associer avec « un
fournisseur de taille mondiale » pour mettre
un pied dans l’industrie de la voiture
électrique, indique le plan stratégique,
mais la société d’État indispensable à la
mise au point de la voiture électrique.
En attendant, Hydro doit gérer d’énormes
surplus d’électricité accumulés pendant la
période où la société d’État prévoyait ne
plus pouvoir suffire à satisfaire la
croissance de la demande au Québec. Elle a
donc acheté sur le marché à prix très élevé
de l’électricité qui s’avère aujourd’hui
excédentaire en raison du ralentissement
économique et de la baisse de production
chez ses clients industriels.
Hydro sera en situation excédentaire
jusqu’en 2017 et devra revendre cette
énergie sur le marché au jour le jour qui
sert à écouler les surplus et où les prix
sont très bas. Des pertes de centaines de
millions de dollars sont donc à prévoir pour
Hydro en raison de ces surplus.
Ces per t e s dev r a i e nt contribuer à
faire augmenter les tarifs d’électricité,
mais les hausses demeureront modestes,
prévoit Hydro. La société d’État a demandé
une hausse de 0,2 % à partir du 1er avril
2010 et prévoit des augmentations
inférieures à 2,5 % les années subséquentes.
Les t a r i f s d’électricité ont augmenté
de 1,2 % le 1er avril dernier.
Des milliards à faire avec l’«
eau du Nord » - Martin Vallières
C’est un projet hydraulique qui pourrait
valoir des milliards au Québec en redevances
sur l’eau et en ventes d’électricité, affirme
son concepteur, un ingénieur retraité
d’Hydro-Québec.
Selon l ’ I nst i t ut économique de Montréal,
ce serait un moyen de « valoriser l’or bleu du
Québec » en alliant développement économique
et protection de l’environnement.
De quoi s’agit-il ? Un projet de 15 milliards
de dollars qui utiliserait l’eau de trois
rivières du sud de la Baie-James pour produire
de l’hydroélectricité, avant de l’acheminer
vers la rivière des Outaouais et le fleuve
Saint-Laurent.
Du coup, le débit d’eau provenant du lac
Ontario et des autres Grands Lacs pourrait
être restreint davantage sans avoir d’impact
sur le niveau du fleuve au Québec.
Ce f a i s a nt , l e niveau des Grands Lacs,
en baisse marquée, pourrait être renfloué afin
de permettre des prélèvements d’eau
additionnels pour des millions de résidants de
l’Ontario et des États voisins.
Autrement dit, un moyen pour le Québec de
vendre de l’énergie hydroélectrique et de
l’eau douce de façon indirecte à ses voisins
ontariens et américains.
Aussi, cette proposition supplante les projets
antérieurs d’exportation directe d’eau à
grande échelle, de toute façon interdite par
la législation québécoise.
« L’eau a le potentiel d’être le véritable or
bleu du Québec auprès de ses voisins
américains et ontariens, mais à condition de
le faire de façon raisonnable et responsable
», a indiqué l’auteur du projet, Pierre
Gingras.
Cet ingénieur à la retraite de 64 ans a
travaillé trois décennies à la gestion de
projets d’HydroQuébec, dont les complexes
Manicouagan, Outardes et la première phase de
la Baie-James.
Retraité actif, M. Gingras travaille depuis
trois ans à peaufiner son projet de « l’eau du
Nord » grâce à ses nombreux contacts
professionnels en ingénierie, en hydrologie
(science de l’eau) et en hydroélectricité.
Pour faire la promotion de son projet, Pierre
Gingras a obtenu l ’appui de l ’ I nstitut
économique de Montréal, où la « valorisation
accrue des ressources naturelles du Québec »
est un thème prioritaire.
« L’eau est une ressource encore
sous-exploitée pour la création de richesse au
Québec », selon Michel Kelly-Gagnon, président
de l’Institut.
«
Cela dit, il n’est pas question d’assécher des
rivières pour exporter de l’eau à profit. Au
contraire, un projet comme celui de M. Gingras
minimise l’impact environnemental. Il mérite
donc d’être discuté et d’être analysé plus en
détail. »
Pierre Gingras attribue l’attrait
environnemental de son projet à l’utilisation
de rivières et de lacs existants pour
acheminer le surplus d’eau de trois rivières
de la Baie-James vers le bassin de la rivière
des Outaouais, en passant par l’Abitibi.
Ce parcours serait parsemé d’une vingtaine de
petites centrales hydroélectriques, avec
réservoirs ou au fil de l’eau, installées sur
des sites déjà connus.
Des stations de pompage seraient requises pour
acheminer l’eau audessus du plateau de
Val-d’Or, vers la rivière des Outaouais.
Mais leur besoin en électricité représenterait
environ 18% de l’énergie produite par le
réseau de centrales, estimée à 17,5 térawatts/
heure par année, selon M. Gingras.
Le seul réservoir d’importance de tout le
projet serait tout en amont, mais d’une
superficie équivalente au tiers de celui de la
centrale LG-3.
«
Un tel projet m’apparaît techniquement
réalisable, d’autant qu’il est proposé en
terrain connu pour l’approvisionnement en eau
avec peu d’impact environnemental », a dit
Martin Stapinsky, spécialiste en hydrogéologie
chez SNC-Lavalin Environnement, après
consultation du projet de M. Gingras.
« Toutefois, ce projet risque d’être assez
dispendieux par rapport à la valeur encore
imprécise que l’on attribue aux
approvisionnements en eau douce dans la région
des Grands Lacs, qui est le marché cible de ce
projet. »
Pour le moment, Pierre Gingras estime à 15
milliards la réalisation de son projet
hydraulique, si elle avait lieu d’ici 13 ans.
Sa rentabilisation proviendrait de deux
sources : les revenus de vente d’électricité,
prévus à 2 milliards par année, et les
redevances sur les prélèvements d’eau
additionnels dans les Grands Lacs.
Ces redevances pourraient valoir jusqu’à 7
milliards par année au Québec si elles
provenaient d’une « taxe » spéciale parmi les
150 millions de NordAméricains dont
l’alimentation en eau provient des Grands
Lacs.
Mais d’emblée, M. Gingras admet que de telles
redevances, à négocier parmi deux provinces et
une dizaine d’États, représentent une « boîte
de Pandore » pour son projet.
« Chose certaine, l’eau vaudra de plus en plus
cher au fur et à mesure que le niveau des
Grands Lacs continuera de baisser. On ne sait
pas encore combien, mais c’est le Québec qui
pourrait en profiter le plus. »
Vers une surcharge de la demande -
Paul Lavallée
L’avènement des autos hybrides rechargeables pourrait
poser un problème d’approvisionnement chez Hydro-Québec
Il faut se questionner sur les contrats d’une durée de
40 ans qui sont accordés par Hydro aux grandes
entreprises.
L’auteur est physicien et professeur à la retraite de
l’UQAM. La compagnie Ford vient d’annoncer la mise à
l’essai d’automobi les hybrides rechargeables. Ce
véhicule peut être branché sur une prise de courant
domestique pour recharger les accumulateurs, et se
déplacer en mode entièrement électrique, ou en mode
hybride gazoline-électricité pour les plus longs
parcours.
Hydro-Québec est partie prenante pour les essais de ces
véhicules et pour déterminer l’impact de ces nouveaux
véhicules sur la consommation d’électricité. Toyota
avait annoncé précédemment un programme semblable. Ses
véhicules devraient se retrouver sur le marché en 2011
ou 2012.
Hydro-Québec estime que 1million de ces autos (25% du
nombre total de voitures actuellement sur nos routes)
consommeraient 3 terawatts-heure d’électricité, soit
l’équivalent de la centrale d’Eastmain-1. En fait, cette
estimation est très conservatrice et serait
vraisemblablement plus près de 10 Twh.
Les premiers modèles auront un rayon d’action en mode
tout électrique d’environ 35 km à une vitesse de 65
km/h, soit une autonomie suffisante pour la majorité des
déplacements urbains ou locaux. Pas de bruit, pas de
pollution… et un coût de déplacement dérisoire! Au tarif
actuel de l’électricité, le déplacement en mode
électrique coûte six fois moins cher qu’avec un moteur à
gazoline.
Hydro-Québec devra s’assurer de disposer d’assez
d’électricité pour répondre à la demande: la surcharge
sur le réseau due à ces autos sera considérable. Ce
virage à l’électricité va s’effectuer progressivement;
négligeable au début, il va rapidement prendre de
l’ampleur. Le problème de l’approvisionnement va se
poser.
En étant
liés par des contrats d’une durée de 40 ans avec de
grandes entreprises, serons-nous obligés d’acheter de
l’électricité, de construire des centrales nucléaires ou
au gaz alors que nous leur vendons notre électricité à 4
cents?
Il y a des milliards de dollars en jeu dans cette
question. Il faut dès aujourd’hui réfléchir à ces
questions et prendre dès maintenant les mesures
appropriées.
En particulier, il faut se questionner sur les contrats
à long terme; est-il prudent de signer des contrats
d’une durée de 40 ans? Au renouvellement de ces contrats
avec les grandes entreprises, ne devrait-on pas relever
progressivement le tarif afin qu’il avoisine le tarif
international, tout en laissant quand même un incitatif
raisonnable?
Évidemment, les entreprises vont jurer qu’elles vont
aller ailleurs, mais quand la voiture électrique
envahira les routes, aucun pays ne voudra donner son
électricité à vil prix. Déjà, avec la Sibérie, le Québec
est l’endroit où le tarif de l’électricité aux
entreprises est le plus bas!
Ensuite, ne devrait-on pas développer rapidement toutes
les ressources énergétiques encore disponibles? On peut
évidemment se replier sur nousmêmes et soutenir qu’on
n’a pas besoin de cette électricité, que nous n’allons
pas faire prospérer le Québec « pour les Américains ».
D’ici à ce que nous ayons besoin de toute cette énergie
localement, nous pourrons effectivement vendre nos
surplus à nos voisins.
Je présume qu’on n’aura pas d’objections à ce que les
milliards ainsi récoltés soient utilisés pour soigner
les citoyens, instruire la jeunesse et alléger le
fardeau fiscal des Québécois.
Tarifs d'Hydro : une bataille d’arrière-garde -
ALAIN DUBUC
En
dénonçant les hausses, le PQ ne sert pas les intérêts du
Québec.
Tous les spécialistes des questions énergétiques vous
diront que les prix anormalement bas de l’électricité au
Québec sont une aberration. Les environnementalistes
vous diront que c’est un frein majeur aux efforts de
conservation de l’énergie et de lutte contre les gaz à
effet de serre. Des tarifs trop bas encouragent
la surconsommation, sans compter qu’ils freinent le
développement de sources d’énergie de rechange et de
mesures d’économie d’énergie.
Et pourtant, il y a un groupe qui se bat sans relâche
contre une hausse des tarifs d’électricité, et c’est le
Parti québécois. L’opposition péquiste a encore une fois
repris cette bataille la semaine dernière, cette fois-ci
en dénonçant les bonis du PDG d’Hydro-Québec qui, selon
elle, s’expliqueraient par les hausses excessives
exigées par la société d’État.
Je comprends que le PQ forme l’opposition officielle. Et
qu’à ce titre, c’est sa fonction de critiquer les
décisions du gouvernement. Je note aussi que le style
d’opposition très agressif, quine laisse rien passer,
que préconise Pauline Marois, donne de bons résultats.
Le PQ devance les libéraux dans les intentions de vote
et Mme Marois s’est imposée, non seulement comme chef de
l’opposition, mais comme la personne qui ferait le
meilleur premier ministre.
Mais justement, le fait que le Parti québécois ait
retrouvé son statut de parti de pouvoir devrait en
principe lui imposer des contraintes. Car il doit y
avoir une cohérence entre les batailles qu’il mène dans
l’opposition et les gestes qu’il ferait comme
gouvernement.
Le PQ a une longue feuille de route à ce chapitre. C’est
le gouvernement péquiste qui a imposé un long gel des
tarifs dans les années 90. Cela explique d’ailleurs
pourquoi les hausses des dernières années, 18% en cinq
ans, soient plus élevées que l’inflation, pour permettre
un rattrapage.
Le PQ a dénoncé ces hausses sans relâche. Et la semaine
dernière, le critique péquiste en matière d’énergie,
Sylvain Gaudrault, a remis ça. Dénonçant les bonis du
PDG d’Hydro, il a parlé de « la hausse de tarifs de 18%
qu’a imposée la société d’État aux Québécois », de «
hausses répétitives », de « hausses nettement plus
élevées que l’inflation ». Ça ressemble à une croisade.
Pour
coiffer le tout, pendant la dernière campagne
électorale, MmeMarois est revenue avec l’idée d’un gel
temporaire, pour donner un répit aux consommateurs
pendant la crise. C’est une mauvaise mesure, parce que
la plupart des gens n’ont pas besoin d’un répit, que ce
cadeau contribuerait peu à la relance et surtout, parce
que ce gel n’était pas assorti d’un plan très clair de
récupération après la crise.
Ces attaques contribuent à faire en sorte que l’idée
d’amener progressivement les tarifs d’électricité aux
prix du marché est politiquement impossible à réaliser
au Québec. Et pourtant, ce rattrapage est souhaitable et
nécessaire.
D’abord, parce que l’argument qui sert à justifier des
tarifs plus bas, le désir de protéger les plus démunis,
ne tient pas la route. Les principaux bénéficiaires sont
les gros consommateurs, plus fortunés. C’est le
contraire d’une politique sociale. Si on veut aider les
familles en difficulté, il faut des mesures bien
ciblées, par exemple des crédits d’impôt.
Ensuite, parce qu’en exigeant moins que le prix
dumarché, la société québécoise se prive des revenus.
Les profits d’Hydro-Québec ne sont pas une honte, mais
la façon dont le Québec bénéficie collectivement de
cette ressource.
Et surtout, les tarifs trop bas encouragent la
surconsommation, ce qui réduit la quantité d’électricité
disponible pour déplacer d’autres sources d’énergie qui
génèrent des GES. Ces prix bas freinent aussi le
développement de sources d’énergies de rechange et de
mesures d’économie d’énergie.
Bref, le fait de maintenir trop bas le prix de
l’électricité est un non-sens social, un non-sens
économique et un non-sens environnemental. Cette
bataille d’arrière-garde est peut-être payante au plan
politique, mais elle ne sert certainement pas les
intérêts du Québec.
Hydro-Québec : À la conquête de la
Nouvelle-Angleterre
L’an
dernier, 8% de toute la production d’HydroQuébec a été
exportée, ce qui a engendré 32% de tout le bénéfice
net de la société d’État.
Dans son dernier budget, le gouvernement Charest a
annoncé son intention d’augmenter significativement
son exportation d’énergie. Pour y arriver, il mise sur
le nordest des États-Unis. Le ministre des Ressources
naturelles et de la Faune, Claude Béchard, a
multiplié les opérations de charme ces dernières
semaines, chez nos voisins du Sud, pour les
convaincre de signer des contrats à long terme
d’approvisionnement en énergie avec le Québec.
Claude Béchard, ministre des Ressources naturelles et
de la Faune, a d’ailleurs multiplié les opérations de
charme ces dernières semaines chez nos voisins du Sud
pour les convaincre notamment de signer des contrats à
long terme d’approvisionnement en énergie avec le
Québec.
« J’ai eu la chance de prendre la parole devant les
membres de la New England Annual Energy Conference,
qui comprend des gouverneurs, des organismes
réglementaires et, évidemment, des distributeurs
d’énergie. Je leur ai parlé de tout ce qui se passe au
Québec, de notre grande volonté d’être plus présent au
niveau de l’exportation et de notre intérêt à signer
des contrats à long terme », a-t-il confié à La Presse
Affaires, à peine revenu d’Albany, capitale de l’État
de New York.
Auparavant peu encl ins à signer de tels contrats, il
semble que les Américains démontrent maintenant une
belle ouverture.
« À la suite des hausses marquées du prix du pétrole
et du gaz naturel l’an dernier, ils cherchent
maintenant plus de stabilité dans leur
approvisionnement en énergie. Nous voulons leur
montrer que nous sommes là. D’autant plus que ces
contrats à long terme stabiliseraient une partie de
nos exportations, ce qui serait une très bonne chose
pour faire avancer notre projet de construction de la
nouvelle interconnexion entre le Québec et la
Nouvelle-Angleterre », explique le ministre.
D’ailleurs, il y a deux semaines, la Federal Energy
Regulatory Commission autorisait le Québec à
entreprendre des pourparlers avec ses partenaires
américains pour construire cette nouvelle ligne de
transport d’énergie. Une décision importante attendue
par le gouvernement Charest qui souhaite profiter de
l’ouverture du président Barak Obama et de la hausse
de la demande d’énergie verte pour augmenter
significativement ses exportations d’hydroélectricité.
Si tout se déroule comme prévu, la ligne de
transmission pourrait devenir opérationnelle en 2014.
« Les États-Unis devront diminuer leur dépendance aux
énergies fossiles pour réduire leurs émissions de gaz
à effet de serre. Pour eux, se tourner vers
l’hydroélectricité est une des solutions », croit
Claude Béchard.
Il
souhaite ainsi profiter de cette belle occasion
d’affaires pour enrichir substantiellement la
province. « L’Alberta a son or noir, nous avons notre
or bleu », ajoute-t-il.
Mais encore faut-il avoir la possibilité de le faire.
« En 2004, nous avions seulement 1,5 térawattheure
disponible pour l’exportation. En 2008, nous en avions
15. Nous en aurons encore davantage dans les années à
venir avec tous les projets prévus », affirme-t-il.
L’an dernier, 8% de toute la product ion d’HydroQuébec
a été exportée, ce qui a engendré 32% de tout le
bénéfice net de la société d’État.
« Lundi, à Albany, on parlait de doubler l’exportation
», confie le ministre.
Claude Bécha rd souhaite également rassurer ceux qui
craignent que les grandes ambitions de son
gouvernement en matière de construction de nouveaux
projets hydroélectriques et d’exportation aient comme
conséquence de faire stagner les projets
d’amélioration de l’efficacité énergétique.
« Nous faisons les deux, assure-t-il. Nous avons déjà
déposé un plan d’ensemble en matière d’efficacité
énergétique à la Régie de l’énergie. En plus de
diminuer de moitié notre dépendance au pétrole, nous
voulons économiser 11 térawattheures d’ici 2015, soit
l’équivalent d’une centrale Manic 5. Pour y arriver,
une série de mesures seront mises en place, notamment
dans le domaine de la construction neuve, de la
rénovation, auprès des gouvernements et des
institutions. »
HYDRO-QUÉBEC
:
Chute des exportations
Hydro-Québec a dû réduire ses exportations de
22% au premier trimestre, mais elle soutient que
celan’a rienàvoir avec le ralentissement économique
aux États-Unis. Les rigueurs de l’hiver
dernier auraient obligé Hydro-Québec à conserver
davantage d’électricité pour le marché intérieur
au détriment des exportations.
La société d’État blâme plutôt les grands froids qui
ont sévi au Québec, qui l’ont obligée à garder
davantage d’électricité pour le marché intérieur.
Hydro-Québec a vendu 4,8 térawattheures à
l’extérieur du Québec au premier trimestre de 2009,
comparativement à 6,2 TWh au premier trimestre de
l’exercice précédent.
« La baisse de volume de 1,4 TWh est attribuable à
l’indisponibilité des moyens de production
d’Hydro-Québec pour l’exportation dans un contexte
de température plus froide au Québec, a déclaré au
cours d’une conférence téléphonique la
vice-présidente comptabilité et contrôle de la
société d’État, Lise Croteau, utilisant le jargon
hydro-québécois. Ce n’est pas lié à une baisse de la
demande sur le marché américain. »
Les revenus de la société d’État liés à
l’exportation ont diminué de 130 millions de dollars
au premier trimestre de 2009, mais la dépréciation
du dollar canadien a permis de compenser une bonne
partie de cette diminution et l’a ramenée à 92
millions. Cela correspond à une baisse de 17% des
revenus liés à l’exportation.
Ventes au Québec
Les revenus liés aux ventes d’électricité au Québec
ont augmenté de 6% pour atteindre 3,3 milliards de
dollars au premier trimestre de 2009. Cette
augmentation est liée au temps plus froid de l’hiver
2009, mais aussi aux augmentations de tarifs
décrétées le 1er avril 2008.
En général, les exportations sont plus rentables que
les ventes aux Québec parce que les prix sont plus
élevés que dans la province.
Hydro-Québec a enregistré un bénéfice net de près de
1,41 milliard au premier trimestre de 2009, ce qui
est légèrement moins que le bénéfice net de 1,45
milliard enregistré une année auparavant. Mme
Croteau a toutefois fait remarquer que ce dernier
chiffre comprenait un gain de 117 millions lié à un
ajustement de prix dans le cadre de la vente de la
participation d’Hydro-Québec dans Transelec, au
Chili. Si on ne tient pas compte de ce gain, le
bénéfice du premier trimestre de 2008 s’établit à
1,3 milliard. Le bénéfice de 1,41 milliard du
premier trimestre de 2009 représente donc une
augmentation de 5%.
Mme Croteau a affirmé que ce résultat était très
satisfaisant, compte tenu du contexte économique
actuel.
« Au premier trimestre, malgré un contexte où les
prix de marché pour l’énergie ont été moins
favorables que l’an dernier, ces prix ont été gérés
dans le cadre de notre gestion de risque et nous
avons réussi à avoir de tels résultats, a-t-elle
déclaré. C’est difficile de s’avancer pour les
prochains trimestres, mais nous sommes toujours
confiants de pouvoir réaliser notre objectif d’un
bénéfice net de 2,7 milliards pour l’ensemble de
2009. »
LE GRAND NORD À L’AVANT-SCÈNE
- Martine Letarte
« Avant, pour construire un barrage
hydroélectrique, par exemple, le gouvernement
regardait son prix de revient au kilowattheure.
Maintenant, on regardera aussi les possibilités
d’autres projets à proximité, comme des parcs
éoliens ou des mines. »
Plusieurs projets hydroélectriques en chantier,
revendications autochtones, enthousiasme du
gouvernement de Jean Charest à mettre en valeur
le nord du 49e parallèle à travers le Plan Nord:
sans aucun doute, le Grand Nord québécois est
d’actualité.
Mais d’abord, de quoi parle-ton réellement
lorsqu’on parle du nord du 49e parallèle ?
« On parle de 70% de la superficie du Québec,
soit environ 1,1 million de km carrés. On parle
aussi de 128 000 habitants, répartis dans 66
localités », explique Pierre Corbeil, ministre
québécois responsable des Affaires autochtones.
Certaines parties du territoire sont
conventionnées – Convention de la Baie-James et
du Nord québécois (Cris et Inuits), Convention
du Nord-Est (Naskapis) – d’autres non.
Le secteur visé comprend plusieurs hectares de
forêt boréale, mais aussi quelques villes
importantes comme Sept-Îles, BaieComeau et
Chibougamau.
Et qu’est-ce qu’on compte y faire exactement? Il
semble que le plan soit encore en développement.
Il appert toutefois, à la lumière des des
annonces faites par le premier ministre Jean
Charest lors de la dernière compagne électorale,
qu’on cible quelques grands volets.
D’abord, l’énergie. En plus des 4500 MW prévus
dans la Stratégie énergétique du Québec, le
gouvernement québécois a l’intention d’ajouter
une puissance de 3500 MW avec le Plan Nord, pour
un total de 8000 MW d’ici 2035. De quelles
façons ?
En plus de miser sur de nouveaux projets
hydroélectriques, le Parti libéral s’est engagé
à ce que 20 % des 3500 MW proviennent de
l’éolien et de nouvelles sources d’énergie de
rechange, comme le solaire.
Ensuite, le secteur minier. Quelque 4000
nouveaux emplois devraient être créés d’ici 10
ans grâce à l’amélioration du soutien à
l’exploration et à l’adaptation de la formation
de la main-d’oeuvre aux réalités de l’industrie
minière.
Développement durable
Le premier ministre a aussi annoncé que le
développement du Nord ne se ferait pas au
détriment de l’environnement. En ce sens, il
s’est engagé à mettre 50 % du territoire du Plan
Nord à l’abri du développement i ndustriel,
minier et énergétique.
Claude Béchard, ministre des Ressources
naturelles et de la Faune, souligne que le Plan
Nord entraînera tout un changement d’approche en
ce qui a trait au développement de projets.
« Ava nt , pou r c onst r u i r e un barrage
hydroélectrique, par exemple, le gouvernement
regardait son prix de revient au kilowattheure.
Maintenant, on regardera aussi les possibilités
d’autres projets à proximité, comme des parcs
éoliens ou des mines. Nous regarderons aussi les
projets i mpensables i l y a 40 ans qui
pourraient désormais être envisageables en
raison du réchauffement de la planète.
L’approche de développement sera beaucoup plus
intégrée », affirme-t-il.
Et où ces sites aux multiples projets
pourraient-ils être mis en valeur ? «
Hydro-Québec présentera en août les points
stratégiques qui ont un grand potentiel de
développement, mais on tiendra aussi compte des
propositions des différentes communautés
autochtones » , précise-t-il.
Si la plupart des projets du Plan Nord ne sont
pas encore définis, le dernier budget provincial
prévoit tout de même 698 millions pour des
travaux de réfection de la route 389 entre
Baie-Comeau et Fermont, et pour prolonger l a r
oute 167 de Chibougamau vers les monts Otish.
« Cette route donnera accès à la mine de
diamants Renard et sera intéressante pour les
communautés de l’est du territoire de l a
Baie-James » , i ndique Raymond Thibault,
présidentdirecteur général de la Société de
développement de la Baie James (SDBJ).
Le gouvernement du Québec a aussi annoncé l’i
nvestissement de 106 millions sur cinq ans pour
les aéroports du Nord afin de permettre un
meilleur approvisionnement en vivres des
populations éloignées.
« Entre autres, on améliorera l’aéroport de
Puvirnituq pour qu’il puisse recevoir de gros
porteurs », se réjouit le ministre Pierre
Corbeil.
Consultations
De grands projets donc, plusieurs millions i
nvestis, des enjeux importants et bien des gens
concernés. À commencer par les Premières
Nations.
Les différents représentants i nterviewés par La
Presse se sont d’ailleurs montrés profondément
contrariés de ne pas encore avoir été consultés
par le gouvernement en ce qui a trait au Plan
Nord.
« Si vous me demandez ce qu’est le Plan Nord, je
ne sais pas quoi vous répondre. C’est trop flou
», dit Ghislain Picard, chef de l’Assemblée des
premières nations du Québec et du Labrador. Le
processus de consultation pourrait donc
s’annoncer épineux.
Toutefois, si le gouvernement maintient ses
engagements en matière de protection du terr
itoire, i l pourrait t rès bien t rouver de
nouveaux a l l i és, notamment du côté des
groupes environnementalistes.
UN APPUI IMPORTANT VENU DU SUD
Pour défendre la forêt boréale québécoise au
nord du 49e paral lèle, l e s g r o u p e s e nv
i r o n nementau x ont reçu l’appui i nattendu
du Pew Environment Group, un organisme américain
qui consacre plus du tiers de ses activités à l
’extérieu r des États-Unis.
Pourquoi l a forêt boréale canadienne ? «
D’abord, depuis l ongt emps , nous c onsidérons
que la p e r t e de s é c o s y s t è mes i nt a
c t s , spécialement dans les forêts matures,
est l ’ une des problématiques environnementales
les plus i mportantes pour les différentes
nations, mais aussi pour le monde dans son
ensemble », i ndique Josh Reichert, pr é s i
dent-d i r e c t e u r généra l du Pew
Environment Group.
« Nous nous sommes donc donné comme objectif de
cibler les forêts vierges les plus importantes
sur la planète », indique son collègue
responsable de la campagne au Québec, Mathew
Jacobson.
Trois pays se sont démarqués dans leurs
recherches : le Canada, la Russie et le Brésil.
« Ensuite, nous avons essayé de déterminer
lequel de ces pays avait une populat i on qui s
’ i ntéressa i t réellement à la protection de
l’environnement, lequel avait les forces
économiques nécessaires à la prise d’actions et
lequel avait un gouvernement qui montrait un
certain leadership en matière de protection de
l’environnement », explique-t-il.
« De plus, nous croyons que si le monde
développé ne peut pas servir d’exemple pour les
pays en développement, nous serions hypocrites
de demander à ces pays d’en faire plus », ajoute
M. Reichert.
Le Pew Environment Group a donc décidé que,
parmi ces trois pays, le Canada était le
meilleur endroit où investir.
En plus de t ravailler avec différents
organismes environnementaux, comme l ’ I
nitiative boréale c a nadienne, l’organisme
américain réunit des leaders autochtones et des
acteurs importants de l’industrie pour trouver
un terrain d’entente sur la marche à suivre pour
protéger les bons 50 % du territoire.
« Nous voulons ainsi faciliter la tâche du
gouvernement du Québec, qui d’ailleurs, jusqu’à
maintenant, montre un grand intérêt envers la
conciliation du développement et de la
conservation », affirme Mathew Jacobson.
La délicate question des Premières Nations
« Les gouvernements doivent consulter tous les
peuples autochtones qui ont des revendications
sur le territoire concerné par le projet. »
Impossible de parler du développement du Nord
sans parler des Premières Nations. Parce qu’au
nord du 49e parallèle, on retrouve le territoire
ancestral de bien des communautés où, encore
aujourd’hui, on chasse, on pêche et on piège.
Irréconciliable, tout cela ?
Augouvernement du Québec, on clame haut et fort
que le Plan Nord sera défini en partenariat avec
les communautés autochtones.
« Nous sommes en processus de consultation avec
les communautés avec lesquelles nous avons signé
des conventions – les Cris, les Inuits et les
Naskapis – avec les communautés innues avec
lesquelles nous sommes en négociations, mais
aussi, avec les autres communautés autochtones
et non autochtones touchées par le développement
du Nord », affirme Pierre Corbeil, ministre
responsable des Affaires autochtones.
En fait, le gouvernement du Québec n’a d’autre
choix que de se livrer à un large processus de
consultation. Récemment, la Cour suprême du
Canada a jugé qu’avant de lancer des projets
susceptibles de porter atteinte aux droits des
peuples autochtones, le gouvernement fédéral et
les gouvernements provinciaux avaient
l’obligation de consulter et, dans certains cas,
d’accommoder les peuples autochtones même si
leurs droits ancestraux n’ont pas encore été
reconnus, affirme Pierre-Christian Labeau,
avocat responsable de l’équipe Droit autochtone
chez Ogilvy Renault.
« Les gouvernements doivent consulter tous les
peuples autochtones qui ont des revendications
sur le territoire concerné par le projet. S’il
appert que le projet portera préjudice aux
droits revendiqués, le gouvernement pourrait
avoir l’obligation d’accommoder les communautés
de façon à en atténuer l’impact le plus possible
», explique-t-il.
Le ministre québécois des Affaires autochtones,
Pierre Corbeil, a souligné que déjà, quelques
communautés ont été rencontrées. « Nous avons
fait une première tournée l’an dernier pour
connaître leur intérêt par rapport au Plan Nord
et leur vision de développement de ce nouvel
espace économique. C’est de cette façon que nous
sommes arrivés à cibler des enjeux prioritaires,
comme l’accès au territoire, la formation de la
main-d’oeuvre, la question des habitations
disponibles au Nunavik et l’adaptation des
services gouvernementaux pour les populations du
Nord. »
À l’Assemblée des premières nations du Québec et
du Labrador, on confirme avoir reçu cette visite
de M. Corbeil, il y a environ un an. « Mais il
ne s’y est pas dit grand-chose. Il n’avait rien
de concret », nuance toutefois le chef, Ghislain
Picard.
« J’ai même précisé lors de la rencontre qu’en
aucun cas, ce passage ne devait être considéré
comme une consultation », ajoute-t-il.
En fait, les différentes communautés contactées
par La Presse n’avaient pas encore eu l’occasion
de discuter du Plan Nord avec des membres du
gouvernement du Québec.
« Le gouvernement dit qu’il consulte, mais déjà,
certaines orientations ont été prises avant même
qu’on ait été consultés. J’ai appris ce qu’ils
ont l’intention de faire avec le Plan Nord dans
les journaux », indique Paul Gull, grand chef
adjoint du conseil de bande de la communauté
crie de Waswanipi.
Même son de cloche au Grand Conseil des Cris. «
Les Cris n’ont pas été consultés. Pourtant, la
Paix des braves a instauré un principe de
coopération et de respect mutuel. C’est donc
inacceptable que le gouvernement se contente de
venir nous présenter le Plan Nord sans nous
avoir impliqués dans le processus de
développement », affirme Roméo Saganash,
directeur des relations avec le Québec au Grand
Conseil des Cris.
L a Société Makivik, qui représente les I nuits
du Nunavik, n’a pas encore eu la chance de
discuter avec le ministre Corbeil du Plan Nord,
mais le gouvernement a signif ié son i ntention
d’organiser une rencontre.
Au c a bi ne t du mi n i s t r e Corbeil, on
indique qu’aucun calendrier n’a encore été fixé,
mais que des rencontres se feront avec les élus
des différentes nations.
« C’est bien évident que chaque projet suivra
les processus de consultation et d’autorisation
requis », a conclu le ministre.
DES EXEMPLES VENUS D’AILLEURS
En
matière de collaboration avec les peuples
autochtones et de protection de l’environnement,
le gouvernement du Québec pourrait s’inspirer de
ses voisins immédiats. L’exemple du Labrador se
démarque particulièrement. En négociation
territoriale avec le gouvernement de
Terre-Neuve-et-Labrador, les deux communautés
innues du Labrador se sont vu accorder un
véritable pouvoir décisionnel sur l’aménagement du
territoire ciblé par les négociations, soit 7,1
millions d’hectares. « Le gouvernement a reconnu
que c’était important de nous donner ce pouvoir
parce que l’aménagement du territoire aura un
impact majeur sur le potentiel de développement
des communautés innues et la protection de la
culture », explique Valérie Courtois, ingénieure
forestière membre de la nation innue du Labrador.
L’Ontario, qui a aussi annoncé qu’elle protégerait
50% de son territoire nordique, pourrait également
servir d’exemple au Québec, d’après Christopher
Beck, conseiller régional – Québec, Initiative
boréale canadienne. « Le gouvernement de l’Ontario
travaille avec les différentes communautés
autochtones pour mettre au point le plan
d’aménagement de leurs territoires ancestraux,
qu’il soit question d’aires à protéger ou de
développement de projets », affirme-t-il. Les
environnementalistes louangent aussi le
gouvernement ontarien pour la façon dont il compte
s’y prendre pour protéger sa forêt boréale. Au
gouvernement du Québec, on se fait rassurant. « Le
premier ministre a toujours dit qu’il voulait,
avec le Plan Nord, devenir un exemple mondial en
matière de développement nordique. C’est donc
évident que nous n’irons pas n’importe comment
pour cibler les aires à protéger et pour
développer des projets. Nous travaillerons donc
avec les autochtones sur l’aménagement du
territoire et nous nous assurerons que les aires
protégées permettront aux écosystèmes de remplir
leurs différentes fonctions », a indiqué Claude
Béchard, ministre des Ressources naturelles et de
la Faune.
Une mine, une ville - Émilie
Côté
LEBEL-SUR-QUÉVILLON
— Les 2700 âmes de Lebel-surQuévi l lon
s’accrochent à la réouverture de la mine
Langlois, propriété de la société Ressources
Breakwater. « On va faire des annonces
bientôt, a indiqué à La Presse le maire de la
municipalité, Gérald Lemoyne. On travaille
avec l’entreprise afin de l’aider à repartir
et faire des travaux de diversification.»
Les temps sont durs, à Lebel-sur-Quévillon,
depuis la fermeture de l’usine de pâte et
papier de Domtar. La mine Langlois avait
permis à quelques travailleurs forestiers de
changer de métier en leur offrant des cours.
Mais l’effondrement du prix du zinc a forcé sa
fermeture temporaire, en novembre 2008.
« Les mineurs sont des gens qui aiment leur
métier », souligne le maire. Mais devenir
mineur du jour au lendemain, ce n’est pas
évident. « Travailler dans une usine de papier
et dans une mine, ce n’est pas la même chose.
Nous, nous sommes des gars de nature et des
gars de bois. »
Le
maire est attablé dans un casse-croûte pour
déjeuner. L’homme assis à ses côtés, Serge
Dubuc, a tenté l’expérience de la mine. « J’ai
une maison, il faut la payer, dit-il. Sous
terre, on ne voit jamais la lumière. C’est
plus dur physiquement. Il y a de la poussière,
de l’eau. C’est humide... »
Les entreprises minières sont quant à elles
aux prises avec les aléas du marché du prix
des métaux. Si la mine Langlois rouvre, c’est
parce que le prix du zinc a remonté. « On sait
que la mine est encore bonne pour 15 ans »,
fait valoir le maire.
Le prix de l’or est aussi en hausse. C’est
pourquoi l’entreprise Ressources Metanor a
relancé la mine du lac Bachelor, où trois
mineurs sont morts il y a quelques jours; elle
avait été abandonnée il y a plusieurs années.
L’Abitibi a besoin de ses ressources
naturelles pour survivre, ont fait valoir
beaucoup de gens de la région. « Ici, c’est
une région de mines et de forêts, mais la
forêt n’existe plus. Il reste juste des arbres
de la grosseur de ma tasse, lance Rémi
Richard, un employé du Café Folie à Val-d’Or.
L’industrie minière : oui, il s’est fait des
conneries dans le passé mais, dans le temps,
il n’y avait pas de règlements sur
l’environnement. Sans les mines, Vald’Or
n’existerait pas. »
MINEUR, UNMÉTIER COMME
UNAUTRE
mais la perception des gens est basée
sur le passé. » Depuis quelques
années, l’industrie minière cherche à se
défaire d’une image associée au danger et à
des pratiques nuisibles pour
l’environnement.
M. Sylvestre a accepté que La Presse visite sa
mine, dont le puits va jusqu’à 865 mètres sous
terre. En exploitation depuis août 2008,
Goldex, propriété de la société torontoise
Agnico-Eagle, est située en plein coeur de
Val-d’Or. « Le Wal-Mart est à deux kilomètres
et il y a des résidants à 200 mètres. Nous
sommes obligés de faire les choses de façon
différente », note M. Sylvestre.
Par exemple, les ventilateurs de la mine sont
enfouis à 1000 pieds sous terre afin
d’éliminer le bruit. Le minerai est également
entassé sous un dôme pour éviter la
propagation de la poussière.
Le conseiller à la formation Richard Rehel est
notre guide durant la visite de la mine. Il
nous montre d’abord le tableau des descentes,
qui indique quels employés sont sous terre et
à quel niveau ils se trouvent. Il nous emmène
ensuite dans la salle de contrôle. Le
coordonnateur, Yves Arseneau, est assis devant
des dizaines d’écrans. « C’est le cerveau de
la mine ici, indique M. Rehel. On voit toutes
les caméras qu’il y a sous terre. »
L’ascenseur de la mine monte et descend à des
heures précises. Tout passe par là. Même la
machinerie lourde, qui est démontée puis
rassemblée sous terre.
En quelques secondes à peine, nous nous
retrouvons au 76e niveau, soit à 760 mètres de
profondeur. Les couloirs sont grands et le
plafond est haut, si bien qu’on a l’impression
de marcher dans un édifice de roches.
Il y a des toilettes et des salles à manger,
appelées « refuges ». « Les employés viennent
manger ici ; mais s’il y avait un feu, par
exemple, ils viendraient se réfugier ici. Il y
a de l’air, de la glaise pour calfeutrer la
porte, un téléphone, des bonbonnes d’eau et un
défibrillateur cardiaque », énumère M. Rehel,
lui-même fils d’un mineur de Murdochville.
La Belmoral
M. Rehel cogne ensuite à la porte de l’atelier
électrique, qu’il appelle « le coeur de la
mine ». Jocelyn Girard est en train de
travailler. L’accident survenu à
Desmaraisville a ravivé en lui de douloureux
souvenirs. « En 1980, j’étais à la mine
Belmoral quand il y a eu le gros accident.
C’était le soir du référendum, racontet-il.
Honnêtement, ce sont des émotions. Le milieu
de la mine, c’est familial, tout le monde se
connaît. Quand il arrive un accident dans une
mine, ça va chercher le monde. »
La tragédie de la mine Belmora l secoue encore
les gens de Val-d’Or. Huit mineurs sont morts
le soir du 20 mai 1980. Le plafond d’une
galerie située sous un marécage s’est
effondré, engouffrant dans la boue et la
glaise près de 25 hommes.
Mais la sécurité dans les mines n’a rien à
voir avec ce qu’elle était. « On faisait des
choses il y a 25 ans qui sont aujourd’hui
inacceptables », fait valoir M. Girard. Les
mentalités ont aussi évolué. « Quand j’ai
appris à conduire, on me disait de m’attacher,
mais mon père ne s’attachait pas. Mais quand
la loi est passée, il s’est habitué. »
« C’est marquant, ce qui est arrivé cette
semaine, poursuit l’électricien. Mais le
métier de mineur n’est pas plus dangereux que
n’importe quel autre. Combien il y a eu
d’accidents d’auto hier à la première neige? »
M. Girard pourrait « vendre » le métier de
mineur à un claustrophobe. « J’adore mon
métier. On ne fait jamais la même chose. Moi,
je n’ai jamais manqué une journée d’ouvrage.
Au chômage, ils ne connaissent pas mon nom.
Mon fils s’en vient dans le milieu de la mine
aussi, souligne-t-il fièrement. Il a travaillé
tout l’été dans le nord à la mine de
Meadowbank. Il aime ça. »
Les emplois miniers sont payants. Les mineurs
de la Goldex (non syndiqués) gagnent environ
70 000$ par année, et cela peut atteindre 100
000 $ avec les primes et les heures
supplémentaires.
« Compte tenu de notre scolarité, il n’y a pas
grand-chose d’aussi payant. Pas besoin d’aller
à l’université pour travailler sous terre,
blague l’opérateur Alain Thériault, 31 ans,
dont le boulot consiste à forer les trous où
sont insérés les explosifs. Mais je ne le fais
pas pour l’argent. Je viens de finir un trou
de 87 mètres. »
La mine Goldex extrait environ 2,5 millions de
tonnes de minerai par année, ce qui donne 160
000 onces d’or. « La teneur en or est basse :
deux grammes par tonne », indique Richard
Rehel.
S e u l e me n t q u e l q u e s employés et
un gardien de sécurité ont accès à la salle où
l’or, pur à environ 95%, est coulé. Quant aux
lingots, ils sont directement acheminés à la
Monnaie royale canadienne.
Un « modèle »
Goldex appartient à AgnicoEagle, propriétaire
de deux aut res mines en Abitibi .
FEU VERT À OSISKO - Philippe
Mercure
Après des années de préparation, le projet
d’Osisko pourra finalement voir le jour en
Abitibi. La société minière a reçu hier le feu
vert du gouvernement Charest pour exploiter la
plus grosse mine d’or à ciel ouvert du Québec,
qui nécessitera des investissements de plus de
1 milliard. Et créera près de 500 emplois. À
l’opposé, le géant minier Rio Tinto avait des
nouvelles bien maussades à annoncer, soit une
baisse marquée de ses profits depuis le début
de l’année.
FEU VERT À OSISKO
Les astres sont alignés pour que la plus
grosse mine d’or au Québec voit le jour à
Malartic, en Abitibi. Le gouvernement
Charest a donné le feu vert à l’entreprise
Osisko pour démarrer son projet d’un
milliard de dollars.
Suivant les recommandations du Bureau
d’audiences publiques sur l’environnement (
BAPE), le gouvernement autorise la
construction de la mine, mais impose des
conditions à Osisko.
« Au terme de la procédure d’évaluation et
d’examen des impacts sur l’environnement, le
Ministère conclut que le projet est
acceptable sur le plan environnemental », a
tranché hier la ministre de l’Environnement,
Line Beauchamp.
Le titre d’Osisko a gagné 24 cents ou 3,41%
à la Bourse de Toronto pour clôturer à 7,28
$.
Le projet Canadian Malartic devrait
permettre d’extraire annuellement 591 000
onces d’or sur une période de 10 ans. C’est
plus du double de ce que produit
actuellement la plus grosse mine d’or au
Québec, la mine La Ronde, d’Agnico-Eagle.
Osisko ne s’en tire cependant pas avec un
chèque en bla nc. L’entreprise devra fournir
100 % des garanties financières nécessaires
à la fermeture et la restauration du site.
Au printemps dernier, un rapport du
Vérificateur général du Québec avait révélé
que les exploitants miniers abandonnent trop
souvent leur site après exploitation,
refilant la facture au gouvernement.
Osisko devra aussi implanter des mesures
pour limiter les impacts du bruit, de la
poussière et des vibrations. L’entreprise
doit aussi s’assurer que l’approvisionnement
en eau potable de la ville soit maintenu, et
devra déposer l’argent nécessaire en
garantie.
Osisko a déjà acquiescé à toutes ces
demandes.
« Nous sommes prêts à remplir toutes les
conditions qui nous sont imposées et nous
les suivrons méticuleusement. On finit avec
un projet très étudié et très réfléchi qui
va devenir le standard pour l’industrie. On
parle d’une mine d’une nouvelle génération
», a dit à La Presse Affaires Sean Rosen,
président et chef de la direction d’Osisko.
M. Rosen a admis que les conditions imposées
par le gouvernement engendreront des coûts
supplémentaires, mais n’a pas été en mesure
de les chiffrer. Il affirme que l’échéancier
n’est pas modifié et que la mine devrait
commencer ses opérations en 2011.
M. Rosen a aussi révélé à La Presse Affaires
qu’Osisko a maintenant obtenu 95 % du
financement du projet.
Selon Dan Rollins, analyste chez UBS,
l’annonce d’hier « améliore le profil de
risque du projet Canadian Malartic, qui
était déjà très bas ». « Les risques liés
aux permis semblent maintenant éliminés »,
écrit-il.
Une première
Le projet Canadian Malartic est une première
pour l’Abitibi. Alors que ses habitants sont
habitués de voir leurs mineurs creuser des
galeries pour suivre des filons d’or, Osisko
est débarqué avec un projet de mine à ciel
ouvert destinée à récolter d’immenses
quantités de roc à faible teneur en minerai.
Pour ajouter au spectaculaire, une partie de
la mine que veut construire Osisko se t
rouve sous la ville de Malartic.
L’entreprise termine actuellement le
déménagement d’un quartier complet. Déjà 130
résidences ont été déplacées, et il ne reste
que de « quatre à six » dossiers de citoyens
récalcitrants à régler. Plusieurs bâtiments,
dont une école et une résidence pour
personnes âgées, ont aussi été reconstruits.
Dans son rapport, le BAPE avait souligné que
le déplacement du quartier avait été
commencé avant même que le projet n’ait reçu
les autorisations, ce qui « soulève des
questions sur le plan éthique et humain ».
« On va finalement arrêter de s’obstiner à
savoir si la mine va démarrer ou pas. Je
suis bien content que ce soit réglé », a
commenté hier le maire de Malartic, André
Vezeau, qui trouve toutefois que les
conditions imposées à Osisko au sujet de «
l’aide à la ville et à la communauté » sont
insuffisantes.
Jacques Saucier, porteparole du Comité de
vigilance de Malartic, promet aussi de
continuer à suivre les opérations de près. «
On espère que le comité de suivi qui est
recommandé par le BAPE soit mis en place le
plus tôt possible, dit-il. On a vu de
l’ouverture de la part de la compagnie, mais
le Comité va toujours les avoir à l’oeil. »
La coalition Pour que le Québec ait
meilleure mine ! avait jugé en juillet que
le BAPE avait soulevé des problèmes « f l
agra nts » mais accouché de recommandations
« timides » concernant le projet Canadian
Malartic. Il a été impossible de parler à
ses membres hier.
Rio Tinto reste prudent
Le groupe minier anglo-australien Rio
Tinto a dévoilé hier des résultats
semestriels en forte baisse du fait de la
crise qui frappe l ’économie pla nétai r
e, et s’est voulu « prudent » pour la
suite malgré la remontée récente des cours
des matières premières.
Le géant minier, coté à la fois en
Australie, à Londres et à New York, a fait
état dans un communiqué d’un effondrement
de 65% de son bénéfice net au premier
semestre à 2,45 milliards de dollars
américains.
Le chiffre d’affaires consolidé a reculé
de 30,7 % à 18,85 milliards US, et le
bénéfice d’exploitation ( Ebitda) a chuté
de 47 % à 6,1 milliards de dollars,
reflétant à la fois les baisses de
production mises en place par le groupe
face à la crise, et la diminution des
cours des matières premières par rapport
au premier semestre 2008 où ils étaient en
pleine flambée.
Une bonne partie de la baisse s’explique
par la mauvaise performance de Rio Tinto
Alcan ( RTA), division d’aluminium qui a
été fondée après l’acquisition de la
québécoise Alcan en 2007.
RTA a enregistré une perte nette de 689
millions au premier semestre, malgré un
gain de 492 millions lié à la fluctuation
des devises et à des compressions
budgétaires. Pendant la même période de
l’an dernier, RTA avait dégagé des profits
nets de plus d’un milliard de dollars.
Les revenus de la division ont dégringolé
de 45,3 % pour s’établir à 5,2 milliards,
en raison surtout de la chute de 50% des
cours de l’aluminium.
En ce qui concerne les perspectives pour
le reste de l’exercice de Rio Tinto, «
nous restons prudents face à la récente
remontée des cours », a expliqué le
nouveau président du groupe, Jan du
Plessis, qui a pris ses fonctions en
avril.
Mais il a réaffirmé la prévision selon
laquelle « le développement des pays
émergents générera une forte dynamique
pour la demande de métaux et de minerais
sur le long terme ».
Et l e groupe a r appelé les nombreux
efforts qu’il a entrepris pour s’adapter à
la récession mondiale, dont son accord de
coopération avec son compatriote et rival
BHP Billiton, qui porte sur la production
de minerai de fer en Australie.
Rio Tinto a par ailleurs réduit sa dette
nette, qui s’élevait à 39,1 milliards de
dollars à la fin juin, de 14,8 milliards
de dollars grâce à une augmentation de
capit al massive bouclée début juillet.
Toujours dans le c adre de ces efforts, le
groupe a confirmé qu’il ne verserait pas
de dividende semestriel, et a assuré qu’il
était en bonne voie de remplir son
objectif de réduire ses coûts de 2,5
milliards de dollars en 2010.
Bon accueil
Malgré la prudence adoptée par le groupe,
les investisseurs ont réservé un bon
accueil à ces résultats. L’action du
groupe a fini la séance en hausse de 1 % à
2334,5 pence à la Bourse de Londres, dans
un marché en progression de 1,43 %. Il a
clôturé à 153,86 $US à la Bourse de New
York, où l’entreprise est aussi cotée.
La maison de courtage Killik & Co a
jugé les résultats semestriels «
encourageants », bien que les bénéfices
soient un peu inférieurs aux attentes (2,6
milliards contre un consensus de 2,75 au
niveau du bénéfice sous-jacent),
soulignant que « le ton général du
communiqué est plus positif que les mois
précédents (...) et que le groupe reste
optimiste pour le long terme ».
L’ALUMINIUM REMONTE LA
PENTE - Stéphane Paquet
La chute du prix de l’aluminium a été brutale
l’automne dernier, mais la remontée se fait
progressivement. Hier, le métal blanc
s’échangeait même à un sommet de huit mois à
Londres. Cette demande accrue ne se fait
toutefois pas encore sentir dans les
alumineries québécoises.
PHOTO IVANOH DEMERS, ARCHIVES LA
PRESSE
L’aluminium a
enregistré cette semaine sa plus longue
séance de remontées depuis au moins 1987,
mais on est encore loin des 3317$US la tonne
atteints il y a un an.
L’aluminium pour livraison dans trois mois a
atteint le prix de 1890$US la tonne métrique
sur le marché anglais hier et clôturé la
séance à 1879$US, en hausse de 84$ US, soit
près de 4,7 %. Depuis son creux de la fin
février, à 1288$US, l’aluminium se vend
environ 45% plus cher.
On est encore loin des 3317$US la tonne
atteints il y a un an, mais l’aluminium a
quand même enregistré cette semaine sa plus
longue séance de remontées depuis au moins
1987, selon des données publiées par
Bloomberg.
Pourquoi? La raison est en partie chinoise.
Depuis le début de l’année, les Chinois sont
devenus des importateurs nets du métal blanc,
souligne l’analyste Aleem Ladak, de Valeurs
mobilières Desjardins, à Toronto.
« I l s produisent environ 3 millions de
tonnes de moins, surtout à cause de Chinalco
», ajoute M. Ladak. Selon d’autres rapports
d’analystes, ces importations servent à
refaire les réserves de l’empire du Milieu,
les Chinois profitant ainsi des bas prix
mondiaux.
La poussée d’hier a touché tous les métaux à
Londres : cuivre, nickel et zinc gagnant tous
entre 2% et 5%. Là aussi, l’explication est en
partie chinoise.
Plus tôt cette semaine, les marchés ont craint
que la Chine ne s’apprête à resserrer ses
conditions de crédit, pour ralentir la
croissance. Les autorités ont fait savoir hier
qu’elles allaient continuer à appliquer une «
politique monétaire accommodante ».
Mais i l y a plus que l es Chinois. Les signes
de reprise mondiale se multiplient,
l’industrie automobile montre aussi des
signaux encourageants et la demande pour les
canettes augmente. Mais ces facteurs
n’expliquent pas à eux seuls la hausse de la
demande, selon Alex Heath, directeur général,
métaux de base, chez RBC Marché des capitaux à
Londres. « Le jeu des devises joue autant que
l’économie actuellement », précise-t-il.
Un impact ici ?
À l’Association de l’aluminium du Canada, on a
aussi fait des calculs à partir d’un dollar
américain déprécié. En en tenant compte, le
prix actuel « tourne autour de 1300$US ou
1400$US, ce qui n’est pas vraiment plus que le
prix d’il y a 10 ans », souligne son
président, Jean Simard.
M. Simard ne saute donc pas au plafond quand
on lui parle de la remontée des derniers mois.
« C’est mieux, dit-il. Quand on tourne autour
des 1300-1400$US, on tourne autour des coûts
(de production). Ce ne sont pas de gros
profits. »
« Nous, nos dépenses sont en dollars canadiens
et australiens principalement », précise le
porteparole de Rio Tinto Alcan, Stefano
Bertolli.
Rio Tinto Alcan a annoncé une réduction de sa
production de 11 % d’ici la fin de l’année. M.
Bertolli précise que l’entreprise l’a, à ce
jour, diminuée de 5% à 6%. Il reste donc la
moitié du chemin à faire.
Inventaires en hausse
Si certains investisseurs regardent seulement
le prix du métal
blanc à Londres, M. Bertolli jette aussi un
coup d’oeil sur les inventaires. Ils
atteignent 4,5 millions de tonnes, soit un peu
plus que la production annuelle totale de Rio
Tinto Alcan.
« Avant de vraiment pouvoir dire qu’on est
tirés d’affaire, il faut que l’inventaire soit
revenu à des niveaux plus équilibrés », ditil
encore, soulignant qu’avant la chute des prix,
l’inventaire tournait autour de 200 000
tonnes.
Depuis le début de l’année, la production
mondiale d’aluminium a reculé d’environ 15%.
Mais le Canada est moins touché.
Selon les données de l’Association de
l’aluminium, les travailleurs canadiens et
québécois ont produit 2,8% moins d’aluminium
primaire cette année que l’an dernier. La
baisse pourrait être de l’ordre de 3% pour
l’ensemble de 2009, selon les prévisions de
l’Association.
Le Québec, yes sir ! - Hélène Baril
Consolidated Thompson investit 670 millions
et déménage à Montréal
Ça fait 35 ans qu’il ne s’est pas ouvert une
mine de fer au Québec. Et probablement plus
longtemps encore qu’une compagnie minière a
déménagé son siège social de Toronto à
Montréal. En mars 2008, Claude
Béchard (à gauche), alors ministre des
Ressources naturelles, et Richard Quesnel,
président de Consolidated Thompson, ont
annoncé l’exploitation d’une nouvelle mine
de fer au lac Bloom, au nord de Sept-Îles.
Consolidated Thompson, qui investit 670
millions pour aménager et exploiter une mine
de fer au lac Bloom, dans le nord du Québec,
a aussi décidé de déménager ses pénates à
Montréal.
« L’Institut Fraser l’a déjà dit, le Québec
est un des meilleurs endroits sur la planète
pour investir dans le secteur minier »,
explique Richard Quesnel, président et chef
de l’exploitation de Consolidated Thompson.
Comme plu s i e u r s a ut r e s membres de
la direction de l’entreprise, Richard
Quesnel est Montréalais d’origine, un
ingénieur minier formé à l’Université
McGill. Après avoir voyagé beaucoup pour le
travail, il s’agit d’un retour aux sources
pour lui.
« Et la mine est au Québec », souligne-t-il
lors d’un entretien avec La Presse Affaires.
Cons o l i d a t e d T hompson compte mettre
en production d’ici la fin de l’année le
gisement de fer du lac Bloom, situé à 400 km
au nord de Sept-Îles.
C’est grâce à un investissement de 240
millions US d’un pa r t enai r e c hi nois ,
Wuhan I ron & Steel, que le projet du
lac Bloom a pu voir le jour. Les Chinois ont
acquis 25 % de la mine et 20 % de
Consolidated Thompson, qui détient les
droits d’exploration dans deux autres
propriétés situées à proximité.
Au total, la mine nécessitera des
investissements de 670 millions, soit 490
millions dans les activités minières et le
reste dans les infrastructures portuaires et
ferroviaires pour acheminer le minerai.
Actuellement, 450 employés s’affairent sur
le site et 300 y travailleront une fois la
mine en production. La mine du lac Bloom
produira de 7 à 8 millions de tonnes de
concentré de fer par année et son potentiel
est estimé à 1 milliard de tonnes.
I l s’agit d’un concentré de gra nde qual i
t é, au di r e de Richard Quesnel, dont les
coûts d’extraction sont très bas. La moitié
de ce minerai a déjà trouvé preneur auprès
de clients chinois, au prix du marché.
Le prix du minerai de fer a atteint des
niveaux stratosphér iques au milieu de l ’a
nnée dernière et a dégringolé par la suite.
Même au prix actuel de 60 à 64$US la tonne,
la mine du lac Bloom sera rentable avec des
coûts de production d’environ 25$US la
tonne, a indiqué le président de Thompson
Consolidated.
Ultérieurement, Consolidated Thompson
pourrait investir dans une usine de
boulettage pour donner une valeur ajoutée à
son minerai, a-t-il indiqué.
Il s’agit d’une première mine pour
Consolidated Thompson, une entreprise
d’exploration qui a vu le jour à Toronto et
a crû avec le soutien financier de
Forbes& Manhattan, une banque d’affaires
privée.
Cons o l i d a t e d T hompson compte parmi
ses administrateurs l’ancien président de
Bombardfier et de Provigo, Pierre Lortie, et
l’ancien premier ministre de Terre-Neuve,
Brian Tobin. Ses actions sont inscrites à la
cote de la Bourse de Toronto. Hier, le titre
a fini la journée à 4,11 $, en hausse de 16
cents. Depuis un an, l’action a oscillé
entre 0,81 et 7,37 $.
FINANCEMENT DES ENTREPRISES MINIÈRES Les marchés
demeurent partagés - Martin Vallières
«
Au Québec, la prochaine saison d’émissions
d’actions accréditives s’annonce favorable pour
les PME des métaux industriels. »
La remontée des prix des métaux favorise-t-elle
le financement des entreprises minières, dont
dépendent des milliers d’emplois au Québec ?
Ça dépend encore des secteurs à ce moment-ci de
la reprise, i ndiquent des s pécia l i s t es
consultés par La Presse Affaires.
Pour l es projets miniers d’une certaine
envergure, « on a retrouvé un contexte favorable
pour le financement, après le ressac de l’an
dernier provoqué par la vive correction des prix
des métaux », résume Paul Carmel, directeur
général du financement d’entreprises minières
chez Valeurs mobilières Desjardins, à Montréal.
« Il y a encore de l’hésitation de la part des
prêteurs bancaires pour des projets miniers.
Mais l’obtention de capital-actions, elle, se
porte plutôt bien. Les investisseurs sont
intéressés par les bons projets. À la Bourse de
Toronto, d’ailleurs, l’important secteur des
mines et métaux s’est le mieux remis du krach de
2008. » Parmi les entreprises minières dites «
juniors », essentiellement des PME d’exploration
et de promotion de nouveaux gisements, le
constat est plus partagé.
« Dans le secteur aurifère, les entreprises
n’ont pas ressenti de crise financière ou de
récession. Avec l ’or autour de 900 $ US l’once,
les investisseurs et les prêteurs sont
intéressés aux projets aurifères », commente
Nochane Rousseau, chef du secteur minier au
bureau montréalais de la firme comptable
PricewaterhouseCoopers.
En contrepartie, les entreprises « juniors » en
métaux industriels sont encore aux prises avec
les conséquences de la crise du krach des prix
de l’automne dernier.
« Malgré les indices de reprise économique,
leur recherche de c apitaux et de f i
nancement demeure difficile », selon M.
Rousseau.
« Le pire semble passé, toutefois,
poursuit-il. Il y a plus de discussions à
propos de projets de financement qui
pourraient se concrétiser à l’automne et en
fin d’année. Au Québec, la prochaine saison
d’émissions d’actions accréditives s’annonce
favorable pour les PME des métaux industriels.
»
Pour le moment, les récentes statistiques de
ce secteur à la Bourse de Toronto demeurent
négatives.
À la Bourse de croissance TSX, dédiée aux
petites capitalisations, la valeur des
émissions d’actions par des PME des mines et
métaux durant les six premiers mois de 2009
est inférieure de centaines de millions de
dollars à celles des semestres correspondants
en 2008 et 2007.
Environ 950 millions de dollars ont été levés
de janvier à juin dernier, comparativement à
1,3 milliard en 2008 et à une somme record de
3,4 milliards en 2007.
« Les PME québécoises des métaux de base qui
avaient fait des réserves financières il y a
deux ans peuvent endurer cette période
difficile. Mais pour les autres, plusieurs
risquent encore de ne pas passer au travers »,
a souligné Nochane Rousseau.
L’être humain contre la machine
- Marc Tison
La machine distributrice de DVD, un robot
menaçant qui gobera inexorablement les parts
de marché? Le moins qu’on puisse dire, c’est
que cette vision ne provoque pas de
cauchemars au SuperClub Vidéotron.
« Il y a deux ans et demi, il y avait plus
de 200 kiosques de machines distributrices
au Québec, alors qu’aujourd’hui, il y en a
peut-être 50 qui sont encore en vie »,
assène Donald Lizotte, président de la plus
grande chaîne de location de DVD au Québec.
Contrairement à Blockbusters aux États-Unis,
le SuperClub Vidéotron n’entend faire aucune
place aux machines distributrices. Donald
Lizotte, président de l’entreprise depuis
2006, a pourtant envisagé très sérieusement
cette avenue et a même rencontré des
manufacturiers. Verdict : « À court terme,
je n’en vois pas la valeur, et on va à
l’encontre de ce que le client recherche :
de la variété, de la disponibilité et du
service à la clientèle. »
Le marché québécois n’offre pas la densité
nécessaire au succès des machines
distributrices, croit-il. Les profits se
gagnent avec les nouveautés, et les
nouveautés perdent leur fraîcheur en à peine
un mois. En somme, il faut parvenir à en
louer un maximum dans le mois qui suit leur
parution, d’où l’importance d’une certaine
densité de population autour du point de
location.
Un marché comme celui de Montréal est
pourtant aussi dense que celui de Boston. «
Les gens ici ne sont pas encore craintifs de
sortir le soir pour aller au club vidéo,
rétorque Donald Lizotte. C’est un facteur
important dans le marché américain. »
En outre, le consommateur québécois est plus
réticent à utiliser sa carte de crédit dans
une transaction sans commis. Enfin – et
surtout –, « aller choisir un film fait
partie de l’expérience de location, dit-il.
Dans toutes nos études, les recherches nous
démontrent que ça nous prend un espace libre
où peut se tenir une espèce de réunion où se
fera le consensus sur le film qu’on va
choisir. »
Bref,
au Québec, la location vidéo demeure une
expérience interpersonnelle. Le SuperClub
Viédotron table donc sur le point faible de
la machine distributrice : le service à la
clientèle.
« Les résultats sont là, soutient Donald
Lizotte. L’année 2008 a été notre meilleure
année à vie en termes de performance de
revenus. Et jusqu’à présent, en 2009, on
surpasse les chiffres de 2008. »
La chaîne a fermé certains magasins peu
fréquentés, en a ouvert d’autres dans des
secteurs plus prometteurs, pour maintenir un
plateau de 194 emplacements.
Pas d’optimisme béat, toutefois. « La plus
grande menace, c’est la maturité de notre
industrie », soutient Donald Lizotte. Pour y
transfuser un peu de sang neuf, 70 magasins
incorporent maintenant une surface consacrée
aux autres services de télécommunications
offerts par Vidéotron – câblodistribution,
téléphonie par câble, etc.
Le président veut étendre largement cette
mesure. « Avec la valeur que Vidéotron nous
amène, on est en mesure, de créer une
nouvelle catégorie d’affaires, qui, elle,
est en croissance phénoménale. « Cette
nouvelle orientation assurera la pérennité
des magasins « parce que notre rôle pourra
changer avec le temps », décrit-il. En somme,
et paradoxalement, au SuperClub Vidéotron,
la survie du service en chair et en os
dépend des télécommunications électroniques.
Air Canada est de retour -
André Pratte
Il n’y a pas six mois que Calin Rovinescu
est à la tête d’Air Canada que déjà on sent
souffler un vent de renouveau. Pour la
première fois depuis longtemps, on a
l’impression que la haute direction de
l’entreprise veut s’attaquer résolument au
mécontentement de la clientèle, autrefois
fidèle.
Il semble aussi qu’Air Canada croit – pour
vrai, pas seulement pour flatter les
Québécois – au potentiel de l’aéroport
Trudeau. «Je veux que Montréal redev ien ne
u ne plaque tournante pour Air Canada», a
dit M. Rovinescu au cours d’une rencontre
avec La Presse. Toronto restera toujours au
coeur du réseau de la société. Toutefois,
cela ne l’empêche plus de nourrir des
ambitions pour la métropole québécoise.
Déjà, de nouvelles liaisons ont été
annoncées: Bruxelles, Barcelone, Athènes,
Houston. Le vol Montréal-Genève, lancé au
printemps, est déjà l’un des plus
profitables du transporteur.
La tâche de relancer l’ancienne société de
la Couronne sera colossale. Selon M.
Rovinescu, la première phase, la «phase
survie », est maintenant terminée. Des
ententes ont été conclues avec les
syndicats, du financement a été obtenu. Mais
la structure de coûts reste trop lourde à
porter. La récession a durement touché
l’industrie. Et la concurrence sera plus
féroce que jamais, particulièrement
difficile à soutenir pour les compagnies les
plus anciennes ( legacy airlines), dont le
personnel est syndiqué et plus âgé que celui
de leurs compétiteurs.
L’équipe de M. Rovinescu ne peut pas changer
ces legs du passé. Aussi le nouveau PDG
veut-il s’attaquer à la culture de
l’entreprise. « Il faut que les décisions
soient prises plus rapidement, que les
mentalités soient fondées sur le Just do it
!, pour reprendre le slogan de Nike»,
explique-t-il.
Tous
les clients d’Air Canada ont été témoins
d’une situation où un problème survenu dans
l’aérogare dégénère en chaos tandis que les
employés attendent d’avoir, d’en haut, une
quelconque directive. M. Rovinescu veut que
, dé sor m a i s , les gens sur le terrain
prennent l’initiative.
Changer la culture d’une vieille entreprise
de 25 000 employés ne sera pas facile. Mais,
selon le patron , c ’est le seul moyen de
regagner la confiance des consommateurs. Les
employés doivent comprendre, dit-il en
substance, que personne ne doit rien à Air
Canada. Si le service est moins bon
qu’ailleurs, les Canadiens choisiront sans
hésitation un autre transporteur.
La tarification à la carte, qui a suscité
l’ire des clients et transformé les agents
de bord en commis de dépanneur, sera en
partie abandonnée. Le service Rapidair a été
modernisé en s’inspirant des bonnes idées de
Porter Airlines. Air Canada envisage de plus
un retour à l’aéroport de l’île de Toronto.
Le succès du plan Rovinescu n’est évidemment
pas assuré. Mais au moins, la volonté y est.
Les Canadiens, eux, ne demandent pas mieux
que de retrouver le plaisir de voler sur les
ailes de leur compagnie aérienne nationale.
Ça presse - JEAN-PASCAL
BEAUPRÉ
En décrocha nt u n de ses plus gros
contrats, Bombardier Transport avait
toutes les raisons de sabler le
champagne hier. La multinationale
québécoise empochera 2 milliards pour la
construction de 80 trains à grande
vitesse Zefiro qui desserviront la
Chine. La livraison des 1120 voitures
s’échelonnera de 2012 à 2014: le
gouvernement chinois ne perd pas de
temps!
On ne peut que se réjouir de ce coup
d’éclat de Bombardier. Le carnet de
commandes de sa division ferroviaire
fera ainsi cont repoids au ra
lentissement de son secteu r
aéronautique.
Mais, en même temps , ce pro - jet giga
ntesque d ’i mpla nt at ion d’un réseau
ferroviaire d’avant-garde en Chine nous
renvoie en plein visage notre échec de
réaliser un projet de TGV dans le
couloir Québec-Windsor.
Quel paradoxe quand même: le Canada
demeure les bras croisés pendant qu’un
de ses plus grands fleurons industriels,
Bombardier, fournit des trains à la fine
pointe de la technologie aux quatre
coins du monde.
Depuis plus d’un quart de siècle, le
Canada lambine et tergiverse avec le
dossier du TGV qui a maintes fois été
reporté aux calendes grecques.
En j anvier 2008, les premiers ministres
Jean Charest et Dalton McGuinty, de
l’Ontario, ont relancé le projet
QuébecWindsor en donnant le feu vert à
la mise à jour d’études de faisabilité
qui devait être complétée en 12 mois.
Presque deux ans plus tard, on attend
toujours les résultats des analyses de
la firme Dessau. De son côté, dans un
avis sollicité par le maire Régis
Labeaume, la Société nationale des
chemins de fer affirme que le couloir
Québec-Windsor serait aussi rentable que
certaines lignes françaises.
L e chef libéra l M ichael Ignatieff se
dit favorable à un TGV, mais seulement
entre Québec et Toronto dans un premier
temps, ce à quoi M . C ha rest s ’oppose
avec véhémence.
Et le gouvernement Harper dans tout ça?
Motus et bouche cousue. Il est dommage
qu’il n’ait pas profité du vaste
programme de relance économique qu’il a
lancé il y a quelques mois pour investir
à fond de train dans ce projet. Bien
sûr, il en coûterait plus de 20
milliards pour réaliser ce vieux rêve.
Mais le Canada, dont la dette par habit
a nt est la plu s ba sse des pays
industrialisés, a les moyens de financer
une telle aventure, malgré la hausse
substantielle de son déficit. Le
gouvernement conservateur redorerait du
même coup son image écolo en contribuant
à la réduction des émissions de gaz à
effet de serre.
Pendant ce temps, l’Europe jouit depuis
longtemps d’un système ferroviaire
rapide et efficace. Aux États-Unis, le
président Barack Obama a dévoilé en
avril dernier un plan de 8 à 13
milliards qui prévoit la mise en service
de 10 réseaux de trains à grande
vitesse.
De toute évidence, ce n’est pas demain
la veille qu’on pou r ra ef fe c t uer
le t rajet Montréal-Québec en 1h13 ou
Montréal-Toronto en 2 h18… Il serait
grand temps qu’on se dépêche de
moderniser notre réseau ferroviaire aux
allures tiers-mondistes.
Annoncer grand, faire petit -
SOPHIE COUSINEAU CHRONIQUE
Bombardier a
décroché hier un fabuleux contrat de
Pékin pour fournir à la Chine 80
trains à très grande vitesse, soit
1120 voitures.
Attribuée à sa plus grande filiale
chinoise, cette commande s’élève à
près de 4,4 milliards CAN. Comme il
s’agit d’une coentreprise à parts
égales avec CSR Sifang Rolling Stock
Co., la moitié de ces revenus lui
reviendront.
Ce contrat
tombe à point nommé pour Bombardier,
qui souf f r e d’un ralentissement
marqué de la demande pour ses jets
d’affaires et ses avions régionaux,
malgré une commande récente d’American
Airlines.
Mais, au-delà de sa valeur financière,
ce contrat est important à plusieurs
égards. Il récompense la patience de
Bombardier, qui s’est installée en
1998 à Qingdao, une ancienne colonie
allemande sur la mer Jaune reconnue
partout dans le monde pour sa bière –
Qingdao se prononçant Tsing Tao. Ce
contrat reconnaît aussi les avancées
technologiques des derniers Zefiro,
des trains aérodynamiques qui peuvent
foncer jusqu’à 380 km/h. ( Par
définition, un train à grande vitesse
file à 200 km/h ou plus.) Ainsi, cette
commande servira de vitrine à
Bombardier, alors que l’Asie est en
voie de renouveler et d’étendre ses
réseaux ferroviaires.
Mais
ce qui est peut-être le plus frappant,
c’est la volonté de la Chine de se
servir des fonds de son plan de
relance (4000 milliards de yuan ou 640
milliards CAN) pour se doter
d’infrastructures qui accroîtront sa
compétitivité. On est loin du
remplissage de nids-de-poule!
Cette volonté se manifeste par le
calendrier de livraison serré. « Le
premier train doit être livré en 2012
et le dernier, en 2014 », précise le
communiqué. Ce contrat serait donc
achevé en moins de cinq ans!
Difficile, dans le contexte, de
résister à l’envie de se comparer.
Cela fait 28 ans qu’on discute d’un
TGV au Canada, la première étude de
faisabilité de VIA Rail remontant à
1981...
Ironie du sort, mon collègue
Joël-Denis Bellavance a révélé hier
que le chef libéral Michael I gnatief
f s ’engagera à construire un train à
grande vitesse dans le couloir
Québec-Windsor lors de la campagne à
venir.
Déjà, la polémique est relancée. Le
premier ministre Jean Charest
préférerait que le projet se réalise
d’un coup, et non en deux temps, en
commençant par le tronçon
MontréalToronto. Des maires des deux
côtés du fleuve Saint-Laurent se
disputent au sujet du tracé de cette
liaison rapide.
Mais on peut vraisemblablement faire
l’économie de quelques chicanes de
clocher. Car au-delà des promesses
électorales, la volonté politique
est-elle réellement là ? Si l’histoire
nous a enseigné quelque chose, c’est
que rien n’est moins certain.
Michael Ignatieff lui-même croyait
tellement dans le TGV à la dernière
campagne électorale qu’il a refusé
d’en faire un engagement, même s’il en
rêvait dans son dernier livre, Terre
de nos aïeux ! « J’ai écrit un livre,
pas un programme électoral »,
disait-il alors.
Le premier ministre Jean Charest et
son homologue ontarien Dalton McGuinty
se sont aussi engagés à ressusciter le
projet de TGV, lors d’une conférence
commune t rès médiatisée, en janvier
2008.
Cet engagement
nécessitait toutefois la réalisation
d’une nouvelle étude de faisabilité –
la huitième depuis 1981. Or, un an
plus tard, La Presse a appris que les
gouvernements n’avaient même pas
sélectionné les firmes pour la
réaliser. De fait, le rapport des cinq
firmes du consortium EcoTrain ne sera
pas achevé avant le printemps
prochain. C’est ce qu’on appelle une
sacrée priorité !
Ce n’est pas pour rien que, lorsque
Laurent Beaudoin a pris sa retraite,
en juin 2008, il a exprimé ses doutes
quant à la réalisation d’un TGV au
Canada. « La seule façon que le train
rapide puisse arriver ici, c’est si un
parti politique en fait sa priorité »,
disait-il avec une pointe d’amertume
après des années de vains efforts.
Or, les conseillers politiques dans
l’entourage de Michael Ignatieff
évoquent déjà les contraintes
budgétaires qui pourraient remettre en
question ce projet. Ce sont ces mêmes
pressions qui, en 1998, ont incité
l’ex-ministre des Transports David
Collenette à abandonner le projet de
train ultrarapide piloté par Alstom,
Bombardier, SNC-Lavalin, entre autres.
Les sceptiques font valoir qu’un
projet aussi coûteux serait impossible
à rentabiliser dans un pays peu
peuplé. Les informations à ce sujet
sont vieilles ou partiales.
Dans une étude déposée en juin, la
Société nationale des chemins de fer
français (SNCF) croit qu’un TGV dans
le corridor Québec-Windsor réunit
toutes les conditions de rentabilité
financière.
Il faudrait attendre 30 ans avant de
rentabiliser l’i nvestissement initial
de 18,3 milliards de dollars grâce aux
profits d’exploitation, concluait
toutefois une étude de faisabilité qui
remonte à 1995.
Mais de quelle façon a-t-on mesuré et
tenu compte des coûts totaux du
système actuel et des bénéfices moins
tangibles d’un TGV? En 2009, le climat
n’est plus le même, sans jeu de mots.
La congest ion routière et les délais
aux aéroports volent de plus en plus
d’heures de travail. Pendant ce temps,
le Canada réduit ses objectifs de
réduction des gaz à effet de serre,
faute de pouvoir atteindre ses cibles
plus ambitieuses. Un TGV offre des
bénéfices indéniables pour la
productivité et l’environnement.
C’est sans parler du fait que les
Canadiens sont les otages de
tortillards qui s’arrêtent pour
laisser les passer les trains de
marchandises. Tandis que Bombardier
construit les trains les plus rapides
de la planète en Chine...
Vivement que l’on casse le moule du «
annoncer grand, faire petit ».
Un TGV bien lent - Stéphane Paquet
Oubliez le TGV entre Montréal et New York, s’est
fait dire cette semaine le délégué général du
Québec dans la métropole américaine, lors d’une
rencontre avec les responsables new-yorkais. Le
projet est trop coûteux et le tracé, trop
complexe.
« Pour l’instant, c’est une vision de train
rapide et non pas une vision de TGV », a
constaté mardi, le délégué Robert Keating. Il
rencontrait alors une délégation du ministère
des Transports new-yorkais, en compagnie de
fonctionnaires de Transport Québec.
La liaison New York–Montréal n’est pas non plus
au sommet de leurs priorités. C’est plutôt le
trajet Buffalo, Rochester, Syracuse, Albany qui
l’est.
D’ailleurs, fait révélateur, la présentation
faite à la délégation québécoise et dont nous
avons obtenu copie compte 31 pages. Celles
consacrées au corridor des Adirondacks, entre
Montréal et Albany, sont au nombre de deux.
Qualifiant l’entretien de « rencontre
exploratoire », M. Keating a quand même pu
constater les différences entre la proposition
new-yorkaise et ce que Québec souhaite
construire. « La philosophie aux États-Unis,
quand ils parlent de train rapide, c’est 110
miles à l’heure. Nous, quand on parle de ça au
Québec, c’est plus que ça », confie-t-il.
Les réticences américaines aux trains à grande
vitesse comme on les construit en France sont de
deux ordres, selon lui. D’abord, les coûts. Une
étude de 2004 les estimait à plus de 4 milliards
de dollars. Et puis, il y a le tracé, qui
devrait être refait, en passant dans le parc des
Adirondacks.
« Il faut changer complètement le tracé si on
veut un TGV, poursuit M. Keating (…) Ça ne peut
pas être construit sur le tracé actuel, c’est un
tracé qui a trop de courbes, trop d’élévation.
C’est un vieux, vieux tracé. »
Québec
rassurant
À Québec, le bureau du premier ministre s’est fait
rassurant hier après-midi. « Nous autres, notre
priorité, c’est Québec-Toronto, comme eux, la leur,
c ’est Albany-Buffalo », tempérait Hugo D’Amours, l
’attaché de presse du premier ministre Jean Charest.
Mais, at-i l poursuivi empruntant une image chère à
Jacques Parizeau, « on peut marcher et mâcher de la
gomme en même temps ».
M. D’Amours assure que « au niveau politique, la
volonté est là ». D’ailleurs, le délégué général du
Québec espère une rencontre « dans les prochains
mois » entre M. Charest et le gouverneur de New
York, David Paterson, afin de fa i re le point s ur
l e dossier. En attendant, « il faut que les
autorités politiques soient conscientes des constats
qui ont été amenés ».
Dépassé par l’Ontario ?
Mentionnant que le trajet Albany-Buffalo arrivera à
un jet de pierre de Niagara Falls, au Canada, le
député péquiste François Rebello estime que « le
Québec a perdu la bataille par rapport à l’Ontario
».
« On n’a pas le TGV parce que le premier ministre
n’a pas fait son travail », poursuit celui qui suit
le dossier de près.
Il souligne que les exportations québécoises sont
trois fois moins importantes dans le nord-est
américain qu’elles ne le sont en Ontario. «
L’absence de lien de transport facile engendre un
coût économique », dit-il.
L e bureau du premier ministre Charest estime plutôt
que c’est ce gouvernement que le projet a repris
vie. Et on ne voit pas d’un mauvais oeil le fait
qu’une ligne de train plus rapide arrive du côté de
Niagara Falls : quand le t r ajet Québec-Windsor
sera construit , estime M. D’Amours, et qu’il se
rapprochera du trajet AlbanyBuffalo au sud, « ce
sera tout un i ncitatif pour les Américains de venir
se brancher » et ainsi compléter une grande boucle.
En attendant, le délégué général laisse entrevoir
une réduction du temps à la frontière : « Là-dessus,
avec de la bonne volonté, on peut faire un bout
rapide, qu’on ait un TGV ou non.
Relier
Montréal à New York
Un
TGVQuébec-Windsor n’aura jamais l’attrait d’un lien
nord-sud pour Montréal
Ces jours-ci, encore à cause d’un étranger ( Barack
Obama), le Québec se remet à rêver de son axe
économique nord-sud. Cet axe qui, pourtant, a toujours
fait l’envie des autres provinces et même d’autres
pays du monde comme la France, mais que trop souvent,
les Québécois eux-mêmes oublient. Le train à grande vitesse doit
partir de Montréal et relier New York en priorité.
Il aura fallu qu’un président d’un autre pays avance
par ricochet, en parlant de cette nouvelle économie
liée par le train plutôt que par l’automobile, que
notre intégrité territoriale passe par l’intégration
encore plus forte de nos deux pays.
Pourtant, cette idée a déjà été présentée et soutenue
par des milliers de Québécois engagés dans le commerce
entre les États-Unis et le Canada depuis des lunes: la
nature du commerce international québécois est d’abord
nord-sud et non est-ouest. Ce n’est pas la sacrosainte
France qui va assurer l’avenir économique du Québec.
Le Québec va prospérer le jour où il va prendre la
décision de se concentrer sur le grand triangle
Montréal-Boston-WashingtonChicago. Le Québec va
prospérer lorsqu’il va se concentrer sur son commerce
nord-sud, d’abord vers les États-Unis, puis vers
l’Amérique du Sud.
Le train à grande vitesse doit partir de Montréal et
relier New York en priorité. Il doit aussi y avoir un
embranchement à Albany qui reliera Boston en passant
par Springfield au Massachusetts. On pourrait même
revoir le lien proposé à l’époque entre Montréal et
Burlington-Manchester-Boston.
Le train Québec-Windsor n’aura jamais l’attrait d’un
lien nord-sud pour Montréal, la démographie et la
richesse collective allant de soi. Québec et Ottawa ne
doivent pas prioriser cet axe. Il serait suicidaire au
plan économique et même touristique de penser qu’il y
aurait un avantage à réaliser ce projet.
La Nouvelle-Angleterre, c’est 15 millions de
personnes à deux pas de chez nous et
NewYorkmétropolitain c’est 20 millions de personnes.
Dois-je vraiment vous sortir les chiffres de l’Ontario?
D’ailleurs pourquoi le lien naturel nord-sud existe-t-il
entre Vancouver-Seattle et Portland, mais que nous, ici,
nous devrions prioriser l’axe est-ouest?
N’allez surtout pas croire que je suis un séparatiste
convaincu qui veut briser le Canada, loin de là. Toronto
et Windsor pourront bien créer leurs liens eux aussi
s’ils le souhaitent avec le sud. Non, en fait, je vois
même le Québec comme leader canadien du commerce avec
les États-Unis. Et j’en rajoute même en imaginant le
Québec comme principale porte d’entrée des Européens en
mal d’Amérique qu’ils soient commerçants ou touristes.
Faut-il vraiment que la bonne idée vienne de l’extérieur
pour que nos gouvernements l’envisagent?
En Nouvelle-Angleterre, le grand projet Boston-New
YorkWashington se réalise. Les études ont été faites et
les gouvernements des États concernés finissent
présentement de s’entendre sur les tracés et les
ajustements techniques d’utilisation des rails. Il reste
à ajuster le cas de la ligne de train de banlieue Métro
North à New York qui se rend jusqu’à New Haven au
Connecticut et qui commanderait des transformations
majeures si le train à haute vitesse voyait le jour dans
son entité complète.
Il manque cependant à l’Amérique du Nord ce concept
d’intégration territoriale que les Européens ont réussi
à créer de manière habile. Nous n’aurons pas le choix
d’arriver un jour ou l’autre à un vrai traité de
libre-échange, ce qui n’est pas le cas de l’ALENA en ce
moment.
Il se pose aussi l’éternelle question de la douane entre
les deux pays dans l’optique ou un train relierait
Montréal à New York et à Boston si l’intégration
territoriale ne peut se faire. Pourtant, une partie de
la solution vient de la carte NEXUS que plusieurs grands
voyageurs se procurent et qui permet de passer la douane
sans même rencontrer un douanier, et ce, des deux côtés
de la frontière.
Le premier ministre d’un pays ou d’une province qui
osera aller si loin sera celui qui permettra
l’intégration territoriale canadoaméricaine, la solution
ultime à la sécurité économique de nos deux pays liés
inévitablement et à tout jamais par une histoire commune
et intégrée. C’est aussi ça, le commerce de proximité.
RAGE ETOPTIMISME À L’ASSEMBLÉE DE BCE
Le
conglomérat maintient ses cibles malgré la crise
BCE a épargné tellement d’argent grâce à son « plan de
100 jours » qu’elle n’aura pas besoin de revoir ses
cibles à la baisse cette année, a fait valoir hier le
grand patron du groupe, George Cope. George Cope, grand patron de
BCE
Cette confiance de Bell Canada Entreprises tranche net
avec l’annonce faite hier par son grand concurrent,
Telus. La société albertaine a réduit de 350 millions
de dollars ses prévisions de revenus pour 2009, en
raison de « l’aggravation de la situation économique »
au pays.
George
Cope, à l’opposé, estime que toutes les mesures mises
en place pendant les 100 premiers jours de son mandat
qui a commencé en juillet dernier – notamment
l’abolition de 3500 postes – ont donné une bouffée
d’oxygène à BCE.
« Nous croyons maintenant avoir la flexibilité
nécessaire pour maintenir nos cibles de BAIIA
(bénéfice avant intérêts, impôts et amortissement) »,
a-t-il dit en marge de l’assemblée des actionnaires, à
Toronto.
Cope, confiant dans les progrès de l’entreprise,
cherche en quelque sorte à marquer une rupture avec
les deux dernières années remplies de turbulences.
Mais les actionnaires et employés du conglomérat
montréalais n’ont pas tourné la page.
Une
vive frustration a marqué la plupart des
interventions au micro pendant l’assemblée d’hier.
La faible valeur du titre de BCE en Bourse, le
recours à la soustraitance et les salaires des
dirigeants gonflés aux stéroïdes en 2008 ont fait
l’objet de plusieurs commentaires émotifs.
Un actionnaire a ainsi dénoncé les primes versées
l’an dernier à plusieurs hauts dirigeants pour la «
fermeture du capital » de BCE, même si le rachat par
Teachers’ et ses partenaires a avorté. Les six
principaux leaders de BCE se sont partagé 43
millions en salaires et primes l’an dernier, dont 21
millions pour le président sortant Michael Sabia.
« Le prix de l ’action est aujourd’hui plus bas
qu’il ne l’était quand Michael Sabia est entré en
poste! a lancé l’actionnaire. Comment peut-on
récompenser cette absence de leadership? »
Thomas O’Neil, nouveau président du conseil de BCE,
a tenu à rappeler que tout le monde a été pénalisé
par l’échec de la transaction, qui aurait totalisé
51,7 milliards. Les patrons comme les travailleurs.
Nancy Carmichael, chez Bell Canada depuis 35 ans, a
pour sa part déploré que le conseil ait écarté une
proposition qui visait à réduire la rémunération des
dirigeants et administrateurs. La moindre des
choses, selon elle, dans le contexte de compressions
qui prévaut ces jours-ci chez Bell.
« Vous demandez beaucoup à vos employés, mais vous
n’êtes pas prêts à faire vous-même un effort,
a-t-elle lancé. Quel message leur envoyez-vous ? »
Le
Mouvement de défense et d’éducation des actionnaires
(MEDAC) a par ailleurs présenté une série de
propositions, presque toutes rejetées par le
conseil. Celle portant sur un nouveau « vote
consultatif » a toutefois été adoptée à 93%. Les
actionnaires pourront ainsi se prononcer sur la
politique de rémunération des dirigeants de BCE dès
2010.
Virgin Mobile
Peu avant l’assemblée, BCE a annoncé le rachat des
50% de Virgin Mobile qu’elle ne possédait pas. La
transaction, réalisée au coût de 142 millions de
dollars, permettra à l’entreprise de mieux affronter
les nouveaux concurrents qui devraient entrer dans
le paysage canadien du sans-fil au cours des
prochains mois, espère George Cope.
Virgin – qui vise surtout une clientèle frugale –
sera distribué à large échelle dès janvier dans les
750 magasins La Source que BCE a récemment acquis.
« Nous sommes à la traîne de nos concurrents en
termes de distribution, mais nous serons maintenant
à leur niveau », a dit M. Cope pendant l’assemblée.
BCE a aussi publié hier ses résultats pour le
premier trimestre de l’exercice financier 2009. Les
revenus ont reculé de 0,5%, à 3,6 milliards. Et le
bénéfice net a atteint 377 millions, ou 48 cents par
action, en progression par rapport aux 258 millions
(32 cents) engrangés l’an dernier.
L’analyste Greg MacDonald, de la Financière Banque
Nationale, a jugé cette performance satisfaisante. «
Cela vient démontrer le bien-fondé des éléments de
stratégie que les dirigeants ont dévoilés pendant la
conférence des investisseurs de février », a-til
écrit dans un rapport.
Les marchés ont reçu ces résultats avec un grain de
sel. Le titre de BCE a clôturé en baisse de 1,17$, à
24,90$ hier, à la Bourse de Toronto.
Vers un nouvel ordre économique -
Malorie Beauchemin
Sommet du G20 Les pays émergents remportent une
importante victoire
PITTSBURGH — Les pays émergents, avec en tête la
Chine, l’Inde, le Brésil et bien d’autres,
auront dorénavant droit de cité au chapitre de
la gouvernance économique mondiale, au même
titre notamment que les États-Unis, la France,
la Grande-Bretagne et le Canada.
Concluantletroisièmesommet du G20 en moins d’un
an, hier à Pittsburgh, en Pennsylvanie, les
dirigeants des principaux pays industrialisés et
émergents ont convenu de faire de cette nouvelle
tribune le principal forum économique
international, supplantant le G8, qui ne
laissait la place qu’aux pays riches.
PHOTO ERIC FEFERBERG, REUTERS
Les épouses des chefs
d’État du G20 en visite à Pittsburgh ont posé
pour les photographes dans une école de la
ville. Dans la rangée avant, de gauche à
droite : Marisa Leticia Lula da Silva
(Brésil), Michelle Obama, Ani Bambang
Yudhoyono (Indonésie), Carla Bruni et Svetlana
Medvedev (Russie). Dans la rangée arrière, à
partir de la gauche : Filippa Reinfeldt
(Suède), Laureen Harper, Sarah Brown (G.-B.),
Miyuki Hatoyama (Japon) et Ban Soon Taek
(femme du secrétaire général de l’ONU, Ban
Ki-moon).
Pour le premier ministre canadien, Stephen
Harper, la nouvelle réalité internationale
rendait ce changement incontournable. «Nous
avons maintenant une vraie économie mondiale,
a-t-il dit à l’issue du sommet de deux j ours.
L’époque où on pouvait discuter des enjeux
économiques cruciaux seulement entre pays
développés est révolue.»
« On sait, par l’expérience historique, que les
marchés ont besoin de gouvernance, de règles, de
transparence. On est en train de créer un tel
système, qui a la fin de cette récession, va
nous donner un monde tout à fait différent», a
ajouté M. Harper, jugeant que la présence des
pays émergents dans la prise de décision était
une question d’efficacité.
Les participants au sommet se sont engagés, dans
une déclaration commune, à établir des règles
strictes de gouvernance des banques et autres
institutions économiques, mais aussi des grandes
organisations financières internationales, pour
assurer une croissance viable et équilibrée de
l’économie et éviter que ne se reproduise une
crise de l’ampleur de celle qui a frappé
l’ensemble de la planète dans la dernière année.
Le premier ministre canadien a toutefois estimé
que le G8 avait toujours sa place dans
l’échiquier international, étant un forum plus
intime. «Ce serait insensé de ma part de nier
que de faire partie d’un groupe de 20 plutôt que
d’un groupe de 8 va changer la dynamique», a
souligné M. Harper, interrogé à savoir s’il
craignait que la voix du Canada soit diluée dans
un plus grand forum.
Le Canada, à court terme, ressort de l’exercice
de Pittsburgh avec beaucoup de visibilité,
puisqu’il sera maintena nt l’hôte d’un prochain
sommet du G20, en parallèle à celui du G8
organisé dans la petite municipalité de
Huntsville, en Ontario, en juin 2010.
« Mais à l ong ter me, le Canada devra trouver
des moyens de se démarquer, ayant maintenant
davantage de pays avec qui il sera en
compétition», a indiqué Andrew Cooper, directeur
associé au Centre pour l’innovation dans la
gouvernance internationale, pour qui les pays
émergents ont obtenu, hier, une «grande
victoire».
Changements climatiques
La grande perdante de cette avancée « historique
», selon M . Cooper, pou rrait bien être l’ONU,
à qui les grandes puissances ont pour ainsi dire
délégué l’issue des négociations visant à
conclure une entente sur la lutte contre les
changements climatiques à la Conférence de
Copenhague, en décembre prochain.
La déclaration finale de ce sommet contient en
effet bien peu d’engagements concrets pour
l’environnement, si ce n’est de la promesse de
«n’épargner aucun effort pour parvenir à un
accord dans les négociations de la
Convention-cadre des Nations unies su r les
changements climatiques».
«Malheureusement, la déclaration d’aujourd’hui
du G20 ne contient rien pour faire avancer les
pourparlers sur l’enjeu fondamental du soutien
financier pour aider les pays plus pauvres à
s’attaquer aux changements climatiques», a
déploré Claire Demerse, directrice associée du
programme sur les changements climatiques à
l’Institut Pembina.
L’impasse persiste entre pays riches et pauvres
sur la question, à deux mois du sommet qui doit
déboucher sur une entente internationale pour
encadrer les réductions d’émissions de gaz à
effet de serre après 2012, année où se terminent
les engagements contenus dans le Protocole de
Kyoto.
PITTSBURGH Vers des règles
contraignantes pour les banques -
Malorie Beauchemin
PITTSBURGH — C’est dans une ville transformée en
forteresse, entre manifestants et forces de
l’ordre, que les leaders des plus grandes
puissances économiques du monde ont amorcé hier,
à Pittsburgh, une discussion de 24 heures qui
devrait préparer le terrain pour de nouvelles
règles de gouvernance dans le monde financier.
Les pays du G20 seraient sur le point de
s’entendre sur une réglementation contraignante
des primes octroyées aux dirigeants des banques,
ont estimé hier de hauts fonctionnaires
canadiens.
PHOTO CARLOS BARRIA, REUTERS
La police et la garde
nationale sont intervenues à l’est du
centre-ville de Pittsburgh pour disperser une
manifestation jugée illégale par les forces de
l’ordre. Venus dénoncer les abus du
capitalisme, plusieurs manifestants portaient
le symbole des groupes anarchistes.
Plusieurs mesures sont envisagées, comme de lier
les primes attribuées aux dirigeants à la
performance de l’institution, pour éviter que
certains d’entre eux prennent de trop grands
risques et répètent les erreurs qui ont
contribué à la crise. Ainsi, les compensations
financières ne seraient plus automatiques, mais
méritées.
Les principes avaient été élaborés au sommet de
Londres, en avril dernier, et pourraient, cette
fois, se traduire en pratiques concrètes et
applicables dès maintenant.
La France et l’Allemagne réclament toutefois que
les pays du G20 aillent encore plus loin, en
imposant des plafonds salariaux aux dirigeants
des banques. Le sujet devrait donc susciter de
vives discussions aujourd’hui lorsque les
leaders se retrouveront en session plénière.
Le sommet s’est officiellement ouvert hier en
soirée, avec un souper de travail organisé par
le président américain Barack Obama, où il a été
question de la réforme des institutions
financières internationales, comme le FMI et la
Banque mondiale.
Le premier ministre Stephen Harper en a profité
pour annoncer que le Canada bonifiait son appui
à la Banque africaine de développement, pour
permettre à cette dernière d’accroître sa
capacité de prêt de 2,6 milliards US, grâce à
une forme de garantie de la part du fédéral.
Ottawa avait annoncé un capital exigible
similaire de 4 milliards en avril dernier pour
venir en aide à la Banque interaméricaine de
développement. Le Canada milite pour que les
pays du G20 remplissent leur engagement de
financer adéquatement les institutions
financières internationales.
Les leaders des pays riches et émergents devront
aussi, au cours de la journée, discuter de
l’après-crise, au moment où l’économie mondiale
montre des signes de reprise. Mais le premier
ministre canadien insistera sur l’importance de
continuer la mise en oeuvre des mesures de
stimulation économique, pour éviter de provoquer
un recul. Par ailleurs, le financement de la
lutte contre les changements climatiques fera
l’objet d’une discussion à l’heure du midi, à la
suite d’un important sommet sur la question à
l’ONU en début de semaine.
Grabuge
Mais au moment où les d i r igea nt s a r r iva
ient , u n après l’autre, à l’aéroport de
Pittsburgh, en après-midi, les rega rds ét a
ient plutôt d i r igés u ne trenta i ne de
kilomètres plus loin, à l’est du centre-ville,
où se déroulait un robuste affrontement entre
plusieurs centaines de ma nifesta nts et les
forces de sécurité – pratiquement aussi
nombreuses.
La police et la garde nationale sont intervenues
pour disperser, à coup de menaces, de balles non
létales et de gaz lacrymogènes, une
manifestation jugée illégale par les forces de
l’ordre. Plusieurs manifestants étaient venus
dénoncer les abus du capitalisme. Certains
portaient le symbole des groupes anarchistes.
L a police de P ittsbu rgh a finalement procédé
à une quinzaine d’arrestations. Cette
manifestation se déroulait toutefois bien loin
de la zone sécurisée pour le sommet.
Le G20 remplacera le G8
PITTSBURGH
— Le président a mérica i n Ba rack Oba ma
annoncera aujourd’hui que le Groupe des 20
remplacera le G8 en ta nt que principal forum de
coordination économique mondiale. Cela ref lète
u n rééqu i l ibrage du pouvoir des pays riches
vers les marchés émergents, a décla ré u n
représenta nt américain à des journalistes à
Pittsburgh, sous le couvert de l’anonymat. Par
ailleurs, le premier ministre canadien Stephen
Harper rencontrera la presse en matinée.
Sommet du G20 à Pittsburgh LA PAIE DES
BANQUIERS DANS LA LIGNE DE MIRE -
Philippe Mercure
Primes des banquiers, réglementation de la
finance, programmes de soutien économique...
Autant de sujets qui seront discutés par les
puissants de ce monde aujourd’hui à Pittsburgh —
une ville qui, contrairement à l’économie
mondiale, résiste bien à la cri
L’ État doit-i l se mettre le nez dans l es pri
mes que versent les banques à leurs employés ?
La question risque de provoquer des étincelles
au sommet du G20 qui s’ouvre aujourd’hui à P i t
t s bu r g h . Au Ca nada , deux banques ont
déjà fait le ménage dans leur politique de
bonus… et d’autres pourraient bientôt suivre.
La fameuse question de la paie des banquiers
demeure un sujet chaud. Déjà, Nicolas Sarkozy a
menacé de claquer la porte du sommet du G20 si
les gouvernements ne s’engagent pas à plafonner
ces primes.
« On discute, cela se bagarre (…) mais il faut
qu’on trouve un accord », a affirmé hier le
président français à la veille du sommet.
M. Sarkozy a l ’A l lemagne et le gros de l’
Europe derrière lui, mais risque de croiser le
fer avec les ÉtatsUnis et le Royaume-Uni. Ces
deux pays veulent préserver l’attractivité de
leurs centres f i nanciers et s’opposent à ce
que les gouvernements limitent les bonus versés
aux banquiers.
La Réserve fédérale américaine a bien indiqué
qu’elle souhaite pouvoir superviser les
politiques de rémunération des banques, mais
cette position reste en deçà de la position
européenne et n’a pas reçu l’aval de la
Maison-Blanche.
Le Canada n’échappe pas au débat. Mardi, la
présidente et chef de la direction du Mouvement
Desjardins, Monique Leroux, a affirmé lors d’une
allocution que réglementer les primes versées
aux banquiers n’est pas la solution aux
problèmes du système financier.
Des banques canadiennes réagissent
Toute cette question fait suite à la débâcle du
système financier l’an dernier, quand les
gouvernements du monde avaient dû voler au
secours des banques. Plusieurs ont placé la
rémunération des courtiers au banc des accusés,
affirmant que leurs bonus les incitent à prendre
des risques à court terme sans se soucier de la
viabilité des opérations.
Certaines banques canadiennes, conscientes du
problème, ont déjà réagi sans attendre la
réglementation. La division valeurs mobilières
de la Banque Royale a justement révisé cette
semaine la façon dont elle paie ses courtiers et
ses banquiers d’affaires.
Au menu: répartir les primes sur une plus longue
période pour éviter de récompenser la prise de
risques à court terme, et obliger les directeurs
exécutifs à détenir un minimum d’actions
question d’enligner leurs intérêts avec ceux des
actionnaires.
La Banque Royale se réserve aussi le droit de
retirer une prime versée à un employé en cas de
fraude ou de mauvaise conduite de sa part.
La Royale est la deuxième banque au pays à
modifier la politique de rémunération de ses
courtiers suite à la crise financière. Au
printemps, la Banque Scotia avait adopté des
mesures similaires.
Brian Barsness est viceprésident aux ventes et
aux opérations c hez Meritas Financial, un
gestionnaire de fonds mutuels qui a convaincu
les banques de soumettre l a rémunération de l
eurs hauts dirigeants au vote des actionnaires.
I l se réjouit de voir les deux banques
canadiennes modifier leurs politiques de
rémunération.
« C’est un grand pas dans la bonne direction »,
commente-t-il, disant s’attendre à voir les
autres banques canadiennes suivre le mouvement.
La Banque Nationale et le Mouvement Desjardins
ont effectivement confirmé à La Presse Affaires
qu’ils en sont aussi à réviser les politiques de
rémunération des courtiers des marchés
financiers.
« Même si chez nous il n’y a pas eu d’abus, il
reste que c’est un dossier sur lequel o n o bs e
r ve la t e nda nce mondiale. Notre direction
est en t r a i n d’exa miner ça », a dit André
Chapleau, porte-parole du Mouvement Desjardins,
expliquant que la coopérative ne peut payer ses
banquiers en actions et doit donc trouver des «
formes de rémunération originales. » « On suit
les développements dans le domaine, on regarde
ce que font les organismes internationaux, et
actuellement il y a des discussions à l’interne
», a aussi confirmé Denis Dubé, porte-parole à
la Nationale.
La Banque Laurentienne a expliqué que sa
division « valeurs mobi l i ères » est encore
petite et ne nécessite pas de changements
immédiats, mais on dit garder les yeux ouverts
sur ce qui se passe.
Du côté de la Banque de Montréal, on a dit «
évaluer régulièrement les modes de rémunération
des différentes lignes d’affaires » sans
annoncer de changements particuliers. Valeurs
mobilières TD a affirmé être déjà un « leader en
termes de gouvernance » et dit ne considérer que
des ajustements mineurs.
Le G20 en cinq questions -
Laura-Julie Perrault
Le G20, qu’est-ce que ça donne au-delà de la
jolie photo de famille des leaders politiques ?
Le club des 20 guéritil vraiment les maux
économiques et financiers de la planète ? Survol
des tenants et aboutissants alors que le sommet
de Pittsburgh s’ouvre aujourd’hui.
QQ u’e s t-
ce que l e G20 ? Pourquoi a-t-il été créé ? R
C’est à Washington DC, en novembre 2008, qu’a
été créé le sommet des leaders du G20. Il
diffère d’une autre entité, fondée en 1999,
portant le même nom, mais qui regroupe
uniquement des ministres des Finances. Créé en
réponse à la crise économique mondiale, le G20,
qui se réunit pour la troisième fois en moins
d’un an, regroupe les leaders politiques des
pays industrialisés du G8 en plus des chefs
politiques de grandes économies émergentes, dont
la Chine et l’Inde. Son mandat principal est de
trouver des solutions à la crise économique et
financière actuelle. Q En
quoi les économies émergentes, qui n’ont pas été
à l’origine de la crise, bénéficientelles de ce
forum ? R « C’est beaucoup mieux pour ces pays
que le G8. Ils ont voix au chapitre. Avant la
crise économique, peu de leaders – dont G eorge
W. Bush – croyaient à la nécessité d’un tel
forum. Mais la crise est arrivée et on a réalisé
que ça ne pouvait pas se régler seulement entre
pays riches. On avait besoin d’un rééquilibrage
de certaines relations économiques mondiales. Il
était évident que des pays comme la Chine et le
Brésil avaient quelque chose à dire sur le sujet
», explique l’économiste Daniel Schwanen,
directeur adjoint aux programmes du Centre pour
l’innovation dans la gouvernance internationale
(C IGI ), qui vient de consacrer une étude aux
enjeux auxquels le G20 doit faire face à
Pittsburgh. QL e
G20 fait-il bien son travail ? R «Ce groupe a
été important pour maintenir la confiance à
l’endroit de l’économie mondiale qui commençait
à nous échapper. Il y a eu un mouvement commun
pour faire face à la crise économique. Ça aurait
été catastrophique si les plus grandes économies
du monde avaient pris des mesures contraires les
unes des autres pour gérer la crise», explique
M. Schwanen, en ajoutant que le G20 a fait bonne
figure dans sa gestion des stimulants
économiques pour relancer l’économie mondiale,
mais qu’il n’a pas été aussi performant pour
revoir la réglementation financière. «Ça prend
des solutions à court terme, mais si on ne
résout pas à long terme les problèmes qui ont
mené à la crise, le G20 aura échoué.» Q Quels
sont les enjeux de la réunion de Pittsburgh ? R
« C’est une réunion cruciale. L a question qui
se pose à Pittsburgh est la suivante : peut-on
arriver à une entente sur la structure des ma
rchés financiers ? », souligne Daniel Schwanen.
Les pays du G20 s’entendent sur le diagnostic de
la crise financière, notamment sur le fait qu’il
y a eu des excès dans la spéculation financière,
mais trouver un remède commun n’est pas évident.
Des différences idéologiques majeures sont
notamment apparues entre les États-Unis et
l’Europe. « Le pire qui peut arriver est que des
pays partent en claquant la porte », croit
l’économiste. Q Et
le Canada dans tout ça ? R « Le Ca nada a rrive
au sommet avec une bonne réputation. Nous ne
sommes pas un des pays demandeurs. O n veut su r
tout voi r les autres redresser la situation
chez eux. On veut aussi se sortir de la crise
sans trop c réer d’i n f lation et on va
privilégier les mesures qui vont en ce sens »,
esti me M. Schwanen. « Le Canada est aussi da ns
une bonne sit uation pou r bâti r des ponts
entre les pays qui ont des opinions divergentes
», conclut l’expert.
Un exemple pour le G20
La renaissance de Pittsburgh, une inspiration
pour les chefs d’État
La métamorphose de Pittsburgh, qui est passé de
symbole de délabrement urbain à centre de haute
technologie et de services de santé, pourrait
offrir certaines leçons aux ministres des
finances du G20 qui se réunissent dans la ville
à compter d’aujourd’hui. Mais les problèmes
financiers persistants de Pittsburgh ont aussi
de quoi les faire réfléchir.
Pittsburgh
a survécu à l’implosion de sa principale
industrie, l’acier, et à la perte d’une
génération de travailleurs. Son taux de chômage
(7,8 %) est près de deux points de pourcentage
sous la moyenne nationale et il est faible parmi
les grandes villes américaines. Son taux de
saisies de maisons est l’un des plus faibles du
pays.
Ces victoires sont toutefois tempérées par le
fait que les finances de Pittsburgh demeurent
sous le contrôle effectif de l’ État de
Pennsylvanie, la ville étant aux prises avec un
manque de près de 1 milliard US au chapitre des
pensions et de ses obligations, un héritage de
sa douloureuse transformation.
« Le message de Pittsburgh est qu’on peut se r
emettre d’un recul économique d’i mportance
grâce à du soutien et au leadership qui convient
» , assure Harold Miller, président de Future
Strategies, un cabinet de consultants pour
entreprises établi à Pittsburgh. « L’autre leçon
de Pittsburgh, ajoutet-il, est celle-ci : ne
tentez pas de vous accrocher trop longtemps ou
d’attendre de retrouver ce que vous avez perdu
pour vous remettre sur les rails. »
Pittsburgh a été anéanti lorsque la concurrence
venue de l’étranger, des nouvelles technologies
et une récession nationale se sont combinées
pour faire presque disparaître l’industrie de
l’acier de la région dans les années 80. De 1981
à 1984, Pittsburgh a perdu 120 000 emplois dans
le secteur manufacturier.
«
C’est beaucoup d’emplois en peu de temps et dans
une base industrielle non diversifiée », observe
Christopher Briem, un économiste du Center for
Social and Urban Research de l’ Université de
Pittsburgh. « Il n’y avait rien pour contrer le
ralentissement économique, ajoute-t-il. Cela a
créé une grande migration vers ailleurs. »
Ce sont les travailleurs dans la vingtaine et la
trentaine qui ont été les plus affectés. Plus de
50 000 d’entre eux ont quitté au milieu de la
décennie, un formidable déplacement
démographique qui se fait encore sentir.
Pittsburgh est la seule grande région
métropolitaine des ÉtatsUnis où le nombre de
décès excède celui des naissances chaque année,
selon le Census Bureau.
« Ils ont emmené avec eux leurs familles et
leurs futures familles, dit M. Briem. Toute une
génération de personnes entre 20 ans et 40 ans.
Nous avons perdu non seulement des tas de gens,
mais les personnes qui étaient les mieux à même
de prendre en charge les nouvelles industries et
d’acquérir de nouvelles habiletés. »
La renaissance de Pittsburgh fut le résultat
d’un « mélange de certaines circonstances
fortuites, de stratégie et de chance », selon M.
Miller, de Future Strategies.
La c hance : l ’ Université de Pittsburgh et l’
Université Carnegie Mellon ont fourni des t a l
ents essent i els en recherches et ont servi
d’incubateurs d’entreprises. En outre,
Pittsburgh disposait d’un important centre de
services de santé, un héritage des aciéries qui
favorisaient par leur présence une société au
sein de laquelle on demeurait du berceau
jusqu’au tombeau. Et puis, Carnegie Mellon fut
un pionnier dans l’étude de la robotique.
Ainsi, en 1987, RedZone Robotics Inc. a essaimé
de Carnegie Mellon et ses machines permettent
aux villes d’inspecter les tuyaux d’égout pour
vérifier s’ils présentent des dommages mais sa
ns qu’on ait besoin de creuser pour ce faire. «
Pittsburgh est un exemple de ce qu’on peut
réussir à faire », affirme Paul O’Neill,
ex-président d’Alcoa et ancien trésorier dans
l’administration George W. Bush.
Sommet du G20 à Pittsburgh Harper
prudent
devant la reprise - Malorie
Beauchemin
OTTAWA
— Malgré les signes de reprise de l’économie
mondiale, les pays doivent demeurer prudents, et
s’assurer que les mesures de stimulation
budgétaire continuent à être mises en oeuvre pour
éviter de compromettre la relance. La police a arrêté 14
personnes, la plupart des militants de
Greenpeace, hier à Pittsburgh, à la veille du
sommet du G20. Les militants de Greenpeace,
suspendus à un pont, avaient déployé une immense
banderole sur laquelle on pouvait lire : «
Danger. Climate destruction ahead. »
Tel est, en substance, le message que viendra
livrer le premier ministre Stephen Harper à
Pittsburgh, où sont rassemblés, à partir
d’aujourd’hui, les dirigeants des 20 plus grandes
puissances économiques au monde.
« Ce qui est important maintenant, autant au
niveau national qu’international, c’est que tous
les pays du G20 finissent le travail, en
s’assurant que l’implantation des mesures de
stimulation continue à se faire dans chacune des
économies nationales », a souligné le porte-parole
du premier ministre, Dimitri Soudas.
Au-delà de la définition technique du moment où
prend fin une récession, le gouvernement canadien
prévoit que « le travail » sera fini seulement
lorsque des signes tangibles de reprise seront
visibles, pendant plusieurs mois, y compris une
croissance économique et la création d’emplois.
« Même si l ’é c o n o m i e démontre certains
signes de reprise, cette reprise demeure fragile
», a ajouté M. Soudas.
Étant donné ces signes positifs dans l’économie,
la tentation pourrait être grande de baisser la
garde, estiment les hauts fonctionnaires du
gouvernement. Or, il faut à tout prix démontrer
qu’on a tiré des leçons et éviter de répéter « les
erreurs du passé ».
A insi, les pays du G20 poursuivront,
aujourd’hui et demain, les discussions entourant
une réforme des règles du secteur financier et
des institutions internationales.
Sur cet aspect, le Canada continuera d’envoyer
le même message que lors des rencontres
précédentes avec les leaders du G20 : une
réglementation efficace commence à la maison.
C’est en ayant déjà des mesures de régulation
domestiques, croit le gouvernement canadien, que
les pays industrialisés et émergents pourront
ensuite instaurer des normes internationales
plus sévères.
La rémunération des dirigea nts , nota m ment
des banquiers, sera vraisemblablement au coeur
des préocc upations . L e président français,
Nicolas Sarkozy, et la chancelière allemande,
Angela Merkel, militent depuis quelque temps
pour l’adoption de plafonds salariaux afin de
contrer l’attribution de généreuses primes.
M. Harper entend pour sa part promouvoir de
nouveau la lutte contre le protectionnisme,
alors que plusieurs pays ont adopté des mesures
pour protéger certains pans de leur économie, ce
que dénonce le Canada.
Enfin, la rencontre des dirigeants des 20 plus
grandes économies sera aussi l’occasion de
comparer les progrès accomplis et d’amorcer une
discussion sur la suite des choses.
« Alors que la reprise semble bien engagée, les
pays du G20 doivent aussi commencer à planifier
leur stratégie de retrait, pour ce qui est des
mesures de stimulation à court terme », a
souligné le porteparole du premier ministre.
Le Canada entend continuer la mise en oeuvre de
son plan économique jusqu’en mars 2011, mais le
gouvernement conservateur est clair depuis
longtemps : les mesures de stimulation ne seront
pas reconduites.
WASHINGTON Le G20 sous le
signe de la reprise
Dans leur troisième rencontre en un an, les
dirigeants dresseront leur bilan et cimenteront
la réforme de la supervision du secteur
financier
WASHINGTON — Un an après l’éclatement de la
crise, les dirigeants des 20 plus grandes
économies de la planète vont se pencher au
chevet de la finance mondiale à partir de jeudi
à Pittsburgh, alors que se précise la fin de la
récession. Le David Lawrence
Convention Center de Pittsburgh, où aura lieu
le G20 à compter de jeudi.
Apr è s Wa s h i ng t o n e n novembre 2008 et
Londres en avril dernier, Pittsburgh est le
troisième rendez-vous du G20, qui rassemble les
principaux pays industrialisés ainsi que les
grands pays émergents comme la Russie, la Chine
et le Brésil.
Les chefs d’État et de gouvernement attendus se
retrouvent dans un contexte moins tendu, avec la
reprise des indices boursiers et le
ralentissement des suppressions d’emplois dans
la plupart des pays membres, qui font espérer
une reprise de la croissance l’an prochain. Mais
les économistes s’interrogent sur la solidité de
la reprise et des établissements financiers, un
an après la chute de la banque Lehman Brothers
le 15 septembre 2008.
Les participants vont pouvoir tirer le bilan de
leurs réunions précédentes, notamment les
progrès obtenus dans la lutte contre les paradis
fiscaux. Reste à cimenter la réforme de la
supervision du secteur financier, qui fait
l’objet de tiraillements entre Européens et
Américains.
Jeudi, les dirigeants de l’ Union européenne
réunis à Bruxelles ont mis la pression sur les
États-Unis pour obtenir des règles strictes de
limitation des primes bancaires. Les Américains
souhaitent pour leur part relever les exigences
en matière de fonds propres des banques, ce qui
inquiète de l’autre côté de l’Atlantique.
Avec
l’amélioration
de la conjoncture, certains redoutent que les f
i nanciers ne retombent dans les travers qui ont
conduit à la crise.
Outre la crise, le G20 parlera climat, avant la
réunion de Copenhague qui doit fixer de nouveaux
objecti f s de réduction des émissions de gaz à
effet de serre en décembre. Les pays pauvres
attendent une aide de ceux du Nord et espèrent
obtenir à Pittsburgh des indications en ce sens.
Premier grand rendez-vous
Le sommet sera le premier grand rendez-vous
international présidé par le président américain
Barack Obama, lui-même sous forte pression à
domicile au sujet du climat et des règles à
imposer à Wall Street.
M. Obama entend faire de Pittsburgh une vitrine
de reconversion réussie de l’industrie lourde à
l’industrie verte. Les altermondialistes ont de
leur côté prévu de manifester dans une ville qui
a appelé en renfort 4000 policiers fédéraux.
« VENTE DE FEU ? »
- Martin Coiteux
OPINION Comme monnaie de référence, un
panier de devises serait une solution de
rechange dépolitisée à un dollar américain
en déclin
Un a n après l a fa i l l ite de Lehman
Brothers, serions-nous revenus à la case
départ? Bien avant que ne croulent des
piliers du marché financier américain, les
investisseurs cherchaient déjà
frénétiquement une alternative au dollar,
poussant ainsi le cours de l’euro, mais
encore plus celui du dollar canadien à des
sommets pratiquement inégalés. Pour le
dollar canadien comme pour l’euro, il semble
aujourd’hui que la crise financière et la
récession mondiale qui s’en est suivie
n’aient constitué qu’un bref moment de
répit.
PHOTO MICHAEL NAGLE, ARCHIVES
GETTY IMAGES
L’euro, mais aussi,
le yen, la livre sterling, le yuan, le
real et les dollars canadien et australien
pourraient faire partie du panier de
devises pour le remplacement éventuel du
dollar américain.
L a pol i t i que monéta i r e
expansionniste de la Réserve fédérale
américaine consécutive à la panique
financière de 2008 a provoqué une
augmentation spectaculaire de la demande
pour les bons du Trésor, impliquant une
chute drastique de leur rendement et une
forte remontée parallèle des cours de la
Bourse. Une fois les taux d’intérêt ramenés
à zéro, il n’y a plus d’autre trajectoire
qu’une hausse éventuelle qui sera
dommageable tout autant aux bons du Trésor
qu’à la Bourse. La politique monétaire
américaine ayant été beaucoup plus
expansionniste qu’ailleurs, il est normal
que les investisseurs prennent leurs profits
et diversifient leurs actifs ailleurs dans
le monde. Cela explique en partie le retour
à la case départ.
Une nouvelle partie va maintenant commencer.
À ce jeu, le pronostic n’est pas
nécessairement positif pour le dollar
américain, surtout à long terme. La spirale
de la dette américaine commence à ressembler
dangereusement à celle vécue par le Canada
de 1985 à 1995. Des taux d’intérêt
croissants s’appliqueront à une dette
croissante alors que la classe politique
aura les plus grandes difficultés à prendre
les décisions qui s’imposent.
Les créanciers des États-Unis, aux premiers
rangs desquels figure la Chine, ont commencé
à prendre note. Ni la Chine, ni les
États-Unis, ni même l’ Europe ou le Canada
n’ont cependant avantage à ce qu’une « vente
de feu » vienne plomber le dollar américain
au point où toute reprise durable de
l’économie mondiale ne soit possible.
L’Europe pourrait-elle vivre avec un euro à
plus de 2$ US et qu’arriverait-il au Canada
si le dollar canadien devait un jour
atteindre les 1,30$ US?
C’est pourquoi les Canadiens feraient bien
de s’intéresser davantage à une idée
chinoise avancée au printemps dernier. Le
temps est peut-être venu de mettre de
l’ordre dans le système financier
international et de trouver une solution de
rechange dépolitisée au dollar. Par
alternative dépolitisée, les Chinois
entendent le remplacement graduel du dollar
américain comme monnaie de référence dans
les transactions internationales par un
panier incluant plusieurs devises.
En pratique, cela passerait par
l’élargissement de la définition actuelle du
Droit de tirage spécial (DTS), un panier de
monnaies créé par le FMI en 1969. Au panier
actuel incluant le dollar, l’euro, le yen et
la livre sterling, il conviendrait d’ajouter
le yuan chinois mais aussi le real brésilien
et même les dollars canadien et australien.
Les grandes banques centrales échangeraient
alors leurs avoirs de réserve, actuellement
détenus majoritairement en dollars
américains, contre ces DTS, auprès du FMI.
Le FMI serait en outre investi de nouveaux
pouvoirs lui permettant d’offrir aux banques
centrales des États membres les services
typiques d’une banque centrale fédérée, y
compris le pouvoir de créer de la liquidité.
Il faudrait bien sûr revoir la structure
décisionnelle actuelle au sein du FMI afin
de tenir compte de l’importance dans
l’économie mondiale devenue capitale des
pays émergents, la Chine en tête.
S’agit-il là d’une idée utopique? Les
obstacles techniques ne manquent pas et la
volonté politique a sans doute encore besoin
de vivre au moins une nouvelle crise. Mais
si un jour devait finalement avoir lieu la «
vente de feu » tant appréhendée du dollar
américain, nous reviendrons sans doute à une
version revue et corrigée du plan chinois. À
moins que nous ne souhaitions nous enfoncer
dans le protectionnisme et le chacun pour
soi nationaliste…
Faiblesse
du billet vert : L’Europe s’inquiète
BRUXELLES — Les pays de la zone euro se
retrouvent pris au piège de la baisse du
dollar américain, qui fait les affaires de
l’administration Obama, mais hypothèque en
Europe les chances d’une reprise économique
s’annonçant déjà très faible.
La monnaie unique européenne s’est approchée
de 1,50$ US la semaine dernière.
Après avoir grimpé à la fin de 2008 avec la
crise grâce à son statut de valeur refuge,
le dollar est retombé durant toute l’année,
permettant à l’euro de grimper d’environ 18%
face au dollar depuis le début de mars.
Et ce mouvement a « toutes les chances de se
poursuivre », selon Véronique Riches-Flores,
économiste à la Société Générale.
L’affaiblissement du dollar est dû à
l’optimisme des investisseurs quant à la
situation économique, qui les pousse à se
tourner vers des monnaies plus
rémunératrices, mais aussi à des raisons de
fond, comme la remise en question de
l’avantage de l’économie américaine,
explique-t-elle.
Les responsables de la zone euro
s’inquiètent de cette évolution. Le
président de la Banque centrale européenne (
BCE), Jean-Claude Trichet, a de nouveau
dénoncé la semaine dernière les effets d’une
excessive volatilité des taux de change,
qu’il a qualifiée d’« ennemi » pour
l’activité économique.
Le premier ministre luxembourgeois,
Jean-Claude Juncker, s’est dit de son côté «
très heureux » d’entendre l’administration
américaine répéter « qu’un dollar fort est
dans l’intérêt de l’économie » des
États-Unis.
Les Européens ne cessent d’exhorter les
Américains à ne pas laisser baisser le
dollar, mais sans grand effet. Le secrétaire
au Trésor américain, Timothy Geithner, a
soigneusement évité de répondre jeudi
dernier à une journaliste lui demandant ce
qu’il faisait pour empêcher la baisse du
billet vert.
Les nouveaux investisseurs - FRANÇOISE
LEMOINE
LaChine et les autres pays du BRIC font de
plus en plus d’acquisitions à l’étranger
Les pays du BRIC (Brésil, Russie,
Inde, Chine) sont des investisseurs
internationaux de plus en plus actifs. La Chine et l’Inde
ontmanifestement des ambitions dans le
secteur automobile, comme en témoignent le
rachat desmarques Jaguar et LandRover par
un groupe indien en2008et celui de Rover
en 2007 et deVolvo par des entreprises
chinoises en 2009.
En 2008, alors que les investissements à
l’étranger des pays développés plongeaient
de 20% sous l’effet de la crise, ceux du
BRIC ont bondi de 50%. Ils ont ainsi
représenté environ 8% du total des
investissements internationaux, soit huit
fois plus qu’en 2001. Ce niveau reste encore
relativement faible eu égard aux dimensions
de ces grandes économies qui font ensemble
13% du PIB mondial et plus de 15% des
exportations mondiales.
Cette progression n’en est donc qu’à ses
débuts et leurs entreprises vont poursuivre
leur stratégie d’acquisition à l’étranger
pour améliorer leur savoir-faire, leur
technologie, leursmarques, leurs réseaux de
distribution. Elles sont encouragées dans
leur internationalisation par leurs
gouvernements qui ont progressivement
relâché les contrôles sur les sorties de
capitaux.
Au sein du BRIC, la Chine est le pays qui a
le plus de potentiel pour accroître ses
investissements internationaux, car c’est un
acteur récent. Le stock d’investissements à
l’étranger, en pourcentage du PIB, n’est
encore que de 3,5% en Chine, contre 5% en
Inde, 10% au Brésil et 12% en Russie. La
Chine a fourni seulement 3% des flux
internationaux d’investissements en 2008,
alors qu’elle est devenue l’année dernière
le premier pays exportateur (avec 10% du
commerce mondial) et sera en 2010 la
deuxième puissance économique (avec 8% du
PIB mondial).
En outre, elle a accumulé de réserves de
change gigantesques (2400 milliards de
dollars), placées largement en bons du
Trésor américain, mais elle cherche à
utiliser ses ressources financières de
manière plus productive. Elle incite ses
grandes entreprises à s’internationaliser et
a elle créé un fonds souverain (China
International Corporation) pour prendre des
participations à l’étranger.
Les
investissements
chinois à l’étranger rencontrent néanmoins
des obstacles, car ils sont le fait
d’entreprises contrôlées par l’État, et les
gouvernements occidentaux les soupçonnent
d’être au service d’objectifs politiques ou
militaires.
L’année dernière, les ÉtatsUnis se sont
opposés au rachat de mines d’or par une
société chinoise, et l’Australie s’est
opposée au doublement de la part du chinois
Chinalco dans le capital du géant de
l’aluminium Rio Tinto.
Les investissements chinois se dirigent donc
majoritairement vers Hong Kong et vers les
pays en développement, notamment en Afrique,
ou bien transitent par les paradis fiscaux;
l’Amérique du Nord et l’Europe n’en
reçoivent qu’une part minime (environ 6% en
tout).
Au contraire, les grandes entreprises
privées indiennes, internationalisées de
longue date, investissent surtout dans les
pays développés. Elles sont déjà le deuxième
employeur étranger au Royaume-Uni, après les
firmes américaines.
À terme, l’expansion internationale des
firmes indiennes et chinoises va les mettre
en concurrence. Elles le sont déjà pour
l’accès aux ressources minérales, qui fait
partie de leurs objectifs stratégiques. Le
rachat des marques Jaguar et Land Rover par
un groupe indien en 2008 et celui de Rover
en 2007 et de Volvo en 2009 par des
entreprises chinoises témoignent des
ambitions des deux pays dans le secteur
automobile.
Vers une Union asiatique ?
- Françoise Lemoine
CONJONCTURE Le continent cherche les sources
d’une croissance autonome, moins dépendante
des pays occidentaux
La Chine est un aimant pour les économies de
la région en même temps qu’un frein à
l’intégration, tant elle suscite de
craintes.
L’Asie est à la pointe de la reprise
économique mondiale. Hors Japon, sa
croissance atteint 4% cette année, alors que
l’économie mondiale est en récession, et
elle dépassera sans doute 6% en 2010, deux
fois ce qui est prévu pour l’ensemble du
globe.
PHOTOMARIOFONTAINE, ARCHIVES
LA PRESSE
Les économies d’Asie
de l’Est (Corée du Sud, Taiwan, Thaïlande,
Malaisie), très dépendantes du reste du
monde, subissent de plein fouet le choc de
la récession mondiale et ne retrouvent que
progressivement le chemin de la
croissance. C’est aussi le cas du Japon.
Ces bonnes performances viennent
essentiellement des grands pays émergents
(la Chine, l’Inde, l’Indonésie) qui, grâce à
leurs vastes marchés intérieurs, ont amorti
le choc de la récession mondiale. Les pays
d’Asie du Sud (Pakistan, Bangladesh, Sri
Lanka), peu ouverts au commerce
international, affichent aussi une
croissance ralentie, mais positive en 2009.
Les économies d’Asie de l’Est (Corée du Sud,
Taiwan, Thaïlande, Malaisie), très
dépendantes du reste du monde, subissent de
plein fouet le choc de la récession mondiale
et ne retrouvent que progressivement le
chemin de la croissance. C’est aussi le cas
du Japon.
L’Asie cherche actuellement les sources
d’une croissance autonome, moins dépendante
de la demande des pays occidentaux qui se
dérobe. Les sommets qui ont réuni les pays
asiatiques les 24 et 25 octobre en Thaïlande
ont montré leur souci de renforcer leur
coopération et leurs échanges afin de tirer
parti des atouts de la région, parmi
lesquels des réseaux denses de production et
d’échanges et de vigoureuses politiques de
relance de la demande intérieure.
Le
cadre institutionnel de l’intégration
asiatique est resté léger, constitué
essentiellement par des accords bilatéraux
de libre-échange et des initiatives de
coopération ad hoc ; la plus notable est un
fonds multilatéral de réserves de change, de
120 milliards de dollars, qui doit venir en
aide aux pays confrontés à une crise
financière extérieure.
Mais le manque de coordination des
politiques économiques, notamment en matière
de taux de change, se fait sentir. Ainsi
actuellement, les distorsions de taux de
change entre le yen japonais qui s’apprécie
face au dollar et les autres monnaies d’Asie
de l’Est qui suivent le dollar dans sa
dépréciation (notamment le yuan chinois),
créent des tensions et perturbent les
échanges. Alors que l’Asie a actuellement un
poids comparable aux États-Unis ou à l’Union
européenne dans l’économie mondiale, aucune
monnaie asiatique ne joue un rôle
international comparable au dollar ou à
l’euro.
Le Japon a récemment proposé la création
d’une communauté d’Asie de l’Est, inspirée
du modèle de l’Union européenne. Mais le
projet reste vague et à long terme. La
Chine, dont le poids économique dépassera
celui du Japon en 2010, est un aimant pour
les économies de la région en même temps
qu’un frein à l’intégration, tant elle
suscite de craintes. Les obstacles
politiques qui entravent l’approfondissement
de l’intégration en Asie poussent à son
élargissement vers le Pacifique.
Même s’ils ne sont plus le marché le plus
porteur, les États-Unis restent
indispensables à l’équilibre de la zone. Le
sommet de l’APEC (Asia Pacific Economic
Cooperation) qui se réunira les 14 et 15
novembre à Singapour vise aussi à trouver
dans le commerce entre des deux rives du
Pacifique le ressort de la reprise.
LA GÉOPOLITIQUE À L’ÉCHELLE DE VOTRE
PORTEFEUILLE - Stéphanie Grammond
Au cours des dernières rencontres du G20,
tout le monde s’entendait pour dire qu’il ne
fallait pas répéter les erreurs de la Grande
Dépression, qu’il ne fallait surtout pas que
la crise incite les pays à dresser des
barrières commerciales.
Mais depuis, cela n’a pas empêché les 20
puissances mondia l es d’adopter une
centaine de « mesures protectionnistes qui
sautent aux yeux », selon le Centre de
recherche en politiques économiques, de
Londres.
Au-delà des beaux discours, la plus récente
rencontre des chefs du G20, qui s’est
terminée hier à Pittsburgh, donnera-t-elle
des résultats durables ?
Pierre Fournier n’en est pas convaincu.
Après avoir dirigé l’équipe d’analystes
financiers de la Financière Banque Nationale
durant 17 ans, l’ancien professeur de
sciences politiques et économiques est
revenu à ses premières amours, devenant
consultant géopolitique pour la firme de
courtage en 2008.
M. Fournier estime que le rôle du G20 est
plus modeste qu’on ne le croit. « C’est un
bon forum de discussion où les pays peuvent
s’entendre sur des objectifs communs,
admet-il. Mais ce n’est pas un organisme
décisionnel. Il n’a pas la capacité
d’imposer des pénalités. »
Selon lui, les grands enjeux militaires,
politiques et économiques se régleront de
manière beaucoup plus informelle et secrète
entre les cinq superpuissances qui dirigent
le monde : les États-Unis, l’Union
européenne, la Russie, la Chine et l’Inde.
Duel entre la Chine et États-Unis
Prenez, par exemple, le déséquilibre entre
la Chine et les États-Unis, un des plus
grands problèmes économiques de l’heure.
« Il faut que ça se règle entre ces deux
pays-là. S’ils ne s’entendent pas, les
espoirs du G20 ne se concrétiseront pas »,
estime M. Fournier.
D’u ne pa r t , l a dev i s e chinoise est
trop faible face au dollar américain, et les
Chinois consomment peu, préférant économiser
50% de leurs revenus. D’autre part, les
Américains surconsomment et c’est la Chine
qui leur prête.
Mais toute la planète est consciente qu’on
ne peut plus se fier seulement aux
consommateurs américains pour stimuler
l’économie. Et la Chine sait qu’elle ne peut
plus miser seulement sur ses exportations.
Elle doit encourager sa population à
consommer.
« Depuis un an, la Chine a mis en place un
système de retraite et d’autres protections
sociales pour que les consommateurs se
sentent plus à l’aise de dépenser leurs
économies. C’est un pas dans la bonne
direction », dit M. Fournier.
Quant au yuan, la Chine est prête à bouger.
Mais la situation est complexe, car la Chine
possède des réserves colossales en dollars
américains. Si elle laisse sa devise grimper
face au dollar, la valeur de ses réserves
diminuera.
Pour se diversifier, la Chine commence à
accumuler des réserves minières, de
l’immobilier. Elle a même lancé l’idée
d’établir une devise internationale de
référence, fondée sur un panier de devises
mondiales.
Il y a peu de chances que cela se
concrétise. « C’est trop compliqué! Mais à
l’avenir, les monnaies locales vont jouer un
rôle de plus en plus important », prévoit M.
Fournier.
Les devises des pays émergents prendront de
la vigueur par rapport à celles des pays
industrialisés. Comme leurs Bourses,
d’ailleurs. « À long terme, les marchés
émergents vont surperformer, parce que leurs
économies vont croître plus vite que les
nôtres », dit M. Fournier.
Les plaques tectoniques bougent
L’expansion des pays émergents fait bouger
les plaques tectoniques de la planète
économique.
Les États-Unis ne sont plus les maîtres du
monde. Les nouvelles superpuissances
économiques augmentent leur sphère
d’influence. Cela crée des frictions… jusque
dans le portefeuille des investisseurs.
La Russie reprend le contrôle de ses
anciennes républiques. La Chine étend ses
ailes jusqu’en Afrique. Par exemple, elle a
allongé des milliards au Congo pour financer
un programme d’infrastructures en échange de
ressources naturelles.
Du coup, le climat a changé pour l es s
ociétés minières canadiennes i nstallées au
Congo. First Quantum Minerals avait injecté
quelque 300 millions de dollars dans un
projet d’exploitation de cuivre et de
cobalt. Du jour au lendemain, le
gouvernement lui a montré la porte. La
semaine dernière, la police est venue fermer
la mine. L’action a flanché de 10%.
« Je l’ai écrit avant que ça se fasse,
s’exclame M. Fournier. Faites attention ! Il
y a de la corruption, de l’instabilité. Le
régime en place ne se sent pas lié par les
décisions du gouvernement précédent. Ils
vont trouver le moyen de déchirer les
ententes. »
La guerre des ressources naturelles
Avec la pénurie de matières premières qui
s’annonce pour les 20 prochaines années, un
combat mondial est en train de s’établir
autour de la possession des ressources. Un
combat inégal.
« La Chine, l’Inde, les pays du Moyen-Orient
achètent comme des fous », constate M.
Fournier. Mais la Chine achète pour ses
propres besoins à long terme, et non pas
pour en faire le commerce sur le marché
international. Elle achète par l’entremise
de fonds souverains ou de monopoles d’État
qui ne se soucient guère des prix de la
ressource à court terme.
C’est bien dif férent en Europe et aux
États-Unis, où ce sont des entreprises
privées qui tirent les ficelles. Tenues en
laisse par des actionnaires qui exigent des
profits immédiats, elles doivent étudier les
projets d’acquisition en fonction du prix
des ressources à court terme.
Les gouvernements occidentaux s’en
mêleront-i l s pour éviter de perdre la
course aux ressources ? Voilà une question
cruciale qui se pose au Canada, deuxième
plus i mpor t a nte r é s e r ve mondiale de
pétrole, avec les sables bitumineux.
« Les Américains considèrent que c’est
important pour leur sécurité énergétique à
long terme. Mais, comme nous, ils sont
réticents, car l’extraction du pétrole est
très polluante », explique M. Fournier.
Les Américains ont donc mis la pédale douce,
surtout que le prix du pétrole oscille
autour de 70 $ US, tout près du seuil de
rentabilité pour l’exploitation des sables
bitumineux. Mais de son côté, la Chine est
prête à payer.
PetroChina vient d’annoncer son intention
d’acheter 60 % d’Athabasca Oil Sands pour
1,9 milliard. « Et ce n’est qu’un premier
pas, assure M. Fournier. Un jour ou l’autre,
la Chine va vouloir acheter un gros acteur.
»
Comment d o i t réagir Ottawa? « Ça peut
être qu’une entente nord-américaine à
l’échelle des gouvernements, où l’on
garantirait, par exemple, un prix minimal
sur les ressources pétrolières, peu importe
l’évolution du marché, et des
investissements pour rendre les sables
propres », répond M. Fournier. Bref, une
entente qui aurait l’effet indirect de
bloquer la Chine… sans dresser de barrière
protectionniste.
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Les risques politiques qui guettent les
investisseurs - Stéphanie Grammond
Un tour d’horizon des points chauds de la
planète économique en compagnie de Pierre
Fournier, analyste géopolitique à la
Financière Banque Nationale
IRAN
La possibilité d’un bombardement américain
ou israélien en Iran constitue un risque
systémique qui ferait chuter l’ensemble des
Bourses et qui ferait exploser le prix du
pétrole de façon spectaculaire. « Mais je ne
pense pas qu’il y aura de bombardement. »
PAKISTAN
Si le Pakistan, qui possède l’arme
nucléaire, tombe aux mains des talibans,
toute la région sera déstabilisée. Ce serait
un coup dur pour les Bourses. « C’est à
suivre, mais le risque est faible à court
terme. »
CORÉE
Les récents tests de missiles par le
gouvernement communiste de la Corée du Nord
ont effrayé les investisseurs. Faut-il en
sortir ? « Non: La Corée du Nord veut des
denrées alimentaires et de l’énergie. Elle
est prête à s’entendre et à laisser tomber
son programme nucléaire. »
IRAK
Pour les Américains, la bataille est perdue.
L’Irak risque fort de sombrer dans une
guerre civile. « Au bout du compte, tout son
pétrole va tomber sous l’influence de l’Iran
et de la Chine. »
CONGO
Bien des sociétés minières canadiennes
(Lundin Mining, First Quantum Minerals) sont
présentes au Congo. D’autres sont établies
en Zambie, au Ghana, en Afrique du Sud, et
Mali. « Je n’investirais pas au Congo. Et de
façon générale, je serais extrêmement
prudent en Afrique, où il y a peu d’endroits
entièrement stables. »
MONGOLIE
La Mongolie est prise en sandwich entre la
Chine et la Russie. Mais la Chine considère
que le pays est à elle. À long terme, cela
pourrait nuire aux sociétés canadiennes
présentes (Ivanhoe Mines, Centerra Gold). «
Je pense qu’il ne faut pas prendre des
risques en Mongolie, même si les projets
semblent intéressants. »
TURQUIE
A priori, la Turquie est un allié. Mais
qu’adviendra-t-il si l’Union européenne lui
claque la porte au nez ? Le pays musulman se
tournera-t-il vers le Moyen-Orient ? Pour
l’instant, les aurifères canadiennes
(Eldorado Gold) n’ont pas à s’en faire. «
Mais il faut voir à long terme, car une mine
d’or, ça se rentabilise sur 20 ans. Veut-on
prendre un risque politique pour investir
dans l’or ? »
BRÉSIL, MEXIQUE
Malgré les problèmes de violence au Brésil
et de drogue au Mexique, l’Amérique latine
mérite l’attention des investisseurs. Ce
sont de vraies démocraties, dans la sphère
d’influence des États-Unis. Feu vert pour
les minières canadiennes au Mexique
(Goldcorp, Capstone Mining, Frontera Copper)
et au Brésil ( Yamana Gold).
La perspective de l’Espagne
abaissée
MADRID — L’agence de notation financière
Standard and Poor’s (S&P) s’inquiète
de la santé de l’économie espagnole,
dont elle a réduit la note en j anvier,
et a annoncé hier qu’elle abaissait sa
perspective, alors que le pays fait face
à une envolée de ses déficits.
PHOTO
PEDRO ARMESTRE, ARCHIVES AGENCE
FRANCE-PRESSE
Des travailleurs
du secteur agricole espagnol ont
manifesté à Madrid en novembre pour
demander une aide économique au
gouvernement. L’économie espagnole est
entrée en récession à la fin de
l’année 2008. Hier, le S&P a
abaissé sa perspective de « stable » à
« négative ».
S&P a abaissé à « négative » contre
« stable » auparavant la perspective de
l’ Espagne, qu’elle avait déjà retiré de
sa liste des pays les mieux notés en
janvier en attribuant la note de « AA+ »
à sa dette long terme, contre « AAA »
auparavant.
La décision d’hier est justi f iée par «
l’attente d’une croissance du PIB
significativement plus basse et de
déficits fiscaux persistants », a
déclaré l’analyste de S&P Trevor
Cullinan, cité par le communiqué, alors
que la récession a plombé les comptes
publics espagnols.
L’économie espagnole est entrée en
récession à la fin 2008 après plusieurs
années de forte croissance, frappée par
la crise financière internationale et
l’éclatement de sa bulle immobilière.
Le PIB a commencé à se contracter au
troisième trimestre de 2008, mais le
repli a nettement marqué le pas au t
roisième t r i mestre de 2009, avec un
repli de seulement 0,3 % par rapport au
précédent.
Cette chute d’activité a entraîné
une dégradation très forte des comptes
publics espagnols qui ont viré au rouge.
Cet effet a été encore accentué par les
mesures de relance adoptées par le
gouvernement socialiste de José Luis
Rodriguez Zapatero.
Pour 2009, le gouvernement prévoit
officiellement un déficit des comptes
publics représentant 9,5 % du PIB en
2009, bien au-delà des limites fixées
par le pacte de stabilité européen (3 %
du PIB). La prévision pour 2010 est de
8,1 %.
Un autre pays européen, la Grèce, est
sous pression en raison de la
dégradation de ses comptes publics. Son
déficit public est estimé à 12,7 % du
PIB pour 2008, et lundi et mardi, les
agences de notation S&P et Fitch ont
successivement mis sous surveillance la
note de crédit à long terme et abaissé
la note de dette à long terme.
Dans une note, la banque Natixis a
estimé « qu’à la différence de la Grèce
(...), la situation espagnole est bien
connue ».
La perspective négative allouée par
S&P est supposée refléter les
risques encourus pendant les deux
prochaines années « en l’absence
d’actions plus décidées des autorités
pour lutter contre les déséquilibres
fiscaux et extérieurs », selon le
communiqué.
S& P relève toutefois que l’
Espagne, qui jouit d’une position de
départ favorable en raison d’une dette
publique relativement basse ( prévue à
62,5% du PIB par le gouvernement en
2010) par rapport à ses voisins
européens.
MOSCOU Les licenciements
massifs se multiplient en Russie
MOSCOU — Trois symboles de l’économie russe –
les constructeurs automobiles GAZ et Avtovaz, et
la compagnie aérienne Aeroflot – s’apprêtent à s
upprimer des milliers d’emplois, au moment où
les autorités disent voir une sortie de crise se
dessiner.
PHOTO SERGEI SERDYUKOV, ARCHIVES
REUTERS
Des centaines d’employés
du constructeur automobile Avtovaz ont
manifesté en août dernier, après que leur
employeur eut annoncé des coupes dans les
salaires. Hier, l’entreprise russe, détenue à
25% par le français Renault, a annoncé des
suppressions d’emplois touchant quelque 5000
personnes.
C’est Avtovaz, détenu à 25 % par le français
Renault, qui a ouvert le bal lundi en annonçant
une première vague de suppressions d’emplois
concernant quelque 5 0 0 0 person nes d’ic i la
mi-décembre.
Hier, l e ministère du Développement social
indiquait que quelque 14 000 des 100 000
employés de GAZ, contrôlé par l’oligarque Oleg
Deripaska et partenaire de l’équipementier Magna
et de la banque russe Sberbank dans le rachat du
constructeur allemand Opel, allaient devoir
chercher un nouvel emploi.
« GAZ nous a i nformés qu’il planifiait de
licencier 14 000 personnes dans ses différentes
filiales d’ici la fin de l’a nnée », a déclaré
un représentant du ministère, une information
que le constructeur de la légendaire Volga, très
endetté, n’a pas encore confirmé.
Le même j our, Aerof lot révélait sa décision de
se séparer, au cours des si x prochains mois, de
quelque 2000 employés en r aison de la baisse du
nombre de passagers.
Et ces vagues pourraient bien ne pas être les
dernières pour ces entreprises sévèrement
touchées par la crise économique mondiale.
Un porte-parole d’Aeroflot, Irina Dannenberg, a
ainsi indiqué que plus de 6000 emplois, soit
près du tiers de ses effectifs, pourraient être
supprimés si la baisse du nombre de ses
passagers se poursuivait encore.
Les
choses pourraient être pire dans l’automobile,
l’un des secteurs les plus touchés par la crise.
Le ministère du Développement social a en effet
prévenu qu’Avtovaz pourrait se séparer au total
de près du tiers de ses employés, soit 36 000
personnes.
« Notre but est de maintenir autant de personnes
que possible, dans la mesure où le marché nous
le permet », avait d’ailleurs dit en début de
semaine Igor Komarov, le président de
l’entreprise, annonçant la suppression de 5000
postes.
Pour l es a nalystes, ces entreprises agissent
de la sorte, car le gouvernement a cessé de les
soutenir financièrement, comme ce fut le cas
depuis le début de la crise il y a un an.
« Les mesures de restructuration de ces
compagnies se font en retard », relève Andreï
Iakovlev, vice-recteur de la Grande école
d’économie à Moscou, notant que les grands
groupes comme Avtovaz ont préféré jusqu’à
présent réduire les horaires de travail des
employés dans l’attente d’une « reprise de la
demande ».
« À l’automne dernier, ces grosses sociétés
réclamaient les aides de l ’ État , qui a
répondu à leurs attentes (...) Mais maintenant l
’ État a compris qu’il n’avait plus cet argent
», poursuit-il.
Signe de leur retard, ces licenciements
interviennent au moment où les autorités russes,
pour la première fois depuis le début de la
crise, se montrent optimistes quant à une sortie
de récession avant la fin de l’année.
Si le gouvernement s’attend toujours à voir son
PIB chuter de plus de 8 % en 2009, le ministre
des Finances, Alexeï Koudrine, a indiqué mardi
voir le rétablissement de l’économie commencer
dès ce trimestre.
« Il n’y a pas de crise du licenciement et
jusqu’à présent en Russie, la chute de la
production étant plus flagrante que la
croissance du chômage », résume M. Iakovlev.
L’ère du BRIC? Non du BRI-I-C -
RICHARD DUPAUL
Quel pays affiche la meilleure performance
économique parmi le G20, après la Chine et
l’Inde ? L’Indonésie. Et le « Dragon de Komodo »
impressionne de plus en plus les économistes et
les milieux financiers.
Pour ceux qui en doutent encore, l’année 2009 va
probablement confirmer que le centre économique
mondial se déplace lentement mais sûrement vers
l’Asie.
PHOTO BAY ISMOYO, AFP
Alors que nombre de pays
émergents ont basé leur croissance sur les
exportations, et souffrent dès lors d’une
faible demande mondiale, 60% du PIB indonésien
provient d’un marché intérieur riche de ses
240 millions d’habitants.
Alors que les États-Unis et l’Europe cherchent
désespérément les signes d’une reprise, les
économies de la Chine et de l’Inde progressent à
vive allure. Mais un autre pays asiatique
pourrait s’ajouter à la liste des vedettes
montantes de la planète économique: l’Indonésie.
Au quatuor Brésil-RussieInde-Chine des pays en
pleine explosion, mieux connu comme le BRIC,
l’Indonésie pourrait un jour venir se greffer.
Les milieux financiers ont d’ailleurs les yeux
rivés sur la première économie d’Asie du
Sud-Est.
« La puissance émergente de l’Asie ». « La
Chindonésie ». « Place au Dragon de Komodo »…
autant d’épithètes que Morgan Stanley, Standered
Chartered Bank et autres grands noms de la
finance ont récemment attribuées à l’économie
indonésienne.
Forte croissance
Le pays musulman le plus peuplé au monde, qui
abrite le fameux dragon de Komodo, mérite
certainement qu’on lui accorde de l’attention.
L’ I ndonésie a enregistré une croissance
économique de 4,2 % au premier semestre, un
repli modeste par rapport au taux de 6,1 %
d’avant la crise financière. Et les
boursicoteurs doivent savoir que la Bourse
indonésienne a bondi de plus de 80% depuis le
1er janvier…
La raison majeure de ces performances ? Le
marché intérieur indonésien – un atout précieux
en cette époque où les consommateurs dans les
pays riches sont paralysés par les dettes, le
chômage et la peur.
Alors que nombre de pays émergents ont basé leur
croissance sur les exportations, et souffrent
dès lors d’une faible demande mondiale, 60% du
PIB indonésien provient d’un marché intérieur
riche de ses 240 millions d’habitants.
Un plan de relance de 8 milliards CAN, annoncé
en février, des réductions d’impôts, une aide
financière aux démunis et une hausse du salaire
des fonctionnaires sont autant de mesures qui
contribuent à maintenir le pouvoir d’achat. Cela
a même valu au gouvernement des fleurs de la
part du FMI (Fonds monétaire international) dans
son dernier rapport.
Une certaine stabilité politique joue également
un rôle. Susilo Bambang Yudhoyono, le président
élu pour la première fois en 2004, a été réélu
par une la rge majorité en juillet. « SBY »,
comme on le surnomme à Wall Street, jouit d’une
cote favorable dans les milieux financiers.
Quel
changement en 10 ans ! En 1998, au pire de la
crise financière asiatique et après la chute de
la dictature de Suharto, l’Indonésie était alors
considérée comme « l’homme malade de l’Asie ».
Et quand les grandes économies ont vu trembler
leur système bancaire il y a quelques mois,
l’Indonésie a pu compter sur ses banques peu
exposées aux produits financiers à risque.
L’ I ndonésie ne s ouf f r e vraiment que de la
chute de ses ventes à l’étranger. Les
exportations se sont ainsi contractées de près
de 20% au premier trimestre.
Les matières premières – son autre richesse –
regorgent dans les 17 000 îles du pays : gaz
naturel, charbon, cuivre, mais aussi huile de
palme, dont elle est le premier producteur
mondial. Sans oublier le tourisme, encore peu
exploité hors de Bali.
Pas surprenant que Morgan Stanley prévoit que
l’Indonésie devra un jour être admise au BRIC,
ou plutôt au « BRII-C ». Car elle va devenir,
d’ici 2050, la huitième économie du monde, selon
la banque américaine.
Corruption
Cependant, ce pays souffre toujours de son passé
sous le régime Suharto.
L’ I ndonésie a pour t a nt engagé des efforts
ces dernières années pour lutter contre une
bureaucratie inefficace, les inégalités sociales
et la corruption endémique. Mais elle se trouve
toujours parmi les 163 pays les plus corrompus,
selon Transparency International.
Une autre priorité est de rattraper le retard
dans les infrastructures : peu d’autoroutes, pas
de métro dans la capitale, Jakarta, des liaisons
maritimes dangereuses, une production électrique
insuffisante... Ces handicaps ont empêché
l’Indonésie d’attirer des investissements
d’envergure, notamment dans les mines et
l’énergie, affirment les économistes.
« L’Indonésie est une histoire de demande
intérieure », résume Standard Chartered Bank
dans une étude. « Le défi maintenant est de
stimuler l’investissement et les exportations. »
Reste
que l’Indonésie évolue dans la bonne direction.
Et vite. Le puissant « Dragon chinois » devra
surveiller son petit cousin de Komodo.
PÉKIN Forte expansion du
secteur manufacturier
PÉKIN — L’activité manufacturière en Chine a
continué de progresser en octobre, mois où
la demande intérieure et étrangère s’est
raffermie et l’emploi a augmenté, selon
l’indice de la banque HSBC publié hier.
L’i ndice des di r ecteurs d’achat ( PMI) de
HSBC a atteint son plus haut en 18 mois, à
55,4% le mois dernier, après 55% en
septembre. Un dépassement de la barre des 50
% marque une progression de l’activité. À
l’inverse, un taux qui reste au-dessous
signale une contraction.
« Nous pensons que la forte reprise actuelle
dans le secteur manufacturier va encore se
consolider dans les mois à venir », a
déclaré dans une note Qu Hongbin, chef
économiste d’HSBC en Chine, évoquant « la
forte croissance » attendue au quatrième
trimestre.
Par ailleurs, l’indice PMI officiel chinois,
publié dimanche par le Bureau national des
statistiques, s’est établi à 55,2 % en
octobre – au plus haut depuis mai 2008 –
après 54,3% en septembre.
L’enquête
de la HSBC indique que l’industrie
manufacturière a embauché au rythme le plus
rapide depuis la première publication de cet
indice en 2004, alors que les usines
tentaient de faire face à des commandes
croissantes.
Les commandes de l’étranger, sous
l’impulsion notamment de l’Amérique du Nord,
ont progressé pour le cinquième mois
consécutif et au rythme le plus soutenu
depuis juin 2007.
La croissance du produit intérieur brut (
PIB) chinois a atteint 8,9 % au troisième
trimestre sur un an, comparativement à 7,9%
au deuxième et 6,1% au premier, et la Chine
s’est dite « certaine » d’atteindre son
objectif de 8% pour l’ensemble de 2009.
L’économie chinoise s’est redressée sous
l’effet de l’assouplissement de la politique
monétaire, de mesures fiscales en faveur de
secteurs en difficulté et, surtout, des
investissements massifs, dans le cadre d’un
plan de relance annoncé en novembre 2008, de
4000 milliards de yuans (environ 630
milliards de dollars) sur deux ans.
Le secteur manufacturier produit environ 40
% de la richesse en Chine.
P
La Chine réaffirme sa soif
d’acquisitions
China Investment Corporation (CIC), l’un des
plus grands fonds souverains de la planète,
a 110 milliardsUS sous la main pour procéder
à de nouveaux investissements étrangers. Et
elle compte mettre encore davantage l’accent
sur les ressources naturelles et
l’immobilier, a-t-elle réaffirmé cette
semaine.
« Nous voyons des prévisions d’inflation à
moyen et long terme, et la valeur des
principales devises pourrait tomber à un
nouveau niveau d’équilibre, a déclaré
mercredi le président du conseil de la CIC,
Lou Jiwei. Investir dans les ressources
naturelles peut être une protection. »
L’intérêt de la CIC pour les ressources
naturelles n’est pas nouveau. Cette
déclaration montre qu’il ne s’atténuera pas.
En septembre, la CIC a dépensé au moins 3,69
milliardsUS dans le secteur des ressources
naturelles. « En termes de prix, ce n’est
peutêtre pas le meilleur temps pour acheter
des ressources, a noté l’analyste Helen
Wang, de DBS Vickers Hong Kong, dans une
entrevue à l’agence Bloomberg. Mais ils (les
Chinois) font le pari que les prix seront
encore plus élevés dans les cinq ou 10
prochaines années. »
Les sociétés canadiennes sont des cibles
potentielles du grand fonds souverain
chinois.
Mercredi, une filiale d’Ivanhoe Mines,
SouthGobi Energy Resources, a annoncé avoir
reçu un financement de 500 millionsUS de
CIC. En juillet dernier, le fonds souverain
a acquis 17,2% du capital de la canadienne
Teck Resources.
La CIC compte maintenant sur des actifs de
près de 300 milliardsUS. Il s’agit du
cinquième plus important fonds souverain du
globe, selon le Sovereign Wealth Fund
Institute. Lors du lancement du fonds, en
2007, la Chine avait manifesté son intention
de porter l’actif total à 1000 milliardsUS.
La CIC a déjà investi massivement dans le
secteur financier, notamment dans Blackstone
et Morgan Stanley, mais la crise l’a
échaudée.
La Chine maintiendra ses
stimulants économiques
Le responsable de la réglementation des
banques en Chine soutient qu’il est trop tôt
pour que le gouvernement commence à
restreindre ses stimulants économiques, bien
que la croissance de la troisième économie
au monde dépasse les 8%.
« Il est beaucoup trop tôt pour parler d’une
stratégie de sortie », a souligné la semaine
dernière Liu Mingkang, président de la
Commission chinoise de réglementation des
banques au cours d’une conférence à
Hong-Kong. « Il se peut que l’économie
traverse des périodes difficiles », a-t-il
ajouté.
Cette position de la Chine contraste avec
celle de pays qui commencent à faire
disparaître des stimulants au moment où
l’économie mondiale prend du mieux.
Ainsi, la banque centrale australienne est
devenue la première, cette semaine, parmi
les institutions semblables du G20 à hausser
ses taux d’intérêt depuis le point culminant
de la crise financière.
«
La croissance en Chine fera face à des
risques réels l ’ a n prochain » , s outient
Ben Simpfendorfer, économiste de la Royal
Bank of Scotla nd Group, à Hong Kong. «
L’économie dépend encore beaucoup des
investissements publics et il n’y a pas
encore de signes que le secteur privé se
soit remis entièrement », ajoute-t-il.
Les dépenses inspirées par le gouvernement
et consacrées à des projets de construction
ont formé plus des quatre cinquièmes de
l’essor économique en Chine cette année,
d’après la Banque mondiale.
La croissance économique a atteint 7,9 % en
Chine au deuxième trimestre de la présente
année comparativement à la période
correspondante un an plus tôt, après s’être
établie à 6,1 % au cours des trois premiers
mois de 2009.
« Les décideurs c hinois souhaitent que la
demande du secteur privé soit suffisamment
étoffée pour que l’économie soit capable de
se passer du soutien gouvernemental »,
précise Dariusz Kowa l c z yk , s t r a t è
ge e n chef des placements de SJS Markets, à
Hong-Kong. « Ce n’est pas le cas
présentement », admet-il.
La Chine dépend plus du soutien
gouvernemental que l’Australie pour assurer
sa croissance économique et les prix à la
consommation baissent en Chine alors qu’ils
progressent en Australie, observe M.
Kowalczyk.
La clé : le consommateur
chinois - FRANÇOISE LEMOINE
La taille et la diversité de son marché
intérieur devraient favoriser la croissance
de la Chine
Si, comme le prévoit le communiqué du G20,
l’économie mondiale est en croissance cette
année, c’est grâce aux économies émergentes,
et principalement à la Chine.
PHOTO FREDERIC J. BROWN, AFP
Ce sont
actuellement les provinces qui misent sur
le marché intérieur qui favorisent la
croissance de la Chine. D’ailleurs, elles
ont largement bénéficié des
investissements consentis pour moderniser
leurs infrastructures.
Après avoir accusé le choc de la crise
mondiale, l’économie chinoise a rebondi et
sa c roissance devra it atteindre 8% sur
l’année, soit beaucoup moins qu’en 2007
(13%), mais beaucoup mieux que le G7 cette
année (-3,8%). Le plan de relance chinois
s’est révélé efficace : il a stimulé
l’investissement dont la progression a
contribué pour les trois quarts à la
croissance du PIB au premier semestre.
La Chine se devait de résister à la crise
mondiale cette année où le régime célèbre
son 60e anniversaire. Cette croissance
est-elle soutenable au-delà du plan de
relance? L’Empire du Milieu, qui ne peut
plus compter sur la demande extérieure, doit
de ce fait retrouver le régime de croissance
qui fut le sien jusqu’au début de cette
décennie.
Jusqu’en 2001, l’excédent commercial chinois
était modéré ( 2 % du PIB) de même que le
poids des exportations (20% du PIB); et la
consommation des ménages maintenait un poids
assez important dans la demande finale (46%
du PIB).
Puis la croissance chinoise s’est accélérée
dans un contexte de montée des déséquilibres
internes et mondiaux. En 2007, les
exportations représentaient 36% du PIB,
l’excédent commercial, 8% du PIB, et la
consommation des ménages était tombée au
plus bas (36% du PIB).
Recentrer la croissance sur le marché
intérieur est diffici le. Les entreprises
exportatrices doivent se reconvertir vers
les consommateurs chinois, qui n’ont pas le
pouvoir d’achat des occidentaux. En outre,
le ralentissement de la croissance et la
montée du chômage ne stimulent pas la
consommation des ménages qui ont, de plus,
une forte propension à épargner par
précaution.
Il ne faut cependant pas sous-estimer la
capacité du pays à tirer parti de son atout
majeur, la taille et la diversité de son
marché intérieur. Alors que les provinces
exportatrices sont durement affectées par la
baisse du commerce mondial, ce sont les
provinces de l’intérieur qui tirent
actuellement la croissance.
Ces provinces sont peu ouvertes au commerce
international et peu touchées par
l’effondrement de la demande mondia le : el
les réal isent moins de 10% des exportations
du pays alors qu’elles comptent pour 60% de
sa population et 40% du PIB.
En outre, elles ont bénéficié des grands
efforts d’investissements consentis pour
moderniser leurs infrastructures. La crise
favorise un déplacement du centre de gravité
de l’économie vers les provinces de
l’intérieur.
Par ailleurs, la relance a renforcé le
secteur d’État, principal moteur de
l’activité en 2009, et accentué encore la
faiblesse congénitale du secteur privé. Mais
le gouvernement envisage d’ouvrir aux
entreprises privées des secteurs d’activité
dont elles étaient jusqu’ici exclues, comme
l’éducation, la santé, la culture,
l’assurance, les infrastructures.
Si elles sont mises enoeuvre, ces mesures
peuvent donner une envergure nouvelle au
secteur privé, stimuler un redéploiement de
la croissance vers le secteur des services
et amorcer une nouvelle étape du
développement chinois.
Recherché : le consommateur chinois
- RICHARD DUPAUL
La consommation ne contribue qu’au tiers de
l’économie en Chine. Mais Pékin veut tout
mettre en oeuvre pour en faire un moteur de
croissance, au côté des exportations.
On s’y attendait, mais la Banque asiatique de
développement l’a confirmé la semaine dernière
: l’Asie est en passe de conduire la reprise
de l’économie mondiale. La région est même «
plus résistante qu’on ne croyait », si bien
que la Banque doit réviser à la hausse ses
prévisions.
PHOTO ARCHIVES BLOOMBERG NEWS
Les Chinois, qui n’ont
pas de filet social valable pour se prémunir
contre les imprévus, préfèrent mettre de
l’argent de côté plutôt que de dépenser :
l’épargne représente près de 40% de
l’économie.
Ainsi, la croissance économique de l’Asie
(hors Japon) sera de 3,9 % cette année (contre
3,4 % auparavant) et de 6,4 % l’an prochain.
Et, sans surprise, elle sera tirée par la
Chine (+8,2 % en 2009 et +8,9 % en 2010), qui
profite de son super plan de relance de 4000
milliards de yuans (700 milliards CAN).
Mais la Banque lance aussi cet avertissement :
« La reprise reste fragile et exposée à des
risques importants », souligne son économiste
en chef, Lee Jong-wha. Il ne faudrait surtout
pas, insiste-t-il, que les gouvernements «
tirent à la hâte sur les tapis des soutiens
budgétaires et monétaires ».
Plus i mpor t a nt encore, l a Chine a besoin
d’une demande intérieure beaucoup plus forte,
ajoute-t-il, pour compenser sa dépendance aux
exportations. Autrement dit, il faut en faire
plus pour les consommateurs.
Chômage et épargne élevés
Le rebond de l’économie chinoise a été
exceptionnel depuis six mois. Mais le choc de
la crise financière a révélé sa grande
dépendance au commerce international.
Elle a vu son principal moteur de croissance
s’enrayer : les exportations ont fondu de 23%
(sur un an) en juillet. Un plongeon qui, n’eût
été le plan de relance actuel, aurait eu des
conséquences dramatiques pour ce pays, dont le
tiers de l’économie dépend du marché
extérieur.
Face au commerce international amorphe, les
licenciements se sont multipliés : par
exemple, plus de la moitié des 3900 fabricants
de jouets de la région de Guangdong ont mis la
clé sous la porte avant Noël. Le chômage, en
dépit de ce que disent les chiffres officiels,
reste élevé en Chine, selon diverses sources.
L’ Ét a t doit désor ma i s se tourner vers le
marché intérieur. Avec 1,3 milliard
d’habitants, le pays a un potentiel énorme.
Surtout que les classes riche et moyenne
regroupent 430 millions de personnes, selon
une étude de HEC Eurasian Institute.
Ce
potentiel reste cependant inexploité. La part
de la consommation dans l’économie chinoise a
même baissé depuis un an, pour tomber à 35 %.
C’est la moitié moins qu’aux États-Unis.
Les Chinois, qui n’ont pas de filet social
valable pour se prémunir contre les imprévus,
préfèrent mettre de l’argent de côté :
l’épargne représente près de 40% du PIB
(contre environ 5% aux États-Unis) – un t aux
économiquement insoutenable.
Autos, électros, etc.
Le premier ministre chinois, Wen Jiabao, ne
cache pas son inquiétude. Il y a quelques
jours, il a évoqué une croissance « instable,
déséquilibrée et pas encore solide » dans son
pays.
L’actuel plan de relance de Pékin fonctionne.
Mais il vise surtout l’industrie lourde en
allouant des sommes colossales aux
infrastructures du pays.
Le gouvernement a ouvert les vannes du crédit,
l’hiver dernier, pour stimuler les ventes
d’électroménagers et de voitures. D’ailleurs,
les ventes d’autos en Chine ont dépassé celles
des États-Unis, faisant du géant asiatique le
plus grand marché automobile au monde.
Mais cela n’est pas une solution durable. La
banque française Natixis est d’ailleurs
persuadée que Pékin prépare un grand coup:
après un premier plan de relance axé sur
l’industrie, le gouvernement envisage une
nouvelle politique qui cible cette fois le
consommateur et la création d’emplois, avance
la banque dans une étude.
LeMcKinsey Global Institute y va même d’une
suggestion: « Les banques ( chinoises)
devraient soutenir davantage le secteur des
services et les PME », car « l’économie crée
trop peu d’emplois pour sa taille et son taux
de croissance ». De cette façon, on pourrait
doubler les dépenses de consommation en Chine
d’ici à 2025, estime le groupe de recherche.
Pour le moment, cependant, les Chinois
continuent de produire et produire encore pour
les Occidentaux étouffés par leurs dettes. Or, la Chine
a besoin d’un nouveau modèle de croissance.
Certes, il faudra du temps pour le mettre en
place, car cela implique la participation de
1,3 milliard de consommateurs. Mais, comme le
dit un vieux proverbe chinois, « qui veut
gravir une montagne commence par le bas ».
Incursion de la Chine dans les
gros-porteurs
La Chine a l’intention de s’attaquer au coeur de
l’industrie aérospatiale mondiale grâce à un
appareil à réaction appelé « Le gros avion ». Le
pays cherche ainsi à briser le duopole de Boeing
et d’Airbus au sein du marché de 70 milliards US
par année.
PHOTO BOBBY YIP, REUTERS
L’avionneur Commercial
Aircraft Corp. of China (Comac), société
contrôlée par le gouvernement, a présenté
mardi au salon de l’aéronautique de Hong-Kong
une maquette du C919, un aéronef de 168 places
qui doit entrer en service en 2016.
L’avionneur Commercial Aircraft Corp. of China
(Comac), société contrôlée par le gouvernement,
a présenté mardi au salon de l’aéronautique de
Hong-Kong une maquette du C919, un aéronef de
168 places qui doit entrer en service en 2016.
Comac propose l’appareil comme une solution de
rechange moins chère qui utilise jusqu’à 15%
moins de carburant que les Boeing 737 et les
Airbus A320, qui dominent le marché des aéronefs
à couloir unique.
« Les Chinois ont un bon mélange de technologies
et de normes occidentalisées », soutient
Christof Spaeth, vice-président de Jet Aviation,
filiale de General Dynamics établie à Zurich, en
Suisse, qui adapte des aéronefs. M. Spaeth a
fait ce commentaire tandis qu’il étudiait le
C919 à Hong-Kong. « Il se peut que l’appareil
fasse une percée sur le marché intérieur et
aussi sur les marchés internationaux, a-t-il
ajouté. Ce n’est pas facile, mais il y a une
chance. »
Les projets de la Chine concernant cet aéronef
mettent en lumière les ambitions du pays de ne
plus être tout simplement un assembleur à faible
coût pour les économies japonaise et
occidentale, mais bien de faire une percée au
sein des industries établies telles que la
construction navale, les téléphones cellulaires
et les automobiles. Tandis que Boeing et Airbus
sont aux prises avec des délais de production de
leurs propres modèles, la Chine a accéléré le
premier vol d’essai du C919, qui a été devancé
en 2014. Boeing prédit que la Chine aura besoin
de 3710 nouveaux avions au cours des 20
prochaines années.
Mettre au point un nouvel avion à réaction
commercial à couloir unique peut coûter environ
5 milliards US et il faut compter cinq ou six
ans à un avionneur disposant d’une
infrastructure établie et des ressources
d’ingénierie pour y parvenir, alors qu’un modèle
gros-porteur peut coûter deux fois plus. Créer
de tels programmes est susceptible de coûter
encore plus à une compagnie qui fait tout juste
son entrée sur le marché, estime Nick
Cunningham, analyste de l’industrie aérospatiale
chez Evolution Securities, à Londres.
Mais la Chine n’est pas la seule à vouloir ravir
une part plus grande de l’industrie mondiale des
aéronefs à couloir unique, qui forme jusqu’à 70%
du total. Ainsi, la société
montréalaiseBombardier, dont le plus gros
appareil disponible est actuellement son CRJ
1000, de 100 places, entend faire son entrée sur
le marché des gros-porteurs plus modestes en
2013 grâce à son CSeries, un appareil de 110 à
130 places.
« Il faut blâmer Airbus et Boeing jusqu’à un
certain point pour avoir laissé la porte
ouverte, a dit M. Cunningham. S’ils souhaitaient
réaliser un programme intensif pour mettre au
point un appareil utile pour le marché intérieur
et uniquement pour ce marché, ils pourraient
peutêtre le faire vraiment vite. »
La Chine n’aura pas à viser des ventes mondiales
une fois son aéronef sur le marché parce que le
pays sera vraisemblablement l’acheteur du quart
de tous les avions vendus d’ici cinq ans, selon
European Aeronautic Defence & Space Co.
Chine : hausse de 81,7 % des ventes
d’automobiles
S HANGHAI — Les ventes d’automobiles en Chine se
sont envolées de 81,7% en août par rapport à
l’année précédente, à 1,14 million d’unités,
explosant la barre du million d’unités pour le
sixième mois consécutif, a indiqué hier une
association industrielle.
Les ventes de voitures particulières ont
augmenté de 90,2%, à 858 300 unités, a indiqué
l’association des constructeurs automobiles
chinoise dans un communiqué.
Il s’était vendu 832 600 voitures particulières
en juillet et 872 900 unités en juin, selon les
chiffres de l’association.
Les ventes de véhicules commerciaux ont explosé
de 59,8% en août, à 280 200 unités.
Pour les huit premiers mois de l’année, les
ventes de véhicules ont augmenté de 29,2% par
rapport à la même période l’année précédente, à
8,33 millions d’unités, selon l’association
industrielle. Le total des ventes de voitures en
Chine a dépassé celui des États-Unis pour la
première fois en janvier faisant du géant
asiatique le plus important marché automobile du
monde.
Les chanceux d’en dessous -
RICHARD DUPAUL
L’Australie continue de surprendre, avec une
croissance économique trois fois plus forte que
prévu. Mais le pays des kangourous s’apprête à
hausser les taux d’intérêt pour freiner son
élan. Un geste annonciateur de ce qui nous
attend.
Les Britanniques appellent l’Australie « le pays
l e plus c ha nceux du monde ». Peut-être à
cause du soleil abondant…
PHOTO MICK TSIKAS, REUTERS
L’Australie a été
insulaire jusque dans la crise, qu’elle a
survolée comme si de rien n’était. Par
exemple, en pleine déroute immobilière
mondiale, les permis de construction y ont
bondi de 7,7 % et 9,9 % en juillet et en juin.
Les Australiens ont aussi, dans l’univers
anglo-saxon, la réputation d’être têtus.
Deux épithètes, teintées d’humour certes, mais
qui s’appliquent fort bien ces temps-ci au «
Pays d’en dessous » – « The land down under »
dans la langue de Crocodile Dundee.
Chanceux en effet. On a appris la semaine
dernière que l’Australie vient de clore un
deuxième trimestre consécutif de croissance, à
0,6 %. Un taux trois fois meilleur que prévu par
les économistes !
Le pays des kangourous a carrément sauté
par-dessus la récession. Avec un PIB en hausse
de 1,0 % durant les six premiers mois de 2009,
l’Australie est l’une des nations riches qui ont
le mieux résisté à la crise financière. Par
comparaison, l’économie britannique s’est
enfoncée de 5,5 % au deuxième trimestre.
Têtus aussi. Alors que le reste de la planète
était terrassé par la crise, en avril, le
premier ministre australien Kevin Rudd a fait ce
que tout bon chef d’État devait faire : il a dit
aux Australiens de se préparer à une «
inévitable récession », la première en 17 ans
Or, à voir leur dernier bilan économique, les
Australiens ne voulaient rien entendre d’un tel
discours.
L e u r e nt ê t e ment é t a i t d’ailleurs
apparent cet été : en pleine déroute immobilière
mondiale, les permis de construction ont bondi
de 7,7 % et 9,9 % en juillet et en juin
respectivement. Encore une fois, la performance
australienne est trois fois supérieure aux
prévisions, souligne l’agence Bloomberg.
Taux très bas
Pourtant l’Australie, une économie en grande
partie dépendante de ses ressources naturelles
comme le Canada, n’a pas d’arme secrète contre
les récessions.
Le moteur de la reprise australienne – une
politique monétaire expansionniste qui a ramené
les taux d’intérêt à un creux de 49 ans – est
une copie conforme de la stratégie des autres
pays.
Idem
pour les allégements fiscaux et les
remboursements d’impôt, qui visent à stimuler la
consommation. Et comme les autres pays,
l’Australie se dirige vers un déficit budgétaire
record cette année.
À la différence des Américains et des Européens
cependant, l’Australie dispose d’un système
bancaire solide et, surtout, encore actif sur le
marché du crédit. Un atout important, qui a
permis au secteur immobilier mais aussi aux
consommateurs de mieux traverser la récession. À
preuve, les ventes au détail ont grimpé de 0,8 %
au deuxième trimestre, la plus forte hausse
depuis décembre 2007.
La Chine
Mais là où la chance favorise les « Ozzies »,
c’est sur le plan de leur situation géographique
avantageuse par rapport à la Chine.
Principal fournisseur de métaux et de céréales
du Dragon chinois, l’Australie est littéralement
tirée par la plus grosse locomotive de la
planète. Surtout, le Pays d’en dessous surfe sur
le plan de relance de 700 milliards CAN de la
Chine, lequel est neuf fois plus important que
les mesures adoptées par Canberra pour contrer
la récession. .
La Chine est le deuxième partenaire économique
de l’Australie, après le Japon, accaparant 15%
de ses exportations. Mais les ventes à l’empire
du Milieu augmentent d’environ 20% par an, ce
qui en fait le marché le plus prometteur pour
les exportateurs australiens.
« L’Australie est dans un endroit rêvé et les
choses vont continuer de bien aller d’ici la fin
de 2009 », affirme la Société générale dans une
étude.
Mais c roissance oblige, l’Australie sera
probablement le premier pays riche à relever ses
taux d’intérêt, avertissent les experts.
Les indicateurs financiers évaluaient à 100 %,
vendredi, la probabilité que le t aux directeur
australien grimpe en novembre, pour passer de
2,75 à 3,25 %. « Si la banque centrale se
réunissait aujourd’hui, elle hausserait les taux
», affirme Matthew Johnson, analyste de la
banque UBS.
Le cas échéant, ce geste marquera un c hangement
majeur, un avant-goût de ce qui nous attend dans
l’hémisphère Nord.
Tôt ou tard, les gouvernements aux États-Unis,
en Europe ou au Canada devront désactiver leurs
mécanismes de relance pour prévenir une
surchauffe économique. Tout le monde attend ce
repli stratégique avec appréhension. Pour
le moment, la réaction des marchés financiers à
l’inévitable coup de frein australien a été très
modérée. Tant mieux. Mais les autres pays seront
peut-être moins chanceux.
Bourse : Toronto plonge avec
Shanghai
— La Bourse de Toronto a clôturé en forte
baisse, hier, plombée par le recul des titres
des produits de base et par des investisseurs
inquiets de la santé de l’économie chinoise.
PHOTO REUTERS
La Bourse de Shanghai a
connu un recul de près de 7% hier, attirant
avec elle celle de Toronto.
L’indice composé S& P/ TSX a fondu de 109,76
points à 10 868,21 points après que la Bourse de
Shanghai eut reculé de près de 7 %, sur fond de
craintes qu’un resserrement du crédit puisse
nuire à l’économie chinoise.
Ce recul de la Bourse de Toronto est survenu
même après que Statistique Canada eut révélé une
hausse de 0,1 % du produit i ntérieur brut (PIB)
en juin, sa première progression depuis juillet
2008.
« Partout dans le monde,
les marchés se fient à la Bourse de
Shanghai », a observé
Ian Nakamoto, directeur de la recherche chez
MacDougall, MacDougall and MacTier. (Ils ont
été) la première économie à
TORONTO montrer des signes d’affaissement et
puis de redressement. Les autres marchés n’ont
fait que suivre, alors ils sont un précurseur de
ce qui va arriver ici à court terme. »
La Chine, qui a continué
à croître malgré la récession mondiale,
est un important consommateur
d’exportations canadiennes, notamment de
ses matières premières.
L’établissement des stocks en Chine cette année
a fait progresser les prix des matières
premières et aidé la Bourse de Toronto à prendre
plus de 40% par rapport à ses creux du début
mars.
Pour le deuxième trimestre, dans l’ensemble, le
produit i ntérieur brut canadien a retraité de
0,9 %, une chute moins prononcée que celle de
1,6 % du trimestre précédent.
Le dollar canadien a cédé 0,26centUS à
91,32cents US.
«
La reprise du PIB en juin, le revirement de
l’habitation et le rebondissement de la
confiance des consommateurs, additionnés à la
stabilisation de l’économie américaine, laissent
tous croire que la récession canadienne se
termine vraiment », a noté l’économiste
enchefadjointdeBMOMarchés des capitaux, Doug
Porter.
Le pétrole pèse lourd
Lestitresdel’énergieontaussi pesé lourd sur le
TSX, le baril de pétrole brut cédant 2,78$ US à
New York à 69,96 $ US. Le secteur énergétique
torontois a abandonné 2%.
L’action d’EnCana a décliné de 1,39 $ à 57,06$,
tandis que celle de Canadian Natural Resources a
perdu 1,75 $ à 62,71$. La Bourse de croissance
TSXV a abandonné 13,47 points à 1175,24 points.
Les places new-yorkaises ont également terminé
en baisse. La moyenne Dow Jones des valeurs
industrielles a perdu 47,92 points à 9496,28
points, l’indice composé du NASDAQ a cédé 19,71
points à 2009,06 points et l ’ i ndice élargi
S& P 500 a retraité de 8,3 points à 1020,63
points. Les i nvestisseurs se montraient
prudents en cette fin d’août, la plupart
attendant de dénicher un catalyseur pour le
marché d’action, quelque chose qui pourrait lui
donner un nouvel envol semblable à celui amorcé
en mars.
D’impor t a ntes données économiques seront
dévoilées cette semaine et pourraient avoir un
impact à ce chapitre. La plus importante de
cellesci, soit le rapport mensuel du
gouvernement américain sur le marché de
l’emploi, sera publiée vendredi. Les données
canadiennes sur le marché de l’emploi en août
seront annoncées la même journée.
En attendant, les prix des matières premières
ont reculé hier, le cours du lingot d’or ayant
notamment cédé 5,30$ US à 953,50$ USàNew York,
tandis que le cours du cuivre a laissé
11,5centsUS à 2,808$ US.
Le secteur torontois des métauxdebaseareculé
de2,7%. L’action de Teck Resources a perdu 1,13$
à 26,42$ et celle de HudBay Minerals a glissé de
13cents à 8,44$.
Le secteur de l’or a diminué de 1,65 %.
Chine : Un pied sur le frein -
RICHARD DUPAUL
Alors que le reste de la planète s’interroge sur
la solidité de la reprise, la locomotive
chinoise accélère : de 6,1 % au début 2009,
l’économie en Chine croît maintenant à un taux
de 8,5 % et franchira bientôt le seuil des 10%.
Si bien que les autorités doivent ralentir la
machine pour éviter la surchauffe.
Le chiffre est simplement renversant : pour la
première fois de l’histoire, la Chine a produit
en juillet plus de 50 millions de tonnes
d’acier. C’est cinq fois plus qu’il y a dix ans
et plus que toute la production des États-Unis,
du Japon, de l’Inde et de la Russie… réunis. Avec 51 millions de
tonnes sorties de ses fourneaux en un mois, «
la Chine représente désormais presque 50% de
la production mondiale » d’acier, souligne la
World Steel Association dans un rapport publié
la semaine dernière.
Avec 51 millions de tonnes sorties de ses
fourneaux en un mois, « la Chine représente
désormais presque 50% de la production mondiale
», souligne la World Steel Association dans un
rapport publié la semaine dernière.
Et il n’y a pas que l’acier. La production de
ciment en Chine représente aussi la moitié de la
coulée mondiale et huit fois celle de son
principal concurrent, l’Inde.
Or, le Dragon chinois a les yeux plus grands que
la panse. La capacité en ciment est excédentaire
de près de 300 millions de tonnes – une quantité
suffisante pour « refaire les joints » de la
Grande Muraille, diraient certains maçons.
Mais, a ve c l ’ e uphorie actuelle en Chine,
cela n’est pas suffisant : plus de 200
cimenteries sont actuellement en construction,
ce qui pourrait se traduire par l’ajout de 200
millions de tonnes supplémentaires, a indiqué un
responsable du ministère de l’Industrie à
l’agence AFP.
Bref, l ’ i ndustrie lourde chinoise roule à
tombeau ouvert.
Coup de frein
En pleine récession mondiale, le gouvernement a
donc décidé de prendre des mesures pour diminuer
la surcapacité du secteur industriel.
Selon l ’agence officielle Chine Nouvelle, Pékin
prévoit limiter les prêts et les allocations de
terrains afin de réduire les constructions dans
la production d’acier et de ciment, mais aussi
de verre, de produits chimiques, de silicone et
même d’énergie éolienne.
Les
autorités
r éa l i s ent maintenant que les 4 0 0 0 mi l l
i a r ds de yuans ( 70 0 milliards CAN) du plan
de relance – destinés surtout aux
infrastructures du pays – risquent de créer des
bulles et d’attiser l’inflation.
« Non seulement les secteurs ayant
traditionnellement des problèmes de surcapacité,
comme l’acier et le ciment, croissent toujours
sans limites, mais certains nouveaux domaines
montrent désormais aussi des signes de
redondance », écrit le gouvernement sur son site
internet.
Un frein au crédit
Qui plus est, les consommateurs chinois ont pris
goût au crédit avec un grand « C » – un effet,
cette fois, des mesures incitatives à la
consommation du gouvernement. Or, l’encours des
prêts accordés par les banques aux particuliers
progresse, en rythme annualisé, de 34%. Une
croissance étourdissante.
Aussi, le régulateur bancaire vient de sonner
l’alarme et envisage de durcir les conditions du
crédit. Cela pourrait aboutir, selon Barclays
Capital, à diviser par trois la progression du
crédit, aux environs de 12%.
Concrètement, la Chine veut modifier les règles
concernant les besoins en capitaux des banques
nationales. Des mesures qui pourraient à terme
réduire le crédit, alors que les nouveaux prêts
ont atteint 7370 milliards de yuans (1200
milliards CAN) au premier semestre, un record.
En freinant son allure, la Chine veut donc
limiter les risques de surchauffe, lesquels
inquiètent de plus en plus les investisseurs.
Depuis le début du mois d’août, la Bourse de
Shanghai a en effet chuté de 16%. Une petite
pause, certes, après la poussée spéculative de
87% de la Bourse durant les sept premiers mois
de 2009, mais qui témoigne d’un malaise.
Alors que certains pays du globe se débattent
encore pour sortir de la récession, l’économie
chinoise accélère, avec une croissance de 7,9 %
au deuxième trimestre contre 6,1 % au premier.
Et celle-ci atteindra les 8,5 % au troisième
trimestre, vient d’annoncer le Centre
d’information d’État, un centre de recherche
public.
D’ores et déjà, des économistes estiment que le
retour à une croissance de 10% est à peu près
assuré au début de 2010. Spéculation,
crédit facile, surcapacité… les ferments d’une
nouvelle bulle sont donc réunis en Chine. Une
conduite maîtrisée de la grosse locomotive
asiatique est donc souhaitable, surtout après le
dérapage américain des dernières années. La
dernière chose dont Pékin et le reste du monde
ont besoin, c’est d’un autre déraillement.
Incontournable Inde - YVAN LOUBIER
CONJONCTURE Le Québec doit accélérer la cadence,
multiplier ses missions et intensifier
rapidement ses relations politiques et
diplomatiques
L’Inde est la porte d’entrée du plus grand
ensemble économique et commercial jamais
imaginé.
Ce n’est pas un hasard si depuis quelques
années, l’Inde est devenue le point de mire de
la planète. L’Inde compte 1,2
milliard d’habitants; une population jeune, de
plus en plus instruite et dont l’âge médian
est de 25 ans.
Les perspectives qu’elle offre à l’ensemble des
nations du monde sont vertigineuses: deuxième
pays le plus peuplé de la planète, après la
Chine, avec ses 1,2 milliard d’habitants; une
population jeune, de plus en plus éduquée et
dont l’âge médian est d’environ 25 ans (40 chez
nous); ses 30 millions d’individus qui, chaque
année, accèdent à la classe moyenne; un taux de
croissance économique annuel moyen qui oscille
entre 8% et 10%; une ouverture de plus en plus
grande de ses frontières, longtemps hermétiques.
Déjà en soi, ces faits font de l’Inde un terreau
exceptionnel pour le développement des affaires.
Mais, au surplus, l’Inde est la porte d’entrée
du plus grand ensemble économique et commercial
jamais imaginé. Encore récemment, elle a signé
un accord de libre-échange avec les 10 pays de
l’Asie du Sud-Est, regroupés au sein d’une zone
commerciale de 600 millions d’habitants (ASEAN).
De leur côté, les pays de l’ASEAN avaient déjà
un tel accord avec le Japon, la Corée du Sud,
l’Australie et la Nouvelle-Zélande, et six
d’entre eux avec la puissante Chine. Et malgré
des pourparlers difficiles, l’Inde continue de
négocier la libéralisation de ses échanges avec
cette dernière.
Grâce à toutes ces interconnexions, la région
AsieInde-Pacifique est en voie de devenir la
plus formidable zone économique intégrée du
monde, un marché de plus de trois milliards
d’individus.
Pas surprenant alors que l’Union européenne en
entier soit mobilisée depuis 2003 et que se
multiplient les missions officielles et plus
amicales dans cette partie du monde. L’Europe
investit des efforts patients, mais sans
relâche, accord sectoriel après accord
sectoriel, sommet bilatéral après sommet
bilatéral, afin de conclure une entente de
libre-échange avec l’Inde.
Les
liens tissés et entretenus par l’Europe au pays
du Mahatma Gandhi, avant même que n’intervienne
cette entente, portent déjà des fruits. Alors
que l’Inde était le 17e partenaire commercial de
l’Europe en 2000, la progression de 80% des
échanges commerciaux depuis ce temps en fait
maintenant le 9e.
Les États-Unis et les pays du MERCOSUR, le
marché commun sud-américain, démontrent eux
aussi un intérêt marqué pour des arrangements
commerciaux avec l’Inde.
Le gouvernement du Québec a eu raison d’amorcer
des relations formelles avec l’Inde, de
s’inscrire dans cette grande tendance par ses
missions, trois fois plutôt qu’une, depuis 2006
et d’y ouvrir un bureau à Bombay il y a deux
ans. Avoir pignon sur rue au coeur d’un géant
économique en construction et au centre d’un
nouvel ensemble plus prometteur encore, ne peut
que bien servir les intérêts économiques et
commerciaux du Québec.
Il a bien fait également de ne pas attendre
qu’Ottawa, ambigu et hésitant quant à ses
orientations, se décide enfin à bouger alors que
les grandes puissances du monde sont déjà aux
portes de l’Inde.
Le Québec doit cependant accélérer la cadence,
multiplier ses missions, ses invitations, et
intensifier rapidement ses relations politiques
et diplomatiques avec l’Inde. Plus important
encore, il doit élargir et entretenir ses
réseaux d’amitiés, suivant les valeurs chères à
l’Asie et la façon dont on y conclut des
affaires.
C’est l’investissement fondamental qu’on doit y
faire pour l’avenir et cela dépasse et de loin
l’évaluation qu’on peut faire du succès d’une
mission, celle qu’on fait trop souvent en regard
du nombre de contrats signés sur le chemin du
retour.
L’Inde prie les dieux de la
pluie - Richard Dupaul
La crise financière a freiné une période de
croissance fastueuse pour l’Inde. La troisième
économie asiatique a bien résisté jusqu’ici et
s’apprête à rebondir. Mais dame Nature risque de
tout gâcher.
Des paysans de l ’ État de Bihar, dans l’est de
l’Inde, ont trouvé un remède original à la
sécheresse qui compromet actuellement leur
production.
PHOTO PUNIT PARANJPE, ARCHIVES
REUTERS
Ils demandent aux filles célibataires du village
de labourer les champs... nues. Le but est
d’embarrasser les dieux de la météo et de les
pousser à apporter la pluie tant attendue.
Des témoins cités par des agences de presse
disent avoir vu récemment, après le coucher du
soleil, des femmes dévêtues travailler dans les
champs tout en invoquant les dieux par des
chants traditionnels.
La mousson est finalement arrivée, i nondant
certains villages. Mais les pluies sont
cantonnées surtout dans le Sud, moins abondantes
que prévu et même inférieures aux moyennes
historiques. Si bien que ce régime sec imposé
par dame Nature menace le retour à la normale de
l’économie.
Un impact majeur
On ne peut jamais surévaluer l’importance de la
pluie en Inde, malgré les pertes de vie et les
dégâts causés par une mousson trop abondante
certaines années.
L’agriculture représente plus de 18% de
l’économie nationale, selon la firme Morgan
Stanley. Et les fermiers n’ont que la mousson,
qui dure de deux à trois mois, pour arroser
leurs champs.
La semaine dernière, le service national des
études météorologiques a semé la consternation
dans le milieu agricole en révisant à la baisse
ses prévisions pour la seconde fois. On prévoit
que les pluies seront de 13 % i nférieures à l a
normale de j uillet à septembre.
Deuxième producteur de riz au monde, l’Inde
s’oriente ainsi vers une baisse de 20% de ses
récoltes cette année, selon le gouvernement.
Le manque d’eau touche aussi le cours du sucre.
Une production particulièrement faible en Inde,
deuxième producteur et premier consommateur
mondial, a poussé le prix du sucre à des records
ces derniers jours.
En Inde, quelque 750 millions de personnes (sur
une population de 1,1 milliard) vivent à la
campagne, et leur pouvoir d’achat dépend
beaucoup de l’agriculture.
Aussi,
la banque Citigroup sonne l’alarme. Elle affirme
que des pluies insuffisantes pourraient
retrancher 2 points de pourcentage à la
croissance économique. C’est énorme, si l’on
pense que l’éclatement de la bulle technologique
en 2000 avait eu un impact moins important sur
les États-Unis.
Le gouvernement i ndien espère un retour à une
croissance de 7% en 2010, après un taux
annualisé d’à peine 5 % au début 2009 et
d’environ 9% avant la crise. Une sécheresse
particulièrement grave, en 2003, avait réduit la
progression économique à seulement 3,8 %, la
plus faible en 11 ans, rappelle l’agence
Bloomberg.
L’Inde résiste
Hormis la mousson insuffisante, il y a tout de
même une bonne nouvelle : l’économie indienne ne
s’est pas effondrée avec la crise financière, et
ses marchés boursiers remontent.
Les clés de cette résistance: d’abord, le pays
de Gandhi dépend relativement peu du commerce
international, ce qui l’expose moins à la
récession qui frappe l’Amérique et l’Europe.
Certes, les industries exportatrices – comme les
technologies de l’information, les pièces de
voitures ou le textile – souffrent du
ralentissement mondial. Mais elles représentent
seulement 22% du PIB indien, contre 37% du PIB
chinois.
De plus, le système financier a évité une
débâcle hypothécaire à l’américaine. Et le
gouvernement de Manmohan Singh a agi rapidement
pour atténuer le ralentissement.
Il a pris l’an dernier des mesures en f aveur de
la consommation, qui représente 60 % de
l’économie. En parallèle, la « Banque centrale
indienne a fait preuve d’une grande capacité de
réaction pour surmonter l’assèchement de la
liquidité », note BNP Paribas dans une étude.
Les taux d’intérêt ont été régulièrement
abaissés : le taux directeur est passé de 9 % à
4,75 % au début de l’été.
En revanche, les déficits publics augmentent et
la dette de l’ État devrait s’élever à plus de
80 % du PIB, preuve que le problème de
l’endettement ne menace pas seulement les pays
occidentaux.
Malgré tout, le gouvernement indien vient
d’annoncer des projets pour améliorer les
infrastructures délabrées du pays. Des milliards
seront injectés dans le réseau routier, ce qui
devrait donner un nouvel élan à l’économie.
Ent r e-t emps, l e monde rural continue de
prier. Le gouver nement a pr o mi s samedi un
soutien financier, mais les fermiers comptent
surtout sur l’aide des dieux de la pluie… et
peut-être sur les femmes du village.
Malaise à Shanghai - ANDRÉ PRATTE
L’ inquiétude gagne les dirigeants d’entreprises
occidentales présentes en Chine à la suite de
l’arrestation de quatre employés de la
multinationale Rio Tinto, dont un cadrede
citoyenneté australienne. Soupçonnés de
corruption et de vol de secrets commerciaux, ces
employés sont détenus depuis cinq semaines.
Aucune accusation n’a été déposée et ils n’ont
pas encore obtenu le droit de consulter un
avocat.
Le vice-ministre chinois du Commerce, Fu Ziying,
a donné l’assurance que les suspects subi ront
un procès équitable: « La Chine est maintenant
gouvernée par la loi . » Les Occidentaux qui
connaissent lesystème judiciairedel’empire du
Milieu sont sceptiques.
On ne peut certainement pas exclure que les
employés de Rio Tinto se soient rendus coupables
d’activités illicites. La corruption est très
répandue en Chine. Il faut être deux pour danser
le tango: si des fonctionnaires se laissent
acheter, il y a évidemment des gens, dont des
Occidentaux, qui les soudoient.
Cela dit, plusieurs observateurs croient que
l’arrestation des représentants de la
multinationale australienne cache d’autres
motifs que la lutte contre la corruption. On
rappelle que Rio Tinto a laissé tomber l’entente
qu’elle avait conclue avec Chinalco, entente qui
aurait fait de cette dernière le plus important
actionnaire de l’entreprise. Les Chinois
achètent plus de 60% du minerai de fer exporté
dans le monde; la participation de Chinalco dans
Rio Tinto leur aurait conféré une influence
considérable dans la détermination du prix de ce
minerai.
Les
employés
de Rio Tinto ont été appréhendés alors que
piétinent les négociations entre les producteurs
de minerai de fer (dont Rio) et les aciéries
chinoises, ces dernières réclamant des rabais
substantiels par rapport aux prix déjà négociés
avec d’autres pays. Est-ce un hasard?
Les Occidentaux comme les Chinois auraient
avantage à tirer des enseignements de cette
affaire. Les premiers devront apprendre à être
encore plus prudents dans leurs relations avec
des partenaires locaux, sachant combien les
autorités là-bas sont déterminées à mettre un
terme à la corruption.
L es di r i - gean ts chinois, pour leur part,
doivent tenir davantage compte des sensibi l
ités occidentales. Ils sont convaincus du
bienfondé des accusations qu’ils comptent porter
contre les employés de Rio Tinto ? Qu’ils
agissent de façon à convaincre les gens
d’affaires étrangers que les procédures sont
justes et transparentes, notamment en permettant
aux détenus d’avoir immédiatement accès aux
avocats dont ils ont retenu les services.
Comme l ’ a soul igné le premier ministre
australien, Kevin Rudd, « de nombreux
gouvernements et entreprises étrangers vont
suivre cette affaire avec beaucoup d’intérêt ».
Si Pékin agit en la matière comme le ferait tout
État de droit, les relations économiques entre
la Chine et l’Ouest s’en trouveront renforcées.
Le Japon voit le soleil
levant - Richard Dupaul
Englué dans sa pire récession depuis la Seconde
Guerre mondiale, l’Archipel émerge peu à peu de
la crise. La demande chinoise aidant, les usines
du Japon recommencent à tourner. Mais les
consommateurs, eux, restent figés.
Les fabricants japonais, qui ont réduit leur
production d’environ 40% par rapport à leur
sommet, doivent refaire leurs stocks pour
répondre à la demande de la Chine.
Les usines japonaises ont encore augmenté leur
production en juin, la plus forte expansion en
plus d’un demi-siècle. Si bien que la deuxième
économie de la planète se remet à croire que la
crise tire à sa fin. Les usines nipponnes ne
tournent qu’à 60% de leur capacité, selon des
études. Le géant Toyota, par exemple, a réduit
sa production de 43% en un an.
Jeudi, on a appris que la production
industrielle japonaise avait augmenté de 2,4 %
le mois dernier, portant la croissance du
deuxième trimestre à 8,3 % – plus forte hausse
trimestrielle depuis 1953.
Les manufacturiers ont également augmenté la
cadence en juillet et en feront autant ce
moisci, selon une enquête nationale. Ce qui fait
dire au gouvernement que l’industrie japonaise «
est sur la voie de la reprise ».
« Le solide rebond de la production industrielle
présage d’un redémarrage (de l’économie) au
deuxième trimestre », renchérit le Crédit suisse
dans une note économique.
Fonds publics
Comment expliquer ce regain de vie ? Les
fabricants japonais, qui ont réduit leur
production d’environ 4 0 % par r apport à leur
sommet, doivent refaire leurs stocks pour
répondre à la demande de la Chine et de certains
clients asiatiques surtout.
Les pays riches ont accouché de plans de relance
d’une valeur de 2000 milliards US pour
requinquer leur économie. La Chine et les
États-Unis ont budgété 700 milliards chacun pour
soutenir la consommation et les investissements
en infrastructures. C’est sans compter les 10
000 milliards US que les gouvernements ont
offerts en garanties aux banques, selon le FMI (
Fonds monétaire international).
Pour sa part, Tokyo a adopté, en mai, une
rallonge budgétaire de 100 milliards US – somme
historique – pour huiler les rouages du pays.
L’industrie japonaise profite donc des largesses
des gouvernements pour se remettre en marche.
Mais la force et la durabilité de la reprise
pressentie suscitent des doutes compte tenu des
problèmes profonds qui aff ligent le pays du
Soleil levant. « La reprise ( japonaise) est à
la hau-
Or, les industriels japonais ne peuvent compter
sur le marc hé i ntérieur pour soutenir leur
production.
Le taux de chômage a atteint 5,2 % en mai – un
sommet en près de six ans. Près de 3,5 millions
de chômeurs ont été recensés, soit un million de
plus en un an. teur des plans de relance, mais
pas plus », affirme la banque Barclays dans une
étude.
Chômage
Le Japon traverse sa pire récession depuis 1945
à cause de l’effondrement de ses exportations.
Au premier trimestre, l’économie s’est
contractée de 14,2 % (taux annuel), du jamais vu
en 60 ans.
Cette tourmente s’accompagne d’un retour de la
déflation, phénomène pernicieux de baisse des
prix dû, notamment, aux capacités de production
excédentaires.
Les usines nipponnes ne tournent en effet qu’à
60% de leur capacité, selon des études. Le géant
Toyota, par exemple, a réduit sa production de
43% en un an.
La crise de l’emploi est telle que Japan Inc.
délaisse peu à peu le modèle sacré du travail à
vie. La flexibilité est devenue la règle, de
sorte que le travail temporaire représente le
tiers des emplois, selon le Crédit suisse. « Le
rebond manufacturier ne profite pas aux ménages,
car les fabricants réduisent encore leurs coûts
», ajoute Barclays.
Dans ce contexte, les Japonais ont de moins en
moins d’argent en poche et la consommation
ralentit. En juin, les ventes de détail ont
chuté pour le dixième mois consécutif.
Vieillissement
Et si tous les pays développés souffrent du
vieillissement de leur population, le problème
atteint un niveau catastrophique dans
l’Archipel.
Proportionnellement, le Japon a la population la
plus âgée du monde: 22% des habitants ont plus
de 65 ans, selon le Bureau américain du
recensement. Qui plus est, le vieillissement se
double d’un refus de l’immigration dans ce pays,
deux facteurs peu propices à la consommation.
Dans ces conditions, le Japon pourra
difficilement connaître une croissance soutenue.
I l a pourtant besoin de créer de la richesse
pour financer une énorme dette publique : l’an
prochain, le passif de l’ État atteindra déjà
200 % du PIB – un record pour un pays
industrialisé.
Bref, le Japon est dans une impasse dont il sera
difficile de sortir.
Ce sentiment est d’ailleurs partagé par les
milieux financiers. Aussi, la valeur marchande
de la Bourse japonaise, jadis à égalité de celle
de Wall Street, vient d’être dépassée par la
Bourse de Shanghai. Le monde bascule pour Tokyo,
qui a glissé au troisième rang mondial du
palmarès boursier.
Le Japon, qui semblait destiné à dominer le
monde durant les années 80, a donc perdu de son
attrait pour les investisseurs. Ceux-ci semblent
même convaincus que, d’ores et déjà, le soleil
se lève ailleurs en Orient.
Le « G2 » -
JEAN-PASCAL BEAUPRÉ
Américains
et Chinois ont conclu hier une conférence de
deux jours visant à favoriser le dialogue entre
les deux géants sur les questions économiques et
stratégiques. Un genre de G2, quoi.
Ce mini-sommet a eu lieu à Washington alors que
le pire de la récession mondiale semble chose du
passé. Toutefois, toucher le fond du baril n’est
pas synonyme de reprise, loin de là. C’est dans
ce contexte fragile que les deux superpuissances
cherchent à favoriser une reprise de croissance
durable qui serait basée sur un meilleur
équilibre des échanges commerciaux.
Pour stimuler le dialogue, les deux pays ont
pris soin d’éviter les pommes de discorde. En
constatant d’abord que les programmes de relance
commencent à porter leurs fruits. C’est
davantage vrai en Chine, où le gouvernement
autocratique a pu implanter beaucoup plus
rapidement son ambitieux programme
d’infrastructures.
Les Américains doivent épargner davantage, les
Chinois doivent consommer plus : les deux pays
s’entendent sur le principe. Aux États-Unis,
c’est bien parti. Le taux d’épargne des
Américains, dont l’actif s’est effondré de 14
000 milliards, est passé de presque zéro, ces
dernières années, à 7% en 2009. Mais ce n’est
pas demain matin que les fourmis chinoises, qui
bénéficient d’un filet social précaire, se
transformeront soudainement en cigales
dépensières.
Le président Barack Obama rêve d’une Amérique
qui exporterait davantage ses produits en Chine.
Ça tombe bien, le billet vert est faible, mais
le gouvernement chinois doit d’abord donner
libre cours à l’appréciation de son yuan. Ce à
quoi il n’est pas disposé pour l’instant, compte
tenu de la dégringolade dramatique de ses
exportations depuis le début de la crise.
D’autant
qu’une bulle guette la Chine. Pour stimuler la
consommation intérieure en attendant une reprise
vigoureuse de ses exportations, l’Empire du
Milieu a incité les banques à ouvrir les vannes.
Résultat : la valeur des propriétés a grimpé de
27% à Pékin en seulement six mois. Les ventes à
l’étranger devront bientôt prendre le relais,
sous peine d’une surchauffe de l’économie.
Autre souci de la Chine : la valeur de ses
énormes réserves en dollars américains, dont 800
millions en bons du Trésor. Le déficit
américain, qui devrait exploser à 1840 milliards
cette année, fait chuter le dollar et risque de
provoquer de l’inflation. Wall Street craint,
avec raison, le désintérêt graduel des Chinois,
qui ont déjà commencé à diversifier leurs
avoirs. Sans entrer dans les détails, le
secrétaire américain au Trésor, Tim Geithner, a
assuré ses invités chinois que les États-Unis
avaient un plan pour dégonfler leur dette
astronomique.
La recrudescence des mesures protectionnistes a
aussi creusé le fossé entre les deux pays. Fin
juin, les États-Unis ont porté plainte à
l’OMCcontre les quotas chinois sur les matières
premières. Pékin a aussitôt riposté en dénonçant
l’embargo américain sur la volaille chinoise.
Tous ces différends devraient fai re l ’objet de
pourparlers au cours des prochains mois.
Espérons que des pistes de solution auront été
dégagées lorsque le président Obama rendra
visite à son homologue chinois, Hu Jintao, plus
tard cette année.
Les États-Unis et la Chine ont grandement
intérêt à aplanir leurs divergences. Il y va de
leur bienêtre économique, mais également de
celui du reste de la planète. Les deux géants
sont condamnés à s’entendre.
Haro sur le « made in China
» - Richard Dupaul
Les boursicoteurs ont beau se réjouir de la
reprise économique en Chine, le regain pressenti
des importations chinoises dérange en Occident.
Si bien que certaines industries souhaitent déjà
ériger de nouvelles barrières commerciales.
Les enquêtes sur des disputes commerciales ont
augmenté de 12 % dans le monde au deuxième
trimestre et elles ont presque doublé par
rapport à la même période en 2007.
Les gens d’affaires aiment bien les success
stories, mais nettement moins lorsqu’ils sont
les perdants de ces histoires. L’Union européenne a
imposé des droits antidumping à plusieurs
reprises sur des biens chinois importés,
allant des chaussures à l’acier. L’UE et les
États-Unis ont en outre saisi l’OMC, en juin,
des restrictions chinoises sur l’exportation
de matières premières destinées à des aciéries
occidentales. Ci-dessus, une usine d’acier à
Wuhan, dans la province de Hubei, dans le
centre de la Chine.
Ainsi, la reprise économique, qui s’accélère en
Chine, provoque un mélange de soulagement et
d’appréhension en Occident.
Les investisseurs boursiers ont beau se réjouir
de la forte croissance qui reprend ses droits en
Asie, des industries aux États-Unis et en Europe
craignent un regain de la concurrence chinoise
et veulent ériger des digues contre le prochain
raz-de-marée made in China, ce qui ne laisse
rien présager de bon pour le commerce
international.
Dans un l ourd c l i mat de récession, les
plaintes contre les pratiques commerciales de
divers pays se multiplient sur la planète
économique.
Selon l ’auteu r de l ’ét ude, Chad Brown,
économiste rattaché à la Brookings Institution
de Washington, les États-Unis et l’Inde ont
porté le tiers des 35 plaintes commerciales
acheminées à l’Organisation mondiale du commerce
(OMC) au dernier trimestre.
L’Union européenne a aussi imposé des droits
antidumping à plusieurs reprises sur des biens
chinois importés, allant des chaussures à
l’acier. L’UE et
Selon une étude américaine, les enquêtes sur des
disputes commerciales ont augmenté de 12 % dans
le monde au deuxième trimestre 2009, sur une
période d’un an. Mais elles ont presque doublé
par rapport à la même période en 2007, au plus
fort du boom asiatique.
Ces enquêtes font suite aux plaintes portées par
des industries, qui demandent de nouvelles
restrictions commerciales pour protéger leur
marché. Et, drôle de coïncidence, 80% des
enquêtes récentes portent sur des importations
en provenance de la Chine. les États-Unis ont en
outre saisi l’OMC, en juin, des restrictions
chinoises sur l’exportation de matières
premières destinées à des aciéries occidentales.
Or, historiquement, les investigations de l’OMC
présagent d’une remontée du protectionnisme. En
effet, les plaintes contre les pratiques
déloyales précèdent d’environ un an l’imposition
de nouvelles restrictions commerciales.
Les erreurs du passé
Pourtant, l’histoire nous enseigne que le
protectionnisme est l’une des pires choses à
faire en période de récession. Un bel exemple à
ne pas suivre : la loi Smoot-Hawley, une
trouvaille des Américains conçue il y a trois
quarts de siècle pour sortir leur pays de la
Grande Dépression.
En juin 1930, à peine neuf mois après le krach
boursier à Wall Street, le représentant au
congrès W.C Hawley et le sénateur Reed Smoot,
deux républicains, ont fait adopter une loi qui
augmentait les tarifs à un taux record sur plus
de 20 000 produits importés.
Des centaines d’économistes avaient pourtant
signé une pétition dénonçant ce geste. Car,
comme prévu, plusieurs pays ont riposté en
érigeant leurs propres barrières commerciales.
S’ensuivit une guerre commerciale aux effets
désastreux : le commerce entre les États-Unis et
l’Europe a chuté des trois quarts en deux ans.
Et le commerce mondial a plongé de 66% de 1929 à
1934.
La loi Smoot-Hawley a été une grave erreur qui a
exacerbé la récession, répètent les experts
aujourd’hui. D’ailleurs, la reconnaissance de
cette gaffe a mené à l’accord Bretton Woods, en
1944, qui assouplissait les tarifs sur les
importations. Cette démarche allait ensuite
aboutir, dans les années 50, sur l’accord du
GATT et éventuellement sur l’OMC.
La semaine dernière, le grand patron de l’OMC,
Pascal Lamy, a d’ailleurs demandé au monde
d’être « vigilant » face à la montée du
protectionnisme souvent associé aux plans de
relance de certains pays, comme le Buy American
Act.
L’Asie craint le pire
Le milieu des affaires en Asie craint d’ailleurs
le pire.
Mercredi dernier, le Forum de coopération
économique AsiePacifique ( APEC) s’est réjoui du
redressement économique en cours dans certaines
régions. Du même souffle, l’organisme a
toutefois soulevé des doutes quant à la solidité
de cette reprise.
« Les principales menaces contre le regain des
échanges commerciaux sont les pressions
protectionnistes croissantes », mentionne le
communiqué des 21 pays membres de l’APEC, dont
fait partie le Canada
Selon l’OMC, le commerce mondia l devrait s ubi
r u ne contraction d’environ 10 % en volume
cette année. Les pays développés verraient leurs
échanges chuter de 14%, tandis que le recul des
pays en développement serait limité à 7%. Bref,
les exportateurs en arrachent. Et aux yeux de
Pascal Lamy, ce sont autant de bonnes raisons
d’éviter un repli sur soi : « Une coopération
internationale effective et des marchés ouverts
sont aujourd’hui plus indispensables que jamais.
»
PENDANT CE TEMPS EN IRLANDE...
...
le prix des maisons chute de 40%
PHOTO SIMON DAWSON, ARCHIVES BLOOMBERG
Les prix des maisons
neuves en Irlande ont chuté de plus de 40%
en moyenne par rapport au sommet atteint en
2007, a annoncé l’organisme Irish Home
Builders Association dans un rapport publié
hier. « Des baisses de cette ampleur et même
davantage dans certains cas sont déjà
survenues », a précisé l’association, dont
les membres construisent 90% des maisons en
Irlande. Il se peut que les prix aient
atteint un niveau plancher, estime le
rapport. Les prix des maisons, qui avaient
quadruplé de l’an 2000 à 2007, dégringolent
tandis que l’Irlande pâtit de la pire
récession qu’elle ait jamais connue et que
les banques resserrent le crédit. Les prix
d’un appartement de deux chambres à coucher
dans le secteur chic Ballsbridge, à Dublin,
ont chuté de 42% à 560 000 euros (827
000$US), précise le rapport. La « majorité »
des promoteurs vendent maintenant des
propriétés à un prix inférieur à leurs coûts
pour obtenir des liquidités et régler des
prêts, a soutenu hier au cours d’une
conférence de presse à Dublin le président
de l’association des constructeurs de
maisons, Dominic Doheny. Il affirme que sa
propre compagnie a sabré de 25% les prix de
ses maisons construites dans le Midlands
irlandais. L’association prévoit que 28 000
nouvelles maisons seront construites cette
année, comparativement au sommet de 90 000
atteint en 2007.
LA FIN DU MIRACLE IRLANDAIS
- Marc Thibodeau
L’Irlande, qui a connu pendant plus de 10 ans
une expansion économique phénoménale, est frappée de
plein fouet par la crise et l’éclatement d’une bulle
immobilière qui avait dopé artificiellement la
croissance des dernières années. La population, déjà
éprouvée par la forte montée du chômage, fait face à
une nouvelle vague de compressions qui promet de
créer des remous. NOTRE CORRESPONDANT MARC THIBODEAU
S’EST RENDU À DUBLIN POUR FAIRE LE POINT.
LE TIGRE CELTIQUE LÈCHE SES PLAIES
DUBLIN I
« En Irlande, nous sommes dans une position où
il n’est même pas possible de parler de plan de
relance. »
l pleut au zoo de Dublin, mais rien ne semble
pouvoir entamer l’enthousiasme des enfants
présents, qui s’agglutinent à une baie vitrée
pour voir le tigre se prélassant paresseusement
quelques dizaines de mètres plus loin.
« Viens le voir, viens voir, Maman! » lance
Ashley, une petite fille qui lève les bras au
ciel pour souligner son excitation. Avant de se
mettre à quatre pattes et de rugir pour imiter
le puissant fauve.
Pendant plusieurs années, c’est avec un
émerveillement quasi enfantin qu’économistes et
élus occidentaux ont observé la croissance
économique de l’Irlande, qui lui a valu le
surnom de « Tigre celtique ».
Les tenants du libéralisme à tout crin – qui
préconisaient la déréglementation des marchés,
l’ouverture des frontières et un faible degré
d’imposition – brandissaient la performance du
petit pays de quatre millions d’habitants comme
une preuve indéniable du bienfondé de leur
approche.
Aujourd’hui, l’Irlande sert plutôt à illustrer
l’importance de l’impact de la crise économique
et financière qui a ravagé la planète.
Selon l’ I nstitut économique dublinois ESRI, le
PNB reculera de 8,9% en 2009 et chutera encore
de 2,3% en 2010, soit l’une des corrections les
plus sévères enregistrées dans les pays
développés.
Le gouvernement conservateur du premier ministre
Brian Cowen a dû intervenir en catastrophe à
l’automne dernier pour sauver les banques,
nationalisant un établissement et se portant
garant des prêts de plusieurs autres
institutions pour éviter un effondrement
généralisé.
Il s’apprête maintenant à imposer une nouvelle
ronde de compressions à la population pour
tenter d’endiguer l’augmentation du déficit et
de la dette, qui explosent en raison de la
baisse des rentrées fiscales et de la hausse des
indemnités sociales.
Un groupe de consultants a souligné dans un
récent rapport que le pays devait emprunter 400
millions d’euros par semaine sur les marchés,
simplement pour équilibrer ses livres.
L’annonce de nouvelles compressions survient
alors même que les autres pays développés
insistent sur la nécessité de maintenir leurs
plans de relance.
« En I rlande, nous sommes dans une position où
il n’est même pas possible de parler de plan de
relance », indique Peter Rigney, porte-parole de
l’une des principales organisations syndicales
du pays.
La baisse d’activité économique fait monter en
flèche le chômage, qui pourrait excéder 16%
d’ici 2010, selon l’ESRI. Des dizaines de
milliers d’Irlandais qui se croyaient en
sécurité se retrouvent à la rue.
C’est le cas de « Matthew », 46 ans,
gestionnaire de projets de la firme Ericsson
gagnant plus de 100 000 $ par année qui a été
remercié par l’entreprise fin juin après plus
d’une décennie de travail. « Nos projets étaient
réalisés dans les temps et nous générions des
profits, mais l’entreprise m’a dit qu’une
personne à Shangaï pouvait faire mon travail
pour le dixième du prix. Comment voulez-vous
rivaliser avec ça? » demande l’homme de 46 ans,
qui préfère donner un nom fictif.
Le secteur le plus durement touché est sans
conteste celui de la construction, qui s’est
effondré l’année dernière après plusieurs années
de folle expansion.
« Ma boîte employait 150 personnes, elle n’en
compte plus que
25 », souligne Myriam, architecte rencontrée
devant un bureau d’assurance emploi du
centre-ville. Personne dans le secteur n’avait
anticipé un tel crash, dit la femme de 36 ans,
qui a été mise à pied au printemps. « Les gens
pensaient que les choses allaient simplement
plafonner », relate-t-elle.
Responsabilité du gouvernement
John Fitzgerald, économiste de l’ESRI, estime
que le gouvernement irlandais a permis à la
bulle immobilière de croître de manière
disproportionnée au lieu de tenter d’éviter la
surchauffe en imposant de nouvelles taxes dans
le secteur.
Le secteur immobilier, dit-il, s’est développé
au point de représenter 14% de l’économie,
comparativement à la moyenne observée de 5% dans
les pays développés, faisant flamber du même
coup les salaires. Et diminuant la compétitivité
des entreprises.
Il préconise aujourd’hui, pour relancer
l’économie, une réduction des salaires, tant
dans le secteur privé que public. Ce qui ne
sourit guère aux grands syndicats.
Kieran Allen, professeur au Dublin University
College qui vient d’écrire un livre sur le «
crash économique de l’Irlande », s’indigne que
la population soit appelée à faire les frais des
politiques passées du gouvernement.
Le pays, dit-il, a assuré sa croissance pendant
des années en se positionnant comme un « paradis
fiscal de l’Atlantique » offrant une porte
d’entrée pour le marché européen. Plusieurs
entreprises américaines, relate le sociologue,
ont utilisé le pays pour transférer leurs
profits à l’abri du fisc, tirant avantage des
faibles taux d’imposition locaux.
La pratique a fonctionné jusqu’au début des
années 2000, lorsque le ralentissement
économique américain et l’émergence de pays
offrant des taux de taxation encore plus
faibles, comme la Pologne, ont coupé l’herbe
sous le pied de Dublin, dit M. Allen. Le
développement subséquent des secteurs financiers
et immobiliers du pays, encouragés par une forte
déréglementation, ont ensuite entretenu
l’illusion que le Tigre celtique « vivait
toujours », souligne-t-il.
L’auteur pense que le gouvernement devrait se
détourner des banques privées et s’engager dans
un plan public de relance de l’emploi, des
suggestions qui ne trouvent guère d’écho pour
l’heure dans la classe politique.
Bien que le gouvernement se montre rassurant sur
l’avenir, les avis sont partagés. Alors que les
économistes les plus alarmistes n’hésitent pas à
évoquer une possible banqueroute du pays
découlant du coût des garanties offertes aux
banques, M. Fitzgerald envisage une reprise plus
forte que la moyenne d’ici quelques années.
La relance, prévient-il, dépendra largement de
l’évolution de l’économie mondiale, qui exerce
un large impact sur les exportations
irlandaises.
Myriam, l’architecte récemment mise à pied,
pense qu’il faudra dans le meilleur des cas un
ou deux ans pour que l’économie retrouve un peu
de mordant. « Plutôt quatre ou cinq ans si je
suis pessimiste », prévient-elle, témoignant de
l’inquiétude générale de la population.
À défaut de certitude, les Irlandais, tant de
fois éprouvés par l’Histoire, peuvent toujours
se rabattre sur la sagesse populaire.
« Les bons temps viendront même s’il faudra
peut-être les attendre longtemps », indique
l’affiche d’un pub du centre-ville de Dublin.
APRÈS LA FRÉNÉSIE IMMOBILIÈRE, LE SILENCE
« Tout bougeait, c’était l’euphorie. Maintenant,
c’est une autre époque. »
— Une affiche aux couleurs éclatantes mettant en
scène un j eune couple tout sourire invite le
passant à acheter une propriété ultra moderne et
lumineuse au coeur de Clongriffin, le « plus
récent » développement immobilier de Dublin.
PHOTO PETER MUHLY, AFP
Le désoeuvrement règne
dans la plupart des villes d’Irlande, comme à
Limerick, où un nombre grandissant de chômeurs
doit recourir à l’aide sociale.
La réalité qui se cache derrière l ’a f f iche,
posée sur un haut mur noir s’étendant sur t oute
l a longueur de l a r ue principale, est
passablement moins inspirante. On découvre, par
un trou, un vaste terrain vague qui devait, il
n’y a pas si longtemps, devenir un stationnement
pour un luxueux centre commercial.
Le centre l u i - même e s t construit, mais il
est complètement vide. Seule âme qui vive à
proximité, le chauffeur d’un autobus municipal
censé ramener les heureux adeptes de shopping
vers le coeur de la capitale irlandaise, à
plusieurs kilomètres de là.
« J’ai plus de chance de trouver un lutin ici
qu’une adepte de shopping », confie, un brin
dépité, le chauffeur du véhicule vide, Paul
Lenon.
« C’est une ville fantôme », ajoute-t-il, en
montrant un bâtiment voisin qui devait servir
d’hôtel. Lui aussi est vide.
Dans la rue principale, la situation est à
l’avenant. La plupart des locaux commerciaux
sont déserts ou promettent l’installation
prochaine de commerces qui, visiblement, ne sont
pas prêts de se matérialiser. Le silence
l’ambiance était toute autre à son arrivée. «
Tout bougeait, c’était l’euphorie. Maintenant,
c’est une autre époque. J’avais un emploi, je
n’en ai plus. Mon mari avait un emploi dans le
secteur de la construction, il n’en a plus. Il a
est troublé uniquement par le passage
occasionnel d’avions en route vers l’aéroport de
la ville, situé non loin de là.
Les propriétaires de la seule pharmacie de la
rue, fermée lors du passage de La Presse, ont
placé une note s’apparentant à un SOS dans
laquelle ils s’excusent d’avoir dû réduire de
près de moitié les jours d’ouverture.
« Nous faisons appel à votre soutien continu et
au soutien de tout le monde à Clongriffin. Nous
en avons besoin pour pouvoir survivre »,
écrivent-ils.
Sinead O’ Brian, qui s ’e st installée dans le
secteur il y a quelques années, relate que
acheté une licence pour conduire un taxi, mais
il doit travailler jour et nuit pour gagner un
salaire décent », souligne la jeune femme de 26
ans, qui occupe son temps en promenant son
chien.
David Cardick, résidant du secteur, n’apprécie
pas du tout le triste spectacle offert par
Clongriffin. « C’est terrible et déprimant à
voir. Environ le quart seulement des bâtiments
sont occupés », grommelle le retraité de 64 ans.
Le fiasco, dit-il, est imputable aux banques,
qui ont prêté sans compter aux promoteurs
immobiliers sans faire attention à la saturation
du marché. « Maintenant, ils ne sont pas
capables de récupérer leur argent. Et ce sont
les Irlandais qui doivent payer la note »,
souligne M. Cardick, en référence au fait que le
gouvernement s’est porté garant des dettes des
banques pour éviter leur effondrement.
La situation de Clongriffin est loin d’être
unique puisque le boom immobilier qui a alimenté
la croissance économique de l’Irlande depuis
cinq ans n’est plus qu’un lointain souvenir.
Un peu partout dans le pays, des développements
à moitié complétés apparaissent en périphérie
des villes. Et il faudra des années pour que les
appartements et locaux vacants trouvent preneur,
compromettant toute possibilité de reprise du
secteur. Et de remontée des prix.
Une perspective désagréable pour Sinead O’Brian,
qui préfère ne pas trop élaborer sur la
dévaluation du duplex acheté il y a quelques
années avec son conjoint.
« Sa valeur est tombée des tonnes, mais ça ne
sert à rien d’en faire une dépression. Qu’est-ce
que ça changerait ? » demandet-elle avant de
reprendre sa promenade.
LE SPECTRE DE LA FAILLITE PLANE
DUBLIN — Quelle différence y a-t-il entre
l’Irlande et l’Islande ? Une lettre et six mois
de décalage. Dell était une des
nombreuses entreprises à s’être installée en
Irlande, attirée par ses avantages fiscaux. La
société a déménagé en Pologne il y a un an et
demi, laissant derrière elle des milliers de
chômeurs.
La blague revient régulièrement dans les cercles
financiers irlandais, qui craignent de voir leur
pays suivre la même voie catastrophique que le
petit pays nordique.
Le gouvernement islandais a dû nationaliser en
catastrophe à la fin de l’année dernière les
trois principales banques du pays pour les
sauver de la banqueroute, se portant garant de
dettes représentant plusieurs fois le Produit
national brut. Du coup, c’est l’État lui-même
qui vivote depuis un an au bord du gouffre, ne
réussissant à surnager qu’avec un prêt d’urgence
du Fonds monétaire international, une situation
inusitée pour une économie occidentale.
En Irlande, la situation n’est pas si
différente, selon l’économiste Morgan Kelly, qui
prédit le pire à ses concitoyens.
La décision de Dublin de racheter pour près de
80 milliards d’euros les actifs pourris des
banques irlandaises, qui s’ajoutent aux
garanties déjà annoncées, coûtera, à terme, des
dizaines de milliards qui pourraient
compromettre la viabilité financière de l’État
lui-même, prévient-il.
« Dix milliards de plus (à payer) par-ci, dix
milliards de plus par-là et voilà que vous vous
retrouvez face à une situation de banqueroute
nationale », écrit-il dans une lettre ouverte
parue il y a quelques semaines dans le Irish
Times.
D’autres économistes jugent « alarmistes » les
prédictions de M. Kelly, qui est parfois appelé
« Dr La Mort » dans les médias.
Ils font remarquer que la dette nationale de
l’Irlande demeure pour l’instant d’une taille
raisonnable. Et que le secteur bancaire, malgré
sa forte croissance, n’a jamais atteint
l’importance démesurée des établissements
islandais par rapport à l’économie nationale.
À défaut de plonger aussi loin que l’Islande, l’
Irlande pourrait bien imiter le pays sur un
autre point : le changement de gouvernement.
À Reyk j a v i k , l e gouver n e ment
conservateur qui avait chapeauté les années de
laisser-aller ayant mené à la crise a fini par
démissionner sous la pression populaire, cédant
la place à une coalition dirigée par une
alliance sociale-démocrate.
À Dublin, la pression va croissante sur le
gouvernement du premier ministre Brian Cowen,
qui s’engage en terrain glissant en entreprenant
une nouvelle ronde de compressions.
« Ça ne prend pas un génie pour comprendre que
la colère monte chez les gens », commente Kieran
Allen, un sociologue très critique des
orientations économiques de Dublin.
La revue The Economist prévient, dans la même
veine, que la probabilité de voir le
gouvernement irlandais tomber « est en train
d’augmenter » sensiblement.
Le « club des riches » a-t-il fait
son temps ? - Marc Thibodeau
Les pays émergents demandent que le G8, établi
dans les années 70 en réponse à la crise
pétrolière, cède la place à une « nouvelle
gouvernance mondiale basée sur le
multilatéralisme ».
— Les groupes altermondialistes réclament en
vain depuis des années que le « club de riches »
du G8 soit dissous au profit d’une instance plus
représentative et plus démocratique. Ils
disposent désormais d’appuis au sein même de
l’organisation.
Avant même le sommet qui s’est terminé hier à
L’Aquila, la France et l’Allemagne avaient fait
savoir qu’ils étaient favorables au remplacement
du G8 par un G13 incluant les pays émergents du
G5 (Chine, Inde, Brésil, Mexique et Afrique du
Sud), voire par le G20 qui s’est réuni à Londres
au début du mois d’avril pour traiter de la
réponse à apporter à la crise économique.
Le président français Nicolas Sarkozy est revenu
sur le sujet mercredi après avoir déclaré que
l’organisation de huit pays ne « suffisait plus
» pour s’attaquer aux grandes problématiques
mondiales.
Hier, l’hôte du sommet, Silvio Berlusconi, chef
du gouvernement italien, a ajouté son grain de
sel en soulignant que le G14, comprenant le G13
et l’Égypte, serait sans doute à l’avenir le
forum dans lequel se prendraient les grandes
décisions économiques.
L’administration américaine de Barack Obama a
indirectement remis en question l’utilité du G8
avant la rencontre de L’Aquila en soulignant
qu’il s’agissait d’une simple étape
intermédiaire entre le G20 de Londres et celui
qui se tiendra à Pittsburgh en septembre.
Les pays émergents demandent que le G8, établi
dans les années 70 en réponse à la crise
pétrolière, cède la place à une « nouvelle
gouvernance mondiale basée sur le
multilatéralisme ».
« Les problèmes auxquels nous sommes confrontés
ne peuvent plus être résolus par les seuls pays
industrialisés », ont répété durant le sommet
les membres du G5.
Les ONG se montrent aussi très critiques envers
le G8 en raison des engagements non tenus sur
l’aide au développement et le « manque de
leadership » manifesté dans le dossier du
réchauffement climatique.
« Ce serait un bon pas en avant de passer au
G20.... Le G8 devient trop petit », a souligné
hier Denis Howlett, porte-parole d’Abolissons la
pauvreté, un regroupement d’ONG canadiennes.
Dans ce concert de critiques, le gouvernement
canadien apparaît comme l’un des défenseurs les
plus déterminés de l’organisation.
Le premier ministre Stephen Harper affirme qu’il
est nécessaire d’avoir un « forum plus large »
pour tenir compte des réalités économiques. Mais
il estime qu’il faut préserver le G8 parce qu’il
s’agit d’un forum restreint permettant « d’avoir
des discussions très intimes tout en parvenant à
un consensus qui a une importance suffisante
pour faire bouger les choses relativement aux
grands enjeux ».
M. Harper a répété essentiellement la même chose
hier en conférence de presse, en précisant que
le G8 aurait « toujours une utilité ».
L’attitude du Canada est importante dans le
contexte actuel puisque le pays doit accueillir
le prochain sommet de l’organisation l’année
prochaine en Ontario.
Ce sera le rôle du gouvernement canadien, à
titre d’hôte, de mettre un peu de « cohérence »
dans ce domaine, a prévenu M. Harper.
G8 La Chine tempérée dans son souhait de
diversification du régime monétaire international
La Chine veut mettre fin à l’hégémonie du
dollar américain
—
La Chine a appelé hier à la diversification du
régime monétaire international, au cours d’une
réunion des dirigeants du G8 et des grands pays
émergents dans le cadre du sommet de L’Aquila, en
Italie, a affirmé un responsable chinois. Selon le conseiller d’État
chinois, Dai Bingguo, il faut « améliorer le
système monétaire international et renforcer le
régime de réserves monétaires ». Les
propositions pour ce faire, amenées par la
Chine, n’ont pas eu l’heur de plaire aux autres
participants du sommet, notamment au premier
ministre britannique, Gordon Brown.
Le conseiller d’État chinois Dai Bingguo a déclaré
au cours de la réunion qu’il fallait « maintenir
une relative stabilité des taux de changes des
principales monnaies de réserve internationales et
promouvoir un système monétaire international plus
diversifié et raisonnable », selon des propos
rapportés à la presse par un responsable chinois.
Le président chinois Hu Jintao n’est pas présent
au sommet. Il a dû annuler sa participation,
regagnant précipitamment la Chine à la suite des
émeutes ethniques qui secouent la région du
Xinjiang.
Selon le conseiller d’ État chinois, il faut «
améliorer le système monétaire international et
renforcer le régime de réserves monétaires ».
Cette idée a jusqu’à présent rencontré le
scepticisme des membres du G8, le Premier ministre
britannique Gordon Brown soulignant devant la
presse qu’il n’y avait pas eu de réelle discussion
sur le sujet et qu’il n’était « pas réaliste » de
s’attendre à des progrès sur cette question à
court terme.
«
Il n’y a pas eu vraiment de discussion
là-dessus. La question a pu être soulevée lors
de notre réunion, je ne peux pas vraiment me
rappeler, mais si cela a été le cas, ça n’a pas
été un sujet majeur des discussions », a-t-il
affirmé.
« En ce moment, alors que nous essayons de
sortir d’une profonde récession, je ne veux pas
donner l’impression qu’un changement majeur va
bientôt se produire qui pourrait suggérer que
les règles actuelles sont déstabilisées », a-til
ajouté.
Aucun élément sur cette question de la
diversification du système monétaire, à laquelle
sont fermement hostiles les États-Unis, soucieux
de défendre la prépondérance du dollar, ne
figure dans le projet de déclaration adopté par
le G8 et les pays émergents hier et obtenu par
l’AFP.
À la faveur de la crise, la Chine, qui s’est
interrogée publiquement sur la sécurité de ses
actifs financiers en dollars, a appelé ces
derniers mois à l’adoption d’une nouvelle
monnaie de réserve internationale pour remplacer
le billet vert, évoquant un système utilisant
les Droits de Tirages Spéciaux (DTS) du Fonds
monétaire international.
En mars, le directeur général du FMI, Dominique
Strauss-Kahn, avait jugé « légitimes » les
discussions sur une nouvelle monnaie de réserve
internationale et estimé que ce débat pourrait
avoir lieu « dans les mois à venir ».
ÉCONOMIE Des « risques importants »
demeurent - Marc Thibodeau
L’AQUILA
— Les pays membres du G8, réunis depuis hier à
L’Aquila, préviennent que la situation économique
mondiale demeure « incertaine » et que de «
nombreux risques » menacent de compromettre le
retour à la stabilité et à la croissance.
Dans une déclaration émise en fin d’après-midi à
l’issue d’une première réunion de travail, les
dirigeants de l’organisation soulignent qu’ils «
continueront à fournir le stimuli macroéconomique
» requis pour la relance sans préciser s’il sera
nécessaire d’ajouter des sommes à celles qui ont
déjà été annoncées.
Ils promettent de s’attaquer aux répercussions
sociales de la crise, particulièrement en matière
d’emploi, notant que ces impacts peuvent être des
sources « d’instabilité ».
Plus tôt dans la journée, le premier ministre
canadien Stephen Harper avait souligné que le
moment ne semblait pas approprié pour envisager de
nouveaux plans de relance même si des voix en ce
sens s’élèvent au sein du G8.
« Avant de parler de nouvelles mesures de stimuli,
j’inciterais tous les dirigeants à s’assurer que
les mesures déjà annoncées ont été réalisées »,
a-t-il déclaré hier avant l’ouverture officielle
du sommet.
Le dirigeant canadien s’est dit inquiet, à cette
occasion, de l’apparition dans les plans de
certains pays de mesures protectionnistes qui
risquent, selon lui, de prolonger la crise.
Les membres du G8 ont promis qu’ils
continueraient de s’attaquer au protectionnisme
« sous toutes ses formes » pour garder les
marchés « libres et ouverts ».
M. Harper a tenu ses propos en matinée lors
d’une conférence de presse au coeur de L’Aquila,
qui a été dévastée en avril dernier par un
puissant tremblement de terre. Devant des
immeubles en ruine, il a annoncé le versement
d’une somme de 5 millions de dollars pour la
construction d’un centre pour jeunes.
« Vos larmes étaient nos larmes », a-t-il
souligné à l’attention des résidants de la ville
de 70 000 habitants. Plusieurs dizaines de
milliers d’entre eux n’ont pu retourner dans
leur résidence et vivent dans des tentes.
L’apport du Canada ne constitue qu’une fraction
infime des coûts de la reconstruction, estimés à
plusieurs milliards de dollars.
Un député canadien présent pour l’annonce de M.
Harper, Maurizio Benilacqua, a indiqué qu’il
s’agissait d’abord et avant tout d’un geste «
symbolique » visant à montrer la « solidarité »
du pays avec les victimes.
Un sommet du G8 sur fond de
ruines - Marc Thibodeau
« Capitale de la douleur », L’Aquila deviendra
aussi à partir d’aujourd’hui la « capitale du
monde », a annoncé le chef du gouvernement
italien, Silvio Berlusconi. Dévasté par un
séisme en avril dernier, le village italien
accueille les leaders des grands
PAGANICA— Si le premier ministre canadien
Stephen Harper souhaite laisser une impression
durable en Italie, à l’issue du sommet du G8,
Anna Rita Tennina a la solution toute trouvée.
PHOTO MARKUS SCHREIBER, AP
Un pompier arpente les
rues du village d’Onna, voisin de L’Aquila, où
se tient, à compter d’aujourd’hui, le sommet
du G8 dans les ruines laissées par le terrible
tremblement de terre d’avril dernier.
« Peut-être que le Canada pourrait adopter
Paganica ? » suggère l’Italienne de 38 ans, qui
continue, tant bien que mal, de faire
fonctionner un magasin de fournitures dans ce
petit village dévasté par le tremblement de
terre d’avril dernier.
Le centre demeure interdit aux visiteurs, en
raison des risques d’effondrement des immeubles
qui continuent, à une inquiétante fréquence,
d’être ébranlés par de nouvelles secousses.
Des centaines de résidants évacués dorment sous
les tentes, dans des conditions qui sont à des
années-lumière de celles qui sont réservées aux
délégations politiques attendues aujourd’hui
dans la ville voisine de L’Aquila, pour traiter
des grands sujets de l’heure.
Le premier ministre italien, Silvio Berlusconi,
a souligné la semaine dernière qu’il souhaitait
tenir le sommet du G8 à cet endroit pour faire
de la « capitale de la douleur », l’épicentre de
la planète.
Les ruines, omniprésentes dans la région,
risquent de passer aux yeux des plus malicieux
pour une métaphore de la situation économique
mondiale, qui demeure la principale
préoccupation des chefs de gouvernement des
grands pays industrialisés rassemblés
aujourd’hui en Italie.
« Les enjeux économiques doivent demeurer la
priorité à L’Aquila », a résumé lundi un
porte-parole de M. Harper, qui entend presser
ses homologues de maintenir leurs efforts pour
endiguer la crise.
Les dirigeants des principales institutions
financières ne cessent de mettre en garde les
élus contre tout excès d’optimisme face à
l’évolution de la situation.
Le président du Fonds monét a i re i nternat
iona l ( FMI ) , Dominique Strauss-Kahn, a ainsi
prévenu récemment qu’il faut demeurer « très
prudent ». « De nombreuses actions doivent
encore être réalisées », a-t-il déclaré, en
relevant que la situation des pays émergents
était « très préoccupante ».
Même son de cloche de la part du président de la
Banque mondiale, Robert Zoellick, qui a révisé à
la baisse ses prévisions pour l’économie
mondiale en 2009. Il prévoit désormais un recul
du PIB de 3% plutôt que de 1,75%.
À
l’instar de son homologue du FMI, M. Zoellick
insiste sur l’impact de la crise sur les pays
pauvres et presse les membres du G8 de faire «
beaucoup plus » dans les mois qui viennent pour
les aider à se tirer d’affaire.
Des vies en jeu
Les besoins sont c ria nts, confirme en entrevue
le directeur exécutif d’Oxfam Canada, Robert
Fox. « On ne parle pas ici de gens qui sont
contraints de réduire leurs dépenses de loisirs
ou de réduire leurs vacances, mais bien de gens
qui jouent leur vie », indique M. Fox, qui
s’inquiète de l’explosion du nombre de personnes
qui souffrent de malnutrition, aujourd’hui
supérieur à un milliard dans le monde.
Cette évolutiondécoule enpartie des prix des
denrées alimentaires de base, qui demeurent
sensiblement plus élevés qu’à la normale malgré
un recul marqué après la flambée de l’année
dernière.
Lors d’un sommet d’urgence, les représentants
d’une quarantaine de pays s’étaient engagés à
injecter 22 milliards de plus pour endiguer la
crise alimentaire. Seulement 10% de cette somme
se sont concrétisés jusqu’à maintenant, déplore
M. Fox, qui s’inquiète de voir des pays riches
réduire leur budget d’aide.
Lors du sommet de Gleneagles, en 2005, les
membres du G8 avaient promis de doubler l’aide
au développement d’ici à 2010 et de faire
augmenter l’aide totale à 0,7% de leur PIB d’ici
2015. Certains pays, comme la France et
l’Italie, ne suivent pas le rythme prévu même si
les ministres des Finances du G8 ont réitéré, il
y a quelques semaines, leur volonté de respecter
ces engagements.
Ils ont aussi promis de rehausser sensiblement
le budget du FMI, qui doit passer de 250 à 1000
milliards d’ici à la fin de l’année.
Caserne indestructible
Le président des États-Unis, Barack Obama, a
déclaré vendredi dernier, en prévision du G8,
qu’il souhaitait convaincre ses homologues de
faire plus pour venir en aide aux pays les plus
défavorisés, notamment en encourageant un
renforcement de leur capacité de production agr
icole. Selon le Financ ial Times, un plan
spécial de plus de 10 mi l l ia rds de dol la rs
devrait être annoncé à cette fin dans le
communiqué final de vendredi.
Les dirigeants du G8, qui se réuniront dans une
caserne militaire réputée indestructible de
L’Aquila, doivent aussi débattre du
réchauffement climatique, de la crise en Iran et
de régulation financière... s’ils ne sont pas
perturbés dans leurs échanges par de nouvelles
répliques sismiques. Un plan d’urgence a été mis
sur pied pour évacuer rapidement les chefs
d’État advenant une secousse supérieure à 4 sur
l’échelle de Richter.
Plusieurs délégations ont réservé des chambres
d’hôtel à Rome en vue d’un possible transfert de
dernière minute. « Les conseillers politiques
ont passé plus de temps à discuter de l’endroit
où se tiendront les discussions que des enjeux
euxmêmes », ironise un lobbyiste.
RIVALITÉ COMMERCIALE La Chine suscite la
méfiance américaine - Hugo Fontaine
LA CHINE SUSCITE LA MÉFIANCE AMÉRICAINE
La
rivalité commerciale entre la Chine et les
États-Unis s’est enrichie de deux nouveaux
chapitres cette semaine, comme un rappel que la
relation entre les deux grandes puissances
économiques évolue encore entre mésententes et
bénéfices.
« Il y a des difficultés assez manifestes dans les
relations commerciales entre les deux pays »,
observe Pierre Martin, professeur de science
politique et directeur de la chaire d’études
politiques et économiques américaines de l’
Université de Montréal.
Mais en même temps, la Chine a besoin du marché
américain. Et les États-Unis bénéficient de
produits chinois à bon marché, à un tel point
que certains soutiennent que cela a permis de
mieux contrôler l’inflation américaine.
« De temps en temps, la relation entre les deux
pays présente de belles occasions d’affaires,
explique le politologue spécialiste de la Chine,
Loïc Tassé. Mais de temps en temps, elle est
source de rivalités très profondes. »
Ces
rivalités ont refait surface cette semaine.
Hier, la Banque populaire de Chine a réitéré son
souhait de voir apparaître une nouvelle devise
internationale qui remplacerait le dollar
américain en tant que monnaie par excellence des
réserves des pays. Un tel changement causerait
une forte dépréciation du dollar américain, qui
constituait à la fin de 2008 environ 64 % des
réserves des banques centrales.
« Les Chinois veulent remplacer les États-Unis
comme première puissance mondiale, dit Loïc
Tassé. Et un des enjeux est de détrôner le
dollar américain. À long terme, la Chine
aimerait que le yuan devienne la nouvelle
référence, et elle a déjà conclu des ententes
avec d’autres pays pour faire des échanges en
monnaie locale. »
Mais la menace d’une nouvelle monnaie sonne c
reux, estime Pierre Martin. « Cela porterait un
dur coup au dollar américain, mais ça coûterait
très cher à la Chine, qui détient beaucoup de
dolla r s a méricains. Ce n’est pas dans leur
intérêt. »
Attaque à l’OMC
Plus tôt cette semaine, les États-Unis ont
déposé une nouvelle plainte contre la Chine à
l’Organisation mondiale du commerce (OMC) – les
ÉtatsUnis ont été i mpliqués dans toutes les
plaintes portées contre la Chine depuis son
entrée à l’OMC en 2001.
Washington accuse Pékin de restreindre les
exportations chinoises de matières premières
stratégiques. Cela permettrait aux entreprises
chinoises de mettre la main sur des ressources à
des prix inférieurs aux prix du marché
international.
« Nous sommes extrêmement inquiets devant ce qui
semble être une politique consciente qui crée
des préférences injustes en faveur de
l’industrie chinoise », a déclaré le
représentant américain au Commerce, Ron Kirk.
L’Union européenne a aussi déposé un recours à l
’ OMC pour ces mêmes restrictions, qui prennent
la forme de quotas, de droits ou de prix
minimums à l ’exportation sur certaines matières
premières comme le zinc, la bauxite, le
magnésium ou le manganèse.
« Les restrictions chinoises sur les matières
premières sont une distorsion à la concurrence
et augmentent les prix mondiaux », a déploré la
commissaire européenne au Commerce, Catherine
Ashton.
L e ministère c h i nois du Commerce a rétorqué
que la nécessité de protéger l ’environnement
expliquait les rest r ic t ions à l ’exportation
des ressources naturelles, et que ces
restrictions étaient conformes aux règles de
l’OMC. Pékin a aussi accéléré l’action lancée à
l’OMC contre la loi américaine qui limite les
importations de poulets chinois cuisinés,
rapporte le j ournal économique français La
Tribune.
La question des ressources naturelles est
critique dans les relations sino-américaines.
Pour les Chinois, il est important de sécuriser
les prix et l’accès aux ressources pour le
marché intérieur, note Loïc Tassé.
La Chine accumule aussi des réserves de
ressources, notamment du pétrole, pour
stabiliser les prix sur son marché intérieur, ce
qui ne plaît pas aux pays occidentaux.
Parallèlement, le poids économique de la Chine
devient une source de concurrence pour les
États-Unis. « La Chine est considérée comme
l’adversaire potentiel à long terme auquel il
faut porter attention », note Pierre Martin.
La Chine peut compter sur un fonds souverain
d’au moins 200 milliards de dollars, des
réserves de devises de 2000 milliards, et un
secteur de l’innovation en plein boom. « Les
Occidentaux n’aiment pas que la Chine ait les
moyens de jouer dans la cour des grands », dit
M. Tassé.
L’Afrique veut prendre sa place dans
l’économie mondiale - Philippe Mercure
« Dans 40 ans, vous n’allez pas vendre aux
Chinois, vous n’allez pas vendre aux Indiens.
Le nouveau marché, c’est nous. Le plus jeune
marché du globe, c’est nous. Le marché où il y
a tout à faire, c’est nous. »
PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE
« Dans 40 ans, un
homme sur quatre sera africain, a dit Alpha
Oumar Konaré. Notre Afrique, il faut le
dire, est une puissance démographique. »
Non, ce n’est pas le président de l’Indonésie
qui parle. Ni celui du Brésil, du Mexique ou
de la Turquie – tous des pays sur lesquels
parient les analystes pour devenir « la
nouvelle Chine ».
Ces mots ont été martelés avec une passion
hors du commun hier devant un parterre
montréalais par Alpha Oumar Konaré, ancien
président du Mali et de la Commission de
l’Union africaine.
Et le marché dont il parle, c’est l’Afrique –
ce continent négligé qui, sauf pour ses
ressources naturelles, passe encore largement
sous le radar des investisseurs.
Si M. Konaré parle de l’Afrique plutôt que de
son pays, le Mali, ou même de l’Afrique de
l’Ouest (une région dont il a présidé
plusieurs institutions), « ce n’est pas un
effet de style », a averti l’ancien politicien
invité dans le cadre du forum Africa 2009.
M. Konaré a fondé au début de l’année le
Mouvement pour les États-Unis d’Afrique. Son
rêve: créer un état fédéral africain qui
regrouperait tous les pays du continent, les
nations arabes comme celles de l’Afrique
noire.
« Il faut que l’Afrique soit intégrée à
l’économie mondiale. Nous savons que nous
avons besoin des autres, et que les autres ont
besoin de nous », a-t-il d’abord établi.
Mais cela se fera à une condition.
« L’Afrique doit être unie. L’Afrique, avant
d’être intégrée au reste du monde, doit être
ellemême davantage intégrée. »
Pourquoi? À cause de la force de frappe
qu’elle aurait si ses 53 pays se mettaient
ensemble, a répondu en essence M. Konaré.
Prendre l’Afrique comme un tout, a plaidé
celui qui a dirigé le Mali pendant 10 ans,
c’est regarder un territoire 3,5 fois plus
vaste que les États-Unis et 6 fois gros comme
l’Union européenne. Un territoire où vivront
au moins 1,8 milliard d’êtres humains d’ici 40
ans.
« Dans 40 ans, un homme sur quatre sera
africain, a dit M. Konaré. Notre Afrique, il
faut le dire, est une puissance démographique.
C’est ça, la force. Et la richesse, nous
l’avons », a dit M. Konaré, rappelant que son
continent renferme une large part des
ressources minières de la planète et aurait
tout pour s’imposer comme une puissance
agricole.
Pourquoi un tel potentiel est-il aujourd’hui
sous-exploité? M. Konaré a indiqué le passé
colonial, les subventions versées par les pays
riches qui atteignent « 16 fois l’aide au
développement », les privatisations qui ont
affaibli les États, le « néolibéralisme où les
dimensions sociales ne sont pas présentes ».
Mais les problèmes qui accablent actuellement
l’Afrique « ne sont pas une fatalité », a dit
M. Konaré. Et une Afrique unie augmenterait à
la fois son poids politique... et son poids
économique.
Le « néocolonialisme chinois »
inquiète l’Afrique - Emmanuel Goujon
ADDIS ABEBA — La percée de la Chine en Afrique
au cours des dernières années, d’abord
accueillie avec enthousiasme, commence à
susciter des inquiétudes, certains experts
n’hésitant pas évoquer le risque d’un «
néocolonialisme à la chinoise ».
« I l ne faudrait pas que l’Afrique sorte d’un
néocolonialisme pour aller tomber pieds et
poings liés dans le néocolonialisme chinois » ,
lance René N’Guetta Kouassi, directeur du
département des Affaires économiques de l’Union
africaine ( UA).
Ce discours contraste avec l’enthousiasme qui
avait présidé au premier Forum ChineAfrique
(FOCAC) à Pékin en 2000, beaucoup de dirigeants
africains voyant dans l’émergence de l’aide
chinoise non liée une manière de diversifier
leurs financements, face à des pays occidentaux
de moins en moins tolérants quant à la
corruption et au déficit démocratique.
Principales critiques africaines : le manque de
transferts de technologie en faveur de
l’Afrique, la mauvaise qualité des produits
chinois et surtout le déséquilibre des échanges,
l’essentiel des importations africaines de la
Chine étant le pétrole.
Dans un rapport publié en septembre, l’Institut
sud-africain des affaires internationales
(SAIIA) note que « la part de l’Afrique dans les
échanges chinois reste relativement minime (4%
en 2008 contre 2% en 2002) », mais que le
commerce bilatéral a été « quasiment multiplié
par neuf, passant de 12,3 milliards de dollars
en 2002 à 107 milliards en 2008 ».
« Les industries extractives comptent pour 87%
du total des importations en 2007, dont 83% de
pétrole. L’Afrique est désormais le deuxième
fournisseur de pétrole (26 % en 2007) de la
Chine », précise le document.
Seuls les pays africains producteurs de pétrole
bénéficient de la montée en puissance chinoise.
« L’Afrique de l’Ouest a enregistré constamment
un déficit commercial avec l a Chine, de l
’ordre de 80 % », rappelle l’économiste béninois
Guillaume Moumouni.
Peu de bénéfices locaux
À propos des nombreux chantiers chinois en
Afrique, « l’argent investi ne profite pas aux
économies locales, il ne circule pas », déplore
le chercheur sud-africain Tsidiso Disenyana.
« La Chine amène ses propres ingénieurs et
ouvriers, des clauses devraient assurer un
certain niveau de transfert de technologie, de
formation pour les employés locaux »,
lance-t-il.
Rappelant que la Chine a rempli la plupart de
ses engagements du premier FOCAC – a nnulation
de l a dette, doublement de l’aide directe à
l’Afrique, exemptions douanières –, l’a
mbassadeur de Chine auprès de l’ UA, Gu Xiaojie,
met en avant des arguments séduisants.
« Nous respectons la souveraineté des pays
africains à choisir leur mode de développement
et nous n’intervenons jamais dans les affaires
intérieures, pas plus que nous ne lions
politiquement l’aide aux gouvernements. Nous
tentons de combiner les avantages mutuels »,
affirme-t-il.
Certains experts reprochent aussi à l’Afrique de
ne pas bien se défendre. « Que la Chine aille là
où se trouvent les ressources dont elle a
besoin, c’est normal. Mais on remarque un
enthousiasme un peu béat face à la soif de la
Chine en matières premières, oubliant que ces
ressources ne sont pas i népuisables, estime M.
Moumouni. Nous, les Africains, devons sortir de
ce type de rêverie d’une puissance, toute
bénévole, qui vient pour nos beaux yeux ou parce
que nous nous prévalons de notre pauvreté. »
« Aujourd’hui on parle de la Chine, mais demain,
ce sera l’Inde ou encore le Brésil qui mènent
beaucoup d’offensives en Afrique selon le même
schéma », conclut-il.
« C’est pourquoi nous sommes en train, à l’UA,
d’accélérer le processus d’intégration qui
permettra à l’Afrique de tenir un même langage
», répond M. Kouassi, notant que l’UA vise à «
faire en sorte que les pays d’Afrique soient
unis et solidaires dans les relations
internationales afin de renforcer le pouvoir de
négociation du continent à l’égard de n’importe
quel partenaire ».
Viser le Moyen-Orient pour la reprise
- Maxime Bergeron
Les PME québécoises devraient profiter de la
crise économique pour s’installer aux Émirats
arabes unis afin d’être aux premières loges
quand la croissance reviendra, d’ici un an ou
deux.
PHOTO KAMRAN JEBREILI, AFP
Il faut voir Dubaï comme
un tremplin vers les autres pays du
Moyen-Orient, et non comme une fin en soi,
estime la nouvelle présidente du Conseil des
entreprises canadiennes aux Émirats arabes
unis, Marie-Josée Primeau.
C’est le message qu’a lancé la nouvelle
présidente du Conseil des entreprises
canadiennes aux Émirats arabes unis, Marie-Josée
Primeau, en entrevue téléphonique avec La Presse
Affaires. « Ce que je suggère aux gens, c’est de
commencer à semer des graines. C’est un marché
qui est long à développer. »
L’émirat de Dubaï, où vit depuis trois ans Mme
Primeau, a été frappé de plein fouet par la
crise. Plusieurs projets immobiliers
pharaoniques ont été suspendus ou annulés au
cours de la dernière année, jetant une douche
froide sur l’industrie de la construction. Les
prix de l’immobilier ont d’ailleurs reculé de
48% au deuxième trimestre, selon les données de
l’agence de courtage Colliers International.
En tout, quelque 300 milliards de dollars de
projets ont été mis sur la glace, d’après les
estimations de l’AFP. Malgré cette avalanche de
mauvaises nouvelles, Marie-Josée Primeau, qui a
travaillé à titre de gestionnaire chez Canon et
Telus, insiste qu’il y a de la place pour les
PME québécoises dans l’émirat. Et de l’avenir.
« Quand la relance va arriver, que ce soit à la
fin de 2010 ou au début de 2011, ceux qui seront
restés et auront survécu à cette crise-là vont
pouvoir surfer sur la vague et aller décrocher
toutes les autres transactions », croit-elle.
Selon la femme d’affaires, qui se qualifie
elle-même de « visionnaire », les perspectives
apparaissent favorables dans cinq principaux
secteurs d’activité pour les PME:
l’agroalimentaire, la construction, la santé,
les technologies de l’information et les
hydrocarbures.
Il faut voir Dubaï comme un tremplin vers les
autres pays du Moyen-Orient, et non comme une
fin en soi, ajoute-t-elle. L’émirat voisin d’Abu
Dhabi – qui accueillera son premier Grand Prix
de Formule 1 à la fin du mois –, le Qatar et
l’Arabie Saoudite ont un potentiel énorme,
souligne-t-elle.
Écrémage
Marie-Josée Primeau, qui mène en parallèle une
carrière d’artiste-peintre en plus de diriger
une PME spécialisée dans le traitement des eaux
usées, estime que la crise de la dernière année
aura eu le mérite d’écarter les entrepreneurs
qui n’étaient « pas de qualité ».
« Le monde des affaires a été touché, beaucoup
de gens ont quitté Dubaï, relate-t-elle. Mais je
trouve que c’est une correction qui est très
saine. Beaucoup de gens atterrissaient à Dubaï
et pensaient qu’un sac de pépites d’or les
attendrait à la douane. Ce n’est pas le cas. Ce
n’est pas facile et ça prend du temps. »
Le Conseil des entreprises canadiennes aux
Émirats arabes unis a été fondé en 1993 et
regroupe environ 400 entreprises canadiennes
installées aux Émirats arabes unis, dont
Bombardier, SNC-Lavalin, CAE et Cansult.
PREMIER SOMMETDU BRIC Mise en garde
contre la domination du dollar américain
—
Les quatre grands pays émergents du BRIC ( Brésil,
Russie, Inde, Chine), qui ambitionnent de gagner
en influence sur la scène mondiale, ont mis en
garde hier contre la domination du dollar
américain, lors de leur premier sommet.
« Nous pensons qu’ i l est vraiment nécessaire
d’avoir un système de devises stable, prévisible
et plus diversifié », ont déclaré les dirigeants
des quatre pays, réunis à Ekaterinbourg. en
Russie, sur fond de critiques récurrentes sur le
rôle du dollar américain comme monnaie de réserve
mondiale.
« Le rouble et le yuan méritent d’être inclus »
dans le panier de devises de référence du Fonds
monétaire international ( FMI), a ajouté le
principal conseiller économique du Kremlin, Arkadi
Dvorkovitch.
Le président russe, Dmitri Medvedev, qui a
qualifié ce sommet d’« événement historique », a
souligné qu’il devait « créer les conditions pour
un ordre mondial plus juste ».
La rencontre réunissait les présidents russe,
chinois Hu Jintao, brésilien Luiz Inacio Lula da
Silva et le premier ministre indien Manmohan.
Les quatre dirigeants ont aussi appelé à «
réformer » le système financier international,
afin de donner une plus grande place aux pays
émergents.
« Les économies émergentes et en développement
doivent être mieux entendues et mieux représentées
dans les institutions financières internationales
», ontils souligné dans leur communiqué final.
Le BRIC, porté par une forte croissance des quatre
économies nationales ces dernières années, entend
s’imposer comme un forum clé sur la scène
mondiale.
« Un bébé vient de naître et, pour l’instant, il
est encore dans son berceau », a concédé le
viceministre russe des Affaires étrangères,
Sergueï Riabkov.
Mais
« le groupe du BRIC sera capable de formuler
certains principes pour le développement à venir
de l’architecture financière mondiale », a-t-il
ajouté.
Selon Elena Charipova, analyste à la banque
Renaissance Capital à Moscou, la «
transformation de ce groupe en une vraie
structure internationale va prendre beaucoup de
temps mais le BRIC apparaît clairement comme un
nouveau centre de pouvoir ».
Il est toutefois « difficile d’imaginer » une
refonte sérieuse du système financier
international dans un avenir prévisible,
a-t-elle ajouté.
La Russie, qui milite notamment pour une
diversification des outils financiers
internationaux, a aussi appelé ses partenaires à
investir dans les obligations émises par chacun
des pays du BRIC.
« Nous pourrions placer une partie de nos
réserves non seulement dans des bons du Trésor
américains et européens, mais aussi (...) dans
des instruments financiers émis par nos
partenaires », a dit Arkadi Dvorkovitch.
« Personne ne veut démolir le dollar », ni
provoquer « l’instabilité sur les marchés
financiers », a-t-il toutefois assuré.
Au sommet de l’Organisation de coopération de
Shanghai (OCS, Chine, Russie et quatre pays
d’Asie centrale) organisé plus tôt dans la
journée, M. Medvedev avait déjà estimé que les
monnaies de réserve actuelles, dont le dollar,
n’avaient « pas rempli leurs fonctions ».
La Chine, la Russie et le Brésil comptent aussi
acheter les toutes premières obligations que le
Fonds monétaire international ( FMI) va émettre,
pour plusieurs dizaines de milliards de dollars.
Pékin a par ailleurs annoncé un crédit de 10
milliards US pour les pays de l’OCS, afin de
faire face aux conséquences de la crise.
Le prochain sommet du BRIC aura lieu en 2010 au
Brésil.
Premier sommet historique pour le
BRIC
BRÉSIL, RUSSIE, INDE ET CHINE
— Les pays du BRIC ( Brésil, Russie, Inde et
Chine), qui tiennent leur premier sommet demain,
veulent afficher leur volonté d’agir à l’unisson
face à la crise et se tailler une place plus
importante sur la scène politique mondiale.
Les dirigeants des quatre principales économies
émergentes du monde sont attendus à
Ekaterinbourg, dans l’Oural, pour leur premier
sommet formel, dont l’objectif est de formuler
des propositions afin de faire face à la crise
économique mondiale.
Ce sommet sera aussi l’occasion de voir si le
BRIC a un futur en tant qu’entité
internationale.
« La Russie pense que ce format est prometteur,
aussi bien sur le plan économique que politique
», relève la porte-parole du président russe
Dmitri Medvedev, Natalia Timakova.
« Il est trop tôt pour faire des prédictions, il
faut d’abord voir comme cette première réunion
va se passer », ajoute-t-elle toutefois, se
refusant à tout pronostic sur les implications à
long terme du sommet.
Lors de cette rencontre, M. Medvedev, le
président chinois Hu Jintao, le Brésilien Luis
Inacio Lula da Silva et l’Indien Manmohan Singh
doivent adopter une déclaration appelant à un
monde multipolaire, a précisé le porte-parole du
ministère russe des Affaires étrangères, Andreï
Nesterenko.
Moscou refuse toutefois d’y voir une prise de
position en forme de camouflet au président
américain Barack Obama. « Ce n’est un reproche
pour personne », a déclaré M. Nesterenko.
Selon les analystes, ces quatre pays montrent
une volonté croissante de coordonner leurs
efforts pour contrer la domination des
États-Unis sur la scène mondiale et y jouer un
rôle plus important.
Trois de ces États ont annoncé leur intérêt pour
les toutes premières obligations que le Fonds
monétaire international ( FMI) va émettre: la
Chine souhaite en acquérir jusqu’à 50 milliards
US, tandis que la Russie et le Brésil veulent
acheter chacun 10 milliards US d’obligations.
Moscou
et Pékin, qui critiquent de plus en plus le
système monétaire international dominé par le
dollar américain, appellent à réformer les
institutions financières internationales et à
fixer une nouvelle monnaie de réserve mondiale
pour éviter qu’une nouvelle crise ne survienne.
Signification politique
Pour Rory MacFarquhar, économiste à la banque
américaine Goldman Sachs, le sommet aura
toutefois une signification politique, plus
qu’économique.
« Il existe un intérêt considérable – on peut
dire de tous les pays (du BRIC), mais de la
Russie en particulier – à créer une alternative
» aux organisations internationales déjà
existantes, a-t-il estimé, interrogé par l’AFP.
Vladimir Osakovski, responsable de la stratégie
pour la banque italienne UniCredit à Moscou, est
du même avis. L’idée d’une nouvelle monnaie de
réserve est plus un moyen de faire du bruit sur
le plan politique qu’un réel « premier pas vers
la création d’un nouvel outil de politique
économique mondiale », a-t-il relevé.
D’autant que cette perspective mettrait des
années à être réalisée, soulignent les
analystes.
Le sommet du BRIC se tiendra au lendemain d’une
réunion de l’Organisation de coopération de
Shanghaï (OCS – Russie, Chine, Ka zakhs t an,
Ouzbéki s t an, Tadjikistan et Kirghizstan),
également à Ekaterinbourg.
L’Inde, le Pakistan, la Mongolie et l’Iran, avec
son président fraîchement réélu Mahmoud
Ahmadinejad, seront présents en qualité
d’observateurs.
Le président afghan Hamid Karzai est aussi
attendu, a indiqué M. Nesterenko, qui a ajouté
que le Sri Lanka et le Bélarus rejoindraient
l’OCS en tant que « partenaires de dialogue ».
G2 OU G20?
L’idée d’un « G2 » composé de la Chine et des
États-Unis, qui remplacerait le G8 et le G20, a de
nouveau été soulevée à la Conférence de Montréal.
C’est Robert Zoellick, le président américain de la
Banque mondiale, qui a avancé cette idée honnie par
les Européens. L’historien à succès britannique
Niall Ferguson a lancé l’idée d’un G2 « Chiméricain
» cet hiver, avant la réunion du G20 sur la crise
économique. Les médias chinois ont au départ
approuvé l’idée que le G20 soit d’abord et avant
tout une rencontre entre Barack Obama et le
président chinois Hu Jintao, avant de changer leur
fusil d’épaule et de renier l’idée d’un G2, selon
l’hebdomadaire britannique The Economist. Hier,
Madeleine Albright s’est pour sa part prononcée en
faveur de l’élargissement du G20 plutôt que de sa
réduction à un G2. Ironiquement, jusqu’à tout
récemment, le G2 qu’évoquaient les politologues
regroupait plutôt les États-Unis et une direction
centrale de l’Union européenne.
Le déclin du dollar américain - JEAN-PASCAL
BEAUPRÉ
Le
baril de pétrole se négociait à 423 yuans chinois
hier. Vous en perdez votre mandarin? Pas grave,
vous avez encore quelques années pour vous y
faire. Mais selon ce que prévoient certains
experts, le jour où le dollar américain se fera
détrôner comme monnaie de réserve internationale
pourrait survenir plus vite qu’on le pense.
Pourquoi en faire tout un plat? Les bénéfices
rattachés au statut de première monnaie mondiale
ne sont pas négligeables. L’hégémonie du dollar
procure, entre autres, au gouvernement américain,
et à ses consommateurs, les taux d’emprunt les
plus bas sur le marché international.
Avant la crise économique qui a déboulonné les
colonnes de l’empire américain, juste soulever
cette hypothèse aurait relevé de l’hérésie. Mais
depuis quelques semaines, des puissances
commerciales, dont la Chine et la Russie, ont
égratigné l’ego de l’oncle Sam en remettant
ouvertement en question le statut privilégié du
dollar américain. D’ici 10 ou 15 ans, le renminbi
– autre nom donné au yuan – pourrait le pousser en
bas de son piédestal.
Les astres semblent s’aligner en ce sens. Les
États-Unis sont de plus en plus endettés alors que
la Chine, leur principal banquier, peut compter
sur des réserves monétaires phénoménales. Leurs
déficits abyssaux pourraient même coûter aux
ÉtatsUnis sa cote AAA. D’ici un quart de siècle,
la Chine ajoutera vraisemblablement l’insulte à
l’injure en raflant auxAméricains le titre de
première économie mondiale.
Dans une chronique récemment publiée dans le New
York Times, l’économiste Nouriel Roubini, qui
s’est rendu célèbre en prédisant la crise
actuelle, soutient que le renminbi pourrait
dominer le marché monétaire du XXIe siècle, comme
le dollar américain a régné au XXe.
Évidemment, cela n’arrivera pas du jour au
lendemain. Mais des indices laissent croire que le
gouvernement chinois est en train de semer les
graines qui vaudront avant longtemps au yuan de
supplanter le dollar américain comme valeur
refuge.
Premier obstacle à surmonter: Pékin doit lever les
restrictions entourant la libre circulation du
yuan. Tant que sa devise ne sera pas pleinement
convertible, elle ne peut remplir les critères de
liquidité inhérents à unemonnaie de réserve. Mais
la Chine y travaille. Ces derniers mois, question
de promouvoir son yuan tout en contournant le
billet vert, elle a multiplié les accords
d’échanges de devises avec plusieurs pays. Le
Brésil souhaite d’ailleurs ne plus
échangerendollars US avec la Chine, devenue son
principal partenaire commercial.
De plus, le taux de change du yuan devra aussi
devenir flexible, il devra flotter face aux autres
devises.
Ce passage du flambeau aurait éventuellement des
répercussions sur l’économie canadienne. Si les
Américains paient davantage d’intérêts pour
financer leur dette colossale, ils se retrouveront
avec moins d’argent dans leurs poches. Moins
d’argent, donc, pour consommer des produits
canadiens. Une raison supplémentaire pour le
Canada, qui exporte 75% de sa production aux
États-Unis, de réduire sa dépendance envers son
voisin du Sud.
La suprématie du billet vert tiret-elle vraiment à
sa fin? Ses jours comme monnaie toute-puissante de
la planète financière ne sont pas encore comptés,
mais ses années, peut-être bien que oui.
La Suisse blanchie mais... -
André Lehman
Paradis fiscaux
ZURICH — La Suisse a été officiellement
retirée hier de la liste « grise » des paradis
fiscaux, cinq mois après y avoir été placée
par l’OCDE, mais la Confédération ne respire
pas pour autant, car la pression sur son
secret bancaire se poursuit.
Crise f i nancière, affaire UBS et attaques
tous azimuts contre son secret bancaire : la
Suisse, qui avait jusqu’à présent cultivé son
i mage de havre de stabilité, a été fortement
malmenée ces 12 derniers mois.
Mais l’annonce par l’Organisation de
coopération et de développement économiques
(OCDE) que la Confédération figure désormais
sur la liste « blanche » des pays considérés
comme vertueux en terme de coopération fiscale
a provoqué un soulagement dans cette place
financière largement dépendante d’une
clientèle internationale fortunée.
« Une place f i nancière a besoin de la
confiance de sa clientèle, mais cette
confiance a été malmenée par l’affaire UBS aux
États-Unis, ce qui a provoqué l’incertitude
des clients étrangers » , estime Peter Viktor
Kunz, professeur de droit économique à
l’Université de Berne.
« Les clients à l’étranger ont appris que la
Suisse avait d’abord été placée sur une liste
noire, puis grise. Cela a remis en question la
réputation » des banques helvétiques, a
expliqué à l’AFP M. Kunz.
Mais
la résolution de l’affaire UBS, qui a échappé
à un procès aux États-Unis en livrant l es
noms de 4 4 50 cl i ents soupçonnés d’avoir
fraudé le fisc américain, et la décision de
l’OCDE vont « calmer les clients et rétablir
l’afflux de nouveaux capitaux », prédit-il.
Si la Suisse, qui gère quelque 2000 milliards
de francs suisses d’avoirs étrangers, a fait
d’importantes concessions sur son secret
bancaire, en se conformant aux standards de
l’OCDE et en signant 12 accords d’échange d’ i
nfor mation f i s c a l e, la Confédération
continue de marteler que son secret bancaire
est intact.
« La protection de la sphère privée des
clients suisses et étrangers des banques
contre les interventions injustifiées de l ’
État r este assurée » , affirme le ministère
helvétique des Finances.
Même son de cloche du côté des établissements
financiers. Le directeur de la banque privée
de Credit Suisse, Walter Berchtold, a
récemment affirmé que « la protection du
client demeure (sa) priorité principale ».
« Le secret bancaire demeure en place »,
a-t-il affirmé dans un entretien dans la
presse.
La fin du secret bancaire suisse
WASHINGTON — L’a c c ord entre les États-Unis
et UBS, qui permet aux autorités de Washington
d’accéder aux données de 4450 Américains c l i
e nt s de c e t t e ba nque suisse, est « sans
précédent » et marque une « étape capitale »
contre l’évasion fiscale, a indiqué hier le
fisc américain ( IRS).
« Grâce au gouvernement suisse », les
États-Unis sont parvenus à un « accord sans
précédent » qui marque « une étape capitale
dans les efforts de l’IRS pour lever le voile
du secret bancaire », a déclaré à la presse
Douglas Shulman, commissaire de l’IRS.
Cet accord « envoie un message : l’ I RS
poursuit et poursuivra sans relâche à travers
le monde » ceux qui se soustraient au fisc, «
peu importe l’institution » bancaire qui les
abrite, a ajouté M. Shulman, qui s’exprimait
lors d’une conférence téléphonique.
Il faisait là allusion notamment à l a r é
putation de discrétion des banques
helvétiques. À un j ournaliste qui lui
demandait si le secret bancaire existait
encore en Suisse, le responsable américain a
répondu en substance que c’était à UBS de
répondre à cette question.
Selon les termes de l’accord signé hier à
Washington, UBS doit fournir au fisc américain
les noms de 4450 de ses clients soupçonnés
d’évasion fiscale.
Cet accord met fin à la procédure engagée en
février par le ministère de la Justice
américain pour obtenir l’identité de 52 000
Américains titulaires de comptes chez UBS en
Suisse.
Revenant sur le chiffre de 52 000 comptes, M.
Shulman a i ndiqué qu’i l s’agissait d’une
estimation faite par UBS du nombre
d’Américains ayant des comptes en Suisse, mais
que tous n’étaient pas des fraudeurs.
« Nous n’avons jamais eu l ’ i ntention de
poursuivre 52 0 0 0 personnes, ç a n’a j a
mais été un c hif f r e de l’ I RS », a-t-il
ajouté, affirmant que l’ État américain avait
lancé cette procédure pour obtenir les i
nformations qu’il cherchait « à un moment où
la position du gouvernement suisse était que
les États-Unis ne pourraient avoir accès à
aucun de ces comptes ».
M. Shulman a indiqué que les personnes dont
l’identité était sur le point d’être r évélée
pouvaient encore se rendre d’elles-mêmes au
fisc d’ici le 23 septembre, mais qu’après cela
il serait trop tard.
Des responsables du fisc américain ont indiqué
que ceux qui souhaitent part i c i per à ce «
programme volontaire de divulgation des faits
» éviteraient ainsi des poursuites pénales et
obtiendraient une minoration de l’amende.
Se fél i c i t a nt que l ’ I RS a i t obtenu
ce qu’ i l voul a i t depuis l e début de son
enquête sur UBS, M. Shulman a prévenu que ce
n’était là « qu’un début et que l a lutte
contre l ’évasion fiscale restait une des pr i
or i t é s premières » de ses services.
Selon un communiqué de l’ I RS, l’accord
fournit au fisc américain « un niveau d’infor
mation sa ns précédent sur les ressortissants
américains titulaires de comptes » chez UBS.
M. Shulman a i ndiqué qu’au total, grâce à la
coopération d’UBS et à ses propres sources, le
fisc avait identifié « plus de 5000 »
contribuables a méricains suspects, clients
d’UBS.
Il a ajouté que selon une esti mation de l a
banque, le montant total des actifs détenus s
u r l e s c omptes suisses des 4450 personnes
livrées au fisc a pu atteindre à certains
moments plus de 18 milliards US.
Les spécialistes craignent la
fin du secret bancaire - Alexandra
Troubnikoff
GENÈVE — L’accord mettant fin au litige
d’UBS aux ÉtatsUnis ouvre la voie à
d’autres enquêtes contre les banques
helvétiques qui pourraient finir
d’entacher leur réputation tout en
écornant un peu plus le secret bancaire,
estiment les spécialistes.
« Le désastre d’ UBS est une catastrophe
pour la place f i nancière suisse (. . . )
car tout le monde va s’engouffrer dans la
brèche », assène le directeur de la banque
privée Edmond de Rothschild à Genève,
Patrick Segal.
Et en premier l ieu, les États-Unis
eux-mêmes, qui pourraient lancer de nouvel
l es enquêtes. Berne a ainsi promis à
Washington « d’étudier et de donner suite
à des demandes additionnelles
d’informations concernant d’autres banques
».
Les deux pays sont arrivés mercredi à un
accord selon lequel la banque échappe à un
procès aux États-Unis contre la livraison
des identités de 4450 titulaires de
comptes américains, soupçonnés d’avoir f
raudé leur fisc.
Après l’enthousiasme du gouver nement e t
d ’ U BS mercredi soir, l’accord a reçu un
accueil plus que mitigé en Suisse, où l’on
se félicite surtout de la fin des
poursuites judiciaires contre la banque.
Mais sur le fond, la place financière
redoute un marché de dupes dans lequel les
clients ont payé le prix fort, ce qui ne
sera pas sans conséquence pour son image.
« Jamais auparavant une banque helvétique
n’avait été contrainte par le droit ou les
pressions politiques de mettre sur le
billot la tête de milliers de clients »,
s’est ainsi insurgé le quotidien 24
heures.
Après UBS, les principales institutions
suisses seraient déjà en ligne de mire, à
savoir Crédit suisse, Julius Baer ou
l’Union bancaire privée (UBP).
Une
enquête « ne veut pas dire pour autant que
les autres banques suisses se soient mal
comportées » sur le sol américain, faisant
comme UBS du démarchage auprès de riches
citoyens pour les inciter à frauder leur
fisc, tempère le porteparole de
l’Association suisse des banquiers, James
Nason.
Pour le premier secrétaire des banquiers
privés, Édouard Cuendet, les États-Unis
seront toutefois bien inspirés de ne pas
aller trop loin, car « s’ils c ommencent à
t i r er t ous azimuts contre les banques
suisses ou étrangères », ces dernières
pourraient réagir en réduisant leur
activités dans le pays.
Il n’empêche. De nouvelles divulgations de
noms enverraient un signe que le secret
bancaire n’est vraiment plus étanche et
pourrait porter atteinte au prestige de la
finance helvétique.
Les conséquences pourraient être lourdes
pour la place qui gérait en 2008, s elon l
es s t at i s t i ques de l a banque
centrale, 4 361 milliards de francs
suisses d’actifs, soit huit fois son
produit intérieur brut, dont près de la
moitié venant de l’étranger.
Pour les analystes, il est un fait que le
secret bancaire en vigueur depuis les
années 30 ne cesse d’être écorné. « La
sphère privée rétrécit au lavage à chaque
incident depuis 3 0 a ns » , e s t i me M.
Segal.
Cette année a été particulièrement
significative à cet égard avec la
divulgation de 250 noms de clients
américains en février par UBS et la
décision en mars de la Suisse de se
conformer aux standards de l’Organisation
de coopération et de dével oppement é c
onomiques (OCDE).
Sous l a pression de la communauté
internationale, la Suisse a accepté
d’abandonner la distinction qu’elle
faisait entre évasion fiscale et fraude
qui était au coeur de son système.
Mais de nombreux défenseurs de la sphère
privée en Suisse s’accrochent, en assurant
que le système existant ne permet pas des
« expéditions à l’aveugle des États
soucieux de mettre au pas leurs
contribuables ».
Certes, mais l’étau se resserre de plus en
plus, reconnaît M. Segal.
Témoignage accablant pour UBS
WASHINGTON — La j ustice américaine, qui
cherche à coincer la banque suisse UBS et les
clients américains de celle-ci qu’elle accuse
d’évasion fiscale, a publié le témoignage d’un
Américain avouant comment UBS l’a aidé à
frauder en montant une structure
internationale complexe.
PHOTO ADRIAN MOSER, ARCHIVES
BLOOMBERG
La cour de district
centrale de Californie a mis en ligne le
témoignage d’un Américain qui a accepté de
plaider coupable d’avoir omis sciemment de
déclarer au fisc de son pays l’argent qu’il
détenait sur ses comptes ouverts chez UBS en
Suisse ou ailleurs.
Ces informations sont contenues dans un
document mis en ligne dimanche sur le site
internet de la cour de district centrale de
Californie à Los Angeles, devant laquelle cet
Américain, John McCarthy, a accepté de plaider
coupable d’avoir omis sciemment de déclarer au
fisc de son pays l’argent qu’il détenait sur
ses comptes ouverts chez UBS en Suisse ou
ailleurs.
Selon s on t émoignage, M. McCarthy avait
ouvert en Suisse chez UBS un compte au nom
d’une société de Hong Kong dont il était le
bénéficiaire et sur lequel il a transféré plus
d’un million de dollars provenant de ses
affaires aux États-Unis, « ce que savait UBS
».
Ce compte, ajoute le document, « avait été
établi avec l’aide d’un avocat suisse qui
avait été conseillé au prévenu par des
représentants d’UBS ».
« D’autres fonds appartenant au prévenu ont
été virés sur d’autres comptes suisses d’UBS à
partir d’un compte contrôlé par le prévenu
dans une banque des îles Caïman », ajoute cet
« exposé des faits » attaché à l’accord par
lequel M. McCarthy accepte de plaider
coupable.
«
Dans la gestion de son compte aux Caïman, le
prévenu a reçu les conseils de représentants
d’UBS qui lui ont indiqué que nombre de leurs
clients américains ne déclarent pas leurs
revenus et les font simplement disparaître »,
ajoute ce texte à charge contre la banque
suisse.
M. McCarthy a également reconnu avoir
rencontré en personne ou communiqué par
téléphone, fax, ou courrier électronique avec
des représentants d’UBS et son avocat suisse
de 2003 jusqu’à 2008 « pour discuter » de ses
comptes « ouverts chez UBS et des fonds qu’ils
renfermaient ».
Le document ajoute que l’avocat suisse de M.
McCarthy a i n f or mé c elu i - c i qu’ i l
créerait pour lui « une fondat i on au L i e c
htenstei n contrôlant une autre structure,
comme une entreprise panaméenne ou
hongkongaise, ce qui établirait une barrière
supplémentaire pour protéger son identité »
La j ust i c e a f f i r me pa r ailleurs qu’«
à plusieurs occasions, l’avocat suisse... a
dissuadé le prévenu de virer les fonds
présents sur ses comptes UBS en Suisse hors du
pays », lui proposant au contraire, en
concertation avec les représentants d’UBS, des
moyens de faire sortir davantage de fonds des
États-Unis au nez et à la barbe des autorités.
L a public a t i on de c e s faits mettant en
cause UBS survient alors que le gouvernement
américain et la banque suisse sont parvenus
mercredi à un accord pour régler un litige
dans lequel Washington a c c use U BS d’avoir
incité ses clients américains à frauder le
fisc.
UBS donnera des noms au fisc
américain
— La première banque suisse, UBS, poursuivie
aux États-Unis pour fraude fiscale, pourrait
échapper à une amende et ne t ransmettre
qu’environ 5000 noms de titulaires de comptes
à la justice américaine, affirme la presse
dominicale helvétique.
Le nombre de 4500 à 5000 noms de titulaires de
comptes ayant fraudé le fisc américain « n’est
pas éloigné de la réalité », a affirmé une
source proche du dossier, citée par le journal
NZZ am Sonntag.
Alors qu’UBS et le fisc américain ont trouvé
vendredi un « accord de principe sur des
points essentiels » du litige, une amende « ne
fait pas partie de l’accord », a affirmé la
même source. Jusqu’à présent, une amende entre
3 et 5 milliards de dollars avait été évoquée
par la presse helvétique.
La j ustice américaine avait initialement
exigé de connaître l’identité de 52 000
clients américains dont les comptes « offshore
» pourraient receler quelque 14,8 milliards de
dollars.
En février, la banque zurichoise s’était déjà
acquittée d’une amende de 780 millions de
dollars (551,7 millions d’euros) et avait
communiqué à la justice américaine environ 250
noms de titulaires de comptes.
La
remise des noms pourrait intervenir d’ici le
23 septembre, poursuit la NZZ, citant des
sources judiciaires. Le fisc américain
pourrait aussi étendre la durée
d’auto-dénonciation des fraudeurs pour
rattraper un maximum de contribuables.
Le fisc américain (IRS, Internal revenue
service) disposerait déjà des noms de 10 000
contribuables repentis. Et rien que la semaine
dernière, 400 nouveaux fraudeurs seraient
venus faire amende honorable, selon le
journal, qui cite un porte-parole de l’IRS.
En t rouvant f i nalement un accord, la Suisse
a réussi à préserver ses intérêts spécifiques,
principalement le secret bancaire.
« Le droit suisse demeure entier, car les
États-Unis se sont engagés à agir selon les
accords existants en faisant de nouveau appel
à l’entraide administrative », la voie
officielle pour obtenir des informations
protégées par le secret bancaire, a affirmé le
responsable de la délégation suisse aux
ÉtatsUnis, Michael Ambühl.
La ministre suisse de la Justice Eveline
Widmer-Schlumpf a cependant averti qu’il
restait peu de temps pour finaliser l’accord.
La lutte contre les paradis
fiscaux s’annonce ardue - Marc
Thibodeau
OCDE
La semaine dernière, les membres du G8 réunis
à L’Aquila, en Italie, ont répété qu’ils « ne
pouvaient pas continuer à tolérer que de
larges sommes de capital soient cachées pour
échapper au fisc ».
— À en croire l’Organisation de coopération et
de développement économiques (OCDE), la lutte
contre les paradis fiscaux progresse à toute
vitesse depuis que les pays membres du G20 ont
décidé de mettre le point sur la table en
avril dernier. Mais les avis sont partagés sur
le sujet.
L e s e c r é t a i r e généra l de l’OCDE,
Angel Gurría, répète à qui veut l’entendre que
les progrès enregistrés dans ce domaine au
cours des derniers mois sont supérieurs à ceux
qui sont survenus « durant les 10 années
précédentes ».
Son enthousiasme s’inspire notamment du grand
nombre d’ententes bilatérales conclues en
matière de coopération bancaire au cours des
derniers mois par des pays longtemps
considérés comme des paradis fiscaux.
Plusieurs États membres de l’OCDE ont aussi
retiré leurs réserves sur un article de la
convention type de l’organisation qui prévoit
l’échange de renseignements bancaires sur la
base de « soupçons nominatifs et documentés »
d’évasion fiscale.
Plus de 90 pays et territoires se sont engagés
à respecter les normes de l ’organisation en
matière de transparence bancaire, même si
moins de la moitié les appliquent aujourd’hui
de manière active.
Les juridictions qui tardent à emboîter le pas
s’exposent à des sanctions à compter de
l’année prochaine. La France et la
Grande-Bretagne évoquent mars 2010 comme
l’échéance ultime. de larges sommes de capital
soient cachées pour échapper au fisc ».
John Christensen, porte-parole du Tax Justice
Network, une ONG qui lutte depuis des années
contre les paradis fiscaux, estime que la
multiplication d’ententes bilatérales
témoigne, plus que toute autre chose, de la
faiblesse des standards de transparence
défendus par l’OCDE.
Selon lui, les pays montrés du doigt cherchent
à atteindre le seuil critique de 12 ententes
requis pour ne plus figurer sur la liste grise
de l’organisation et celle qu’a lancée le fisc
américain contre la banque suisse UBS.
« J’ai des contacts dans le système bancaire
anglais qui me disent que les administrateurs
pissent dans leur froc à l’idée d’être
confrontés au même processus », indique M.
Christensen.
Les autorités américaines, qui bénéficient de
la collaboration d’un ancien employé d’ UBS,
soupçonnent la banque suisse d’avoir aidé des
milliers de clients américains à soustraire au
gouvernement des milliards de dollars de
rentrées fiscales.
La ministre f r a nçaise des Finances,
Christine Lagarde, a prévenu qu’il n’était pas
question de reculer à ce sujet et qu’il ne
servait à rien pour les gouvernements rétifs
de « jouer à l’autruche » en se disant que les
exigences diminueront avec le recul de la
crise.
La semaine dernière, les membres du G8 réunis
à L’Aquila, en Italie, ont répété qu’ils « ne
pouvaient pas continuer à tolérer que échapper
à d’éventuelles sanctions, mais ils ne croient
pas que ces ententes vont radicalement
transformer leurs façons de faire en matière
bancaire.
« L’OCDE doit rapidement faire monter la mise
si elle veut être prise au sérieux », indique
en entrevue M. Christensen.
Selon lui, les juridictions considérées comme
des paradis fiscaux craignent beaucoup plus
des interventions musclées comme
I ls lui demandent par voie judiciaire de
remettre les renseignements relatifs à 50 000
personnes et menacent, dans le cas contraire,
de sanctionner l’établissement et ses
dirigeants. La Suisse a ordonné de son côté à
UBS de ne pas remettre les données sous
prétexte qu’une telle démarche contreviendrait
aux lois sur le secret bancaire, qui
constituent la pierre d’assise du système
financier du pays.
Le porte-parole de l’Office fédéral de la
justice suisse, Folco Galli, confirme en
entrevue que la justice suisse interviendra
pour bloquer UBS si elle décide de donner
suite à la demande américaine, qui fait
actuellement l’objet de négociations à
l’amiable. « Je ne peux pas vous donner de
détails mais nous sommes prêts à agir »,
souligne-t-il.
Andrew Auerbach, conseiller de l’OCDE en
matière de politiques fiscales, espère que ce
type de bras de fer ne se généralisera pas. «
Si vous avez un système efficace d’échange
d’informations bancaires, vous n’avez pas
besoin d’injonctions judiciaires »,
souligne-t-il.
Selon l ui , les normes de transparence
bancaire défendues par l’OCDE sont
contraignantes et constituent une solution «
très équilibrée » pour permettre aux autorités
fiscales de mener leurs enquêtes sans empiéter
abusivement sur la vie privée des
contribuables.
« Les autorités f iscales qui croient avoir de
bonnes raisons de penser qu’un contribuable
est fautif doivent avoir les moyens de
vérifier mais il faut que ce pouvoir soit
balisé » , dit-il.
Washington et Berne demandent un
report
—
Washington et Berne, qui s’affrontent depuis
plusieurs mois sur le secret bancaire, ont demandé
hier le report du procès d’UBS prévu aujourd’hui,
dans l’espoir de négocier un accord alors que le
fisc américain exige de connaître l’identité de
52000 clients de la banque suisse.
Les deux gouvernements se donnent trois semaines
pour négocier. Dans leur demande soumise
conjointement avec UBS, ils réclament que le juge
fédéral de Miami chargé du dossier, Alan Gold,
reporte les audiences aux 3 et 4 août, à moins
qu’un accord n’intervienne d’ici là.
UBS, saluant « l’annonce que les gouvernements
américain et suisse sont d’accord pour négocier
pour régler » ce litige, a précisé que la demande
de report serait formellement présentée au
tribunal ce matin, à l’heure où aurait dû s’ouvrir
le procès.
Ce report in extremis intervient alors que les
deux gouvernements ont durci leurs discours
récemment, UBS se retrouvant pris entre deux
systèmes de droit aux logiques opposées. Mercredi,
le gouvernement suisse avait prévenu que, au cas
où la justice américaine trancherait en faveur du
fisc, il serait prêt à prendre « toutes les
mesures nécessaires », y compris en procédant à la
saisie de données, pour empêcher UBS de donner des
informations sur des clients en violation de la
loi suisse protégeant le secret bancaire – pierre
angulaire de la puissance financière helvétique.
Hier, le ministère américain de la Justice a
rétorqué que le juge devait prendre sa décision
indépendamment des menaces suisses. Il a fait
valoir qu’on ne pouvait pas permettre à un État
étranger d’« accorder librement une immunité à ses
banques ou sociétés, y compris celles ayant
d’importantes opérations aux États-Unis, pour leur
permettre de ne pas se plier à des demandes
valides des forces de l’ordre demandant des
informations ».
La
demande de report de procès est intervenue juste
avant l’expiration d’un délai fixé par le juge
pour que les autorités américaines clarifient si
elles étaient prêtes, en cas de décision
favorable, à saisir ou à placer sous tutelle les
biens d’UBS aux États-Unis. La procédure civile
demande à UBS de révéler l’identité de 52000
clients américains présumés disposer de
comptes secrets, dont les comptes
extraterritoriaux pourraient receler 14,8
milliards de dollars.
Plusieurs juristes spécialistes du secteur
bancaire craignent des répercussions profondes
de cette affaire.
Jacob Frenkel, un ancien procureur américain
spécialisé dans les fraudes, estime qu’une
lourde amende ou une saisie des avoirs d’UBS
décidée par les autorités américaines pourrait «
conduire toutes les institutions financières non
américaines à remettre en question l’opportunité
de poursuivre des activités sur le sol américain
».
UBS avait déjà accepté en février de verser 780
millions de dollars d’amende et de livrer à la
justice les noms de quelques centaines de
clients, poursuivis pour fraude.
Il s’agit cette fois d’une procédure civile lui
demandant de révéler l’identité de 52000 clients
américains présumés disposer de comptes secrets,
dont les comptes extraterritoriaux pourraient
receler 14,8 milliards de dollars.
De leur côté, les autorités suisses, devant les
controverses croissantes suscitées par leur
culture du secret bancaire, ont accepté de
négocier des traités bilatéraux avec plusieurs
pays afin de lutter contre l’évasion fiscale.
Mais ces dispositifs permettent un échange
d’informations dans le cas d’une fraude avérée
et ne prévoient pas d’échange de données
automatique.
L’affaire a déjà eu un lourd coût pour UBS, qui
compte plus d’employés aux États-Unis qu’en
Suisse et voit déjà filer les capitaux, après
avoir perdu 19,1 milliards de dollars en raison
de ses engagements dans les produits financiers
à risque.
France Le moral des ménages se
dégrade
— Le moral des ménages f rançais est reparti
à la baisse en juillet, perdant deux points
par rapport à juin après six mois
d’amélioration continue et très progressive,
et se situe à « un niveau très bas », a
annoncé l’ Institut national de la
statistique et des études économiques ( I
NSEE). Même si les Français
continuent de penser que l’inflation
devrait rester faible dans les mois à
venir, ils ont « la conviction que la
situation va continuer de se dégrader »
sur le marché du travail, « ce qui va
forcément avoir un impact sur leur
comportement en tant que consommateurs »,
prédit Alexander Law, de la société
d’études de marché Xerfi.
L’indice mesurant le moral des ménages est à
-39 points en juillet. Il avait atteint un
plancher historique en juillet 2008 à - 48
points, comparativement à - 43 en février, à
- 42 en mars, à - 40 en avril et en mai et à
-37 en juin, selon les enquêtes de l’INSEE.
En juillet, la quasi-totalité des
composantes de cet indice repartent à la
baisse.
S’il se situe encore 8 points audessus de
son plancher de juillet 2008, cet indicateur
demeure encore 21 points en deçà de sa
moyenne depuis 1997. « Il montre donc que
les Français restent particulièrement
prudents », résume l’économiste Marc Touati,
de Global Equities.
Selon l ’ I NSEE, l ’opi nion des ménages
sur le niveau de vie passé et futur en
France se dégrade et les Français sont
également plus nombreux à penser que leur
situation financière s’est détériorée au
cours des 12 derniers mois. En revanche, ils
sont légèrement plus optimistes sur leur
situation financière future.
« Quant aux craintes d’augmentation du
chômage, elles ont certes légèrement reculé
en juillet, mais restent toujours très
fortes, atteignant un niveau de 90, soit
seulement 5 points de moins que leur sommet
historique atteint en juin 2009 », relève M.
Touati.
Les Français considèrent en outre toujours
peu opportun de faire des achats importants.
« Dans ces conditions, il paraît délicat de
considérer que l’amélioration de la
consommation enregistrée en juin soit amenée
à se poursuivre au cours des prochains mois
», estime Alexander Law, de la société
d’études de marché Xerfi.
Même si les Français continuent de penser
que l’inflation devrait rester faible dans
les mois à venir, ils ont « la conviction
que la situation va continuer de se dégrader
» sur le marché du travail, « ce qui va
forcément avoir un impact sur leur
comportement en tant que consommateurs »,
explique-t-il.
« Bien entendu, on pourra toujours arguer
que la France dispose d’une protection
sociale importante, qui jusqu’à présent a
servi de bouclier et a empêché les dépenses
des ménages de s’effondrer. Toutefois, nous
n’avons aucune garantie à l’heure actuelle
que cette tendance puisse perdurer », ajoute
M. Law.
Mais pour Frédérique Cerisier, de BNP
Paribas, « le ralentissement des prix et les
mesures de soutien gouvernementales (prime à
la casse, exonération de l’impôt sur le
revenu, prime RSA, etc.) vont continuer
d’amortir les effets de l’augmentation du
chômage sur le revenu et la consommation des
ménages ».
La consommation, principal moteur de la
croissance française qui a jusqu’à présent
résisté à la crise, pourrait progresser de
0,5 % sur l’ensemble de l’année,
estime-t-elle.
Le gouvernement, comme la plupart des
économistes, table sur une chute du produit
intérieur brut (PIB) de la France de 3,0 %
en 2009.
Effondrement de 500 milliards - CLAUDE
PICHER
Cinq
cents milliards de dollars américains ! Le
montant est étourdissant. Tel sera
pourtant le recul, en 2009, de
l’investissement direct à l’étranger dans
le monde.
Cette prévision dramatique est tirée du
rapport annuel sur l’investissement de la
Commission des Nations unies pour le
commerce et le développement (CNUCED). Le
document a été publié il y a quelques
jours dans l’indifférence générale.
L’investissement direct à l’étranger
mesure tout l’argent investi dans des
entreprises situées à l’extérieur du pays
d’origine. Par exemple, lorsque Bombardier
achète une entreprise aux États-Unis, ou
que McDonald’s ouvre un restaurant en
Chine, ou que Toyota construit une usine
de montage au Brésil.
L’investissement direct à l’étranger
comporte plusieurs avantages pour le
pays receveur: création d’emplois,
transferts technologiques, augmentation
de l’activité économique. C’est pour
cela que la plupart des administrations
publiques multiplient les mesures pour
attirer l’investissement, surtout dans
le secteur manufacturier: congés de
taxes, subventions, terrains à rabais,
etc. L’investissement direct suppose
donc une participation importante à
l’activité économique, contrairement à
l’investissement de portefeuille, où
l’acheteur achète des titres (actions,
obligations) dans l’espoir de réaliser
un gain en capital, ce qui n’apporte pas
grand-chose à l’économie.
L’an dernier, l’ensemble de
l’investissement direct à l’étranger se
situait à 1,7 billion (1700 milliards).
Ce montant représentait déjà un recul
important par rapport aux deux billions
de 2007. Pour 2009, la CNUCED prévoit
1,2 billion, d’où le trou de 500
milliards. En fait, c’est plus qu’un
trou, c’est un véritable effondrement.
Et les spécialistes de l’organisme
s’attendent à une très longue
convalescence : si tout va bien,
l’investissement remontera timidement à
1,4 billion l’an prochain, puis à 1,8
billion en 2011. Autrement dit, dans
deux ans, le niveau des investissements
sera encore très nettement en-dessous de
celui de 2007, et ces chiffres ne
tiennent pas compte de l’inflation.
C’est évidemment la crise financière et
économique qui est la grande responsable
de ces « graves perturbations », pour
utiliser l’expression du rapport.
Les multinationales sont les principales
sources d’investissement direct à
l’étranger. Or, plusieurs d’entre sont
aux prises avec d’énormes problèmes.
D’autre
part, l ’accès au crédit est beaucoup
moins facile. Pas de financement, pas
d’investissements.
On pour r a it s ’at t endre, comme
c’est généralement le cas lors de
perturbations économiques majeures, à ce
que la crise frappe plus sévèrement chez
les pays les plus pauvres.
Eh bien, non, pas du tout ! Au contraire
: sur le plan de l’investissement
direct, les grands gagnants de la crise
sont les pays pauvres.
« Les pays en développement, observe la
CNUCED, ont mieux résisté à la crise
financière que les pays développés,
leurs systèmes financiers étant moins
imbriqués dans les systèmes bancaires
très ébranlés des États-Unis et de
l’Europe ; leur croissance économique
est restée ferme grâce à la hausse des
prix des produits de base. »
En conséquence, on assiste à un
véritable revirement de situation.
En 2007, les pays riches attiraient 80%
de l’investissement direct à l’étranger,
ne laissant que 20% aux autres. En 2008,
la part des pays riches n’était plus que
de 57%.
Ainsi, au moment même où
l’investissement reculait de façon
dramatique sur l’ensemble de la planète,
il augmentait de 67% en Inde, 68% au
Nigeria (27% pour l’ensemble de
l’Afrique), 29% au Brésil et en Chine.
Pendant ce temps, on observait des
reculs épouvantables de 55 % en
Allemagne et au Royaume-Uni, 4 4 % au
Canada et 25% en France.
L e c a s des Ét a t s - Unis est
spécial. Même affaiblis par la crise,
les États-Unis conservent de très loin
leur première place de pays d’accueil et
d’origine des investissements. C’est l
’un des rares pays riches ( avec la
Suède, le Japon et l’Australie) à
connaître un accroissement de
l’investissement direct à l’étranger.
L’an dernier, à eux seuls, les
Américains ont accueilli 316 milliards
d’investissements étrangers directs,
suivis par la France (118 milliards) et
la Chine (108 milliards).
Enfin, sur le plan financier, la CNUCED
est plus ou moins dans le noir : « On ne
sait pas encore quelles seront les
conséquences de la crise dans les années
à venir », écrivent les auteurs. Ce qui
est certain, c’est que la crise a
entraîné une t ransformation « radicale
» : certains gouvernements de pays
riches sont devenus les actionnaires
principaux de quelques-unes des plus
grandes institutions financières de la
planète, pendant que d’autres géants de
la finance se sont effondrés.
Tout cela risque d’avoir des
conséquences « profondes » sur
l’investissement direct dans les
services financiers.
Les BRIC veulent
une réforme des institutions financières
LONDRES — Le Brésil , la Russie, l’Inde
et la Chine ont estimé hier qu’il était
« trop tôt » pour parler d’une fin de la
crise, et appelé le G20 à accélérer la
réforme des institutions financières,
dans un communiqué publié en marge de la
réunion des grands argentiers du G20 à
Londres.
« Malgré des signes positifs, il est
trop tôt pour déclarer la fin de la
crise », ont prévenu les quatre pays,
qui sont surnommés le groupe des « BRIC
». « L’économie mondiale fait toujours
face à de grandes incertitudes et des
risques importants continuent à peser
sur la stabilité économique et
financière », ajoutent-ils.
« Nous réalisons que des réformes
durables doivent encore être mises en
place, sur de multiples fronts », ont
ajouté les quatre pays, ajoutant que «
le monde a besoin d’une architecture
économique et financière juste,
équitable et bien gouvernée », ont-ils
poursuivi dans leur déclaration commune.
« Nous ne pouvons pas rater cette
occasion de changer les pratiques, les
règles et les structures
internationales, pour que l’économie
mondiale puisse mieux résister aux
crises futures ».
Brésil, Russie, Inde et Chine militent
pour une réforme des grandes
institutions financières
internationales, comme le Fonds
monétaire international ( FMI), dont ils
aimeraient qu’elles reflètent mieux leur
poids économique grandissant.
Dans leur communiqué, ils qualifient «
d’injuste » la répartition des
quotes-parts actuelle, réclamant « un
glissement important en faveur du marché
émergent et des pays en développement ».
Ils proposent que ce transfert
représente une proportion de 7% au FMI
et de 6% à la Banque mondiale.
L’évolution se ferait aux dépens
principalement de l’ Union européenne.
Le ministre brésilien Guido Mantega a i
ndiqué que le secrétaire d’État au
Trésor américain Timothy Geithner avait
demandé à participer à la réunion des
BRIC hier après-midi à Londres, pour les
convaincre d’apporter de nouvelles
ressources au FMI. Ils sont déjà
disposés à apporter 80 milliards de
dollars via des achats d’obligations,
dont 50 milliards pour la Chine seule.
Une croissance de 6% prévue
en 2009 en Inde
Le ministre indien des Finances, Pranab
Mukherjee, s’est dit confiant hier que
l’économie indienne allait croître de plus
de 6% en 2009, malgré la sécheresse et la
récession économique mondiale.
Cette prévision ministérielle a été
énoncée alors que les volumes attendus des
pluies de la mousson sont de 29%
inférieurs à la normale en Inde, où le
pouvoir d’achat de la population rurale
reste un facteur important de la
croissance économique.
La prévision optimiste du ministre des
Finances survient aussi au moment où un
communiqué du ministère du Commerce fait
état d’une baisse de 26% des exportations
indiennes en juillet par rapport au même
mois de l’année précédente. En juin, les
exportations avaient déjà chuté de 28%.
Le gouvernement doit annoncer le 27 août
prochain des mesures de stimulation des
exportations.
Les économistes considèrent généralement
que la taille de son marché intérieur a
permis à l’économie indienne d’amortir le
choc de la récession mondiale, les
exportations ne représentant que 15% de
son PIB.
L’an dernier, la croissance économique de
l’Inde s’est élevée à 6,7%, après
plusieurs années de croissance de plus de
9%. Pour combattre la pauvreté endémique
du pays, une croissance d’au moins 9% est
nécessaire, selon les responsables
indiens.
L’arme secrète des
fournisseurs - Marie Tison
Des fournisseurs, pris dans la tempête
qui secoue l’industrie aéronautique,
réussissent à limiter les dégâts. Leur
secret: la diversification
« Avec les années, nous avons appris à
nous diversifier », raconte Jean-Pierre
Lepage, président d’Air Data, une petite
entreprise de Montréal qui fabrique
divers instruments avioniques ainsi que
des systèmes de ventilation et de
bioprotection pour les appareils.
Bell Helicopter Textron Canada est un
client important, mais Air Data a
également des contrats en France et en
Israël.
« Nous avons ralenti un peu la
production à cause des calendriers de
livraison, nous avons un peu réduit le
personnel en début d’année, mais nous
prévoyons maintenant être stable,
affirme M. Lepage. Ça avait été plus
pénible au début des années 2000: nous
avions un ou deux gros clients.
Lorsqu’ils ont eu de la misère, ça nous
a donné un grand coup. »
Air Data compte une trentaine
d’employés. CMC Électronique, une
entreprise de 1200 employés, a recours à
sensiblement la même recette.
« Depuis plusieurs années, CMC a adopté
une stratégie de diversification de ses
clients, indique la directrice des
relations publiques de l’entreprise,
Janka Dvornik. Nous sommes diversifiés
entre les grands fabricants et les
entreprises qui modernisent des
appareils, et nos activités sont à 50%
dans le domaine civil et à 50% dans le
domaine militaire. Ça nous permet de
nous ajuster lorsque le marché cyclique
est en baisse dans un domaine. »
CMC, qui fabrique divers équipements
avioniques pour les cabines de pilotage
et des antennes satellites pour les
appareils, a dû procéder récemment à une
réduction de sa main-d’oeuvre. Celle-ci
a toutefois touché moins de 5% des
effectifs.
Alta Précision, une PME d’Anjou qui
fabrique des pièces spécialisées pour
les trains d’atterrissage, a également
réussi à sauver les meubles parce que le
domaine de la défense représente 50% de
ses revenus.
« Nous souffrons, mais pas autant que si
nous étions des fournisseurs exclusifs
de Bombardier, de Pratt & Whitney et
de Bell, précise le président de
l’entreprise, Guillermo Alonso. Nous
sommes dans le noir, pas dans le rouge.
»
Un de ses clients, le fabricant de
trains d’atterrissage et de structures
aéronautiques Héroux-Devtek, est aussi
actif dans plusieurs créneaux.
« Nous faisons des travaux sur les
avions d’affaires, les avions régionaux,
les avions de plus de 100 places, les
hélicoptères commerciaux, les
hélicoptères militaires, les avions de
chasse », énumère le président et chef
de la direction, Gilles Labbé.
L’entreprise n’a pas procédé à des
mises à pied importantes, mais elle a
instauré des programmes de travail à
temps partagé pour conserver ses
employés pendant la période difficile.
Elle travaille à remporter de nouveaux
mandats pour que ses employés reviennent
à temps plein.
Turbomeca Canada, une petite entreprise
de Mirabel spécialisée dans la
maintenance de turbines d’hélicoptère,
s’était préparée au pire. Au début de
l’année, elle avait prévu une diminution
de 20% de ses activités. C’est
effectivement ce qui s’est passé sur le
marché canadien.
« Il y a une réduction du nombre de
vols, observe la directrice générale de
Turbomeca Canada, Hélène Séguinotte. La
saison canadienne n’a pas vraiment
démarré, si on fait exception des vols
liés aux incendies de forêt. »
Or, les affaires liées à l’international
vont très bien, même mieux que l’année
dernière. La maison mère de Turbomeca
Canada a pour politique d’envoyer le
matériel à réparer là où il y a de la
capacité.
«
Nous sommes tirés par le reste du
monde, affirme Mme Séguinotte.
Habituellement, le tiers de nos
affaires provenait du Canada et
les deux tiers du reste du monde.
Actuellement, pratiquement 85% de
nos affaires proviennent du reste
du monde. »
Turbomeca Canada n’a donc pas eu à
effectuer de mises à pied parmi ses 127
employés.
À ExelTech, une entreprise de
maintenance d’avions à Montréal et à
Québec, ça va plutôt bien ces tempsci. «
Nous n’avons pas encore l’impact de la
récession, déclare le président et chef
de la direction, Sylvain Duval. Les
compagnies aériennes n’achètent pas de
nouveaux avions, mais elles doivent
entretenir ceux qu’elles ont.
L’entretien est très réglementé, les
gens n’ont pas le choix. »
Il ajoute qu’ExelTech bénéficie d’un
autre facteur : lorsqu’un transporteur
aérien réduit sa flotte et renvoie des
appareils au locateur, comme GECAS,
celui-ci les envoie dans des entreprises
de maintenance pour les retaper et les
louer à d’autres clients.
« Ça a changé notre clientèle, indique
M. Duval. Les lignes aériennes
représentaient 95 % de nos clients.
Maintenant , nous avons moins de l i
gnes aér i ennes, mais plus de
locateurs. »
Évidemment, cette vague ne durera qu’un
certain temps.
« Nous espérons que la reprise dans
l’industrie arrivera au moment où ce
transfert de propriété d’avions arrivera
à échéance », lance M. Duval.
OBLIGATIONS Les marchés se fient
plus à la Russie qu’à la Californie
«
Il est évident que la croissance économique
sera supérieure dans les économies
émergentes que l’essor au sein du Groupe des
sept. »
La demande d’obligations des pays émergents
de la part des investisseurs fait en sorte
que le coût pour s’assurer contre les
défauts de paiement est, pour la première
fois, inférieur à celui des obligations des
gouvernements des pays industrialisés.
Ainsi, les prix des swaps sur défaillance de
la Turquie à l’Indonésie baissent t andis
que les obligations grimpent dans un
contexte où ces économies se redressent plus
vite que les nations développées.
Et au moment où les États-Unis et le
Royaume-Uni empruntent des sommes records
pour financer le sauvetage de banques et des
programmes de stimulants économiques, le
Brésil, la Russie, l’Inde et la Chine (le
BRIC) disposent de réserves de 3000
milliards US, en hausse de 19% en janvier
2008, réserves qui forment maintenant 43% du
total mondial, selon des données compilées
par Bloomberg.
Le coût annuel pour protéger la valeur
d’obligations turques a chuté de moitié à
200 000$US pour une somme de 10 millions US
pendant cinq ans, ou de 200 points de base,
ce qui équivaut à un niveau inférieur aux
swaps de la Ville de New York pendant les
deux semaines commencées le 22 juillet
dernier, indiquent des données de Bloomberg.
L’assurance
sur les titres de dette de l’Indonésie a
aussi coûté moins cher que celle portant
sur les obligations du Michigan. Les swaps
du Brésil viennent tout juste de connaître
leur plus importante baisse en quatre mois
et en ce qui concerne la Chine, la
protection des valeurs s’approche de son
prix le moins élevé en un an. Et 11 ans
après que la Russie eut fait défaillance
sur paiements, l es i nvestisseu r s r
écla ment aujourd’hui un prix moins élevé
pour assurer ses titres de dette que dans
le cas de la Californie.
« Cela aurait été i mpossible à imaginer
il y a un an », soutient Dmitry
Sentchoukov, stratège en matière de crédit
sur les marchés émergents chez Dresdner
Kleinwort, à Londres. « Maintenant,
ajoute-t-il, il est évident que la
croissance économique sera supérieure dans
les économies émergentes que l’essor au
sein du Groupe des Sept, et les
investisseurs accueillent alors bien
l’idée voulant que les pays en
développement appellent un meilleur prix
que les pays développés. »
Les swaps assurent à l’acheteur le
paiement de la somme protégée en échange
de la valeur marchande de la dette en
défaut ou de l’obligation elle-même si
l’emprunteur manque à ses engagements.
Le coût moyen des swaps sur les dettes
souveraines de 45 pays en développement a
chuté à 314 points de base, soit le niveau
le plus bas depuis octobre dernier,
comparativement à 785 points de base il y
a cinq mois, indiquent des données
compilées par Bloomberg.
Les fonds d’obligations de pays des
marchés émergents disposaient de près de
49 milliards US le 31 juillet, un sommet
depuis octobre dernier, à la suite de leur
plus grosse entrée de liquidités en un an.
Ils ont attiré plus de dépôts que de
retraits chaque semaine depuis le 13
avril, à la suite de huit mois de baisse,
préc i s e la f i r me d’a na l yse EPFR
Global, de Cambridge, au Massachusetts.
TATA MOTORS Réduire les coûts est une
stratégie payante
—
Tata Motors, le premier constructeur automobile i
ndien, a réalisé au premier t rimestre un bénéfice
net en hausse de 57,3 %, grâce à une compression
des coûts, a-t-i l annoncé hier.
Tata Motors, l’une des entités du conglomérat Tata
Group dont les activités vont du thé à l’acier, a
indiqué que le bénéfice net du premier trimestre
de son exercice décalé 2009-10 avait atteint 5,13
milliards de roupies (105 millions de dollars US)
contre 3,26 milliards de roupies un an plus tôt.
Le chiffre d’affaires a, quant à lui, baissé de
7,6 % à 64,04 milliards de roupies.
La commercialisation de la Nano, la voiture la
moins chère du monde, n’ayant commencé qu’en
juillet, elle n’a pas encore eu d’impact sur les
ventes du trimestre sous revue : Tata a placé
127 340 véhicules entre avril et juin, un
chiffre en baisse de 4,8 % sur un an.
Les résultats ne prennent pas en compte les
divisions Jaguar et Land Rover, que Tata Motors
a achetées à Ford l’année dernière pour la somme
de 2,3 milliards de dollars.
L’économie chinoise rebondit
Le PIB croît de 7,9 % au deuxième trimestre
Le produit i ntérieur brut de l a Chine a c r û
de 7,9 % au deuxième t r i mestre, le pays
devenant la première des grandes économies à
rebondir de la récession mondiale. Hier, en fin
d’après-midi à Shanghai, le yuan se
transigeait à 6,8312 par rapport au dollar
américain, comparativement à 6,8315 avant la
publication des données sur le PIB.
Ces résultats, publiés par le bureau chinois de
la statistique hier, ont dépassé la prévision
médiane d’une croissance de 7,8% des 20
économistes qui avaient été sondés par Bloomberg
et ils font suite à une progression du PIB de
6,1% au premier trimestre. C’était alors le gain
le plus modeste en près d’une décennie.
Mercredi, la Chine, le plus important
contributeur à la croissance mondiale, a ravi au
Japon le titre de deuxième marché boursier le
plus important au monde après qu’un programme de
stimulants de 4000 milliards de yuan (585
milliards US) eut entraîné des prêts records et
fait gonfler les prix des actions. La croissance
économique observée au cours de la première
moitié de l’année permet d’espérer que le pays
atteindra son objectif d’un essor de 8% au cours
de 2009, ce qui devrait se traduire par la
création d’emplois et le maintien de la
stabilité sociale, a indiqué le bureau de la
statistique.
« Le rythme de la reprise est encore plus vif et
plus fort que ce que nous avions i nitialement
prévu », a fait savoir hier Qu Hongbin,
économiste en chef pour la Chine de HSBC
Holdings, à Hong Kong, qui a revu à la hausse
ses prévisions de croissance après la
publication des données. « Il y a des signes
évidents, a-t-il ajouté, que cette reprise
attribuable en bonne partie aux infrastructures
sera plus durable que ce que beaucoup de gens
avaient prévu. »
Hier, en fin d’après-midi à Shanghai, le yuan se
transigeait à 6,8312 par rapport au dollar
américain, comparativement à 6,8315 avant la
publication des données sur le PIB. L’indice
composite Shanghai a clôturé en baisse de 0,2 %.
Mais les assises de la reprise en Chine « ne
sont pas encore solides » et le gouvernement
entend s’en tenir à sa politique monétaire «
relativement souple » et à sa position fiscale «
proactive », a averti Li Xiaochao, un
porte-parole du bureau de la statistique.
L’an dernier, la Chine a fourni le tiers de la
croissance économique mondiale, selon des
données du Fonds monétaire international ( FMI).
Dans
un rapport publié le 8 juillet dernier, le FMI a
annoncé que l’économie mondiale allait se
replier de 1,4 % cette année en raison notamment
d’un recul de 2,6 % aux États-Unis et de 6% au
Japon. Toutefois, les économies émergentes, avec
la Chine à leur tête, devraient retrouver un
élan de croissance au cours du reste de 2009, ce
qui aidera le monde à se remettre de la pire
récession depuis la Deuxième Guerre mondiale,
estime le FMI.
« La croissance économique en Chine est de
nouveau sur ses rails après avoir été touchée
par la baisse mondiale des exportations »,
soutient David Cohen, un économiste de
l’organisme Action Economics, à Singapour.
Les investissements dans les i mmobilisations
urbaines ont bondi de 35,3% en juin dernier par
rapport à un an plus tôt, a précisé le bureau de
la statistique. Le bond de 33,6% dans ce domaine
au cours de la première moitié de l’année a été
le plus grand en cinq ans. La production
industrielle a grimpé de 10,7% en juin
comparativement au mois correspondant de 2008,
ce qui constitue la progression la plus
importante en neuf mois. Les ventes au détail
ont fait un saut de 15%.
« La Chine est encore aux prises avec des
difficultés, y compris la baisse de la demande
extérieure de même que celle des profits des
entreprises et des recettes fiscales, a dit M.
Li. Les pressions restent énormes pour créer des
emplois. »
L’économie chinoise est la seule parmi les plus
importantes au monde à connaître encore de la
croissance. Hier, la Banque de Chine a vendu des
billets d’un an et de trois mois portant les
plus forts taux de rendement cette année,
guidant ainsi les taux du marché monétaire à la
hausse pour ralentir la croissance record de la
masse monétaire.
Les réserves chinoises de devises étrangères,
qui sont les plus considérables au monde, ont
grimpé au niveau record de plus de 2000
milliards US au dernier trimestre au moment où
la banque centrale de Chine a vendu des yuans
pour prévenir une appréciation de sa devise qui
rendrait les exportations chinoises plus chères.
Selon Tim Condon, économiste en chef pour l’Asie
de la firme ING Groep, il se peut que la banque
centrale chinoise hausse le taux de prêts d’un
an dès le premier trimestre de l’an prochain.
« Il se peut que la croissance économique
s’accélère à près de 9 % au troisième trimestre
et à 10 % au quatrième trimestre », soutient
pour sa part Lu Ting, un économiste de Bank of
AmericaMerrill Lynch, à Hong Kong.
La nouvelle bulle chinoise -
Richard Dupaul
Besoin d’argent ? Allez faire un tour en Chine
où le crédit coule à flot. Les banques chinoises
distribuent des centaines de milliards aux
entreprises et aux consommateurs, mais ces prêts
à tout va suscitent des inquiétudes.
LA PLANÈTE ÉCONOMIQUE
Il y a quelques jours, un économiste chinois a
confié aux médias avoir été surpris par les
propos d’un gouverneur provincial, qui vantait
les progrès accomplis dans sa région.
PHOTO AFP
Les banques
chinoises ont alloué environ 7000 milliards de
yuans (ou près de 1200 milliards CAN) de prêts
au premier semestre 2009.
Ni l’environnement, ni la création d’emplois ou
même les progrès sociaux ne figuraient dans le
discours élogieux du politicien. Notre homme
notait plutôt que les prêts consentis par les
banques d’État de sa province supplantaient
largement la moyenne nationale, pourtant déjà en
forte hausse.
Son message, dirigé surtout à ses patrons à
Pékin, peut se résumer ainsi : le crédit coule à
flot, donc tout va bien, Madame la marquise.
Dans notre coin du monde, on parle beaucoup de
l’envolée de la Bourse chinoise qui a bondi de
71% depuis le début de l’année, atteignant un
niveau insoutenable, selon des analystes.
Mais une autre bulle, possiblement plus lourde
de conséquences pour l’économie chinoise, est en
train de prendre forme: une flambée du crédit
bancaire.
Le spectre des créances douteuses
Les banques chinoises ont octroyé environ 7000
milliards de yuans (ou près de 1200 milliards
CAN) de prêts au premier semestre 2009. C’est
environ trois fois la somme du crédit accordé
pendant tout 2008 et presque deux fois le budget
du plan de relance annoncé par Pékin en novembre
(700 milliards CAN), l’un des plus ambitieux de
la planète.
Après les dégâts causés par la crise financière
– fort recul de l’exportation, fermetures
d’usines, etc. –, le gouvernement chinois a
appelé ses banques publiques à ouvrir les vannes
du crédit.
Objectifs : d’une part, financer les entreprises
pour la réalisation des grands travaux
d’infrastructures et, d’autre part, stimuler la
consommation, surtout de produits locaux.
Une telle poussée, à première vue encourageante,
ravive cependant le spectre des dettes de
mauvaise qualité, qui avaient plombé les banques
chinoises il y a quelques années. Pour
l’instant, le taux de créances douteuses est de
2%, niveau relativement correct. « Mais
attention, l’heure n’est pas encore aux
remboursements », faisait remarquer récemment un
responsable chargé de la réglementation des
banques chinoises.
En effet, des experts redoutent beaucoup une
hausse des défauts de paiement. D’autant plus
que, sous la pression de Pékin, les banques
chinoises se montrent moins exigeantes sur la
solvabilité des emprunteurs.
« Créer une bulle pour soutenir l ’économie
apporte, au mieux, quelques bénéfices à court
terme, mais surtout beaucoup de souffrance à
long terme », prévient dans une note l’ancien
économiste en chef de la banque Morgan Stanley,
Andy Xie. Et si quelqu’un s’y connaît dans le
domaine, ce sont bien les Américains...
Immobilier et Bourse
Le surplus de crédit, en plus de menacer la
santé des banques, engendre divers problèmes sur
le terrain. Cet argent mis à disposition nourrit
notamment la spéculation.
Le généreux crédit chinois n’a pas toujours
l’effet escompté. Selon l e Development a nd
Research Center, lié au gouvernement, environ
20% des prêts accordés depuis janvier ont
atterri en Bourse ou dans l’immobilier en Chine.
Dans La Presse Affaires, on a d’ailleurs signalé
la semaine dernière une flambée des prix de
l’immobilier à Pékin. Des analystes préviennent
que cette bulle est sur le point d’éclater.
De plus, les économistes craignent un phénomène
de surproduction industrielle.
L’investissement dans l’industrie progresse à un
taux de 40% par an en Chine. Tout cela accroît
la capacité de production à un rythme excessif,
compte tenu de la faiblesse des ventes des
manufacturiers à l’étranger.
Or, dans un contexte favorable aux
investissements, mais peu propice aux
exportations, la crise de surproduction risque
de s’aggraver avec le temps.
Évidemment, Pékin n’est pas pressé de mettre un
f rein au crédit, car on veut d’abord et avant
tout requinquer l’économie chinoise.
Entre-temps, à l’Ouest, on se réjouit à voir
aller la grosse machine chinoise, qui contribue
à tirer le reste de la planète hors du gouffre
économique. Tant que ça tourne…
D’ailleurs, on apprenait jeudi que les ventes de
voitures en Chine ont bondi de 48% en juin. Une
bonne nouvelle. Surtout que les constructeurs
européens et américains en profitent, les ventes
de General Motors ayant grimpé de près de 40%.
Le c r édit est l e principal carburant du
secteur automobile, en Chine comme ailleurs. Les
banques prêtent, alors on roule. Il reste à
savoir combien de temps les Chinois pourront
continuer à faire le plein chez leur banquier.
Chine Il est risqué de se hasarder
dans les zones grises
Affaire Rio Tinto
— Les accusations de corruption portées par la
Chine contre des employés de Rio Tinto ont de
quoi faire f rémir tout investisseur dans ce
pays où les contrats sont souvent conclus après
force banquets et soirées karaoké et les
règlements sont à géométrie variable. Des employés de Rio
Tinto à Shanghai sont accusés de corruption
par la Chine. Un halo de mystère entoure cette
affaire.
L’inquiétude est d’autant plus vive que les
autorités chinoises n’ont pas fait connaître les
détails de la corruption dont sont accusés
l’Australien Stern Hu, responsable de Rio Tinto
à Shanghai, et trois de ses collègues chinois.
Elles ont simplement annoncé avoir des preuves
que Hu avait volé « des secrets d’État » et nui
aux intérêts de la Chine.
Rio Tinto a rejeté des accusations « dépourvues
de tout fondement » et affirmé que son équipe
avait toujours obéi à l’éthique de la compagnie.
Mais « il y a des tas de règles cachées en
Chine, comme de devoir développer des relations
avec les agences gouvernementales, des "guanxi",
pour obtenir des accords », souligne Xianfang
Ren, analyste de IHS Global Insight.
« Guanxi », qui veut dire « relations », désigne
couramment les relations intéressées et moins
avouables que l’on entretient avec des gens bien
placés pour obtenir des faveurs.
Ceux qui travaillent en Chine expliquent que la
recherche de ces contacts personnels mène
souvent aux karaokés et autres lieux
habituellement inexplorés par les hommes
d’affaires occidentaux.
« Les affaires en Chine reposent souvent sur la
confiance. Une soirée à boire et au karaoké sert
à aller au-delà du terrain des affaires pures et
à vous présenter en tant qu’individu », explique
Paula Beroza, qui a fondé la société
d’investissement Sierra Asia Partners.
« Boire a toujours lié les gens et cela peut
être maladroit de ne pas le faire avec des hôtes
chinois. »
Tracey
Wilen Daugenti, auteure de La Chine pour les
femmes d’affaires raconte avoir été invitée dans
des salons de massage par des cadres chinois
pour « se faire masser les pieds en discutant
affaires ».
La frontière n’est pas toujours nette entre
l’entretien de bonnes relations et la
corruption, parfois déguisée en hospitalité
somptuaire.
Pour cette Américaine, il faut pourtant
apprendre à distinguer entre « guanxi, qui
concerne la création de réseaux et qui peut
demander beaucoup d’investissement », et «
corruption, (qui) concerne ses intérêts
personnels et qui sous-entend que l ’on
bénéficie pécuniairement de la relation ».
En outre, l’application de la loi est à la
discrétion des autorités chinoises, souligne
Gary Liu, de l’école sino-européenne CEIBS à
Shanghai ( China Europe International Business
School).
« Il est possible que le personnel de Rio ait
fait de l’espionnage, mais les autorités
laissaient faire. Et puis, tout d’un coup, elles
ont pris des mesures et les ont arrêtés. C’est
assez commun en Chine », dit Liu.
« Par exemple, des agents immobiliers qui ont
offert des pots-de-vin ou des responsables
officiels corrompus qui ont été arrêtés
abruptement après un i ncident particulier.
C’est une application sélective de la loi ».
Par conséquent, un seul conseil aux entreprises
étrangères en Chine : « Restez i mpeccable. » «
Vous ne pouvez pas venir vous plaindre après
avoir été arrêté que d’autres s’en sont sortis
sans problème. »
Mais, dans l’affaire Rio Tinto, le grand public
pourrait bien ne jamais apprendre quelle ligne a
été franchie – si une ligne a été franchie. Les
employés sont soupçonnés non pas de vol de
secrets commerciaux, mais bien de vol de secrets
d’État.
« Si l ’on pa rle de s ec r et s d’État, le
procès ne devrait pas être public », souligne
Zhang Xin, professeur d’administration publique
à l’Université du peuple de Pékin.
Sans pétrodollars, la Russie
s’enfonce
Pendant que le reste du monde soigne les «
jeunes pousses » d’une reprise encore fragile,
la Russie s’enfonce dans la récession. À tel
point que la grogne populaire menace le plus
grand réservoir énergétique de la planète.
L’économie russe a plongé de 10,1% au premier
semestre. C’est la plus forte contraction depuis
le début des années 90, pire que celle subie
lors la débâcle financière 1997-98. En Russie, le taux de
chômage a doublé en un an. Et le
mécontentement gagne les travailleurs toujours
actifs, qui ont du mal à se faire payer. Les
retards des versements de salaires
toucheraient un tiers des salariés russes,
selon des sondages. Ci-dessus, une usine de
camions à Nizhny Novgorod.
La grosse machine russe à pétrodollars, qui
produisait des milliardaires au début des années
2000, s’enlise dans sa pire crise économique en
deux décennies. En moins d’un an, la Russie est
devenue le cancre du prestigieux club du BRIC.
Jeudi dernier, Moscou a dressé un bilan
désastreux de la situation : l’économie russe a
plongé de 10,1 % au premier semestre 2009. C’est
la plus forte contraction depuis le début des
années 90, pire que celle subie lors de la
débâcle financière 1997-1998.
La crise mondiale du crédit, la glissade du
rouble et, surtout, la chute des prix du pétrole
ont essentiellement effacé presque 10 années de
croissance rapide.
La production i ndustrielle russe affichait en
juin un recul de 12,1 % sur un an. Le recul
dépasse même les 50% dans l’industrie
automobile.
Le taux de chômage a doublé en un an. Et
beaucoup de travailleurs qui ont encore un
emploi ont du mal à se faire payer: les retards
des versements de salaires toucheraient un tiers
des salariés russes, selon des sondages.
Crise sociale
Dans un tel contexte, la société de conseil
Eurasia, de New York, prévient que les troubles
sociaux sont « inévitables » en Russie.
La Haute École d’économie de Moscou en rajoute,
signalant une multiplication dans le pays « des
manifestations spontanées causées par les
retards de salaiUlcérés, les chômeurs ont bloqué
début juin l’autoroute de la région, causant un
bouchon de 400 km, selon l’AFP.
À Baïkalsk ( Sibérie) , l es ouvriers de l’usine
de cellulose ont menacé de bloquer le passage du
train Transsibérien. Et à Zlatooust (région de
Moscou), des métallos ont fait une grève de la
faim récemment.
Comme la plupart des gouvernements de la
planète, Moscou a mis sur pied cet hiver un plan
de relance, injectant 100 milliards de dollars
principalement dans des sociétés contrôlées par
l’État.
Mais, de toute évidence, ce plan est mal
structuré, déplorent des experts. La plus grande
partie de cet argent a été dirigée vers les
trois grandes banques publiques, Sberbank, VTB
et Gazprombank. La commande de l’ État était
pourtant claire : ces banques devaient réanimer
res ». Déjà plusieurs conflits se manifestent.
À Pikaliovo (région de SaintPétersbourg), des
ouvriers privés de travail après la fermeture
des t rois cimenteries réclamaient depuis des
mois le versement de leurs indemnités, en vain.
les prêts interbancaires afin que l’ensemble des
banques prêtent à nouveau aux entreprises.
Les banques ne prêtent pas
Mais les banques privées n’ont pas vraiment joué
le jeu, préférant gonfler leurs réserves parce
que leur situation financière se dégrade
rapidement.
Dans une étude récente, l’agence de notation
Fitch confirme que les banques russes ont encore
besoin de 20 à 80 milliards US de capitaux pour
faire face à la marée montante des prêts
problèmes.
Les mauvaises créances paralysent les banques
russes, après quatre ans de distribution à
tout-va de crédits à la consommation. Fitch
estime que la part des créances douteuses
atteindra à la fin de l’année 15 à 40% de
l’ensemble des prêts. Standard and Poor’s va
plus loin, prédisant un taux de 25% de crédits
douteux – un niveau qui plongerait les banques
canadiennes dans une crise majeure.
Le patron d’Alfa Bank, plus i mportante banque
privée en Russie, sonne l’alarme. Piotr Aven
chiffre à 130 milliards US le besoin d’argent
frais des banques et évoque même un « scénario à
la japonaise » si l’État ne fait pas davantage
pour aider ses banques.
« Le secteur (bancaire) a besoin d’un plan de
recapitalisation représentant j usqu’à 10 % du
Produit i ntérieur brut ( PIB), sinon nous ne
pourrons pas redémarrer », dit le banquier, cité
par les médias européens.
En attendant, les choses risquent de se gâter
davantage.
Selon les analystes, un prix du brut avoisinant
les 70$US le baril (contre 62$US ces temps-ci)
permettrait à la Russie de sortir la tête de
l’eau. Or, jeudi, le professeur Philip Verleger,
consultant du gouvernement Obama en matière
d’énergie, a créé tout un émoi dans les milieux
pétroliers. Il a prédit que le brut chutera à 20
$ US le baril à la fin 2009 en raison de la
faible demande mondiale.
Ce scénario, évoqué par l’agence Bloomberg, fait
sourire plusieurs experts, dont les prédictions
sont moins pessimistes. Mais à Moscou, on n’est
pas d’humeur à rire ces temps-ci. Parions que
plusieurs banquiers ont avalé leur vodka de
travers en lisant cela.
Cap sur Rio de Janeiro -
Richard DuPaul
Wal-Mart relève d’un tiers ses investissements
au Brésil. L’assureur Standard Life mise des
milliards sur le real brésilien et le dollar
australien… Pour plusieurs multinationales, les
bonnes occasions sont au sud de l’équateur. LA
PLANÈTE ÉCONOMIQUE
Si l’on se fie à Wal-Mart, il n’y a pas de
meilleur remède pour se remettre d’une grosse
récession qu’un bain de soleil… brésilien. Le
numéro un mondial du commerce de détail a
annoncé mercredi qu’il investira près de 1
milliard de dollars au Brésil cette année. Et
ce, en pleine crise économique mondiale.
Soucieux d’assurer sa croissance, Wal-Mart fait
le pari que la reprise prévue de la première
économie d’Amérique lati ne entretiendra la
demande des consommateurs. Le groupe américain
affiche, à cet égard, une assurance sans
équivoque.
« Le pire est passé et, à partir de maintenant,
il va y avoir un rebond de l’économie
brésilienne », a déclaré Hector Nunez, directeur
général de Wal-Mart au Brésil.
Wal-Mart ne badine pas : son investissement au
Brésil sera augmenté d’un tiers par rapport à
l’an dernier et atteindra ainsi un sommet depuis
que Wal-Mart s’est s’installé au pays, il y a 14
ans. Le détaillant ouvrira 90 magasins,
s’ajoutant aux 348 déjà implantés au pays.
Wal-Mart table sur une croissance de 1,5 % à 1,8
% de l’économie du Brésil au deuxième trimestre.
Une projection qui fait des jaloux dans
l’hémisphère nord. Et même si l’économie
brésilienne s’est contractée de 0,8 % au premier
trimestre, Wal-Mart dit ne pas avoir ressenti de
recul de la consommation.
Les ressources naturelles
Pour comprendre les motifs de l’engagement de
Wal-Mart envers le Brésil, il suffit d’examiner
la stratégie d’investissement d’une autre
multinationale, Standard Life.
L’assureur britannique, présent dans plus de 50
pays, affiche ouvertement un penchant ces
jours-ci pour les pays riches en ressources
naturelles.
Standard Li fe I nvestments (SLI), qui gère un
gigantesque portefeuille de 194 milliards US,
vient de révéler qu’il avait beaucoup investi
ces derniers temps dans le real brésilien et le
dollar australien.
Pourquoi ? Simplement parce que la reprise va
stimuler la demande pour les ressources
naturelles, donc profiter aux pays qui en ont
beaucoup, comme le Brésil et l’Australie.
« Les pays riches en ressources naturelles sont
les endroits où la croissance sera probablement
la plus durable », a déclaré le directeur des
devises de SLI, Ken Dickson, à l’agence
Bloomberg.
La tendance récente du marché des changes
indique que plusieurs investisseurs pensent la
même chose.
Le real brésilien est la monnaie la plus
performante de la planète en 2009, après le rand
sud-africain, avec une hausse de 17% par rapport
au billet vert américain et de 18% face à
l’euro.
Le dollar australien – surnommé le « aussie »
par les cambistes – ne fait pas trop mal non
plus, s’étant apprécié de 14 % contre les
devises américaine et européenne.
L’OCDE est d’accord
Depuis le début de 2009, l’indice
Reuters/Jeffries CRB, qui suit de près le
rendement de 19 métaux et denrées alimentaires,
a grimpé de 9% après un plongeon de 36% l’an
passé.
Or, les investisseurs et l’OCDE (Organisation de
coopération et de développement économiques)
pensent que les économies riches en métaux, en
céréales ou en énergie vont profiter de la
reprise tant attendue.
L’OCDE, on le sait, vient de réviser à la hausse
ses projections pour ses pays membres, y allant
de quelques bons mots au passage pour le Canada.
Mais elle a réservé ses meilleures notes aux
économies émergentes.
L’organisme t able sur une croissance de 4 % de
l’économie brésilienne en 2010, soit plus de
cinq fois celle du Canada (+ 0,7 %).
S’il a trébuché en début d’année, le pays de la
samba a déjà retrouvé ses jambes. Les
exportations brésiliennes redémarrent, les
achats de voitures sont à la hausse et les chefs
d’entreprises gardent le moral. L’une des
raisons de ce bilan favorable : le Brésil dépend
de moins en moins du géant américain,
contrairement au Canada.
Le mois dernier, la Chine est devenue le premier
partenaire commercial du Brésil, devant les
États-Unis. C’est un changement historique,
planifié de longue date par les deux puissances
montantes.
L’hiver dernier, les Brésiliens et les Chinois
ont conclu une entente qui permet aux deux pays
de f a i r e du commerce dans leurs devises
respectives. Autrement dit, on ne règle plus
nécessai r ement l es f actu r es en dollars
américains comme avant, mais en yuans ou en
reals. Une véritable révolution est donc en
cours.
Alors que les pays du Nord sont à l ’a r rêt,
les Wal-Mart, Standard Life et autres géants de
ce monde voient bien que le train du BRIC est en
marche. Et on juge que le Brésil a choisi la
bonne voie. Car on ne peut s’arrimer à une
meilleure locomotive que la Chine ces jours-ci.
Une nouvelle Chine émerge de la criseV -
Richard Dupaul
Ses exportations chutent. Mais la consommation et
les investissements domestiques montent en flèche.
C’est la « nouvelle » Chine, qui surfe maintenant
sur son marché intérieur.
Des ventes d’automobiles en hausse de 47%. Les
achats de cuisinières et de téléviseurs qui
grimpent de 42%. Le crédit bancaire et les ventes
de maisons à des niveaux records...
PHOTO BLOOMBERG
Les Chinois profitent de
l’aide de l’État pour consommer davantage : les
ventes au détail au pays ont bondi de 15% en
mai. Ci-dessus, des habitants de la région
rurale de Chenggong achètent un téléviseur et un
lecteur DVD.
On croirait revoir des données américaines d’il y
a trois ou quatre ans. Mais ce sont les
statistiques chinoises… du mois dernier.
Quel revirement! Après son adhésion à l’OMC
(Organisation mondiale du commerce), en novembre
2001, la Chine a surfé pendant sept ans sur une
énorme vague d’exportations. Une majorité de
Chinois pendant ce temps achetait peu, regardant
passer les conteneurs remplis de produits made in
China destinés aux Occidentaux.
Mais la balance est en train de basculer. L’empire
du Milieu mise de plus en plus sur son marché
domestique pour assurer sa croissance.
L’exportation étant en panne, l’État consacre tous
ses efforts au soutien de la consommation et de
l’investissement. Et les Chinois acceptent de
mettre l’épaule à la roue.
Le plan fonctionne
La crise économique a bouleversé la relation entre
la Chine et le reste du monde.
En mai , les exportat ions chinoises ont plongé de
26% par rapport à il y a un an. Une chute record,
dramatique. Au chapitre du commerce extérieur,
toute relance semble donc impossible tant que les
ÉtatsUnis et l’Europe ne sortent pas de leur
récession.
À première vue, les importations chinoises suivent
une trajectoire semblable: -25% en mai. Mais ce
chiffre est trompeur, car il reflète la baisse des
prix des ressources naturelles. En réalité, la
Chine a augmenté sensiblement ses achats de
cuivre, d’aluminium et de divers métaux.
C’est un effet direct du plan de relance de 700
milliards (5350 milliards de yuans), annoncé par
Pékin en novembre, qui prévoit des investissements
dans les infrastructures et des subventions à la
consommation.
Les banques étrangères présentes en Chine font
état de chantiers majeurs dans tout le pays. Les
investissements en zones urbaines ont bondi de 33%
en cinq mois. Et dans le secteur ferroviaire, les
dépenses ont plus que doublé.
Goldman Sachs évalue qu’une fois l’inflation prise
en compte, les investissements domestiques au pays
ont crû de près de 50% en un an. Du jamais vu
auparavant.
Dans le cadre de son plan, Pékin offre également
une aide aux ménages, en région surtout, pour
l’achat de voitures et d’appareils ménagers. Et
les Chinois en profitent : les ventes au détail
ont bondi de 15% le mois dernier, en pleine crise
économique planétaire.
Si bien que la Banque mondiale a relevé ses
prévisions, mercredi, tablant sur une croissance
de 7,2% pour l’économie chinoise en 2009 au lieu
de 6,5% auparavant.
Encore le découplage?
Tout indique alors que la Chine va sortir de cette
crise bien avant les États-Unis et l’Europe, et
dans de meilleures conditions.
Au rythme actuel, à la différence des pays
occidentaux et du Japon, la République populaire
n’aura jamais connu de récession véritable. La
prévision gouvernementale d’une croissance de 8%
en 2009, jugée trop optimiste en début d’année,
pourrait donc se réaliser.
La théorie du « découplage » – soit une économie
chinoise voguant allègrement sans être trop
affectée par la récession mondiale – refait même
surface en Europe ces jours-ci. Quoique des
experts en Amérique demeurent sceptiques.
« Pour que la relance de la Chine puisse
continuer, audelà du court terme, les autorités
devront s’assurer que la consommat ion demeure en
croissance », affirme Jin Ulrich, présidente
Bourse asiatique, chez JP Morgan.
Les Chinois dépensent beaucoup ces temps-ci, mais
« ce rythme n’est pas durable » , renchérit la
Banque mondiale, depuis Washington, en mettant en
garde contre les effets d’un déficit budgétaire
accru en 2010. « Il y a des limites à ce que la
Chine peut faire et pendant combien de temps, en
se distinguant de la conjoncture internationale »,
soutient l’organisme dans son dernier rapport.
Pour le moment, cependant, seul le marché
domestique compte aux yeux de Pékin. Quitte à
jeter de l’huile sur le feu protectionniste, comme
le gouvernement l’a fait la semaine dernière en
décrétant une politique « Achetez chinois », qui
oblige les autorités régionales à s’approvisionner
localement. Bref, on a installé une grosse
barrière pour protéger les fournisseurs du pays.
La tactique est dangereuse. Déjà des voisins de la
Chine envisagent de porter plainte à l’OMC.
Mais le pays qui a ér igé la Grande Muraille en a
vu d’autres. Et les autorités chinoises semblent
davantage s’inspirer de ce vieux proverbe
cantonais : « Aimez vos voisins, mais ne supprimez
pas votre clôture. »
L’Occident représente moins de 50%
de l’économie mondiale - RUDY LE COURS
Pour la première fois en plus d’un siècle et demi,
la production des États-Unis, des 27 pays de
l’Union européenne et du Canada représentera moins
de la moitié de la production mondiale cette
année.
PHOTO STEPHEN
SHAVER, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE
L’économie de la Chine se
rétablit à grande vitesse, ce qui va stimuler
les prix du pétrole et des produits de base.
Il s’agit d’un fait décisif qui représente une
belle occasion pour le Canada de tirer parti de la
montée en puissance des économies émergentes.
Cette fatalité survient six ans plus tôt que ne le
croyait encore l’an dernier le Centre for
Economics and Business Research (CEBR).
L’organisme de recherche indépendant britannique
attribue le devancement de ce tournant aux effets
de la récession présente qui frappe davantage les
économies industrialisées.
« Les États-Unis ne pourront plus dominer seuls le
monde, affirme en entrevue au téléphone depuis
Londres Jorg Radeke, économiste au CEBR. Les
économies émergentes comme la Chine joueront un
rôle de plus en plus important. »
Le CEBR constate d’ailleurs que c ’est cette année
même que l’empire du Milieu supplante celui du
Soleil-Levant au deuxième rang des puissances
économiques. Le Japon est l’économie
industrialisée la plus frappée par la récession
actuelle avec deux plongées successives de plus de
10% de son produit intérieur brut ( PIB) réel en
rythme annualisé. Bien que ralentie, l’expansion
de l’économie chinoise se poursuit.
Le déclin de l’Occident va se poursuivre au cours
des prochaines années. Il ne représentera plus que
45% de la taille de l’économie mondiale dans trois
ans, prévoit aussi le CEBR.
« Ce qui explique ce revirement plus rapide,
poursuit M. Radeke, c’est la vitesse avec laquelle
la Chine se rétablit. Cela va stimuler les prix du
pétrole et des produits de base. »
La place grandissante sur l’échiquier économique
mondial occupée par le bloc des quatre puissances
émergentes ( Brésil, Russie, Inde et Chine (BRIC))
se fait déjà sentir, renchérit Vincent Delisle,
stratège chez Scotia Capitaux. « La récession a
frappé les économies industrialisées de manière
synchronisée, mais on a sous-estimé que le BRIC
est en train de stabiliser les choses et de la
raccourcir. »
Ce
nouvel équilibre mondial amènera petit à petit les
gestionnaires de capitaux à détenir relativement
moins de titres et de dollars américains. « Si le
billet vert est toujours utilisé dans plus de 75%
des échanges de marchandises, les États-Unis ne
sont partie prenante de la transaction que dans
moins de 25% des cas », souligne François
Barrière, viceprésident, développement des
affaires, marchés internationaux, à la Banque
Laurentienne.
Bref, la donne a beau changer, le billet vert
servira de monnaie mondiale pendant encore un bon
moment. Plus il faiblira toutefois et plus les
prix des produits de base vont grimper pour que
les pays producteurs puissent garder leurs marges
de profit, prévoit-il.
En réalignant la composition de leurs
portefeuilles, les gestionnaires devront tenir
compte des puissances qui risquent de sortir
gagnantes de la dynamique qui commence. M. Delisle
pense avant tout au Brésil et au Canada.
« Le Canada offre le meilleur de trois mondes,
explique-t-il. C’est une économie développée
forte, encore bien branchée sur le consommateur
américain et un grand producteur de ressources. En
outre, le Canada va se relever de la récession
encore plus vite que les autres. »
Et au sein du Canada, le Québec s’en tire encore
mieux, ajoute-t-il.
Voilà pourquoi il recommande aux gestionnaires de
détenir plus de titres canadiens que notre poids
économique relatif. Dans l’indice mondial de
référence de Morgan Stanley, le Canada pèse 4%. M.
Delisle suggère plutôt une pondération de 6%.
Le Canada a quand même un défi économique à
relever. Son commerce mondial dépend encore trop
de ses rapports avec les États-Unis qui en
absorbent les trois quarts. Il doit profiter
davantage de l’essor du BRIC, qui devient le
moteur de la croissance mondiale de la prochaine
reprise.
« C’est sûrement un plus que de ne pas se reposer
sur une seule région », dit M. Radeke.
ÉCONOMIES
ÉMERGENTES Perspectives « prometteuses » malgré
la crise
— Le
Maroc et les autres économies émergentes sont
touchés par la crise économique mondiale, estime le
président de la Banque centrale européenne (BCE)
Jean-Claude Trichet, mais leurs perspectives à long
terme restent prometteuses. Le président de la Banque
centrale européenne, Jean-Claude Trichet, estime
que les perspectives des économies émergentes
restent bonnes à long terme.
« Le Maroc est touché par la crise (car) les cycles
conjoncturels du Maroc et de l’UE sont fortement
synchronisés » , a déclaré M. Trichet vendredi, à
Marrakech, dans le cadre d’un symposium
international à l’occasion du 50e anniversaire de la
banque centrale marocaine, Bank Al-Maghrib.
Cela s’explique, a-t-il poursuivi, par « l’existence
de divers canaux de transmission économique :
commerce, tourisme, transferts de fonds de
travailleurs migrants ».
« À partir de la mi-septembre de l’année dernière, a
indiqué M. Trichet, nous avons vu les économies
émergentes être réellement touchées alors qu’elles
avaient prouvé jusque-là une remarquable capacité de
résistance à la crise financière et économique
internationale ».
Mais, a-t-il souligné, « en dépit de la crise, les
perspectives à long terme des économies émergentes
demeurent extrêmement prometteuses ».
D’ailleurs, a poursuivi le président de la BCE, «
les économies émergentes vont voir leur poids
relatif augmenter considérablement ». Selon lui, «
la rapidité, dans une perspective de moyen à long
terme, du rattrapage des grandes économies
industrialisées par les économies émergentes est la
marque d’une très profonde transformation de
l’économie mondiale qu’il faut prendre totalement en
compte ».
«
Les économies des pays méditerranéens el les-mêmes
sont en plein développement, at-il affirmé. Du
point de vue de la zone euro, la proximité des
pays du Maghreb, du Maroc en particulier, les
relations étroites que nous avons avec le sud de
la Méditerranée sont absolument capitales. »
M. Trichet a rappelé que « plus de 50% des
exportations et des importations du Maroc
s’effectuent avec la zone euro », une autre preuve
que « nous sommes très, très étroitement liés les
uns aux autres ».
« La première et peut-être principale conclusion »
de ce qui s’est passé au cours de cette crise,
c’est que la coopération entre banques centrales a
été « absolument exemplaire », a pour sa part
estimé le directeur général du Fonds monétaire
international (FMI) Dominique Strauss-Kahn.
« Cette réaction, a-t-il dit, a été rapide, vive,
efficace et, le plus remarquable, totalement
coordonnée », montrant aux marchés que, «
finalement, il y avait des gens qui tenaient la
barre » : ça s’est révélé « extrêmement utile dans
un contexte où la confiance est la clef de la
réussite ».
L’autre leçon à tirer, a noté M. Strauss-Kahn,
c’est que « les solutions domestiques, nationales,
sont des choses qui appartiennent au passé ».
« Il faut bien reconnaître que nous avons tous été
aveugles, à commencer par le FMI, avait-il
auparavant souligné, et sousestimé l’interrelation
entre les économies, c’est-à-dire la
mondialisation réelle ».
Pour éviter la répétition d’une telle crise, le
directeur général du FMI a plaidé pour de
meilleurs systèmes d’alerte car, a-t-i l déclaré,
« on aimerait bien voir venir l’orage un peu plus
tôt ».
Économie
: la Chine peut-elle nous sauver ?... - Richard
Dupaul
Catalyseur plus que sauveur
LA CHINE La Chine va de mieux en mieux au plan
économique. Tout comme ses partenaires
commerciaux, de l’Indonésie jusqu’au Brésil.
Le Dragon chinois va-t-il sauver seul
l’économie mondiale ?
La Chine vient de remplacer les États-Unis au
titre de premier marché d’exportation du
Brésil, pour les quatre premiers mois de 2009.
n dévoilant ses résultats du premier
trimestre, il y a quelques jours,
l’équipementier industriel Caterpillar a
confirmé ce que plusieurs redoutaient: les
affaires du géant américain sont au ralenti à
l’échelle mondiale. Mais il y a une exception
notable en Orient. Le poids de la Chine
dans l’échiquier mondial est encore peu
significatif. Elle ne pèse que 7% du PIB
mondial en 2008, contre 23% pour les
États-Unis et 32% pour l’Union européenne.
Le PDG de Caterpillar, James Owen, a révélé
que les ventes d’excavatrices en Chine étaient
revenues à des records, après avoir plongé cet
hiver. La raison : le plan de relance
économique de 700 milliards CAN, que Pékin a
mis de l’avant en décembre, commence à porter
ses fruits. Les chantiers se multiplient dans
le paysage chinois, ce qui a un i mpact j
usque dans les usines américaines du groupe.
L’aciériste indo-luxembourgeois Arcelor Mittal
a tenu des propos similaires, récemment, en
soulignant que la demande d’acier est « à la
hausse » en Chine.
De la Mongolie à l’Indonésie ou aux États-Unis
en passant par le Brésil, on fait partout le
même constat : non seulement le regain de vie
de l’économie chinoise est réel, mais il a des
effets bénéfiques sur plusieurs pays.
Le monde en profite
Les proches partenaires commerciaux de la
Chine sont évidemment les mieux placés.
Les exportations de Singapour sur le marché
chinois, par exemple, ont bondi de 29% en
mars. Celles du Japon, de la Corée-duSud et de
Taiwan vers l’empire du Milieu sont également
en hausse.
Si bien que les géants de l’automobile Nissan
(Japon) et Hyundai (Corée-du-Sud) prévoient
maintenant accroître leurs ventes en Chine.
« Il se passe quelque chose de significatif
(en Chine), affirme Robert Prior-Wandesforde,
économiste à HSBC Holdings Plc, cité par
l’agence Bloomberg. « Les effets du plan de
relance, des réductions de taux d’intérêt, de
la politique monétaire donnent des résultats.
»
La Chine multiplie en effet les signes
encourageants. Secteur clé de l’économie, la
production manufacturière est repartie à la
hausse en avril, a-t-on appris la semaine
dernière.
Unimportant indicedesdirecteurs d’achat du
secteur manufacturier a atteint 50,1 le mois
dernier, contre 44,8 en mars. Un premier gain
en neuf mois. Ce résultat a d’ailleurs donné
un nouvel élan aux Bourses mondiales ces
derniers jours.
Aussi, la firme Goldman Sachs n’a pu
s’empêcher de relever – de 6 à 8% – sa
prévision de croissance de l’économie chinoise
en 2009.
Le Brésil jubile
Or, ce qui étonne le plus avec la relance
chinoise, c’est qu’elle a des échos dans les
coins les plus reculés du globe.
Mardi dernier, le Brésil a annoncé que son
surplus commercial avait atteint un sommet de
11 mois en avril. Et le gouvernement brésilien
a pris soin de noter que la reprise en Chine
accroît la demande pour les ressources
naturelles du plus grand pays sud-américain.
Et surprise! La Chine vient de remplacer les
États-Unis au titre de premier marché
d’exportation du Brésil, pour les quatre
premiers mois de 2009. Les expéditions
brésiliennes vers le géant asiatique ont
enregistré un bond spectaculaire de 65% en un
an. Par comparaison, les exportations vers les
États-Unis ont chuté de 35%.
Un sauveur ?
Évidemment, cela soulève une question: le
Dragon chinois peutil seul insuff ler une
nouvelle vie à la planète économique ?
Malheureusement non.
Certes, la remise en marche de l’industrie
chinoise est une « bonne nouvelle », car
celle-ci augmente la demande de matières
premières. La Chine peut donc être un «
catalyseur », explique dans une étude Laurence
Boon, chef économiste à Barclays Capital… mais
à condition d’être accompagné d’une reprise
aux États-Unis.
Seule, l’économie chinoise a un impact limité
sur le reste du monde.
L’un des problèmes est que l’économie chinoise
est encore relativement fermée. Sa part dans
les importations mondiales ne s’élevait qu’à
6,5% en 2007, faute d’un nombre important de
consommateurs assoiffés ou assez riches.
De plus, le poids de la Chine dans l ’
échiquier international est encore peu
significatif. La Chine ne pèse que 7% du PIB
mondial en 2008, contre 23% pour les
États-Unis et 32% pour l’Union européenne. «
Le consommateur moyen chinois ne peut
remplacer le consommateur moyen américain pour
ce qui est de son pouvoir d’achat », souligne
M. Boone.
En attendant, la Chine joue un rôle limité
mais grandissant. Sans être un puissant moteur
de croissance, elle est devenue, à tout le
moins, un symbole de la sortie de crise. C’est
déjà beaucoup en cette période de grisaille.
LES
PAYS ÉMERGENTS RÉ-ÉMERGENT EN PREMIER ...
« Le plan de relance de la Chine a un impact
plus rapide que celui des États-Unis, car il
insiste davantage sur le développement des
infrastructures, tandis que le plan d’Obama est
plutôt un plan social. »
Frappées de plein fouet l’année dernière, les
Bourses des pays émergents sont reparties à
toute vitesse depuis le début de 2009. « Les
investisseurs s’étaient positionnés pour
l’apocalypse, mais ce n’est pas arrivé »,
explique Benoit Paradis, gestionnaire d’actions
canadiennes et internationales chez McLean
Budden. Pour profiter du rebond, les
investisseurs ont collé l’accélérateur au tapis,
dès qu’ils ont entrevu les premiers signes
d’amélioration économique.
Résultat: l’indice MSCI Barra des pays émergents
est en hausse de 25% depuis le début de l’année,
loin devant les Bourses des pays industrialisés
du G7 qui n’ont repris que 3,7% en 2009.
En tête de peloton, la Russie a repris plus de
40%, grâce à l’envol du prix du pétrole. Stimulé
par les ressources naturelles, le Brésil a bondi
de 33%. Et la Chine a gagné 25%.
Le plan de relance de la Chine commence à porter
fruit. Ces derniers mois, plusieurs indicateurs
se sont redressés, notamment les ventes
d’automobiles qui ont explosé de 50% en avril
par rapport à l’année précédente, alors qu’elles
reculaient de 34% aux États-Unis. D’ailleurs, le
nombre de véhicules vendus en Chine a maintenant
dépassé le nombre de véhicules vendus aux
États-Unis.
« Le plan de relance de la Chine a un impact
plus rapide que celui des États-Unis, car il
insiste davanatage sur le développement des
infrastructures, tandis que le plan d’Obama est
plutôt un plan social », explique M. Paradis.
Et là-bas, tout bouge plus vite. « On peut
annoncer une mesure et, le lendemain, il y a
1000 travailleurs dans la rue ! Dans les pays
émergents, les processus sont moins longs »,
ajoute Frédéric Imbeault, gestionnaire d’actions
asiatiques chez Hexavest.
Mais selon lui, les pays émergents profitent
aussi des mesures de relance annoncées par les
États-Unis. « Chaque fois que la Réserve
fédérale américaine ba i sse ses t aux de façon
draco - nienne, cela crée un environnement
favorable pour les mar c hé s éme r - gents »,
dit-il.
Pour repartir l’économie, les États-Unis ont
doublé leur masse monéta i re. L’augmentation
des liquidités rejaillit sur les marchés
émergents, qui sont abreuvés plus vite étant
donné leur plus petite taille.
L’Asie devant
Plusieurs considèrent que les pays émergents
sortiront gagnants de la crise financière qui a
secoué la planète. L’investisseur-vedette George
Soros est de ce nombre : « La dégringolade de
l’économie a cessé. L’Asie sera la première à
sortir de la crise », a-t-il confié aux médias,
hier.
Douglas Porter partage son point de vue. « Il y
a des raisons de croire que les pays émergents
peuvent émerger plus vite et plus forts que les
pays industrialisés, dans la phase de reprise »,
estime l’économiste en chef adjoint aux Marchés
des capitaux BMO.
Selon lui, les pays émergents offrent l’une des
plus belles occasions de placement à moyen
terme, parce que leurs perspectives de
croissance sont plus fortes et aussi parce que
leurs assises économiques se sont améliorées par
rapport aux décennies passées (ex: fardeau de la
dette, inflation, déficit budgétaire).
De manière générale, « les sociétés en Asie sont
moins endettées qu’il y a 10 ans et que leurs
concurrentes des pays industrialisées »,
confirme M. Imbeault. De plus, leur structure
d’affaires est moins « exotique » qu’en
Occident. « Il y a une perception que les
marchés émergents sont plus sécuritaires parce
qu’elles n’ont pas d’actifs toxiques. Leurs
banques ne risquent pas d’être nationalisées,
comme on l’a vu au Royaume-Uni », indique M.
Paradis.
Mais il ne faut pas se leurrer, l’envolée
récente des Bourses des pays émergents est
principalement due aux plans de relance des
gouvernements, à la baisse des taux d’intérêt,
et à l’ajustement des stocks des entreprises.
Une telle dose d’adrénaline pourrait réanimer un
mort, lance à la blague M. Imbeault. « Pour que
la reprise soit durable, à moyen terme, il faut
que la demande reprenne », dit-il. Autrement,
les Bourses pourraient facilement plonger à
nouveau.
Les bureaux indiens profitent de la
crise - Philippe Mercure
CGI
Avenues bordées d’arbres, grands édifices de
verre, jeunes professionnels qui se baladent
avec leur carte d’employé au cou: pénétrer
dans la Cité électronique, le parc
technologique de la ville de Bangalore, en
Inde, c’est oublier un instant toutes les
misères et le chaos du pays.
Comme partout où il se brasse des affaires,
l’endroit n’a pas été épargné par la crise
économique. Mais demandez à Bradiptea Banerjee
s’il en subit les conséquences et il ne peut
s’empêcher de sourire.
M. Banerjee est directeur des ressources
humaines pour l’entreprise montréalaise CGI à
Bangalore. Au moment même où plusieurs de ses
homologues planchent sur des plans de
réduction de personnel, M. Banerjee, lui, n’a
jamais été aussi occupé… par les embauches.
« Depuis quatre ou cinq ans, on grossit de 35
à 40% par année, dit M. Banerjee. Et cette
année, on prévoit encore grossir de 35 à 40%.
»
Le secret d’une croissance aussi spectaculaire
en pleine crise économique ? M. Banerjee
l’explique de deux façons. D’abord, de l’avis
même des analystes, CGI résiste plutôt bien au
ralentissement mondial. Au deuxième trimestre
de l’année, l’entreprise a dévoilé des profits
en hausse de 12,7%.
« CGI gagne de nouveaux contrats, et une
partie de ce travail se fait en Inde »,
explique M. Banerjee.
Mais la crise joue aussi en faveur des bureaux
indiens. CGI, qui s’occupe de gérer les
technologies de l’information et les processus
d’affaires des autres entreprises et des
gouvernements, subit de la pression de la part
de ses clients, qui veulent diminuer leurs
coûts en période difficile. L’entreprise a
réagi en augmentant la proportion de ses
activités réalisées en Inde, question
d’abaisser ses coûts d’exploitation.
En fait, on pourrait dire que CGI est un peu
en mode « rattrapage » quant à ses activités
indiennes.
Un ingénieur fraîchement sorti de l’école
gagne environ 6000$ US par année en Inde,
environ 10 fois moins qu’en Amérique du Nord.
« CGI compte moins de 10% des ses employés en
Inde, explique M. Banerjee. Si vous regardez
des grandes multinationales comme IBM ou
Accenture, la proportion du travail imparti en
Inde est dans les environs de 25 à 30%. »
L’entreprise explique que le ratio est
maintenant appelé à s’approcher de ceux des
autres entreprises. « Une certaine proportion
du travail qui se fait en Amérique du Nord et
en Europe peut être poussée en Inde, dit M.
Banerjee. Et c’est en train de se produire au
moment où on se parle. »
L’avantage est évident : un ingénieur
fraîchement sorti de l’école gagne environ
6000 $ US par année en Inde, environ 10 fois
moins qu’en Amérique du Nord.
Dans les bureaux de CGI à Bangalore, ils sont
une armée de jeunes en chemise à plancher
devant les écrans plats de leurs ordinateurs.
Seules quelques filles se détachent du lot.
Dehors, sur la terrasse, un petit groupe
pousse des exclamations, absorbé par une
partie de soccer sur table.
Même si l’Inde est de plus en plus utilisée
comme centre d’excellence en recherche et
développement, ce sont surtout des techniciens
qui seront appelés en renfort au cours des
prochains mois. CGI a bien bâti un centre de
R& D il y a deux ans. Mais ce sont
maintenant les activités de gestion des
systèmes déjà en place, donc celles qui
demandent le moins d’expertise, qui sont
aujourd’hui massivement envoyées en Inde par
CGI.
Pas étonnant de voir Bradiptea Banerjee
sourire. « Chez CGI, la tarte grossit. Et
notre portion de la tarte grossit aussi. »
Une crainte exagérée La faible
proportion de contenu local dans les exportations de
la Chine rend la dégringolade moins catastrophique
Les protestations de la place Tiananmen, il y a 20
ans, sont étroitement liées aux performances
macroéconomiques de la Chine.
L’auteur est professeur adjoint au service de
l’enseignement des affaires internationales aux
HEC Montréal, CIRANO et LICOS. Comparativement à l’année
précédente, les exportations de la Chine pour le
premier trimestre de 2009 ont diminué de 20,1%,
passant de 304 milliards à 243 milliards de
dollars américains.
La violente répression du mouvement étudiant
prodémocratie qui s’est manifestée sur la place
Tiananmen il y a 20 ans compte parmi les
événements dont on a le plus parlé dans l’histoire
récente de la Chine. Dans ces discussions,
toutefois, on oublie souvent à quel point les
protestations de la place Tian’anmen étaient
étroitement liées aux performances
macroéconomiques de la Chine.
À la fin des années 80, les piètres compétences du
Parti communiste chinois ( PCC) en matière
d’économie ont engendré beaucoup de mécontentement
au sein de la population urbaine. Les réformes
économiques avaient provoqué une inflation
galopante qui grugeait les véritables revenus
urbains. Ajoutant l’insulte à l’injure, la
perception se répandit que les officiels du parti
s’enrichissaient grâce à la corruption. Dans ce
contexte incendiaire du printemps de 1989, des
masses de citadins désillusionnés se sont joints
aux protestations politiques de la place
Tian’anmen et les a alimentées.
Ce lien étroit entre la performance économique de
la Chine et sa stabilité politique reflète la
légitimité politique modifiée par le PCC après la
mort de Mao Zedong en 1976. Puisque que
l’idéologie communiste, autrefois toute puissante,
perdait de son lustre, le PCC s’est réinventé
comme le gardien de la croissance économique et de
la hausse du niveau de vie.
I l faut garder cela à l’esprit quand il est
question de la présente crise économique. En
raison des turbulences que subissent les marchés
nordaméricains et européens, la demande pour les
exportations de la Chine a subi une baisse
considérable. Comparativement à l’année
précédente, les exportations de la Chine pour le
premier trimestre de 2009 ont diminué de 20,1%,
passant de 304 milliards à 243 milliards de
dollars US. Certains observateurs s’inquiètent de
cet état de choses, puisque les exportations
représentent 42% du produit intérieur brut ( PIB)
de la Chine, soit un pourcentage beaucoup plus
élevé que celui qu’enregistrent d’autres économies
d’envergure comme celles des États-Unis et du
Japon (où les exportations représentent
respectivement 12% et 18% du PIB). Plusieurs
considèrent par conséquent la Chine
particulièrement vulnérable au présent
ralentissement économique.
Cette
crainte, toutefois, est considérablement exagérée.
La dépendance de la Chine envers l ’ export ation
est beaucoup moins importante que ne l’indique le
rapport exportation/ PIB, reconnu pour son manque
de précision. La hausse substantielle des
exportations de la Chine au cours des deux
dernières décennies est principalement due au fait
que plusieurs sociétés étrangères confient à la
sous-traitance chinoise une portion de leur chaîne
de valeur – l’assemblage final nécessitant
beaucoup de main-d’oeuvre – à des fins
d’exportation.
Une récente étude réalisée par Koopman, Wang et
Wei estime qu’environ la moitié de la valeur
totale des exportations de la Chine représente des
biens véritablement fabriqués en Chine, alors que
l’autre moitié représente un contenu importé.
Quand on t i ent compte de cette faible proportion
de contenu local dans les exportations de la
Chine, on constate que la dépendance de la Chine
envers l’exportation est beaucoup moindre que le
suggère le rapport exportation/ PIB et que
l’économie chinoise demeure largement dissociée
des cycles d’affaires des économies avancées.
I l est encore trop tôt pour évaluer la véritable
résilience de la Chine face à la crise économique
mondiale, mais certains indicateurs laissent
présumer que le PCC saura l’éviter. Pendant le
premier trimestre de 2009, la croissance du PIB de
la Chine s’est accélérée pour atteindre un taux
annualisé de plus de 6%, en hausse d’environ 1%
sur le trimestre précédent.
En outre, des grandes banques comme la Morgan
Stanley, la Royal Bank of Scotland et la Barclays
ont récemment révisé à la hausse leurs prévisions
pour la croissance du PIB de la Chine en 2009, les
faisant passer de 5% ou 6% à 7% ou 8%. Si ces
prévisions s’avèrent justes, les dirigeants du PCC
pousseront sans aucun doute un grand soupir de
soulagement.
La cigale (russe) et la fourmi
(chilienne) - RICHARD DUPAUL
La Russie a son pétrole. Le Chili, ses mines de
cuivre. Les deux pays sont largement dépendants
des ressources naturelles. À la différence que
le plus petit des deux résiste mieux à la
récession. La leçon de la fourmi chilienne.
Les Chiliens ont accumulé d’importantes réserves
monétaires, soit plus de 20 milliards US. Un
coussin exceptionnel qui représente plus de 15%
de l’économie du pays.
Son économie se contracte. Ses exportations
chutent. Le chômage grimpe. Le Chili contribue au
tiers de la production mondiale de cuivre, qui
compte pour 45% de ses exportations.
Ci-dessus, la mine Los Bronces, près de
Santiago.
Pourtant, cela n’a pas empêché la firme Moody’s
de relever la cote de crédit du Chili l’hiver
dernier, au plus fort de la tempête financière.
Au moment où les agences de crédit ont le
couteau à la main, le Chili a réussi tout un
exploit. Surtout que ce petit pays d’Amérique
latine est le premier au monde, parmi ceux qui
bénéficient de la note de crédit supérieure (
investment grade), à grimper d’un rang dans le
classement Moody’s 2009.
Pendant ce temps, à l’autre bout du monde, la
Russie risque d’être « décotée ». Son économie
s’enfonce dans le rouge à une vitesse alarmante,
avec une chute du PIB de 10,5% en avril – soit
cinq fois le recul du Chili (-2,1%) au premier
trimestre.
Ces deux pays, de taille et de culture très
différentes, ont pourtant un point en commun:
d’abondantes ressources naturelles.
Le Chili contribue au tiers de la production
mondiale de cuivre, qui compte pour 45% de ses
exportations. Quant à la Russie, le pétrole et
le gaz naturel sont ses principales sources de
devises étrangères.
Or, avec la récession mondiale, ces deux pays
ont vu leurs ventes à l’étranger chuter de
moitié environ. Un choc violent.
Les similitudes s’arrêtent là, cependant. Car
Moody’s a fait du Chili un modèle, un exemple à
suivre pour les pays riches en ressources, comme
la Russie, qui gèrent mal leurs précieux avoirs.
Un bas de laine de 20 milliards US
En bonifiant la réputation financière du Chili,
en mars, Moody’s a souligné un fait encore peu
connu dans l’hémisphère Nord: les Chiliens ont
accumulé d’importantes réserves monétaires, soit
plus de 20 milliards US. Un coussin
exceptionnel, qui représente plus de 15% de
l’économie chilienne.
D’où provient cet argent ? Simple: la « fourmi »
chilienne – personnifiée par le ministre des
Finances Andres Velasco – a su économiser en
période de beau temps. Durant la montée en
flèche des prix du cuivre, le Chili en a profité
pour remplir ses coffres.
Le
Wall Street Journal a d’ailleurs salué cette
sagesse la semaine dernière. Dans un long
article, le quotidien financier souligne surtout
le travail de M. Velasco, qui a su résister l’an
passé à d’énormes pressions venant de groupes
qui réclamaient que l’État brise son petit
cochon et dépense ses milliards.
En septembre, des protestataires ont même
interrompu un discours de M. Velasco en scandant
: « L’argent du cuivre est pour les pauvres ! »
Mais ce diplômé de la Columbia University, aux
États-Unis, n’a pas bronché. Et aujourd’hui, il
passe pour un visionnaire.
Car le Chili peut puiser dans ses réserves pour
financer divers programmes économiques et
sociaux au moment où le pays en a le plus
besoin.
Par exemple, la présidente socialiste Michelle
Bachelet vient d’annoncer que l’État versera à 4
millions de pauvres une deuxième prime
équivalant à 80$ pour les aider face à la crise.
C’est sans compter les milliards que le
gouvernement va injecter dans les
infrastructures du pays.
La Russie s’enfonce
Pendant ce temps, la Russie doit pomper des
milliards pour sauver son système financier, qui
est menacé d’implosion. Tout un contraste avec
le Chili, qui n’a pas versé un peso pour
soutenir ses banques.
Et les Russes ont d’autres problèmes.
Heurté de plein fouet par la chute des cours
pétroliers, Moscou vient de hausser sa prévision
de déficit budgétaire pour cette année, à 9% du
PIB. Et ce, même si l’État va réduire ses
dépenses.
L e gouver nemen t dev r a emprunter 20
milliards US à l’étranger, d’ici deux ans, pour
régler ses comptes. Le Chili, par comparaison, a
remboursé toutes ses dettes étrangères.
Et, comble de malheur, les réserves monétaires
de la Russie ( 125 milliards de dollars en 2008)
fondent comme neige au soleil. D’ici à la fin de
2009, ces fonds auront peutêtre disparu, en
bonne partie parce que Moscou s’est entêté à
défendre à coups de milliards sa devise, qui
chutait sur le marché des changes cet hiver. De
l’argent « gaspillé », selon des économistes,
avec très peu de résultats...
Bref, deux cas aux antipodes. S’il était vivant,
Jean de La Fontaine aurait un malin plaisir à
raconter les tribulations économiques de la
Russie et du Chili. La cigale et la fourmi,
version 2009. Et cette fable des temps modernes
trouverait une oreille attentive à Wall Street.
« Le Chili est dans une classe à part, affirme
Luis Arcentales, économiste à Morgan Stanley,
dans une note financière. À mesure que la
récession progresse, on verra que le Chili se
porte relativement mieux que les autres. »
Chine et Brésil font bon ménage
PÉKIN— La
visite d’État en Chine du président brésilien Luiz
Inacio Lula da Silva a été marquée hier par une série
d’accords dans le domaine pétrolier, et notamment un
prêt chinois à la société publique brésilienne
Petrobras.
Petrobras a obtenu un crédit de 10 milliards US sur 10
ans de la China Development Bank (CDB), dépendant du
gouvernement chinois, qui doit, selon la société
brésilienne, « financer ses projets d’investissements et
des achats de biens et services en Chine ».
Mais, « dans le cadre de ce contrat » avec CDB,
Petrobras et le géant public chinois Sinopec, premier
raffineur d’Asie, ont également conclu un accord sur la
livraison de pétrole brésilien à la Chine, hautement
intéressée par la diversification de ses sources
d’approvisionnement.
« Les volumes d’exportation seront de 150 000 barils par
jour la première année, puis de 200 000 barils par jour
pendant les neuf années suivantes », a annoncé
Petrobras.
Les bases de ces accords, notamment le prêt de la CDB,
avaient été établies lors de la visite officielle à
Brasilia en février du vice-président chinois Xi
Jingping.
La visite en Chine du président Lula, arrivé à la tête
d’une délégation de 240 hommes d’affaires brésiliens, a
une forte tonalité économique. Il devait également
parler de commerce et de monnaie, hier, lors de ses
entretiens avec le président chinois Hu Jintao et le
premier ministre Wen Jiabao.
En l’accueillant, Hu Jintao s’est félicité que Luiz
Inacio Lula da Silva, dont c’est la deuxième visite à
Pékin, « ait donné une place de choix à la Chine dans la
diplomatie » brésilienne.
Lula s’est réjoui à son tour du fait que la Chine soit
devenue le premier partenaire commercial du Brésil.
« Cette visite permettra de renforcer notre coopération
financière et commerciale », a-t-il dit.
Au
nombre des accords signés hier figure « un accord de
prêt de 800 millions US » entre la China Development
Bank et son équivalente brésilienne, a-t-on annoncé
officiellement.
Signe des liens de plus en plus étroits entre les deux
grands pays émergents, la Chine est devenue pour la
première fois, à la faveur de la crise mondiale, le
premier partenaire commercial du Brésil, devant les
États-Unis.
Or, le chef de l’État brésilien devait défendre l’idée
que ces échanges commencent à se passer désormais du
dollar américain, pour s’effectuer en reales et en
yuans.
« Il est absurde que deux importantes nations
commerciales comme les nôtres continuent de mener
(leurs) échanges dans la monnaie d’un pays tiers », a
déclaré le président brésilien dans un entretien
publié par le magazine chinois Caijing.
Lula avait déjà avancé l’idée de contourner le dollar
américain en rencontrant Hu en marge du sommet du G20
à Londres, au début d’avril, et annoncé qu’ils en
reparleraient à Pékin.
En mars, le gouverneur de la Banque centrale chinoise,
Zhou Xiaochuan, avait lancé de son côté l’idée que le
dollar soit remplacé comme monnaie de réserve
internationale par les Droits de tirages spéciaux du
FMI.
M. Zhou et son homologue à la banque centrale du
Brésil devraient en discuter prochainement, a rapporté
hier le quotidien Financial Times.
Dans un commentaire publié hier par le China Daily,
Lula explique que l’un des piliers de la diplomatie
brésilienne est de renforcer les alliances
diplomatiques et économiques avec les autres grands
pays en développement, surtout dans le contexte de
crise mondiale.
« Les défis systémiques qu’affronte l’économie
mondiale mettent en relief la responsabilité
croissante des pays émergents », écrit-il.
Rio Tinto laisse tomber les Chinois
Le
géant minier se renflouerait par une émission
d’actions
La mégatransaction avec la société chinoise
Chinalco, qui devait soulager Rio Tinto de sa
lourde dette, ne se fera pas. Annoncée en primeur
par le Financial Times de Londres, la nouvelle a
reçu une sorte de confirmation de Rio Tinto plus
tard hier dans la journée. Rio Tinto doit
impérativement réduire sa dette de près de 40
milliardsUS contractée principalement lors de
l’achat d’Alcan conclu juste avant que le marché
des métaux ne s’effondre. Sur la photo, des
collines de bauxite traitée à une mine de Rio
Tinto Alcan.
Le géant minier a publié un communiqué qui ne fait
aucune mention de la transaction, ni de Chinalco.
« Rio Tinto poursuit une série d’options, dont
certaines sont assez avancées, pour maximiser la
valeur pour les actionnaires et améliorer sa
structure de capital », a fait savoir
l’entreprise, qui ajoute qu’une annonce sera faite
« en temps utile ».
Pour la plupart des analystes, ce bref message
signifie la mort de la transaction conclue au pire
de la crise du crédit et alors que les prix des
métaux étaient au plus bas. Chinalco avait accepté
d’investir 19,5 milliardsUS, ce qui lui aurait
donné 18% des actions de Rio Tinto et des
participations variant entre 15 et 50% dans
plusieurs projets miniers en Australie.
Controverse
Dès son annonce, le 12 février dernier, la
transaction avait soulevé la controverse. Le
gouvernement australien, où se trouve undesdeux
sièges sociaux de Rio Tinto (l’autre est à
Londres), s’était inquiété de voir une société
appartenant à la Chine, déjà un important client
de Rio Tinto, devenir un des principaux
actionnaires de l’entreprise dans un secteur aussi
névralgique pour l’Australie que les mines.
Les actionnaires de Rio Tinto s’inquiétaient eux
aussi de voir leur participation diluée par
Chinalco, qui aurait acheté ses actions à rabais.
La
direction de Rio Tinto a travaillé très fort pour
défendre la transaction, jusqu’à tout récemment,
alors qu’il devenait de plus en plus évident que
les termes de l’entente conclue avec les Chinois
devaient être renégociés.
Les actions de Rio Tinto se sont en effet
appréciées de près 50% depuis février, ce qui
rendait la transaction avec Chinalco de moins en
moins acceptable pour les actionnaires. « À mesure
que l’action montait et que les conditions de
crédit s’amélioraient, d’autres options
commençaient à paraître beaucoup plus
intéressantes » , a commenté l’analyste londonien
Nick Hatch, d’ING, à Bloomberg.
Les autres options envisagées par Rio Tinto
étaient la vente d’éléments d’actif et, surtout,
une émission d’actions de 10 à 15 milliards US. Ce
plan B, qui apparaissait impossible à mettre en
oeuvre en février dernier, est devenu réalisable
avec l’amélioration des conditions du marché et le
raffermissement du prix des métaux.
Selon le Financial Times, Rio Tinto annoncera dans
les prochaines heures qu’elle a choisi d’aller
chercher du capital en Bourse et de s’allier avec
son concurrent BHP Billiton, qui prendrait les
participations dans les projets miniers
australiens qui étaient destinés à Chinalco.
Ni Chinalco ni BHP Billiton n’ont commenté hier.
Le titre de Rio Tinto a chuté de 6,6% et celui de
BHP Billiton a baissé de 2,5% hier sur les marchés
de Londres et de Melbourne.
Rio Tinto doit impérativement réduire sa dette de
près de 40 milliardsUS contractée principalement
lors de l’achat d’Alcan conclu juste avant que le
marché des métaux ne s’effondre.
Si la transaction avec Chinalco est abandonnée,
Rio Tinto devra verser une compensation estimée à
195 millionsUS au gouvernement chinois. Mais ce
qui risque de faire le plus mal à Rio Tinto, c’est
la frustration des Chinois qui restent les
principaux consommateurs de métaux sur la planète.
INDE GMen pleine campagne de séduction
- Philippe Mercure
Lancement
de nouveaux modèles. Pleines pages de publicité
dans les journaux. Clips à la télé et sur
l’internet. Difficile, en Inde, de croire que GM
vient de se placer sous la loi de la faillite.
Ici, le constructeur automobiledépenseàfond
lacaisse dans l’espoir de percer l’un des seuls
marchés au monde qui continue de croître. GM a placé l’Inde parmi
les marchés « très importants » sur lesquels
compte le constructeur pour se remettre sur
pied. Sur la photo, la Chevrolet Spark dans
une salle d’exposition de Bombay, en Inde.
Avec exactement 65 702 véhicules vendus l’an
dernier, General Motors n’occupe que 3,5% du
marché indien. Mais le constructeur de Detroit a
annoncé ses intentions d’augmenter sa part de la
tarte à rien de moins que 10% d’ici... 2010. Un
objectif ambitieux que l’entreprise travaille à
atteindre malgré la restructuration de la
société mère.
« La faillite, c’est aux ÉtatsUnis, monsieur. Ça
n’a rien à voir avec l’Inde, monsieur. »
Vikram B. S. travaille dans la salle
d’exposition de GM boulevard Kasturba, à
Bangalore, dans le sud de l’Inde. Chaque jour,
plusieurs fois par jour, il s’applique à répéter
le message que GM veut passer ici : la
restructuration n’affecte pas les activités
locales.
Pour aider Vikram, GM a déployé une immense
banderole où on peut lire ceci: « Nous sommes là
pour vous. Nous sommes là pour l’Inde. »
Vikram remet aussi systématiquement aux clients
un livret imprimé qui explique qu’ils n’ont «
rien à craindre » pour la garantie de leur
véhicule. Il a aussi sous la mainles
immensespublicitésquele constructeur a fait
paraître dans les grands journaux nationaux. Il
les montre aux clients comme preuve que « GM
investit en Inde ».
Si certains clients sont convaincus, d’autres
affichent leur scepticisme. « Une
restructuration, c’est quand même quelque chose
de sérieux. On ne peut pas savoir combien de
temps ça va durer. Qu’est-ce qu’on va faire
s’ils ferment tout demain matin? » s’interroge
Amit Pandya, 47 ans.
M. R. Indresh, expert automobile indien, croit
que la faillite rend effectivement plusieurs
Indiens craintifs d’acheter les véhicules. Les
concessionnaires ont beau dire qu’ils
n’observent pas d’effet sur les visites et les
vendent depuis l’annonce de la faillite, le 1er
juin dernier, il n’y croit pas.
« Il y a un effet, définitivement », dit-il.
Reste que GM poursuit sa campagne de
séduction. Rien de bien surprenant aux yeux de
Christian Navarre, spécialiste de l’industrie
automobile à l’École de Gestion de
l’Université d’Ottawa. « GM gagne de l’argent
en Asie... » rappelle-t-il.
En fait, GM a placé l’Inde parmi les marchés «
très importants » sur lesquels compte le
constructeur pour se remettre sur pied.
Un pari que suit M. Navarre de près. « Dans le
passé, les profits réalisés en Asie ont
beaucoup aidé les finances de GM, dit le
spécialiste. Et sur le marché des voitures
traditionnelles, il semble que les Asiatiques
et les Indiens aiment la marque GM. »
MaisM. Navarre surveille aussi les
constructeurs locaux comme Tata et Mahindra. Contrairement
aux constructeurs chinois qui veulent
conquérir le monde, les constructeurs
indiens semblent concentrer toutes leurs
énergies sur le marché local, en se
préoccupant très peu de l’exportation.
C’est ainsi que Tata a lancé en Inde cette
année la voiture à 2500$US.
« Tata ouvre un nouveau marché innovant en
Inde sur lequel il aura une sorte de monopole
pour quelque temps. Ça pourrait bien devenir
le nouveau modèle en Inde. L’expérience Tata
est probablement l’avenir de ce marché », dit
M. Navarre.
Un élément de plus dans la bataille que se
livrent les constructeurs pour un marché qui
croît encore de 6% par année.
Le gouvernement espagnol crée un
fonds pour sauver ses banques
— Le gouvernement socialiste espagnol a créé
un fonds de secours au secteur financier, doté
de 9 milliards d’euros ( 15 milliards CAN),
qui permettra aux pouvoi r s publics d’entrer
au capital des entités en difficulté.
PHOTO MARKEL REDONDO, ARCHIVES
BLOOMBERG NEWS
Les grandes
institutions d’Espagne, comme les banques
Santander, sont moins sensibles au secteur
immobilier que les petites caisses d’épargne
régionales.
Le fonds, baptisé Frob, pourra augmenter ses
ressources de 27 milliards d’euros par
l’endettement pour la seule année 2009.
Sur sa dotation de départ, 6,75 milliards
d’euros sont des deniers publics et 2,25
milliards d’euros sont versés par les fonds de
garantie du secteur bancaire déjà existants,
alimentés par les établissements financiers.
Le but du Frob, créé par un décret-loi adopté
en Conseil des ministres, sera de faciliter la
réorganisation du secteur financier espagnol,
en particulier au sein des nombreuses caisses
d’épargne régionales.
« Bien que le secteur bancaire espagnol ait
montré sa solvabilité, dans cette conjoncture
de crise économique internationale, quelques
entités financières pourraient avoir des
difficultés au cours des prochains mois », a
déclaré la vice-présidente du gouvernement,
Maria Teresa Fernandez de la Vega, à l’issue
du Conseil.
Les banques espagnoles ont été relativement
épargnées par la crise causée par les crédits
à risque de type subprime, mais certaines
institutions, notamment les petites caisses
d’épargne régionales, sont grandement exposées
à l’éclatement de la bulle immobilière
espagnole, ce qui fait augmenter leurs taux de
créances douteuses et leur pose des problèmes
de liquidité.
Fin mars, la Banque d’Espagne a dû secourir en
urgence une petite caisse d’épargne, la Caisse
de Castille-La-Manche (CCM).
Les gra ndes i nstit utions, comme les banques
Santander, BBVA, ou la caisse d’épargne La
Caixa, beaucoup plus internationalisées, sont
moins sensibles au secteur immobilier.
Plusieurs autres pays européens se sont dotés
de structures pour encadrer les prises de
participations publiques dans les
établissements financiers.
La
Grande-Bretagne a créé une holding publique
gérant les dizaines de milliards de livres
sterling dépensés par l’État pour sauver des
banques.
En Allemagne, 80 milliards d’euros sont dédiés
à d’éventuelles prises de participation dans
les établissements en difficulté, et en
France, la Société des prises de participation
de l’ État (SPPE) a déjà injecté 10,5
milliards d’euros dans plusieurs grandes
banques.
Restructuration ou fusion
L’action du Frob s’inscrira dans le cadre de
diverses opérations : des processus de
restructuration ou des processus de fusion.
Tout d’abord, dans le cas de la
restructuration d’une banque, le Frob pourra
prêter aux conditions de marché des liquidités
aux différents fonds de garantie déjà
existants.
De plus, si le plan de restructuration
n’aboutit pas, le Frob pourra intervenir
directement dans la banque pour élaborer
luimême un plan de restructuration et
éventuellement prendre des participations.
Les banques souhaitant bénéficier de l’aide du
Frob devront présenter un plan de sauvetage
dans un délai d’un mois. Ce plan devra être
approuvé par la Banque d’Espagne.
D’autre part, le Frob pourra agir pour aider
deux entités à fusionner. Dans ce cas, il aura
la possibilité d’acquérir des titres émis par
ces entités. Il s’agira de titres
préférentiels transformables en actions ou en
apport au capital social.
Les banques devront s’engager à racheter au
Frob les titres émis dans un délai de cinq
ans.
Le Frob, dont la création devra pour la forme
être prochainement avalisée par le parlement,
sera dirigé collégialement, la plupart de ses
membres étant nommés par la Banque d’Espagne.
Espagne : Premier entré, dernier
sorti - Richard Dupaul
Envolée du chômage et de l’endettement.
Effondrement de l’immobilier. Les touristes qui
fuient… L’Espagne traverse une crise qui,
contrairement à ce qui se passe dans d’autres
pays, n’est pas à la veille de prendre fin.
Le prix des logements en Espagne devrait chuter
d’environ 30% d’ici à la fin 2001, estime la
banque BBVA.
ÉCONOMIQUE BBVA, la deuxième banque espagnole en
importance, a concocté un remède peu ordinaire
contre les maux causés par la récession. Il y a quelques jours, des
milliers d’Espagnols ont envahi les rues de
Madrid en exigeant du gouvernement des mesures
pour combattre la crise économique.
Il y a environ une semaine, la Banque a proposé à
certains de ses 30 000 employés de prendre
congé... pour cinq ans.
S’il accepte l’offre, l’employé recevra 30% de son
salaire et conservera sa couverture santé. La
banque BBVA promet de le reprendre par la suite.
Du jamais vu en Europe.
Si une telle proposition peut sembler attrayante
pour certains, elle témoigne de la gravité de la
récession en Espagne. Les entreprises sont prêtes
à tout pour réduire leurs coûts. D’autres diront
que cette mesure draconienne est une manoeuvre de
la BBVA pour contourner les règles sévères que
Madrid impose aux entreprises en matière de
licenciement.
Quoi qu’il en soit, le pays de Don Quichotte lutte
contre un ennemi féroce. L’Espagne a été frappée
par la récession plus tôt et plus brutalement que
la plupart de ses voisins. Or, le pays devrait en
sortir plus tard que les autres, avance un nouveau
rapport de la Commission européenne.
Endettés
Les derniers chiffres font état d’un taux de
chômage de plus de 17% en Espagne, soit 4 millions
de personnes sans emploi. Un chômeur sur cinq a
moins de 25 ans, ce qui démoralise les jeunes,
déplorent des groupes sociaux.
Et ce n’est pas fini. Des économistes prévoient
que le chômage atteindra bientôt 20%, un sommet en
Europe.
La récession espagnole s’annonce plus longue et
plus sévère qu’ailleurs notamment parce que les
consommateurs espagnols sont les plus endettés du
Vieux Continent.
Les dettes des ménages (hypothèques et prêts
personnels) correspondent à 70% de l’économie.
Cela se compare à un taux de 45% pour l’ensemble
de la zone euro, selon la Banque centrale
européenne. Concrètement, chacun des 45 millions
d’Espagnols traîne une dette personnelle de 18
000€ (28 000$CAN).
Pourtant, la croissance espagnole a été l’une des
plus rapides d’Europe pendant une décennie, grâce
surtout à l’immobilier. Mais lorsque la crise
financière a frappé, l’atterrissage a été brutal
dans ce pays où la construction contribuait à la
création d’un emploi sur cinq au début des années
2000.
Au
pic du boom immobilier, le PIB augmentait de près
de 4% par an. Aujourd’hui, l’Espagne voit son
économie se contracter au rythme annuel de plus de
3%.
Déflation
Avec le chômage et les dettes qui s’accumulent, le
moteur immobilier n’est donc pas à la veille de
redémarrer, contrairement à d’autres pays, dont le
Royaume-Uni, où l’on croit avoir touché le fond
dans ce secteur.
Le prix des logements en Espagne devrait chuter de
près de 30% d’ici à la fin de 2011, estime la
banque BBVA. La remontée des prix devra donc
attendre deux ou trois ans.
Et le pays de la Costa del Sol et des vins rioja
ne peut compter sur l’aide des touristes.
Deuxième destination touristique mondiale après la
France, l’Espagne doit s’attendre à une baisse des
visiteurs de 10% cet été, affirme le gouvernement.
L’industrie touristique de même que les
exportateurs ne peuvent profiter d’une monnaie
plus faible pour requinquer les affaires à
l’étranger. Car l’euro résiste bien à la tempête.
Il s’est même apprécié face au billet vert
américain et à la livre sterling.
C’est pourquoi bon nombre des 200 000 Anglais qui
possèdent une maison en Espagne ont mis en vente
leur propriété, rapportait récemment le Financial
Times. Plusieurs « Brits » à la retraite rentrent
chez eux pour de bon, préférant la pluie froide de
Londres au taux de change brûlant de
l’outre-Manche.
En outre, la force de l’euro paralyse le secteur
industriel, qui n’est plus aussi concurrentiel. La
seule chose qui relancera l’économie « est une
baisse prolongée des prix et des salaires »,
affirme Luis Garicano, professeur à la London
School of Economics. Déprimant. Somme toute, le
ciel espagnol est bien sombre, ces temps-ci.
« L’Espagne est différente », affirmait jadis le
régime franquiste pour attirer les touristes sur
la péninsule.
Aujourd’hui , on peut dire la même chose, mais pas
pour les bonnes raisons. Car la Commission
européenne prévoit que les Espagnols ne sortiront
pas de la récession avant 2011, soit un an ou deux
plus tard que ses voisins.
Se tuer à la tâche - Ariane Krol
Le
suicide d’un employé de France Telecom, lundi,
bouleverse l’Hexagone. C’est le 24e salarié de
l’entreprise à s’enlever la vie enàpeine plus de
18 mois. Et comme d’autres collègues avant lui, il
a clairement identifié son travail comme élément
déclencheur de son geste. De sérieuses remises en
question s’imposent.
L’homme qui s’est jeté en bas d’un viaduc cette
semaine avait été muté récemment dans un centre
d’appels – un poste auquel il n’arrivait pas à
s’adapter. Cette détresse, qu’il avait exprimée
plusieurs fois au bureau, se retrouve dans sa
lettre d’adieu. Il y a moins de trois semaines,
c’est une employée parisienne qui a sauté par la
fenêtre après avoir été informée d’un changement
de supérieur. En juillet, un technicien a souligné
dans une lettre que son travail était « la seule
cause » de son suicide. Et il y a eu d’autres cas.
Le climat de travail dans l’ancien monopole d’État
est-il la seule, ou même la principale raison qui
ait poussé ces gens à se donner la mort? On ne le
saura jamais. Mais ces signaux d’alarme sont
devenus impossibles à ignorer.
La
gauche réclame la tête du grand patron de FT. Déjà
convoqué par le ministre du Travail il y a 15
jours, Didier Lombard a dû s’expliquer devant la
commission des Affaires sociales du Sénat hier
matin. La crise interne est devenue une affaire
d’État.
De fait, le contexte français compte pour beaucoup
dans cette histoire. Contrairement à la plupart
des ex-monopoles de télécom, comme Bell Canada, FT
a fait le pari de devenir concurrentielle sans
sabrer son personnel. Pari un peu imposé, il est
vrai, puisque des mises à pied massives lui
auraient coûté très cher, aussi bien d’un point de
vue politique que financier. Sa restructuration
n’est pas agréable pour autant.
Les employés ne sont pas mis au chômage, mais les
pressions pour qu’ils partent d’eux-mêmes ou
acceptent un poste sans rapport avec leur
expérience sont énormes. À cela s’ajoute une
nouvelle culture de la performance qui met les
collègues en concurrence et dicte des objectifs
perçus par plusieurs comme inatteignables. Le tout
dans un marché du travail difficile, où les bons
emplois sont rarissimes. Pas surprenant que des
salariés se sentent pris au piège. Note aux
entreprises d’ici: la crainte du chômage ne rend
pas la mauvaise gestion plus tolérable. Toutefois,
ce
n’est pas en démettant le PDG qu’on va régler le
problème. Dans une entreprise de cette taille, ce
sont les pratiques au quotidien, bien plus que la
personnalité du dirigeant, qui influencent le
climat de travail. La société va devoir développer
de mei l leures stratégies pour garantir sa
rentabilité. Car jusqu’ici, elle a surtout réussi
à créer un grand désarroi. Pour mobiliser les
troupes et leur redonner confiance en l’avenir, il
va falloir que des changements notables se fassent
sentir chez France Télécom. Autrement, il ne
faudra pas s’étonner que d’autres désespérés lui
attribuent, à tort ou à raison, la responsabilité
de leur geste.
Une firme française propose de
reclasser des employés... en Inde
« Je
pense qu’il y a un problème dans le texte (de
loi)... La direction n’a jamais eu l’intention
d’offrir des postes salariés à 69€ », a indiqué le
PDG.
— Véronique Jacobé a réagi avec consternation il y a
quelques semaines en apprenant que la firme textile
pour laquelle elle travaillait depuis huit ans à
Castres, dans le sud de la France, avait décidé
d’abolir son poste. Une entreprise textile a
proposé à ses employés dont les postes ont été
abolis de les reclasser en Inde, pour un salaire
mensuel d’environ... 100$.
Sa consternation a tourné à l’indignation lorsque
les dirigeants de Carreman lui ont ensuite proposé
d’accepter un poste de reclassement dans une usine
située... en Inde, pour un salaire mensuel de 100$
représentant une fraction infime du salaire minimum
français.
« J’ai eu l’impression d’être jetée à la poubelle.
J’espérais qu’ils feraient une proposition de
reclassement décente mais là, j’ai bien vu qu’ils
nous prenaient pour des imbéciles », explique Mme
Jacobé, qui fait partie d’un groupe de neuf employés
concernés par la singulière proposition.
« La direction des ressources humaines a dit
d’emblée qu’il était clair pour eux que je
refuserais mais qu’il fallait bien proposer quelque
chose... J’ai compris que ce n’était pour eux qu’une
légalité », déplore la femme de 44 ans, qui recevait
un salaire net d’environ 2000$ par mois pour son
travail de préparation des collections et
d’échantillons des produits de la firme pour les
salons.
L’offre de Carreman a connu un large écho dans les
médias de la région, qui ont multiplié les
reportages. La Dépêche du Midi a notamment révélé
que l’offre était totalement impraticable puisque
l’Inde ne délivre pas de visa de travail pour des
étrangers venant combler des postes dont le revenu
est inférieur à 50 000 roupies (environ 1200$).
C’est la stupidité de la loi », a-t-il déclaré.
Un membre du personnel administratif, Philippe
Bouete, a répété mardi à La Presse la position de
l’entreprise, arguant que le problème venait de la
loi et non de Carreman. « Je pense qu’il y a un
problème dans le texte... La direction n’a jamais eu
l’intention d’offrir des postes salariés à 69€ »,
a-t-il indiqué.
Évoquant la question des visas, M. Bouete a précisé
que la faisabilité des reclassements n’avait pas été
considérée. « Les dirigeants ne se sont même pas
posé la question. Ils ont fait la proposition sans
Le PDG de l ’ ent repr i s e , François Morel, a
déclaré en réponse à la polémique qu’il avait été
obligé de procéder ainsi pour se conformer aux
dispositions du Code du travail en matière de
licenciement.
« C’est la loi française qui nous oblige à faire par
écrit une proposition de reclassement si on dispose
d’autres sites, même si c’est en Papouasie ou au
Bangladesh. regarder ça », a-t-il précisé, en ajoutant
que l’entreprise traitait généralement « très bien »
ses employés.
Des spécialistes du monde du travail soulignent que
l’entreprise a voulu « appliquer la législation avec
zèle » pour ne pas s’exposer à d’éventuelles
poursuites.
Le Code du travail précise qu’un licenciement pour
motif économique « ne peut intervenir que lorsque tous
les efforts de formation et d’adaptation ont été
réalisés et que le reclassement de l’intéressé ne peut
être opéré dans l’entreprise », ce qui inclut les
filiales étrangères.
La Cour de cassation, plus haute instance judiciaire
du pays, a précisé il y a quelques années que les
offres de reclassement devaient être « sérieuses »
sans pour autant expliciter les critères pertinents,
entretenant un flou juridique.
En 2006, la Direction générale de l’emploi et de la
formation professionnelle avait indiqué que « la
proposition d’une entreprise concernant des postes au
sein du groupe ou des unités de production à
l’étranger pour des salaires très inférieurs au
(salaire minimum) ne peut être considérée comme
sérieuse ». La directive gouvernementale n’a cependant
pas mis fin aux polémiques puisqu’elle n’a pas force
de loi.
Ces considérations juridiques ne justifient en rien le
comportement de Carreman, souligne Mme Jacobé, qui
s’est placée en congé de maladie après s’être vu
offrir le poste en Inde.
« Ils tentent de se cacher derrière la loi. Ils n’ont
même pas le minimum requis de respect pour reconnaître
qu’ils ont fait des erreurs », indique l’employée, qui
n’écarte pas un recours devant les tribunaux.
CHINE Une nouvelle bulle se profile sur le
marché immobilier
PÉKIN
— Les récentes mesures du gouvernement chinois
tendant à réduire les restrictions qui pèsent sur le
secteur immobilier ont fait récemment monter les
prix en flèche et renforcé les craintes de voir se
former une nouvelle bulle immobilière, affirme la
presse officielle chinoise. Les prix des logements dans
le quartier des affaires de Pékin ont augmenté la
semaine dernière de 6,5 %.
Les prix des logements dans le quartier des affaires
de Pékin ont augmenté la semaine dernière de 6,5 %
et la demande quant à l ’ i mmobilier ancien dans
certains quartiers est quatre fois supérieure à
l’offre, a indiqué le journal China Daily, citant la
maison de courtage Homelink.
Une parcelle de terrain, qui avait été retirée il y
a 15 mois d’un appel d’offres, en raison du manque
d’enchérisseurs, a été vendue aux enchères lundi
dernier pour une somme record de 585 millions US
(environ 680 millions CAN).
«
Les enchérisseurs sont devenus irrationnels. Une
bulle sur le marché immobilier pékinois est
certainement là », a estimé juste après cette
vente exceptionnelle Pan Shiyi, un des
enchérisseurs pour le compte du promoteur
immobilier leader du marché, Soho China, selon le
journal.
À Shanghai, les promoteurs de luxueux appartements
de l a Tomson Riviera , dont le mètre carré est
évalué à plus de 14 600$ US, ont vendu au moins 10
logements au mois de juin, alors que quatre
appartements seulement avaient été vendus depuis
2005, date du lancement de la vente, a précisé le
journal.
Les mesures décidées en 2007 par Pékin pour
ralentir la spéculation immobilière, dont
l’augmentation de l’acompte pour l’acquisition de
résidences secondaires, ont fortement influencé le
marché immobilier chinois. Elles avaient conduit à
l’effondrement des prix.
Cependant, l’actuelle crise financière a incité le
gouvernement à assouplir ces restrictions. Les
autorités régionales comptent sur des politiques
incitatives pour stimuler la demande dans ce
secteur qui tire la croissance, a ajouté le
journal.
Importante hausse des prix du poisson
- Stéphanie Bérubé
Si le poisson occupe une place importante dans
votre alimentation, vous avez certainement
remarqué que votre note d’épicerie est plus
élevée depuis quelques mois. Le prix des
aliments, en général, a augmenté de 2,8%
durant la dernière année. Dans le cas des
poissons, l’augmentation est de 8,8%. « Il
faut retourner 10 ans en arrière pour voir une
hausse aussi considérable », note Sébastien
Lavoie, économiste à la Banque Laurentienne.
La mauvaise température de l’été, qui a réduit
la quantité de poisson pêchée dans certaines
régions, serait en partie responsable de cette
hausse.
«
Le poisson, c ’est comme la Bourse », la
nce Guylaine Lévesque, propriétaire de
la poissonnerie La dorade rose de
l’avenue du Mont-Royal. Plusieurs
facteurs vont déterminer le prix des
espèces, explique-telle. L’offre, la
demande, le prix de l’essence. Un dollar
canadien fort va faire augmenter le prix
de certaines espèces et en faire baisser
d’autres. Présentement,
le saumon américain coûte, en général, moins
cher. Mais le poisson étant une ressource
naturelle, de soudaines intempéries peuvent
tout changer. Un tsunami ou un gros ouragan en
Asie fait grimper d’un coup le prix de la
crevette, explique Guylaine Lévesque.
Il y en aura toujours pour tous les prix,
tempère Miguel, de la poissonnerie Antoine,
avenue du Parc. Un produit de la mer
quelconque gardera son bas prix, inflation ou
pas, alors qu’un poisson issu de la pêche
durable ou un poisson sauvage coûtera
effectivement plus cher. Globalement, le
poissonnier confirme toutefois la hausse des
prix. Assez pour faire diminuer la
consommation? « Le poisson est considéré comme
un luxe en alimentation », note Sébastien
Lavoie. Certaines personnes pourraient
effectivement décider de le remplacer par une
livre de viande hachée, affirme l’économiste.
Mais les plus fidèles, dit-il, trouveront des
substituts à même le comptoir du poissonnier.
Le prix du thon, par exemple, est en baisse
ces temps-ci ; en période de récession, ce
poisson de luxe est moins en demande.
Un tableau d’honneur bien disparate
- Vincent Brousseau-Pouliot
Un fonds d’obligations de l’assureur Manuvie.
Un f onds d ’ a c t i ons canadiennes de
Dynamique, une f i r me tenue en haute estime
à Toronto. L’indice du NASDAQ exposé aux f
luctuations de billet vert a mér i c a i n .
Des a c t i o n s i nternationales gérées par
une firme de Hartford. Un panier de t i t r es
de pays émergents sélectionnés selon les
principes de Benjamin Graham. Pour compléter
le tout, un fonds de dividendes nouvellement
acquis par la Banque Nationale.
Voilà une collection de fonds on ne peut plus
disparate, mais qui font tous partie du
tableau d’honneur de la firme Morningstar au
cours de la dernière année. Ces six fonds ont
obtenu le meilleur rendement de leur catégorie
d’actifs pour les 12 mois se terminant au 30
septembre dernier. I l s se démarquent ainsi
des 3786 fonds communs en vente au Canada.
Seuls les fonds avec une mise de fonds
initiale inférieure à 1000 $ ont été
considérés dans le cadre de l ’exercice ef
fectué par Morningstarpour le comptede La
Presse Affaires.
La f i r me Morningsta r suggère toutefois d’y
penser à deux fois avant de tout chambarder
son portefeuille pour y intégrer les meilleurs
fonds de la dernière année. « Ce n’est pas
garanti que ces fonds vont obtenir les mêmes
résultats cette année, prévient Christian
Charest, éditeur adjoint de la f i r me
d’évaluation de fonds communs Morningstar. En
plus, les investisseurs devraient changer
leurs fonds seulement s’ils ne conviennent
plus à leur portefeuille ou leur horizon de
placement, ou s’il y a un changement dans la
philosophie de gestion du fonds. »
Esko Mickels , a nalyste de f onds c ommuns c
hez Morningsta r , r e nc hér i t . « Parfois,
un fonds a bien performé au cours de la
dernière année parce que sa composition était
favorable au contexte économique », dit-il.
À défaut de j ouer les devins, fa i sons un
retour sur les meilleurs fonds communs de la
dernière année au Canada. Six catégories
d’actifs, six premiers de classe.
Le fonds de Manuvie doit son titre de premier
de classe à l’audace de son gestionnaire David
Janis, qui a accumulé les obligations de
gouvernements des marchés émergents comme le
Brésil. « C’est un fonds plus risqué que la
moyenne de cette catégorie », dit Esko
Mickels, analyste chez Morningstar. Il
contient aussi beaucoup d’obligations de
sociétés, qui ont effectué un rebond en Bourse
au cours des derniers mois. » Dans cette
catégorie de fonds où les rendements sont
traditionnellement peu élevés, pas le choix de
faire doublement attention au jeu des devises.
« C’est devenu aussi important que le choix
des obligations », dit Esko Mickels.
Dans un marché boursier canadien en baisse
depuis un an, le fonds CI Dynamique, issu
d’une famille de fonds créée à Montréal mais
dorénavant gérée à Toronto, remporte la palme.
« J’aime son gestionnaire David Taylor, qui a
souvent des opinions contraires au reste du
marché, dit Esko Mickels, analyste chez
Morningstar. Son approche est toutefois plus
risquée. Il ne détient qu’une trentaine de
titres, ce qui est peu pour un fonds de cette
envergure. Il a obtenu d’excellents rendements
l’an dernier car il détenait beaucoup d’argent
comptant et de titres de r essources naturel l
es, particulièrement des aurifères. » Au
cinquième rang du palmarès des fonds d’actions
canadiennes, on retrouve le fonds indiciel de
Claymore, dont les frais de gestion sont très
bas. « Au contraire de la plupart des fonds i
ndiciels, la composition de ce fonds n’est pas
basée sur la capitalisation boursière des
entreprises mais sur leur poids réel dans
l’économie », dit Esko Mickels.
L’indice boursier qui a le mieux performé aux
ÉtatsUnis au cours des 12 derniers mois : le
NASDAQ (+2,56 %), qui a surpassé le S & P
500 (-8,96 %) et le Dow Jones (-10,33 %) entre
le 1er octobre 2008 et le 30 septembre 2009.
Dans ce contexte, pas étonnant que le fonds
indiciel NASDAQ de la CIBC, qui regroupe les
100 plus grands t it res t echnos a méricains
comme Google, Apple et Microsoft, surpasse les
autres fonds d’actions américaines en vente au
Canada. « Le secteur des technos a bien
performé au cours de la dernière a nnée, dit
Esko Mickels, analyste chez Morningstar. En
plus, les frais de gestion de ce fonds
indiciel sont peu élevés. » Le fonds i ndiciel
de la CIBC n’est pas protégé contre les f
luctuations de devises. Résultat : à chaque
fois que le cours du dollar canadien baisse,
le rendement en dollars canadiens du fonds
indiciel CIBC monte, et vice-versa. Quatrième
au palmarès, le fonds indiciel NASDAQ de la
Banque TD est immunisé, lui, contre les f
luctuations du billet vert américain et du
huard.
Voilà la recrue de l’année ! Fondé en
septembre 2008, le fonds d’actions
internationales Hartford a généré le rendement
le plus important dans sa catégorie au cours
des 12 derniers mois en dépit – ou plutôt
grâce – à son statut de recrue. « C’est
avantageux d’avoir beaucoup d’argent comptant
pour acheter quand les marchés sont très bas
», dit Esko Mickels, analyste chez
Morningstar. D’autres facteurs ont contribué
au succès de ce fonds : une surpondération des
titres européens (plus de 50%) et une
sous-pondération des titres financiers (moins
de 10 %). « Le gestionnaire du fonds, Richard
Jenkins, est un professionnel qui a connu
beaucoup de succès chez Trimark et qui a gagné
plusieurs prix au Canada », dit Esko Mickels.
Le fonds d’actions émergentes de Brandes, le
plus rentable de sa catégorie, ne manque pas
de contradictions. Les marchés émergents
peuvent représenter un risque élevé en Bourse,
alors que la philosophie de Benjamin Graham –
le mentor de Warren Buffett qui sert aussi
d’inspiration à la firme Brandes – prône la
patience, la croissance à long terme et la
prise de risques contrôlés. « 90% de ses
titres sont des compagnies étrangères dont
vous n’avez jamais entendu parler, dit Esko
Mickels, analyste chez Morningstar. La
stratégie d’investissement est très agressive,
mais elle tient aussi compte des principes de
Benjamin Graham dans le sens où les
gestionnaires recherchent des compagnies avec
une valeur intéressante sur des bases
tangibles. » Une solution de rechange pour les
investisseurs qui préfèrent jouer moins
risqué: le fonds AGF, géré par Patricia
Perez-Coutts, tenue en haute estime par
l’analyste de Morningstar. « Elle a une
excellente feuille de route à long terme
malgré les risques liés à ce secteur », dit
Esko Mickels.
Les rendements des fonds canadiens de
dividendes sont moins impressionnants que les
fonds généraux d’actions canadiennes, qui ont
bénéficié du rebond boursier depuis six mois.
« Par leur nature, ce sont des fonds moins
risqués », dit Esko Mickels, analyste chez
Morningstar. Le fonds d’actions privilégiées
Omega, qui fait partie d’une famille de fonds
achetée par la Banque Nationale plus tôt cette
année, a réussi à distancer ses concurrents
grâce à une surpondération de titres
financiers. Ceux-ci ont rebondi depuis six
mois, l’indice financier du TSX gagnant 75,74
% entre son creux du 3 mars et la clôture
mercredi dernier. « Au Canada, la plupart des
fonds de dividendes ont une proportion de 50%
de titres financiers mais le fonds Omega en a
72% », dit Esko Mickels.
DES CELI TRÈS BIEN GARNIS !
- Stéphanie Grammond
Qui l’eût cru ? Les CELI, qui avaient été
conçus pour aider les Canadiens à se
constituer un fonds d’urgence, ont permis à
certains investisseurs audacieux de multiplier
leur mise, en profitant des rendements fous de
la Bourse depuis le début de 2009.
Au départ, le fédéral avait présenté le compte
d’épargne libre d’impôt (CELI) comme un outil
idéal pour permettre aux Canadiens de se bâtir
un coussin de sécurité ou pour épargner en vue
d’un projet à court terme (rénovation, voyage,
voiture, etc.).
Depuis le 1er janvier 2009, tous les Canadiens
de plus 18 ans peuvent cotiser 5000 $ par an
dans leur CELI. L’argent y fructifie à l’abri
de l’impôt. Les épargnants n’ont pas à payer
d’impôt non plus lorsqu’ils retirent de
l’argent de leur compte. Ils peuvent même
remettre les sommes qu’ils ont retirées dans
leur CELI, mais ils doivent patienter à
l’année suivante.
La plupart des institutions financières ont
encouragé leur clientèle à glisser dans leur
CELI des placements garantis : comptes à
intérêts élevés, certificats de placement
garanti (CPG), dépôt à terme, obligations…
Logique, puisqu’il ne faut pas risquer
l’argent dont on pourrait avoir besoin au
moindre imprévu.
« Chez nous , 9 5 % des CEL I contiennent des
CPG: beaucoup de court terme et de rachetable.
Environ 5 % des clients ont investi dans des
fonds communs, et ce sont des fonds très
conservateurs », indique Manon Stébenne,
porte-parole de la Banque Laurentienne où les
CELI ont remporté un succès inespéré. Au
rythme où les clients ouvrent des comptes, la
banque devrait tripler les objectifs qu’elle
s’était fixés pour l’année.
Le choix de titres sûrs à l’intérieur du CELI
paraissait d’autant plus justifié que les
intérêts versés par les titres à revenus fixes
coûtent plus cher d’impôt ( jusqu’à 48 %) que
le gain en capital ( jusqu’à 24 %) et les
dividendes ( jusqu’à 30 %) que génèrent les
actions.
Sauf que les taux d’intérêt sont tellement bas
que l’économie d’impôt réelle est bien maigre.
Par exemple, un placement de 5000 $ à 4 %
produit des intérêts annuels de 200 $. Dans le
meilleur des cas, le CELI permet donc
d’économiser 96 $ d’impôt par année… pour les
contribuables qui gagnent 124 000 $ par année.
Ce n’est pas énorme.
Coup de circuit
Voilà que d’autres investisseurs, qui
n’avaient par besoin de leur argent à court
terme, ont adopté une approche plus audacieuse
avec leur CELI. Ils ont acheté des actions ou
des fonds. Et comme la Bourse a explosé de 27
% depuis le début de 2009 (voir tableau),
certains CELI renferment aujourd’hui de vraies
petites fortunes.
Robert Arcand fa i t partie des chanceux. Dès
le début de janvier, le retraité de 64 ans a
mis 5000 $ dans son CELI. Puis, il a acheté
des actions des Mines de fer Consolidated
T h o mson , à 0 , 8 6 $ , a u d é but de
l’hiver.
Le titre de la société minière qui avait frôlé
les 10 $ en 2008, s’était écroulé à cause de
la crise du crédit. Mais à la fin de mars, le
vent a tourné quand un groupe chinois a offert
un financement de 240 millions de dollars.
Depuis, l’action est remontée à tout près de 6
$. Et M. Arcand se retrouve avec presque 22
000 $ dans son CELI !
« J’ai été chanceux ! C’est un coup de
circuit. Mais j’aurais pu tout perdre , dit
l’ancien chef d’entreprise qui a une stratégie
de placement « à peu près sans risque » dans
son REER. « À la Bourse, on ne peut pas
prévoir ce qui va se passer. Il ne faut pas
investir si cela risque de nous empêcher de
déjeuner le lendemain. »
« Il y a des gens qui se sont dit : je vais
tester dans mon CELI des choses que je ne
ferais jamais autrement dans mon REER »,
souligne Richard Dussault, premier
vice-président chez BMO Ligne d’action.
La firme de courtage direct a connu une
croissance de 113 % de ces ouvert ures de
comptes cette année, en bonne partie en raison
de la popularité du CELI. Actuellement, les
comptes actifs renferment 5500 $, en moyenne.
Mais 3 % des CELI ont plus que doublé. Ces
comptes valent 15 100 $ en moyenne. Et le
champion s’élève à 28 000 $… presque six fois
la cotisation annuelle maximale !
« Il y a une clientèle qui a réussi à faire
fructifier son CELI de façon spectaculaire »,
constate M. Dussault. Mais il assure que 97 %
des gens ont des placements très
conventionnels, comme des fonds communs ou des
fonds négociés en Bourse.
Ces produits ont l’avantage d’offrir une bonne
diversification, même si les investissements
se limitent à quelques milliers dans le CELI,
pour l’instant.
Mais encore faut-il que les fonds aient un
potentiel de rendement suffisant. Sinon,
l’économie d’impôt espérée ne couvrira pas les
frais administratifs du CELI perçus par
plusieurs firmes de courtage (de 50 $ à 80 $
par an, mais la plupart des firmes les
éliminent dans certaines circonstances).
Ainsi, il vaut mieux ouvrir un CELI dans une
banque où il n’y a pas de frais et investir
dans un CPG (ex : 3 % sur 5 ans) ou un compte
à intérêts élevés (1,05 %), plutôt que d’opter
pour un fonds de marché monétaire qui verse
pratiquement 0 % dans un compte de courtage
qui prélève des frais.
SPÉCULATEURS: LE FISC A VOTRE CELI À L’OEIL
Avis aux spéculateurs sur séance ( day
traders), le compte d’épargne libre d’impôt
(CELI) n’est pas un bon endroit pour
spéculer à la Bourse. Le fisc pourrait
décider d’imposer les gains.
« Le CELI, c’est le sujet pour lequel je
reçois le plus de quest ions en ce moment !
» la nce Natalie Hotte, fiscaliste pour la f
i r me de courtage Financière Banque
Nationale.
« Les revenus gagnés dans le CELI et dans le
REER ne sont pas imposables… sauf les
revenus d’entreprise, dit-elle. Or, les
revenus de la spéculation sont considérés
comme des revenus d’entreprise. »
Les revenus réalisés dans le CELI par des
spéculateurs professionnels pourraient donc
être imposés au taux de 48%.
Mais comment tracer la ligne entre un simple
investisseur actif et un spéculateur
professionnel? Comment déterminer si
l’appréciation du CELI constitue un gain en
capital ou un revenu d’entreprise?
À l’heure où n’importe quel particulier peut
négocier tant qu’il veut sur l’internet, la
ligne devient de plus en plus difficile à
tracer. Mais voici certains critères qui
permettent de déterminer qu’il s’agit de
revenus d’entreprise : Par ailleurs,
certains individus à l’imagination fertile
ont trouvé une manière de gonfler leur CELI
en procédant à des échanges de titres (swap)
entre leur REER et leur CELI. Inutile d’en
dire plus long sur la méthode, car l’Agence
du revenu du Canada a déjà émis plusieurs
réserves. Tenez-vous-le pour dit.
Grands parleurs, petits
investisseurs - Stéphanie Grammond
Les
investisseurs sont pleins de contradictions.
Ils vous diront qu’il est important
d’épargner, de procéder à une planification
financière en vue de la retraite, et de bien
s’informer avant d’investir. Mais, dans la
pratique, la majorité des Québécois n’ont
aucun plan financier, ils craignent de manquer
d’argent à la retraite, et ils investissent
les yeux fermés!
Voilà ce que ressort d’un sondage dévoilé hier
par les Autorités canadiennes en valeurs
mobilières, l’organisme qui regroupe les
différentes instances réglementaires
provinciales.
« Les investisseurs ne font pas ce qu’ils ont
à faire. Le sondage nous confirme ce qu’on
voit sur le terrain », a commenté Anne-Marie
Poitras, surintendante à l’Autorité des
marchés financiers (AMF), qui réglemente
l’univers du placement au Québec.
En effet, près des trois quarts (72%) des
Québécois n’ont aucune planification
financière, même s’ils considèrent
majoritairement (66%) qu’il est important de
faire un tel exercice.
Au Canada, la situation n’est guère plus
reluisante: le tiers des répondants n’ont pas
de planification financière, malgré
l’importance que cela revêt à leurs yeux.
De plus, la vaste majorité des Canadiens (85%)
considère qu’il est important d’épargner et
d’investir. Pourtant, le tiers (35%) n’a par
la moindre économie. D’ailleurs, cette
proportion est significativement plus élevée
qu’il y a trois ans, alors que seulement 27%
des répondants n’avaient pas un cent de côté.
Dans ce contexte, il n’est pas surprenant
qu’un grand nombre (60%) d’investisseurs
craignent de ne pas avoir amassé suffisamment
d’économies pour répondre à leurs besoins
financiers à la retraite.
Le sondage fait ressortir d’autres paradoxes
troublants dans l’attitude des investisseurs.
Ainsi, quatre personnes sur cinq estiment
qu’il est de leur devoir d’acquérir de bonnes
connaissances en matière de placement et de
bien s’informer avant d’investir. Or, la
majorité ne le fait pas.
En fait, 78% des Québécois
(comparativement à 66% des Canadiens) n’ont
fait aucune forme de recherche sur l’épargne
et les investissements depuis 12 mois. Pire.
Dans 57% des cas (le plus haut niveau au
Canada), les Québécois n’ont effectué aucune
recherche personnelle avant de conclure leur
dernier investissement. « Je pense que les
gens trouvent ça compliqué, avoue Mme Poitras.
Ils sont gênés de poser des questions. Les
institutions devraient améliorer la
documentation qu’elles fournissent à leurs
clients. Il faudrait adapter le jargon
financier dans un langage clair. »
Même si les Québécois ne sont pas plus
vulnérables à la fraude financière, ils ont
une attitude plus à risque, révèle aussi le
sondage.
Ils aiment participer à des concours ou encore
jouer à la loterie. Le tiers d’entre (31%
comparativement à 23% au Canada) pensent qu’on
peut faire de l’argent à la Bourse avec un bon
tuyau. « Les investisseurs veulent transiger à
partir d’une information privilégiée... ce qui
est illégal. Ils aiment ça, le petit tuyau du
beau-frère! » lance Mme Poitras.
Le
sondage démontre que les victimes de fraude
financière sont souvent des gens bien éduqués,
qui ont de bonnes connaissances financières,
mais qui souffrent d’un excès de confiance. Ce
sont aussi des investisseurs audacieux qui
sont prêts à courir des risques pour obtenir
un rendement supérieur, et qui sont disposés à
investir sur-le-champ pour ne pas rater une
occasion de placement.
Il est intéressant de noter une différence
culturelle en matière de fraude financière. Au
Québec, les tentatives de fraude sont souvent
le fait d’un proche ou une personne de
confiance. Les Québécois semblent beaucoup
moins importunés par les courriels frauduleux
que le reste des Canadiens (55%comparativement
à 70% au Canada), probablement parce que les
messages sont souvent diffusés en anglais.
Dans l’ensemble, près de 40% des Canadiens se
sont déjà fait proposer un investissement
frauduleux. Et 4% des Canadiens sont déjà
tombés dans le piège.
BOIRE UN COUP À LA SANTÉ DE
TRANSAMERICA! - Stéphanie Grammond
C’est décidé depuis des années. Le 23 mars
2010, Jean-François va boire un bon coup. Il
lèvera son verre à la santé Transamerica Vie
Canada. Ce jour-là, la compagnie d’assurances
doit lui remettre un chèque de 173 156$, soit
la valeur garantie de ses placements dans
trois fonds distincts.
En 1999, l’investisseur de la RiveSud avait i
nvesti 108 000 $ dans une brochette de fonds
distincts Transécurité, qui devaient suivre la
performance des Bourses canadienne,
américaine, et anglaise, ainsi que celle du
NASDAQ.
Les fonds avaient une caractéristique toute
particulière : l’assureur permettait de mettre
à jour la valeur garantie. Ainsi, les clients
qui en faisaient la demande pouvaient garantir
les gains réalisés en cours de route.
Le 23 mars 2000, au plus fort de la folie des
technos, Jean-François a donc réinitialisé sa
garantie, pour une nouvelle période de 10 ans.
Son portefeuille était rendu à 173 516$.
Ainsi, il était assuré de récupérer cette
somme, en patientant jusqu’en 2010.
Peu après, la bulle des technos a crevé. Puis,
il y eut les attentats du 11 septembre 2001,
la récession, la crise du crédit... une vraie
décennie de misère pour les marchés boursiers
! Aujourd’hui, le portefeuille de JeanFrançois
ne vaut plus que 53 556$. Peu importe, il
encaissera trois fois plus, dans six mois.
Le
comble, c’est que Jean-François a été forcé de
déclarer faillite, il y a deux ans. Or, le
syndic n’a pas pu toucher à ses fonds
distincts, car ils sont insaisissables. « En
10 ans, ses fonds distincts l’ont protégé
contre deux krachs boursiers et une faillite
», constate son conseiller Fabien Major.
Dire que les détracteurs des fonds distincts
répétaient, il y a 10 ans, que leurs garanties
n’en valaient pas le coût, compte tenu des
risques infimes de baisse sur une période
aussi longue que 10 ans…
I l s ont eu t or t . On dénombre aujourd’hui
des centaines de fonds distincts qui affichent
des rendements négatifs sur 10 ans. Le pire de
tous ? Le fonds Transamerica ISM technologies
de l’information, qui accuse un rendement de
-15 % par an. Une somme de 1000 $ investie en
août 1999 ne valait plus que 190 $ en août
dernier, selon PalTrak. Heureusement, ce fonds
contient très peu d’actifs.
Mais on trouve aussi des rendements négatifs
parmi les poids lourds des fonds distincts.
Par exemple, le fonds London Life actions
américaines, qui renferme 365 millions, a
fondu de 7,2 % par an: un dépôt de 1000$ ne
vaut plus que 636 $. Autre cas : un dépôt de
1000$ dans le fonds CanadaVie actions
mondiales ne vaut plus que 523$.
Pas étonnant que les assureurs qui vont boire
la tasse soient en train de réduire leur
garantie pour l’avenir.
Fini la faillite personnelle facile -
Martin Vallières
Consommateur trop endetté, vous envisagez la
faillite personnelle pour vous libérer de vos
dettes en quelques mois à peine ?
Détrompez-vous.
Dès aujourd’hui, des amendements à la
législation fédérale des faillites entrent en
vigueur afin de forcer les particuliers
insolvables à négocier avec leurs créanciers,
plutôt que de déclarer faillite avec l’espoir
de se libérer rapidement de leurs dettes.
« Il y a encore cette perception dans le
public. Mais c’est maintenant fini, ça. Les
délais minimaux de libération sont deux à
trois fois plus longs qu’auparavant », résume
Pierre Fortin, syndic en faillite personnelle
chez Fortin & Associés.
Ainsi, le délai minimal de libération pour un
individu à sa première faillite passe de neuf
à 21 mois. C’est presque deux ans de
purgatoire financier, au lieu de quelques
mois.
Et lors d’une faillite subséquente, ce délai
minimal de libération triple carrément. Il est
désormais de 36 mois au lieu de 12 mois
auparavant. C’est donc un purgatoire f i
nancier de t rois ans qui attend les
consommateurs trop dépensiers et récidivistes.
« Ces modifications visent surtout à dissuader
les abus de faillites à répétition de la part
de certains consommateurs », note Pierre
Fortin.
Une exception est prévue pour les particuliers
à revenus modestes. Dans ce cas, le délai
minimal de libération d’une première faillite
demeure à neuf mois. Mais il double de 12 à 24
mois pour les fois subséquentes.
Toutefois, note M. Fortin, l a déf i nit i on
de « r evenu modes t e » e s t laissée à
Statistique Canada. Ça signifie un maximum de
2000 $ par mois (après impôt) pour une
personne seule, et jusqu’à 4100 $ par mois
pour une famille de deux adultes et trois
enfants.
« C’est vraiment le seuil inférieur de la
classe moyenne. En pratique, ça veut dire que
la majorité des cas de faillites personnelles
seront audessus, et donc soumis aux délais de
libération désormais plus longs », résume
Pierre Fortin.
En contrepartie, dit-il, les amendements à la
législation fédérale devraient faciliter la
négociation entre les consommateurs
insolvables et leurs créanciers, dans le but
de convenir d’un remboursement par paiements
périodiques.
D’ailleurs, la limite de dette totale d’un
particulier pour accéder à de telles
négociations à l’amiable est rehaussée
considérablement, de 75 000$ à 250 000$.
Au-delà , une personne insolvable devra encore
passer par un processus de faillite
judiciarisée.
« C’est beaucoup plus long et compliqué que la
négociation d’un règlement, même partiel,
entre un particulier insolvable et ses
créanciers », selon M. Fortier.
Par
ailleurs, pour rehausser l’attrait d’un tel
règlement négocié, la législation amendée
proscrit la saisie de la résidence et du
véhicule personnel d’un particulier
insolvable, par les créanciers garantis de ces
biens, tant que cette personne poursuit ses
paiements en vertu de l’entente avec ces
créanciers.
Et si cette période demeure plafonnée à cinq
ans, elle est désormais assortie de la
possibilité de rouvrir l’entente avec les
créanciers en cas d’une autre situation
d’insolvabilité par le particulier.
Par ailleurs, notent les syndics consultés,
l’objectif de faciliter les négociations entre
les créanciers se retrouve aussi derrière les
modi f ications législatives à propos de
l’insolvabilité des entreprises.
« Ces changements permettent enfin une
meilleure harmonisation entre les deux lois
qui affectent les entreprises : la Loi sur les
faillites et la Loi sur les arrangements avec
les créanciers (accessible au passif de plus
de 5 millions). Ça fait des années qu’on
attendait ça », résume André Hébert, comptable
spécialisé en insolvabilité chez RSM Richter.
D’emblée, c e s c ha ngements législatifs
s’avèrent plus techniques dans le cas des
entreprises que pour les consommateurs.
Toutefois, un amendement en particulier
concerne les salariés de toute entreprise en
difficultés financières.
Désormais, lorsqu’elle sera en restructuration
financière sous supervision judiciaire, une
entreprise qui souhaite réduire ses coûts de
maind’oeuvre s era obl i gée de passer par des
négociations à l’amiable avec les
représentants de ses employés. Et de telles
négociations pourront être ordonnées par le
tribunal, en cas de refus de l’une ou l’autre
des parties, syndicale ou patronale.
PRINCIPAUX CHANGEMENTS
POUR LES PARTICULIERS: > Allongement
considérable des délais minimaux de
libération d’une faillite : de neuf à 21
mois pour la première fois, de 12 à 36 mois
lors des suivantes. Pour les faillis à
revenus modestes, le délai minimal reste à
neuf mois la première fois, mais double de
12 à 24 mois les fois suivantes. >
Abrogation du droit de saisie de maison et
de véhicules personnels par les créanciers
garantis de ces biens, tant que leur
propriétaire insolvable poursuit ses
paiements de règlement convenus avec tous
ses créanciers. > Triplement de la limite
de dette totale (de 75 000 à 250 000$) pour
l’accès au processus à l’amiable de
proposition aux créanciers, au lieu d’une
faillite. > Possibilité de rouvrir une
proposition aux créanciers en cas de
nouvelle insolvabilité durant la période
convenue de paiements d’un règlement.
POUR LES ENTREPRISES: > Harmonisation des
procédures entre la Loi sur l’arrangement
avec les créanciers (LACC) et la Loi sur la
faillite et l’insolvabilité (LFI). >
Possibilité d’annulation de contrats
d’affaires considérés défavorables, lors
d’une restructuration d’insolvabilité
supervisée en justice. S’ajoute à
l’annulation courante de baux immobiliers.
> Possibilité d’ordre de Cour pour forcer
des négociations syndicalespatronales avant
toutes modifications aux conventions
collectives chez un employeur insolvable.
Assouplit l’interdit antérieur de telles
modifications. > Protections et exigences
professionnelles accrues pour les comptables
d’entreprise, les syndics et les contrôleurs
de restructuration d’insolvabilité. Vise
l’élimination de conflits d’intérêts. >
Restrictions à la reprise d’actifs
d’entreprises insolvables par ses
administrateurs précédents, jusqu’à la
preuve en Cour de la meilleure transaction
possible pour les tous les créanciers.
Sources : firmes de syndics (J. Fortin &
Associés, RSM Richter).
LES JEUNES ÉPARGNENT! - Marc
Tison
PLUS FOURMIS QUE CIGALES
Les jeunes mettent de côté le tiers de leurs
revenus
Les jeunes sont des paniers percés qui vivent au
jour le jour et ne résistent pas aux sirènes de
la consommation ? Faux. Les Québécois de 18 à 29
ans détiennent de l’épargne dans une proportion
de 60%.
Cette épargne moyenne de 8837 $ correspond au
tiers (34%) de leur revenu annuel brut.
Toutes proportions gardées (mais sans égard aux
responsabilités), c’est nettement plus que leurs
parents, qui en 2008 n’épargnaient que 2,1 % de
leur revenu disponible.
Ce rassurant constat provient d’une recherche
menée par Marie J. Lachance, professeure au
département des sciences de l’éducation de
l’Université Laval, avec l’assistante de
Jacinthe Cloutier, étudiante à la maîtrise en
mesure et évaluation.
« On e s t a g r é a blement surpris, commente
Marie Lachance. Les jeunes savent qu’il est
important de mettre de l’argent de côté, savent
que ça devrait être une priorité et ils sont
favorables à l’épargne. »
Leurs données proviennent d’un questionnaire
posté sur l’internet en juin 2008, auquel 966
personnes ont répondu. On peut penser que les
résultats auraient été plus favorables encore si
l’enquête avait été menée en août, au terme d’un
été de travail pour les jeunes encore aux
études.
On doit cependant mettre ces chiffres en
perspectives, nuance Ma r i e L ac ha nce.
Malgré une épargne moyenne élevée, elle
correspond chez l a plus g r a nde pa r t des
répondants à 10 % de leur revenu brut.
Motivation: projet prochain
Le grand intérêt de cette t oute nouvelle ét ude
sur l’épargne est d’en montrer le pourquoi et le
comment.
Les jeunes Québécois qui économisent le font la
plupart du temps pour réaliser un projet qui
leur tient à c oeur. Prévenir les coups durs
arrive au second rang des motivations. « Les
jeunes ne savent pas nécessairement ce qu’est un
fonds d’urgence, observe Marie Lachance. Mettre
de l’a rgent de côté avant les imprévus devrait
être le premier objectif, avant tout autre
chose. »
Ils sont également peu nombreux – 30% – à
épargner de façon régulière.
Cette inconstance traduit sans doute
l’incertitude de la situation des jeunes.
Car l’échantillon englobe des situations très
variées : la tranche d’âge des 18 à 29 ans est
sans doute celle où la situation financière
connaît ses changements les plus profonds. «
Ceux qui épargnent le plus sont ceux qui
travaillent, mais ceux qui ont la plus grande
proportion du revenu sont ceux qui habitent chez
leurs parents, observe Mme Lachance. On peut
comprendre : ils n’ont pas de responsabilités
financières. » Malgré tout, ils épargnent!
Presque tous les j eunes détiennent un compte
bancaire courant. Curieusement, l’assurance vie
arrive au second rang des produits financiers
les plus fréquemment détenus (64,9%), tout juste
devant le compte d’épargne (64,4%) et
l’assurance de biens personnels (59%)!
Les voeux et la réalité
Plus de neuf j eunes sur dix approuvent le
principe de l’épargne et reconnaissent
l’importance de mettre régulièrement de l’argent
de côté. Cependant, la moitié d’entre eux ne
sont pas prêts à sacrifier certains plaisirs
pour concrétiser ce bon voeu.
Pour Marie Lachance, les parents, l’école et les
professionnels de la finance ne doivent pas tant
taper sur le clou déjà bien enfoncé de
l’importance de l’épargne, qu’insister sur les
avantages à commencer tôt et sur les moyens
concrets d’y parvenir.
« Ce qui est particulièrement intéressant pour
nous, c ’est de voir que tous les agents –
parents, conseillers financiers, école... – ont
une influence, directe ou indirecte,
conclut-elle. C’est loin d’être négligeable,
mais on peut certainement améliorer l’influence
de l’école et des parents. »
Les parents ont une influence positive... malgré
tout
Pour plus de la moitié des jeunes Québécois,
les parents sont l a principale source d’i nf
l uence en f aveur de l’épargne. Les deux
tiers des répondants à l’enquête dirigée par
Marie J. Lachance ont indiqué que leurs
parents sont de bons exemples en matière
d’épargne.
Sans doute les jeunes n’ontils pas eu accès
aux bilans financiers parentaux, car les
Canadiens n’ont jamais été aussi endettés ni
n’ont détenu aussi peu d’épargne.
Ceci explique peut-être cela : si les jeunes
déclarent que leurs parents ont une influence
favorable sur leur perception de l’épargne,
les résultats de l’enquête montrent que cette
influence ne se traduit pas par une plus
grande probabilité d’épargner. Peut-être ces j
eunes n’ont-ils pas eu encore l’occasion ou
les moyens de concrétiser leurs intentions.
Les auteurs suggèrent une autre explication :
« Le taux d’épargne des Canadiens n’aya nt j a
mais été aussi faible, on peut aussi croire
que les encouragements ont pu être i
nsuffisants si les parents ne prêchaient pas
aussi par l’exemple. »
L’argent de poche
L’argent de poche est un autre f acteur domest
ique positif. La recherche de Marie Lachance
et Jacinthe Cloutier montre que plus jeune on
touche de l’argent de poche, plus grandes sont
les probabilités de détenir de l’épargne entre
18 et 29 ans. « C’est une surprise car il y
avait peu d’information à ce sujet », indique
Marie Lachance.
L’argent de poche peut susciter des
discussions sur la gestion de ce pécule entre
enfants et parents, qui seront l’occasion d’un
« minimum d’éducation pouvant influencer le
développement des pratiques d’épargne ». Les
parents ont donc tout intérêt à commencer tôt
leurs encouragements à l’épargne, assortis de
pièces sonnantes et trébuchantes. Les
auteures de l’étude en concluent que les
parents devraient être mieux soutenus dans
leur rôle d’« agent de socialisation »
principal. Car si leurs encouragements portent
éventuellement leurs fruits, ils sont rarement
en mesure de les accompagner de notions de
base en finances personnelles.
Les finances personnelles, un domaine
obscur - Marc Tison
Qu’est-ce que l’épargne? Près de trois
jeunes adultes québécois sur dix estiment
que c’est l’argent mis de côté… pour payer
les factures et les dettes à la fin du
mois.
S’ils sont favorables à l’épargne, s’ils
la pratiquent en bonne proportion, les
jeunes montrent peu de connaissances
financières – c’est-à-dire à propos des
moyens de concrétiser leurs bonnes
intentions.
L’enquête menée en juin 2008 auprès de 966
Québécois âgés de 18 à 29 ans incluait un
questionnaire de neuf questions de type
vrai ou faux sur l’épargne et
l’investissement. Le score moyen s’est
fixé à 52 %.
Marie Lachance s’est montrée
particulièrement étonnée que les deux
tiers des répondants ne soient pas en
mesure de distinguer les intérêts simples
des intérêts composés. En effet, à peine
35% des répondants ont correctement évalué
que l’assertion « Un placement à 5%
d’intérêt est plus payant à intérêt
composé qu’à intérêt simple » était vraie.
Une majorité de j eunes Québécois quittent
« l’école secondaire sans connaître cette
distinction fondamentale qu’on aurait pu
croire enseignée, sinon dans un cours sur
les finances personnelles, du moins dans
un cours de mathématique », s’inquiètent
les auteures de l’étude.
Autre exemple, sept répondants sur dix ont
estimé (à tort) que les sommes retirées
d’un REER sont à l’abri de l’impôt si le
retrait est fait après 65 ans. Il est vrai
que pour ces jeunes, la retraite est
certainement une préoccupation éloignée.
Plus préoccupant, les femmes ont montré
une moins grande maîtrise des notions de
finances personnelles et d’épargne que les
hommes.
Elles ont suivi les mêmes cours
secondaires, mais ontelles ensuite manqué
de temps ou d’intérêts pour compléter
leurs connaissances ? « On devrait les
viser davantage et trouver des moyens pour
que ces connaissances leur soient
accessibles », insiste la chercheuse.
Chose certaine, conscients de leurs
lacunes, « la majorité des jeunes veulent
davantage d’information sur les moyens de
mettre de l’argent de côté, ajoute-t-elle.
C’est la base. » Par
ailleurs, il n’est pas dit que les
Québécois plus âg… plus expérimentés
auraient obtenu un score tellement
supérieur. Faites le test…
DES COURS RAPIDEMENT OUBLIÉS -
Marc Tison
« Contrairement à nos attentes, les
répondants ayant suivi un cours sur les
finances personnelles n’ont pas obtenu
un score de connaissances
significativement différent de ceux n’en
ayant pas suivi », i ndiquent les
auteures de la recherche sur les jeunes
adultes québécois, l’épargne et l’i
nvestissement, Marie Lachance et
Jacinthe Cloutier.
Encore plus
surprenant, 60% des répondants ont
signifié n’avoir jamais suivi de cours
sur les finances personnelles à l’école
secondaire, alors que des cours
obligatoires abordaient ces questions
jusqu’en juin dernier.
S’ils ne se rappellent pas les avoir
suivis, pas étonnant qu’ils en aient
oublié les notions.
« Peut-être que ces cours n’ont pas été
assez marquants? i nterroge Marie
Lachance. On peut parler de formation
des enseignants, de qualité du matériel,
de notions qui n’étaient peut-être pas
adaptées à leurs besoins et leurs
motivations. Les professeurs en
éducation économiques nous ont dit
souvent que les jeunes étaient très
intéressés à entendre parler du crédit
et de cartes de crédit. »
Est-ce à dire que les cours en éducation
économique au secondaire sont inutiles ?
Au contraire. « Il faut renforcer
l’éducation en finances personnelles à
l’école », soutient Marie Lachance. Car
si ces cours ne semblent pas avoir
laissé d’impérissables souvenirs
cognitifs, ils ont eu le grand bénéfice
de favoriser une attitude positive face
à l’épargne. « Ce ne sont pas les
apprentissages acquis en classe qui ont
un impact mais les attitudes qui y sont
développées », soutiennent les auteures
de la recherche.
Chose certaine, on doit désormais en
parler au passé. Les derniers cours
d’éducation économique ont été donnés en
juin dernier. Ils ont disparu dans le
maelström de la réforme, à la faveur de
notions de consommation saupoudrées dans
les nouveaux programmes Histoire et
éducation à la citoyenneté et
Connaissance du monde contemporain.
« Nous croyons que c’est une erreur et
que le peu de contenu dispensé jusqu’à
ce jour aurait plutôt dû être mis à
jour, renforcé et adapté aux besoins des
jeunes », soutiennent les auteures de la
recherche.
FAUT-IL ÉCOUTER LES DICTONS?
- Hugo Fontaine
LA BOURSE REGORGE DE DICTONS, MAXIMES ET AUTRES
ADAGES CENSÉS INDIQUER AUX INVESTISSEURS LES VOIES DU
SUCCÈS SUR LES MARCHÉS. CERTAINS SE COMPLÈTENT,
D’AUTRES SE CONTREDISENT, ET PEU SONT ABSOLUS. LA
PRESSE AFFAIRES A DEMANDÉ À DES STRATÈGES ET
GESTIONNAI
The trend is your friend
(La
tendance est ton amie)
Autre dicton à signification semblable : -Don’t
fight the tape V.D. : Il est primordial de cerner
l’état du marché (haussier ou baissier) et on ne
doit pas se « battre » contre sa tendance, sinon on
risque de vendre ou d’acheter prématurément. Les
changements de tendance peuvent être
particulièrement importants. L.F. : C’est bon aussi
longtemps que la tendance dure ! Si le marché est
bon dans une direction où tu es long, le dicton te
suggère de ne pas toucher à tes titres. Si tu es
court et que le marché descend, tu es gagnant aussi.
L.G.: Ce dicton convient aux investisseurs au profil
momentum. S.G. : Le marché parle, il faut composer
avec ce qu’il te dit. Mais la tendance
est ton amie jusqu’à ce que tu frappes un mur.
Achetez la rumeur, vendez la nouvelle
V.D.: Le marché boursier est une machine à
anticipation et lorsqu’une nouvelle sort, il y a
fort à parier qu’elle est reflétée depuis longtemps
dans le prix d’une action. Ce dicton colle surtout
aux titres-vedettes auxquels s’intéressent les
investisseurs hyperactifs. L.F. : Quand une rumeur
se concrétise, un titre réagit rapidement et il est
très difficile d’en acheter. Ceux qui ont acheté sur
la rumeur peuvent alors vendre. Mais il faut être
prudent, car si la rumeur est fausse, on peut se
faire avoir. S.G. : Il faut se méfier de certaines
rumeurs qui reviennent constamment, mais qui sont
sans fondement. Chaque fois qu’une telle rumeur
revient, je vendrais plutôt que d’acheter, comme
chaque fois que la rumeur veut que Rogers achète
Shaw Communications.
The more certain the crowd is, the surer it is to be
wrong
(Plus la foule est sûre d’elle, plus elle est
sûre d’avoir tout faux) - Attribué au financier
américain Robert Menschel. V.D. : Il s’agit
probablement du constat auquel j’apporte le plus
d’importance puisqu’il prône une approche «
contrarienne ». Quand tout le monde a vendu, le risque
de baisse est assez faible, bien qu’il soit perçu
comme étant très élevé. Quand tout le monde a acheté
(et que les chauffeurs de taxi vous en parlent !),
c’est le temps de vendre. S.G. : Quand on ne peut plus
résister à l’idée d’acheter un titre parce qu’il s’est
tellement apprécié, ce n’est jamais trop bon. Quand le
consensus, incluant ta belle-mère, te dit d’acheter,
c’est dire que toutes les nouvelles sont connues et
qu’on commence à être complaisant. L.F. : Au pire de
la bulle spéculative en 2000, tout le monde était
investi dans les actions. À un certain moment, quand
il n’y a plus d’acheteurs et qu’un sentiment négatif
commence à s’installer, ça tombe comme une roche.
Celui qui avait vendu ses actions était correct. Cette
année, tout le monde a retiré son argent du marché
pendant les trois premiers mois de l’année. Mais le
meilleur moment d’acheter était au mois de mars. Quand
tout le monde est sûr de quelque chose, il faut faire
l’inverse.
On peut s’enrichir en dormant
Autres dictons à signification semblable : - «
Tout au long de mes années passées à investir,
j’ai observé que les grosses sommes n’étaient
jamais gagnées en achetant ou en vendant. Les
grosses sommes étaient gagnées dans l’attente. »
Citation attribuée au célèbre investisseur du
début du XXe siècle, Jesse Livermore. - À
l’occasion, un investissement qui rapporte
requiert l’ inactivité. ( Warren Buffett) V.D. :
Ces dictons portent sur la valeur de conserver ses
placements à long terme, soit la stratégie
buy-and-hold. Certaines périodes ont été
favorables à cette maxime, mais nous vivons depuis
10 ans dans un climat où il faut réévaluer ses
positions une ou deux fois par année. On ne parle
pas ici d’être hyperactif ni de changer son plan
de match comme une girouette, mais la valeur du
buy-and-hold est moins évidente ces jours-ci et ne
doit pas rendre complaisant. S.G. : Pour illustrer
ce dicton, je donnerais l’exemple de Potash
Corporation. C’est une excellente entreprise qui
annonce des profits à la baisse. On sait pourquoi,
et on sait que cela n’a rien à voir avec le
fondamental de l’industrie à moyen terme. Et
l’entreprise gère bien l’offre. Nous sommes assis
sur nos mains et on garde le titre, car on sait
que ça va revenir. Dans certains cas, vaut mieux
attendre.
Don’t try to catch a falling knife
(Il ne faut pas tenter d’attraper un couteau qui
tombe) V.D.: Ce dicton est similaire au « dead cat
bounce ». Même un chat qui tombe du dixième étage
peut rebondir. Il est donc préférable d’attendre
un rétablissement fondamental avant d’acheter,
même à prix plus élevé. L.G. : Attendons que le
couteau soit par terre avant de le ramasser, si on
pense, après analyse, qu’il y avait eu
exagération. L.F. : Quand un titre ou un indice
recule beaucoup, il commence à être intéressant.
Il ne faut pas arrêter le couteau, mais plutôt
attendre que ça se stabilise. L’automne dernier,
des investisseurs ont replongé dans le marché
après trois mois de baisse, mais le marché a
poursuivi sa chute par la suite.
Achetez la rumeur, vendez la nouvelle
V.D.: Le marché boursier est une machine à
anticipation et lorsqu’une nouvelle sort, il y a fort
à parier qu’elle est reflétée depuis longtemps dans le
prix d’une action. Ce dicton colle surtout aux
titres-vedettes auxquels s’intéressent les
investisseurs hyperactifs. L.F. : Quand une rumeur se
concrétise, un titre réagit rapidement et il est très
difficile d’en acheter. Ceux qui ont acheté sur la
rumeur peuvent alors vendre. Mais il faut être
prudent, car si la rumeur est fausse, on peut se faire
avoir. S.G. : Il faut se méfier de certaines rumeurs
qui reviennent constamment, mais qui sont sans
fondement. Chaque fois qu’une telle rumeur revient, je
vendrais plutôt que d’acheter, comme chaque fois que
la rumeur veut que Rogers achète Shaw Communications.
Don’t marry your stocks
(Ne
tombez pas amoureux de vos titres) V.D. : C’est une
règle de base importante pour les investisseurs et
les analystes puisque la nature humaine fait en
sorte que l’amour pour un titre (ou une
recommandation) tend à augmenter avec le prix de
l’action. Pourtant, plus le prix augmente, plus le
rendement espéré diminue. L.G. : C’est l’un de mes
dictons préférés. Il ne faut pas laisser les
émotions déranger la raison. Il faut constamment
refaire ses devoirs et regarder le fondamental dans
les entreprises qu’on aime pour savoir quand s’en
aller. Il faut faire la distinction entre une bonne
entreprise et son évaluation. L.F. : Tomber amoureux
d’un titre est la pire chose à faire. Combien sont
tombés amoureux de
Bombardier ou de Nortel ? Une entreprise, c’est un
nom, la réalité va au-delà.
You’ll never go broke by taking a profit
( Vous ne serez jamais fauché en prenant des
profits) L.G. : Tout ça revient à la pondération des
actifs dans le portefeuille. Ne soyons pas avides.
On se met des balises, et quand on les dépasse,
c’est le temps de prendre des profits. Mais en même
temps, il ne faut pas aller à l’autre extrême où on
vend tous nos titres gagnants et ne conserver que
les perdants. L.F. : Il est plus difficile de vendre
trop tôt que de vendre trop tard. Avec des titres
qui ont bien fait, on veut souvent faire plus. Mais
parfois on attend trop et le marché retombe avant
qu’on ait pu vendre. Si tu vends un peu plus tôt, tu
fais peut-être moins de gains, mais tu ne te fais
pas planter par après. S.G. : Ce pourrait être la
suite de « Don’t marry your stocks ». Quand un titre
s’est fortement apprécié et qu’il représente un
poids trop important dans le portefeuille, il est
parfois mieux de prendre des profits. Il y a
toujours d’autres situations qui ont corrigé et qui
méritent de l’attention.
Don’t fight the Fed
(Ne vous battez pas contre la Fed) V.D. : La Fed
et les banques centrales auront ultimement ce
qu’elles recherchent par le truchement de leurs
politiques monétaires. Si la Fed baisse les taux
pour relancer l’économie, il faut alors viser
des actifs sensibles à l’économie. Si au
contraire la Fed remonte ses taux pour freiner
la croissance, garnissez vos portefeuilles
d’actifs plus défensifs. L.F. : C’est
probablement le dicton qui a le plus de
pertinence. Il ne faut jamais penser que la Fed
ne sera pas capable d’atteindre son but. Si tu
ne crois pas à la Fed, tu n’as pas d’affaire
dans le marché. Mais la période actuelle est un
peu spéciale. Les gens se battent un peu contre
la Fed. On hésite à croire que les interventions
de la Fed vont relancer l’économie, on a
l’impression que la Fed « pousse sur une corde
». S.G. : C’est toujours pertinent. Si la Fed
dit que l’inflation devient préoccupante, ça
veut dire que les taux vont augmenter. Ce n’est
pas le temps d’acheter des obligations longues.
Il faut écouter la Fed et lire entre les lignes.
Price is king, but volume is the power behind the
price
(Le prix est roi, mais le volume est la
puissance derrière le prix)
V.D.
: L’absence de volume réduit la validité d’un
mouvement, qu’il soit haussier ou baissier. L.F.
: Certains disent que la dernière remontée
boursière est intenable car elle s’est faite sur
un faible volume de transactions. C’est un adage
utilisé à outrance, mais je n’y accorde pas
beaucoup d’importance.
Sell in May and Go Away
( Vendre en mai et quitter le marché)
V.D. : Les théories liées à la saisonnalité
servent à remplir les temps morts. L.F. : Ce
dicton s’applique beaucoup aux titres
cycliques. Les gens sont en vacances l’été,
et
le marché des ressources est moins actif
jusqu’à l’arrivée de l’automne. S.G. : Les
probabilités de succès d’un tel dicton sont
historiquement assez bonnes, même si le
temps de vendre est peut-être venu un peu
plus tard cette année. Les gens sont souvent
plus portés à prendre du risque dans les
premiers mois de l’année.
L’ humilité
Quelques autres maximes ou citations qui
rappellent l’humilité nécessaire face aux
marchés.
-
-
- Octobre. C’est un des mois
particulièrement dangereux pour spéculer sur
les actions. Les autres sont juillet,
janvier, septembre, avril, novembre, mai,
mars, juin, décembre, août et février. (Mark
Twain) Les prévisions vous en disent
beaucoup sur ceux qui les font, elles ne
vous disent rien sur l’avenir. ( Warren
Buffett) Les marchés peuvent demeurer
irrationnels plus longtemps que vous pouvez
rester solvable. (John Maynard Keynes)
- Il ne faut jamais confondre le génie et un
marché haussier. - Les économistes sont bons
pour prédire les récessions. Ils ont prédit
huit des trois dernières.
De l’équilibre dans le
portefeuille - Michel Girard
Après avoir été grandement échaudés à la
suite des piètres résultats obtenus en
2008, les investisseurs retrouveront
sans doute leur bonne humeur en
constatant la performance accumulée lors
du premier semestre 2009.
Est-ce que les fonds communs équilibrés
représentent encore un bon placement ?
Chose certaine, nombre de lecteurs se
posent sérieusement « la » question en
prenant connaissance ces temps-ci de la
performance au 30 juin de leurs
portefeuilles de fonds communs de
placement.
Les fonds équilibrés représentent
actuellement quelque 37 % de tous les
fonds communs de placement distribués au
Canada. L’actif total des fonds
équilibrés dépasse les 200 milliards de
dollars.
Après avoir été grandement échaudés à la
suite des piètres résultats obtenus en
2008, les
Pourquoi parler des fonds équilibrés ?
Parce que c’est la catégorie de fonds
d’investissement la plus recommandée par
les conseillers en placement auprès de
leurs clients. Les portefeuilles des
fonds équilibrés misent sur la
diversification de leurs actifs : les
titres à revenu fixe (obligations
gouvernementales et corporatives, bons
du Trésor, etc.), les actions de tout
acabit, les fiducies de revenu, etc.
investisseurs retrouveront sans doute
leur bonne humeur en constatant la
performance accumulée lors du premier
semestre 2009.
Pour la période des six premiers mois de
l’année, voici le rendement moyen des
diverses catégories de fonds équilibrés
suivis par la firme Morningstar. Entre
les parenthèses, vous y trouverez la
contre-performance de l’année 2008.
> Fonds équilibrés canadiens
d’actions : 12,4% (-21,3 %)
> Fonds équilibrés tactiques : 10,8%
(-21,0 %)
> Fonds équilibrés canadiens neutres
: 7,2 % (-17,3 %)
> Fonds équilibrés mondiaux
neutres : 6,9 % (-18,8%)
> Fonds équilibrés canadiens à revenu
fixe : 6,6 % (-8,8 %)
Comme vous pouvez le constater, l a
bonne per f or mance enregistrée au
cours du premier semestre vient éponger
une portion des lourdes pertes
engrangées en 2008 à la suite de
l’effondrement de la Bourse à l’échelle
mondiale.
Le prochain défi ? Est-ce que les
marchés boursiers vont réussir à tout le
moins à conserver les gains qu’ils ont
accumulés depuis le creux boursier du
début mars dernier ?
Je nous le souhaite de tout coeur… À
voir la difficulté qu’ont actuellement
les marchés boursiers à se maintenir en
territoire positif, j ’admets que la
tâche sera ardue… Énormément
d’incertitudes mettent les gros
investisseurs institutionnels en garde
contre une stratégie boursière
optimiste. C’est ce qui explique
pourquoi les portefeuilles
institutionnels (caisses de retraite,
fonds communs) regorgent encore de
montagnes de liquidités, soit plus de 80
milliards j uste au niveau de
l’industrie canadienne des fonds communs
de placement.
Avant de réinvestir ces sommes
colossales de liquidités en Bourse, les
investisseurs institutionnels attendent
d’obtenir des signaux plus probants de
reprise économique et de retour à la
profitabilité des entreprises.
Dans notre tableau, une brochette des 12
plus gros fonds équilibrés distribués au
Canada. À la fin de la liste, vous y
trouverez trois autres fonds équilibrés,
nettement plus petits, mais également
populaires au Québec. Pour chacun des
fonds, vous trouverez des données sur
l’actif sous gestion, le rendement
semestriel des six premiers mois de
l’année 2009 et le rendement obtenu en
2008.
En Bourse, c’est bien connu, il n’y a
pas de recette miracle pour faire de
l’argent à coup sûr.
Il existe cependant diverses stratégies
d’investissement relativement
bénéfiques. Lorsqu’on est en phase
d’investissement ou de réinvestissement,
échelonner son capital par tranches, sur
plusieurs mois, permet d’acquérir des
positions (titres) à prix moyen
raisonnable en profitant des f utures
baisses. D’autre part, lorsqu’on a
accumulé des gains intéressants (15 %,
20 % ou plus), pourquoi ne pas liquider
une partie de ses titres (ou valeurs) à
gros profits (le tiers ou la moitié) et
attendre les prochaines corrections à la
baisse ! Simple question d’encaisser de
temps à autre ses profits accumulés sur
papier.
Au bon marché… - Michel
Girard
Quoi qu’il en soit, les investisseurs aux nerfs
solides qui ont acheté au cours des déprimantes
séances boursières des deux premiers mois de
l’année n’ont pas raté leurs coups. Loin de là.
Ils ont réalisé des affaires d’or.
Ouf ! Mais quel premier semestre de fou. La Bourse
nous en a fait voir de toutes les couleurs. En l
’espace de six mois, nous sommes passés d’une
magistrale déconfiture à une magistrale
performance. Résultats : tous les grands indices
boursiers de par le monde ont r éussi à r éc
upérer une importante portion des lourdes pertes
accumulées j usqu’au creux de mars dernier.
Un conseil : ne festoyez pas trop vite ! L’année
2009 n’est bouclée qu’à moitié. Il reste six gros
mois d’activité. En Bourse, c’est une éternité. À
preuve, de septembre 2008 à mars 2009, le monde
entier a basculé dans la plus grave crise
financière depuis la Grande Dépression des années
30. D’où l’actuelle récession mondiale.
L’impact sur la Bourse ? Ce f ut tout simplement
catastrophique. Pour vous rafraîchir la mémoire,
je vous rappelle l’ampleur de la chute boursière
survenue entre le haut historique des indices
ci-après et le creux cyclique du bear market
atteint lors de la séance du vendredi 6 mars
dernier. Les hauts historiques des indices
américains ont été atteints en octobre 2007 et
ceux des indices canadiens en juin 2008.
> S& P/ TSX Composite de Toronto : -50,6 %
> Dow Jones : -54,. 4 % > S& P 50 0 de
New York : -57,7 %
> NASDAQ : -55,8 %
Toutes l es autres grandes places boursières
asiatiques et européennes ont également subi une
vertigineuse déconfiture.
Entre octobre 2007 et mars 20 0 9, l es pertes
boursières dans l e monde t ot a l i s a i ent
autour des 30 0 0 0 milliards US. Cela équivaut à
environ la moitié du produit intérieur brut ( PIB)
mondial !
Au début de mars dernier, il y a donc à peine
trois mois, c’était la déprime généralisée en
Bourse. Autant c hez l es petits i nvestisseurs
que chez les stratèges et gestionnaires des
portefeuilles i nstitutionnels des caisses de
retraite et fonds communs d’actions.
La moindre nouvelle économique servait de prétexte
pour faire chuter la Bourse. C’était du moins
l’impression qui se dégageait à la suite des
multiples séances boursières à la baisse.
Selon maintes nouvelles rapportées dans les
médias, tout le monde se débarrassait de ses
actions.
Gardons-nous u ne pet i t e r éser ve de pessi
misme ici. En Bourse, i l y a t oujours deux
acteurs qui s’affrontent : un vendeur et un
acheteur. Que le vendeur soit déprimé, oui ! ça se
peut. Mais l’acheteur des mêmes actions, lui,
n’ont pas raté leurs coups. Loin de là.
I
l s ont r éa l i s é des a f f a i - res d’or. Il
suffit de jeter un coup d’oeil à l’extraordinaire
performance réalisée entre le creux du début de
mars dernier et le récent du mois de j uin pour
constater à quel point la Bourse peut s’avérer
lucrative et nous faire oublier ses mauvais jours.
> S& P/ TSX Composite de Toronto : + 43,2 %
> S& P 50 0 de New York : + 43,4 % > Dow
Jones : +36,6 % > NASDAQ : + 48,5 %
On conviendra qu’il s’agit ici d’un revirement
explosif. Cette croit, au contraire, faire une
bonne affaire ! Il y perçoit une aubaine.
Quoi qu’il en soit, les investisseurs aux nerfs
solides qui ont acheté au cours des déprimantes
séances boursières des deux premiers mois de
l’année hausse dépasse les prévisions des plus
optimistes stratèges boursiers.
Historiquement, la Bourse grimpe environ de 30 % à
35 % dans les 12 mois qui suivent le creux
cyclique d’un marché baissier. Là, la hausse
atteint les 40 % après à peine t rois mois.
Après une telle progression si explosive, il est
normal que la Bourse traverse des périodes de
correction à la baisse. Comme si elle avait besoin
de consolider ses assises... et de justifier sa
progression.
Ne perdons jamais de vue que la performance de la
Bourse devance la réalité économique. La Bourse a
généralement une longueur d’avance de t rois à si
x mois sur l a conjoncture économique.
C’est donc dire que le revirement explosif depuis
mars dernier anticipe la fin prochaine de
l’actuelle récession.
Si la récession mondiale perdure après décembre
prochain et que les onéreux plans de sauvetage
économique des gouvernements n’atteignent pas les
objectifs e s c o mpt é s , c o mpto n s sur la
Bourse pour nous s e c ouer de nouveau le
portefeuille.
Bilan des six premiers mois de l’année 2009 : le
S& P/ TSX Composite de Toronto (+15,5 %) a
nettement dépassé les deux grands indices de Wall
Street, soit l e S& P 50 0 (+1,9 %) et l e Dow
J ones ( - 3,7 %) . L e NASDAQ a en r egist r é u
ne hausse similaire à la Bourse canadienne : +16,4
%.
Et que la hausse se poursuive...
Devenir travailleur autonome - Marc
Tison
An nie
Pa r e n t deva i t recevoi r sa réponse mardi. « Je
ne l’ai pas eue encore » , lance-telle, deux jours
plus tard. Cette réponse, c’est son acceptation ou son
refus à la deuxième étape de la mesure de Soutien au
travail autonome.
C’est important. Une réponse positive lui permettrait
de mettre sur pied sa petite entreprise tout en étant
rémunérée pour le faire.
Titulaire d’une maîtrise en sciences, elle a étudié en
gestion de l’environnement. Mais elle voulait avoir
son entreprise à elle. En quête d’idées et de
conseils, elle s’est inscrite l’automne dernier à une
formation donnée par Marie Brouillet, du Centre
d’entrepreneuriat féminin de Montréal. « J’ai eu
l’idée une semaine avant le cours », raconte Annie
Parent. Elle serait écoconsultante pour l’industrie de
la transformation alimentaire. Objectifs durabilité et
zéro rejet. « Le cours avec Marie a confirmé que
c’était la bonne voie, que ça venait vraiment me
chercher. »
Étape suivante : être admise à la mesure de Soutien au
travail autonome d’Emploi-Québec.
« Dans le contexte économique actuel, où les gens
perdent leur emploi, cette mesure permet à une
personne prestataire de la sécurité du revenu ou de
l’assurance emploi de recevoir, à certaines
conditions, un soutien technique pour devenir
travailleur autonome », explique Suzie Loubier,
directrice générale de l’Association des CLD du
Québec.
Ce programme se déploie en deux volets. Durant le
premier, d’une durée de 12 semaines, l’apprenti
entrepreneur suit un cours où on lui apprend à rédiger
un plan d’affaires.
Annie
Parent avait été prestataire de l’assurance emploi
moins de deux ans auparavant, ce qui lui permettait de
poser sa candidature. Elle a présenté son dossier
devant un comité du SAJE Montréal Métro au début
février. Le jour même, elle a reçu son aval. « Deux
semaines après, raconte-t-elle, je commençais la
formation sur le plan d’affaires. »
Dans le second volet, d’une durée maximale de 40
semaines, l’entrepreneur lance son entreprise avec le
soutien technique du CLD local (ou, à Montréal, d’un
SAJE).
Dans l’un et l’autre volet, le participant reçoit
également un soutien au revenu, qui consiste en une
allocation hebdomadaire équivalant à 40 heures au
salaire minimum. Ceux qui touchent déjà des
prestations de l’assurance emploi les reçoivent
jusqu’à la fin de leur période d’admissibilité.
« Le soutien financier, pour moi, est essentiel,
exprime Annie Parent. Il m’aurait fallu beaucoup plus
de temps pour mettre au point mes services et
développer mon projet s’il avait fallu travailler à
temps plein en même temps. »
Une étude réalisée en 2005 a montré que 73% des
entreprises créée avec le Soutien au travail autonome
étaient toujours en activité deux ans après leur
démarrage. « Ce qui fait la différence, c’est vraiment
l’entrepreneur, soutient Frédéric Loprieno, di recteur
gest ion croissance au SAJE-Montréal Métro, et par là
j’entends son expérience, ses capacités d’apprendre,
sa résistance au stress. Et aussi, évidemment, le
réalisme du projet. »
Le second volet n’est pas automatique. Le participant
doit présenter son plan d’affaires devant le comité
qui a accepté son projet initial. C’est ce qu’a fait
Annie Parent, le 8 mai dernier. Et c’est la réponse
qu’elle attend impatiemment, prête à foncer au signal
du départ. « Je ne vois pas ma vie autrement,
s’exclame-t-elle. Je le fais avec tout mon coeur et
tout mon ventre. »
Elle a promis d’appeler si la réponse tombait avant la
fin de la journée.
TROUVER LA BONNE PORTE
Où
s’adresser quand on nourrit des intentions
entrepreneuriales ? Essayons de démêler tout ça. La
meilleure porte d’entrée est probablement le Centre
local de développement (CLD).
Voués au soutien aux entreprises naissantes, les CLD
gèrent un fonds d’investissement local. « Chaque CLD
a sa politique d’investissement », informe la
directrice générale de l’Association des CLD du
Québec, Suzie Loubier. Le prêt moyen avoisine 30
000$. « C’est un petit prêt qui participe au montage
financier, explique-t-elle. Il est important de se
rappeler que le CLD n’est pas une banque. Sa
première mission est d’accompagner l’entrepreneur. »
C’est ici que ça se complique. Les CLD gèrent aussi
le programme de Soutien au travail autonome… mais
pas à Montréal, où cette responsabilité relève des
SAJE Montréal Métro et Montréal Centre.
On trouve des CLD partout au Québec… sauf dans une
large partie de Montréal, où les corporations de
développement économique communautaire (CEDC), déjà
en place lors de la création des CLD en 1998, se
sont vu confier leurs responsabilités.
Ajoutez encore au portrait les Sociétés d’aide au
développement des collectivités (SADC), organismes à
but non lucratif subventionnés par Ottawa, qui se
spécialisent dans l’appui à l’entrepreneuriat en
région. Par conséquent, on ne les trouve pas à
Montréal. Dommage. Les SADC administrent le
programme Stratégie jeunesse, qui peut accorder à un
jeune entrepreneur un prêt variant entre 5000$ et 15
000$. Si deux jeunes fondent l’entreprise, chacun
peut avoir droit à son prêt, pour un total maximal
de 30 000$ « C’est un prêt personnel et non un prêt
d’entreprise, précise Hélène Deslauriers, directrice
générale du Réseau des SADC du Québec. Ça facilite
la vie quand ils arrivent à l’institution
financière. »
Le portrait est à peine plus clair ? D’accord,
sonnez à n’importe quelle porte. « Que la personne
aille à un endroit ou à l’autre, on va lui parler de
l’autre organisme, rassure Hélène Deslauriers. Il y
a peu de risque qu’elle se perdre. Tout le monde a
les yeux fixés sur le client. »
Le
site de l’Association des CLD du Québec propose un
outil de recherche qui fournit les coordonnées des
CLD et CEDC en fonction des municipalités et
régions: www.acldq.qc.ca
TROUVEZUNMENTOR
Une fois votre entreprise lancée, mettez toutes les
chances de votre côté. Trouvezvous un mentor.
Le mentor accompagne, guide sans s’insérer dans le
fonctionnement de l’entreprise. Il n’est pas
rémunéré et ne doit pas détenir d’intérêts dans
l’affaire. « C’est un compagnon avec qui on fonde
une relation de confiance », décrit Mario Girard,
président-directeur général de la Fondation de
l’entrepreneurship.
Depuis qu’elle a organisé son programme de mentorat,
en 2000, la Fondation a jumelé 3200 entreprises et
près de 1000 mentors. Elle veut faire grimper ces
chiffres à 5000 « mentorés » et 3000 mentors,
partout au Québec, avec le Réseau national de
mentorat d’affaires, dont elle a annoncé la création
le 25 mai dernier.
Le service de mentor ne s’adresse pas, en principe,
aux personnes qui sont encore à mettre sur pied leur
entreprise. Mais dès que le pas est franchi, elles
peuvent bénéficier des conseils d’un homme ou une
femme d’affaires d’expérience. « Les meilleurs
mentors ne sont pas nécessairement dans le même
secteur d’activité que ceux qu’ils suivent »,
informe Mario Girard.
À peine 34% des entreprises québécoises existent
encore après cinq ans. Ce taux bondit à 73% parmi
les entreprises qui ont un mentor. « On fait plus
que doubler le taux de survie », insiste Mario
Girard. C’est bon à savoir.
POURQUOI
RETARDER
SON RÊVE? - Caroline Rodgers
Récession, mises à pied. Même s’ils ont un bon emploi,
plusieurs Québécois, touchés par la morosité ambiante,
se demandent s’il ne devrait pas reporter la réalisation
de leur rêve. Ont-ils raison de vouloir ainsi retarder
des projets qui leur tiennent à c
Pierre économise depuis 10 ans pour s’acheter une
caravane motorisée. Il a accumulé assez d’argent pour
une mise de fonds importante, et il est prêt à passer à
l’action. Pourtant, il hésite encore : il lit les
journaux...
Récession, mises à pied, tout cela inquiète Pierre et il
se demande s’il ne devrait pas reporter la réalisation
de son rêve à l’an prochain. Même s’il a un bon emploi,
il se laisse contaminer par l’incertitude et la morosité
ambiantes. A-t-il raison de vouloir reporter son rêve ?
Absolument pas, selon trois planificateurs financiers
interrogés par La Presse. C’est avant tout notre
situation financière personnelle et professionnelle qui
doit déterminer l’opportunité d’un achat important, et
non la situation économique générale.
« Ce n’est pas parce que la situation économique est
mauvaise que cela va mal pour tout le monde, dit Marcel
Bédard, planificateur financier. Si on a les moyens
aujourd’hui de faire une acquisition, il faut la faire
dans la mesure de ses moyens. »
D’ailleurs, si Pierre se fait plus prudent qu’il ne le
devrait, son comportement n’est pas tout à fait
représentatif de celui de la majorité des gens. « En
temps de récession, les gens vont essayer de réduire
davantage leurs dépenses dans les achats courants, dit
Benoit Duguay, professeur à l’ESG UQAM. Mais, quand
arrive le temps de se faire plaisir, la réaction n’est
pas la même, car le plaisir est fondamental chez
l’humain. »
Ce professeur, qui est aussi l’auteur du livre
Consommation et luxe, a observé que, par les temps qui
courent, certaines personnes se trouvent des alibis
plutôt étonnants: « Il y en a qui disent préférer
l’achat d’un bateau de luxe ou d’une moto de marque
prestigieuse, qui ne se dévalue pas beaucoup avec le
temps, plutôt que de perdre leur argent en Bourse. »
Gérer les risques
Avant de prendre la décision d’acheter un chalet, une
caravane motorisée ou de faire le tour du monde, il faut
d’abord s’assurer que l’on gère bien trois risques,
selon Éric Brassard, comptable agréé, planificateur
financier et associé chez Brassard, Goulet et Yargeau.
Le premier risque concerne la gestion budgétaire à court
terme. « Il faut s’assurer que l’on a un petit coussin,
soit sous forme de liquidités ou en marge de crédit,
pour faire face à des situations imprévues », dit-il.
Le deu x
i ème r i sque e s t celui de manquer d’argent à la
retraite. « La planification de la retraite implique une
épargne pour avoir un train de vie raisonnable jusqu’à
sa mort », dit Éric Brassard.
Et si l’épargne pour la retraite est importante, il faut
aussi vivre. « L’épargne n’a pas à être systématique
chaque année si c’est fait dans le cadre d’une
planification financière bien pensée, dit Éric Brassard.
On peut décider, une année, de ne pas épargner et
d’aller en voyage. L’important, c’est d’être sur le bon
chemin et que cette exception soit faite de façon
réfléchie. Il ne faut pas non plus se raconter
d’histoire et retarder l’épargne chaque année. »
Troisièmement, il faut gérer les risques
catastrophiques, le décès qui pourrait laisser nos
proches sans le sou ou le risque d’invalidité. Il est
donc important d’avoir toutes les assurances nécessaires
pour se prémunir contre une catastrophe.
« L’invalidité est le plus grand de tous les risques, et
le plus négligé, dit M. Brassard. Si on perd la capacité
de gagner des revenus, on risque de se retrouver à vie
sous le seuil de pauvreté. »
Faire des choix
Une fois ces trois risques bien gérés, il n’y a pas de
raison de s’empêcher de réaliser son rêve, quelle que
soit la situation économique globale. Sauf si on se
retrouve dans une situation d’emploi précaire, ou qu’on
travaille dans un secteur sérieusement menacé, comme les
pâtes et papiers.
« Si on travaille dans une entreprise où des
congédiements ont été annoncés, c’est sûr que notre
équilibre financier pourrait être en danger, dit Jacques
Brouillard, planificateur financier au Groupe Investors.
Dans un tel contexte, il vaut mieux repor t er l e s déc
i s i ons importantes. »
Ce n’est pas votre cas ? Eh bien ! pourquoi vous priver?
Récession ou pas, si votre situation financière est
équilibrée, il n’y a pas de raison de ne pas réaliser
vos rêves, en étant conscient qu’il faudra faire
certains sacrifices. « Si on décide de se payer un plus
grand chalet, on aura peutêtre alors une plus petite
voiture, dit Éric Brassard. Il faut canaliser l’argent
vers des choix plus épanouissants. »
Et ne pas contracter de dettes farfelues. « Ce n’est pas
parce qu’on a un rêve qu’il faut absolument le réaliser,
dit Marcel Bédard. Il faut le réaliser de façon
réfléchie. Ça commence par faire son bilan, son budget,
et épargner d’abord. »
RECOUVREZ VOTRE SANTÉ FINANCIÈRE!
- MARC TISON
Votre
bilan financier est boiteux ? Vous souffrez d’un
oedème du crédit ? Votre budget discrétionnaire est
anémique ?
L’ épargne des Canadiens s’est rarement aussi mal
portée: un Canadien sur trois n’économise pas le
moindre sou, selon une enquête publié fin mai par
CGA-Canada. L’endettement des ménages est une
véritable épidémie: il a atteint un sommet de 1300
milliards de dollars à la fin de 2008, soit 40000$ par
habitant – le double de ce qu’il était en 2000.
Les budgets en phase terminale se répandent: en mars
2009, les cas d’insolvabilité – faillites et
propositions de consommateurs – étaient en hausse de
57% par rapport à la même période de 2008. « Les
indicateurs de la santé financière des ménages se sont
détériorés de façon significative en 2007 et
particulièrement en 2008 », indique ce rapport.
Et vous, comment vous sentezvous, côté portefeuille?
Inconfort? Malaise? Douleur?
Rien n’est perdu. Vous pouvez vous remettre sur pied.
C’est
l’objectif du document que vient de publier l’ACEF de
l’Est de Montréal, Retrouver la santé financière, dont
s’inspire ce dossier.
L’organisme à but non lucratif, qui offre depuis 30
ans conseils et formations sur le budget,
l’endettement et la consommation, a condensé son
expérience dans un guide de 43 pages.
Les cours sur le budget de l’ACEF de l’Est de Montréal
n’ont jamais été aussi populaires. Le nombre de
groupes a doublé cette année. Les temps économiques
difficiles y sont probablement pour quelque chose: ces
personnes veulent en quelque sorte faire de la
prévention budgétaire. En d’autres mots, se vacciner
contre les problèmes.
Mais si le mal est déjà installé, voici le chemin de
la guérison
LE TRAITEMENT
Il y a
deux cures: la progressive et la désespérée. La
première s’étend sur un maximum de deux ans.
Son objectif consistera à rembourser en priorité les
dettes de crédit variable portant les plus hauts taux
d’intérêt.
Si nécessaire, vous pouvez consolider vos dettes avec
un nouveau prêt négocié avec votre institution
financière. Vous pouvez également en transférer une
partie dans un autre instrument de crédit moins
coûteux. Chose certaine, fuyez les redresseurs de
crédit et autres compagnies de finance aux dents
acérées.
Deux quest ions sont essentielles, selon l’ACEF de
l’Est : à combien s’élèvent vos dettes les plus
coûteuses ? Combien devriez-vous verser chaque mois
pour vous en libérer en deux ans?
Cette mensualité, il faudra réussir à la caser dans
votre budget. Vous devrez donc établir un budget
transitoire. Pour chaque poste de dépense, évaluez
combien vous pouvez économiser chaque mois, de façon
réaliste. Le guide Retrouver la santé financière
contient des grilles à cet effet, mais vous pouvez
travailler avec n’importe quel outil budgétaire.
« Je cherche à me ramener à la case départ avec une
seule carte de crédit à zéro, définit Mme Morin. Ce
peut être une période difficile, mais si je la vois
comme une période de transition de 12 ou 18 mois, ça
peut m’aider à passer au travers. »
Si vous ne prévoyez pas pouvoir liquider vos dettes de
crédit variable en deux ans ou moins, il faut poser un
diagnostic plus sévère: vous êtes surendetté.
Le remède de cheval
Une
consultation auprès d’un spécialiste s’impose alors :
prenez rendez-vous avec un conseiller budgétaire dans
une association de consommateurs.
La solution sera peut-être douloureuse – ni plus ni
moins qu’une ablation.
Trois opérations sont possibles. Au Québec, le dépôt
volontaire, dont les conditions sont décrétées par un
tribunal, étale le remboursement des dettes sur trois
ans, à taux fixe, au moyen d’une ponction automatique
sur le salaire. Pour plus d’information: ministère de
la Justice du Québec, www.justice.gouv. qc.ca.
L a pr o p o s i t i on de consommateur est plus
courante. En vertu de la Loi sur la faillite et
l’insolvabilité, vous pouvez vous entendre avec vos
créanciers pour réduire la dette, en allonger le
remboursement jusqu’à cinq ans ou faire un mélange des
deux. Approuvée par des inspecteurs et administrée par
un syndic, cette mesure vous permet de conserver votre
actif.
Sinon, reste la faillite, qui vous libère de la
plupart de vos dettes et vous permet de repartir du
bon pied, mais au prix d’une partie de votre actif et
d’un dossier de crédit durablement entaché.
Bureau du surintendant des faillites du Canada:
www.osb-bsf.ic.gc.ca
La cure holistique
Pour vous simpl i f ier la vie et vous éviter une
pénible remise en question budgétaire, il existe une
façon simple de réduire les dépenses et d’économiser.
Elle consiste à retirer automatiquement de votre
compte, dès versement des salaires, une proportion
fixe du revenu net – 10%, par exemple. Cette somme,
tout aussi automatiquement, est appliquée au
remboursement accéléré des dettes prioritaires. Une
fois qu’elles sont acquittées, la même discipline sert
à constituer les fonds de roulement et d’urgence, puis
les épargnes. « On ne voit pas cet argent passer et on
vit avec son revenu disponible », décrit Lise Morin.
Et peu à peu, on se reconstruit une santé.
Quand votre
carte de crédit vous fait un chèque… - STÉPHANIE
GRAMMOND
LE PRODUIT Des chèques offerts par les sociétés de
cartes de crédit. LE HIC En pratique, l’utilisation du
chèque coûte plus cher que le taux promotionnel de 0,9%.
« Croyez-moi, je ne retomberai plus
» dans le panneau. – Charles AU BOUT DU COMPTE Ces
chèques sont considérés comme des avances de fonds. Les
clients ont droit au taux d’intérêt promotionnel
uniquement si le solde de leur carte de crédit est à
zéro et s’ils ne portent aucun nouvel achat à leur
carte. C’est écrit en petits caractères ! Mais cette
pratique douteuse sera bientôt interdite.
i l’émetteur de votre carte de crédit vous envoie un
chèque en blanc, ne croyez surtout pas qu’il vous fait
un cadeau. Les intérêts associés à l’utilisation de ces
chèques sont plus élevés qu’on veut bien vous le faire
croire.
Charles l’a constaté à ses dépens… et il jure qu’il ne
tombera plus dans le piège. Récemment, il a reçu de
l’émetteur de sa carte un chèque qu’il pouvait utiliser
pour régler n’importe quel achat (épicerie, services
publics, dépenses de voyage, même un prêt auto) ou
encore pour rembourser le solde d’une autre carte de
crédit.
L’offre était assortie d’un taux d’intérêt promotionnel
de 0,9% jusqu’en juillet. Pour profiter de ce crédit bon
marché, Charles a utilisé le chèque. Quand il a reçu son
relevé de compte, il a payé ses achats du mois courant,
mais pas le chèque, qui ne lui coûtait presque rien en
intérêts, croyait-il. Eh bien, non! Le mois suivant,
l’émetteur de sa carte lui a facturé près de 50$ en
intérêts.
Charles est tombé en bas de sa chaise. Un préposé lui a
expliqué que les versements servent toujours à
rembourser le solde dû au taux d’intérêt le plus bas (en
l’occurrence la valeur du chèque à 0,9%), avant le solde
au taux le plus élevé (en l’occurrence les achats portés
sur sa carte à 19,5%). D’ailleurs, c’était écrit en
petits caractères au verso de la publicité, dans les
modalités d’utilisation du fameux chèque.
Voilà donc pourquoi le paiement de Charles n’a pas servi
à rembourser ses achats mensuels, mais plutôt une partie
de la somme empruntée à l’aide du chèque. « Me voyant
pris pour payer toujours un taux d’intérêt de 19,5% sur
mes nouveaux achats, j’ai remboursé la totalité du
compte sur-le-champ », raconte Charles. Sage décision.
Reste que ce tour de passe-passe fait en sorte que les
clients ne bénéficient jamais pleinement du taux
promotionnel de 0,9%, sauf si le solde de leur carte est
à zéro et qu’ils ne s’en servent pour aucun achat. Et
comme ces chèques sont considérés comme des avances de
fonds, les intérêts s’appliquent dès l’utilisation (pas
de délai de grâce) et certains émetteurs imposent même
des frais calculés en pourcentage de la somme empruntée.
Heureusement, cette pratique douteuse sera mieux
encadrée grâce aux nouvelles règles sur les cartes de
crédit dévoilées jeudi dernier par le ministre des
Finances Jim Flaherty.
Désormais,
lorsque
plusieurs taux d’intérêt s’appliqueront à différentes
tranches de dette sur la même carte de crédit, les
émetteurs auront deux possibilités. Ou bien ils
appliqueront le remboursement en priorité aux dettes qui
coûtent le plus cher en intérêts (la formule la plus
avantageuse pour le client); ou bien ils appliqueront le
paiement à chacune des tranches dues, selon la
proportion qu’elles représentent par rapport au solde
impayé (par exemple, la moitié à 19,5%, l’autre moitié à
0,9% d’intérêt).
« C’est un très bon pas en avant », juge Me Élise
Thériault, conseillère juridique à Option Consommateurs.
Autre belle avancée : les relevés de compte devront
préciser combien de temps il faudra aux clients qui ont
un solde impayé pour s’acquitter de leur dette s’ils
font seulement le paiement minimum.
Par contre, plusieurs autres mesures annoncées par
Ottawa ne sont que de la poudre aux yeux, croit Me
Thériault. Et certaines mesures sont déjà en vigueur au
Québec, grâce à la Loi sur la protection du
consommateur.
L’avocate déplore que le gouvernement n’ait pas
carrément imposé de plafond aux taux d’intérêt, comme en
Europe, où le taux des cartes de crédit ne peut dépasser
le taux directeur de plus d’un certain pourcentage.
Au Canada, les émetteurs de cartes ont le champ libre. «
Les institutions financières sont cependant obligées de
se plier au Code criminel et de respecter le plafond de
60% d’intérêt », note Amélie Sirois, porte-parole de
l’Agence de la consommation en matière financière du
Canada.
Même si le taux directeur n’a jamais été si faible,
plusieurs émetteurs de cartes ont relevé leur taux
dernièrement, notamment CanadianTire (de 18,99% à19,5%)
et Sears (de 18,9% à 19,9%).
La tendance est à l’externalisation des frais, note
aussi Mme Thériault. Cela signifie que les émetteurs
ajoutent toutes sortes de frais qui gonflent le taux
d’intérêt par la bande. Par exemple, Sears vient de
rehausser les frais sur les avances de fonds, et
Canadian Tire a modifié sa méthode de calcul des
intérêts.
Option Consommateurs estime que ces frais doivent être
présentés dans le taux de crédit total, ce qui n’est pas
le cas en ce moment. Pour cette raison, l’organisme a
entrepris des recours collectifs contre une série
d’institutions financières.
RÉUSSIR À
LA BOURSE - Christine Deslandes
Pour
bien gérer son patrimoine, il faut utiliser les bons
outils financiers. Ce neuvième texte d’une série de 12
porte sur les actions. La semaine prochaine, nous
aborderons les placements non traditionnels.
Si vous rêvez de devenir le partenaire d’affaires
d’entrepreneurs tels que Rémi Marcoux, Jean Coutu, Paul
Desmarais ou PierreKarl Péladeau, vous êtes mûr pour la
Bourse.
« C’est que les actions permettent de détenir un
pourcentage de la propriété de l’entreprise », explique
Inaam Ghantous, de Banque Nationale. Vous participez
ainsi aux profits, en risquant seulement la somme
investie.
Mais armez-vous de patience! Car les cotes boursières
évoluent en dents de scie. Un pas en avant, un pas en
arrière; au signal, changez de côté... De quoi donner le
vertige.
En revanche, à long terme, la tendance est haussière. «
Depuis les années 50, le marché obligataire a rapporté
en moyenne autour de 6% par an, contre 9 à 11% pour la
Bourse », note M. Ghantous.
« Cette progression des cours provient du fait que les
profits augmentent à long terme au même rythme que la
croissance économique », dit Neil Matheson,
d’Investissements Standard Life. Et ces profits plus
élevés sont généralement synonymes de dividendes plus
élevés et de gains en capital, les deux composantes du
rendement d’une action.
Notez de plus que les gains en capital et les dividendes
ont l’avantage d’être moins imposés que les revenus
d’intérêt, ce qui rend les actions particulièrement
attrayantes à l’extérieur du REER. « En supposant un
taux d’imposition de 40%, un revenu d’intérêt de 4% ne
procurera que 2,4% après impôt, alors qu’un gain en
capital de 4%, imposable à 50%, donnera un rendement de
3,2% net d’impôt », illustre Inaam Ghantous.
Mais
pour faire de l’argent en Bourse, vous devez
immanquablement apprendre à acheter bon marché et à
revendre à prix plus élevé. Pour ce faire, vous devez
attendre patiemment le moment favorable pour revendre
vos titres.
Vous devez aussi dénicher des aubaines, ce qui
sous-entend de bien comprendre les activités de
l’entreprise, son industrie et ses perspectives
d’avenir.
« On cherchera normalement des compagnies qui ont une
position favorable dans l’industrie, pas trop de dettes,
de bonnes entrées d’argent et des dirigeants
expérimentés et reconnus pour leur bon jugement » , dit
M. Matheson.
« On préférera aussi attendre la bonne période du cycle
boursier pour entrer, le meilleur moment étant lorsque
la Bourse est déprimée », ajoute-t-il. Le temps est donc
propice en ce moment, les Bourses ayant reculé d’environ
50% depuis 2007.
Toutefois, rien n’est jamais gagné d’avance. « Comme les
entreprises évoluent dans un envi ronnement cha ngea nt
(concurrence, préférences des consommateurs, etc.), il
est difficile de dire avec certitude ce qui va se
produire demain, dit I naam Ghantous. C’est pourquoi il
faut diversifier son portefeuille en choisissant un
panier d’actions. »
Combien de sociétés faut-il détenir en portefeuille ?
Là, les études se contredisent. Certaines prétendent que
7 ou 8 suffisent ; d’autres conseillent de 20 à 30 ;
d’autres encore soutiennent qu’il en faut de 40 à 50.
« Une chose est certaine, ces titres doivent provenir de
divers secteurs, tels les technologies de l’information,
l’énergie, la consommation discrétionnaire, dit
Jean-Philippe Tarte, chargé de formation à HEC Montréal.
La déconfiture récente du secteur financier américain et
l’éclatement de la bulle technologique en 2001
illustrent bien le danger d’être trop concentré dans un
seul secteur. » « Un boursicoteur pourra construire son
propre portefeuille, ajoute-t-il. Mais un novice devra
absolument faire appel à un conseiller en placement ou
acheter des fonds communs de placement (FCP). »
Fonds indiciels: plus facile que les actions
Si vous
manquez de temps ou de compétences pour négocier des
actions, il existe une solution de rechange : les fonds
indiciels négociables en Bourse (FINB).
Ces fonds ont gagné en popularité ces dernières années,
car ils offrent aux investisseurs l’occasion de
diversifier leur portefeuille tout en conservant une
flexibilité de négociation semblable à celle des
actions.
« Les F I NB ne font que calquer la composition d’un
indice boursier donné, explique Inaam Ghantous, de la
Banque Nationale. C’est ce qu’on appelle de la gestion
passive, le gestionnaire ne posant aucun jugement sur
les titres en portefeuille. »
Leur but
est de vous donner le même rendement que l’indice
sous-jacent. Cette simplicité permet de maintenir les
frais de gestion annuels très bas. On parle de 0,20 à
0,60% comparativement à 0,70 à 2,5% pour les fonds
communs de placement.
« Vous paierez également moins de frais de courtage en
achetant un FINB qu’en achetant 20 ou 40 actions
différentes », remarque Jean-Philippe Tarte, des HEC.
Les FINB ont aussi une meilleure efficience fiscale que
les FCP, du fait que les gains en capital sont rarement
versés aux détenteurs sous forme de distributions. Vous
paierez donc de l’impôt sur le gain en capital seulement
lors de la vente de vos parts.
Enfin, les FINB vous permettent de construire facilement
un portefeuille qui respectera votre stratégie
d’allocation d’actif. À titre d’exemple, si vous mettez
40% de votre portefeuille dans iShares CDN DEX Universe
Bond Index Fund (obligations) et 60% dans iShares CDN
S& P/ TSX Capped Composite Index Fund (actions de la
Bourse deToronto), vous aurez un portefeuille équilibré.
QUELLES OBLIGATIONS CHOISIR?- Christine
Deslandes
Pour
bien gérer son patrimoine, il faut utiliser les bons
outils financiers. Ce huitième texte d’une série de 12
porte sur les revenus fixes. La semaine prochaine, on
abordera les actions.
On ne prêtera pas de la même façon à Bill Gates,
immensément riche, qu’à General Motors, au bord de la
faillite, ou à notre beaufrère, un gars bien ordinaire.
« Pour prêter, il faut avoir confiance en l’emprunteur,
en sa capacité de rembourser et de faire les paiements
d’intérêt », rappelle Gabriel Lancry, administrateur
associé chez ScotiaMcLeod.
Or, une obligation n’est rien d’autre qu’une
reconnaissance de dette. L’investisseur qui l’achète
prête de l’argent aux gouvernements ou aux entreprises.
En contrepartie, il est rémunéré régulièrement sous la
forme de coupons d’intérêt, et récupère sa mise initiale
à l’échéance.
D’où l’importance de bien choisir l’émetteur. Car s’il
fait faillite, il ne pourra pas respecter ses
engagements, et l’obligation n’aura plus aucune valeur.
Au Canada, l’émetteur le plus solide est le gouvernement
fédéral. « Ça vient du fait qu’il peut soit taxer
davantage, soit imprimer de l’argent pour respecter ses
engagements », explique Benoit Durocher, président
d’Addenda Capital.
Les gouvernements provinciaux et les municipalités, qui
ont un pouvoir de taxation limité, arrivent juste
derrière. Quant aux entreprises, elles comportent plus
de risque, car leurs revenus dépendent de leurs
activités, de leur succès commercial...
On peut s’informer sur la réputation et la santé
financière des émetteurs en consultant les cotes de
crédit octroyées par les agences de notation (Moody’s,
Standard & Poors, DBRS).
Les obligations de « meilleure qualité » sont celles
dont la cote va de AAA à BBB. En deçà de ce seuil, on
tombe dans les « obligations de pacotille ».
« Des études démontrent que les obligations de pacotille
comportent un risque de défaut plus grand et que ce
risque augmente au fur et à mesure que la cote descend
», dit M. Durocher.
« C’est
sans compter qu’une cote de crédit est quelque chose de
dynamique. Elle peut fluctuer en fonction de la santé
financière de l’émetteur », prévient Diane Moisan, chef
de produit à la Banque Nationale.
Ainsi, si une obligation subit la décote, sa valeur au
marché diminuera, mais le coupon d’intérêt restera
inchangé, ce qui augmentera le rendement pour les futurs
acheteurs. C’est qu’une cote de crédit moindre ou une
échéance plus longue – le temps étant un facteur de
risque puisque la situation de l’émetteur peut changer –
sera normalement compensée par un rendement plus élevé.
Voilà pourquoi les obligations du gouvernement du Québec
donnent présentement un rendement annuel de 2,52% pour
l’échéance d’octobre 2013, comparativement à 2,98 % pour
décembre 2014.
Jeu de l’offre et de la demande
L’offre et la demande peuvent également influer sur le
prix de ces titres. « À preuve, pendant la crise du
crédit, les investisseurs ont senti le besoin de se
réfugier dans la qualité. Résultat : la demande
d’obligations corporatives a chuté, propulsant l’écart
entre leur rendement et celui des obligations fédérales
à un sommet historique », raconte Mme Moisan.
Toutefois, depuis décembre 2008, les investisseurs
regagnent confiance et reviennent tranquillement dans ce
marché. L’écart de rendement s’est automatiquement
réduit. « Mais la marge de manoeuvre est encore
intéressante », pense M. Lancry.
L’autre risque important, dans le cas où il faudrait
vendre le titre avant l’échéance, est le mouvement des
taux d’intérêt dans l’économie.
Comme le coupon d’intérêt d’une obligation est fixe, si
le taux d’intérêt déterminé par la politique monétaire
monte, cela aura pour effet de faire diminuer le prix de
l’obligation. Plus la durée de l’obligation est longue,
plus la baisse de prix sera ressentie.
« Certains profitent de la situation, dit Gabriel
Lancry. Ils achètent une obligation avec un coupon de 3%
lorsque le taux d’intérêt courant est de 4%.
L’obligation se vend alors à escompte, disons 95 $, par
rapport aux 100$ remboursés à l’échéance. Ainsi, ils
réalisent à terme un gain en capital de 5$, imposable à
50% seulement. »
P
Obligations
d’épargne
du Québec: mauvaise nouvelle - Michel Girard
Fa
ites-vous pa r t ie des centaines de milliers de Québécois
qui détiennent des obligations d’épargne du Québec ? Une
bien mauvaise nouvelle vous attend : à compter du 1er juin
prochain, toutes les émissions d’obligations d’épargne en
circulation depuis les 10 dernières années verront leur
rendement actuel de 2,75% tomber comme une roche à
seulement 1,15%.
Et on parle ici de très lourdes pertes de revenu pour les
détenteurs d’obligations d’épargne du Québec, le produit
vedette d’Épargne Placements Québec, le bras financier du
ministère des Finances. L’encours de l’ensemble des
produits d’épargne distribués par Épargne Placements
Québec totalise présentement 5,7 milliards de dollars.
Pour des raisons commerciales, le ministère des Finances
refuse toutefois de dévoiler la proportion de cet encours
de 5,7 milliards de dollars qui provient de la vente des
populaires obligations d’épargne du Québec.
Pourquoi le gouvernement Charest sabre-t-il le taux de
rendement de ses obligations d’épargne? Tout simplement
parce qu’il suit le marché des taux d’intérêt et que
ceux-ci sont tombés à un creux historique à la suite des
réductions du taux directeur de la Banque du Canada.
Au cours des trois précédentes années, le ministère des
Finances se faisait toujours un honneur d’émettre un
communiqué pour lancer sa nouvelle campagne d’obligations
d’épargne et faire connaître le nouveau taux de rendement.
Pour l’actuelle campagne des nouvelles obligations
d’épargne du Québec : niet. Aucun communiqué.
Par contre, lorsqu’on attend sur la ligne téléphonique
d’Épargne Placement Québec (1-800-4635229), un « slogan »
revient en boucle vanter les mérites de la nouvelle
émission des obligations québécoises : « Elles vous
offrent la liberté puisqu’elles sont encaissables en tout
temps », claironne-t-on.
Bon! Avec un rendement de 1,15%, c’est bien la moindre des
choses de nous offrir « la liberté » de les encaisser en
tout temps. Et cette « liberté » vaut également pour les
10 vieilles émissions d’obligations d’épargne en
circulation qui, je vous le rappelle, ne rapporteront plus
que 1,15% à partir du 1er juin prochain.
Je pense qu’une petite mise au point mathématique s’impose
ici. Un rendement de 1,15%... cela rapportera au bout
d’une année la somme de 1,15$ par tranche d’épargne de
100$. L’équivalent d’un demi-café! Ou un revenu de 11,50$
par tranche d’épargne de 1000$. Le prix d’un petit poulet.
Tiens n’ayons pas peur des gros chiffres. Mettons que vous
avez 100 000$ d’épargne. À 1,15%, votre placement
rapportera après 365 jours la somme de 1150$. Imposable
par surcroît. Chose certaine, avec un si maigrichon
rendement, les épargnants n’ont aucune chance de
s’enrichir. La récession pourra dormir sur ses lauriers…
Mais à la
décharge du gouvernement du Québec, ce rendement de 1,15%
est malgré tout compétitif par rapport au rendement de
quasi zéro que les grandes banques canadiennes et
Desjardins offrent présentement sur leurs comptes
d’épargne.
Généralement reconnue comme étant l’une des institutions
financières les plus « généreuses » envers les épargnants,
ce n’est malheureusement plus le cas avec Épargne
Placements Québec. Depuis un an, Épargne Placements Québec
se fait régulièrement damer le pion par des institutions
plus accommodantes.
Ces temps-ci, c’est ING Direct qui, parmi les institutions
financières les plus connues du grand public, détient la
palme de la générosité en offrant un rendement de 1,50%
sur les dépôts encaissables en tous temps de son compte
d’épargne. Pour joindre l’institution: ingdirect.ca ou
1-866-464-3473.
Les deux « Credit Union » du Manitoba, offrent un
rendement supérieur sur leurs comptes d’épargne, ainsi que
Banque ICICI du Canada:
– Achieva Financial (1,85%) : achievafinancial. ca ou
1-877-224-4382
– Outlook Financial (1,75%): out l o ok f i na nc i a l .
c om ou 1-877-958-7333
– Banque ICICI du Canada ( 1 , 6 0 %) : i c i c i ba n k.
c a ou 1-888-424-2422
Notez que les placements effectués dans ces quatre
institutions jouissent de la même protection que celle
offerte par les grandes banques canadiennes.
Bien planifier sa succession -
Caroline Rodgers
Pour
bien gérer son patrimoine, il faut utiliser les bons
outils. Ce onzième texte d’une série de douze porte sur
la planification successorale. La semaine prochaine, on
abordera la retraite.
Pas besoin d’attendre ses vieux jours pour planifier sa
succession.
Toute
personne qui possède des biens devrait prévoir à qui
elle souhaite les laisser en cas de décès. Car,
rassurez-vous, rédiger son testament n’a jamais fait
mourir personne...
« En plus de laisser les gens qui vous survivent avec de
bonnes indications et d’éviter les zones grises,
planifier votre succession comporte aussi l’avantage de
vous amener à dresser votre propre bilan », dit Benoit
Desjardins, associé en fiscalité chez Samson, Bélair,
Deloitte et Touche.
Et l’outil le plus important de cette planification
successorale est, bien sûr, le testament.
Il doit être fait dès que l’on commence à détenir des
biens, et révisé régulièrement quand surviennent de
grands événements dans notre vie. Par exemple, un
changement de statut matrimonial, la naissance d’un
enfant ou l’achat d’une propriété indiquent qu’il est
temps de réviser votre testament. Autrement, il peut
être révisé aux trois à sept ans.
Au Québec, il existe trois manières de faire un
testament afin qu’il soit valide.
La première consiste à passer chez le notaire pour
rédiger un testament notarié en bonne et due forme.
L’avantage de cette méthode est que votre testament sera
plus facile à retrouver, puisqu’il sera inscrit au
Registre des notaires.
Mais vous pouvez aussi rédiger votre testament
vous-même. Il doit alors être signé devant deux témoins
qui ne sont pas avantagés par le testament.
Finalement, vous pouvez même rédiger un testament à la
main et le signer sans témoins. Dans ce cas, encore
faut-il que vos successeurs soient au courant de son
existence et le retrouvent, et qu’il ne soit pas
déchiré. Seul l’original est valable.
De plus,
pour qu’un testament qui n’a pas été rédigé par un
notaire soit reconnu après votre décès, il devra être
homologué devant la Cour. Si vous mourez sans laisser de
testament, vos biens seront attribués à vos successeurs
selon les règles déterminées par le Code civil.
Évitez des problèmes à vos successeurs
Saviez-vous qu’à votre décès, aux yeux du fisc, tous vos
biens sont présumés vendus à la valeur du marché ? C’est
ce que l’on appelle le principe de la disposition
réputée. La succession devra remplir une déclaration de
revenus pour la personne décédée, et s’il y a une
plus-value, il faudra payer de l’impôt, même si ce gain
est théorique et que les biens ne sont pas vendus.
Peu de gens connaissent cette règle, et leurs héritiers
se retrouvent alors avec une grosse facture d’impôts à
payer. Cela les oblige parfois à vendre les biens
hérités, surtout quand il s’agit d’immeubles.
Par contre, si les biens sont légués au conjoint, cette
règle ne s’applique pas et on peut profiter d’un
transfert sans impôt. C’est aussi le cas des REER.
« Assurez-vous de laisser suffisamment de liquidités à
vos héritiers pour qu’ils puissent payer toutes les
dettes et les impôts sans être obligés de vendre des
biens qu’on ne voulait surtout pas vendre, le chalet
familial, par exemple », dit Geneviève Leblanc, notaire
fiscaliste pour Banque Nationale Groupe financier.
Cette question peut notamment être réglée en prenant une
assurance vie.
Une autre façon de réduire les impôts à payer est de
créer une fiducie, si on laisse un patrimoine important.
Les intérêts accumulés à l’intérieur de cette fiducie
sont alors imposés séparément au lieu de s’additionner
aux revenus des bénéficiaires, ce qui permet de
fractionner la facture fiscale.
Mais at tention : une fiducie entraîne des frais d’adm i
n i s t r at i on. Mieux vaut consulter un spécialiste
pour savoir si cela en vaut la peine dans votre
situation. De
plus, on ne devrait pas laisser les règles fiscales
dicter sa planification successorale, croit Benoit
Desjardins. « Ce sont vos valeurs et votre conscience
qui doivent déterminer votre planification, pas la
volonté d’économiser de l’impôt à tout prix », dit-il.
Payez-vous d’abord ! -
Jocelyne Houle -Lesarge
La
crise est une période idéale pour épargner en vue de
la retraite
L’auteure est présidente de Question Retraite, un
regroupement à but non lucratif de 19 partenaires
provenant du public et du privé qui a comme mission
d’encourager, d’informer et de sensibiliser les
Québécois à l’importance d’assurer leur sécurité
financière à la retraite.
« Un Canadien sur trois n’affecte pas un sou à
l’épargne », apprenions-nous récemment dans les
journaux! À une époque pas si lointaine, nos
grandsmères avec leurs modestes revenus s’assuraient
de conserver quelques billets sous la couette pour
les « aux cas où ». Aujourd’hui, un Canadien sur
quatre ne serait pas en mesure de faire face à une
dépense inattendue de 5000$ même en utilisant tous
les moyens « modernes » pour faire face aux imprévus
: carte de crédit, marge de crédit, compte
d’épargne. Pas étonnant que les soupirs se font
entendre lorsqu’on évoque l’idée d’épargner en
prévision de sa retraite! Épargner ne se fait pas en
un clin d’oeil. Cela exige une réflexion sur nos
choix et nos comportements. Puis, il faut
appliquer ces choix. C’est l’étape la plus
difficile et c’est ce qui empêche plusieurs de
passer à l’action. Cela nécessite de choisir ce
qui compte vraiment pour nous.
Pourtant, le contexte est idéal pour redonner à
l’épargne une place de choix dans nos vies. Une
crise économique nous pousse à revoir nos habitudes
de consommation et à réévaluer nos besoins. Au cours
des dernières décennies, l’épargne a été ballotée,
repoussée, enfouie sous une tonne d’objets oubliés.
Les années 80 l’ont rendue complètement revancharde
d’un seul coup de spray-net. Les années 90 lui ont
fait la vie dure avec des gadgets technologiques
devenus désuets aussitôt achetés. Il est temps de se
réapproprier l’épargne et d’en faire un moyen
extraordinaire pour déterminer nos choix et nos
priorités.
Qu’on le veuille ou non, l’argent fait partie
intégrante de nos vies et consommer n’est pas un
acte banal. Lorsqu’on décide d’épargner pour un
projet à long terme, un voyage, mais surtout pour la
retraite, on doit se questionner sur notre
consommation. Et donc, sur nos choix de vie.
Épargner ne se fait pas en un clin d’oeil. Cela
exige une réflexion sur nos choix et nos
comportements. Ensuite, il faut appliquer ces choix.
Avec constance et régularité. C’est l’étape la plus
difficile et c’est ce qui empêche plusieurs de
passer à l’action. Cela nécessite de faire un
ménage, de choisir ce qui compte vraiment pour nous
et ce que nous laisserons tomber.
On
peut opter pour acheter moins, mais de meilleure
qualité, apprendre à cuisiner, recycler des
vêtements, troquer des objets qui nous sont devenus
inutiles. Avec un peu de créativité, la liste
pourrait se poursuivre bien longtemps. Une chose est
certaine, la réflexion est nécessaire.
Une fois vos priorités établies, faites vôtre un
truc simple comme tout: payez-vous d’abord. Ouvrez
un compte en banque et payez-vous… avec constance et
régularité. Vous en retiendrez une très grande
satisfaction à la fois personnelle et financière.
Aborder ce sujet n’est pas insignifiant. On estime
que près de 46% des Québécois n’ont pas de régime de
retraite collectif au sein de leur entreprise.
L’augmentation du nombre de travailleurs autonomes
et de la précarité de l’emploi nécessite une
responsabilisation accrue des individus à l’égard de
leur retraite. À l’automne dernier, Question
Retraite a dévoilé les résultats d’un sondage qu’il
avait mené auprès des jeunes concernant leur avenir
financier. Seulement 15% des 25 à 44 ans avait un
plan de retraite. C’est peu. D’autant plus qu’une
bonne planification financière repose principalement
sur la constance et la précocité des
investissements.
L’épargne s’inscrit de mieux en mieux à notre
époque. Elle allie un mélange de mieux-vivre et de
conscience environnementale, tout ça, dans un
contexte économique qui s’y prête parfaitement.
Essayez, vous verrez que ça rapporte… maintenant et
pour longtemps!
La Banque Royale savait, dit la poursuite -
FRANCIS VAILLES
La Banque Royale savait depuis 2001 qu’Earl
Jones puisait dans le compte en fidéicommis de
ses clients à des fins personnelles. C’est ce
que soutient une poursuite déposée hier en Cour
supérieure, à Montréal.
La requête demande l’autorisation d’intenter un
recours collectif contre la Banque Royale au
nomde plus de 150 des victimes qui auraient
perdu environ 75 millions dans cette affaire.
Le 15 janvier, Earl Jones s’est reconnu coupable
d’avoir fraudé ses clients. Pour ce faire, il
déposait tout leur argent dans un même compte en
fidéicommis ( in Trust Account) sans jamais le
placer. De plus, il y puisait environ 1 million
de dollars par année pour ses fins personnelles.
Aujourd’hui, les fonds sont à sec.
Selon la requête déposée, la succursale de
Beaconsfield de la Royale a fait preuve de
négligence et d’aveuglement. Dès le 7novembre
2001, elle avait inscrit une note au dossier
d’Earl Jones identifiant des irrégularités.
«M.
Jones m’a rappelé (…) Je lui ai dit que ce
compte n’est pas un compte en fidéicommis formel
et qu’il peut avoir des problèmes, car ce n’est
qu’un compte personnel à son nom, le fidéicommis
ne veut rien dire dans ce cas. Il m’a dit que
son entreprise était en train de faire de gros
changements et qu’il va y voir…» précise la
note, reprise dans la requête.
En 2008, la Banque s’est de nouveau interrogée
sur le compte, selon la requête. «Des notes au
compte indiquent la connaissance en 2001 que le
client faisait des affaires ( business) par
l’entremise de son compte personnel. Le client
avait été avisé… Aujourd’hui, il y a de
l’activité (sur le compte) qui est cohérente
avec le fait que le client l’utilise comme un
compte commercial en fidéicommis. Les
renseignements sur le compte doivent toutefois
être encodés incorrectement, puisque tous les
renseignements indiquent qu’il s’agit d’un
compte personnel plutôt qu’un compte en
fidéicommis d’avocat», avait écrit la banque.
Pour faire suite à cette découverte, la Banque a
obligé Earl Jones à ouvrir un autre compte le 24
juillet 2008, un compte commercial, et y a
transféré les fonds des clients détenus dans le
compte Earl Jones en fidéicommis.
La requête reproche aussi à la banque d’avoir
omis de vérifier les signatures des chèques
encaissés par le compte, parfois faussées. Les
victimes réclament 40 millions de dollars, soit
la différence entre les sommes déposées et les
sommes qu’elles ont pu retirer depuis 1981.
La représentante du recours est Virginia Nelles,
de Montréal, qui a perdu 400 000$ dans cette
affaire.
10 professionnels de plus
pourraient être accusés
Les enquêteurs du gouvernement fédéral américain
projettent de porter des accusations de délits
d’initiés à l’encontre d’au moins 10
professionnels du commerce des valeurs
mobilières aux ÉtatsUnis. Certains seraient liés
à l’affaire criminelle impliquant le
gestionnaire milliardaire de fonds spéculatifs,
Raj Rajaratnam, une affaire qui a secoué Wall
Street la semaine dernière, ont indiqué des
personnes au fait du dossier.
PHOTO BRENDAN MCDERMID, ARCHIVES
REUTERS
Les autorités avaient
prévu d’arrêter Raj Rajaratnam (notre photo)
cette semaine dans le cadre d’un coup de filet
plus vaste, mais elles ont décidé d’intervenir
plus tôt après avoir appris que le suspect
avait acheté un billet d’avion pour se rendre
à Londres vendredi dernier.
Le coup de filet que les autorités s’apprêtent à
réaliser, qui fera suite à une enquête de plus
de deux ans et qui concerne l’une des plus
importantes opérations d’infiltration dans le
domaine des délits d’initiés, pourrait se
traduire par des accusations à l’encontre de
gestionnaires de fonds spéculatifs et de leurs
adjoints dès cette semaine, ont précisé les
sources, qui ont requis l ’a nonymat parce que
les causes ne sont pas publiques. Les autorités
avaient prévu d’arrêter M. Rajaratnam cette
semaine dans le cadre d’un coup de filet plus
vaste, mais elles ont décidé d’intervenir plus
tôt après avoir appris que le suspect avait
acheté un billet d’avion pour se rendre à
Londres vendredi dernier, a dit l’une des
sources.
L’affaire Rajaratnam, dont les éventuelles
accusations à porter contre lui reposent sur des
conversations enregistrées avec un réseau de
présumés conspirateurs, offre un aperçu sur la
manière dont les enquêteurs américains font
appel à des tactiques plus audacieuses pour
cerner les transactions illégales tapies dans un
nuage d’investissements effectués par des fonds
spéculatifs. Des enquêtes additionnelles
découlent d’un projet secret de dépistage de
données effectué par la Securities and Exchange
Commission (SEC), le gendarme de la Bourse aux
États-Unis, et mis sur pied pour trouver avec
précision des groupes de gens qui effectuent des
placements « opportunistes » semblables.
Certaines enquêtes, comme celle contre M.
Rajaratnam, reposent sur de l’écoute.
« Si vous avez l’intention de viser le roi, vaut
mieux viser pour t uer », lance Bradley Bennett
, associé du cabinet d’avocats Baker Botts, à
Washington, qui s’était spécialisé dans les
affaires de délits d’initiés lorsqu’il était
enquêteur à la SEC. « S’ils s’attaquent à un
milliardaire, ajoute-t-il, il leur faut les
arguments les plus solides possible. Les propres
paroles du défendeur sont les meilleures preuves
qui soient. »
John
Heine, porte-parole de la SEC, a refusé de faire
des commentaires sur l’affaire tout comme
Alejandro Miyar, porte-parole du département
américain de la Justice.
18 millions US
M. Rajaratnam, qui a fondé Galleon Group en
1997, a été arrêté vendredi dernier avec cinq
complices présumés. Selon les procureurs, M.
Rajaratnam et sa firme ont raflé jusqu’à 18
millions US en faisant des placements après
avoir obtenu des tuyaux d’un fonds spéculatif,
d’une firme de notation de crédit et d’employés
au sein de sociétés telles qu’ I ntel Capital,
McKinsey& Co. et IBM Corp. IBM a annoncé
hier la mise en congé temporaire de l’un de ses
cadres, Robert Moffat, qui est un des présumés
conspirateurs de M. Rajaratnam et contre qui des
accusations ont été portées.
M. Rajaratnam, né au Sri Lanka, a des avoirs
nets de 1,3 milliard US. Au début des années
2000, son fonds Galleon figurait parmi les 10
plus gros fonds spéculatifs au monde et il
gérait des actifs de 7 milliards US à son sommet
en 2008.
Quand l’AMF réécrit Norbourg -
SOPHIE COUSINEAU
L’Aut o r i t é d e s ma r - chés financiers (
AMF) a un don i nné pour attirer l’attention sur
elle. Mal h e u r e u s e ment p o u r la police
de la Bourse au Québec, c’est rarement pour les
bonnes raisons.
Jeudi dernier, par exemple, l’Autorité publiait
son dernier rapport annuel. On y apprenait que
l’AMF compte deux fois plus d’inspecteurs et
d’enquêteurs qu’à sa création en 2004, soit 93
professionnels contre 47 il y a cinq ans.
Résultat : la durée moyenne d’une enquête a
chuté à moins de 10 mois. Le plus hallucinant de
l’histoire, c’est quand l’on réalise qu’en 2004,
l’AMF mettait 48 mois en moyenne pour mener une
enquête à terme. Quatre ans!
Ce qui fait plus jaser, ce sont les
investissements malheureux de l’AMF dans du
papier commercial de qualité douteuse. Tout
comme le procès au criminel des ex-dirigeants de
Norbourg.
Le plaidoyer de culpabilité et la sentence de 13
années de prison de Vincent Lacroix ont éclipsé
le procès, qui se poursuit pour ses cinq
complices présumés.
Dans ce procès qui s’annonce long, c’est à peine
s’il a été fait mention des rôles joués par
Serge Beugré, Jean Renaud, Félic i en Souka ,
Rémi Deschambault et Jean Cholet t e . Mais pa s
u ne journée ne passe sans que l’AMF, ou son
prédécesseur, la Commission des valeurs
mobilières du Québec, ne se retrouve au banc des
accusés.
À quel moment l’AMF at-elle disposé d’indices
assez sérieux pour j ustifier une intervention ?
En 2002, en 2003, en 2004 ou seulement à l’été
de 2005, lorsque les policiers ont
perquisitionné dans les bureaux de Norbourg ? Si
ces indices étaient fumants, pourquoi l’AMF
n’est-elle pas intervenue plus tôt ?
En fait, les observateurs ont l’impression
d’assister à un autre procès. C’est comme si on
entendait avant l’heure le recours collectif qui
a été intenté contre l’AMF et toute la nébuleuse
Norbourg, au nom des 9200 investisseurs floués.
Pour faire taire les critiques, le PDG de
l’Autorité, Jean St-Gelais, a senti le besoin de
rédiger une lettre, publiée dans les pages Forum
de La Presse. « On a laissé entendre que dès
2002, l’Autorité avait des éléments en main pour
freiner les activités frauduleuses de Vincent
Lacroix. Rien n’est plus faux. »
Jean St-Gelais reprend, pour l ’e ssentiel, la t
hèse que l’AMF soutient dans sa défense amendée,
déposée en septembre. À son tour, l’AMF rejette
le blâme sur les « sentinelles du secteur
financier » ( vérificateurs, f iduciaires,
gardiens de valeurs), le « premier rempart des
investisseurs contre les fraudeurs ».
« Jamais n’avons-nous cru un seul instant que
l’argent des investisseurs était à risque.
Pourquoi ? Parce que ceux qui étaient chargés de
veiller sur ces questions nous disaient (…)
qu’il n’y avait aucun problème », écrit Jean
St-Gelais.
Jamais ? Pas même un instant ?
Les
premiers inspecteurs qui ont mis leur nez dans
le dossier Norbourg ont pourtant signalé des
activités troublantes chez cette firme qui avait
des comptes bancaires en Suisse. Les transferts
de fonds i nternationaux soulevaient de «
nombreuses interrogations », selon ces
inspecteurs qui évoquaient une « situation
étrange » ou « bizarre ».
« Nous n’avons pas l’assurance complète que
(Norbourg) respecte t outes les règles établies
en matière d’impôt sur le revenu et de contrôle
des activités de blanchiment d’argent » ,
écrivaient-i ls à l’époque. Mais, la direction
de l’AMF n’a pas donné suite à leur rapport.
Donnons à l’AMF le bénéfice du doute. Après
tout, ce n’est pas parce qu’on blanchit de
l’argent qu’on détrousse ses clients ! Peut-être
qu’en 2002, ce n’était pas évident. Mais, au
printemps de 2004? C’est là que la défense de
l’AMF ne tient plus la route.
En avril 2004, un enquêteur à la Banque
nationale du Canada, Michel Carlos, a sonné
l’alarme. Il a communiqué avec le directeur de
la conformité de l’Autorité, Pierre Bettez, un
enquêteur de la Sûreté de la Québec (SQ) prêté à
l’AMF. Les deux hommes s’étaient connus à la SQ,
où Carlos avait déjà travaillé comme enquêteur.
Ici, l es versions divergent. Selon les avocats
qui intentent le recours collectif, Michel
Carlos aurait dit à Pierre Bettez que Lacroix a
détourné 2 millions de dollars d’un compte de
Norbourg à son compte personnel à la Nationale,
au moyen d’un faux transfert électronique.
Bettez, lui, se rappelle une transaction de
l’ordre de 150 000 $ à 300 000$.
Selon l’AMF, Carlos aurait plutôt signalé des «
transactions inhabituelles » dans le compte
personnel de Lacroix qui s’apparenteraient à du
blanchiment d’argent.
Mais, quel que soit le montant en cause ou le
camouflage employé, un fait reste incontestable
: Vincent Lacroix a transféré des fonds d’un
compte de Norbourg à son compte personnel. Dans
le langage de l’Organisation mondiale de la
santé, cela équivaudrait à une alerte maximale
de niveau 6!
Pierre Bettez alerte à son t our l a SQ. I l c
onsidère Lacroix comme un « bandit » et estime
qu’il s’agit vraisemblablement d’une fraude,
dira-t-il plus tard au cours d’un interrogatoire
sous serment. Mais à l’époque, pour une raison
qui échappe à l’entendement, Bettez n’ordonne
pas la tenue d’une enquête et n’informe personne
d’autre à l’Autorité.
Explication de l ’Auto - r ité ? « Bettez a
exercé sa discrétion. » L’Autorité se justifie
aussi en expliquant qu’elle n’avait pas reçu de
plainte d’un i nvestisseur lésé. Mais
franchement, en avait-elle besoin ?
Selon les avocats du recours collectif, 63
millions de dollars se sont volatilisés entre l
’avertissement de Michel Carlos, en avril 2004,
et les perquisitions aux bureaux de Norbourg, en
août 2005.
L’Autorité peut bien essayer de réécrire
l’histoire. Mais en 2004, elle ne manquait pas
tant de personnel que de jugement. Par une
triste ironie, sa défense s’apparente d’ailleurs
à celle des complices de Vincent Lacroix : c’est
pas moi, c’est eux… Or, ce n’est pas parce que
les autres ont manqué à leurs devoirs, voire ont
été complices, que l’AMF est disculpée de toute
responsabilité.
L’AMF encore ciblée - Martin
Vallières
Le rôle de l’Autorité des marchés financiers
(AMF) auprès des fonds Norbourg au cours des
années antérieures à l’éclatement de la fraude
continue d’être mis en cause au procès des cinq
complices présumés de Vincent Lacroix, qui en
est à sa deuxième semaine.
Et ce, malgré une tentative t rès médiatisée du
président actuel de l’AMF, Jean St-Gelais, de
contredire les « graves allégations » suscitées
depuis le début de ce procès.
Dans une lettre publiée hier dans les principaux
quotidiens québécois, le PDG de l’AMF s’en prend
aux commentaires suscités par l’examen au
procès, la semaine dernière, d’un rapport d’une
inspection spéciale menée chez Norbourg en
novembre 2002.
« (...) laisser entendre que dès 2002, l’A MF
avait en mains les éléments pour freiner les
activités frauduleuses de Vincent Lacroix. Rien
n’est plus faux », écrit M. St-Gelais. Il dirige
plutôt le blâme sur les « sentinelles » du
secteur financier, dont la firme comptable KPMG.
Interrogatoire serré
Au procès Norbourg, l’un des i nspecteurs de l’A
MF en 2 0 02 , Aubert Gagné, aujourd’hui
retraité, a subi un interrogatoire serré des
cinq avocats de la défense qui voulaient lui
faire dire que son rapport serait demeuré lettre
morte à l’Autorité.
Et ce, malgré sa recommandation d’une enquête
plus poussée sur des aspects troublants de
Norbourg, dont l’origine et le transfert des
millions de dollars que Vincent Lacroix
prétendait alors gérer.
Mais
hier, c ’est lors du témoignage d’un analyste de
l’A MF, Jacques Doyon, en poste depuis 25 ans,
que les avocats de la défense ont tenté de
nouveau de discréditer l’Autorité devant les
jurés.
Cette fois, ils s’en sont pris aux
renouvellements des permis de Norbourg par l’AMF
en 2004, qui auraient eu lieu alors que la firme
était déjà la cible d’une enquête spéciale.
Ces permis de gestion et de vente de fonds
d’investissement, des « visas » dans le jargon
financier, concernaient la continuité des fonds
Norbourg.
Auparavant, c’était lors de l’acquisition de la
société de gestion des fonds Evolution des mains
de la Caisse de dépôt et placement que l’AMF
avait consenti à un délai écourté pour l’avis
aux investisseurs des fonds.
Le délai d’avis habituel de 60 jours lors d’un
changement de propriété d’un gestionnaire de
fonds a été raccourci de moitié, à 35 jours, a
acquiescé M. Doyon aux questions insistantes des
avocats de la défense.
« A-t-il été question à l’AMF de surseoir à
l’émission des visas de Norbourg en raison de
l’enquête déjà en cours? » a demandé l’un
d’entre eux.
« Notre analyse de Norbourg et son achat des
fonds Evolution nous avaient permis d’obtenir
des éléments convaincants pour accorder la
demande de dérogation (au délai d’avis de 60
jours) », a répondu M. Doyon.
Et
à une autre question sur « quels critères avait
l’AMF pour émettre des visas? », M. Doyon a
précisé que les fonds visés devaient notamment
démontrer « les assises financières nécessaires
» ainsi que des règles de « protection des
épargnants ».
Aussi, selon M. Doyon, l’AMF avait obtenu
l’assurance de la continuité de « l’équipe de
gestion » des fonds Evolution par son acquéreur,
Norbourg.
Mais cette continuité n’a duré finalement que «
quelques mois, avant que Norbourg les change
tous », a témoigné M. Doyon.
Pour le contexte, on sait maintenant qu’un an et
demi plus tard, en août 2005, la gestion
frauduleuse de fonds Norbourg éclatait au grand
jour lors de perquisitions policières à ses
bureaux du centreville de Montréal, à La Prairie
et à Candiac.
Au procès, aujourd’hui, c’est d’ailleurs l’un
des dénonciateurs présumés de Norbourg auprès
des autorités, Jean Hébert, qui continuera son
témoignage.
Après c i nq a ns comme analyste des sociétés de
fonds chez l’AMF, Jean Hébert avait été embauché
par Norbourg en septembre 2004 afin de
superviser sa documentation réglementaire.
En début de témoignage, hier, il a soutenu avoir
identifié des transferts de fonds suspects à
peine quelques mois après son arrivée en poste.
Les
« sentinelles » fautives - Jean St-Gelais
Que s’est-il passé chez KPMG, Northern Trust,
Concentra et Deschambault dans le dossier Norbourg
?
C’est seulement lorsque Éric Asselin s’est mis à
table en 2005 qu’on a pu empêcher Vincent Lacroix
de s’approprier les 75 millions restants.
L’auteur est présidentdirecteur général de
l’Autorité des marchés financiers. Il s ’e s t d i
t et écrit beaucoup de choses ces derniers temps à
propos du rôle de l’Autorité des ma rchés fi na nc
iers da ns l ’a f f a i r e Norbourg. On a
notamment laissé entend re que dès 2002,
l’Autorité avait les éléments en main pour freiner
les activités frauduleuses de Vincent Lacroix.
Rien n’est plus fau x . P er met tez-moi à mon
tour de commenter ces graves allégations qui
portent ombrage à la créd ibi l ité de l ’or ga n
i s at ion que je dirige. Un policier de la GRC
est posté devant les bureaux montréalais de
Norbourg, en août 2005.
Dans l’affaire Norbourg, l’Autorité a mené son
trava il de façon diligente et rigoureuse. Et
qu’une chose soit ici clairement établie :
l’Autorité a agi dès que des renseignements su
ffisa nts lui ont permis de le faire. Toute
prétention ou allégation voulant que l’Autorité
avait, dès 2002, les éléments de preuve lui
permettant de mettre à j our les activités
frauduleuses de Norbourg sont fausses et ne visent
qu’à discréditer l’Autorité ou à trouver un
coupable utile.
Avec le recul, il est facile de prétendre que les
soupçons que l’Autor ité ent retena it
effectivement sur Norbourg auraient dû suffire
pour lui permettre de bouger. Mais des soupçons ne
valent rien devant la Cour et c’est pourquoi le
travail visait à bâtir des preuves solides.
C’est lorsque Éric Asselin décide de se mettre à
table à l’été 2005, après que l’étau se fut
resserré autour de lui, que toutes les pièces du
puzzle peuvent enfin être mises en place. Dès
lors, l’Autorité a multiplié les ordonnances de
blocage et d’interdiction et des perquisitions ont
été effectuées conjointement avec la police. Une
démarche qui aura permis d’empêcher Vincent
Lacroix de s’approprier les quelque 75 millions de
dollars restants dans les fonds et de causer
davantage de dégâts.
En concentrant habilement le ti r vers l’Autorité,
cela per met ma lheu reusement d’oublier qui sont
les vrais responsables du sca nda le Norbourg. Ce
sont ceux que nous appelons les « sentinelles » du
secteu r fina ncier : les vérificateurs
comptables, les fiduciaires et les gardiens des
valeurs qui représentent le premier rempart des
investisseurs contre les fraudeurs. Dans Norbourg,
la vérité est que ces « sentinelles » ont la
mentablement échoué à l’égard de leurs
responsabilités de protéger l’argent des i
nvestisseu rs . Ca r ma lg ré les soupçons que l
’Auto - rité pouvait entretenir sur Norbourg,
jamais n’avonsnous cru un seul instant que l’a
rgent des i nvestisseu rs éta it à risque. Pou
rquoi ? Parce que ceux qui étaient cha rgés de
veiller su r ces questions nous disaient que tout
était conforme, qu’il n’y avait aucun problème.
Bref, que l’argent était sous bonne garde et
protégé. Que s’estil passé c hez les K PMG ,
Northern Trust, Concentra et Deschambault pour
qu’une tel le sit uation pu isse se produire ?
Comment se faitil qu’aucun drapeau rouge n ’a i t
ja ma is été levé de leu r côté ? Ces sentinelles
avaient la responsabilité de voir et d’alerter
face à ce qui se passait.
Avec le procès au criminel des ex-adjoints de
Vincent Lacroix qui vient de commencer, la
tentation sera grande de jeter régulièrement la
balle dans l’accommodante cour de l’Autorité des
marchés financiers, en oubliant l’importance du
rôle j oué par les autres acteurs impliqués dans
cette affaire. Notre dossier est prêt et sera
défendu devant les instances appropriées.
L’Autor ité des ma rc hés financiers n’a pas la
prétention d’être parfaite, mais ne peut rester
silencieuse lorsqu’elle est attaquée pour des
motifs qui ne relèvent pas de sa responsabilité.
Ne perdons jamais de vue également les 9200
investisseurs qui ont été floués dans l’affaire
Norbourg et qui représentent les vraies victimes
de Vincent Lacroix. Le désarroi et la colère de
ces victimes sont légitimes.
Pour ma part, je peux vous assu rer que l’Autorité
des marchés financiers entend continuer à assumer
pleinement son rôle afin de protéger les
investisseurs et leur donner confiance dans les
marchés financiers.
Procès Norbourg : l’AMF
sous la loupe - Martin Vallières
Au procès de cinq adjoints présumés du fraudeur
Vincent Lacroix chez Norbourg, qui se poursuivra
lundi, c’est le rôle du principal gendarme
financier au Québec, l’AMF, qui s’est retrouvé
sous la loupe durant la première semaine de
délibérations.
Pas très étonnant quand le premier document
significatif déposé en preuve par la Couronne,
mardi, fut le rapport d’une inspection chez
Norbourg effectuée en novembre 2002 par la
Commission des valeurs mobilières du Québec (
CVMQ), l’agence antérieure à l’Autorité des
marchés financiers (AMF).
C’était d’ailleurs la première fois que ce
rapport était rendu public. Il avait servi en
coulisse du procès intenté par l’AMF contre
Vincent Lacroix, il y a presque deux ans.
Par ailleurs, le premier témoin entendu par les
jurés, mardi et mercredi, fut l’un des
inspecteurs de la CVMQ c h e z Norbou r g , Aube
r t Gagné, maintenant retraité d’une carrière en
comptabilité et en analyse de conformité
réglementaire.
Recommandation sans suites
À la barre pendant quelques heures, et cible
d’un contre-i nterrogatoire serré par les cinq
procureurs de la défense, M. Gagné a dû défendre
un rapport fa rci d’interrogations et de doutes
à propos de la légitimité même de certaines
activités de Norbourg.
Et pourtant, a-t-il admis à la barre, la
recommandation d’une enquête plus approfondie
sur certains aspects de Norbourg, tant fiscaux
que financiers, serait demeurée sans suite.
« Cette décision n’était pas de mon ressort,
mais de mes dirigeants », a-t-il indiqué.
Après le témoignage de M. Gagné, trois clients
d’importance identifiés par Norbourg auprès de
la CVMQ lors de cette inspection de 2002 sont
venus témoigner à tour de rôle que les documents
concernant leur compte étaient falsifiés.
En particulier leur signature de clients, mal
imitée dans plusieurs cas et apposée à côté de
celle de Vincent Lacroix.
À eu x s euls , c e s t r oi s témoins
totalisaient quelque 9 millions de dollars en
comptes de placement qui se sont avérés
falsifiés.
En plus, l’un de ces témoins, Robert Simoneau,
oncle de Vincent qui lui a servi de bailleur de
fonds initial pour lancer Norbourg, a affirmé
tout ignorer d’une société suisse à laquelle son
neveu l’avait associé à son insu.
Il s’agit de Tercio Trust, dont le compte de
placement de 31,5 millions à l’automne 2002
était alors le plus gros client de Norbourg, à
sa quatrième année d’exploitation.
Pour la suite, deux autres de ces clients
supposément millionnaires chez Norbourg en 2002
sont attendus la semaine prochaine comme témoins
au procès des cinq ex-adjoi nts présu més de
Lacroix.
Quant au premier témoignage d’un ex-dirigeant de
Norbourg, c’est son ex-chef financier, Jean
Hébert, que la Couronne prévoit faire
comparaître devant les jurés, la semaine
prochaine.
M. Hébert était aussi un employé de l ’AMF avant
d’être embauché par Vincent Lacroix. On l ui at
t r i bue d’avoir averti l a GRC de
malversations comptables et financières chez
Norbourg au printemps 2005.
Quelques mois plus tard, en août 2005, une
importante perquisition policière avait lieu aux
bureaux de Norbourg et de f i r mes a f f i l i
ées au centre-vi l le de Montréal , à La Prairie
et à Candiac.
AGENCE ÉROTIQUE, CÉGEP PRIVÉ ET
FORTUNE FAMILIALE - Francis Vailles
Les clients du Québec avaient 19 millions US
dans la Stanford International Bank
Un cégep privé, une agence de danseuses nues et
plusieurs fortunes du monde des affaires. Voilà
le genre de clients québécois qu’a recruté la
Stanford International Bank, cette institution
accusée d’une fraude monumentale.
La Presse Affaires a obtenu une liste des
clients canadiens qui avaient fait confiance au
financier Allen Stanford. L’homme et ses
complices sont accusés d’une fraude de 7,2
milliards de dollars US. La liste a été produite
par le séquestre américain qui gère cette
affaire, Ralph Janvey.
Des quelque 215 clients canadiens de la liste,
106 ont leur adresse de résidence au Québec. Les
fonds investis par les Québécois s’élèvent à 19
millions US, selon cette liste, soit 43% du
total canadien.
Tout indique que les vict i mes de c et t e
présumée pyramide « à la Ponzi » ne récupéreront
qu’une petite partie de leurs placements dans
cette affaire. La banque avait son siège social
dans le paradis fiscal d’Antigua, mais ses
activités se déroulaient dans 113 pays. Montréal
avait un bureau de représentation.
Le Collège LaSalle
Parmi les plus touchés figurent le Collège
LaSalle et la Fondation du Collège LaSalle.
Cette institution privée de niveau cégep, qui
fait dans la mode, avait placé quelque 755 000$
US dans cette institution, selon la liste
obtenue par La Presse.
Si l’on inclut la Fondation du Collège et le
holding de l’ex-dirigeant Jacques Lefebvre, les
sommes investies dans la Banque Stanford
approchent le 1,4 million US.
Le Collège LaSalle fête son 50e anniversaire
cette année. Bon an mal an, il accueille 3000
élèves sur son campus de Montréal, rue
Sainte-Catherine Ouest. Le Collège a également
des écoles dans divers pays, dont le Maroc, la
Colombie et la Turquie. Au moment de mettre sous
presse, les dirigeants n’avaient pas répondu à
nos nombreux appels.
Artopex
Le plus i mportant client canadien est un
Albertain (6,6 millions US), suivi du Québécois
Daniel Pelletier, président et principal
actionnaire du fabricant de meubles Artopex, de
Granby.
Selon la liste, Daniel Pelletier a des avoirs de
4,8 millions US dans la Banque Stanford, placés
par l’entremise de sa société de portefeuille.
Cette même société de portefeuille est
indirectement le principal actionnaire
d’Artopex, selon le registre des entreprises.
Joint au téléphone, Daniel P e l l e t i e r s o
ut i e nt a voi r « beaucoup moins d’argent
aujourd’hui » dans l’institution que ce qui
figure sur la liste puisqu’une patrie « est
récupérée, même si je ne l’ai pas eue dans mes
poches encore… »
Les fonds ont été placés dans la banque par
divers canaux depuis sept ou huit ans, explique
M. Pelletier. L’argent a donc été investi avant
même l ’ouverture du bureau de représentation de
Stanford à Montréal, en 2004. « On est en
poursuite contre eux. Ce sont mes placements
personnels, sans rapport avec Artopex. La
situation financière d’Artopex n’est nullement
affectée », a dit M. Pelletier au téléphone.
A r t opex c o mpte quelque 480 employés dans
ses usines de Granby, Laval et Sherbrooke. En
2008, ses revenus s’élevaient à 72 millions,
selon le répertoire Les Affaires 500. Le
fabricant de meubles a récemment remporté le
titre d’entreprise de l’année aux Mercuriades.
Daniel
Pelletier soutient qu’il obtenait avec la
Stanford un à deux points de pourcentage de plus
en intérêts que les placements concurrents, mais
guère plus. Les placements n’ont pas été faits
pour tirer des avantages fiscaux, « tout est
déclaré, rien n’est caché », dit-il.
Des danseuses nues
Ce n’est pas le cas de toutes les victimes. L’un
des clients de la liste, Agence érotique 2000, a
candidement admis que les placements étaient
exempts d’impôt.
Agence érotique 2000 est une entreprise de
placements de danseuses nues située rue
Sainte-Catherine Est, près du pont Jacques
Cartier, à Montréal. L’entreprise avait plus de
500 000$ CAN dans la Banque Stanford, nous
indique l’un des représentants de l’entreprise,
qui nous a demandé de taire son nom.
Le placement a été vendu par un fiscaliste de
Laval. « Notre fiscaliste nous disait qu’en
investissant là-bas, on aurait un super gros
retour ( NDLR: rendement) sur les intérêts, soit
une dizaine de pour cent par année. Et que vu
que c’était aux Bahamas ( NDLR: Antigua), eh
bien, il n’y avait pas d’impôts làdessus, que
c’est un genre de paradis fiscal. Il nous disait
que le placement commençait à être payant si on
le laissait au moins cinq ans », a-t-il
expliqué.
L’homme dit ne pas se souvenir du nom du fameux
fiscaliste, dont les bureaux seraient situés
dans un centre commercial de Laval.
Heureusement, cette mésaventure ne mettra pas l
’Agence érotique en faillite, dit-il. « Non non
non, mais c’est fatigant. On attend le
remboursement (NDLR: du séquestre de faillite).
»
Équipement de hockey Bauer
La l i s t e de l a Ba nque Stanford comprend au
moins une famille québécoise qui a eu maille à
partir avec le fisc ces dernières années. Il
s’agit de la riche famille Olivieri, de
Westmount.
I l y a deux s emaines, l e 10 septembre, l a
Cour suprême du Canada a refusé d’entend r e l ’
a ppel de la famille concernant un litige fiscal
qui dure depuis 15 ans. Essentiellement, le
litige portait sur le gain tiré de la vente de
l’entreprise Canstar Sports ( patins Bauer) à la
multinationale Nike, en 1994.
La transaction a rapporté 252 mi l l ions à l a
fa mi l le Olivieri, à l’époque, mais sa
structure a été telle qu’elle a permis d’éviter
le paiement d’au moins sept millions de dollars
au f isc québécois. Après 15 ans de débats
juridiques, Québec vient de gagner en Cour
suprême, une victoire qui devrait lui rapporter
près de 20 millions en incluant les intérêts et
pénalités.
La f a mi l l e Ol i v i e r i s e retrouve à
trois endroits sur la liste de la Banque
Stanford. Les placements n’ont pas de liens avec
l’affaire Canstar.
D’abord, la société 1339097 Alberta, qui a comme
adresse la résidence des Olivieri, à Westmount,
y a des avoirs de 456 843 $ US, selon la liste.
Jacopo Olivieri y a également un compte
personnel, qui semblait vide en date du 22
février 2009. Enfin, la société Florestan
Investments, toujours à la même adresse, y avait
également un compte inactif en date du 22
février. P
a r l a nt a u nom de la fa mille, l ’avocat f
iscaliste Sydney Sweibel ne nie pas que les
Olivieri aient eu des comptes avec la Banque
Stanford. Toutefois, il affirme que tout a été
encaissé avant le dévoilement du scandale, y
compris l’argent de la firme albertaine. Selon
Me Sweibel, les dépôts à terme avaient été
offerts à la famille par un employé de la
Stanford, à Montréal. Ils offraient un rendement
un peu supérieur au marché. Tout a été déclaré
au fisc.
Le bon tournevis? - ARIANE KROL
Québec et Ottawa veulent serrer la vis aux
criminels à cravate. Mais il faut avoir les bons
outils, et s’en servir.
Les ministres québécois de la Justice, des
Finances et de la Sécurité publique ont annoncé
des mesures pour lutter contre la fraude,
dimanche. Le ministre fédéral de la Justice a
renchéri mardi, promettant de punir plus
sévèrement les escrocs.
La réponse du gouvernement Harper en a sans
doute réjoui plusieurs. Mais elle surestime
l’efficacité du châtiment. La perspective de
passer plus de temps en prison découragera
peut-être quelques vocations d’arnaqueurs. Mais
pour la plupart des individus tentés par cette
forme de vol, l’attrait du gain facile éclipse
toute autre considération. Ce qui inquiète les
fraudeurs, ce ne sont pas les peines auxquelles
ils s’exposent, mais les risques de se faire
prendre. Il est là, l’effet dissuasif. Le gain
perd de son attrait à mesure qu’il gagne en
difficulté. C’est ce qui explique que les
banques soient si rarement la cible de hold-up
de nos jours.
Il
y a plusieurs façons de rend re les f raudes moi
ns attrayantes. Il ne faut en négliger aucune.
Nous avons maintes fois exprimé notre soutien à
l’égard des investisseurs de Norbourg, qui
avaient toutes les raisons de croire que leur
argent était bien géré. Nous sommes toutefois
incapables de nous apitoyer sur les victimes de
stratagèmes comme celui qui vient d’être
découvert en Alberta. Personne n’est obligé de
confier son argent à des inconnus qui promettent
35% à 40% dans des placements offshore. Quand on
prend un risque aussi élevé, on ne peut pas nier
sa part de responsabilité.
Cela dit, il y a des limites à sensibiliser les
épargnants. Certaines fraudes sont tellement
sophistiquées qu’il faut des spécialistes pour
les détecter. Québec vient de faire un effort en
ce sens en créant une escouade mixte intégrant
des experts de la SQ, de l’AMF (Autorité des
marchés financiers) et des procureurs, avec le
mandat d’ouvrir plus d’enquêtes sur les crimes
financiers. L’AMF a aussi décidé de mieux
surveiller l’internet et diverses publications
où de pseudo-conseillers racolent en toute
impunité. Les mailles du filet se resserrent. On
aurait aimé voir un effort semblable à Ottawa –
un renforcement du service d’enquêtes
économiques de la GRC, par exemple.
Malheureusement, le gouvernement Harper
considère avoir faire le nécessaire dans son
budget… d’il y a deux ans.
Québec et Ottawa envoient des signaux, mais il
en faudra plus pour dissuader des fraudeurs. Il
faudra des résultats. Des arrestations. Des
enquêtes et des procès menés rondement. À
plusieurs reprises. C’est à partir de là
seulement que les peines purgées pourront avoir
un impact. Parler
de ses outils en conférence de presse ne suffit
pas. Si on veut vraiment serrer la vis, il faut
s’assurer qu’ils servent tous les jours, sans
relâche. Même quand les ca méras regardent
ailleurs.
Norbourg : L’AMF nie toute
responsabilité
L’Autorité des marchés financiers (AMF) rejette en
bloc les allégations selon lesquelles elle aurait
pu intervenir dès 2002 pour mettre un terme aux
malversations dans le scandale Norbourg, rejetant
la responsabilité sur les vérificateurs comptables
et le gardien de valeurs de la firme déchue de
Vincent Lacroix.
Dans
sa défense amendée déposée mardi dans le cadre
d’un recours collectif intenté par des
investisseurs floués, l ’organisme réglementaire
assure qu’il a agi de bonne foi dans ce dossier et
qu’il n’est « pas responsable des dommages subis »
par les victimes.
Selon l’AMF, il faut plutôt se tourner vers les «
sentinelles postées sur le terrain par le
législateur afin de veiller à ce que les intérêts
des investisseurs soient protégés », à savoir
Northern Trust, gardien de valeurs pour Norbourg,
Concentra, fiduciaire de 12 fonds Evolution de la
firme, de même que les vérificateurs comptables
KPMG et Deschambault, qui ont tous «
lamentablement échoué à remplir les obligations
que la loi leur imposait ».
L’Autorité
soutient occuper « un poste à distance du
terrain » et ne pas avoir la tâche de «
superviser les détails des opérations
quotidiennes des fonds communs de placement ou
de refaire le travail des sentinelles ».
L’AMF reproche notamment aux vérificateurs
comptables d’avoir abdiqué leurs
responsabilités en s’abstenant de contacter
Northern Trust pour s’assurer qu’il n’y avait
pas d’« écart irréconciliable » entre le
montant véritable des valeurs détenues par le
gardien et celui, falsifié, apparaissant aux
états financiers de Norbourg.
L’organisme réglementaire accuse par ailleurs
Northern Trust de ne pas s’être enquis des
motifs des nombreux retraits irréguliers
demandés par Lacroix et l’un de ses sbires,
David Simoneau.
Dans sa défense amendée, l’AMF n’explique pas
pourquoi son prédécesseur, la Commission des
valeurs mobilières du Québec (CVMQ), s’est
abstenue d’intervenir après que trois de ses
inspecteurs eurent écrit, dans un rapport
rédigé en 2002, que Lacroix s’était servi de
l’argent d’investisseurs pour acquérir des
propriétés.
En entrevue, le porte-parole de l’Autorité,
Sylvain Théberge, a soutenu qu’il ne
s’agissait alors que de « soupçons » et non
pas de preuves solides. L’AMF prétend que si
les sentinelles avaient fait leur travail, la
fraude aurait pu être mise au jour dès 2001.
Demande d’enquête
Il
reste qu’en septembre 2003, un des inspecteurs
de la CVMQ, Vincent Mascolo, a recommandé la
tenue d’une enquête sur la « probité » de
Lacroix. Or, au terme d’une préenquête, le
directeur de la conformité et de l’application
de l’organisme, Pierre Bettez, a décidé de ne
pas aller de l’avant.
L’AMFassurequ’à ce moment, la CMVQ ne se
doutait aucunement que les fonds des
investisseurs étaient en péril, même si elle
redoutait qu’il y ait eu du blanchiment
d’argent chez Norbourg.
L’organisme admet qu’en avril 2004, Michel
Carlos, enquêteur au service de la Banque
Nationale, a téléphoné à Pierre Bettez pour le
prévenir que Lacroix était soupçonné d’avoir
détourné plus de 2 millions d’un compte de
Norbourg vers son compte personnel. M. Bettez,
issu de la Sûreté du Québec, a alerté le corps
policier au sujet d’un autre transfert
douteux, mais il n’a pas averti ses collègues
à la CVMQ.
Ce n’est qu’en octobre 2004 que l’AMF a
finalement ouvert une enquête sur Norbourg,
près de deux ans après le rapport de
vérification de 2002.
Mais c’est en août 2005, avec le témoignage du
délateur Éric Asselin, ancien proche de
Lacroix, que le scandale éclate au grand jour.
L’AMF fait valoir que son intervention
subséquente a permis de récupérer 75 millions
appartenant aux clients de Norbourg, alors que
généralement, les combines à la Ponzi sont
découvertes trop tard pour qu’on puisse
retrouver des sommes importantes.
Les investisseurs de Norbourg ont tout de même
perdu 115 millions dans la fraude alléguée.
Les instigateurs du recours collectif visant
Lacroix, l’AMF et Northern Trust réclament, au
nom de plus de 9000 investisseurs floués par
Norbourg, quelque 130 millions. Pour eux, il
ne fait aucun doute que la CVMQ et l’AMF ont
fait preuve d’une « absence totale de
diligence », d’« incurie » et d’« insouciance
» dans l’affaire Norbourg.
Un plan incomplet, selon le PQ et
Yves Michaud
Le Parti québécois et l’ancien président du
Mouvement d’éducation et de défense des
actionnaires, Yves Michaud, esti ment que le pla
n du gouvernement pour enrayer les c r i mes f i
na nc ier s est incomplet.
Bien qu’il souhaite analyser plus en détail ce
qui a été déposé par trois ministres du
gouvernement Charest, le por te-pa role péqu
iste en matière de fina nce et d ’é conom ie,
Jea n-M a r t i n Aussant, considère que les
prétentions de la ministre de la Justice,
Kathleen Weil, sont ambitieuses.
En entrevue hier, il a noté qu’elle ne peut
augmenter les peines des bandits à cravate parce
qu’un tel changement relève du gouvernement
fédéral.
« Si on pouvait rapatrier ce qui relève du droit
criminel, on pourrait mieux légiférer et adapter
les pratiques financières au Québec à nos lois
et à nos valeurs », a indiqué JeanMartin
Aussant.
Il rappelle que son parti prône la mise sur pied
d’une commission pa rlementaire pour faire le
tour de la question et étudier, entre autres
choses, la création d’un fonds d ’i ndem n
isation col lec ti f pour les victimes de crimes
financiers.
Et les paradis fiscaux ?
Pour sa part, celui que l’on nomme le Robin des
banques, Yves Michaud, déplore que le plan ne
fasse pas référence aux paradis fiscaux. Il a
martelé que les milliards issus des fruits de la
criminalité auraient dû être visés.
« La plupart des fraudeurs cachent l’argent
quelque part, il ne se volatilise pas dans les
airs, a soutenu hier celui qui a fondé
l’Association de protection des épa rgna nts et
investisseurs du Québec. Qu’on ne s’attaque pas
aux paradis fiscaux et que les gouvernements,
fédéral ou provincial, laissent ça impunément et
ne prennent aucune mesure pour régler ce chancre
de l’économie mondiale, c’est une déception. »
I l reconnaît malgré tout que des pistes tendent
vers un resserrement des contrôles. Selon lui,
une meilleure surveillance et une préoccupation
accrue pour les intérêts des investisseurs et
des actionnaires demeurent des pas dans le bon
sens.
Un « petit pas »
« C’est un petit pas qui a été fait,
soulignons-le, mais l’élève aurait pu faire
mieux », a insisté Yves Michaud.
Rappelant qu’il existe déjà une « police »
financière au Québec, il croit par ailleurs
qu’il aurait été plus simple de donner plus de
pouvoirs et de moyens à l’Autorité des marchés
financiers (AMF). Opter pour de nouvelles
structures risque de causer de la confusion,
a-t-il jugé.
Quant au maire de Montréal, Gérald Tremblay, et
au président du comité exécutif, Claude Dauph i
n , ils ont affirmé, par voie de communiqué,
qu’ils s’estiment satisfaits de la mise en place
des deux escouades.
Des enquêteurs de la SQ pour mieux combattre les
fraudeurs - André Noël
Outre la nouvelle escouade anticorruption, le
gouvernement du Québec a annoncé, hier, la
création d’une équipe de si x enquêteu rs de la
Sûreté du Québec chargée de travailler avec
l’Autorité des marchés financiers pour mieux
combattre les fraudes financières. La ministre de la
Justice du Québec, Kathleen Weil, a demandé à
son homologue fédéral de « rehausser les
peines de certains crimes de nature
économique, comme le blanchiment d’argent ».
C e l a s ’a c c o m p a g n e d e plusieu rs
autres mesu res . La ministre de la Justice,
Kathleen Weil, a dit qu’elle avait demandé à son
homologue fédéral de « rehausser les peines de
certains crimes de nature économique, comme le
blanchiment d’argent ». Les personnes détenues
pour des crimes non violents peuvent être
libérées après avoir purgé un sixième de leur
peine. Mme Weil souhaite que cette disposition
ne s’applique pas à certains types de fraudes
financières.
Le ministre canadien de la Justice, Rob
Nicholson, a publié un communiqué quelques
heures après les déclarations de Mme Weil.
Ouvrant la porte à ses suggestions, il a affirmé
qu’Ottawa est « résolu à faire en sorte que les
peines imposées aux coupables dans ces cas-là
soient à la mesure du bouleversement de la vie
des victimes ».
Le
ministre québécois des Finances, Raymond
Bachand, a indiqué que l’Autorité des marchés
financiers va intensifier la « cybersurveillance
», afin de mieux dépister les individus qui
offrent illégalement des produits financiers. Le
ministre a annoncé le lancement d’une campagne
d’information pour mettre les petits épargnants
en garde contre les fraudeurs.
Certains citoyens « voient s’envoler en fumée
leurs épargnes de toute une vie », a-t-il dit. «
Les conséquences sont dramatiques. Il y a la
dimension "attraper et punir les bandits", et il
y a la dimension "prévenir" pour s’assurer que
ça n’arrive plus. »
De son côté, le Barreau du Québec a annoncé
qu’il allait travailler avec le gouvernement
pour modifier des lois et des règlements afin de
mieux protéger les épargnants.
Charest s’attaque aux criminels à
cravate - Denis Lessard
QUÉBEC — La multiplication des crimes
économiques de toute nature, au niveau
municipal, dans les milieux financiers et même
dans l’industrie de la construction force le
gouvernement Charest à prendre des mesures.
Québec annoncera demain la mise en place de deux
escouades mixtes spécialisées dans le secteur
économique. Le projet s’intitule «L’initiative de lutte
contre la malversation et la corruption».
La première, relevant de la Sûreté du
Québec, sera composée d’une vingtaine
d’enquêteurs. La seconde, sous la
direction de l’Autorité des marchés
financiers, comprendra six spécialistes, a
appris La Presse. Québec assumera la
totalité de la facture ;
environ 4,5 millions seront nécessaires chaque
année. Le projet est prévu au moins jusqu’à
2011-2012.
Le tollé suscité dans l’opinion publique par les
affaires Vincent Lacroix et Earl Jones a fait
monter la pression sur le gouvernement au cours
des dernières semaines – Jean Charest était
particulièrement inquiet d’un mouvement de
ressac si le patron de Norbourg avait échappé à
un procès criminel, a-t-on appris. Jean Charest
a cette semaine éteint un feu – la controverse
sur l’éthique – avec le départ du ministre David
Whissell. Avec l’annonce gouvernementale de la
création de ces escouades, on agit sur un autre
front, soit celui de la perception
d’indifférence du gouvernement devant les abus
des « criminels à cravate ». Le gouvernement
aura donné des réponses pour éliminer ces
controverses avant le retour des députés à
l’Assemblée nationale, mardi.
Pendant tout le printemps, les irrégularités
dans l’attribution de contrats à la Ville de
Montréal et l’évidence que le monde interlope a
pénétré le secteur de la construction ont
contribué à mettre de la pression sur le
gouvernement Charest. L’opposition a réclamé en
vain une commission d’enquête publique sur les
rapports entre le crime organisé et les
entrepreneurs.
Devant tant de pression, Québec a jugé
opportunde bouger, au moins pour calmer
l’opinion publique. L’administration de Gérald
Tremblay était d’ailleurs bien au courant du
projet; le cabinet du maire avait décidé de
faire adopter une résolution pour réclamer
exactement ce genre d’escouade à sa prochaine
réunion du conseil, le 21 septembre.
Annonce demain
Demain,
au quartier général de la SQ rue Parthenais,
avec le patron de la SQ, Richard Deschesnes, le
ministre de la Sécurité publique, Jacques
Dupuis, celui des Finances, RaymondBachand, la
responsable de la Justice, Kathleen Weil, et le
président de l’Autorité des marchés financiers (
AMF), Jean Saint-Gelais, annonceront la
constitution de ces escouades mixtes
spécialisées.
Celle des policiers sera chargée d’enquêter sur
les problèmes de corruption de fonctionnaires
dans tous les ordres de gouvernement – dans des
cas de fraude comme celle qu’on vient de
découvrir dans les services informatiques de la
Ville de Montréal.
Déjà fort avancées à la Section des fraudes
fiscales de la SQ, les enquêtes sur la
pénétration du crime organisé dans l’économie
légitime feront aussi partie du mandat des
enquêteurs – la SQ a déjà fait des gestes dans
les secteurs automobile et de la construction.
Un autre groupe, relevant davantage de l’AMF,
sera chargé de surveiller particulièrement le
secteur financier, une réponse à la
multiplication des criminels comme Vincent
Lacroix et Earl Jones – un autre cas vient
d’ailleurs d’être révélé à Magog. Le groupe aura
à vérifier les autorisations des courtiers et
les potentiels délits d’initiés.
Il y a trois ans, Québec s’était entendu pour
que l’AMF travaille très étroitement avec la GRC
et les ministères du Revenu à Ottawa et à Québec
pour débusquer les « criminels à cravate », mais
l’escouade mixte mise en place alors n’a pas
donné les résultats attendus.
Même chose du côté de la Sûreté du Québec, qui
avait profité d’une annonce du ministre des
Finances Yves Séguin pour augmenter ses équipes
d’enquêteurs sur « l’économie au noir ». On
compte déjà plus de 300 personnes qui
travaillent à ce genre de dossier à la SQ. Les
enquêtes déclenchées depuis deux ans ont
nécessité plusieurs vagues de perquisitions au
printemps et devraient mener à des accusations
formelles dès l’automne. Mais avec la
multiplication des problèmes exposés dans les
médias, le gouvernement a senti qu’il devait
faire une opération afin de rassurer le public.
Complice de Madoff - ARIANE KROL
Ahurissant.
Scandaleux.
Révoltant. Les superlatifs nous manquent pour
qualifier la nonchalance avec laquelle la
Securities and Exchange Commission a traité les
plaintes dénonçant Bernard Madoff. En bâclant ses
enquêtes, l’organisme n’a pas seulement failli à
la tâche: il a contribué à renforcer la réputation
du fraudeur. Le monde à l’envers!
L e rapport déposé cette semaine par l’inspecteur
général de la SEC est accablant. En 16 ans,
l’organisme a reçu au moins six plaintes qui
auraient pu lui permettre de découvrir le pot aux
roses. Le récit de tant d’amateurisme et de
négligence laisse sans voix. Les investisseurs qui
ont confié des fonds à Madoff après 1992, eux,
doivent hurler. Car cette année-là, la SEC
détenait déjà des indices inquiétants sur les
activités du financier. Si elle avait pris la
peine de vérifier certaines données, elle aurait
probablement découvert le stratagème de Ponzi,
lit-on dans le sommaire du rapport.
Et l’h istoi re se répète. Inexpérimentés et ne
connaissa nt pas gra nd-chose au x produ its fi na
nciers, les employés de la SEC ignorent des
signaux visibles comme des gyropha res, acceptent
les réponses i ncohérentes du fraudeur et
négligent de vérifier les informations qu’il leur
fournit. À un moment, deux équipes enquêtent en
parallèle à l’insu l’une de l’autre. C’est Madoff
lui-même qui les en informera !
On peut envier la sévérité avec laquelle la
justice américaine a puni le plus grand fraudeur
financier de l’histoire moderne. Mais tous ceux
qui croient, comme le ministre fédéral Jim
Flaherty, qu’on serait mieux protégés avec une
autorité des marchés financiers unique pour
l’ensemble du pays viennent de recevoir un
démenti cuisant.
L’affaire Madoff nous montre aussi qu’il est
plus dangereux de bâcler une enquête que de ne
pas en faire du tout. Car le financier s’est mis
à citer la SEC pour renforcer sa crédibilité !
L’organisme avait vérifié ses opérations et
n’avait détecté aucune fraude. Que voulezvous de
plus comme garantie? L’argument en a convaincu
plusieurs d’investir chez lui.
Mary Shapiro, qui a pris les commandes de la SEC
en janvier, affirme avoir déjà grandement
renforcé la surveillance. Mais l’organisme devra
faire son examen de conscience. S’il n’a pas vu
clair dans le jeu de Madoff, ce n’est pas
seulement par manque de méthode ou de
compétences. C’est aussi parce que ses employés,
cadres inclus, étaient si éblouis par la
réputation du gestionnaire qu’ils étaient
incapables de douter de lui. Ils ont perdu de
vue leur mandat. Quand le gendarme des marchés
financiers s’inquiète davantage de ménager la
susceptibilité d’une grosse gomme de l’industrie
que de protéger les investisseurs, il ne sert
plus à grand-chose.
Lacroix : Peine réduite à cinq ans
- Christiane Desjardins
De douze, à huit, à cinq. La peine imposée à
Vincent Lacroix pour une série d’infractions à
la Loi des valeurs mobilières rétrécit comme
peau de chagrin. Hier, la Cour d’appel a réduit
la peine – déjà réduite – de huit ans et demi de
prison, à cinq ans moins un jour.
Dans un jugement unanime, les juges de la Cour
d’appel Benoît Morin, François Doyon et Lise
Côté, concluent que les peines imposées à
Lacroix auraient dû être concurrentes, plutôt
que consécutives. L’ampleur ou la portée des
infractions n’entre pas en ligne de compte,
justifie la Cour d’appel.
Rappelons qu’il s’agit du plus grand scandale
financier au Québec, alors que 115 millions de
dollars ont été illégalement retirés de 27 fonds
d’investissement, lésant 92 000 petits
investisseurs. « …la peine imposée par le juge
du procès peut, à première vue du moins, ne pas
sembler déraisonnable si l’on tient compte de
l’ampleur des conséquences reliées aux i
nfractions commises pour l’ensemble des
investisseurs. Toutefois, nous n’avons pas à
trancher cette question puisque la peine ne peut
prendre assise que sur les dispositions prévues
au Code de procédure pénale qui n’autorisent
pas, en l’espèce, l’imposition de peines
consécutives », peut-on lire dans le jugement.
Le j uge Claude Leblond ava i t c onsidéré l ’a
f f a i r e autrement en imposant une peine de
douze ans de prison à Lacroix, en janvier 2008,
au terme du procès intenté par l’Autorité des
marchés financiers. Le juge de la Cour
supérieure André Vincent avait par la suite
réaménagé la peine et l’avait réduite à huit ans
et demi.
C’est ce jugement, rendu en juillet 2008, qui vient
d’être révisé à la baisse. C’est donc dire que
Lacroix, qui est actuellement en maison de transition,
pourrait retrouver sa véritable liberté plus vite que
prévu. « Il va devoir y avoir un recalcul de sentence
», a admis Me Marie-Hélène Giroux, avocate de Lacroix,
hier.
Quand
a joint l’avocate, Lacroix n’était pas encore au
courant de la nouvelle. « Il venait de sortir de
mon bureau quand j’ai reçu le jugement »,
at-elle dit. Quand il l’a su, plus tard en
après-midi, Lacroix était évidemment bien
content.
Rappelons que les deux parties en appelaient à
la Cour d’appel : Lacroix espérait réduire sa
peine de huit ans et demi, tandis que l’Autorité
des marchés financiers (AMF) voulait faire
rétablir la peine de 12 ans imposée par le juge
Leblond.
« C’était une peine illégale, on ne peut pas
légiférer en droit pénal, c’est un jugement qui
va faire jurisprudence », estime Me Clemente
Monterosso, qui représente aussi Lacroix.
Jusqu’en Cour suprême ?
Pour sa part, l ’Autorité des marchés financiers
s’est avouée bien déçue, et n’écarte pas la
possibilité de se rendre en Cour suprême. Elle
veut d’abord étudier attentivement le jugement
avant de prendre une décision, at-elle fait
savoir par voie de communiqué.
L’AMF pense que la réduct ion de peine de
Lacroix « lance un message négatif quant à la
possibilité d’obtenir au pénal des sentences
proportionnelles à la gravité des i nfractions
commises. Les crimes économiques sont graves et
dommageables et ils doivent être sanctionnés
avec toute la sévérité nécessaire par des peines
exemplaires et dissuasives », peut-on lire dans
le communiqué. Me Éric Downs, avocat de l’AMF,
n’était pas disponible pour commenter le
jugement.
Lacroix n’est toutefois pas au bout de sa peine,
ni même peut-être de ses peines. Le 14
septembre, il doit revenir devant la Cour
supérieure. Commencera alors son procès criminel
pour f raudes, conjointement avec d’anciens
collaborateurs de Norbourg. Au printemps, ses
avocats ont tenté de convaincre le juge de ce
futur procès, Richard Wagner, d’écarter Lacroix
de l’exercice, car selon eux, Lacroix a déjà été
j ugé et puni. Le juge Wagner ne s’est pas
encore prononcé là-dessus, mais il devrait le
faire sous peu.
Affaire Earl Jones Les victimes affirment
avoir perdu 75 millions - Francis
Vailles
Les
nuages se dissipent progressivement sur
l’affaire Earl Jones, qui fait les manchettes
depuis maintenant six semaines. Hier, le syndic
RSM Richter a indiqué à que les victimes
allèguent avoir perdu près de 75 millions de
dollars.
Cette somme correspond plus précisément à
l’ensemble des réclamations reçues pour
l’assemblée des créanciers, mardi dernier, de la
Corporation Earl Jones, en faillite. Le syndic a
fait le cumul des réclamations et tout compte
fait, 151 créanciers réclament 74,49 millions.
Au cours des dernières semaines, plusieurs
chiffres ont circulé sur cette présumée fraude.
Certains avançaient même la somme de 100
millions de dollars. Pour sa part, l’Autorité
des marchés financiers (AMF) parlait de 30 à 50
millions et d’une cinquant aine d’investisseurs
dans son premier communiqué, le 10 juillet.
Fait à préciser, le syndic n’a pas validé le
chiffre de 74,5 millions. « On fera l’analyse
au moment venu s’il y a des fonds à distribuer
», indique Neil Stein, l’avocat qui représente
le syndic.
États de compte fictifs
Neil Stein fait remarquer que les réclamations
sont basées sur les états de compte fictifs
que fournissait M. Jones aux victimes. L’actif
qui y est indiqué est fondé sur un rendement
annuel composé des fonds qui est loin de la
réalité, par exemple de 8 à 12%.
Comme l’effet composé des rendements devrait
être beaucoup plus faible, les réclamations
finales, le cas échéant, devraient être
beaucoup moindres, nous explique M. Stein. «
Ce sera beaucoup moins que 75 millions »,
croit M. Stein.
D’autre
part, la liste des c r éa nciers comprend non
seulement les victimes, mais également les
fournisseurs réguliers de la Corporation Earl Jones.
Par exemple, le propriétaire de l’immeuble où
l’entreprise avait ses affaires réclame des arrérages
de loyer de quelque 9000$, nous dit M. Stein.
Le
syndic nous i ndique cependant que les créanciers
autres que les victimes sont très peu nombreux.
Leurs réclamations sont peu élevées, nous dit M.
Stein, si bien que l’essentiel des 74,5 millions
peut être attribués aux victimes.
Dans
son rapport déposé mardi, le syndic écrit que M.
Jones a fait des retraits personnels ou
irréguliers de 12,3 millions de dollars sur 15
ans à même les fonds de ses clients. Ces
retraits, qui provenaient essentiellement du
compte en fidéicommis de la Banque Royale, ont
par exemple été faits pour l’achat de voitures
ou d’appartements, l’éducation des enfants ou le
paiement de cartes de crédit personnelles.
Pour l’instant, le syndic n’a obtenu des données
que pour 15 des 23 années ciblées de son
enquête. En ajoutant les huit années manquantes,
soit de 2000 à 2007, le représentant du syndic,
Gilles Robillard, estime que les retraits
irréguliers pourraient excéder les 20 millions.
Earl Jones, 67 ans, s’est livré à la police le
27 juillet. Il a été libéré le lendemain
moyennant une caution de 30 000$ fournie par un
membre de sa famille. La Sûreté du Québec
poursuit son enquête.
Fraude et fidéicommis : Indigne de
confiance - ARIANE KROL
Il est choquant de voir avec quelle désinvolture
Earl Jones s’est servi dans son compte en
fidéicommis. Ce type de compte n’est-il pas
censé mettre les avoirs des clients à l’abri des
malversations? Hélas! non. Les consommateurs
doivent être conscients qu’il n’offre, en soi,
qu’une protection très limitée.
Le terme fidéicommis vient d’une expression
latine signifiant « ce qui est confié à la bonne
foi ». C’est dire si le client est à la merci du
professionnel qui a la garde de son argent.
Heureusement, la très grande majorité d’entre
eux sont honnêtes et de bonne foi. Heureusement,
car contrairement à la croyance populaire, le
titulaire d’un compte en fidéicommis n’a pas à
demander d’autorisation ni à fournir
d’explication à sa banque lorsqu’il en retire
des fonds... même si ces fonds ne lui
appartiennent pas. Earl Jones, on l’a vu, ne
s’est pas gêné. Autos, condos, droits de
scolarité, généreux versements pour lui-même et
son épouse. Selon le syndic RSM Richter, le
présumé fraudeur a siphonné plus de 12 millions
pour financer son train de vie et le
fonctionnement de son entreprise. Une somme qui
pourrait dépasser les 20 millions quand la firme
aura épluché les huit années manquantes. Le
compte « Earl Jones in Trust » inspirait
confiance, mais il n’éloignait pas le loup de la
bergerie.
La
situation aurait pu être différente si Jones
avait été accrédité auprès d’un ordre
professionnel ou d’un organisme qui imposent des
règles sur l’utilisation des comptes en
fidéicommis. Car qui dit règles, dit
surveillance et risques de sanction. Le Barreau,
par exemple, fait périodiquement des contrôles
de ses membres. L’avocat qui puise dans son
compte en fidéicommis risque fort de se faire
rattraper au détour. Et il risque gros :
certains ont été radiés à vie. Bien sûr, il y
aura toujours des escrocs pour s’essayer. Mais
la perspective de ne plus pouvoir exercer sa
profession éloigne certainement bien des
tentations. Earl Jones, par contre, n’était
enregistré nulle part. Ses clients ne
bénéficiaient donc d’aucun effet dissuasif du
genre. Non seulement son « compte en fidéicommis
» n’offrait-il aucune protection à ses clients,
mais il contribuait à leur inspirer confiance –
donc, d’après ce qu’on présume aujourd’hui, à
les escroquer. Un chef-d’oeuvre de cynisme!
Comme le révèle aujourd’hui notre collègue
Francis Vailles, la Banque Royale a jugé l’an
dernier que certaines des transactions faites
par Earl Jones ne correspondaient pas à «
l’utilisation normale » d’un compte en
fidéicommis. L’avocat Neil Stein regardera cet
aspect pour voir si l’institution pourrait avoir
une quelconque responsabilité. Nous sommes
impatients de le savoir. Les investisseurs
doivent toutefois retenir que les banques, de
façon générale, ne sont pas tenues de surveiller
ce qui se passe dans un compte en fidéicommis.
On ne devrait donc jamais se fier à cette façade
rassurante, mais vérifier plutôt si le
professionnel qui est derrière est digne de
confiance.
Il ne reste plus rien, prétend Earl Jones
- Francis Vailles
Le
financier a puisé 12,3 millions dans les fonds de
ses clients
Les victimes d’Earl Jones espéreraient peut-être
qu’il les aiderait à retrouver certains fonds.
Qu’elles n’y comptent pas : Earl Jones a avisé le
syndic qu’il ne restait plus rien.
L’homme de 67 ans a transmis une lettre au syndic
vers 17h lundi, par l’entremise de son avocat, soit
la veille de l’assemblée des créanciers. Il a
d’abord indiqué qu’il ne se présenterait pas à
l’assemblée du Holiday Inn PointeClaire, disant
craindre pour sa vie. Et au sujet des fonds, Earl
Bertram Jones a confirmé ce qui apparaît de plus en
plus évident: de l’argent, il n’en reste plus.
De
fait, le syndic RSM Richter dit n’avoir retrouvé que
15 000$ dans les comptes d’Earl Jones,
essentiellement celui de la Banque Royale. Et au
terme de son enquête préliminaire, le syndic a
constaté qu’Earl Jones a utilisé au moins 12,3
millions de dollars des clients pour des fins
personnelles ou non reliées aux activités de la
Corporation Earl Jones.
L’a nalyse du syndic porte sur les états de comptes
bancaires des années 1987 à 1999 et 2008-2009. Les
états de compte de 20 0 0 à 2007 n’ont pas été
retrouvés dans les bureaux de M. Jones, à
PointeClaire. Le syndic a demandé aux banques de lui
fournir dès que possible une copie des relevées pour
les années manquante
Pour
les 15 années comptabilisées, le syndic estime qu’Earl
Jones et sa conjointe Maxine ont prélevé 4,6 millions de
dollars du compte en fidéicommis pour des fins non
précisées. En plus, le syndic a constaté qu’il y a eu 912
000 $ pour des immeubles, 169 000 $ pour des voitures, 593
000$ pour les études des enfants et 530 000$ pour les
cartes de crédit personnelles, notamment.
À cela
s’ajoute les 886 000 $ de retraits au comptant, 487
000 $ de transferts aux Bermudes et 2,4 millions de
transferts au compte de l’entreprise pour des
honoraires, entre autres. « C’est une ponction
systématique dans le compte en fidéicommis des clients
depuis le début », a expliqué l’avocat Neil Stein, qui
représente RSM Richter.
Comme le syndic n’a pas idée de ce qui s’est passé
entre 2000 et la fin de 2007, soit huit ans sur 23,
les retraits irréguliers pourraient être plus élevés.
« Ce pourrait être 22 millions, on ne sait pas », nous
dit Gilles Robillard, responsable du dossier chez
Richter.
Danielle Manouvrier, l’une des exclientes de M. Jones,
a sa petite idée. « Il y a lieu de croire que ces huit
années sont les plus compromettantes. Ce n’est pas
pour rien qu’elles ont disparu », dit Mme Manouvrier,
qui fait signer une pétition pour que les sentences
contre les « criminels en cravate » soient plus
sévères (www. spspcc.epetitions.net).
LecomptableCGAPierreCourchesne semble avoir été en
charge de la comptabilité de la Corporation Earl
Jones, selon le syndic. L’homme, qui pourrait aider le
syndic à y voir plus clair, a été sommé de ne pas se
départir des documents en sa possession. Le mois
dernier, Pierre Courchesne avait affirmé à ne pas
avoir eu de relations d’affaires avec Earl Jones
depuis une quinzaine d’années.
Avant l’assemblée, une quarantaine de victimes avaient
fait parvenir leurs réclamations au syndic, pour une
valeur de 12 millions. Comme les autres victimes n’ont
déposé leurs réclamations qu’hier matin, il n’a pas
été possible de connaître précisément le total des
réclamations et le nombre de victimes. Environ 150
personnes ont assisté à la réunion, interdite aux
journalistes.
«
Après coup, je me rends compte qu’il y a des signes
que j’aurais dû détecter », a dit Frances Gordon, la
belle-soeur de Earl Jones, qui a perdu toutes ses
économies, soit presque un million de dollars.
Hier, l’assemblée a procédé à la nomination de cinq
inspecteurs, soit Ginny Nelles, Gerry Coughlan,
Kevin Curran, Peter Kent et Grant Burton. Ces
inspecteurs décideront des étapes suivantes de la
faillite, qu’il s’agisse des enquêtes ou des
poursuites.
En vertu de la Loi sur la faillite, Earl Jones sera
tenu de témoigner, comme pourrait l’être sa
conjointe Maxine, les directeurs de compte de
banques et les professionnels qui ont fait affaire
avec M. Jones.
RSM Richter a demandé des renseignements à 93 i
nstitutions, dont 50 banques, 12 entreprises de
courtage, 13 cabinets d’avocats et de notaires et 6
sociétés d’assurances. Certaines sont situées en I
rlande, en Angleterre, en Suisse et dans les paradis
fiscaux des Bermudes et des Îles Caïmans.
Dans le cas de la Suisse et des îles Caïmans,
toutefois, l’i nformation du syndic n’apparaît pas
sur des relevés, mais vient de ouï-dire de certains
clients.
Parmi les victimes, quatre peuvent se compter
chanceuses. RSM Richter a constaté que leurs fonds
gérés par Earl Jones ont été placés dans des comptes
de courtiers en fidéicommis à leurs noms. Leurs
économies, qui vaudraient de 2,5 à 3 millions, sont
donc en toute sécurité.
EARL JONES : 369 000$... COMPTANT !
- Francis Vailles
EARL
JONES FAISAIT DES RETRAITS FRÉQUENTS À MÊME LES
COMPTES DE SES CLIENTS
Earl Jones ne se gênait pas pour puiser dans le
compte général de ses clients, peu importe la façon.
Ainsi, le 28 novembre 2007, le soi-disant conseiller
financier s’est présenté à la Banque Royale pour y
retirer 369 000$… comptant.
Au
fil de son enquête, le syndic Gilles Robillard, de
RSM Richter, découvre des éléments à faire dresser
les cheveux sur la tête. Le rapport qu’il présentera
aux victimes, la semaine prochaine, fera notamment
état de ces « cash withdrawals » (retraits
comptants).
En plus de ces 369 000 $, indique M. Robillard, Earl
Jones a également fait un autre retrait de 170 000$
comptant, un peu plus tard. À ces deux sommes
s’ajoutent des retraits fréquents de 5000$ à 20 000$
faits au guichet automatique, toujours dans le
compte « Earl Jones in Trust » de la Banque Royale.
Earl
Jones faisait des retraits fréquents à même les
comptes de ses clients
Ce compte en fidéicommis d’Earl Jones est celui dans
lequel aboutissait l’argent des présumées victimes,
la plupart du temps, et dans lequel Earl Jones
puisait allègrement, nous dit M. Robillard.
Earl Bertram Jones se servait de ce compte pour
payer de nombreuses dépenses, qu’il s’agisse de sa
voiture ou de son condo, par exemple. Certaines
années, il y a puisé jusqu’à 1 million de dollars
pour ses propres besoins, selon M. Robillard.
J oi nt au t élé phone, le porte-parole de la Banque
Royale, Raymond Chouinard, confirme qu’un retrait de
369 000$ a bel et bien été fait en novembre 2007. Il
précise cependant que « la mention cash withdrawal
ne signifie pas nécessairement un retrait d’argent
en espèces. Ce peut être une traite bancaire ou un
transfert électronique », dit-il.
Aucun registre comptable
Quoi qu’il en soit, la présumée fraude ne ressemble
en rien à certains scénarios déjà vus, où
l’instigateur pose des gestes malencontreux pour «
tenter de se refaire après que certains placements
aient tourné au vinaigre », dit Gilles Robillard.
« Earl Jones a joué avec l’argent de ses clients
depuis les années 80, comme si c’était le sien. Déjà
en 1987-19881989, il puisait dans le compte en f
idéicommis. Certains chèques ont alors été faits au
nom de sa femme », explique le comptable de RSM
Richter, qui a également géré le dossier de
Norbourg.
La t âche de l ’équipe de RSM Richter s’avère ardue,
étant donné l’absence de tout registre comptable
détaillant les transactions d’Earl Jones pour chaque
client. « Il n’y a pas de registres. Tout est
pêlemêle », dit M. Robillard.
Pour s’y retrouver, le syndic a fait parvenir des
lettres à 93 institutions financières ou sociétés de
placement dans lesquels des fonds des clients ont
transité à un moment ou un autre.
À ce
jour, Richter a passé en revue les transactions
bancaires du compte en fidéicommis d’Earl Jones à la
Banque Royale pour les années 2007 à 2009 et 1987 à
1999. Les années subséquentes à 1999 suivront.
Des transferts aux Bermudes
À la lecture de ces transactions, le syndic a
notamment constaté que des fonds ont été transférés
en Irlande et dans le paradis fiscal des Bermudes, à
la fin des années 90. Aux Bermudes, les transferts
se sont élevés à plusieurs centaines de milliers de
dollars, indique M. Robillard.
Le syndic estime qu’il ne reste pas de fonds en
Irlande. Quant aux transferts à la Bank of Bermuda,
une filiale de HSBC, il est plus difficile d’y voir
clair, puisqu’il faut généralement l’approbation
d’un tribunal local pour avoir le portrait d’un
compte, comme le veulent les règles régissant le
secret bancaire des paradis fiscaux.
Dans les jours suivant la tutelle de l’entreprise de
M. Jones, l’a nalyse des documents l a i ssait c roi
re que les fonds des successions n’avaient
aucunement été placés en Bourse, dans des fonds
communs ou dans quelque autre véhicule de placement.
Depuis, le syndic a retrouvé certains comptes de
placement où des fonds sont disponibles, sans être «
très substantiels ».
Sur la centaine de présumées victimes, il appert que
sept ou huit comptes de placement sont « clairement
identifiables » à des clients précis, dans des
comptes en fidéicommis. Tout indique que l’argent
qui s’y trouve sera donc versé à ces clients plutôt
qu’à la masse des créanciers.
Cela dit, le syndic a toutes les misères à
constituer une liste de créanciers, étant donnée
l’absence de registre. RSM Richter a transmis des
avis de réclamations à quelque 200 à 250 parties qui
ont fait affaire de près ou de loin avec M. Jones au
fil des années.
L’assemblée des créanciers de l a semaine prochaine
permettra de nommer des inspecteurs à la faillite de
la Corporation Earl Jones, conseiller administratif.
Le syndic pourra ensuite obliger Earl Jones à
témoigner, en vertu de la Loi sur la faillite.
10 CONSEILS POUR ÉVITER LA FRAUDE
L A
PRESSE AFFAIRES Mindy Mayman, conseillère en gestion
du patrimoine à RSM Richter Chamberland, a dressé
une liste de 10 conseils à l ’ i ntention des petits
investisseurs afin qu’ils puissent mieux se prémunir
contre les fraudes. 1. VÉRIFIER SI LE CONSEILLER EST
ACCRÉDITÉ Au Québec, les conseillers en placement
doivent s’inscrire auprès des autorités, comme
l’Organisme canadien de réglementation du commerce
des valeurs mobilières ou l’Autorité des marchés f i
nanciers ( AMF). 2. ÉVALUEZ LE PERSONNEL
Cherchez à savoir qui prend les décisions de
placement et qui met en oeuvre les stratégies de
placement. Recherchez des accréditations
professionnelles reconnues, comme CFA (analyste
financier agréé), Pl. Fin. ( planificateur financier
accrédité), AVA (assureur-vie agréé), CA (comptable
agréé), FCSI (fellow de l’Institut canadien des
valeurs mobilières). 3. COMPRENEZ CLAIREMENT LA
STRATÉGIE DE PLACEMENT Les stratégies de placement
et les produits financiers devraient être clairs et
compréhensibles. Mieux vaut rester loin de ce que l
’on ne comprend pas, comme disait l’investisseur
Peter Lynch. 4. MÉFIEZ-VOUS DES « GARANTIES », DES
RENDEMENTS RAPIDES ET DES ACCÈS PARTICULIERS Les
professionnels sérieux en matière de placement ne
garantissent pas les rendements. Les combines pour
s’enrichir rapidement de manière légitime n’existent
pas, non plus que les placements qui donnent des
rendements plus élevés sans volatilité. 5. NE DONNEZ
DE PROCURATION À PERSONNE RELATIVEMENT À VOS FONDS
Le conseiller en placement ne devrait pas avoir le
pouvoir de dépenser les fonds provenant du compte
d’un client, sauf pour le paiement des honoraires
contractuels. De plus, le conseiller ne devrait
avoir aucun autre pouvoir que celui de négocier les
titres. Ne libellez jamais de chèque au nom d’un
particulier lorsque vous faites des placements. 6.
ASSUREZ-VOUS QUE LES FONCTIONS DE GARDE ET DE
CONTRÔLE SONT EXÉCUTÉES PAR UN TIERS INDÉPENDANT
Demandez un relevé du dépositaire, un tiers
indépendant, qui établira un rapport quant aux
effets en portefeuille et à leur valeur
indépendamment des conseillers. 7. ASSUREZ-VOUS
QU’IL Y A DES VÉRIFICATIONS ET DES CONFIRMATIONS I
NDÉPENDANTES DES RÉSULTATS DÉCLARÉS Si le conseiller
en placement est également responsable de la
préparation et de la publication des relevés et des
rapports destinés aux clients sans confirmation de
tiers, ou si les résultats déclarés étaient trop
uniformément bons, cela peut être considéré comme
des signaux d’alarme. 8. COMPRENEZ LE CADRE
RÉGLEMENTAIRE DU TERRITOIRE Les investisseurs
devraient être prudents à l’égard des placements à
l’étranger. Un grand nombre d’entre eux sont
légitimes, mais d’autres font l’objet d’une
réglementation différente, et il est beaucoup plus
difficile delocaliser et derecouvrer votre argent à
l’étranger si un problème survient. 9. LIMITEZ VOTRE
EXPOSITION AU RISQUE Un des meilleurs moyens
d’éviter la catastrophe qui découle des fraudes en
matière de placements consiste à limiter la somme
que vous investissez. La diversification offre
également l’une des protections les plus
fondamentales et éprouvées en matière de placement
pour se prémunir contre la possibilité de tout
perdre en raison d’une fraude. 10. POSEZ DES
QUESTIONS
En posant les bonnes questions et en vous armant de
l’information pertinente, vous devenez l’un des
investisseurs informés que les escrocs ont plus de
difficulté à piéger.
AFFAIRE LIVENT Le producteur Garth Drabinsky écope
d’une peine de sept ans
Livent
était devenue l’une des plus importantes maisons de
production théâtrale en Amérique du Nord.
Deux poids lourds du monde du théâtre au Canada, qui
ont fraudé des investisseurs pendant des années en
falsifiant systématiquement les livres de leur
entreprise, Livent, ont tous deux été condamnés à
plusieurs années d’emprisonnement par une juge
ontarienne, qui a dénoncé les dangers des fraudes
d’entreprise. Le producteur torontois Garth
Drabinsky, photographié en avril 1990 à Montréal,
lors d’une conférence de presse entourant la sortie
du Fantôme de l’opéra.
Le producteur Garth Drabinsky a écopé de sept années
d’emprisonnement et son ancien partenaire d’affaires,
Myron Gottlieb, à six ans.
Ces deux producteurs de théâtre ont falsifié les
livres de leur compagnie Livent (pour Live
Entertainment) pendant neuf ans, jusqu’à ce que la
firme fasse faillite, à la fin de 1998.
La j uge Mary Lou Benotto, de la Cour supérieure de l
’ Ontario, a dit qu’il fallait tenir compte de
l’apport de MM. Drabinsky et Gottlieb à la société. «
Mais, a-t-elle ajouté, personne n’est au-dessus de la
loi. Personne n’a le droit d’établir ses propres
règles. Les deux ont dirigé une compagnie qui avait la
malhonnêteté comme culture d’entreprise », ce que la
cour a le devoir de dénoncer avec force.
M. Gottlieb était le principal responsable des
finances de Livent, a dit la juge Benotto, mais M.
Drabinsky était « la principale personne aux commandes
».
Les deux hommes, qui ont été libérés moyennant
caution, vont interjeter appel, a indiqué leur avocat
Edward Greenspan après le prononcé des sentences.
Au cours d’une audience antérieure, la juge Benotto
avait entendu des appels à la clémence de la part
d’anciens politiciens, d’écrivains et d’acteurs, dont
Christopher Plummer.
Les deux hommes avaient fondé Livent en 1990 et en
avaient fait l’une des plus importantes maisons de
production théâtrale en Amérique du Nord. M.
Drabinsky, qui fut un temps PDG de la compagnie, et M.
Gottlieb, qui en a été président, avaient été accusés
en 2002 d’avoir menti pendant neuf ans au sujet de la
situation financière de l’entreprise.
Selon la Couronne, ils ont réussi à recueillir
environ 500 millions de dollars en vendant des
actions, des bons de souscription, des débentures et
d’autres valeurs pour acheter des théâtres et pour
présenter des productions comme Ragtime, Fosse et
The Phantom of the Opera.
De nombreux succès
Les productions de Livent ont été mises en
nomination pour 61 Tony Awards et elles ont gagné 19
fois. Kiss of the Spider Woman, produit par M.
Drabinsky, a obtenu trois Tony, y compris pour la
meilleure trame musicale.
Les deux producteurs avaient aussi obtenu des marges
de crédit valant jusqu’à 60 millions auprès de la
Banque Royale du Canada, de la Banque Scotia et de
la Banque CIBC.
Livent avait procédé à un placement initial à la
Bourse de Toronto en 1993. Le titre a atteint un
sommet de 18,25$ en 1996, ce qui conférait à
l’entreprise une valeur comptable de 287 millions.
Deux ans plus tard, la police a commencé à enquêter
sur des allégations d’irrégularités comptables et la
compagnie de production a alors fait faillite.
Le 25 mars dernier, la juge Benotto avait reconnu
MM. Drabinsky et Gottlieb coupables de fraude (deux
chefs) et de falsification de document, dans le
cadre de ce que les autorités considèrent comme
l’une des fraudes les plus importantes de l’histoire
canadienne.
Les deux hommes ils ont été accusés des mêmes choses
en 1999 à New York, mais ils refusent de se
présenter devant un tribunal américain. Les
autorités américaines gardent une demande
d’extradition en main en attendant le résultat du
procès à Toronto.
Garth Drabinsky
QU’EST-CE QUE L’AFFAIRE LIVENT?
Les
deux fondateurs de Livent, Garth Drabinsky et Myron
Gottlieb, ont été reconnus coupables en mars dernier
d’avoir falsifié les livres de leur entreprise et
d’avoir fraudé des investisseurs pour des millions
de dollars.
Un juge a déterminé que Drabinsky et Gottlieb
avaient systématiquement manipulé les livres de
l’entreprise pendant neuf ans, avant que celle-ci ne
déclare faillite vers la fin de 1998.
La
GRC avait porté des accusations en 2002 contre MM.
Drabinsky et Gottlieb, mais il a fallu six ans avant
que leur procès ait finalement lieu et ne devienne
l’une des affaires judiciaires les plus suivies au
Canada.
« La croissance exponentielle de l’entreprise était
semblable à celle d’un athlète sous stéroïdes, a
déclaré la juge Lou Benotto, de la Cour supérieure
de l’Ontario, au moment du verdict. Les résultats
peuvent paraître spectaculaires, mais les moyens
impliquent la tricherie. »
Livent avait dans son portefeuille des productions
prestigieuses présentées à Toronto et à Broadway,
comme Le fantôme de l’opéra.
Fisc et fraude - ARIANE KROL
Quand une fraude financière éclate au grand jour, il
est souvent trop tard. Les coffres sont vides et les
épargnants n’ont plus que des miettes à se partager.
Le fisc, paradoxalement, est parfois le seul endroit
où les victimes peuvent espérer récupérer un peu
d’argent. Mais on pourrait faire davantage.
Aux États-Unis, le fisc a pris le taureau par les
cornes. Devant le raz de marée provoqué par
l’affaire Madoff, l’IRS ( Internal Revenue Service)
a publié une directive administrative spécialement
destinée aux victimes de stratagèmes de Ponzi. Les
pertes causées par de telles fraudes ne seront pas
considérées comme des pertes en capital, mais comme
des pertes causées par le vol, a tranché l’IRS. Les
déductions auxquelles elles donnent droit ne
s’appliquent donc pas seulement sur les gains en
capital du contribuable, mais sur l’ensemble de ses
revenus imposables. Une distinction importante, car
elle permet à davantage de victimes de réclamer des
sommes.
Cette disposition n’existe pas dans nos lois de
l’impôt. Les entreprises peuvent déduire des pertes
pour vol, mais pas les individus. Une situation qui
devrait être corrigée pour les victimes de fraudes
financières qui, souvent, perdent les économies de
toute une vie, sans aucun espoir de se refaire.
Pour l’instant, les épargnants floués n’ont que deux
moyens de recouvrer des sommes auprès du fisc. Ceux
qui ont payé de l’impôt sur de prétendus revenus de
placement peuvent faire une demande de redressement.
Car il n’y a pas de rendement dans un stratagème de
Ponzi. Les montants inscrits sur les relevés sont
purement fictifs et les versements d’intérêt, quand
il y en a, sont puisés à même les placements de
l’investisseur.
L’argent perdu aux mains du fraudeur donne également
droit à des pertes en capital. Mais comme nous
l’avons mentionné, ce type de perte peut seulement
être déduit d’un gain en capital. Pour un épargnant
qui n’a réalisé aucun gain du genre dans les trois
années précédentes, et qui n’a aucun espoir d’en
faire dans le futur puisqu’il n’a plus un sou, ce
n’est d’aucun secours. Une perte applicable sur
l’ensemble du revenu imposable serait beaucoup plus
utile. Évidemment, il y aurait encore des victimes
qui ne pourraient pas s’en prévaloir, mais elles
seraient tout de même plus nombreuses à pouvoir le
faire.
L’avocat fiscaliste torontois Jack Bernstein a
évoqué cette possibilité dans plusieurs articles,
mais aucun politicien n’a encore saisi la balle au
bond. Pourquoi? Une telle mesure mérite au moins
d’être étudiée.
On s’étonne aussi que Revenu Canada n’ait pas encore
émis de directives claires au sujet des fraudes
financières. Leministère n’a même pas pu nous
indiquer le traitement fiscal réservé à ces pertes,
une semaine après que notre collègue Michel Girard
eut posé la question!
Selon nos informations, Revenu Canada et Revenu
Québec se sont organisés pour s’occuper des
ex-clients d’Earl Jones. Mais tous les scandales ne
sont pas aussi gros, ni aussi médiatisés. Les
contribuables sont-ils tous au courant des démarches
qu’ils peuvent entreprendre auprès du fisc? Avec la
multiplication des fraudes de type Ponzi (un cas en
ColombieBritannique la semaine dernière, un autre
soupçonné au Québec cette semaine), il serait temps
d’informer les victimes de leurs droits.
Répit fiscal pour les présumées
victimes ?
Québec
et Ottawa envisagent de consentir un répit fiscal à la
centaine de victimes de la f raude présumément commise
par Earl Jones, qui les aurait détroussées de 30 à 50
millions de dollars.
PHOTO SHAUN BEST,
ARCHIVES REUTERS
Les présumées victimes d’Earl
Jones pourraient bénéficier de sursis fiscaux
particuliers.
Au cabinet du ministre québécois du Revenu, Robert
Dutil, on confirme que des discussions ont débuté avec
son homologue fédéral, JeanPierre Blackburn, afin de
coordonner des sursis fiscaux pour les particuliers
mis à mal financièrement par cette fraude présumée,
depuis sa mise au jour il y a un mois.
« Les deux gouvernements se parlent dans le but de
parvenir à une proposition commune et coordonnée », a
indiqué Mathieu St-Pierre, attaché de presse du
ministre Dutil.
Quant à la rapidité et à la nature de ces mesures
fiscales, le f lou persiste. « Le ministre Dutil
attend un état de la situation d’une heure à l’autre.
C’est après qu’il pourra préciser les mesures
appropriées et en discuter avec son vis-à-vis fédéral.
Ça pourrait se faire rapidement », a indiqué M.
Saint-Pierre hier après-midi.
Pour le moment, Revenu Québec s’en tient à l’analyse
au cas par cas de la situation fiscale des victimes
d’Earl Jones. Notamment, que faire pour les impôts
réclamés sur des revenus de placement, qui s’avèrent
maintenant faux ?
«
C’est important que ces gens qui s ’esti ment lésés
inscrivent une demande de redressement i ndividuelle à
Revenu Québec, afin que l’a nalyse de leur situation
puisse débuter », a précisé pour sa part un
porte-parole du ministère, Danny Lapointe.
Entre-temps, à Ottawa, le ministre fédéral du Revenu,
M. Blackburn, a indiqué il y a quelques jours qu’il
pourrait utiliser ses pouvoirs discrétionnaires afin
d’accorder des sursis fiscaux aux victimes d’Earl
Jones.
Le ministre peut suspendre ou annuler les amendes et
les i ntérêts courus sur des notes d’impôt en
souffrance dans des circonstances exceptionnelles.
Les victimes d’Earl Jones sont surtout des personnes
retraitées et leurs familles immédiates de la banlieue
ouest de Montréal . El l es n’auraient constaté qu’au
début de l’été, avec les refus bancaires de leurs
divers chèques de rente, que leurs fonds auraient été
engloutis dans une fraude de type pyramidal.
Depuis des années, Earl Jones leur aurait fait croire
à des rendements importants en les payant à même les
fonds de ses nouveaux clients.
Aussi, le début d’enquête comptable suggère qu’Earl
Jones et sa conjointe finançaient leur train de vie
avec des dizaines de milliers de dollars puisés chaque
mois dans sa PME de gestion.
Ottawa ouvre la porte aux victimes de
crimes financiers
OTTAWA — Dans la foulée de la plus récente fraude
financière, le gouvernement canadien compte
consentir des allègements fiscaux aux victimes de
crimes financiers.
Le ministre fédéral du Revenu, Jean-Pierre
Blackburn, entend utiliser le pouvoir
discrétionnaire que lui confère la loi pour
permettre aux présumées victimes de l’affaire Earl
Jones d’éviter de payer des intérêts et des
pénalités. Elles pourraient même étaler le paiement
de leurs impôts selon leurs moyens si elles se
retrouvent en difficulté financière.
« On va analyser chacun des dossiers pour vérifier à
quelles modalités de paiement on peut en arriver
avec ces personnes en fonction de leur réalité
financière, a dit le ministre Blackburn, en entrevue
à La Presse. Je vais utiliser mon pouvoir
ministériel, pour faire en sorte de ne pas pénaliser
les gens. »
Les
dispositions d’allègement pour les contribuables de
l’Agence du revenu du Canada prévoient en outre que
les intérêts et pénalités peuvent être annulés s’il
y a des paiements en souffrance en raison de «
circonstances exceptionnelles », comme dans le cas
d’une catastrophe naturelle, d’un incendie, d’une
grève des postes, d’une maladie grave, d’un
accident.
« Ce n’est pas loin d’une catastrophe naturelle », a
dit le ministre Blackburn, bien conscient du fait
que l’allègement fiscal envisagé pour les victimes
présumées d’Earl Jones pourrait faire boule de neige
et amener d’autres personnes escroquées à se
manifester.
« Si ça ouvre la porte à d’autres demandes, si elles
sont valables, pourquoi pas? a lancé le ministre. Ce
qui est important, c’est que ce qui est dû à l’État,
on doit le recouvrer. Mais on a le droit de tenir
compte du fait qu’il est arrivé une situation
incontrôlable, où une personne a perdu tout son
avoir à brûle-pourpoint. »
L’analyse des dossiers au cas par cas nécessitera
une approche bien méticuleuse pour définir quel
demandeur a ou n’a pas la capacité de payer ses
impôts, concède toutefois M. Blackburn.
Un coup de pouce s’impose -
François Gaudreault
Les
gouvernements doivent secourir les investisseurs
floués
L’auteur réside à Saguenay. Nous avons connu notre
lot de scandales financiers récemment. D’abord,
Vincent Lacroix, qui a fait perdre 130 millions à
des petits épargnants (une moyenne d’environ 14 000$
par personne) et ensuite Earl Jones, dont l’affaire
n’est pas encore claire, mais qui aurait fait
disparaître 50 millions (50 000$ en moyenne par
épargnant).
PHOTO GRAHAM
HUGHES, PC
Earl Jones au moment de son
arrestation, lundi.
Cet argent ne provient pas d’investisseurs
classiques, des mi l l ionnai res qui peuvent
essuyer les pertes et qui se renfloueront
rapidement. Il s’agit de petits épargnants, qui
placent de petites sommes pendant toute leur vie,
pour avoir une retraite confortable.
N’est-ce pas ce qui est propagé dans notre société
supérieure aux classes laborieuses : « Travaillez le
plus possible, épargnez et à 55 ans, vous pourrez
enfin avoir une vie agréable » ? Eh bien, pour ces
gens qui ont bûché et qui se sont privés pour mettre
de côté ce qu’ils ont pu durant toute de leur vie,
il n’en reste qu’un souvenir, celui où ils rêvaient
à leur retraite pendant 25 ou 30 ans. Maintenant ces
gens n’ont plus rien, certains sont obligés de
retourner travailler pour joindre les deux bouts.
Imaginez, sortir de la retraite pour retourner
bûcher encore et encore… jusqu’à sa mort.
Il n’y a rien à faire, pauvres retraités, ils se
sont fait avoir et en beauté. Tout le monde s’en
lave les mains, évidemment, nous tenons le coupable,
il ira en prison (un peu) et ensuite tout le monde
sera content.
Il
me semble qu’il y a une solution relativement simple
: que le gouvernement les aide un peu. Il serait
facile pour les deux ordres de gouvernement de faire
leur part en offrant de compenser une partie des
pertes, sous forme de REER ou même d’obligations.
Il y aurait deux raisons de le faire. Premièrement,
une raison éthique: ces gens qui ont travaillé
méritent de pouvoir profiter de leurs vieux jours.
Ensuite, il y a une question économique : qu’est-ce
qui va arriver à ces gens qui ont tout perdu? C’est
de toute manière le gouvernement qui va subvenir à
leurs besoins.
Faisons un calcul : une personne très riche va
dépenser son argent à l’extérieur du territoire, va
s’arranger pour ne pas payer d’impôt. Par
opposition, une personne de la classe moyenne va
dépenser son argent pour sa consommation immédiate,
elle fera rouler son économie locale, elle fera des
rénovations.
Bref, une très large part de ses économies restera
au pays. Il n’y a pas une si grande différence entre
une politique d’aide aux petits épargnants qui se
sont fait voler et une politique d’investissement
dans les infrastructures pour relancer l’économie.
Un voleur est un voleur -
François Leduc
Un
ordre professionnel des planificateurs financiers
n’enrayera pas toutes les fraudes
L’épargnant-investisseur doit faire ses devoirs et
son suivi. Encore faut-il qu’il en soit capable et
qu’il soit soutenu.
L’auteur est professeur au département de Conseil en
assurance et services financiers du collège
Montmorency. Le nouveau scandale f inancier qui
frappe des épargnants nous ramène les mêmes
commentaires, recommandations et réclamations qu’à
l’habitude. On trouve notamment l’Institut québécois
des plani ficateurs financiers qui réclamera dans
les prochaines semaines un ordre professionnel.
Un tel ordre n’aurait probablement rien changé. Un
voleur est un voleur. S’il ne peut passer par la
porte, il passera par la fenêtre. En fait, on se
retrouverait avec un organisme additionnel qui nous
expliquerait aujourd’hui pourquoi il ne pouvait pas
déceler le fraudeur plus tôt. Il faut aussi se
souvenir qu’une récente étude de Protégez-vous
démontrait que les planificateurs financiers ne sont
pas à l’abri d’erreurs.
Or,
l’industrie financière au Québec est déjà sous la
supervision de plusieurs organismes (Autorité des
marchés financiers, Chambre de la sécurité
financière, etc.). Y ajouter un autre organisme
diviserait encore plus la surveillance et la
supervision du domaine des finances. Il serait sans
doute plus opportun de renforcer les structures et
législations existantes plutôt que de diviser encore
plus les ressources.
Il y a cependant certaines actions qui pourraient
être entreprises pour mieux protéger le public. 1.
Une meilleure coordination de la structure
d’encadrement. On a divisé en petites chapelles
l’ensemble de l’industrie financière, notamment en
ce qui concerne les permis et les titres
professionnels. On devrait plutôt aller dans le
chemin inverse pour permettre une meilleure
coordination de l’ensemble de l’industrie. On doit
aussi s’assurer que les organismes existants
disposent des ressources et des compétences
nécessaires à leur mandat. 2. Parallèlement, une
formation minimale spécialisée doit être exigée de
ceux qui se présentent aux examens visant les permis
d’exercice. Cette règle n’aurait cependant rien
changé ici puisqueM. Jones ne détenait aucun permis
de l’AMF. 3. Une meilleure coordination de la
formation continue pour l’adapter à la pratique
propre de chaque professionnel en fonction de son
profil de compétence et de ses activités. 4. Une
véritable éducation économique et financière durant
les études secondaires. La réforme en éducation a
fait disparaître le cours de sciences économiques du
programme du secondaire. Ce cours n’était déjà qu’un
survol rapide de connaissances de base en matière
économique. On préparait déjà mal nos jeunes en
matière de consommation, d’économie et de finances
personnelles. Maintenant, on ne le fera plus. À
l’ère d’une sévère récession et de scandales à
répétition, c’est à n’y rien comprendre. On voit
actuellement dans les médias tous les chroniqueurs
financiers rappeler certains principes de base en
épargne et en consommation financière. Ne devrait-on
pas justement faire en sorte que ces connaissances
soient apprises par le plus grand nombre possible de
nos concitoyens ? Est-ce que la société ne
bénéficierait pas de consommateurs financiers plus
avertis? 5. Finalement, une forme de divulgation
officielle stipulant toutes les certifications
(permis d’exercice plutôt que titres
professionnels), droits, obligations et mandat du
représentant au moment de toute transaction. Un tel
document officiel et standardisé pourrait créer une
habitude pour certains épargnants qui leur
permettrait de voir la lumière rouge dans certaines
situations.
Malheureusement, aucun système, permis ou formation
ne permettra d’enrayer toutes les fraudes.
L’épargnant-investisseur doit faire ses devoirs et
son suivi. Encore faut-il qu’il en soit capable et
qu’il soit soutenu.
Earl Jones : ensuite? - ARIANE
KROL
Qu’il
ait pu fonctionner ainsi durant 25 ans sans être
inquiété n’est pas normal.
Deux étapes majeures viennent d’être franchies dans
l’affaire Earl Jones: la mise en faillite de la firme
et le dépôt des premières accusations contre son
propriétaire. Les enquêtes du syndic et de la police
vont nous aider à reconstituer les faits. Mais si l’on
veut que cette histoire serve à prévenir de futures
fraudes, il va falloir se poser beaucoup d’autres
questions.
Les investisseurs sont les premiers interpellés. Earl
Jones, malgré ses prétentions de conseiller, ne
s’était jamais enregistré auprès de l’Autorité des
marchés financiers (AMF). Ne blâmons pas ses clients.
Plusieurs le connaissaient (ou avaient été dirigés
vers lui par des gens qui le connaissaient) depuis 20
ou 30 ans. À l’époque, le réflexe de vérifier les
permis de tout un chacun était loin d’être acquis.
Aujourd’hui, on s’attend à ce que le consommateur le
fasse systématiquement, aussi bien pour son plombier
que pour son planificateur financier. Et heureusement,
le message commence à passer.
Depuis que ce scandale a éclaté, le 10 juillet
dernier, l’AMF est inondée d’appels d’épargnants
anxieux de vérifier la légitimité de leur conseiller.
Bravo. C’est d’autant plus important que le
dédommagement n’est pas automatique. Si le délinquant
est enregistré, mais que la fraude porte sur un
produit financier qu’il n’a pas le droit de vendre, la
victime n’aura pas accès au fonds d’indemnisation.
Combien d’investisseurs le savent? L’AMF doit trouver
des moyens de rejoindre un public plus large, car il
n’y aura pas toujours des scandales pour la propulser
à l’avant de l’actualité.
Earl
Jones n’avait pas de permis, mais il ne se cachait
pas non plus. Il avait pignon sur rue dans une
grosse tour à bureaux et affichait ses services dans
de nombreux répertoires d’entreprises. Et, surtout,
il s’était inscrit à titre de conseiller
administratif et financier auprès du registraire des
entreprises. Une incorporation qui lui donnait
énormément de crédibilité. Qu’il ait pu fonctionner
ainsi durant 25 ans sans être inquiété n’est pas
normal.
Il n’est pas normal non plus que personne à Québec
ne se sente interpellé par cette anomalie. Au bureau
du ministre du Revenu, on nous dit que le rôle du
registraire est de recueillir des informations et
que ce n’est pas un organisme de surveillance. C’est
un peu court. Bien sûr, l’AMF pourrait passer ce
monstrueux fichier au peigne fin. Mais ce serait pas
mal plus simple, et plus efficace, de
responsabiliser le registraire. Pourquoi ne
signalerait-il pas les entreprises financières au
fur et à mesure qu’elles s’inscrivent? L’AMF
pourrait intercepter les imposteurs pas mal plus
rapidement, avant qu’ils ne recrutent trop de
victimes. L’Autorité, de son côté, pourrait faire
preuve d’un peu plus d’initiative et vérifier au
moins les conseillers financiers inscrits dans les
pages jaunes!
Finalement, il sera important de déterminer si les
banques, comptables, notaires et avocats avec qui la
Corporation Earl Jones faisait affaire ont une part
de responsabilité. Des signatures auraient été
imitées, des prêts faits entre clients à leur insu.
Certains professionnels ont-ils fermé les yeux sur
des signaux inquiétants? On ne peut pas dissuader
tous les fraudeurs de tenter leur chance. Mais on
devrait tout mettre en oeuvre pour les détecter le
plus vite possible.
« ON CROIT ENCORE AU PÈRE NOËL » -
Stéphane Paquet
Claude Béland, président du Mouvement d’éducation et
de défense des actionnaires, le Médac, n’hésite pas
quand on lui demande ce qui cause le plus problème
dans les récents cas de fraude, présumée ou avérée :
les consommateurs, dit-il. « Je pense qu’on croit
encore au père Noël. »
Le
Médac, comme d’autres, demande des lois plus sévères
contre les crimes financiers. Il espère aussi un
examen de conscience de la part des organismes
réglementaires, en plus de la création d’un fonds
d’indemnisation pour les victimes.
Mais, plus encore, l’ancien grand patron de
Desjardins insiste sur la connaissance financière de
base des consommateurs. À propos de ceux qui ont été
floués, il a ce commentaire : « Dans le fond, ils
sont un peu fâchés contre eux-mêmes parce qu’on
n’aime pas se faire avoir. »
Une alerte venue de
Suède - Stéphane Paquet
Earl Jones, Norbourg… et maintenant peut-être
une nouvelle menace en Suède.
Alors que, hier, les yeux et les oreilles des
commentateurs judiciaires et financiers étaient
tournés vers le palais de justice, l’Autorité
des marchés financiers a mis les Québécois en
garde contre une nouvelle organisation dont « la
démarche a l’apparence d’une fraude ». Son nom:
l’ International Organization of Securities
Commission.
Selon l’AMF, qui se fie à des renseignements
fournis par l’organisme de réglementation des
services financiers de Suède, l’IOSC s’adresse à
des investisseurs qui détiennent des actions
dont la valeur a chuté. Ses promoteurs offrent
alors de les racheter à un prix supérieur à la
valeur du marché.
Le hic, c’est que, avant de procéder au rachat,
l’IOSC exige des frais. Quand paiements sont
faits, les représentants de l’IOSC disparaissent
dans la nature, et les boursicoteurs restent
pris avec leurs actions dévaluées.
« C’est un stratagème assez c ommun » , e x pl i
que Cathy Beauséjour, de l’AMF. « Il n’y a
aucune commission de valeurs qui va racheter des
actions », précise-t-elle à l’intention de ceux
qui aurait tendance à écouter des offres trop
belles pour être vraies.
À sa connaissance, un seul Suédois a porté
plainte et il n’a pas mordu à l’hameçon des
fraudeurs.
Si l’AMF a décidé d’alerter la population et
qu’un enquêteur « effectue des vérifications » ,
c’est qu’il y a « peut-être » des Canadiens
impliqués dans l’affaire, confie Mme Beauséjour.
L’AMF fonde ses soupçons sur le fait que le site
internet des présumés fraudeurs mentionnait le
nom d’entreprises canadiennes. Aussi, des
documents qui y sont présentés comme des lois
américaines sont en fait des documents
législatifs canadiens légèrement altérés, a
constaté l’AMF. Le site affiche aussi les logos
du ministère américain de la Justice et de la
Federal Trade Commission.
Hier après-midi, le site internet de l’IOSC
était inaccessible.
L’A MF s’i nquiète d’autant plus que Montréa l r
e c ev r a l e c ongrès de l a vér i t a ble
Organisation internationale des commissions de
valeurs (OICV) l’a n prochain. Le nom pourrait
donc être plus facilement reconnu par certains
investisseurs, craint Mme Beauséjour. « La mise
en garde, c’est un outil de prévention. »
Un autre cas de fraude financière à
Montréal ? - Martin Croteau
Une nouvelle fraude financière pourrait avoir
fait jusqu’à une centaine de victimes à
Montréal, selon deux poursuites déposées à la
Cour supérieure cette semaine. Des investisseurs
soupçonnent Progressive Management Ltd (PML),
une entreprise enregistrée aux Bahamas, de les
avoir fraudés.
Deux investisseurs se sont adressés à la Cour
supérieure pour obtenir 350 000$ de la société.
Ils affirment avoir confié leurs épargnes à PML
pour finalement se rendre compte qu’il
s’agissait d’une coquille vide.
« Les gens investissaient et ils recevaient un
certificat, explique l’avocat des présumées
victimes, Me Jacob Rothman. La plupart
réinvestissaient leurs bénéfices de sorte que
leur perte est totale. La compagnie ne faisait
rien. Elle ne faisait que recueillir de l’argent
et elle le redistribuait probablement parmi ses
dirigeants. »
Entre 60 et 100 petits investisseurs de
Montréal, principalement des membres de la
communauté italienne, ont investi dans PML,
estime Me Rothman.
Les clients qui poursuivent PML disent avoir
confié leurs économies à la compagnie par
l’entremise de conseillers financiers installés
dans la métropole, Lance Townend et Gennaro R.
Natale. Ils accusent ces entrepreneurs d’avoir
servi d’intermédiaires en sachant très bien que
PML n’était pas une institution financière.
L’Autorité des marchés financiers (AMF)
connaissait ces conseillers, selon Me Rothman.
Les investisseurs n’ont rien remarqué d’anormal
jusqu’en 2005, lorsque PML a pris du retard dans
les paiements. En février 2006, l’entreprise a
avisé sa clientèle qu’elle éprouvait des
problèmes et qu’il faudrait deux ans pour les
résoudre. Ce délai échu, les clients n’ont
jamais été en mesure de recouvrer leur mise.
Des bâtons dans les roues
L’avocat n’est pas tendre à l’égard de l’AMF. Il
accuse le chien de garde du marché financier
d’avoir mis des bâtons dans les roues de ses
clients, qui souhaitaient obtenir des
informations en préparant leur poursuite.
« Je suis irrité par l’AMF à cause de son manque
total de collaboration, dénonce-t-il. Elle a
bloqué toutes nos demandes d’information. »
L’organisme gouvernemental a confirmé hier qu’il
mène une enquête sur PML. Mais il s’est fait
avare de détails, refusant même de dire quand il
a reçu sa première plainte.
« Tout ce qu’on peut mentionner, c’est que c’est
une enquête complexe qui concerne des compagnies
extraterritoriales », a affirmé la porte-parole,
Cathy Beauséjour.
Quelques fraudeurs célèbres
Thérèse
Humbert (1856-1918) Vincent Lacroix PHOTO
PATRICK SANFAÇON, ARCHIVES LA PRESSE
D’origine paysanne, cette femme mariée avec le
fils d’un ministre de la IIIe République
française fait croire qu’elle a touché un
énorme héritage. Grâce à ses dires, elle
obtient des prêts, gagés sur cette supposée
fortune. L’escroquerie dure 20 ans. Charles
Ponzi (1882-1949)
Il invente la technique de vente pyramidale
qui porte désormais son nom et devient
millionnaire en six mois. Barings (1995)
Nick Leeson, courtier à l’emploi de la plus
ancienne banque d’affaires britannique,
spécule secrètement avec les comptes de ses
clients. Ses pertes, qui totalisent plus de 1
milliard, entraînent la faillite de la banque
en 1995. Sumitomo Corporation (1996)
Yasuo Hamanaka, de la maison japonaise de
négoce Sumitomo Corporation, a fait perdre 2,6
milliards US à son employeur en faisant des
transactions frauduleuses durant 10 ans,
jusqu’en 1996. Enron (2001)
Sous la direction du PDG Kenneth Lay, les
dirigeants de cette énorme société américaine,
spécialisée dans l’énergie et le courtage,
créent plus de 3000 sociétés
extraterritoriales pour mieux contrôler les
prix de l’énergie. Des pertes colossales sont
masquées par des manipulations comptables
frauduleuses. Plus de 5000 employés perdent
leur travail et les caisses de retraite de
centaines de milliers de petits épargnants
disparaissent presque complètement. WorldCom
(2002)
Bernie Ebbers lance WorldCom et fait une série
d’acquisitions de grandes télécoms à coups de
milliards payés en actions de WorldCom qui ne
valent rien. Ebbers gonfle les comptes de 11
milliards. La faillite sera de 41 milliards.
Société Générale (2008)
Le courtier Jérôme Kerviel fait perdre 4,9
milliards à la banque française Société
Générale par des initiatives non approuvées.
Bernard Madoff (2008)
Le financier Bernard Madoff met sur pied une
chaîne de Ponzi qui fonctionnera pendant des
décennies. Plus de 50 milliards disparaissent.
AuQuébec Norbourg (2005)
Vincent Lacroix, fondateur de l’entreprise de
gestion de fonds de placement Norbourg, est
accusé d’avoir floué 9200 investisseurs en
détournant environ 130 millions de dollars.
Mount Real (2008)
Mount Real était financé à même les fonds
recueillis auprès des investisseurs. La fraude
s’élève à 130 millions. Quelque 1600
investisseurs sont floués.
Le guide de l’escroquerie -
Michel Girard
La
meilleure façon de se protéger contre les Vincent
Lacroix, Bernard Madoff et leurs émules comme le
présumé fraudeur Earl Jones, c’est peutêtre d’en
connaître davantage sur les stratégies et manoeuvres
utilisées par tous ces filous qui veulent notre
bien.
Ce n’est pas moi qui le dis , mais l ’Autor i t é
des marchés financiers (AMF). Chaque année, au
Canada, des milliers d’investisseurs se font voler
des milliards de dollars par les escrocs de la
finance.
Comment ces filous s’y prennent-ils pour nous
siphonner le portefeuille ? La meilleure façon de se
protéger contre les Vincent Lacroix, Bernard Madoff
et leurs émules comme le présumé fraudeur Earl
Jones, c’est peut-être d’en savoir davantage sur les
stratégies et manoeuvres utilisées par tous ces
filous qui veulent notre bien.
Après consultation de plusieurs sources, dont de
nombreuses publications offertes gratuitement par
l’AMF, voici mon guide de l’escroquerie.
Pour
c hacune des astuces décrites plus bas, vous
trouverez un commentaire de ma part. Rappelez-vous
que la prévention ne coûte rien mais… peut rapporter
gros ! 1-Votre partenaire de golf (ou de tennis, de
chasse, de pêche, de boulingrin, de quilles, de
danse sociale…) a obtenu de la part de son courtier
un super tuyau voulant que les actions de
l’entreprise XYZ montent fortement. Pourquoi ? Parce
qu’un important investisseur s’apprêterait à
acquérir un gros bloc d’actions. Il vous invite à y
investir au plus vite. Commentaire : concentrez-vous
sur votre partie de golf ou autre et laissez à votre
partenaire la chance de réaliser lui-même le coup
d’argent. Cela dit, posez-vous la question suivante
lorsqu’on vous donne un tuyau en Bourse à la suite
d’une information privilégiée: pourquoi veut-on me
faire faire un coup d’argent? Se peutil que l’on
veuille faire grimper le titre dans le but de
permettre à certains « véreux » de liquider leurs
actions au prix fort ? 2-Votre conseiller (courtier,
agent d’assurances, représentant en fonds communs de
placement) vous fait une offre que vous ne pouvez
pas refuser selon lui. Vous faites partie des
clients privilégiés à qui il offre la possibilité d’
i nvestir 5000 $, 10 000 $ ou même 25 000$ dans un
placement privé d’une petite pétrolière de l
’Alberta, laquelle devrait bientôt s’inscrire en
Bourse. Des actions à 10 cents, qui devraient valoir
1 $ sitôt que l’entreprise arrivera en Bourse.
Commentaire : demandez-lui combien il a
personnellement investi dans ladite entreprise,
preuves à l’appui. Vous serez au moins deux à vous
enrichir comme Crésus ! Autre question à lui poser:
quel est le pourcentage de sa commission sur la
vente de ce placement privé ? 3-Un membre de votre
famille élargie vous invite à participer à une
soirée d’information pour vous permettre de devenir
vous-même « conseiller » financier et
promoteur/intermédiaire de produits financiers
(assurances, fonds communs de placement, prêts
hypothécaires, etc.). Pas besoin de permis de l’AMF,
vous dit-on. Pour chaque client que vous recrutez,
vous recevrez, promet-on, une quelconque ristourne.
Mieux encore: vous empocherez même des ristournes
sur les clients de vos clients. Payant, le système
pyramidal. Commentaire : non seulement le
traditionnel système pyramidal ou le stratagème à la
Ponzi de Madoff est illégal, mais, en plus, les
risques d’y perdre ses économies sont extrêmement
élevés. Dans un système pyramidal, la clé du succès
financier n’est détenue qu’en haut de la pyramide.
Et vous n’y aurez pas accès… 4-Un ami de l ’ami de
votre ami exploite une firme de placements privés.
Avec l ui, on vous promet que vous obtiendrez un
rendement garanti minimum de 10%. Et ce, à l’abri de
l’impôt. Mais il faut garder secret le nom de
l’entreprise afin de protéger les investisseurs
contre la main du fisc. C’est une sorte de paradis
fiscal. Commentaire : c’est assurément un paradis
fiscal pour votre nouvel ami de la finance, et il
vous en remercie. Et dites adieu à vos épargnes !
5-Vous possédez très peu de connaissances en matière
de placements. La banque avec l aquelle vous faites
affaire ne vous donne rien ou presque comme
rendement sur vos comptes et vos certificats de
placement. Un proche de la famille vous propose de
lui confier vos épargnes pour les placer dans des
placements nettement plus rentables. Commentaire :
ne ratez pas votre chance et dites-lui « non merci
». Cela devrait vous éviter des pertes quasi
garanties ! 6-Votre institution bancaire vous
informe par courriel qu’une mise à jour de votre
compte « X » doit être immédiatement exécutée. À
défaut de cliquer sur le lien informatique, vous
risquez la catastrophe. Commentaire : optez pour la
catastrophe, cela vous fera « économiser » bien des
maux de tête et vous évitera des risques de fraude !
Les tentatives d’hameçonnage et de vol d’identité ou
de renseignements confidentiels sont monnaie
courante sur l’internet. 7-Une firme de placement
vous offre un stratagème pour encaisser vos REER à
l’abri du fisc. Commentaire: on a eu droit ces
dernières années à diverses propositions de
stratagème promettant l’encaissement des REER sans
payer un cent d’impôt à Revenu Québec et Revenu
Canada. Un conseil : passez votre tour et payez vos
impôts.
Les fraudeurs sont reconnus pour être très créatifs.
Voilà pourquoi personne n’est à l’abri d’une fraude.
Mais si on fait preuve d’une pr udence é l é menta i
r e , on peut certes limiter les risques.
Faire affaire uniquement avec des institutions, des
firmes et des conseillers qui détiennent leurs
permis de l’AMF et autres institutions
gouvernementales reconnues ne nous protège pas
entièrement contre les manoeuvres et stratégies
frauduleuses.
Mais cela nous permet de démasquer plus facilement
les f raudeurs et d’avoir certains recours pour
récupérer notre argent.
Au pays des illettrés financiers
- Sophie Cousineau
Les
i mages des i nvestisseurs québécois qui ont été
floués par le conseiller financier Earl Jones sont à
la limite du supportable. Il n’y a évidemment pas
trace de sang. Mais il y a une violence extrême dans
le geste de voler les économies d’une vie, de faire
basculer une existence.
Ces investisseurs se croyaient à l’abri des
intempéries. Du jour au lendemain, ils sont
confrontés à de graves soucis, voire à la pauvreté.
Un choc si terrible que ces victimes abasourdies
semblaient sans voix, dimanche, même si leurs
visages étaient criants de cette angoisse qu’a si
justement dépeinte l’artiste Edvard Munch.
Depuis le début de la crise financière, cette scène
est trop familière. Les retraits des investisseurs
inquiétés de la déroute des marchés ont f ragilisé
les escroqueries des Bernard Madoff et compagnie,
qui reposent sur l’arrivée continue de nouveaux
investisseurs alléchés par des rendements
mirobolants. Un à un, ces systèmes de vente
pyramidale s’effondrent comme des châteaux de
cartes.
Comment ces i nvestisseurs ont-ils pu se faire duper
à se point ? se demande-t-on. Vrai, Earl Jones
savait se montrer charmant et persuasif, racontent
ceux qui croyaient le connaître. Vrai, il avait su
gagner au fil des ans la confiance de sa clientèle
dans l’ouest de Montréal et ailleurs au Canada.
Pourtant, un coup de fil à l’Autorité des marchés
financiers aurait suffi, ai-je entendu toute la fin
de semaine aux nouvelles. La police des marchés
encadre le travail de tous les professionnels qui
sollicitent des clients afin de faire fructifier
leurs épargnes. Si Earl Jones ne s’était pas
enregistré auprès de l’Autorité, c’est que sa
pratique était forcément louche.
Mais, combien de gens y songeraient spontanément? La
réalité, c’est qu’on se documente souvent plus avant
d’acheter un chien que lorsqu’on choisit la firme à
qui l’on confiera ses économies. Bref, à bien des
égards, nous sommes des illettrés financiers.
Se faire pigeonner est souvent très lourd de
conséquences, alors que les gouvernements sont de
plus en plus fauchés et que les entreprises se
désengagent de la retraite de leurs employés.
Diviser ses avoirs entre plus d’un gestionnaire.
Vérifier avec qui on traite. Diversifier ses
placements. Ne pas miser sur des produits financiers
qui sont si complexes qu’on en comprend mal les
rouages. C’est le b. a.ba. Pas besoin d’être rompu
aux subtilités des produits dérivés exotiques. Mais
il faut au moins connaître quelques principes
rudimentaires en finances.
C’est l’une des raisons pour lesquelles le ministre
fédéral des Finances, Jim Flaherty, a lancé, à la
fin de juin, un groupe de travail sur l’éducation
financière.
L’objecti f est noble. Faire en sorte que les
Canadiens s’y retrouvent lorsqu’ils financent l
’achat d’une maison, qu’ils magasinent leur carte de
crédit ou qu’ils économisent pour leurs vieux jours.
Bref, qu’ils soient plus avertis.
Le
problème, c’est le comment. C’est ce que ce groupe
présidé par Donald Stewart, chef de la direction de
la Financière Sun Life, doit déterminer. Ce comité
de 13 membres, au nombre desquels se trouvent
Jacques Ménard (BMO Nesbitt Burns), Marcel Côté
(Secor Conseil) et Jean Vincent (Société de crédit
commercial autochtone), doit faire rapport à
l’automne de 2010.
Clairement, ce n’est pas en produisant un dépliant
et une courte vidéo que l’on rejoindra les
Canadiens, encore moins changer leurs habitudes
financières et leurs comportements, comme le recours
excessif au crédit.
Toutefois, une recension récente de la recherche
universitaire pour le compte de la Financial
Services Authority, l’autorité réglementaire du
Royaume-Uni, qui a aussi fait de l’éducation
financière une priorité, démontre qu’on ne sait pas
trop comment s’y prendre. Conférences en milieu de
travail, formations, site web?
Pis, même si on le soupçonne intuitivement, on est
incapable de prouver qu’une meilleure éducation
financière aide les citoyens à devenir des
consommateurs plus futés de services financiers,
conclut la chercheuse Adele Atkinson de l’Université
Bristol.
Ce que l’on sait de façon certaine, c’est que les
bonnes habitudes se prennent tôt. Ainsi, l’école est
la meilleure façon de rejoindre tout le monde,
puisque les destins se séparent ensuite. Dans le
contexte, il est complètement aberrant que le
ministère québécois de l’ Éducation ait choisi de
faire disparaître, à compter de la prochaine
rentrée, le cours d’éducation économique. Ce cours
était obligatoire au secondaire depuis 1982.
Les rudiments de l’économie seront dorénavant
enseignés dans un cours intitulé Monde contemporain,
sorte de fourre-tout de sciences humaines où il sera
aussi question de géographie, de politique et
d’histoire. Mais, tout ce qui a trait à la
consommation a été évacué de ce cours axé sur
l’actualité, comme le rapportait récemment ma
collègue Stéphanie Grammond.
Le Ministère invite les professeurs à intégrer des
notions de consommation dans les cours de français,
de mathématiques et d’anglais. Mais comme personne
n’y est tenu, les résultats seront assurément
inégaux.
Pis, comme le rapporte Adele Atkinson, c er t a i
nes ét udes démontrent qu’enseigner les finances
personnelles durant un cours de mathématiques
n’assure pas une bonne éducation financière tout en
nuisant à l’apprentissage des maths !
Bref, s’il fallait donner une note, le Québec serait
vraisemblablement recalé comparé à la
Colombie-Britannique, où tous les élèves de la
dixième année sont tenus de suivre un cours de
finances personnelles.
Évidemment, une bonne éducation financière ne
remplace pas une réglementation qui a des dents et
des commissions des valeurs mobilières qui veillent
au grain. Mais, comme le veut le dicton, on n’est
jamais aussi bien servi que par soi-même.
Un scandale qui profitera aux
grandes institutions financières ?
- Vincent Broussot-Pouliot
Les grandes institutions financières ont leurs
défauts. Mais en cas de fraude, elles ne sont
pas souvent insolvables et introuvables comme le
financier montréalais Earl Jones, soupçonné
d’avoir détourné jusqu’à 50 millions de dollars
des poches de ses clients.
La Banque Nationale estime offrir « un
environnement plus serré et plus sécuritaire » à
ses clients que les petites firmes privées de
gestion de patrimoine.
« Lorsqu’il y a des fraudes, les grandes
institutions prennent la situation en main et
gèrent la fraude parce que leur réputation est
en jeu, dit Denis Dubé, porteparole de la Banque
Nationale. Les grandes institutions ont les
reins assez solides pour gérer de telles
fraudes. Le meilleur exemple, c’est la crise du
papier commercial alors que la Banque Nationale
a racheté deux milliards de dollars aux petits
investisseurs et aux clients commerciaux qui
répondaient aux critères de notre offre. Les
petits investisseurs n’ont pas perdu un sou à
cause du papier commercial. »
L’an dernier, la Banque Nationale a acquis
quatre firmes privées de gestion de patrimoine –
Groupe financier Everest au Québec, Groupe
Option Retraite au Québec et en Ontario, Aquilon
Capital en Ontario, Bieber Securities au
Manitoba – en plus de devenir actionnaire à 15%
de Wellington West, une firme du Manitoba.
« Ces f i r mes ont décidé de joindre un grand
groupe comme la Banque Nationale car elles
avaient des difficultés à accroître leur
clientèle dans la foulée des scandales
financiers malgré leur excellente réputation,
dit Denis Dubé. La Banque Nationale offrait la
réputation et la confiance d’une grande
institution. »
Desjardins n’a pas avalé de firmes de gestion de
patrimoine comme son concurrent, mais le
mouvement coopératif remarque que les grandes
institutions financières gagnent la faveur des
investisseurs depuis deux ans.
« Les gens sont ébranlés par les cas de fraude
(…) et nous vendons de la confiance, dit André
Chapleau, porte-parole du Mouvement Desjardins.
Nous avons une réputation et nous voulons
protéger nos membres. Il y a un sentiment de
sécurité plus grand dans les grandes
institutions financières même si la grande
majorité des planificateurs financiers dans des
petites firmes ou à leur compte sont honnêtes et
compétents. »
Selon l’Autorité des marchés financiers, les
scandales Lacroix, Madoff et Jones entachent la
réputation de toute l’industrie des services
financiers, du planificateur à son compte aux
institutions qui brassent des milliards. « C’est
dommage pour la réputation des conseillers
financiers qui, dans la très grande majorité,
font de l’excellent travail, sont inscrits
auprès des autorités compétentes et travaillent
en toute légalité », dit Sylvain Théberge,
porte-parole de l’AMF.
Des planificateurs financiers veulent
un ordre professionnel - Vincent
Broussot-Pouliot
«
Avec un ordre professionnel, ce ne serait pas long
qu’il y aurait des poursuites pour exercice illégal.
»
Dans la foulée des scandales financiers comme la
présumée fraude commise par Earl Jones, des
planificateurs financiers demanderont au
gouvernement Charest de leur créer un ordre
professionnel.
L’Institutquébécoisdeplanificationfinancière(IQPF),
organisme qui regroupe 4742 planificateurs
financiers, rencontrera la ministre de la Justice du
Québec, Kathleen Weil, d’ici la fin de l’été. Cette
rencontre était prévue depuis plusieurs mois – soit
bien avant l’éclosion de l’affaire Earl Jones la
semaine dernière –, mais l’organisme compte se
servir du dernier scandale financier québécois afin
de convaincre la ministre Weil de créer un ordre
professionnel pour les planificateurs financiers.
«
Avec un ordre professionnel, ce ne serait pas long
qu’il y aurait des poursuites pour exercice illégal,
dit Jocelyne Houle-LeSarge, directrice générale de
l’IQPF. Il me semble que ce serait pas mal plus
gênant pour un ordre professionnel que pour les
organismes actuels de réglementation. »
Au cabinet de la ministre Weil, on affirme que la
création d’un ordre professionnel pour les
planificateurs financiers est un scénario «
prématuré », dit Philippe Archambault, attaché de
presse de la ministre Weil, actuellement en vacances
à l’extérieur du pays.
Les planificateurs financiers sont présentement
régis par trois organismes au Québec. L’Autorité des
marchés financiers (AMF) délivre les permis
d’exercice, l’IQPF supervise la formation de base
(trois ans d’études universitaires), fait passer un
examen obligatoire à l’obtention du titre de
planificateur financier et donne la formation
continue (40 heures aux deux ans), tandis que la
Chambre de la sécurité financière s’occupe des
questions déontologiques. Voir page 4
À la lumière des récents scandales financiers,
l’IQPF estime que cette structure est devenue trop
lourde, surtout lorsqu’une personne se fait passer
pour un planificateur financier ou fait des gestes
réservés exclusivement aux planificateurs
financiers. Dans le cas d’Earl Jones, qui se
présentait comme un « conseiller administratif »,
l’AMF tente de déterminer s’il a fait des gestes
réservés aux planificateurs financiers. Earl Jones,
qui aurait détourné entre 30 et 50 millions de
dollars des poches de ses clients selon l’AMF, ne
détenait pas de permis d’exercice de l’AMF.
En 2008, l’Office des professions du Québec avait
recommandé au gouvernement Charest de ne pas fonder
d’ordre professionnel pour les planificateurs
financiers après examen de la demande de l’ IQPF.
L’Office estimait que les planificateurs financiers
répondaient à tous les critères pour obtenir un
ordre professionnel, mais qu’ils étaient déjà soumis
à toute la réglementation nécessaire afin de bien
protéger le public.
« Il
y a un avantage de créer un ordre professionnel si
vous n’êtes pas encadrés sur le plan juridique, mais
ce n’est pas le cas des planificateurs financiers
qui sont déjà encadrés par l’AMF et la Chambre, a
dit Jean Paul Dutrisac, président de l’Office des
professions du Québec, hier en entrevue à La Presse
Affaires. En plus, 95 % des organismes qui ont
comparu nous décourageaient à créer un ordre
professionnel pour les planificateurs financiers. »
L’AMF et la Chambre de la sécurité financière se
sont notamment opposées au projet d’ordre
professionnel.
André Buteau, ancien président de l’IQPF qui a
travaillé sur la demande de l’organisme à l’Ordre
des professions du Québec, n’est pas d’accord avec
sa recommandation au gouvernement. « Un ordre
professionnel ne règle pas tous les problèmes, mais
il permet de tout rassembler sous un même toit. Un
organisme est généralement mieux géré quand il est
intégré. Un ordre professionnel serait aussi plus
insistant sur la question de l’exercice illégal »,
dit le planificateur financier à La Financière
Liberté 55.
Madoff, mode d’emploi -
Ariane Krol
Comment peut-on manipuler des dizaines
d’investisseurs durant des décennies sans être
inquiété ? C’est la question que tout le monde se
pose aujourd’hui au sujet de Bertram Earl Jones, un
gestionnaire de l’Ouest-de-l’Île soupçonné d’avoir
détourné 30 à 50 millions des comptes de ses
clients. On se demandait la même chose au sujet de
l’escroc américain Bernard Madoff. Et dans les deux
cas, on retrouve des éléments de réponse similaires.
Un mélange de nature humaine et de mécanismes de
surveillance déficients.
Il faut avoir parlé aux clients d’Earl Jones pour
comprendre à quel point il était normal qu’ils lui
fassent confiance. Et que c’est dans ce genre de
situation, justement, qu’un investisseur et son
entourage devraient se méfier.
La Corporation Earl Jones avait ses bureaux dans une
grosse tour miroitante de Pointe-Claire. Elle
s’annonçait aussi dans les pages jaunes. Mais ses
présumées victimes n’arrivaient pas là par hasard.
Elles connaissaient le gestionnaire personnellement,
parfois depuis des dizaines d’années, ou lui avaient
été recommandées par des proches qui le
fréquentaient depuis longtemps. L’homme jouissait
d’une confiance telle, qu’aucun de ses clients,
avant la semaine dernière, n’avait jamais posé la
moindre question à son sujet à l’Autorité des
marchés financiers (AMF). Et pourquoi l’auraient-ils
fait ? Jusqu’à récemment, tout semblait marcher
comme sur des roulettes. Earl Jones réglait les
successions, faisait fructifier l’argent, expédiait
les chèques, payait les impôts et envoyait des états
de compte faisant état des rendements. Une grande
partie de la clientèle se composait de retraités,
parmi lesquels beaucoup de veuves. Pas exactement le
genre de personnes à chercher des poux sans raison.
Voilà pour la nature humaine.
Les
mécanismes de surveillance, maintenant. Les clients
se sont fait asséner coup sur coup deux nouvelles
accablantes. Non seulement les comptes bancaires
sont-ils vides, mais ils ne peuvent rien espérer au
Fonds d’indemnisation des services financiers, car
Earl Jones n’était pas enregistré auprès de l’AMF.
Sauf que l’organisme n’est pas seul en cause. Car
s’il est responsable d’épingler les imposteurs, il
ne devrait pas être le seul à les détecter. On a
reproché bien des choses à l’AMF, et à la Commission
des valeurs mobilières qui l’a précédée. Mais on ne
peut pas lui demander de repérer seule tous les
individus qui se prétendent conseillers financiers
sans en avoir le droit. D’autres aussi devraient
tirer la sonnette d’alarme.
La Cor porat ion Ea rl Jones était inscrite comme «
conseiller administratif et financier » auprès du
Registre des entreprises depuis près de 15 ans.
Comment une firme peut-elle obtenir une
reconnaissance officielle de ses activités sans que
l’organisme chargé de les encadrer n’en soit au
moins informé? C’est inacceptable.
Si le gouvernement québécois veut vraiment protéger
les investisseurs, il doit faire beaucoup plus
d’efforts pour stopper les faux conseillers
financiers. Surtout ceux qui s’affichent ouvertement
comme tel auprès de ses ministères ou dans les pages
jaunes!
En attendant, les investisseurs qui n’ont jamais
vérifié si leur conseiller est en règle auprès de
l’AMF devraient le faire immédiatement. Surtout
s’ils ont toujours eu confiance totale en lui.
Deux comptes de Jones vidés 24 heures
avant que ses actifs soient gelés
Deux
comptes de banque appartenant à Earl Jones ont été
fermés à peine 24 heures avant que l’Autorité des
marchés financiers (AMF) gèle ses actifs, affirme
l’avocat JeanPaul Robitaille, qui défend une
investisseuse f louée par l’ex-financier.
Me Robitaille a reçu un rapport l’avisant que le
financier déchu avait fermé – ou fait fermer – ses
deux comptes à la Banque de Montréal le jeudi 9
juillet.
Ce j our-là, Me Robita i l le devait s’adresser à la
Cour supérieure pour lui demander de geler
sur-le-champ les actifs d’Earl Jones. Sa cliente,
Pamela Stewart , de PointeClaire, soupçonnait que
les 6,5 millions que sa famille lui avait confiés
étaient en péril.
L’avocat n’a toutefois pas été en mesure de
présenter sa requête au tribunal, qui était fort
occupé. Il y est retourné le lendemain matin, le
vendredi 10 juillet, et a obtenu une ordonnance.
Mais peu après, lorsqu’il s’est présenté à la banque
pour faire saisir les comptes de Jones, il a appris
qu’ils avaient été vidés la veille.
« Mes saisies ont été faites le 10 juillet et les
comptes avaient été fermés le 9 juillet », affirme
Me Robitaille.
Il ignore combien d’argent contenaient les comptes
de la Banque de Montréal avant leur fermeture. Le
solde était à 0 $ lorsqu’il s’est présenté à
l’institution financière. La seule somme qu’il a
réussi à confisquer est un chèque de 105,48 $ à
l’ordre de la Corporation Earl Jones.
«
Est-ce que c’est Earl Jones qui a fermé les comptes?
Estce que c’est quelqu’un d’autre ? Je ne sais pas
», a indiqué Me Robitaille.
Jones sentait-il la soupe chaude lorsque ses comptes
ont été fermés ? « Je pense que oui », a répondu
l’avocat.
L’AMF déjà alertée
Le 10 juillet, le jour où Me Robitaille a tenté de
saisir les comptes d’Earl Jones, l’AMF a annoncé
qu’elle gelait les actifs du financier, qu’elle
soupçonne d’avoir orchestré une fraude pyramidale de
30 à 50 millions.
L’organisme dit avoir été alerté par des
investisseurs inquiets deux jours plus tôt, le 8
juillet. C’était 24 heures avant que les deux
comptes d’Earl Jones à la Banque de Montréal soient
fermés.
Les autorités ont également saisi deux comptes à la
Banque Royale, mais ils ne contenaient que très peu
de fonds.
AFFAIRES
EARL JONES Retours forcés au travail et chocs - Martin
Croteau
«
L’adrénaline va baisser à un moment donné et des
problèmes personnels vont se manifester. »
Mary Jane Taylor est de retour sur le marché du
travail bien malgré elle. Cette Ontarienne de 62 ans
espérait couler une retraite paisible en compagnie de
son époux. Jusqu’à ce qu’elle apprenne que les 400
000$ qu’elle avait confiés au financier déchu Earl
Jones se sont probablement volatilisés.
« C’est tout un changement de vie, a confié la
résidante d’Ingleside, près de Cornwall. Il faut que
je retourne travailler. Je vivais sur les intérêts de
mon capital, et j’avais une petite pension chaque
mois. Maintenant, je n’ai plus rien. »
Comme elle, des dizaines d’investisseurs floués ont
afflué dans un hôtel de Pointe-Claire, hier matin,
afin de prendre connaissance des services publics qui
sont à leur disposition. Car une fois le choc initial
de la nouvelle passé, plusieurs victimes du présumé
escroc ont gravement besoin d’un coup de main.
« Nous sommes au courant qu’il y a au moins six
familles qui sont vraiment sans argent du tout », a
expliqué Me Neil Stein, l’avocat du séquestre RSM
Richter, l’entreprise chargée de liquider les actifs
d’Earl Jones.
Ces
personnes ont d’ailleurs joint l’organisme Jeunesse
au Soleil afin d’obtenir de l’aide. Mais d’autres
types de problèmes risquent fort de se manifester
dans les prochaines semaines.
« Une fois que le choc initial est passé, une fois
que des informations créent une certaine accalmie
sur le plan de notre situation financière, là on
commence à ressentir plus de stress, plus de
difficultés de sommeil, plus de difficultés
d’alimentation », explique Claude Girouard, chef de
projet au Centre de santé et des services sociaux de
l’Ouest-de-l’Île.
M. Girouard a participé à l’assemblée d’hier matin
afin d’expliquer aux investisseurs floués les
services qui sont à leur disposition. Car plusieurs
commencent déjà à ressentir les contrecoups de cette
crise.
Au cours des derniers jours, Margaret Davis a appris
que les 120 000$ qu’elle a confiés à Earl Jones ont
été prêtés à d’autres clients du financier. Et
ceux-ci n’auraient jamais été informés de ces prêts.
L’une des signatures au contrat aurait même été
forgée.
«
Tout ce que je possédais est parti », a soupiré Mme
Davis.
Mais à ses soucis financiers s’ajoutent ceux de sa
santé. Depuis qu’elle a été mise au courant de
l’affaire, elle souffre d’attaques de panique, a-telle
confié. Elle a consulté son médecin, et elle doit
maintenant prendre des médicaments pour retrouver le
calme.
Le cas de Mme Davis pourrait bien n’être que la pointe
de l ’ iceberg, a convenu Ann Davidson, du Centre de
ressources communautaires de l’Ouest-de-l’ Île. Son
organisme a fait circuler un sondage pendant la
réunion d’hier, afin d’en savoir davantage sur l’état
de santé des victimes d’ Earl Jones.
« L’adrénaline va baisser à un moment donné et des
problèmes personnels vont se manifester », a-t-elle
prédit.
Mais
pour l’heure, elle ignore quelles difficultés
attendront les victimes dans les prochaines s e ma i
nes . « Auront-i l s besoin d’une aide alimentaire ?
Au r o n t - i l s b e s o i n d ’ a i d e pour payer
leur hypothèque ? Peuvent-ils se permettre d’acheter
leurs médicaments ? »
L a S û r e t é d u Québec a confirmé hier qu’elle
mène l’enquête sur la présumée fraude, dont la somme
sera confirmée le mois prochain, mais que l’Autor i t
é des marchés f i nanciers estime entre 30 à 50
millions.
Une aide de Québec?
Par ailleurs, deux membres du gouvernement Charest ont
assisté à l’assemblée des investisseurs, hier. Mais le
député Geoff Kelley et la ministre Yolande James
estiment qu’il est trop tôt pour savoir si Québec
donnera un coup de pouce financier aux clients d’Earl
Jones.
« Il est trop tôt pour répondre à cette question, a
indiqué M. Kelley. Nous devons d’abord savoir ce qui
s’est passé. »
ON NE SAIT PAS S’IL RESTE DE L’ARGENT
» - Francis Vailles et Martin Croteau
Des
dizaines d’investisseurs qui avaient confié leur
argent à Earl Jones, certains depuis plusieurs
décennies, sont inquiets. Et le financier
montréalais, soupçonné d’avoir détourné entre 30 50
millions de dollars, reste introuvable.
« Nous avons été informés par les ministères
provincial et fédéral du Revenu que nous leur devons
30 000$ et nous n’avons plus d’argent. Comment
allons-nous les payer ? »
Sue Brown devra sans doute retourner travailler à
temps plein. Les 250 000$ qu’elle avait
minutieusement accumulés depuis 25 ans sont
probablement partis en fumée. Plusieurs investisseurs qui
ont fait affaire avec Earl Jones ont assisté hier
à une séance d’information avec des avocats, des
enquêteurs de la police et de l’Autorité des
marchés financiers.
« On ne sait pas s’il reste de l’argent, a confié la
résidante de Beaconsfield. Je ne pense pas, mais
j’espère. »
Des chèques sans provision, des amitiés trahies, des
centaines de milliers de dollars disparus, chacune
des 100 personnes rassemblées au sous-sol d’un hôtel
de Pointe-Claire avait une histoire d’horreur à
raconter, hier. Ces personnes, pour la plupart
retraitées, avaient toutes le même nom au bout des
lèvres: Earl Jones, le financier montréalais
soupçonné d’avoir détourné entre 30 et 50 millions.
« Les finances vont être très serrées, a soupiré Sue
Brown. Après 25 ans d’économie de sous, tout est
perdu. Et j’ai une hypothèque de 200 000$ sur ma
maison. »
Au cours d’une séance d’information avec des
avocats, des enquêteurs de la police et de
l’Autorité des marchés financiers, des investisseurs
qui avaient fait confiance à Earl Jones ont raconté
comment les chèques qu’il leur envoyait avaient
commencé à vincial et fédéral du Revenu que nous
leur devons 30 000$ et nous n’avons plus d’argent,
a-t-elle dénoncé. Comment allons-nous les payer? »
Pendant ce temps, Earl Jones reste introuvable.
L’AMF a fait geler les actifs de son entreprise,
ainsi que deux comptes bancaires. Mais il n’est pas
impossible rebondir dans les derniers mois. Il
aurait refusé de fournir des relevés de compte à
certains clients.
Une
dame âgée a affirmé que Jones, qui gérait ses
placements, l’aurait même laissée avec une dette
colossale. « Nous avons été informés par les
ministères proqu’il ait placé de l’argent à
l’extérieur du pays, des sommes auxquelles il
pourrait avoir accès.
La pluie tombait abondamment sur le stationnement de
son condo, chemin Bord-du-Lac à Dorval, samedi
après-midi. Deux messages étaient placés sous les
essuie-glaces de sa BMW argentée. Certains voisins
ont affirmé ne rien connaître sur M. Jones. D’autres
ont raccroché lorsque La Presse les a interrogés.
Le financier possède aussi un condo à
Mont-Tremblant. Sa jardinière là-bas, Danielle
Manouvrier, a indiqué que M. Jones et sa femme lui
doivent plus de 3000$ depuis plusieurs
semaines.
Toutes les allures d’une fraude - Francis
Vailles
L’affaire Earl Jones a toutes les allures d’une
fraude majeure, selon le séquestre intérimaire nommé
par le tribunal, RSM Richter. Le document fait état
de faux prêts, de signatures contrefaites et
d’emprunts aux motifs douteux.
Une requête déposée vendredi après-midi par RSM
soutient que la Corporation Earl Jones, conseiller
administratif a participé « à un stratagème à la
Ponzi depuis plusieurs années avec ses actifs sous
gestion ».
La Corporation, active depuis 1984, gérait
d’abord et avant tout des successions
testamentaires. Le séquestre en a recensé 96,
actives ou non.
PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE
L’inquiétude se lisait
hier sur les visages de ceux et celles qui ont
confié leur argent au financier Earl Jones.
Ces dernières années, Earl Bertram Jones s’était
donc vu confier la liquidation des biens de
diverses familles dans le cadre d’un héritage.
Plutôt que d’empocher la somme héritée, les
familles acceptaient souvent de la faire gérer
par la Corporation et de recevoir une rente
régulière tirée des fruits de l’héritage.
Les problèmes ont émergé ces dernières semaines
lorsque les banquiers ont cessé d’honorer les
chèques émis par la Corporation.
En plus de successions, Earl Jones s’était
greffé une clientèle d’investisseurs
traditionnels. C’est le cas de la famille
Gibson, de Westmount, dont fait état la requête.
La Corporation gérait leurs fonds communs, mais
également des « investissements spéciaux ». Ce
sont ces « investissements spéciaux » qui posent
problème, notamment.
Par exemple, Earl Jones a demandé à la famille
Gibson d’allouer des prêts à diverses
successions soi-disant parce qu’elles avaient
des problèmes de liquidités liés au processus de
liquidation testamentaire. La famille Gibson a
ainsi prêté 675 000$ à sept successions à un
taux d’intérêt de 12%, à court terme.
Aujourd’hui , les successions emprunteuses
apparaissent incapables de rembourser ces
dettes.
Dans un autre cas, la requête fait plutôt état
d’un prêt de 125 000 $ alloué par l’investisseur
Robert Hausner à la famille Gibson à un taux
d’intérêt de 18%. Or, la famille Gibson n’a
jamais été mise au courant de ce prêt qui lui
aurait été fait. Qui plus est, le document de
Robert Hausner porte la signature des deux
Gibson, mais ces derniers soutiennent qu’ils
n’ont jamais signé un tel document, qu’il s’agit
de signatures contrefaites.
La police de Montréal et la Sûreté du Québec
enquêtent sur la fraude présumée. « On ne peut
pas encore dire que tout est frauduleux;
peut-être que les choses ont mal tourné et que
M. Jones a essayé de trouver des solutions pour
repayer. Mais il semble qu’il y ait certains
éléments qui peuvent constituer des actes
criminels », dit Neil Stein, l’avocat du
séquestre RSM Richter.
Cette dernière entreprise devrait être chargée
de liquider les actifs de la Corporation Earl
Jones et de redistribuer les fonds aux
investisseurs, s’il en reste.
Lié à une autre affaire ?
Par ailleurs, Neil Stein a constaté que parmi
les dossiers de successions, « 90% des
testaments ont été préparés par le bureau
d’avocats dont faisait partie Gordon McGilton ».
Or, l’ex-avocatGordonMcGilton a été condamné à
15 mois de prison, en avril 2007, pour des
fraudes s’élevant à 1,7 million, notamment dans
le domaine des successions. Les deux ex-associés
de M. McGilton dans le bureau d’avocats n’ont
pas été inculpés dans cette affaire, mais ils
ont été poursuivis en responsabilité solidaire
par des victimes de Gordon McGilton.
La présumée fraude en questions
- Francis Vailles
QQui
sont l es victimes ? R Lesvictimessontdes
familles qui avaient confié l’administration de
successions testamentaires et des investisseurs qui
ont fait des prêts par l’entremise de la Corporation
Earl Jones, conseiller administratif. Pour le
moment, le séquestre estime que la Corporation avait
dans ses livres 96 successions, actives ou non, de
même que 15 à 30 prêteurs ou investisseurs,
peut-être plus. Il s’agit généralement de familles
anglophones. QQuelles
en jeu? R L’AMF estime que l’actif sous gestion de
la Corporation pourrait s’élever à entre 30 et 50
millions de dollars. Le décompte est encore
imprécis, cependant, et il n’est pas clair que la
fraude
sont les sommes présumée porte sur cette somme ou
sur une partie. L’avocat Neil Stein, qui représente
le séquestre intérimaire nommé pour gérer la
Corporation, ne croit pas qu’il s’agit d’une somme
aussi importante à la lumière des rencontres qu’il a
eues avec les investisseurs. QQuand
les autorités ont-elles été mises au courant ? R
L’AMF a reçu ses premiers appels d’investisseurs
mercredi dernier. C’est quelques semaines après que
les investisseurs eurent constaté que les chèques
qu’ils avaient reçus venant de la Corporation
étaient sans provision. Le gestionnaire Earl Jones
n’était pas enregistré auprès de l’AMF. QQue
se passe-t-il maintenant du point de vue légal ? R
La Cour supérieure a nommé d’urgence un séquestre
intérimaire, RSM Richter. Ce séquestre est chargé de
prendre possession des comptes, des locaux et des
documents de la Corporation, qui a ses bureaux à
Pointe-Claire. La nomination du séquestre devra être
réévaluée par la Cour supérieure mercredi et
pourrait devenir permanente. QY
aura-t-i l une fai l l i te ? R La Corporation Earl
Jones est présumée insolvable. Une requête en
faillite sera entendue le 29 juillet en Cour
supérieure. Au terme de la faillite, si des fonds
sont récupérés, ils seront redistribués aux
créanciers. QO ù sont les fonds
manquants? R Pour l’instant, on ne sait pas où est
l’argent. Les autorités ont reçu ordre du tribunal
des valeurs mobilières de bloquer les comptes d’Earl
Jones et de sa Corporation. Deux comptes ont été
trouvés, à la Banque Royale, mais ils contiennent
peu de fonds. QPourquoi
parle-t-on d’un stratagème à la Ponzi ? R Un
stratagème à la Ponzi est un genre de fraude
pyramidale popularisé aux États-Unis par l’Italien
Charles Ponzi, au début des années 1900. Selon les
autorités, il appert que des investisseurs de la
Corporation Earl Jones se voyaient payer leurs
rendements non pas avec des placements, mais avec
l’argent d’autres investisseurs. QOù
est Earl Bertram Jones ? R Le gest ionna i re de la
Corporation a disparu. Ses bureaux de Pointe-Claire
sont fermés et il ne répond pas à sa résidence de
Dorval. La police de Montréal et la SQont entrepris
une enquête pour fraude, mais nous ignorons s’il
fait l’objet d’un mandat d’arrestation international
« Il avait une touche de velours » - Martin
Croteau
Earl
Jones a bâti sa clientèle par le bouche à oreille
« Ma mère semble avoir vécu de ses rentes pendant
des années sans jamais réaliser que sa source de
revenu était une fiction. »
Pour André Thiem, Earl Jones n’était pas un
gestionnaire de placements, c’était un ami. Sa
famille le connaît depuis 1965. Comme des dizaines
d’autres investisseurs, ils ont fait confiance au
financier pendant des décennies. Pour finalement
apprendre qu’il est soupçonné de les avoir floués.
« C’était un très bon gars, comme un oncle pour moi
», raconte M. Thiem, rencontré hier à l’assemblée
des investisseurs de la Corporation Earl Jones. Sa
mère Ruth, 74 ans, craint d’avoir perdu 200 000$.
Si l’on ignore où se trouve M. Jones, on en sait
davantage sur ses méthodes, lui qui a géré des
successions et des placements pendant 25 ans sans
jamais s’enregistrer auprès des autorités. Il a bâti
sa clientèle par l’entremise de ses nombreuses
relations dans la communauté de l’ouest de Montréal.
Jerry Coughlin a grandi dans la métropole, mais
habite maintenant Boston. Sa mère Mary, 77 ans, a
confié toutes ses économies à Earl Jones après la
mort de son mari. Elle l’avait rencontré alors
qu’elle suivait un cours sur les femmes et la
finance, dans les années 80. Jones était l’un de ses
professeurs.
« I l avait une touche de velours, relate M.
Coughlin. Il semble avoir gagné la confiance des
gens au point de les convaincre de lui donner des
sommes immenses. »
Mme Coughlin a vendu deux maisons après le décès de
son mari. Elle a confié tout l’argent à Earl Jones,
qui lui versait chaque mois une rente pour payer son
loyer et subvenir à ses besoins. Depuis 25 ans, tout
semblait marcher sur des roulettes.
«
Elle semble avoir vécu de ses rentes pendant des
années sans jamais réaliser que sa source de revenu
était une fiction », rage Jerry Coughlin.
Propriétaire d’une entreprise horticole, Danielle
Manouvrier a été embauchée à maintes reprises par
les Jones pour l’aménagement de leur propriété à
Mont-Tremblant.
« Depuis quatre ans,
ils payaient rubis sur l’ongle, relatet-elle. Comme
ce sont des amis de mes parents, nous nous sommes
liés d’amitié. »
Sa mère a confié 80 000$ à Earl Jones. Danielle
Manouvrier, elle, craint d’avoir perdu 20 000$.
« C’est l’argent pour la retraite, a-t-elle dénoncé.
On comptait acheter de l’immobilier avec ça,
justement parce qu’on fait plus ou moins confiance
au marché financier. Ça confirme justement ce qu’on
pense. »
Mais le financier ne faisait pas l’unanimité,
surtout chez les plus jeunes investisseurs.
« J’ai rencontré cinq ou six personnes qui me disent
qu’ils ne lui ont jamais fait confiance, dit Kevin
Curran, l’un des organisateurs de la rencontre
d’hier. Ils en ont parlé à leurs parents, mais leurs
parents ne voulaient pas les écouter car ils le
respectaient énormément. »
Earl Jones aurait fraudé son propre frère
Le
conseiller financier Earl Jones, soupçonné d’avoir
détourné jusqu’à 50 millions de dollars des poches
de ses clients, aurait fraudé son propre frère.
En
entrevue au réseau CTV, hier soir, le frère aîné
du financier a affirmé avoir tout perdu à cause de
lui . Bevan Jones dit être sans nouvelles de son
frère depuis un mois. Il ne l’aurait pas appelé le
jour de son 70e anniversaire, la semaine dernière.
Bien qu’il se sente trahi, Bevan Jones s’est dit
prêt à pardonner à son frère et l’a invité à se
rendre aux policiers.
Norbourg : Chaque jour, j’y
pense - François Leblanc
Un investisseur se demande quelle vie il
aurait si Vincent Lacroix ne l’avait pas volé
il y a quatre ans
L’auteur est un des investisseurs floués par
Vincent Lacroix. M. Vi ncent Lacroix, voici
maintenant q u a t r e a ns que vous avez
bousculé ma vie. C’est le 25 août 2005 que le
pot aux roses a éclaté et que j’ai compris que
vous aviez dilapidé une partie fort
significative du patrimoine de ma mère et de
ma conjointe et du mien.
PHOTO FRANÇOIS ROY, ARCHIVES LA
PRESSE
Pour François Le
Blanc, Vincent Lacroix ne peut se
scandaliser d’être accueilli par les
journalistes à son arrivée à sa maison de
transition.
J’aimerais que vous compreniez comment vos
viles actions ont pu avoir de l’influence fort
négative dans la vie de vos victimes. En
effet, ma mère, ma conjointe et moi avions
confié nos économies à une des sociétés que
vous avez achetées, en vous servant
vraisemblablement de l’argent d’autres
épargnants.
Nos placements étaient diversifiés en
obligations, en actions de première qualité (
canadiennes et étrangères. En principe, il
s’agissait de portefeuilles comme les
spécialistes en investissement conseillent :
pas trop risqués, mais avec la possibilité de
participer à la croissance économique. Donc
des placements qui devaient assurer un certain
degré de confort matériel à ma mère qui est en
centre d’accueil, victime d’un parkinson
avancé, et une retraite confortable à ma
conjointe et à moi dès cette année.
Mais voilà, vous avez fait le ménage de
plusieurs centaines de milliers de dollars
dans nos comptes d’investissements et nous
sommes maintenant placés dans une situation où
la « liberté 55 » ne fait plus partie de la
donne. Conséquemment, nous devrons
probablement travailler jusqu’à 65 ans, alors
que ma mère ne pourra pas s’offrir certaines
des petites douceurs auxquelles elle aspirait
en cette dernière étape de sa vie.
Vous
comprendrez que chaque jour où je me lève pour
me rendre au travail – et fort heureusement,
j’en ai un –, je ne peux avoir qu’une pensée
pour vous en me disant : que ferais-je
aujourd’hui si Vincent ne m’avait pas volé et
violé mon intégrité ?
Alors, ne vous scandalisez pas lorsque les
journalistes vous suivent à votre sortie de
prison et à votre transfert en maison de
transition. Vous devriez plutôt vous demander
comment il se fait que vous soyez déjà sorti
de prison alors que vous avez condamné, par
vos actions, 9200 personnes à une vie bien en
dessous de ce à quoi étaient en droit de
s’attendre. Les économies qu’elles avaient
amassées en vue de s’assurer un certain degré
de confort, elles ne pourront jamais les
récupérer à cause de vous.
De grâce, M. Lacroix, cessez de jouer à la
vierge offensée, vous qui avez ruiné la vie
d’autant de gens et acceptez que l’opinion
publique ne soit jamais plus en votre faveur.
Même si notre système judiciaire canadien ne
vous donne qu’un camouflet, sachez au moins le
prendre en homme.
Chaque matin, demandez-vous comment se serait
déroulée la vie de vos 9200 victimes si vous
ne les aviez pas soulagées de 130 millions.
C’est le minimum que vous nous devez.
De Lacroix à Madoff ANDRÉ PRATTE
Le
financier new-yorkais Bernard Madoff saura
aujourd’hui combien d’années il passera en détention
pour avoir fraudé des milliers d’investisseurs d’au
moins 13 milliards de dollars US. La défense réclame
une peine de 12 ans, demandant au juge de faire
abstraction de « l’émotion et l’hystérie » entourant
cette cause; la poursuite exige au contraire la
peine maximale, soit 150 ans. Tout indique que
Madoff, âgé de 71 ans, passera le reste de ses jours
derrière les barreaux.
Ce qui frappe ici, c’est la rapidité avec laquel le
a agi la justice. Le scandale a été mis au jour en
décembre 2008. Six mois, c’est tout ce qu’il a fallu
pour mener l’enquête et envoyer ce fraudeur de luxe
en prison. Pendant ce temps, au Québec, cela fait
quatre ans que les premières perquisitions ont été
faites dans le dossier Norbourg; or, le procès
criminel de Vincent Lacroix ne commencera pas avant
l’automne, si procès criminel il y a.
Il est sans doute imprudent de comparer ces deux
affaires. Madoff ayant tout de suite avoué ses
crimes, l’enquête et les procédures judiciaires ont
évidemment été moins ardues. Il reste que la lenteur
de la Gendarmerie royale dans le dossier Norbourg,
de même que la réduction de la peine imposée à
Vincent Lacroix pour les infractions pénales dont il
a été reconnu coupable, confirment la perception
répandue selon laquelle les délits économiques ne
sont pas traités assez durement au Canada.
Il est facile de comprendre la colère des
investisseurs trompés quand ils ont appris que Lacroix
obtiendra cet été une libération conditionnelle de
jour, ayant purgé le sixième de sa peine de 42 mois
d’emprisonnement (la sentence originale était de 12
ans moins un jour). Quelle que soit la peine de prison
que le juge lui infligera, Bernard Madoff devra en
purger non pas un sixième, mais 85%.
Il y a plusieurs années que les faiblesses de
l’application des lois canadiennes contre les
infractions financières sont montrées du doigt.
Diverses mesures ont été prises. Le Code criminel a
été renforcé, la GRC a mis sur pied des équipes
spécialisées, les autorités provinciales se sont
dotées de ressources supplémentaires. Toutefois, les
résultats de ces changements n’ont pas été assez
probants pour rassurer les investisseurs. Il y a deux
mois, The Economist déplorait que « le Canada met te
autant de temps que plusieurs pays d’Amérique latine à
réagir aux allégations de corruption et de crimes
financiers ».
Cela dit, il ne faut pas oublier que même les lois les
plus sévères n’empêchent pas tous les abus ; on n’a
qu’à voir le nombre de pyramides de Ponzi démantelées
aux États-Unis au cours des derniers mois. En ce
domaine comme ailleurs, la prévention est la meilleure
arme. Et cette prévention commence par l’investisseur
lui-même. Le scandale Madoff vient rappeler à tous la
sagesse des règles de base du placement. Par exemple
celle-ci: un rendement élevé garanti et sans risque,
c’est trop beau pour être vrai.
LA PEINE MAXIMALE POUR MADOFF
Le
financier est condamné à 150 ans de prison pour sa
gigantesque escroquerie
— Le financier américain Bernard Madoff, accusé de l’une
des plus gigantesques escroqueries de tous les temps, a
été condamné hier à 150 ans de prison par un tribunal de
New York, la peine maximale requise.
« Bernard Madoff est condamné à 150 ans de prison. Ainsi
en a décidé cette cour, » a déclaré le juge Denny Chin.
Il a qualifié l’escroquerie de « renversante »,
soulignant qu’elle s’était étendue sur plus de 20 ans.
La « violation de la confiance était massive », at-il
insisté.
Le ministère public avait requis cette même peine à
l’encontre de l’ex-président du conseil d’administration
du NASDAQ à la Bourse de New York.
À 71 ans, l’ancienne coqueluche des milieux financiers,
qui a jonglé pendant 30 ans avec les milliards de
dollars confiés par des banques, des particuliers aisés
ou des organisations caritatives, avait plaidé coupable
le 12 mars à 11 chefs d’inculpation, dont fraude,
parjure, blanchiment d’argent et vol. Il évitait ainsi
un procès devant jury.
Madoff était depuis incarcéré loin du confort de son
luxueux appartement de l’Upper East Side (nord-est de
Manhattan).
Tête baissée et impassible, Bernard Madoff a affronté
une l it anie d’invectives venant de ses victimes,
telles que « psychopathe », « monstre » ou « bête » qui
doit finir ses jours en prison.
Assis entre ses avocats, en costume-cravate sombre, le
financier déchu a écouté sans ciller neuf victimes
appelées tour à tour pour lire des témoignages décrivant
leur faillite personnelle.
M. Madoff a demandé pardon à ses innombrables victimes.
« Je devrai vivre avec cette douleur le reste de ma vie
(...) je demande pardon à mes victimes. Je suis désolé
», a-t-il dit peu avant que sa peine ne soit prononcée.
Au total, selon les enquêteurs, 13 milliards US ont été
remis par Madoff et les pertes se chiffreraient entre 50
et 65 milliards US, correspondant aux gains qu’auraient
engendrés les sommes prêtées si les intérêts avaient été
réels.
De
nombreux retraités, organisations caritatives,
institutions juives, ou rescapés de l’Holocauste
figurent parmi les victimes de Madoff, qui comptait
également des célébrités dans sa clientèle, comme le
cinéaste Steven Spielberg, l’acteur Kevin Bacon ou
l’écrivain et prix Nobel de la paix Elie Wiesel.
Le juge du tribunal du district sud de New York chargé
de son procès a par ailleurs publié un mandat préalable
autorisant la confiscation des biens de M. Madoff à
hauteur de 170 milliards US.
Le financier a avoué n’avoir jamais investi un centime
des sommes qu’il avait en portefeuille. Il avait monté
un « schéma de Ponzi » – du nom d’un de ses
prédécesseurs dans les années 20 –, une cavalerie
financière qui consistait à rémunérer les investisseurs
avec l’argent déposé par de nouveaux clients.
Le système a fonctionné jusqu’au jour où les demandes de
retrait ont explosé avec la crise de l’automne 2008.
« Je prédis qu’il sera condamné à 20 ans de prison ou
plus, peuxêtre 25 », avait indiqué à l’AFP Bradley
Simon, un ancien procureur devenu avocat.
L’avocat de Madoff avait plaidé l’indulgence: 12 ans de
prison, un peu moins des « 13 ans qui lui restent à
vivre », selon les statistiques américaines d’espérance
de vie.
L’affaire avait éclaté le 11 décembre. Un c ommuniqué
laconique des autorités annonçait l’arrestation d’un
courtier célèbre, PDG de l’entreprise Bernard Madoff I
nvest ment Sec u r i t i e s (BMIS).
Le millionnaire avait confié la veille à ses deux fils
qu’il « n’avait plus rien et avait perdu environ 50
milliards US », selon le document du tribunal.
Après le volet pénal, d ’ a ut r e s i n s t a nces ,
civiles, l’attendent. Et l’audience ne permettra pas de
connaître les sommes à restituer : la justice se dit
incapable de les chiffrer. Les proc u r eu r s ont
demandé un délai de trois mois, au terme duquel la Cour
ordonnera la restitution de l’argent ou décidera qu’elle
est impossible.
Son épouse, Ruth Madoff, ne pourra conserver que 2,5
millions de dollars sur les 80 millions US d’avoirs
qu’elle revendiquait.
Mme Madoff, qui a souvent été la cible du mépris des
victimes depuis l’arrestation de son mari, est sortie de
son silence hier en rendant public un communiqué via son
avocat dans lequel elle dit avoir été elle aussi
trompée. « Je suis embarrassée et honteuse »,
affirme-t-elle. « Comme tout le monde, je me sens trahie
et désorientée. L’homme qui a commis cette fraude
horrible n’est pas celui que j’ai connu pendant toutes
ces années. »
Le gazon n’est pas plus vert à New York - Sophie
Cousineau
C’était
la journée de Bernard Madoff. Pourtant, à l i re les
réactions des internautes sur sa sentence de 150 ans de
prison, vous n’en avez que pour Vincent Lacroix.
PHOTO CHRISTINE
CORNELL, AP
Dans ce croquis, on voit un
Bernard Madoff impassible pendant qu’une de ses
victimes s’adressait à la cour, hier.
Comment se fait-il que notre filou national n’ait reçu
qu’une peine de 12 ans moins un jour de prison? Et qu’il
purgera seulement le sixième de sa peine, que la Cour
supérieure a écourtée à huit années et demie! Vincent
Lacroix ne recouvrera-t-il pas la liberté en 2010, alors
que Bernard Madoff mourra en prison, puisqu’il n’a
aucune possibilité de libération avant 127 ans et six
mois?
Qu’on envoie Vincent Lacroix se faire juger aux
États-Unis ou qu’on invite le juge américain Denny Chin
au pays, avez-vous écrit à chaud.
Loin de moi l’idée de défendre l’Autorité des marchés
financiers ou la Gendarmerie royale du Canada dans le
dossier Norbourg ou celui de Mount Real, pour prendre un
dossier moins médiatisé mais encore plus navrant,
puisque les pertes des 1600 victimes totalisent 130
millions de dollars! Comme je l’ai souvent écrit,
l’Autorité a ignoré des signaux troublants et la GRC a
mis un temps fou avant de monter son dossier.
Mais disons que l’éloge du système de justice américain
est un peu surfait. Le gazon n’est pas beaucoup plus
vert à New York.
Ce qui frappe dans la sentence de Bernard Madoff,
l’auteur de la plus grande supercherie financière des
temps modernes, c’est sa gravité.
(Ce n’est pas la sentence la plus sévère pour un
financier américain, soit dit en passant. Un juge de
Floride a condamné le New-Yorkais Sholam Weiss à 845
années de prison pour avoir dérobé 125 millions US dans
l’effondrement de la société National Heritage Life
Insurance!)
En comparaison, les 12 années de prison de Vincent
Lacroix ne pèsent pas lourd dans la balance de la
justice. Mais il faut voir que le procès au criminel du
fondateur de Norbourg n’a même pas commencé. À moins
d’une surprise, l’affaire s’ouvrira en septembre.
Vincent Lacroix fait toujours face à 200 accusations de
fraude, de blanchiment d’argent et de fabrication de
faux. Tout jugement sur les justices américaine et
canadienne est donc prématuré.
En fait, la sentence que Vincent Lacroix a reçue au
terme du procès intenté par l’Autorité des marchés
financiers est d’une sévérité sans égale pour une
affaire pénale. En effet, Vincent Lacroix était accusé
en vertu de la Loi québécoise sur les valeurs
mobilières, qui fixe la sentence maximale à cinq ans
moins un jour. Que les peines de Vincent Lacroix soient
purgées de façon consécutive, et que celles-ci excèdent
largement cinq ans, même après la révision de la Cour
supérieure, cela tient de l’exploit.
Il est
vrai qu’au Canada, les détenus qui ne sont pas reconnus
coupables de crimes violents peuvent jouir d’une
libération conditionnelle après avoir purgé le sixième
de leur peine. Mais, ce n’est pas le propre des
fraudeurs à cravate. Cela vaut pour tous les criminels
au pays.
Veut-on investir pour construire des prisons afin que
les détenus purgent la quasi-totalité de leur peine,
sans possibilité de sortie anticipée? On touche ici à un
débat plus vaste où interviennent des questions de
réhabilitation et de finances publiques.
Là où les critiques font mouche, c’est sur la lenteur du
système canadien. En raison du manque de ressources
spécialisées et de la faible priorité qui était accordée
jusqu’à tout récemment aux crimes économiques, ces
dossiers attendent beaucoup trop longtemps avant
d’aboutir sur des accusations et sur des procès.
C’est d’autant plus vrai que la preuve est extrêmement
complexe à monter. Il faut remonter le fil des
transactions illicites et établir leur cheminement entre
toutes les sociétés apparentées et leurs comptes
bancaires. Ceux qui ont couvert le procès de Vincent
Lacroix se souviennent très bien de « la pieuvre », un
immense tableau qui avait toutes les allures d’un
panneau électrique.
Dans le cas de Bernard Madoff, la justice a progressé
rondement parce que le courtier déchu de New York a
choisi de plaider coupable, en mars, aux 11 chefs
d’accusation de fraude, de blanchiment d’argent et de
parjure qui pesaient sur lui. Les procureurs du
gouvernement n’ont donc pas eu à faire une fastidieuse
démonstration portant sur des transactions qui
remontaient 15 ans en arrière.
Ontouched’ailleurs là aucoeurdu problème. La
Securities& Exchange Commission aura mis une
quinzaine d’années avant de déceler cette gigantesque
escroquerie. Et cela, en dépit de plusieurs
dénonciations.
En comparaison, l’Autorité des marchés financiers a mis
un terme plus rapidement au stratagème de Vincent
Lacroix et de ses acolytes, même si elle aurait pu
mettre le holà à Norbourg des mois auparavant. Dans tous
les cas, c’était bien avant que cette lamentable fraude
de 115 millions de dollars n’atteigne les proportions
démesurées de celle commise par Bernard Madoff.
Ses investisseurs américains croyaient détenir des
portefeuilles de près de 65 milliards de dollars. Mais
Bernard Madoff n’achetait même pas d’actions, ou si peu!
Le syndic au dossier estime à 13,2 milliards de dollars
la perte nette des investisseurs depuis 1995.
Jusqu’à présent, il a seulement récupéré 1,2 milliard de
dollars. Où le reste de cet argent est-il passé? La
justice américaine n’en a encore pas la moindre idée.
Bref, Lacroix pourrait passer pour Averell Dalton aux
côtés de Madoff, le vrai Joe Dalton. Avec la réforme de
la réglementation des institutions financières,
récemment dévoilée, l’administration Obama compte
colmater les brèches qui ont permis à Bernard Madoff de
se faufiler. Mais, d’ici à ce que cette réforme entre en
vigueur, on ne peut pas dire que la justice américaine
soit nettement plus futée.
Pension gelée ou en baisse pour des
milliers de retraités québécois - Karim
Benassaieh
PRESTATIONS FÉDÉRALES
« Le gouvernement du Québec devrait s’assurer que quand
il bonifie ses prestations, il ne voit pas Ottawa
baisser les siennes. »
Comme des milliers de retraités québécois, Pierre
Bourgeois, de Mascouche, a eu une mauvaise surprise au
début du mois de juillet. Pour la première fois, son
chèque de pension du gouvernement fédéral, gelé depuis
janvier dernier en raison de la déflation, a légèrement
diminué.
PHOTOROBERTMAILLOUX, LA
PRESSE
Pierre Bourgeois a vu, pour la
première fois, son chèque de pension du fédéral
diminuer alors que la Régie des rentes du Québec a
augmenté ses prestations de 2%.
Personne ne lui a expliqué le mécanisme de ce calcul
plutôt complexe, dénonce l’homme de 70 ans. « Il me
reste 100$ par mois pour manger, je n’ai pas les moyens
de perdre cet argent. Tous les retraités dans mon bloc
ont vu leur chèque baisser, entre 3$ et 20$. C’est la
première fois que ça nous arrive. C’est rageant. »
Il s’agit en fait d’une conjonction exceptionnelle,
vraisemblablement jamais vue depuis que les prestations
fédérales pour les retraités sont indexées selon
l’inflation, soit 1985. En cas de déflation, les
prestations sont gelées. En janvier 2008, cependant, la
Régie des rentes du Québec, l’autre source principale de
revenus des retraités, a augmenté ses prestations de 2%.
Résultat : par un implacable calcul mathématique, les
prestations fédérales, recalculées en juillet selon le
revenu de l’année précédente, ont été amputées. Plus
précisément, c’est le Supplément de revenu garanti,
établi selon le revenu des personnes âgées à faible
revenu, qui a diminué. M. Bourgeois a ainsi vu son
chègir », précise Frédéric Lalande, conseiller aux
dossiers sociaux.
« Quelques dizaines » de ces retraités ont également
joint les députés du Bloc québécois, selon le leader
parlementaire du parti et député de Joliette, Pierre que
de pension du fédéral passer de 1039$ à 1036$ par mois.
À la
Fédération de l’âge d’or du Québec (FADOQ), on confirme
avoir reçu « quelques appels » de retraités inquiets. «
Mais probablement que beaucoup ne s’en sont pas aperçus
ou ont jugé la somme trop minime pour réaPaquette. « Les
gens dans mon comté n’ont pas le réflexe d’appeler leur
député fédéral, alors ils représentent sans doute un
nombre beaucoup plus élevé de retraités, estime M.
Paquette. Ils sont inquiets, nous essayons de les
rassurer, de leur expliquer pourquoi leur chèque a
diminué. C’est dur pour eux, ce sont souvent des gens
démunis qui ont besoin de tous leurs sous. »
Pour M. Paquette, la situation de ces retraités est un
des « paradoxes typiques » des programmes sociaux au
Canada. « C’est arrivé pour les prêts et bourses, pour
les garderies à 7$. Le gouvernement du Québec devrait
s’assurer que quand il bonifie ses prestations, il ne
voit pas Ottawa baisser les siennes. Si on était les
maîtres d’oeuvre de nos programmes, on n’aurait pas ce
genre de paradoxes. »
La formule d’indexation d’après l’inflation devrait être
corrigée, estime le leader parlementaire. « Elle est
manifestement faite pour une économie en inflation, ce
qui n’est pas le cas en ce moment. Le problème, c’est
que le coût de la vie pour les personnes âgées continue
d’augmenter, lui. Mathématiquement, ça tient la route
mais nous, on remet en cause la mécanique. »
Les dernières données de Statistique Canada confirment
cette analyse. L’indice des prix à la consommation a
reculé de 0,3% en juin dernier dans le pays, mais a
progressé au Québec de 0,2%. La déflation du mois
dernier n’est en fait due qu’au recul des prix de
l’essence – c’est la raison pour laquelle les experts
préfèrent parler d’« inflation négative ». Pour le reste
du panier de consommation, on a plutôt constaté une
inflation de 2,1%.
Le pays n’a connu que deux épisodes d’inf lation
négative depuis 1985, soit en juillet 1994, essentiel
lement à cause des baisses spectaculaires des taxes sur
les cigarettes, et depuis octobre 2008.
Revenu Québec s’en prend à un vieillard - MICHEL
GIRARD
Bon an, mal
an, Revenu Québec récidive avec des méthodes musclées,
allant jusqu’à saisir inutilement les comptes de banque d’un
vieillard de 87 ans. De quoi le faire mourir d’une syncope.
L’attitude cavalière du Centre de perception de Revenu
Québec a, selon les dires de sa conjointe, complètement
traumatisé et bouleversé Monsieur X. Que s’est-il passé?
Sous prétexte que Monsieur X ne donnait pas signe de vie à
leur demande de produire sa déclaration de 2006 et de payer
une réclamation de 4800$ d’impôt provincial, le Centre de
perception fiscale de Revenu Québec a bloqué ses comptes de
banque.
« On voulait tout simplement vous faire réagir. » C’est
l’explication que Revenu Québec a donnée à la conjointe de
Monsieur X pour justifier le blocage des comptes bancaires
de ce dernier. Il y a cependant un gros malentendu dans
cette histoire de gel des comptes de Monsieur X.
En effet,
Monsieur X ne gagne annuellement que des revenus fixes de
pension. Toujours les mêmes ou presque, depuis très
longtemps. Chaque année, c’est Revenu Québec qui le
rembourse pour impôt trop payé. Pour l’année 2005, par
exemple, Québec lui a envoyé un chèque de remboursement de
2212$.
Quoi qu’il en soit, Monsieur X a omis d’envoyer sa
déclaration de 2006.
Vers le 15 septembre 2008, selon sa conjointe, le Centre
de perception de Revenu Québec appelle Monsieur X chez lui
en soirée et on lui mentionne qu’il devait 4800$ d’impôt
provincial impayé pour l’année d’imposition 2006. Madame
prend l’appel.
« J’ai
répondu au préposé, ben voyons ! Monsieur n’a rien à
payer et vous lui envoyez un crédit provincial tous les
ans, dont un retour de 2212$ en 2005. Je lui dis qu’il
n’a eu aucun changement dans ses revenus et qu’il y a
peu de chances que ça change à 87 ans. J’ai ajouté que
les rapports d’impôts seraient faits dans les prochains
jours, rapports qu’on m’a demandé d’envoyer par
télécopieur à un nom et numéro de téléphone. »
« Le lendemain, quand je suis revenue avec les rapports
d’impôts, j’ai constaté qu’il manquait une page et j ’a
i envoyé une télécopie avisant qu’il y aurait du retard.
Puis les rapports ont été oubliés, moi pensant que mon
conjoint les avait envoyés et lui pensant que je les
avais envoyés. »
Mardi matin, le 14 juillet 2009, Monsieur X se rend à la
banque pour payer ses comptes.
Terreur. « Il venait de faire l’objet d’une saisie de la
part de Revenu Québec et, ajoute sa conjointe, tous ses
comptes étaient bloqués. Une somme de 1400$ de rentes,
qui avait été déposée automatiquement, avait même été
retirée.
« Il (Monsieur X) revient de la banque avec un numéro de
téléphone à appeler. La banque lui avait donné le numéro
du Centre de perception fiscale. J’appelle pour lui. La
première personne me répond qu’il devrait retourner
instantanément à la Banque pour l’autoriser à payer
4800$ au gouvernement et qu’ensuite il devait se rendre
au Centre de perception fiscale pour faire débloquer son
compte. Le surplus payé au gouvernement, le cas échéant,
lui serait ultérieurement retourné.
« Je parle au comptable et je rappelle le Centre de
perception fiscale avec les chiffres de 2006, 2007. Je
leur dis qu’il a droit à crédit provincial de 43$ pour
2006 et qu’il n’est absolument pas question de leur
payer 4800$. »
Pour un règlement rapide, le préposé de Revenu Québec
suggère à Monsieur X de se rendre en personne au Centre
de perception. Le dossier a été réglé en moins de 10
minutes. Revenu Québec a communiqué avec la banque pour
faire débloquer les comptes de Monsieur.
Pour j
ustifier la saisie des comptes bancaires de Monsieur X,
Revenu Québec lui a affirmé qu’un avis de saisie lui
avait été envoyé en octobre 2008 et qu’il n’avait pas
donné signe de vie.
Le problème: Monsieur X n’a jamais reçu cet avis de
saisie. Pourquoi? Parce que, après vérification, le
Centre de perception fiscale de Revenu Québec s’est
rendu compte qu’il avait envoyé l’avis en question à
l’ancienne adresse de Monsieur X.
Pourtant, t ous l es autres ministères du gouvernement
du Québec avaient effectué le changement d’adresse à la
suite de la demande de modification transmise par
l’entremise du site internet du gouvernement provincial.
« La préposée du Centre de perception fiscale a constaté
que la bonne adresse était entrée dans les autres
ministères, mais pas à Revenu Québec. Ce n’est pas de
notre faute si Revenu Québec ne fait pas de mise à jour
», rétorque la conjointe.
Il y a deux semaines, ajoute-telle, Monsieur X avait
reçu une étrange lettre. La lettre provenait du Centre
de perception fiscale : on lui indiquait que Revenu
Québec avait demandé à Equifax des renseignements à son
sujet.
« J’ai essayé de les appeler, j ’ai passé de longues
minutes, sinon des heures, en attente, et je n’ai pas
donné suite. Au Centre fiscal, la préposée m’a dit que
pour envoyer cette lettre, ils avaient pris l’adresse
chez Equifax, mais sans être certains que c’était la
bonne. »
Deux suggestions au nouveau ministre du Revenu du
Québec, Robert Dutil. Premièrement : avant de saisir les
comptes de banque d’un contribuable, serait-ce possible
de vérifier adéquatement son dossier fiscal ? Et
deuxièmement: le Centre de perception fiscale de Revenu
Québec ne devrait pas j ouer au PARRAIN en faisant à un
contribuable une offre qu’il ne pouvait pas refuser… Ça
vole bas !
Revenu Québec saisit une dame de 92 ans
et un jeune - Michel Girard
«
Aucun recours ne m’a été permis. Aucune chance
d’avertir mes autres créanciers avec lesquels j’avais
déjà des ententes de prélèvement autorisé à date fixe.
»
Àla suite de ma chronique de samedi, où je racontais
que Revenu Québec avait inutilement saisi les comptes
de banque d’un vieillard de 87 ans alors que ce
dernier ne devait pas un sou, j’ai reçu d’autres
témoignages accablants sur les méthodes musclées de
recouvrement utilisées par le Centre de perception du
fisc québécois. Deux autres exemples. Mme Y., 92 ans,
ancienne fonctionnaire fédérale. En mai 2007, elle
part visiter sa famille dans son pays natal pour
plusieurs mois. Sur sa déclaration de 2006, envoyée en
avril 2007, elle avait pris soin de donner l’adresse
où elle résidait dans son pays natal, question de
pouvoir recevoir notamment les avis de cotisation de
Revenu Québec et d’y donner suite.
Finalement, Revenu Québec lui envoie un avis de
cotisation de 2600 $. Un gros problème survient :
Revenu Québec envoie l’avis de cotisation à l’ancienne
adresse de Mme Y. Et récidive au fil des mois,
toujours à l’ancienne adresse.
Le temps passe. La santé de Mme Y. se détériore
grandement, au point où elle ne peut revenir au
Québec.
La note de Revenu Québec grossit au fil des mois et
des pénalités et intérêts. De 2600$, la note passe à
plus de 4000$... N’ayant pas de nouvelles de Revenu
Québec, Mme Y. pense que tout va bien.
Septembre 2008 : après avoir obtenu l e s r
enseignements d’ Equifa x , Revenu Québec frappe,
saisit les comptes de banque de Mme Y. et se paye. Mme
Y. a toujours conservé ses comptes à la même
succursale bancaire, au Québec. Ses pensions (sécurité
de la vieillesse, rentes du gouvernement fédéral,
etc.) y sont automatiquement versées.
C’est en essayant de retirer une petite somme d’argent
par l’entremise d’un guichet automatique Ministère lui
envoyait des avis de cotisation à la mauvaise adresse
?
Un jeune
Passons maintenant au cas de Martin, un jeune homme
dont les revenus oscillent énormément au gré de son
travail à commissions.
Traînant une dette fiscale depuis 2002, Martin s’était
entendu en février dernier avec Revenu Québec pour
qu’il retienne chaque semaine un pourcentage de ses
revenus de commissions. Les sommes sont retenues à la
source, par l’employeur de Martin, et versées à Revenu
Québec.
« Une solution à laquelle je me suis résigné et qui,
ma foi,
Mais au début de juillet, un nouvel agent de Revenu
Québec a hérité du dossier de Martin. « Il a décrété
unilatéralement et sans avertissement que mon compte
bancaire devait être saisi. L’exécution de la saisie
s’est effectuée le 17 juillet 2009. Un vendredi soir !
»
«
Aucun recours ne m’a été permis. Aucune chance
d’avertir mes autres créanciers (électricité,
internet, téléphone, assurance vie, assurance auto,
assurance habitation…) avec lesquels j’avais déjà des
ententes de prélèvement autorisé à date fixe. Dans mon
compte bancaire, au moment de la saisie, il y avait
tout juste de quoi que Mme Y. s’est aperçue que son
compte de banque canadien avait fait l’objet d’une
saisie de la part de Revenu Québec.
Pour lui veni r en a ide et essayer de corriger l’abus
de pouvoir dont Mme Y. se dit victime, un ancien
compagnon de travail (monsieur M.) a essayé de régler
le problème pour elle après avoir obtenu une
procuration.
« Malgré ce statut de mandataire, les fonctionnaires
de Revenu Québec ont refusé de répondre à mes lettres.
Je me suis adressé au bureau du Protecteur du citoyen
en début d’année 2009. L’intervention de l’agent du
Protecteur a permis d’obtenir plusieurs éléments du
dossier et de confirmer le caractère cruel et brutal
du système de perception fiscale (de Revenu Québec).
En ce moment, l’affaire traîne encore et tout indique
que des retenues se poursuivent sur une partie des
revenus de madame », explique monsieur M.
Voilà un bon test pour le Protecteur du citoyen.
Réussirat-il à faire annuler les pénalités et intérêts
que Revenu Québec a facturés à Mme Y. alors que le m’a
permis d’avoir l’esprit tranquille », explique Martin.
« Mon salaire de 2009, de janvier à juillet, totalise
tout juste au-dessus de 6000$. Donc chaque dollar,
chaque cent que je reçois en salaire est déjà affecté,
après déduction de ma saisie (d’impôt) sur salaire,
aux paiements de mes comptes. » payer mes trois
prochains dus, c’est-à-dire, environ 300$. »
« En raison de cette saisie, le gouvernement vient
chercher 300$ pour l’appliquer à ma dette envers lui.
Mais il me cause du tort et des problèmes avec trois
autres fournisseurs, et ça me coûte 42,50$ de frais
pour paiement sans provision pour chaque transaction,
et 15$ de frais pour prélèvement sans provision chez
chacun de mes fournisseurs. Donc 172,50$ de frais
bancaires au total. Et tout ça, c’est sans compter la
tache supplémentaire à mon dossier de crédit. »
Quand un contribuable faisant l’objet d’un processus
de recouvrement se sent victime d’abus de pouvoir et
de harcèlement de la part de Revenu Québec, comment
peut-il se défendre ?
Réponse de Mathieu St-Pierre, attaché de presse du
ministre du Revenu, Robert Dutil : « Nous souhaitons
que les citoyens qui se sentent lésés dans le cadre de
ce processus (recouvrement) nous acheminent leur
plainte (au bureau du ministre) afin que de telles
situations ne puissent se produire. »
Les coordonnées du cabinet du ministre : [email protected] Montréa l : 514 - 2 8 7-8 2 8
3, Québec : 418-652-6835.
Avis aux victimes : si vous vous méfiez du bureau du
ministre, il vous reste le Protecteur du citoyen :
protecteurducitoyen.qc.ca Montréa l : 514 - 8 7 3 - 2
032 , Québec : 418-643-2688.
LE DOUBLE DISCOURS D'UNE INDUSTRIE - Maxime
Bergeron
Le site
web de Virgin Mobile Canada ne laisse planer aucun doute.
Les clients de ce fournisseur sansfil n’auront pas d’extra
à payer, mis à part le prix de leur forfait sans-fil. «
Rien à craindre : dites adieu aux méchants frais d’accès
au système et aux frais de 911 », peut-on lire sur un fond
rouge éclatant. Stratégie à deux vitesses sur la
question des frais d’accès au réseau.
Les millions d’abonnés de Bell Mobilité, à l’opposé, n’ont
pas le choix d’allonger 9,70 $ tous les mois pour couvrir
les frais d’accès au réseau et de 911. Des surcharges
présentées comme tout à fait légitimes par l’entreprise...
qui est aussi propriétaire à 100% de Virgin Mobile.
Telus va encore plus loin dans cette stratégie marketing à
deux vitesses. Sa filiale à bas prix Koodo a fait un gros
tapage l’automne dernier en qualifiant les frais
excédentaires de « dégueulasses » et « sordides » dans des
publicités. Tout cela pendant que sa société mère
continuait – et continue toujours – à exiger 7,70 $ par
mois à ses clients pour l’accès au réseau sans fil et au
service 911.
Ce double discours enrage au plus haut point Charles
Tanguay, porte-parole de l’ Union des consommateurs. «
Quelle arrogance et quel mépris de la part de cette
industrie! Je pense qu’on crée beaucoup d’écrans de fumée
pour délibérément entretenir la confusion. »
La question du marketing à deux vitesses est très délicate
dans le secteur multimilliardaire du sans-fil. Aucun
dirigeant de Bell, Telus et Rogers – qui détiennent
ensemble la quasi-totalité du marché canadien – n’a
accepté de s’entretenir avec La Presse Affaires à ce
sujet. Pas plus que le président de l’Association
canadienne des télécommunications sansfil, le regroupement
des principaux acteurs de l’industrie.
Les experts, pour leur part, sont partagés. La plupart
indiquent qu’il est tout à fait normal qu’une entreprise,
quelle qu’elle soit, cherche à différencier ses marques
avec des stratégies marketing distinctes. Mais de là à
dénoncer ouvertement des frais qu’elle collecte de l’autre
main, il y a un pas énorme.
« De dépeindre votre truc comme dégoûtant d’un côté, et
comme étant une bonne chose de l’autre, c’est
contradictoire », dit Brahm Eiley, président du
Convergence Consulting Group, une firme torontoise
spécialisée en télécoms.
Ignorance des consommateurs
Selon David Soberman, professeur à l’École de gestion
Rotman de l’ Université de Toronto, les trois géants
profitent du fait que la majorité des consommateurs
ignorent les liens de parenté qui existent avec leurs
filiales à rabais. « On pense toujours que les gens sont
beaucoup plus au courant des i nformations qu’ils ne le
sont en réalité. Il y aura toujours 10% ou 15% de la
population qui est au courant, mais la vaste majorité ne
le sait pas. »
Les géants profitent non seulement de cette méconnaissance
du grand public, mais ils font tout pour l’accentuer,
avance pour sa part Troy Crandall, analyste en télécoms
chez MacDougall, MacDouga l l & MacTier à Montréal.
« Ils
essaient de présenter leurs marques à rabais comme des
entreprises distinctes, et c’est là toute l’idée, dit-il.
Une bonne partie des consommateurs ne réalise pas que
Koodo appartient à Telus, et c’est exactement ce que Telus
veut ! Cela leur permet d’offrir des prix différents, de
faire leur marketing différemment, ce qui leur ouvre un
autre segment. »
Les fournisseurs d’entrée de gamme – Koodo, Virgin, Solo
et Fido – visent avant tout les consommateurs au budget
restreint, qui utilisent leurs téléphones pour parler et
envoyer des textos. Bell Mobilité, Telus et Rogers offrent
des appareils plus sophistiqués, comme le BlackBerry et le
iPhone, et misent davantage sur le transfert de données.
SelonJean-François Ouellet, professeur agrégé à HEC
Montréal, cette distinction nette constitue une «
excellente stratégie » des trois géants. « En marketing, à
partir du moment où vous déterminez le segment de
clientèle auquel vous voulez vous attaquer, la meilleure
chose à faire est de vous trouver un positionnement
extrêmement différencié. La quintessence de ça, c’est
quand vous créez des marques différentes. »
Quant au fait de vouloir masquer les liens de parenté
entre les diverses filiales, il n’y a rien là d’anormal,
d’après M. Ouellet. « Bell ne veut pas que les clients
sachent que Solo et Virgin, c’est la même chose, de la
même façon que Volkswagen ne veut pas vous sachiez
qu’Audi, c’est aussi Volkswagen. »
Vache à lait
Qu’on les trouve « sordides » ou pas, les frais d’accès au
réseau n’en ont plus pour bien longtemps, estiment
plusieurs experts de l’industrie. La plupart des
fournisseurs à bas prix ont déjà cessé de les facturer, et
les nouveaux acteurs qui arriveront d’ici quelques mois,
comme Public Mobile et Globalive, promettent de ne pas en
facturer. Rogers abolira de plus ces frais impopulaires la
semaine prochaine pour ses nouveaux clients, lequel sera
remplacé par une surcharge d’environ 3$ et une hausse de
5$ du prix de ses forfaits.
La pression des investisseurs est toutefois forte pour
conserver ces frais d’accès au réseau le plus longtemps
possible. Pourquoi? Comme cette surcharge est
comptabilisée en entier dans la colonne des revenus – car
elle ne représente en aucun cas une taxe gouvernementale
–, elle constitue une véritable mine d’or pour les
sociétés de téléphonie, souligne l’analyste Troy Crandall.
P r enons l e c as de Bell Canada. L’entreprise compte
près de 4,9 millions clients sans-fil avec contrat, les
autres ayant un service prépayé. Si, à titre d’exemple, 3
millions d’entre eux paient les frais d’accès mensuels de
9,70 $ de la marque principale Bell Mobilité ( on ignore
combien souscrivent à ses filiales Virgin et Solo), cela
représenterait 29,1 millions de dollars en revenus tous
les mois pour le conglomérat. Presque 90 millions par
trimestre !
« Il y a une pression des investisseurs sur Bell, Rogers
et Telus pour qu’ils fassent grimper le produit mensuel
moyen par unité ( PMU), explique Troy Crandall. C’est une
donnée critique, et les frais d’accès au système font
partie de ce PMU. Si on les abolit, cela va créer une
pression à la baisse sur le PMU. »
Le revenu moyen tiré de chaque client est déjà en déclin
depuis plusieurs trimestres chez les trois grands en
raison de la concurrence grandissante, rappelle M.
Crandall. Et la baisse s’accentuera avec l’arrivée
prochaine de nouveaux concurrents agressifs, prévoient les
analystes.
Bell compte « jeter un coup d’oeil » sur ses frais d’accès
afin de s’assurer de demeurer concurrentielle dans le
marché, a indiqué la semaine dernière la porte-parole de
l’entreprise Claire Fiset, la seule qui a accepté de nous
parler brièvement à ce sujet.
Québec serrera la vis aux fournisseurs sans-fil
La
ministre québécoise de la Justice compte encadrer
l’industrie du sans-fil de façon beaucoup plus serrée
dans la province, à très court terme.
Si tout se passe comme prévu, le projet de loi 60, qui
viendra actualiser la Loi sur la protection du
consommateur, entrera en vigueur avant Noël. Un des
objectifs visés est de réduire au maximum la confusion
qui règne dans les contrats sans-fil et de mettre fin
aux pénalités abusives.
« On voit que les forces ne sont pas équilibrées envers
le consommateur, on vient rééquilibrer les forces », a
résumé la ministre Kathleen Weil pendant un entretien
avec La Presse Affaires.
Les amendements prévus serviront en bonne partie à
protéger les adolescents, pour qui l’achat d’un
téléphone cellulaire représente souvent la première
grosse transaction. « Ce n’est pas une expérience
tellement simple: c’est leur tout premier contrat, ils
ne comprennent rien, le contrat est confus et lourd »,
dit Mme Weil.
Et
qu’adviendra-t-i l des frais d’accès au réseau et au
911, qui atteignent dans certains cas presque 10 $ par
mois? La loi ne les interdira pas, mais ceux-ci devront
être clairement affichés dans le prix et expliqués aux
acheteurs, souligne la ministre.
Ce redressement sur le plan législatif réjouit au plus
haut point Charles Tanguay, de l’ Union des
consommateurs. « Ça va faire beaucoup de bien qu’il y
ait un ménage réglementaire dans ce dossier, surtout que
le fédéral ne veut pas le faire. »
Ottawa, en effet, ne compte pas légiférer les frais
d’accès, malgré les pressions intenses de certains
députés. « Dans le contexte actuel du marché
déréglementé des télécommunications, le gouvernement n’a
pas l’intention d’interférer dans les décisions que
doivent prendre les compagnies privées » , a i ndiqué
Michael Hammond, d’Industrie Canada, dans un courriel.
En ce qui a trait à la constitutionnalité de la Loi 60,
qui forcera les entreprises de télécoms à adopter des
pratiques différentes au Québec que dans le reste du
Canada, la ministre Kathleen Weil estime que tout a été
fait dans les règles de l’art. La législation projetée
touche le droit contractuel, qui est de compétence
provinciale, souligne-t-elle.
« Personne n’a menacé de contester la
constitutionnalité, a dit Mme Weil. Des gens l’ont
évoqué, mais aucune compagnie de téléphonie cellulaire
ne me l’a dit jusqu’à maintenant. »
Faut-il se méfier des actions à droits
de vote multiples ? - Claude Laurin
Au
sorti r d’une crise financière d’une ampleur sans
précédent, la question de la gouvernance des
sociétés cotées demeure au centre des préoccupations
des investisseurs et du législateur. D’aucuns sont
d’avis que si la gouvernance des grandes entreprises
était réellement saine, les crises financières ne
pourraient prendre une ampleur telle que celle que
nous venons de connaître. Le fondateur et président du
conseil d’administration du Groupe Jean-Coutu,
Jean Coutu, en compagnie de son fils,
François-Jean Coutu, PDG du groupe Jean-Coutu. Le
recours aux actions à droits de votes multiples
leur a permis de mettre sur pied une entreprise
québécoise capable de prospérer d’abord au Canada
et ensuite, de tester les marchés internationaux.
Or, gouvernance et droit de propriété des
entreprises sont aujourd’hui des concepts
indissociables.
En termes de propriété, une problématique qui
intéresse un nombre grandissant de chercheurs est
celle des nombreux mécanismes, incluant le recours
aux actions à droits de vote multiples, qui
permettent à un groupe restreint d’actionnaires
dominants au sein d’une entreprise d’en détenir le
contrôle effectif sans avoir une participation
équivalente au capital d’une société.
De nombreuses entreprises québécoises, par exemple
Bombardier et le Groupe Jean Coutu, se sont dotées
de structures actionnariales où la proportion des
droits de vote détenus par l’actionnaire principal
est plus élevée que la proportion des titres de
propriété qu’il détient.
Plusieurs i ntervenants à l’échelle internationale
croient que de tels types d’arrangement sont
dangereux pour les actionnaires minoritaires et
devraient être enrayés. On invoque le fait que
lorsqu’il y a concentration des droits de vote
accompagnée d’une relative dispersion du capital,
l’actionnaire dominant peut bénéficier d’une
certaine immunité et ainsi, éviter d’absorber une
part importante du coût de ses décisions, ce coût
étant distribué sur l’ensemble des titres de
participation au capital de l’entreprise.
Pour illustrer les dangers du recours aux actions à
droits de vote multiples, on peut évoquer le
tristement célèbre cas de Hollinger. Dans le cas de
cette entreprise, des actions à droits de vote
multiples conféraient le plein contrôle de la
société à Conrad Black, alors que la participation
de ce dernier au capital s’élevait à 30%. Black
aurait-il pris les mêmes décisions si une part
disproportionnée des conséquences n’avait pu être
refilée aux actionnaires minoritaires ?
Malgré les indéniables dangers associés à
l’utilisation de mécanismes, comme les actions à
droits de vote multiples, « garantissant » que la
propriété demeurera entre les mains des actionnaires
dominants, il s’en trouve pour dire que de tels
mécanismes sont indispensables dans des sociétés
comme la nôtre.
À cet égard, il faut bien reconnaître que ces
mécanismes ne font pas que paver la voie à des abus.
Ils peuvent aussi permettre à des entrepreneurs
talentueux de jouer un rôle économique significatif.
Dans le cas du Groupe Jean Coutu, l’utilisation
d’actions à droits de vote multiples a permis à M.
Coutu de financer la croissance de son entreprise
sans diluer son contrôle tout en évitant de
s’endetter outre mesure.
Le
recours aux actions à droits de vote multiples aura
permis à Jean Coutu de mettre sur pied et de
contrôler une entreprise québécoise capable de
prospérer d’abord au Canada et ensuite, de tester
les marchés internationaux.
Devant des positions si contradictoires, comment
l’investisseur peut-il se faire une idée? Nous
proposons d’aborder cette question sous l’angle du
risque.
En effet, si les entreprises à propriété concentrée
ne sont pas nécessairement mal gouvernées, les
dommages que peuvent subir les investisseurs
minoritaires si elles le sont effectivement peuvent
rapidement devenir importants. Par exemple, payer
des honoraires exagérément élevés à des consultants
que l’on connaît bien ou profiter d’une situation
dominante pour s’accorder une rémunération
disproportionnée sont des formes d’expropriation que
les lois actuelles ne peuvent pas vraiment prévenir.
On peut donc dire que les entreprises à propriété
concentrée sont plus risquées, et que ce problème
est encore plus grand lorsque les actions à droit de
vote multiples confèrent à un groupe restreint
d’actionnaires dominants des droits de vote
disproportionnés par rapport à leur participation au
capital.
La recher che dan sle domaine tend à confirmer cette
conclusion. Plusieurs études démontrent que les
sociétés qui se sont dotées de structures
actionnariales qui protègent un groupe
d’actionnaires dominant sont moins performantes.
D’autres chercheurs renchérissent en démontrant que
les sociétés qui utilisent des actions à droits de
vote multiples ont un coût en capital plus élevé.
Autrement dit, parce qu’elles sont moins exposées à
la discipline du marché et parce qu’elles imposent
plus de risque aux actionnaires minoritaires, ces
entreprises doivent payer plus cher que les autres
pour avoir accès aux capitaux des investisseurs.
Au Québec, plusieurs entreprises utilisent des
actions à droits de vote multiples afin de protéger
la propriété des actionnaires dominants. Un avantage
indéniable de cette pratique réside dans le fait que
des entrepreneurs comme Jean Coutu peuvent se
protéger contre d’éventuels prédateurs, permettant
ainsi de garder en mains québécoises d’importants
actifs corporatifs.
Toutefois, il faut bien réaliser que le risque
imposé aux actionnaires minoritaires dans de telles
circonstances a un prix, et qu’un coût en capital
plus élevé peut ralentir la progression des
entreprises ainsi protégées.
La mobilisation, mais pour quoi faire ?
- Caroline Rodgers
Les
employeurs de choix ont plusieurs points en commun,
certes, mais le plus important, c’est qu’ils ont des
employés mobilisés. Un employé mobilisé, c’est un
employé attaché à son entreprise, qui parle d’elle
en bien, qui a l’intention ferme d’y rester et qui
est prêt à se dépasser pour contribuer à sa
réussite. Et ce, même en temps de crise !
Pour être dans la catégorie des employeurs de choix,
il faut que 65% des employés soient mobilisés. Mais
quels sont les avantages, pour une entreprise, d’en
faire partie ? La crise de la dernière année a été
une excellente occasion de le vérifier.
Plusieurs entreprises ont dû prendre des décisions
difficiles, même parmi les employeurs de choix. Or,
quand on a des employés déjà mobilisés, c’est plus
facile de les convaincre de collaborer pour passer
au travers et redresser la situation, explique
Daniel Drolet, actuaire, conseiller en ressources
humaines et coordonnateur de l’étude pour le Québec.
« Ils sont moins difficiles à rallier que s’ils
étaient déjà sceptiques au départ, et on sait que
c’est important de leur montrer que l’on prend les
bonnes décisions comme employeur, même quand tout va
mal », dit-il.
Une perception positive de la haute direction de la
part des employés fait partie des leviers les plus
importants pour leur mobilisation. Chez les
employeurs de choix, celle-ci a augmenté de 5% au
cours de la dernière année. « Cela signifie que ces
organisations, dans les temps plus difficiles, ont
communiqué davantage avec les employés pour leur
expliquer leurs décisions. Elles leur ont dit où les
choses en étaient, et quel était le plan de match
pour la suite », dit M. Drolet.
Par ailleurs, la mobilisation a aussi un effet
important sur la rétention. Quand l’économie va mal,
les travailleurs ont le réflexe de conserver leurs
acquis et sont moins enclins à chercher du travail
ailleurs. La question leur a été posée dans le cadre
du sondage.
Or, malgré la crise, au sein des entreprises où la
mobilisation était faible (à un niveau de 45% et
moins), seulement 36 % ont répondu positivement à la
question suivante : « Comparativement à la même
période l’année dernière, je suis moins enclin à
chercher activement du travail ailleurs. »
Chez
les employeurs de choix, ce sont plutôt 67% qui ont
manifesté leur intention de rester. « On peut se
douter que lorsque la reprise sera là, les meilleurs
employés qui travaillent pour des entreprises où la
mobilisation est faible seront rapidement tentés
d’aller voir ailleurs plutôt que de rester dans une
équipe de travail où plusieurs sont négatifs »,
ajoute Daniel Drolet.
Cultiver la mobilisation
Évidemment, avoir une majorité d’employés mobilisés
ne se fait pas du jour au lendemain. Il faut
travailler sur les leviers qui la favorisent.
Ceux-ci sont au nombre de 18. Le leadership et la
reconnaissance, entre autres, font partie de ceux
qui ont le plus d’impact (voir autre texte).
Mais il n’y a pas de formule magique, prévient
Daniel Drolet. C’est la culture de l’entreprise et
la vision des dirigeants qui font toute la
différence. « Des clients viennent nous demander de
leur bâtir un programme de reconnaissance des
employés, dit-il. Mais il faut d’abord bâtir une
culture de la reconnaissance, et cela peut prendre
plusieurs années. Si ce n’est pas dans la culture
des gestionnaires de célébrer les succès des
employés, le programme va tomber à l’eau, parce que
les employés n’y croiront pas. »
Tout n’est pas mauvais dans les entreprises où la
mobilisation est modérée ou faible. Au-delà des
programmes, souvent, ce qui fait la différence se
retrouve dans les éléments très pratiques de la
gestion. C’est beaucoup à travers la qualité des
gestionnaires que l’on développe une constance et
une cohérence dans la façon de travailler avec le
personnel, explique M. Drolet.
« Par exemple, on voit des entreprises qui ont un
programme de gestion de la performance des employés
qui n’est pas mauvais en soi, mais le programme est
mal communiqué, mal compris et mal exécuté par les
gestionnaires », précise-t-il.
Ce qui dist i ngue s ouvent l es employeurs de
choix, c’est que leurs leaders croient vraiment à
l’importance de leurs ressources humaines et sont
engagés envers la mobilisation de leurs employés. «
Si tu dis à tes employés qu’ils sont ta ressource la
plus précieuse, il faut qu’ils le sentent sur le
terrain. Ce n’est pas juste de le dire qui fait la
différence. »
Télétravail : mais où est passé tout le
monde? - Éric Brunelle
Les
études prévoient qu’il y aura d’ici 2011 plus d’un
milliard de télétravailleurs dans le monde.
C’est-à-dire que d’ici deux ans, plus de 30,4% des t
ravailleurs mondiaux passeront plus de 20% de leur
temps de travail à l’extérieur des bureaux pour
être, par exemple, à la maison, chez le client ou
sur la route, tout en étant reliés avec l’entreprise
par l’entremise de moyens technologiques. Un des avantages du
télétravail : la diminution du volume de trafic
routier et la réduction de pollution en raison de
la diminution des émissions de gaz à effet de
serre.
Aux États-Unis, là où cette proportion est la plus
forte, il y avait 68% des travailleurs qui étaient
en mode télétravail en 2006. La croissance du nombre
de télétravailleurs a été au cours des cinq
dernières années de 25% aux États-Unis et de 20% au
Canada.
En 2005, 44 % des entreprises américaines et 41 %
des entreprises canadiennes avaient adopté une forme
d’organisation du travail qui permet la réalisation
du travail à domicile ou mobile et les prévisions
sont que cette proportion atteindra, d’ici 2011, 75%
aux États-Unis et 68% au Canada.
Sans aucun doute, le télétravail est un mode
d’organisation du travail important et une nouvelle
réalité organisationnelle avec laquelle les
dirigeants d’aujourd’hui et de demain devront conjug
uer da n s l ’ e xer c i c e de leurs fonctions.
Cette tendance s’explique facilement. Outre le fait
que l’accès aux TIC est de plus en plus facile, leur
utilisation simple et leur coût faible, de nombreux
avantages, autant pour les entreprises que pour les
travailleurs, ont été déterminés et démontrés dans
les recherches qui portent sur le sujet. Ainsi,
lorsqu’ils sont bien gérés, les programmes de
télétravail engendrent une augmentation de la
productivité des employés, améliorent la rétention
du personnel, offrent de nouvelles occasions de
recrutement, réduisent le taux d’absentéisme et
permettent des réductions de coûts associés à
l’espace des bureaux.
De plus, les études font également état de plusieurs
avantages pour l’employé. Lorsque les pratiques de
gestion sont adéquates, les travailleurs perçoivent
le télétravail comme un bon moyen pour obtenir un
meilleur équilibre vie privée/ vie professionnelle,
réduire le degré de stress, acquérir plus de
flexibilité et d’autonomie dans le travail et avoir
une plus grande satisfaction à l’égard de leur
emploi.
Finalement, des avantages d’un point de vue social
sont également à souligner. À ce titre, notons la
diminution du volume de trafic routier, la réduction
de pollution en raison de la diminution des
émissions de gaz à effet de serre et, avantage
intéressant en cette période de crise de la grippe A
(H1N1), une diminution des risques de contamination.
Bref, tous ces avantages offrent aux entreprises des
occasions intéressantes afin de se démarquer et de
bénéficier d’avantages stratégiques.
Défis de gestion
Toutefois, pour profiter pleinement de tous ces
avantages, les entreprises doivent relever plusieurs
défis de gestion. En effet, le télétravail crée des
distances et réduit la richesse des communications.
Ceci a pour effet de complexifier grandement les
relations entreprise-employés, d’accroître le
sentiment d’isolement de la part des employés et
leur sentiment d’insécurité à l’égard de leur
carrière. Aussi, des défis reliés au contrôle des
employés, aux différences culturelles, aux choix
technologiques et aux problèmes de communication se
présentent.
À ce sujet, les études sont unanimes. Afin de
relever ces défis et de bénéficier de tous les
avantages du télétravail, le dirigeant, et plus
précisément la manière dont celui-ci exerce son
métier, joue un rôle déterminant. En effet, la
nature des relations étant considérablement
transformée, il devient impératif pour les
dirigeants de s’adapter et d’adopter de nouvel l es
prat iques pour être efficaces. Il s’agit là, en
quelque sorte, de la pierre angulaire qui permet aux
entreprises de tirer avantage de ce mode
d’organisation du travail. Nous pouvons donc nous
poser la question suivante: que doit faire au juste
le dirigeant pour intervenir de manière adéquate ?
Quel est le profil idéal du dirigeant qui exerce son
métier dans un contexte de télétravail?
La réponse à cette question est complexe et il
serait difficile de bien y répondre ici. Toutefois,
nous pouvons résumer en trois mots l’essence des
pratiques de direction efficaces dans ce contexte :
leadership, leadership et… leadership!
En effet, les dirigeants performants dans ce
contexte réussissent bien parce qu’ils font preuve
de beaucoup de leadership, en prenant, par exemple,
de nombreuses initiatives visant à permettre et à
faciliter l’éclosion de relations personnalisées qui
engendrent un climat d’ouverture, de partage et
améliorent le sentiment de proximité.
Ces dirigeants sont davantage intéressés par les
moyens et les processus d’influence aptes à motiver,
à mobiliser et à inspirer les individus dans
l’atteinte des objectifs organisationnels que dans
la traditionnelle approche de planification,
d’organisation, de direction et de contrôle des
ressources disponibles. Bref, il semblerait que les
dirigeants performants en mode télétravail exercent
efficacement du e-leadership! Éric Brunelle est
professeur au département de management de HEC
Montréal. [email protected]