Éthique
LA PRESSE & COMPAGNIE |
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À LA DÉFENSE DES BÊTES
Dead dogs and morality
Les
pro-vie muselés aux Communes
Le gouvernement Harper menacerait-il le droit des femmes à
l'avortement ?...
Santé
maternelle - La première entente ne fait pas mention de la
contraception
Tirs
groupés contre la décision d'Ottawa d'exclure l'avortement
Santé
maternelle: l'exclusion de l'avortement vient de Harper,
dit l'opposition
Santé
maternelle: Stronach juge le plan gouvernemental incomplet
Santé
maternelle: l'ACDI avait recommandé d'inclure l'avortement
Why
Harper
fears
the
A-word
L'avortement,
zone trouble du G8
Pas
de
danger
à
l'horizon
-
Lysiane Gagnon
Ignatieff
dénonce
«
l’incohérence
»
de
Harper
Santé
maternelle: la majorité des Canadiens s'opposent au plan
Harper
Message
to
the
G8:
Put
up
the
money
and
save
the
mothers
Harper
panders
to
his
base
on
Third
World
abortion
funding
À
la
santé
des
femmes!
- Mario Roy
L'avortement, ici et ailleurs - Lysiane Gagnon
Avortement
:
L'aveu
-
Bernard Descôteaux
The
Tories’
maternal
health
initiative
is
the
mother
of
bad
policy
L'ouragan
Clinton
-
Mario Roy
Avortement:
Harper embarrasse le Canada, selon Ignatieff
Harper
et Clinton divisés sur l'avortement
Initiative
sur la santé maternelle - Le Canada ne peut faire fi de
l'avortement, selon Clinton
The
sad
truth
about
Harper
and
maternal
health
Contraception
a
part
of
maternal-health
plan,
Harper
says
Harper
provoque un débat inattendu sur l'avortement
Ignatieff
takes
another
shot
at
Harper's
'ideology'
Mr.
Harper,
‘maternal
health’
isn't
very
healthy
without
a
choice
Le
revers d'une bonne intention
Avortement
et contraception - Maternité selon Harper
Avortement
Les
Canadiens sont divisés sur l'avortement
Drop
in teen pregnancies is a good-news story
Avortement:
l'exemple européen
L'avortement,
prise
2
-
Mario Roy
Personne
n'est pour l'avortement
Militants
pro-immobilisme
-
Marie-Claude Lortie
Avortement
: Les cliniques privées auront six mois de sursis
- Pascale Breton
L’autre recul - MARIE-CLAUDE LORTIE
Le ministre Bolduc fait volte-face - Pascale
Breton
La fissure dans le mur - MÉLANIE DUGRÉ
Jean
Charest s’engage à ne pas rouvrir le débat sur
l’avortement
Crise avortée - ARIANE KROL
L’injustice
-
Marie-Claude Lortie
Avortement : D’autres interventions compromises
- Pascale Breton
Québec réévalue le dossier - Pascale
Breton
Nouvelles
contraintes imposées par la loi Une clinique
cesse de faire des avortements - Martin
Croteau
Les
médecins pourraient cesser de faire des avortements
au privé
Bataille
« maudite » mais nécessaire - Louise Leduc
La femme, seule juge -
Nathalie Parent
Bachelet gagnera-t-elle « sa » guerre ?
- Olivier Ubertalli
Menacée
au début et à la fin - Nestor Turcotte
Euthanasie
Belgium's
parliament votes through child
euthanasia
La caméra pas cachée - Pierre Foglia
Let Canadians die with dignity - Globe Editorial
Mourir
dans la dignité - Pour l'amour de la vie
The right to die is back in the spotlight
Il
faut légaliser l'euthanasie et le suicide assisté, dit un
comité d'experts
Actes
de compassion ou dérive meurtrière ?
Avoir
le
dernier mot
Les
nouvelles frontières de l'euthanasie
Abus de fin de vie
Des
risques
majeurs
Sondage
Léger
Marketing-Le
Devoir
-
Les
Québécois
d'accord
à
71
%
avec
la
légalisation de l'euthanasie
Supplier
la mort
Délivrez-nous
de nos souffrances
«L'euthanasie
n'est pas un prétexte pour libérer des lits»
Euthanasie: une très grave erreur
L'euthanasie
dans la clandestinité
Euthanasie:
des médecins craignent des dérapages
L'euthanasie
clandestine fait surface à la commission spéciale
Sartre
et Camus au temps de l'euthanasie
Editorial: There's no dignity in euthanasia
Pour
ou contre l'euthanasie?
Est-ce bien nécessaire?
La souffrance indigne?
Une
loi
est
insuffisante
Désir
de mort
Seul
face à la mort
L'art
de la mort
Une
belle
mort
-
Ariane Krol
Euthanasie:
une «gamme de possibilités» s'offre à Québec
Euthanasie: des repères à définir
Débrancher
ou non?
Santé: des ressources coûteuses... et limitées
En
bref - Mort du projet de loi sur le suicide assisté
La fin de vie au coeur des débats - VALÉRIE
GAUDREAU LE SOLEIL
Le désir ardent de dignité - LAURENCE
NORMAND-RIVEST
« Si un humain a décidé de mourir, personne ne doit
pouvoir s’y opposer »
UN
PEU
DE DIGNITÉ S.V.P. - Éric Normandeau
Suicide
assisté: le débat fait rage en Europe
Euthanasie: un débat sans hypocrisie souhaité
Québec
accepte de lancer un débat sur l'euthanasie
LE DEVOIR DE GUÉRIR - Céline Tessier
Les
Québécois favorables à l'euthanasie
Les
omnipraticiens aussi en faveur de l'euthanasie
Une
majorité
de
médecins
spécialistes
se
disent
favorables
à
l’euthanasie
Un sondage « truqué »
Il
faut
sauver grand-maman - Mario Roy
Les
Québécois
favorables à l’euthanasie - Catherine
Handfield
Les
autruches - Marie-Claude Lortie
Un premier pas vers la légalisation du suicide
assisté - Mali Ilse Paquin
L’euthanasie:
pour ou contre?
Le refus
de la souffrance - Michelle Dallaire
Robert
Latimer
persiste
et
signe
D'autres arguments à ajouter ?...
La majorité insuffisante
Et si un peu plus d'humanité pouvait justement aider ?...
L'entrevue
- La médecine désarmée devant la mort
Concevoir un enfant pour en sauver un
autre - Mathieu Perrault
Mères porteuses : La Commission de l’éthique opte
pour le statu quo
Les
opinions
haineuses font-elles de mauvais parents ?
La liberté de refuser - YVES
BOISVERT
La
morale
de
l'histoire
-
Mario Roy
Meurtre au Kansas - LYSIANNE GAGNON
Des pubs de bière jugées sexistes
- Émilie Côté
Un
moindre
mal essentiel
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Would we swallow a ‘morality’ pill?
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Les cliniques privées auront six mois de sursis
- Pascale Breton
Le ministre de
la Santé, Yves Bolduc, songe à repousser jusqu’en mars
l’obligation pour les cliniques privées d’obtenir un permis si
elles veulent continuer de pratiquer certaines interventions
chirurgicales.
Selon ce que La Presse a appris, un décret est en préparation
afin de faire modifier le règlement, qui devait s’appliquer à
compter du 30 septembre. Le ministre Bolduc pou r ra it le sou
met t re au Conseil des ministres dès la semaine prochaine.
Les cliniques privées avaient jusqu’à la fin du mois pour
obtenir leur accréditation les recon na issa nt com me des
centres médicaux spécialisés (CMS). Si elles n’obtenaient pas
cette accréditation, elles ne pouvaient plus pratiquer
certains actes prévus dans la loi.
Le 1er septembre, date de la dernière mise à jour disponible,
seulement 17 établissements avaient obtenu leur permis, dont
quatre à Montréal, où se concentre pourtant la majorité des
cliniques privées.
Adoptée en juin, la loi 34 vise à encadrer davantage cer ta i
nes i nter ventions et procédu res pratiquées au privé. Elle
fixe notamment des normes strictes que doivent respecter les
cliniques pour une cinquantaine d’interventions chirurgicales.
Selon ce que nous avons appris, le ministre Bolduc souhaite
prolonger les délais parce qu’il estime que les cliniques ont
eu peu de temps pour s’ajuster aux nouvelles normes, entre le
moment de l’adoption de la loi 34, en juin, et l’application
du règlement, prévue le 30 septembre.
Il faut dire
que la loi 34 a souvent été décriée, tant par les syndicats
que les médecins. Le mois dernier, un nouveau tollé a éclaté
lorsque la clinique de l’Alternative a annoncé qu’elle devrait
cesser de pratiquer des avortements à compter du 30 septembre.
Elle n’était pas en mesure de se plier aux normes exigées pour
l’obtention d’un permis de CMS, normes qu’elle estimait trop
sévères.
Consu lté da ns la tou rmente, le Collège des médec i n s a f
ou r n i u n av is au ministre, lui recommandant d’exclure les
interruptions volont a i re s de g r o s s e s s e du
règlement.
Ces interventions n’ont pas besoin d’être pratiquées dans des
lieux stériles comme les blocs opératoires, avait alors
déclaré le président et directeur général du Collège, le Dr
Yves Lamontagne.
La Presse a appris que le Collège est ensuite allé plus loin.
Dans une lettre datée du 4 septembre, adressée au ministre de
la Santé, le Dr La montagne l ui dema nde de surseoir à
l’obligation de détenir un permis de CMS pour au moins six
mois.
Ce n’est pas la première fois que le règlement est reporté. Il
devait initialement entrer en vigueur en janvier 2009, avant
d’être reporté en septembre, puis vraisemblablement en mars
2010.
Les centrales syndicales contestent déjà le règlement en Cour
supérieure. La Fédération des médecins spécialistes du Québec
songe à entreprendre des recours juridiques elle aussi.
L’autre recul - MARIE-CLAUDE LORTIE
Essayez de
résumer la dernière crise en matière d’avortement à des gens
venus d’ailleurs, et ils vous feront répéter huit fois vos
explications, incrédules, perplexes, bouche bée.
PHOTO TOM HANSON, ARCHIVES LA
PRESSE CANADIENNE
Dans l’Ouest canadien, la force des
mouvements dits « pro-vie » est indéniable. Ce n’est pas la
américaine, mais le militantisme oblige les pro-choix à
limiter leur réflexion et leurs gestes à une seule chose :
protéger le droit de choisir. Ci-dessus, une manifestation
contre l’avortement à Ottawa en 2005.
Essayez. Voici l’absurde dialogue que cela produit :
– Donc, d’abord, les médecins ont dit au ministre que, s’il
changeait les normes de pratique des interruptions volontaires
de grossesse (IVG) hors hôpital, cela causerait des problèmes.
– O.K. – Puis, le ministre est revenu en disant qu’il allait
les changer parce que les médecins le demandaient. – Ah bon?
Pourtant… – Puis le ministre a été critiqué à cause de cette
décision, mais il a répondu que c’était la faute aux médecins,
que c’était eux qui avaient demandé que les normes changent. –
??? – Et les médecins ont donc dit : « Non, on n’a jamais rien
demandé. On a dit l’inverse. » – Quoi? – Alors le ministre a
dit : « Ouais, que faire ? Je vais demander leur avis aux
médecins! » – Mais il… – Et les médecins sont revenus en
disant: « Ne changez rien. » Et le ministre a dit: « O. K., on
ne change rien », exactement comme le lui avait recommandé le
Conseil du statut de la femme, il y a un an...
Évidemment, ce résumé de toute cette affaire est un peu
grossier. Il y manque quelques détails. On pourrait préciser,
par exemple, que les médecins parlent parfois par la voix du
Collège et parfois par celles de leurs fédérations. Mais peu
importe. La trame du scénario est intacte. Et avec un peu de
travail côté rythme ou écriture, on pourrait lui donner soit
des airs d’Ionesco, soit d’un sketch de Marc Labrèche…
Le dossier de l’avortement et de la loi 34 passera donc ainsi
à la postérité: un grand virage à 360° qui n’aura mené nulle
part, inquiétant tout le monde en chemin, stressant les femmes
et exaspérant les cliniciens. Le président du Collège des
médecins, le Dr Yves Lamontagne, a dit hier qu’on en avait
quand même profité pour faire avancer les choses. Mais quoi,
exactement? Moi, j’y vois un recul. Mais pas celui dont on
parle depuis le début de la crise.
L’avortement est en effet un sujet très particulier. Un sujet
délicat qui enflamme les discussions et provoque des débats de
société épiques dans les pays où il n’y a pas consensus. Aux
États-Unis, un de ceux-là, des médecins se font tuer parce
qu’ils pratiquent des avortements. On ne fait pas dans la
subtilité.
I l est normal , dans ce contexte, que la discussion sur
l’avortement tourne autour d’une seule et unique question:
doit-il être légal ou pas?
Dans l’Ouest
canadien aussi, au pays du Reform Party et des conservateurs,
la force des mouvements dits « pro-vie » est indéniable. Ce
n’est pas la Bible Belt américaine, mais le militantisme
oblige les pro-choix à limiter leur réflexion et leurs gestes
à une seule chose: protéger le droit de choisir.
En revanche, au Québec, avant ce dernier mélodrame, on en
était au point où la solidité du droit à l’IVG, son
enracinement profond, nous permettait d’amorcer une certaine
réflexion critique sur son utilisation. Ici et là, depuis
quelques années, on commençait à entendre des pro-choix
s’inquiéter du nombre d’avortements pratiqués au Québec ou
alors se demander tout haut s’il ne fallait pas commencer à
éduquer les jeunes femmes sur les cicatrices psychologiques
qu’ils laissent…
De tels questionnements, très nécessaires, ne peuvent avoir
lieu si le droit semble le moindrement menacé. Si la
perception de sa solidité est altérée.
Et c’est ce que cette désastreuse tempête dans un verre d’eau
a causé.
Et le plus ridicule, c’est qu’il ne semble même pas y avoir
d’idéologie ou d’idéologue antichoix en cause. Juste du
cafouillage bureaucratique.
Qui est responsable de ce navrant épisode? J’aimerais bien le
savoir.
On a beaucoup rouspété contre le ministre Yves Bolduc depuis
que le dossier est en dérapage incontrôlé, et avec raison.
C’est lui qui aurait dû saisir rapidement qu’on ne menace pas
le droit à l’avortement nonchalamment. C’est lui qui a laissé
glisser les choses. Mais est-il réellement le seul
responsable? Comment se fait-il que, parmi ses sousministres
et toute la pléthore de hauts fonctionnaires censés le
conseiller, personne n’ait fait 2 + 2 quand, dès le mois de
mai, la Fédération des médecins spécialistes tout autant que
la Fédération des médecins omnipraticiens ont dénoncé
l’inclusion de l’avortement dans les nouvelles normes sur la
pratique privée alors qu’ils témoignaient en commission
parlementaire? D’où est sorti cet affrontement avec le
Collège? Et où était endormi tout le monde, il y a un an,
quand le Conseil du statut de la femme a, le premier, sonné
l’alarme?
Il y a des jours où la responsabilité ministérielle devrait
être un peu plus partagée.
Le ministre Bolduc fait volte-face - Pascale Breton
Le ministre
de la Santé, Yves Bolduc, fait volte-face. Les avortements
seront soustraits de l’application de la loi 34.
Le ministre de la Santé, Yves
Bolduc, a indiqué hier que les normes encadrant la
pratique des avortements ne seront finalement pas
resserrées. « Selon le Collège desmédecins, les normes en
demandaient plus que nécessaire », a-t-il admis.
Le ministre Bolduc a indiqué hier qu’il se rangeait à l’avis
du Collège des médecins. Les normes encadrant la pratique
des avortements ne seront pas resserrées.
« Moi, j’écoute les recommandations de l’organisme
responsable de la qualité au niveau de l’acte médical », a
déclaré M. Bolduc à la sortie du la réunion du Conseil des
ministres.
Il a reconnu que la réglementation allait peut-être trop
loin dans le cas des interruptions volontaires de grossesse.
« Selon le Collège des médecins, les normes en demandaient
plus que nécessaire », a admis M. Bolduc.
Après des jours de controverse, le débat est donc clos. Les
avortements seront retirés du règlement qui encadre les
centres médicaux spécialisés. Du coup, ils sont soustraits à
l’application de la loi 34. Cette loi définit les normes de
pratique d’une cinquantaine d’interventions chirurgicales
faites à l’extérieur des hôpitaux.
Cette décision était réclamée par les fédérations de
médecins, par les groupes de femmes et par les cliniques
privées qui pratiquent des avortements.
Face à la controverse soulevée par la décision initiale, le
ministre avait demandé au Collège des médecins un nouvel
avis, qui est arrivé hier matin.
I l n’est pas nécessai re d’avoir une salle d’opération pour
pratiquer des avortements. Il suffit d’une salle consacrée à
ce type d’intervention où les règles d’hygiène et de
salubrité sont respectées, a tranché le Collège.
C’est déjà le cas dans les cliniques privées et les centres
de femmes où se pratiquent des avortements.
« D’après
nous, il n’y a vraiment pas besoin de s’habiller en
chirurgien pour faire des interruptions de grossesse », a
déclaré le président et directeur général du Collège des
médecins, le Dr Yves Lamontagne.
Il estime d’ailleurs que la controverse des derniers jours
est « une tempête dans un verre d’eau ».
À Montréal, quatre cliniques privées étaient visées par la
loi. Elles pratiquent 5000 des 15 000 avortements faits
annuel lement au Québec.
« Ces cliniques existent depuis plus de 30 ans et les
informations que nous avons font en sorte que nous sommes à
peu près sûrs que la sécurité et la santé des patientes qui
consultent dans ces cliniques sont protégées » , a décla ré
le Dr Lamontagne en voulant rassurer la population.
Par ailleurs, la question de la sévérité des normes imposées
aux cliniques privées pourrait se poser dans d’autres types
d’interventions, a laissé entendre le Dr Lamontagne.
« Il est fort probable que le Collège sera consulté à savoir
si tout ce qui est là-dedans (la loi 34), on le garde ou on
ne le garde pas », a dit le Dr Lamontagne.
De son côté, la clinique de L’Alternative pourra rester
ouverte. Elle avait annoncé qu’elle devrait cesser de
pratiquer des avortements dès la fin du mois de septembre
parce qu’elle ne pouvait se plier aux normes fixées par la
loi 34.
« C’est une très bonne nouvelle », a déclaré la directrice
de la clinique, Micheline Dupuis, visiblement soulagée. « On
essayait de faire comprendre à tous ces gens que c’était
impossible de faire des avortements dans les conditions
exigées par la loi 34, et rien ne bougeait. »
Par contre, la question des quotas demeure. L’Agence de
santé de Montréal limite à 5000 par année le nombre
d’avortements faits en clinique privée, dont 1036 à la
clinique de L’Alternative. « Le gros problème, c’est que ces
quotas al longent les listes d’attente, ce qu’on n’avait pas
avant », a ajouté Mme Dupuis.
La fissure dans le mur - MÉLANIE DUGRÉ
Chèrement
acquis, le droit à l’avortement est désormais fragilisé Le
droit à l’avortement est une bataille qui ne sera jamais
pleinement gagnée.
L’auteure est avocate. Il y a quelques jours, nous soulignions
le 20e anniversaire du jugement Daigle et de la victoire des
femmes dans leur combat pour faire reconnaître leur droit au
libre choix en matière d’avortement. Triste coïncidence, voilà
que ce droit est à nouveau menacé par une offensive menée sans
grâce par une armée de hauts fonctionnaires en cravate qui
n’ont probablement jamais mis les pieds dans une salle
d’opération ou d’intervention volontaire de grossesse ( IVG).
Bref, nous assistons à un magnifique exercice de bureaucratie
crasse.
La situation actuelle impose certains constats. Premièrement,
le système public a, au cours des dernières décennies,
lamentablement failli à sa responsabilité de fournir des
services d’IVG en temps opportun aux femmes qui le souhaitent.
Il faut se rappeler que chaque journée passée avec dans le
ventre un foetus dont on ne veut pas est une journée de trop.
Il faut également se rappeler qu’on ne peut pas traiter une
femme qui souhaite subir une IVG de la même façon qu’on se
comporte à l’endroit de patients qui attendent une opération
pour soigner une cataracte ou pour remplacer une hanche. La
formule classique du « prenez un numéro, entrez dans le rang
et soyez patient », si chère aux yeux à demi clos du
gouvernement, est fort inopportune.
Dans le contexte d’une IVG, la facilité et la simplicité
d’accès au service, l’humanisme des intervenants et la
capacité à gérer la délicatesse d’une telle situation sont
élémentaires, mais restent pourtant souvent étrangers au
système public. Là où le gouvernement a échoué, les cliniques
privées ont réussi à instaurant des règles de pratique
efficaces et répondant aux besoins de la population.
Mais ironiquement, le gouvernement voudrait aujourd’hui que
toutes les procédures et interventions médicales pratiquées en
cliniques privées obéissent aux mêmes règles sans distinction
ni égard aux particularités de chacune. Un poids, une mesure
pour tous.
Deuxièmement,
l’Agence de la santé et des services sociaux ne fait état
d’aucune plainte ou d’aucun incident en relation avec les
procédures d’IVG pratiquées en cliniques privées. Le
gouvernement serait donc bien mal venu de prétendre que les
changements législatifs sont nécessaires afin de préserver la
santé, la sécurité et l’intégrité des femmes.
Subsiste donc la question de savoir pourquoi le gouvernement a
choisi de s’attaquer aux racines d’un droit aussi fondamental?
Soit il s’agit d’un solide travail d’amateurs dépourvus de
toute faculté de réflexion ou encore la démarche s’inscrit
dans une ligne d’action très précise et dont l’ordre du jour
est tenu secret. Cette dernière possibilité est, ma foi,
plutôt inquiétante.
Troisièmement, on peut s’indigner et se scandaliser ad nauseam
des statistiques québécoises sur l’avortement. On pourra
toujours se reparler de prévention et d’éducation avec un café
et une brioche. Mais là n’est pas le débat. La question
actuelle est de loin plus urgente et immédiate puisque les
changements annoncés mettent sérieusement en péril, et ce, à
très court terme, le droit d’accès à l’avortement pour des
milliers de femmes.
Il semblerait qu’après consultation avec le Collège des
médecins, des assouplissements seront mis en place afin
d’éviter la catastrophe. Peut-être nous réveillerons-nous
demain avec le sentiment que tout ça n’était qu’une tempête
dans un verre d’eau.
Malheureusement, force est de constater que les fondations
mêmes d’un droit durement et chèrement acquis sont désormais
fragilisées et, en toute lucidité, nous devons admettre que
cette bataille ne sera jamais pleinement gagnée.
Par sa démarche irréfléchie et irresponsable, notre
gouvernement s’est injustement attaqué au mur de soutien d’un
de nos droits les plus fondamentaux en y laissant une fissure
béante pour nous rappeler qu’aucun droit ne nous est jamais
vraiment acquis.
Jean Charest s’engage à ne pas rouvrir le débat
sur l’avortement
Le premier
ministre Jean Charest ne s’en cache pas: il fera tout ce qu’il
peut pour éviter de rouvrir le débat explosif sur
l’avortement.
Il s’est donc appliqué, hier, à mettre le couvercle sur la
marmite, en s’engageant à respecter scrupuleusement le droit
des femmes d’interrompre une grossesse non désirée.
« On l’a fait, ce débat. C’est réglé. On ne reviendra pas
làdessus. Les femmes doivent avoir accès à ce service », a
martelé à maintes reprises le premier ministre Charest, hier,
en point de presse, en pesant chacun de ses mots.
Le ministre de la Santé, Yves Bolduc, qui a mis le
gouvernement dans l’embarras dans ce dossier, a donc reçu le
mandat de revoir à la baisse les critères définis par
règlement dans la loi 34, afin que les cliniques privées
puissent continuer à pratiquer des avortements comme avant.
Adoptée au printemps, la loi 34 encadre la pratique des
cliniques médicales privées – quant à la stérilité des
instruments, par exemple, et à la qualité de l’aération –,
dans le but de garantir la qualité des soins qui y sont
offerts.
Or, en ce qui
touche les cliniques où on pratique les interruptions de
grossesse, le Collège des médecins estime que Québec place la
barre beaucoup trop haut quant aux normes à respecter, ce qui
compromet l’accessibilité du service.
Le week-end dernier, le ministre Bolduc avait refusé
d’assouplir sa position, mais il a depuis fait volte-face pour
demander au Collège des médecins de lui fournir, dans les
prochains jours, une nouvelle liste d’exigences mieux adaptée
aux besoins réels des cliniques d’avortement.
« Maintenant, il s’agit de s’assurer que le service sera
offert, et il le sera », a ajouté M. Charest.
Mais ni le ministre Bolduc ni le premier ministre Charest ne
pouvaient, hier, expliquer comment le gouvernement avait pu se
retrouver au coeur d’un cafouillage qui a pris des proportions
telles que certaines cliniques menacent de ne plus pratiquer
d’avortements, voire de fermer leurs portes, tandis que la
Fédération des médecins spécialistes réclame la tête du
ministre.
Visiblement contrarié par la polémique autour de cette
question qui soulève les passions, M. Charest a tout de même
réaffirmé sa confiance « totale » dans le ministre Bolduc,
hier, en marge de l’assermentation des députés libéraux
Clément Gignac et Jean D’Amour, récemment élus.
Le ministre Bolduc croit pouvoir régler le dossier la semaine
prochaine, quand il aura obtenu les recommandations du Collège
des médecins.
Crise avortée - ARIANE KROL
Le Dr Bolduc
trouvaitil son été trop calme ? D’habitude, les ministres de
la Santé se contentent d’éteindre les feux, en croisant les
doigts pour qu’il n’en éclate pas trois en même temps dans le
réseau. Yves Bolduc, lui, a créé une crise de toutes pièces
avec les cliniques d’avortement privées. Un dérapage qui
aurait facilement pu être évité.
Il suffit de revoir le film des événements pour s’en rendre
compte. Lorsque Le Devoir annonce, vendredi dernier, que la
clinique L’Alternative cessera de pratiquer des avortements en
septembre, on est encore bien loin d’une crise. Un conflit,
tout au plus. Les autres cliniques d’avortement dénoncent les
exigences requises pour obtenir leur nouveau permis en vertu
de la loi 34. Si Québec s’entête à leur imposer des normes
inutilement élevées, elles devront fermer.
Sauf qu’à ce stade-ci, le ministre a encore beaucoup de marge
de manoeuvre. La date butoir est dans plus d’un mois. Il a le
temps d’étudier la question, de consulter des experts – un
environnement de type bloc opératoire est-il vraiment
indispensable? Ce jour-là, c’est une porte-parole du Ministère
qui répond aux médias. Si l’avortement est couvert par la loi
34, c’est à cause d’une recommandation du Collège des
médecins, dit-elle.
Le Dr Bolduc
se prononce le lendemain, en marge du congrès des jeunes
libéraux. Il dit que les normes ne peuvent pas être changées,
plaide l’importance de la qualité des services, ouvre la porte
à un soutien financier pour les cliniques. En aucun temps il
ne rectifie le tir sur la supposée recommandation du Collège.
Et voilà! La situation, qui était jusqu’ici parfaitement
gérable, vient de se transformer en crise majeure. Et le
ministre ne doit s’en prendre qu’à lui-même.
Quand on confie la Santé à un médecin, on s’attend à ce qu’il
navigue avec une certaine aisance dans le système. On ne lui
demande pas de connaître les normes de ventilation nécessaires
pour pratiquer des avortements. Mais on aimerait, quand il
évoque des exigences de qualité et de sécurité, qu’il sache de
quoi il parle. Hélas, le Dr Bolduc était complètement dans le
champ. Il a fallu que le Collège et des médecins pratiquant en
milieu hospitalier sortent sur la place publique pour qu’on
ait enfin l’heure juste.
Non seulement le Collège n’a-t-il jamais demandé que les
avortements soient encadrés par la loi 34, mais il trouve ses
exigences excessives. D’ailleurs, une bonne partie des
interventions effectuées dans les hôpitaux et les CLSC se font
dans des conditions semblables à celles des cliniques privées,
et non dans un bloc opératoire. Le Dr Bolduc n’aurait même pas
dû être pris au dépourvu. Au printemps déjà, les fédérations
de médecins avaient prévenu que la loi 34 découragerait
certains de leurs membres de faire des avortements en
clinique.
Le ministre se montre maintenant ouvert à assouplir ses
normes. Bravo. Mais il aurait pu arriver aux mêmes conclusions
plus tôt, et sans se mettre dans l’embarras, s’il avait pris
la peine de se renseigner.
L’injustice - Marie-Claude Lortie
J e n’en rev
iens pas que, 21 ans après l’arrêt Morgentaler, il faille
encore se battre pour faire respecter le droit à l’avortement.
Je n’en reviens pas… »
Au bout du fil, la présidente du Conseil du statut de la femme
du Québec, Christiane Pelchat, est furieuse.
« Je ne doute pas de la bonne foi du ministre », répète-t-elle
à plusieurs reprises, en parlant d’Yves Bolduc, le ministre de
la Santé, qui doit gérer ces jours-ci le fiasco du dossier de
l’avortement. « Mais pourquoi, pourquoi nous retrouvons-nous
dans cette situation? »
Pour ceux qui reviennent de vacances et qui n’ont pas lu leur
Presse depuis une semaine, petit résuméde la crise: Québec a
décidé de mieux encadrer la pratique médicale privée. Pour
cela, il a préparé la loi 34. On y trouve une nouvelle liste
d’actes médicaux spécialisés, y compris les avortements,
soumis à des normes très strictes qui entrent en vigueur le 30
septembre.
Les quatre cliniques privées et les trois centres de santé des
femmes qui pratiquent des avortements au Québec sont soumis à
ces normes, qui exigent notamment que les interventions se
fassent en bloc opératoire. Pour certaines de ces cliniques,
notamment la clinique Morgentaler, en activité depuis 40 ans
(sans plaintes sur la qualité des services), une telle
transformation serait trop coûteuse.
Les nouvelles normes, donc, pourraient obliger ce type
d’établissement à fermer. Cela n’est pas sans importance quand
on sait que, en 2006, 28% des avortements, au Québec, ont été
pratiqués dans ce type de lieu, donc à l’extérieur des
hôpitaux et des CLSC. Dans certaines régions, ce sont les
seuls établissements à offrir le service d’interruption
volontaire de grossesse (IVG).
Depuis que le dossier a commencé à déraper, le ministre Bolduc
dit que ce sont les médecins qui ont demandé que l’avortement
soit sur la fameuse liste.
« Faux », a rétorqué le Collège des médecins lundi. « On
n’a jamais demandé ça », a-t-il dit, en gros.
En
fa it , non seulement les médecins ne l’ont jamais
demandé, mais ils disent publiquement haut et fort depuis
les audiences de la commission parlementaire sur le projet
de loi en mai – tout est dans les articles de ma collègue
Pascale Breton – que ça n’a pas d’allure d’imposer aux
cliniques privées des normes hospitalières pour ce qui
touche l’avortement.
Hier, placé devant la réaction des médecins, M. Bolduc a
commencé à sembler vouloir reculer, mais il a dit qu’il leur
demanderait encore leur avis…
Quelle partie de ce qu’a dit le Collège des médecins peutil
bien ne pas comprendre ? « Ce n’est pas la demande (du
Collège), que l’interruption volontaire de grossesse figure
sur la liste des services pouvant être dispensés dans un
centre médical spécialisé… »
Hier, c’est cette clarification des médecins qui a fait bondi
r la présidente du Conseil du statut de la femme. « Si ce
n’est pas à la demande des médecins, c’est à la demande de
qui? » Très bonne question. Autres questions : qu’en pense
Christine St-Pierre, ministre responsable de la Condition
féminine, et qu’en pense le premier ministre Jean « cabinet
paritaire » Charest? Et encore: est-il normal que,
au Québec, on menace l’accès à l’avortement par le
truchement de la bureaucratie ? Comme si, au lieu de
partir en guerre idéologique, on préférait ensevelir tout
le monde sous une montagne de normes et de paperasse…
Lepire, rappelleMme Pelchat, c’est que les centres et
cliniques visés n’ont jamais demandé à jouer un rôle aussi
central depuis 20 ans dans la pratique des avortements au
Québec. Cette réalité s’est organisée parce que le réseau
de la santé faisait preuve d’une volonté pour le moins
inégale face à cette pratique. On a donc délesté
consciemment les IVG vers ces centres. Leur tomber sur la
tête aujourd’hui est totalement injuste. Mme
Pelchat parle de « misogynie patentée » au ministère de la
Santé.
Ces mots sont durs, mais le droit à l’avortement est protégé
par la Constitution et défendu par la Cour suprême. Et le
ministère de la Santé du Québec, qui a comme responsabilité de
garantir l’accès à ce service, le remet en question. C’est
grave. La
moindre des choses serait que, faute de faire son
travail, il cesse de tomber sur la tête de ceux et
celles qui le font à sa place (NDE : WOW !!!...) .
D’autres interventions compromises - Pascale Breton
Les
avortements ne sont pas les seules interventions délaissées
par le privé. Des cliniques pourraient cesser certaines
activités, notamment des examens pour détecter des cancers,
allongeant du coup les listes d’attente.
PHOTO RÉMI LEMÉE, ARCHIVES LA
PRESSE
Gaétan Barrette craint que certaines
activités soient délaissées par les cliniques privées,
notamment les biopsies tumorales du sein. « Les patientes
vont attendre », a déclaré le président de la Fédération des
médecins spécialistes duQuébec.
Les médecins avaient déjà exprimé au ministre leurs craintes
en ce sens lors de l’étude du projet de loi 34.
Mais à l’approche de la date butoir qui oblige les cliniques à
être accréditées comme cliniques médicales spécialisées pour
pratiquer une cinquantaine d’activités, les craintes se
concrétisent.
« Les cliniques vont arrêter de faire certaines activités, par
exemple des biopsies tumorales du sein. Elles vont abandonner
ce volume d’activités qui va retourner à l’hôpital; donc, les
patientes vont attendre », a déclaré le président de la
Fédération des médecins spécialistes du Québec, le Dr Gaétan
Barrette.
À l’Association des spécialistes en chirurgie plastique et
esthétique du Québec, on confirme que les médecins pourraient
cesser de pratiquer certaines interventions au privé,
notamment pour des tumeurs malignes et des réductions
mammaires.
« Peut-être que certaines cliniques vont choisir de cesser
certains services qu’elles offrent actuellement. Si elles le
font, c’est qu’elles ne souhaitent pas correspondre aux
critères qu’on exige », a rétorqué Marie-Ève Bédard,
l’attachée de presse du ministre, en rappelant que l’objectif
de la loi 34 est d’assurer des « normes de qualité et de
sécurité ». Tollé autour des avortements
La controverse entourant la loi 34 a éclaté au grand jour
quand la clinique L’Alternative a fait savoir qu’elle ne
pratiquerait plus d’avortements, jugeant les nouvelles normes
trop sévères. Elle s’occupe d’un millier de femmes par année.
« Les avortements devraient être retirés de la loi 34; il
devrait y avoir une abrogation de ce côté-là », estime la
présidente de l’Association des obstétriciens et gynécologues
du Québec, la Dre Corinne Leclercq, qui craint pour
l’accessibilité du service.
Le ministre de
la Santé, Yves Bolduc, s’est montré ouvert à cette avenue si
telle est la recommandation du Collège des médecins, qu’il a
mandaté pour réviser la question.
Cette décision survient un peu tard. La tension est bien
installée entre le milieu médical et le Ministère. Le
président de la Fédération des médecins spécialistes du Québec
accuse carrément le ministre d’avoir menti à la population
dans ce dossier.
C o m me plusieurs, le Dr Barrette croit que le Ministère veut
rapatrier certaines interventions, dont les avortements, dans
les hôpitaux. « C’est une impression qu’on a. J’ai la
certitude qu’ils veulent tout ramener à l’hôpital et tout
contrôler, y compris l’accès », a ajouté le Dr
Barrette.
Des organismes et des cliniques privées craignent que Québec
ne tente en fait de réduire l’accès à l’avortement. Depuis une
bataille juridique, les femmes peuvent subir l’intervention
gratuitement au privé si elles le désirent, comme c’est le cas
dans les hôpitaux ou les CLSC. Mais les cliniques sont
limitées par des quotas.
« Le Ministère devrait débloquer les budgets nécessaires pour
s’assurer que toutes les femmes puissent avoir accès au
service dans le lieu de leur choix et puissent avoir
l’intervention dans un délai rapide », souligne Nathalie
Parent, coordonnatrice de la Fédération du Québec pour le
planning des naissances.
Les femmes attendent en moyenne une dizaine de jours avant
d’avoir l’intervention. Mais dans certains cas, l’attente dure
jusqu’à cinq semaines, précise Mme Parent.
Les délais sont plus longs en raison de ces quotas, a confirmé
le Dr Claude Paquin, directeur médical de la clinique Fémina.
« C’est évident qu’on ne peut pas parler d’accessibilité si on
est limité à 2200 avortements par année dans notre cas. On est
rendu à deux, trois ou quatre semaines d’attente. »
À Montréal, une entente de service lie l’Agence à quatre
cliniques privées qui pratiquent 5000 des 15 000 interventions
chaque année.
Québec réévalue le dossier - Pascale Breton
Québec
pourrait revenir sur sa décision et assouplir les nouvelles
normes imposées aux cliniques privées qui pratiquent des
avortements.
Face au tollé des derniers jours, le ministre de la Santé,
Yves Bolduc, a demandé au Collège des médecins de réétudier la
question.
J’ai parlé à Yves Lamontagne ( PDG du Collège) cet aprèsmidi
et je lui ai demandé de revoir si les normes doivent être
maintenues ou si on peut les assouplir », a déclaré le
ministre en entrevue à La Presse.
Il a précisé qu’il allait se conformer aux recommandations de
l’organisme. « Nous voulons maintenir l’accès à l’avortement »
, a insisté M. Bolduc.
À l’origine de cette controverse, l’adoption de la loi 34, qui
obligera les cliniques privées à obtenir une accréditation du
ministère de la Santé à compter du 30 septembre.
Pour obtenir leur permis, elles devront se conformer à des
règles strictes visant à encadrer une cinquantaine
d’interventions, dont les interruptions volontaires de
grossesse. Ces règles touchent notamment la circulation de
l’air et le port de vêtements stériles, comme dans un bloc
opératoire.
Déjà, la
Clinique de l’Alternative, à Montréal, a fait savoir qu’elle
ne pratiquerait plus d’avortements. Elle s’occupait d’un
millier de femmes chaque année.
Le dossier de l’avortement et des cliniques privées est devenu
une patate chaude au cours des derniers jours. Hier, le
Collège des médecins a indiqué qu’il allait répondre à la
demande du ministre, mais s’est défendu d’avoir proposé les
nouvelles normes.
«Les critères appliqués dépassent largement les niveaux de
soins requis et les actions prises récemment par le personnel
du Ministère auprès de ces centres risquent de compromettre
l’accessibilité à ces interventions médicales requises pour
des raisons apparemment nobles de sécurité du public; les
règles appliquées dans ces centres depuis plusieurs décennies
n’ont jamais démontré jusqu’à maintenant des problèmes majeurs
de qualité», a indiqué le Collège par voie de communiqué.
L’Agence de santé de Montréal a pour sa part assuré qu’aucune
femme ne serait laissée en plan, même si des cliniques privées
cessaient de pratiquer des avortements.
« Je suis confiant que nous serons capables de combler les
besoins », a déclaré le président et directeur général de
l’Agence, David Levine, en conférence de presse.
L’Agence a demandé aux hôpitaux et aux cliniques d’accroître
leur offre de service. Elle estime être en mesure actuellement
de répondre à 70% des besoins. Dans quelques semaines, elle
espère atteindre 100%, si le besoin s’en fait sentir.
Le tiers des 15 000 avortements pratiqués à Montréal chaque
année sont faits dans quatre cliniques privées. Déjà,
l’Alternative a fait savoir qu’elle n’en ferait plus.
Les cliniques Fémina et Morgentaler, qui pratiquent 4700 des
5000 avortements faits au privé, n’ont toujours pas reçu leur
accréditation. On ne sait pas encore si elles vont continuer
d’offrir le service. À ce jour, seule la clinique l’Envolée a
obtenu son permis.
Nouvelles contraintes imposées par la loi Une
clinique cesse de faire des avortements - Martin
Croteau
« Pour la femme,
c’est encore un recul. Il faut encore qu’elle se batte pour
avoir droit à l’avortement. »
Des groupes craignent que l’accès à l’avortement soit menacé par
une nouvelle loi qui impose une série de contraintes aux
cliniques privées qui pratiquent cette intervention. Ils ont
demandé au gouvernement de réviser la loi, hier, tandis qu’une
clinique du centre-ville de Montréal faisait savoir qu’elle
cessera de pratiquer des avortements fin septembre.
La clinique de L’Alternative, dans le quartier Centre-Sud, a
informé le ministère de la Santé qu’elle cesserait de pratiquer
des avortements à compter du 30 septembre. Elle continuera
toutefois d’offrir d’autres services, notamment le dépistage des
maladies transmises sexuellement.
Les quelque 1000 femmes qui se rendent à L’Alternative pour
subir une interruption de grossesse volontaire devront donc se
tourner vers les hôpitaux et les autres établissements.
« Ça va venir accentuer les problèmes d’accès et de délais
d’attente qui sont déjà importants dans certaines régions »,
estime Nathalie Parent, coordonnatrice de la Fédération du
Québec pour le planning des naissances.
Dans la foulée du jugement Chaoulli, qui forçait Québec à ouvrir
la porte au privé dans la santé, le gouvernement a adopté la loi
34 le printemps dernier. La loi vise à encadrer une cinquantaine
d’interventions pratiquées dans des cliniques qui ne font pas
partie du réseau public.
Pour se conformer aux nouvelles exigences de la loi, la clinique
de L’Alternative aurait dû transformer la pièce où sont
pratiqués les avortements en un véritable bloc opératoire. Elle
aurait dû s’équiper d’un mécanisme pour changer l’air,
stériliser la salle de fond en comble, doter les médecins de
vêtements pour chirurgiens.
Tout cela alors que les interruptions volontaires de grossesse
sont une intervention relativement simple, explique la
directrice de la clinique, Micheline Dupuis.
« L’avortement
est une intervention mineure et on nous demande de rendre ça
majeur », a résumé Mme Dupuis.
Elle précise qu’aucune patiente de sa clinique n’a jamais
connu de complications « majeures » à la suite d’un
avortement.
Révision demandée
La Dre Corinne Leclercq, présidente de l’Association des
obstétriciens et gynécologues du Québec, demande au
gouvernement de réviser la loi 34. Elle souhaite que Québec
retire l’avortement de la liste des chirurgies qu’elle
encadre.
« Ce n’est pas la clinique qui est fautive, c’est le projet de
loi qui est fautif, a-t-elle tranché. Pour la femme, c’est
encore un recul. Il faut encore qu’elle se batte pour avoir le
droit à l’avortement. Et ce droit vient d’être en partie
diminué. »
La porte-parole du ministère de la Santé, Marie-Claude Gagnon,
rétorque que c’est le Collège des médecins qui a recommandé au
gouvernement d’inclure l’avortement à la liste des
interventions encadrées par la loi 34.
De son côté, l’Agence de la santé et des services sociaux de
Montréal craint que d’autres cliniques privées n’emboîtent le
pas à L’Alternative. C’est pourquoi son président, David
Levine, présentera lundi un plan pour assurer l’accès à
l’avortement.
Le tiers des grossesses se terminent en avortement au Québec.
Les médecins pourraient cesser de faire des
avortements au privé
Spécialistes et
omnipraticiens protestent contre des normes que Québec veut
imposer
Exaspérés par les contraintes administratives que veut leur
imposer Québec, les médecins menacent de ne plus pratiquer de
nombreuses interventionsdans lescliniquesprivées, notamment les
avortements. Une décision qui aurait un impact important sur les
listes d’attente.
Des ententes existent entre des hôpitaux et des cliniques
privées pour y diriger des femmes qui veulent subir une
interruption volontaire de grossesse.
Beaucoup d’hôpitaux sont en effet incapables de faire les
avortements dans les délais requis en raison des listes
d’attente élevées. D’autres ne pratiquent pas ce genre
d’interventions au-delà d’un certain nombre de semaines de
grossesse.
Tout risque de changer, affirme le président de la Fédération
des médecins spécialistes du Québec, le Dr Gaétan Barrette. «
C’est certain que les gynécologues-obstétriciens vont arrêter de
faire ces interventions parce que ce qu’on leur impose comme
lourdeur est trop grand. On impose aux cabinets privés des
normes hospitalières. »
Le son de cloche est similaire du côté des médecins
omnipraticiens du Québec qui pratiquent le plus grand volume des
avortements.
« On se retrouve avec un carcan administratif, déplore le
président de la Fédération des médecins omnipraticiens du
Québec, le Dr Louis Godin. Nous pensons qu’il y a un risque
important que ça ne mette un frein à l’accessibilité parce qu’il
y a probablement des médecins qui vont arrêter d’en faire. »
Le problème réside dans la teneur du projet de loi 34, à l’étude
en commission parlementaire à Québec cette semaine. Dans un
souci d’accessibilité aux soins et dans la foulée du jugement
Chaoulli, le gouvernement veut encadrer une cinquantaine de
procédures chirurgicales faites dans le privé.
À compter de l’automne, les cliniques devront être reconnues
comme des cliniques médicales spécialisées. Elles devront
obtenir un permis délivré par le ministre. Elles devront aussi
se conformer à une série de règlements, autant en ce qui a trait
aux installations, au personnel, aux procédures, jusqu’au code
vestimentaire.
Si la clinique n’obtient pas de permis,
elle devra cesser ses opérations ou devenir privée au sens où les
médecins devront devenir non participants au Régime de l’assurance
maladie du Québec.
Mais les médecins estiment que les règles administratives sont
trop nombreuses. « Les gens vont simplement arrêter de faire ces
procédures parce qu’ils n’ont pas besoin de ça pour vivre », lance
le Dr Gaétan Barrette.
L’impact sur les avortements est important. En 2007, près de 5000
interruptions volontaires de grossesse ont été réalisées dans les
cliniques privées et quelque 2800 dans les centres de santé des
femmes. Environ 19 900 interventions ont été pratiquées dans les
hôpitaux et les CLSC.
À la suite d’un jugement de la Cour supérieure du Québec, le
ministère de la Santé et des Services sociaux rembourse par
ailleurs 350$ pour chaque avortement pratiqué au privé, en plus
des honoraires médicaux payés par la RAMQ.
Bien d’autres procédures faites au privé risquent d’être aussi
abandonnées. Une décision qui aurait même un impact sur le projet
de loi sur la procréation assistée. En campagne électorale, les
libéraux s’étaient engagés à payer des frais de traitements de
fertilité aux couples qui veulent avoir un enfant.
« Il est strictement impossible de faire de la fécondation in
vitro dans le public au Québec. Il n’existe aucune ressource »,
souligne le Dr Barrette.
En commission parlementaire, le ministre de la Santé, Yves Bolduc,
a expliqué qu’il voulait s’assurer de la sécurité entourant
chacune des procédures.
« Dans les cliniques médicales spécialisées, ce sont des actes
chirurgicaux qui sont pratiqués. C’est le pendant d’un bloc
opératoire à l’hôpital. (…) Le fait d’avoir un agrément, un permis
spécial est tout à fait indiqué. »
En fin de journée hier, le ministre de la Santé, Yves Bolduc, a
par ailleurs indiqué que les centres de santé des femmes, des
organismes à but non lucratif où se pratiquent notamment des
interruptions volontaires de grossesse, ne seront pas soumis aux
règles les contraignant à devenir des cliniques médicales
spécialisées.
Bataille « maudite » mais nécessaire
- Louise Leduc
Il y aura 20
ans samedi prochain, la Cour suprême a permis à Chantal Daigle
de se faire avorter. Si les avortements étaient déjà monnaie
courante à l’époque et si 34 grossesses sur 100 se terminent
aujourd’hui par un avortement au Québec, celui-là a fait
« Ça a été le dernier soubresaut du mouvement féministe. Il
n’y en a plus eu depuis. »
C’était l’affaire de l’été. Il y avait eu des manifestations
monstres, chacun avait son opinion sur une grossesse qui
n’était pas la sienne. Le 8 août, finalement, la Cour suprême
a siégé pour déterminer si Chantal Daigle pouvait ou non se
faire avorter. Puis, coup de théâtre : en pleine salle
d’audience, devant neuf juges – parmi lesquels certains
avaient dû interro, pre leurs vacances – l’avocat de Chantal
Daigle s’était levé, livide, pour dire que sa cliente s’était
fait avorter quelques jours plus tôt. À Boston, sans le
prévenir.
À
l’été 1988, l’avortement faisait les manchettes au Québec.
Jean-Guy Tremblay était allé jusqu’en Cour suprême pour
empêcher son ex-copine, Chantal Daigle, de se faire avorter.
Chantal Daigle n’avait donc pas attendu la permission de la
Cour. Le temps pressait, elle était déjà enceinte de plus de
20 semaines. Son ex-copain ayant au préalable obtenu de la
Cour d’appel une injonction lui interdisant de se faire
avorter, elle s’exposait du coup à une poursuite pour outrage
au tribunal, à une peine de prison et à une amende pouvant
totaliser 50 000$.
Chantal Daigle n’est pas allée en prison. Elle n’a pas eu
d’amende. Le gouvernement du Québec ne l’a pas poursuivie.
Quelques mois plus tard, dans le jugement écrit qui justifiait
la décision prise en août, la Cour suprême a fermé une porte
et en a laissé une autre ouverte: non, le foetus n’est pas un
être humain, mais il peut être traité comme une personne «
dans les cas où il est essentiel de le faire pour protéger ses
intérêts après sa naissance ».
L’ex de Chantal Daigle, JeanGuy Tremblay, a fait les
manchettes à quelques reprises depuis. Séjour en prison,
épisodes de violence conjugale... Chantal Daigle, qui est
aujourd’hui mère et qui chérit son anonymat, ne veut plus
accorder d’entrevues sur cet épisode de sa vie, traumatisant
au possible. « Je suis une fille qui a subi une cause, cet
été. Je ne fais partie d’aucun organisme, a-t-elle déclaré
après toute l’affaire. Je veux retrouver ce que j’étais. »
C’est donc bien malgré elle que Chantal Daigle est devenue, le
temps d’un été, le porte-étendard du féminisme.
« La mobilisation s’éteignait, ça a été le dernier soubresaut
du mouvement féministe. I l n’y en a plus eu depuis », lance
Francine Pelletier, journaliste et documentariste.
Ce débat n’était pas joli, se souvient-elle : « Une bataille
maudi t e , mai s nécessa i r e . Personne n’aime l’idée
d’arrêter une grossesse. Se faire avorter, ce n’est facile
pour personne. »
Même si l’avortement n’est plus un geste criminel depuis 1988
(depuis l’arrêt Morgentaler – un an, donc, avant l’affaire
Daigle), même si la pratique est largement répandue
aujourd’hui, « personne ne se vante d’avoir subi un avortement
», fait observer Mme Pelletier.
Et il n’y a plus grand-monde, au Parlement, qui ose rouvrir
cette boîte de Pandore.
Outre quelques
projets de loi privés au fédéral, c’est le statu quo, signale
Margaret Somervi l le, professeure au dépar tement de droit et
de médecine de l’Université McGill. « Stephen Harper ne veut
pas toucher à cela, et je doute qu’un politicien ne s’attaque
à la question. Pour un politicien, c’est de la dynamite. »
Margaret Somervi l le, qui est originaire de la
NouvelleZélande, est arrivée ici en 1975. Elle est toujours
renversée par le virage à 180° qu’a fait le Québec en quelques
années. « Quand je suis arrivée ici, si un chirurgien devait,
par une opération, porter atteinte aux facultés reproductives
d’une femme, il devait demander l’autorisation au mari avant
de procéder. On est passé de ça à la possibilité d’avoir un
avortement la veille d’un accouchement. »
Le risque est théorique, car les avortements tardifs sont
dangereux et rares. En janvier, le Dr Henry Morgentaler avait
lui-même dit, dans une entrevue accordée à La Presse, qu’il
s’opposait à tout avortement après 24 semaines.
La loi louvoie
N’empêche, sur l’avortement, la loi louvoie. La Cour suprême a
décriminalisé l’avortement en 1988 et déclaré l’année suivante
que le foetus n’est pas un être humain. Mais jamais
l’avortement n’a été reconnu comme un droit constitutionnel, a
fait remarquer le Conseil du statut de la femme l’an dernier.
La dernière tentative sérieuse de baliser l’avortement remonte
à Kim Campbell. Alors ministre de la Justice, elle était
presque parvenue à faire amender la loi, en 1991, pour limiter
l’avortement aux seules situations où la santé des femmes
était en jeu. Au bout du compte, le Sénat avait bloqué le
projet de loi.
Mais y aurait-il lieu de baliser l’avortement ? Même Francine
Pelletier, féministe des premières heures, s’étonne du fait
que des avortements très tardifs puissent être pratiqués et ne
nie pas que, idéalement, quelques balises pourraient être
indiquées. Mais il faudrait rouvrir le débat. . . « C’est un
débat où l’on tombe tellement facilement dans le
sensationnalisme, où l’on a tellement tôt fait de culpabiliser
les femmes, dit Francine Pelletier. Pour l’instant, surtout
avec le gouvernement conservateur que l’on a, il vaut mieux
s’en tenir au statu quo. »
Ma rga ret Somervi l le, elle, croit qu’il y aurait lieu
d’interdire les avortements après le premier trimestre. Non
pas parce qu’elle n’a aucun problème avec l’avortement au
premier trimestre, mais parce que la loi n’y peut rien,
notamment en raison de la pilule du lendemain.
Louise Viau, professeure de droit à l’Université de Montréal,
interviewée par La Presse l’année dernière, avait résumé
l’affaire ainsi : tout compte fait, quelles que soient les
raisons pour lesquelles un avortement est pratiqué, « ça vaut
toujours mieux que les broches à tricoter ».
La femme, seule juge - Nathalie
Parent
Il y a 20 ans,
l’affaire Chantal Daigle: les droits du foetus et du père en
puissance n’existent pas
C’est l’histoire d’une formidable mobilisation et d’une grande
solidarité, entre cette jeune femme de 21 ans qui ne se disait
pas féministe et le mouvement en faveur du libre-choix.
L’auteure est coordonnatrice de la Fédération du Québec pour
le planning des naissances (FQPN). Elle se prononce au nom du
comité organisateur des activités entourant le 20e
anniversaire de l’affaire Chantal Daigle.
Le 8 août 1989, la Cour suprême du Canada rendait son jugement
dans l’affaire Chantal Daigle, mettant ainsi fin à un suspense
qui a tenu le Québec et le Canada en haleine pendant quelques
semaines. Aujourd’hui, nous tenons à souligner le 20e
anniversaire de ce jugement qui demeure un des plus importants
en matière de droit à l’avortement.
On se souviendra qu’en juillet 1989, à la suite d’une
injonction de la Cour supérieure, Chantal Daigle était la
seule femme au Canada qui ne pouvait se faire avorter, sous
peine d’emprisonnement et d’une amende de 50 000$. Déboutée en
Cour d’appel, la jeune femme avait porté sa cause devant le
plus haut tribunal du pays et défié la loi en se faisant
avorter aux États-Unis.
Dans un jugement historique ( Tremblay c. Daigle, [1989]) qui
n’a jamais été contredit depuis, la Cour suprême affirme que
les droits du foetus et les droits du père en puissance
n’existent pas. La Cour ajoute que seule la femme enceinte a
le pouvoir de décider si une grossesse sera menée à terme et
que le père n’a aucun « intérêt » sur le foetus. Elle conclut
que « le foetus n’est pas compris dans les termes "être
humain" utilisés par la Charte québécoise et, par conséquent,
ne jouit pas du droit à la vie conféré par son article premier
». Ce jugement, ainsi que l’arrêt Morgentaler, qui
décriminalisait l’avortement un an et demi auparavant,
constituent encore aujourd’hui les jalons juridiques du droit
à l’avortement au pays.
Mais
l’histoire de Chantal Daigle n’est pas seulement remarquable
en raison de son caractère fortement médiatisé, des acteurs en
présence, et de sa contribution en matière de droits des
femmes. C’est aussi l ’ histoi re d’une formidable
mobilisation et d’une grande sol idarité, entre cette jeune
femme de 21 ans qui ne se disait pas féministe et le mouvement
en faveur du libre-choix.
Au lendemain de la décision de la Cour d’appel, le mouvement
féministe prépare la riposte. En quelques jours, la Coalition
québécoise pour le droit à l’avortement libre et gratuit
(CQDALG), composée de groupes féministes, syndicaux et
étudiants, et forte de l’appui d’une grande partie de la
population, organise la plus grande manifestation jamais vue
en faveur de la liberté de choix au Canada. Ainsi, le 27
juillet, plus de 10 000 personnes manifestent leur appui à
Chantal Daigle dans les rues de Montréal.
Dans le Manifeste des femmes du Québec, la CQDALG compare le
fait de forcer une femme à poursuivre une grossesse non
désirée à un viol : « La forcer, sous la menace
d’emprisonnement, à porter dans son corps un enfant qu’elle ne
veut pas mettre au monde, c’est de la violence physique et
psychologique… jusqu’à maintenant, les décisions des tribunaux
dans l’affaire Chantal Daigle démontrent que la magistrature
s’est fait complice de la violence conjugale. Ces jugements
sont fondés sur des principes sexistes qui légitiment
l’appropriation des femmes par les hommes, et non sur des
principes de justice fondamentale qui garantissent aux femmes
l’égalité. »
Le j ugement de l a Cour suprême aura tranché la question pour
les décennies à venir : en matière d’avortement, les femmes
sont les seules juges. Souligner les 20 ans de ce jugement,
c’est souligner cet acquis fondamental, ainsi que le courage
de Chantal Daigle et celui de toutes les femmes qui, encore
aujourd’hui, doivent se battre pour exercer et défendre leur
droit de décider librement de leur maternité.
La fin de vie au coeur des débats - VALÉRIE
GAUDREAU LE SOLEIL
La
commission sur le droit de mourir dans la dignité commence
ses travaux
Les députés québécois ont adopté à l’unanimité une motion
en faveur de la tenue de cette commission.
« Je suis pleinement satisfait. C’est le genre d’exercice
qu’on souhaitait. Et il atteint même un niveau plus élevé
que ce à quoi on s’attendait. » Farouche militant pour le
droit de choisir le moment de sa propre mort, Ghislain
Leblond se réjouit de la commission parlementaire sur le
droit de mourir dans la dignité qui commence aujourd’hui
ses travaux à l’Assemblée nationale.
Anc ien sous-mini s t re, Ghislain Leblond, 65 ans, est
atteint d’une forme rare de sclérose qui fige
progressivement ses membres. Il a toute sa tête, mais la
maladie le rend lentement « prisonnier de son corps »
depuis plusieurs années.
En entrevue au Soleil en octobre, il avait plaidé en
faveur de la liberté de décider le moment de partir. Pour
son bien et pour celui de ses proches, disait-il.
M. Leblond avait aussi formulé le souhait de voir le
gouvernement tenir une vaste consultation qui regrouperait
tous les partisans et les opposants au droit à
l’euthanasie.
Avec le début, cet après-midi, des travaux de la
commission, par les élus le 4 décembre. « Cette commission
a la noblesse de s’élever au-dessus de l’esprit partisan,
se réjouit M. Leblond. Cela favorisera des débats
civilisés. »
Des débats auxquels il prend part dès aujourd’hui en
compagnie d’un autre représentant du collectif, Yvon
Ghislain Leblond voit en quelque sorte son voeu exaucé.
« C’est une étape très importante », estime l’homme engagé
dans le col lect i f Mourir digne et libre, joint par
téléphone. Impressionné par le plan de travail « très
intense » de la commission, M. Leblond la juge d’autant
plus pertinente qu’elle est issue d’une motion unanime
adoptée Bureau. « On est heureux d’être conviés dès le
départ », indique M. Leblond.
Jusqu’à
jeudi, ainsi que les 8 et 9 mars, la commission que
préside le député libéral de Jacques-Cartier, Geoffrey
Kelley, entendra une trentaine d’intervenants – experts,
organismes, universitaires, éthiciens ou spécialistes en
soins palliatifs.
Cet te premiè re phase d’audience permettra de rédiger un
document de réflexion qui mènera à une consultation
publique à la fin de l’été.
Ouverture chez lesmédecins
Le début des travaux de cette commission vient coiffer un
automne où les enjeux reliés à la fin de vie et à une
éventuelle décriminalisation de l’euthanasie au Québec ont
fait l’objet d’une réflexion chez les représentants du
monde médical.
Le Collège des médecins avait lancé le bal dès 2006 en
mandatant un comité d’éthique clinique de réfléchir à la
question. Au printemps, le Collège a promis de donner une
réponse aux recommandations du comité en novembre. Sa
conclusion: une ouverture timide au fait que l’euthanasie
« devrait faire partie des soins appropriés en fin de vie
». Le président du Collège des médecins, le Dr Yves
Lamontagne, s’était toutefois gardé de trancher la
question, invitant plutôt la société québécoise – mais
aussi le Barreau du Québec et l’Ordre des infirmières – à
accompagner le Collège dans la suite de la réflexion.
Cette annonce de la position du Collège a été précédée, à
la mi-octobre, du dévoilement d’un sondage de la
Fédération des médecins spécialistes montrant que 75% de
ses membres étaient « certainement ou probablement »
favorables à la légalisation de l’euthanasie dans un
contexte bien balisé.
Résultats semblables du côté de la Fédération des médecins
omnipraticiens qui s’est livrée au même exercice. Les deux
fédérations professionnelles ont toutefois insisté sur
l’importance d’inclure le patient et ses proches dans le
processus de décision.
Le désir ardent de dignité - LAURENCE
NORMAND-RIVEST
L’auteure
est étudiante en médecine à l’Université de Montréal. Ma
grand-mère, qui est passée de la retraitée très active à
la malade alitée en l’espace de trois mois, retrouve
pourtant une joie que je ne lui avais pas connue avant.
Le témoignage de l’ex-sous-ministre Ghislain Leblond,
devant la commission parlementaire sur le droit de mourir
dans la dignité, m’a touchée.
Atteint d’une sclérose dégénérative, M. Leblond espère «
que d’instaurer l’euthanasie médicale balisée et contrôlée
garantira aux personnes de mourir dans leur propre vision
de la dignité ». Son ami Yvon Bureau a souligné que les
patients « craignent d’abord la perte de leur dignité, de
leur personnalité, de leur identité et ont la crainte de
devenir un poids pour leurs proches », plutôt que la
douleur qui est bien contrôlée pour le plus grand nombre.
J’ai eu le privilège d’accompagner une patiente en fin de
vie lors d’un stage d’externat en médecine. Et
présentement, je suis auprès de ma grand-mère mourante.
Ces deux femmes m’ont communiqué ce désir ardent de
dignité, d’une manière tout autre que celle définie par
une évaluation conséquentialiste de nos capacités et
aptitudes.
La
première, ma patiente, était déterminée à continuer à
servir les autres, comme elle s’y était engagée lors de sa
vie active, même si elle avait beaucoup de peine à se
lever pour beurrer le pain de son voisin de chambre.
Néanmoins, elle m’a avoué quelques jours avant sa mort que
la seule chose qui rendait les derniers moments dignes
d’être vécus était sa certitude qu’un médecin résident et
moi portions sa souffrance avec elle, qu’elle était
vraiment accompagnée d’une manière humaine.
Ma grand-mère, qui est passée de la retraitée très active
à la malade alitée en l’espace de trois mois, retrouve
pourtant une joie que je ne lui avais pas connue avant.
Chaque gorgée d’eau, chaque geste tendre est savouré avec
une attention à la beauté qui nous transforme et nous
éblouit tous.
L’espérance que ces femmes ont eue, face à la
reconnaissance de la grandeur de leur humanité par ceux
qui les ont accompagnées, nous rappelle que le coeur
humain a un désir insatiable qui ne peut être comblé par
le suicide, qui est l’expression du vide, mais bien par un
amour présent malgré la misère humaine.
« Si un humain a décidé de mourir, personne ne doit
pouvoir s’y opposer » - Marc Thibodeau
Plus de
1000. C’est le nombre de personnes ayant reçu l’aide de
l’organisation suisse Dignitas pour s’enlever la vie. Y
compris quelques Canadiens. Alors que le gouvernement du
Québec annonce la tenue d’une consultation sur le suicide
assisté et l’euthana
SUISSE
ZURICH — On peut difficilement imaginer mission plus
délicate – et plus controversée – que celle que s’est
donnée Ludwig Minelli. Mais n’allez pas imaginer un
instant qu’il puisse se sentir dépassé par la tâche ou
intimidé par la détresse des personnes qui lui demandent
son aide.
« Jamais ! Je n’ai peur de rien. Si j’en avais l’occasion,
j ’interviewerais le diable lui -même » , sou l i gne le
Suisse de 76 ans en éclatant de rire.
Bien qu’il ne rechigne pas à évoquer des figures bibliques
auxquelles il ne croit pas pour illustrer ses propos, le
fondateur de l’association Dignitas fait peu de cas des
religions. Et il ne s’émeut guère des critiques de
croyants qui voudraient, au nom de leur foi, l’empêcher de
continuer à aider des personnes à s’enlever la vie.
« La seule théologie à laquelle j’adhère, c’est celle-là
», lance-til d’emblée à La Presse, qui l’a rencontré il y
a 10 jours dans sa résidence de Forch, une paisible
bourgade à l’est de Zurich offrant une spectaculaire vue
sur les Alpes.
Cet ancien journaliste, qui a travaillé 10 ans pour un
prestigieux hebdomadaire allemand avant de se convertir au
droit dans la quarantaine, reçoit rarement les médias même
s’il est constamment sollicité.
Le caractère international de l’action de Dignitas, qui a
facilité depuis sa création, en 1998, le suicide de plus
de 1000 personnes venues d’une soixantaine de pays,
suscite particulièrement l’attention. Près d’une dizaine
de ces personnes étaient d’origine canadienne. Et au moins
trois venaient du Québec, selon un décompte produit par M.
Minelli à notre demande.
La plupart souffraient de maladies graves ou incurables et
souhaitaient être libérées de leur douleur. Mais le
fondateur de Dignitas pense que le « droit au suicide
assisté » ne s’arrête pas là.
« Si un être humain a pris la décision de mourir, aucune
personne ne doit pouvoir s’y opposer », souligne l’avocat,
qui milite dans plusieurs pays pour faire adopter son
point de vue sur le sujet.
Pas
d’euthanasie
Les personnes faisant appel à Dignitas pour mettre fin à
leurs jours sont reçues dans une résidence aménagée en
pleine zone industrielle à Pfäffikon, à l’est de Zurich.
Des accompagnateurs préparent le cocktail de barbituriques
qui entraîne normalement une mort rapide et indolore en
une demi-heure. Le patient doit le prendre lui-même
puisque la loi suisse ne permet pas l’euthanasie, dans
laquelle la mort résulte de l’action directe d’une autre
personne.
L’infirmière Petra Keller, qui joue ce rôle
d’accompagnatrice, assure que le processus est souvent
paisible, même s’il est douloureux pour les proches. « Les
gens sont sereins à 99%. Ils sont contents de pouvoir se
libérer de leur douleur », assure-t-elle en entrevue dans
un bureau où sont conservés des centaines de dossiers
actifs et passés de l’organisation.
La femme de 51 ans souligne que certains membres de son
entourage l’ont déjà attaquée pour son action en la
traitant « d’ange de la mort ». « Mais ils comprennent
bien aujourd’hui ce que je fais », souligne Mme Keller,
qui se dit convaincue de bien agir.
Tourisme de la mort
Le suicide assisté est déjà largement autorisé en Suisse,
où la Constitution réserve une place centrale au droit à
l’autodétermination des individus. Le Code criminel
précise que ceux qui aident une personne à se suicider
sont passibles de cinq ans de prison s’ils sont motivés
par un mobile « égoïste », lire pécuniaire, mais ne pose
pas de contraintes additionnelles, souligne M. Minelli.
La loi interdit cependant aux médecins de prescrire des
médicaments à des personnes saines et limite de facto le
recours au suicide assisté pour des personnes souffrant de
troubles mentaux puisqu’elles ne peuvent facilement être
jugées aptes à donner un consentement éclairé.
Deux barrières que le fondateur de Dignitas tente de faire
tomber par des recours juridiques. Et en explorant
d’autres voies de suicide qui ne nécessitent pas l’usage
de médicaments.
Le droit au suicide assisté ne s’arrête pas non plus aux
Au moins neuf Canadiens se sont enlevé la vie avec l’aide de
Dignitas
Il
s’agit de six femmes et de trois hommes âgés de 40 à 90
ans.
ZURICH — Dignitas dit avoir aidé neuf Canadiens, y
compris trois personnes d’origine québécoise, à
s’enlever la vie depuis sa création il y a dix ans.
PHOTO SEBASTIAN
DERUNGS, ARCHIVES REUTERS
Un employé des
services funèbres de Zurich transporte le cercueil de
Reginald Crew, un Britannique de 74 ans atteint d’une
maladie en phase terminale qui s’est rendu en Suisse
pour obtenir l’aide de l’association Dignitas pour
mettre fin à ses jours, en janvier 2003.
Il s’agit de six femmes et de trois hommes âgés
de40à90ans qui se sont suicidés entre 2004 et 2008.
L’organisation refuse cependant de préciser l’identité
des personnes ou d’organiser un contact avec leurs
familles par souci de confidentialité.
Quelques
cas sont cependant connus parce qu’ils ont eu un écho
médiatique. Comme celui de Manon Brunelle, une
ex-employée de Télé-Québec qui s’est rendue à Zurich en
2004 pour mourir avec l’aide de Dignitas. Sa démarche a
fait l’objet d’un documentaire du journaliste Benoît
Dutrizac qui avait suscité un virulent débat dans la
province.
En 2007, une femme de 38 ans de la Nouvelle-Écosse qui
souffrait de sclérose en plaques, Elizabeth MacDonald,
s’est enlevé la vie à Zurich en présence de son mari. La
GRC a ouvert une enquête pour savoir si ce dernier était
passible de poursuites au Canada, mais l’affaire est
restée sans suite.
UN PEU DE DIGNITÉ S.V.P. - Éric
Normandeau
Ma mère
avait le cancer. Il y a trois ans, les médecins lui
prédisaient entre 9 et 12 mois à vivre. Elle a profité de
ces années et nous avons savouré sa présence depuis ce
temps. Elle a toutefois été admise à l’hôpital le 21
décembre parce que la douleur était devenue insupportable.
PHOTO FOURNIE PAR LA
FAMILLE
Éric Normandeau, que
l’on voit photographié ici avec sa mère, Monique Parent,
en des circonstances plus heureuses.
Sa douleur semblait sous contrôle, mais elle n’était plus
l’ombre de ce qu’elle était. Elle était alitée. Elle ne
bougeait pratiquement plus. Elle respirait avec
difficulté. Elle ne parlait plus. Nous croyons qu’elle
nous reconnaissait à l’occasion.
Ma mère est une personne avec beaucoup de fierté et
voulait mourir dignement. Elle nous avait demandé de ne
pas tenter de la réanimer si quelque chose lui arrivait.
Elle nous avait demandé de ne pas prolonger son agonie si
elle souffrait beaucoup.
Comme la douleur de ma mère était stabilisée, le processus
normal était d’attendre et que doucement, les différents
systèmes vitaux cesseraient de fonctionner et
entraîneraient la mort. Pendant plus de 10 jours, les
infirmières et médecins regardaient la condition de ma
mère et disaient qu’il ne lui en restait plus que pour
quelques heures. Les systèmes de ma mère fonctionnaient
toujours. Mais la qualité de vie de ma mère était
inexistante. Il n’y avait plus d’espoir que sa condition
s’améliore ou qu’elle ressorte de l’hôpital. Nous
souhaitions que tout cela se termine, car rien de positif
ne pouvait maintenant arriver.
Toutefois,
le médecin refusait de lui administrer une dose fatale.
C’est la règle dans notre société.
Que fait-on si un chien ou un chat n’a plus le contrôle de
ses sphincters, ne mange plus, ne boit plus et respire
difficilement? Nous faisons ce qui est humain et l’aidons
à passer dans l’autre monde.
Dans notre société, si cette situation prévaut chez un
humain, nous préférons attendre. Attendre quoi ? Qu’il
meure d’une attaque cardiaque, d’arrêt respiratoire ou
tout simplement de faim. Ma mère allait mourir de faim. La
société ne voulait pas la pousser vers la sortie. Si je
l’aidais, je risquais de me retrouver en prison.
Vous trouvez qu’il est plus humain de mourir de faim que
d’injecter une dose fatale quand il n’y a plus de qualité
de vie ?
S’il vous plaît, un peu plus de dignité. Vous aussi
mourrez peut-être de faim.
POUR OU
CONTRE L’EUTHANASIE?
La Fédération des médecins spécialistes du Québec a
publié mardi les résultats d’un sondage réalisé auprès de ses
membres au sujet de l’euthanasie. On apprend que 75 % des
spécialistes qui ont participé à cette enquête sont favorables
à un recours à l’eut
PHOTO ANDRÉ TREMBLAY,
ARCHIVES LA PRESSE.
Les
animaux mieux traités
Je suis en faveur de l’euthanasie dans un cadre législatif
balisé, comme on le fait dans d’autres pays et États
américains. Comment prétendre que les personnes vivant dans
les centres de longue durée ont une vie intéressante ?
Certainement pas la majorité. J’ai eu et j’ai encore à vivre
une situation difficile avec un parent qui ne peut même pas
manger seul, ne peut bouger seul, qui ne sait pas s’il fait
soleil ou s’il neige. Ne venez pas me dire que c’est une vie
souhaitable, intéressante. Cette personne attend la mort
comme une délivrance. J’ai demandé à mes proches de m’aider
à mettre fin à mes jours si une telle situation m’arrive. Je
pense souvent que nous avons plus de compassion pour les
animaux que pour les humains.
L’euthanasie
hypocrite
Je suis pour le recours à l’euthanasie, mais attention de ne
pas confondre euthanasie et sédation profonde. La sédation
profonde est le procédé par lequel on administre de fortes
doses de morphine au malade en phase terminale pour, diton,
l’empêcher de souffrir. C’est une procédure utilisée
fréquemment dans les centres hospitaliers du Québec. Nous
connaissons tous au moins une personne qui a terminé sa vie
de cette façon. C’est, comment dire, une sorte d’euthanasie
hypocrite. Le malade sombre peu à peu dans une léthargie qui
l’entraîne vers la mort. A-t-il vraiment cessé de souffrir?
A-t-il eu seulement conscience de sa mort imminente? A-t-il
eu le temps de dire au revoir à ses proches? A-t-il subi un
dernier et ultime sursaut de souffrance, comme une
constipation extrême, un dernier goût trop amer dans la
bouche? Pour moi, l’euthanasie c’est celle où le malade
choisit sa journée, son heure, son moment pour mourir. Ce
malade est atteint d’une maladie devenue incurable. Il sait
qu’il sera grandement diminué, qu’il perdra peu à peu toute
qualité de vie et qu’à un moment donné il ne pourra plus le
supporter. Il fera alors des demandes répétées à son médecin
de l’aider à terminer ses jours. Ce dernier fera part de la
demande de son patient à un comité spécialement formé qui,
après étude de son dossier et de ses demandes répétées,
acquiescera à sa requête d’euthanasie. Le malade choisira sa
journée, son moment. Il sera entouré des siens, et en pleine
lumière, il partira heureux, en toute connaissance de cause.
Soulagé enfin. C’est l’euthanasie que je nous souhaite.
Dans
la dignité
Quiconque a vu un de ses proches en phase terminale mourir
dans des souffrances atroces ne souhaiterait mourir de
cette façon et ne peut être contre l’euthanasie. Combien
de fois n’a-t-on pas entendu cette expression: « Qu’on lui
donne une petite pilule qu’on en finisse » ? À ceux qui
sont d’avis qu’il faut laisser la volonté divine
s’accomplir, je leur dis: laissez mourir en paix et dans
la dignité ceux qui ne veulent pas s’y soumettre ou qui ne
croient pas en Dieu.
Pourquoi
étirer l’agonie ?
L’euthanasie, intervention médicale pour accélérer une fin
de vie imminente, quand le point de non-retour est atteint.
Cela est déjà informellement accessible avec
l’administration de morphine dans de tels cas (généralement
pour abréger ou éviter la souffrance physique). Il n’y a pas
tellement de risques de dérapage dans de telles situations.
Peut-être vaut-il mieux baliser? J’ai accompagné deux
mourants dans de telles circonstances. Je sais que c’est ce
qu’elles souhaitaient et ce que je souhaiterais pour moi. Il
n’y a rien à gagner à souffrir et à étirer l’agonie. Bien
entendu, si une personne avait exprimé clairement un refus,
par sa croyance religieuse ou autre, cela devrait être
respecté. Je suis aussi pour le suicide assisté, aidé d’un
professionnel. J’aimerais avoir le droit et la possibilité
de décider de mettre fin à ma vie sans devoir avoir recours
à des moyens violents. Je ne veux pas passer les dernières
années de ma vie à attendre le bon vouloir de la nature pour
décider de ma mort si je n’ai vraiment plus envie de vivre
ou de qualité de vie minimale pour moi. Dans les cas de
suicide assisté, il y a davantage de risques de dérapage.
Des héritiers avides ou trop égoïstes pourraient mettre une
pression sur la personne ou des intervenants du milieu «
pour libérer des places », ou une période de dépression
temporaire, et bien d’autres possibilités. Il devrait y
avoir des balises très claires: soit à la suite d’un
diagnostic de maladie grave incurable ou un grand âge (plus
de 85 ans?) Le plus important: s’assurer du consentement
éclairé, voire du désir ferme de la personne qui devra bien
entendu être lucide et apte à prendre une telle décision. Si
nécessaire, mettre sur pied un comité constitué pour valider
une demande. Laisser passer un intervalle de temps suffisant
pour s’assurer qu’il ne s’agit pas d’un état d’âme passager
ou d’un moment de découragement. Hors de question d’assister
une personne jeune et en santé parce qu’elle est déprimée…
Bien
encadrer
Je suis pour l’euthanasie à 100%. Cependant, la pratique
doit être bien encadrée. On pourrait s’inspirer de ce qui
se fait ailleurs. Il est important d’avoir une bonne
discussion entre médecins et spécialistes ; cependant, il
ne faudrait pas étirer la réflexion outre mesure comme le
« tournage en rond » dans le dossier du CHUM. L’euthanasie
pourrait être permise pour les maladies incurables à la
demande du patient après évaluation par un comité
d’experts ; à la demande du patient dans les cas de cancer
en phase terminale ; à la demande des familles de patients
polytraumatisés, branchés, évalués « mort cérébrale »,
chaque situation dans les cas de maladies incurable
demandant une évaluation personnelle et individuelle, au
cas par cas. Je ne crains pas les dérapages si le
processus est bien défini, bien encadré autant dans la
pratique que par des lois.
... ou contre...
Ouverture au génocide
Je suis totalement contre l’euthanasie. Avec ce débat,
c’est le diktat d’une société centrée sur l’apparence qui
se fait sentir, où seuls ceux qui ont des corps jeunes,
beaux et sains devraient avoir le droit de vivre, comme si
l’on disait que la faiblesse, la dépendance devraient
mériter la mort. La vieillesse et la maladie sont deux
réalités de la vie. Quel message envoiet-on aux handicapés
qui dépendent des autres? Avec ce débat, on ouvre la porte
à rien de moins que ce qui pourrait être un génocide. La
médecine doit sauver les vies humaines, pas les tuer. En
faisant le serment d’Hippocrate, les médecins affirment:
«Que les hommes m’accordent leur estime si je suis fidèle
à mes promesses. Que je sois couvert d’opprobre et méprisé
de mes confrères si j’y manque.» À force d’être centrés
sur l’apparence, les gens en sont venus à oublier
l’essentiel.
Avant
de tuer nos patients
Cette semaine, la Fédération de médecins omnipraticiens du
Québec (FMOQ) a demandé à ses membres de compléter en
ligne un sondage sur l’euthanasie. Je suis une de ces
membres et je serais franchement outrée que la FMOQ
annonce publiquement qu’une majorité de médecins est en
faveur de la légalisation de l’euthanasie, comme vient de
le faire la Fédération des médecins spécialistes du Québec
(FMSQ). Il faut examiner et débattre des soins de fin de
vie au Québec, mais posons d’abord les bonnes questions.
Nous devons d’abord nous questionner comme médecins et
comme citoyens sur l’accessibilité des soins palliatifs de
qualité pour les gens qui ne veulent pas des soins
prolongeant la vie ou pour ceux qui n’y sont plus
candidats. Nous devons également revendiquer comme médecin
des outils pour guider et accompagner les gens dans leurs
derniers mois ou années de vie avant de revendiquer le
droit de tuer nos patients. En tant que citoyenne, avant
d’avoir le droit de demander la mort, je veux avoir le
droit de refuser des soins tout en continuant d’être
traitée comme un être humain avec des besoins physiques,
psychologiques, sociaux et spirituels avant de mourir. Je
rencontre chaque semaine des patients qui ont eu accès à
des tests et des traitements dernier cri, mais qui n’ont
jamais eu accès à un professionnel qui s’occupait du
contrôle de leur douleur ou de leur essoufflement et qui
sont sur une liste d’attente de deux ans pour avoir de
l’aide à domicile ou un suivi avec un psychologue du CLSC.
Pas étonnant qu’ils contemplent l’euthanasie ou le
suicide! Avant d’avoir le droit de tuer mes patients, je
veux avoir les moyens de les laisser vivre dans la dignité
et le confort. Je veux également avoir le droit de laisser
mourir! À ce jour, le gouvernement du Canada n’a toujours
pas accepté de réviser le Code criminel afin d’y inclure
le droit de cesser ou de ne pas initier des soins qui
prolongent la vie. Le Collège des médecins du Québec se
préparerait à prononcer sa position face à l’euthanasie.
Je questionne sérieusement sa légitimité à le faire.
L’euthanasie et le suicide assisté ne sont pas des enjeux
médicaux, mais des enjeux de société.
Ce
n’est pas de l’euthanasie
Un sondage auquel seulement le quart des membres de la
Fédération des médecins spécialistes du Québec a répondu
révèle que parmi ces répondants, 75% se disent «
probablement » ou « certainement » en faveur de
l’euthanasie. Ils décrivent l’euthanasie comme étant le
fait de retirer la respiration artificielle d’une
personne en état de mort cérébrale et le fait
d’administrer des sédatifs à une personne en phase
terminale. Or, il ne s’agit là nullement d’euthanasie
puisque la personne est déjà morte (mort cérébrale) ou
mourante (phase terminale). L’euthanasie, c’est le fait
de mettre fin à la vie d’une personne qui n’est pas déjà
morte ou mourante, une personne qui a peur de souffrir.
Pourtant, les soins palliatifs peuvent atténuer la
souffrance de façon remarquable. Cela comprend, dans de
très rares cas, le fait d’endormir temporairement une
personne pour alléger une douleur. Ainsi, une fois que
les gens se rendent compte qu’ils peuvent très bien
vivre avec leur maladie ou que celle-ci peut même
parfois être guérie, ils ne demandent plus l’euthanasie
ou le suicide assisté. Ne donnons pas le droit aux
médecins de nous tuer quand nous avons le plus besoin de
soutien et d’encouragement.
Soins
palliatifs en danger
En tant que médecin de famille à la retraite après plus
de 40 ans de pratique, je crois que dans une société où
l’euthanasie pourrait être pratiquée, il y aurait
atteinte à la qualité des soins palliatifs. De la part
des soignants, il pourrait parfois y avoir la tentation
d’abréger la vie du patient, particulièrement lorsque
l’administration des soins deviendrait difficile et
exigeante et que la possibilité d’en finir serait
disponible. Chez le mourant, le doute pourrait
s’installer quant à la volonté de l’équipe de dispenser
les meilleurs soins possibles. Pour les soignants, il
deviendrait plus difficile de conserver la confiance du
mourant et de maintenir leur crédibilité auprès de
celui-ci. Au point de vue médical, les soins palliatifs
ne peuvent être dispensés si l’équipe n’arrive pas à
prendre fermement position contre la pratique de
l’euthanasie, car c’est son intégrité même qui est en
jeu. Je réfute l’affirmation, trop fréquemment répétée,
à l’effet qu’il se pratique actuellement beaucoup
d’euthanasie auprès des mourants. Le problème est que
trop de personnes ne font pas la différence entre
l’euthanasie (le fait de poser ou d’omettre de poser,
volontairement, un acte avec l’intention d’abréger la
vie d’une personne) et de bons soins palliatifs qui
peuvent comme effet secondaire abréger la vie, dont
l’abstention à l’acharnement thérapeutique ou à
l’administration d’un puissant analgésique. Un
investissement, de la part de notre société, dans de
bons soins palliatifs aura comme conséquence de rendre
beaucoup moins pertinent le débat sur l’euthanasie.
LE DEVOIR DE GUÉRIR - Céline Tessier
L e
pa r l e ment du Canada débattra prochainement du
projet de loi C-334, qui vise à légaliser
l’euthanasie et le suicide assisté au Canada.
Alors que s’actualise dans notre pays un débat aussi
important, des questions de vie s’imposent:
qu’est-ce que l’euthanasie, qu’est-ce que le suicide
assisté, qu’est-ce que l’acharnement thérapeutique
et quelles conséquences entraînerait une législation
de l’euthanasie ou du suicide assisté? Y a-t-il une
différence réelle entre l’euthanasie et l’abstention
ou l’interruption d’un traitement? Et, finalement,
qu’est-ce que mourir dans la dignité?
Je vous ferai grâce de toutes ces définitions, mais
il est important de bien les distinguer et de se
conscientiser au débat actuel. Il ne fait aucun
doute que la douleur physique et morale remet en
question le coeurmême de l’être humain et ses plus
profondes convictions. Il faut aussi reconnaître nos
limites.
Dans ses dernières volontés, Alexandre le Grand
disait : « Je veux que les médecins les plus
éminents transportent eux-mêmes mon cercueil pour
démontrer ainsi que face à la mort, ils n’ont pas
toujours le pouvoir de guérir.» Mais, ils en ont le
devoir. L’interdiction légale de tuer est
fondamentale. Leur devoir consiste à éradiquer la
souffrance ou bien sûr à l’atténuer.
Les idéologies s’affrontent lorsqu’il est question
d’euthanasie ou d’acharnement thérapeutique. Qui, un
jour ou l’autre, ne s’est pas posé la question de
cesser toute forme de traitement curatif face à une
grave maladie ou devant un être cher qui se
soustrait lentement du monde des vivants? La
question est tout à fait légitime. Les progrès de la
médecine dans la préservation et le prolongement de
la vie ont connu des percées étonnantes. La
profession médicale, les théologiens et aussi les
philosophes débattent de la qualité de la vie, des
droits pour un être humain de déterminer le moment
où cette qualité de vie s’est dégradée. Le fil
conducteur est parfois très mince et teinté de
dentelle.
Il
n’y a pas si longtemps, j’ai eu un préjugé
défavorable envers ce que je croyais être un
acharnement thérapeutique. J’ai eu tort. Le retour à
la vie en a été la plus extraordinaire et la plus
belle des preuves et j’avoue avoir été troublée par
ce que je nommerai le miracle des hommes et le
miracle de Dieu. Cette volonté de vivre a renversé
mes convictions.
Mon expérience d’accompagnatrice en soins palliatifs
me permet aussi de vivre une tout autre dimension de
la dignité. Elle est viscéralement présente. Elle ne
s’invente pas, elle ne s’apprend pas, elle se vit et
se termine en son temps. Tout comme la vie a un
début, elle a aussi un terme puisque nous avons tous
une finitude.
Lorsque les traitements curatifs sont inutiles et
que l’on s’abstient de donner un traitement ou
lorsqu’on l’interrompt, la mort est causée par
l’évolution normale de la maladie.
Dans le cas de l’euthanasie, la mort est causée par
tout autre moyen et il y a une grande différence
entre laisser mourir et faire mourir. Je crois
profondément que lorsque la maladie est
irréversible, il reste à pallier à la douleur
physique par une médication appropriée, ce que les
médecins sont largement habiletés à appliquer,
faisant honneur à leur serment d’Hippocrate : « Je
ferai tout pour soulager les souffrances. Je ne
prolongerai pas abusivement les agonies et je ne
provoquerai jamais la mort délibérément. »
(professeur Bernard Hoerni, France, 1996)
L’équipe multidisciplinaire, la famille et l’équipe
des bénévoles tiennent compte aussi de la souffrance
morale qui nécessite une approche incontournable. On
est présent par notre empathie, par notre
compassion, tout en répondant à leurs besoins les
plus fondamentaux. Au moment de mourir, la présence
des autres devient réconfortante tout comme elle l’a
été pour vivre. La finalité en son temps et lieu se
transforme en une boucle de la vie.
Une majorité de médecins
spécialistes se disent favorables à l’euthanasie -
Pascale Breton
Une majorité se dit favorable à l’euthanasie
Une
majorité de médecins spécialistes se disent favorables à
l’euthanasie, même si 20 % d’entre eux refuseraient de la
pratiquer si elle était légale.
La Fédération des médecins
spécialistes du Québec, présidée par le Dr Gaétan
Barrette, a mené une vaste enquête auprès de ses membres
au sujet de l’euthanasie.
C’est ce que révèle un sondage commandé par la Fédération
des médecins spécialistes du Québec ( FMSQ) auprès de ses
8000 membres, dont 2025 ont répondu.
Au total, 84 % des répondants se disent ouverts à lancer
un débat sur l’euthanasie et les trois quarts affirment
qu’ils seraient « probablement » ou « certainement
favorables » à une ouverture à la légalisation.
Plus de la moitié des médecins qui ont répondu au sondage
accepteraient d’ailleurs de pratiquer l’euthanasie « dans
un cadre législatif balisé ». Par contre, un répondant sur
cinq s’y refuserait.
« L’euthanasie est rendue à un point aujourd’hui qui est
presque identique à celui où se trouvait l’avortement il y
a 21 ans. C’est exactement le même débat aujourd’hui », a
déclaré le président de la FMSQ, le Dr Gaétan Barrette.
La différence, ajoute le Dr Barrette, c’est que les
médecins se montrent aujourd’hui majoritairement
favorables à un débat sur l’euthanasie, ce qui n’était pas
le cas à l’époque avec l’avortement.
Le s ondage c ommandé pa r l es médecins spécialistes
portait précisément sur la question de l’euthanasie et non
pas sur le suicide assisté. « Le suicide assisté est un
sujet en soi qui est complètement différent et qui, par
définition, ne met pas en cause la pratique du médecin
spécialiste, à l’opposé de l’euthanasie », a précisé le Dr
Barrette.
L’eutha
nasie n’est pas permise selon la loi mais, dans les faits,
elle est courante dans les hôpitaux. Le sondage révèle
d’ailleurs que 81 % des médecins ont eu conscience «
souvent, parfois ou rarement » d’une telle pratique.
Il s’agit généralement de polytraumatisés de la route, en
état de mort cérébrale, qui sont débranchés ou de malades
en phase terminale qui reçoivent un sédatif palliatif.
C’est une question délicate qui nécessite des balises. La
décision doit être prise par le médecin et son patient ou
ses proches, si ce dernier est dans l’incapacité de le
faire, souligne le Dr Barrette. « Plus on remonte en amont
de la phase terminale, plus ça nécessite des balises parce
que la question qui se pose est : où s’arrête-t-on ? »
La léga l i sation de l ’eut hanasie relève du fédéral.
Par contre, le gouvernement du Québec se montre préoccupé
par la question.
« Il faut en faire un débat de société. Il y a eu une
évolution de la société par rapport à ça. Également, ce
qu’il faut, c’est clarifier les termes. On parle parfois
de soins palliatifs, parfois d’euthanasie, de suicide
assisté, ce sont des termes complètement différents. J’ai
une ouverture à recevoir les avis des gens, à ce que,
comme société, on en fasse un débat et que, si possible,
on recherche un consensus », a déclaré le ministre de la
Santé, Yves Bolduc.
Un groupe de travail mandaté par le Collège des médecins a
recommandé au printemps que l’euthanasie fasse partie des
soins de fin de vie. Le conseil d’administration du
Collège doit en débattre à sa prochaine séance. La
Fédération des médecins omnipraticiens du Québec se
prononcera également après consultation de ses membres.
Le sondage I spos Décarie commandé par la FMSQ a été mené
sur l’internet et par la poste entre le 28 août et le 15
septembre 2009. La marge d’erreur est de 1,9 point de
pourcentage, 19 fois sur 20.
Un sondage « truqué »
Affirmer que les médecins sont ouverts à l’euthanasie
sur la base de l’enquête de la FMSQ est une tromperie
Le docteur Gaétan Barrette et la Fédération des
médecins spécialistes du Québec (FMSQ) nous ont
présenté un sondage tendancieux sur l’euthanasie. La
formulation des questions, pleines d’incitatifs
positifs (du type « seriez-vous d’accord si un projet
de loi bien balisé était déposé... »), visait
clairement à nous faire adhérer à des options
pro-euthanasie. Plusieurs de nos collègues l’ont noté
et pour cette raison se sont abstenus de participer à
cet exercice démagogique. Cela explique probablement
le très faible taux de participation (moins de 25%),
même si l’enjeu ici était crucial. Nous en avons avisé
la FMSQ en septembre, et celle-ci a pris acte de notre
commentaire, mais a refusé d’y répondre (bravo pour le
respect des membres!).
Le président de la Fédération
des médecins spécialistes du Québec, le Dr Gaétan
Barrette, a dévoilé mardi les résultats d’un sondage
sur l’euthanasie dont la méthodologie ne fait pas
l’unanimité.
Aujou
rd’hui, le docteu r Barrette, sur « l’autorité » de ce
sondage controversé, clame haut et fort « l’appui des
médecins spécialistes à une ouverture à l’euthanasie
». Peut-être cette ouverture existe-t-elle, mais
l’affirmer sur la base de ce sondage est une
tromperie. Le docteur Barrette, s’il n’a pas beaucoup
de respect pour les élus (parlez-en au ministre de la
Santé) ou pour les membres de sa propre fédération,
devrait avoir au moins un peu plus de respect pour le
public en évitant d’utiliser de façon idéologique des
résultats d’un sondage mal fait et nonapprouvé par une
majorité de ses membres.
En bref, le docteur Barrette ne peut moralement
affirmer que les résultats de son sondage sont «
l’expression de l’opinion des membres de la Fédération
des médecins spécialistes du Québec ».
Une interprétation hâtive
J’ai
été très étonné d’entendre le docteur Gaétan
Barrette a ffirmer su r quelques tribunes qu’une
forte majorité des médecins spécia listes est en
faveur de l’euthanasie. L es médias ont d’a illeu rs
a llèg rement repris cette information.
Un sondage mené récemment a en effet révélé que les
médecins spécialistes appuieraient à 76 % l’adoption
d’un projet de loi visant la légalisation de
l’euthanasie par la Chambre des communes. Mais on
néglige de dire que seulement 23 % des médecins
spécialistes ont daigné répondre au sondage.
Avec
u n tau x de nonréponse aussi important (près de 80
%) à une question aussi délicate que celle de
l’euthanasie, la conclusion du docteur Barrette
relève tout simplement du sport extrême. En effet,
si les non-répondants ont une opinion différente de
celle des répondants sur la question de
l’euthanasie, peut-on vraiment accorder une
quelconque légitimité à cette estimation, compte
tenu d’un taux de réponse aussi bas ?
Imaginons que parmi les non-répondants, 50 % sont en
faveur de l’euthanasie. Cela signifierait que
seulement 56 % des spécialistes sont en faveu r de
l’eutha nasie. Cela aurait-il alors valu une
manchette ?
La non-réponse dans les sondages a comme principal
effet de générer des biais qui peuvent s’avérer très
importants lorsque le comportement des répondants
est différent de celui des non-répondants et que le
taux de non-réponse est aussi élevé. Il faut donc
procéder avec une extrême prudence et ne pas
succomber à la tentation de l’interprétation trop
hâtive et trop facile. Professeur adjoint au
département de mathématiques et de statistique à
l’Université de Montréal
Il faut sauver grand-maman - Mario Roy
Vue d’ici,
la virulence des protestations qui ont cours aux
États-Unis contre le projet de réforme des soins de santé
est tout bonnement stupéfiante. Barack Obama travesti en
Joker. Staline et Hitler servant de points de comparaison.
Des appels surréalistes à ne pas « tuer grand-maman »...
Tout cela est tellement hors de proportion avec l’objet du
débat! De sorte que voir cette rhétorique ignare,
irrationnelle, souvent haineuse, occuper toute la place
nous paraît totalement incompatible avec le fait que c’est
ce même électorat qui, il y a peu, a porté Obama à la
Maison-Blanche.
Bien sûr, il ne faut pas oublier que, loin des caméras de
la télévision, la moitié de la population demeure
favorable à ce que fait le président en cette matière (48%
pour et 48% contre, hier, Washington Post/ ABC News).
Mais tout de même: pourquoi cette folie?
Il n’y a pas que la grogne organisée par les républicains,
la droite religieuse, les ténors de la radio-poubelle et
les groupes de pression ad hoc. Il n’y a pas non plus que
les phobies nationales. L’État fédéral, les communistes,
les immigrants, l’avortement... et ce que chacun redoutait
en silence: la couleur de la peau du président, qui fait
bel et bien partie de l’équation.
Non, il
y a pire. Et c’est le spectre de la mort.
Sarah Palin n’a rien inventé en jetant dans le débat les «
tribunaux de la mort ». Il y a presque un an, Obama à
peine élu, le Washington Times avait subtilement évoqué un
programme d’État de l’Allemagne nazie, le T4, prescrivant
l’euthanasie en certains cas ( Palin l’avait bien dit
qu’elle lisait les journaux!).
L’image est particulièrement vicieuse parce qu’elle fait
entrer dans la pièce l’éléphant que personne n’ose
regarder : le rationnement des soins de santé, dont la
nécessité est universelle quel que soit le régime –
public, privé ou mixte – sous lequel on vit... et meurt.
On aurait tort de se moquer. « Les Américains ont non
seulement peur de la mort, mais peur aussi d’y penser et
d’en parler! » écrit le Newsweek. Des froussards?
Peut-être. Mais ils ne sont pas les seuls. Ici, 81%
desCanadiens n’ont jamais parlé des soins de fin de vie
avec un professionnel de la santé (Léger Marketing).
L’affaire est pour nous tellement délicate qu’une
dramaturge, Manon Lussier, a senti le besoin de monter une
pièce sur cette zone terrifiante qui entoure l’acte de
mourir; sa création, Un suaire en Saran Wrap, sera
présentée à compter de ce soir au Théâtre d’aujourd’hui.
Enmatière de soins de santé, donc, les Américains ont peur
du changement ? Peut-être. Mais ils ne sont pas les seuls.
Ici, en une image-miroir de ce qui se passe aux
États-Unis, la plus petite allusion à un rôle quelconque
éventuellement alloué au secteur privé provoque des
hurlements dont la stridence n’est pas moindre que ce qui
nous crève les tympans depuis des semaines à CNN et à Fox
News... Alors, les nerfs. Ce débat n’est facile pour
personne.
Pensez
à
la mort.
Les Québécois favorables à l’euthanasie -
Catherine Handfield
Un peu plus de
trois Québécois sur quatre sont d’accord pour que l’euthanasie
soit légalisée au Québec, révèle un sondage Angus Reid-La
Presse. Un droit qui devrait toutefois être limité aux grands
malades, selon une majorité de répondants.
Jaideep Mukerji, vice-président aux affaires publiques d’Angus
Reid Strategies, avoue avoir été surpris par les résultats du
coup de sonde mené les 4 et 5 août auprès de 800 adultes
québécois. La marge d’erreur du sondage, fait en ligne, est de
3,5%.
« Il est surprenant de voir à quel point les Québécois sont en
faveur de l’euthanasie et que leur opinion sur le sujet est
claire », observe M. Mukerji.
Parmi les répondants, 31% se disent « fortement d’accord »
avec la légalisation de l’euthanasie et 46% se disent «
modérément d’accord ». À l’opposé, 8% sont « fortement en
désaccord » et 9% sont « modérément en désaccord ».
Le débat sur l’euthanasie a refait surface cet été. À la
mijuillet, le Collège des médecins du Québec a annoncé qu’il
envisageait de recommander la décriminalisation de
l’euthanasie dans des circonstances précises.
Le Groupe de
travail en éthique clinique publiera un document de réf lexion
à la mi-octobre, a révélé le quotidien The Globe and Mail.
Cette prise de position viserait à faire pression sur le
gouvernement fédéral afin qu’il modifie le Code criminel.
Si on se fie aux résultats du sondage, le Collège des médecins
du Québec aura l’appui de la population dans sa démarche.
Trois Québécois sur quatre estiment que rouvrir le débat sur
l’euthanasie est une bonne idée.
Et les appuis se trouvent dans toutes les sphères de la
société, note Jaideep Mukerji. « Les réponses des Québécois
sont constantes, peu importe le sexe, le revenu ou le lieu de
résidence », souligne-t-il.
Le seul groupe qui a fourni une réponse légèrement différente
est celui des 55 ans et plus : 71% sont en faveur de la
légalisation, soit 6% de moins que la moyenne.
Par ailleurs, près de 50% des répondants estiment que les
provinces devraient avoir le droit de déterminer si
l’euthanasie est permise ou non. Trente pour cent souhaitent
que la question demeure de compétence fédérale.
Limité aux
grands malades
Si les Québécois sont d’accord avec la légalisation de
l’euthanasie, ce droit devrait toutefois être limité aux
gens atteints de graves maladies, révèlent les résultats du
sondage.
Quelque 85 % des Québécois sont d’accord pour permettre au
médecin d’aider un malade à mettre fin à ses jours quand ce
dernier est en phase terminale et qu’il éprouve d’intenses
douleurs. La majorité des répondants sont en faveur de
l’euthanasie pour les gens atteints d’une maladie incurable
qui les laissent tétraplégiques (58%) ou encore pour les
malades dans le coma qui ont déjà précisé qu’ils
souhaitaient mourir s’ils se retrouvaient dans une telle
situation (86%).
À l’opposé, les trois quarts des répondants s’opposent à
l’euthanasie d’un malade qui désire mourir en même temps que
son conjoint. Dans le même ordre d’idée, près de 50%
s’opposent à ce qu’un parent puisse demander la mort d’un
enfant qui souffre d’une forme grave d’une maladie comme la
paralysie cérébrale.
« On peut
déduire que les Québécois ont besoin d’une justification
morale pour permettre l’euthanasie et qu’une souffrance
terrible peut en être une pour eux », analyse Margaret
Somerville, directrice fondatrice du Centre de médecine,
éthique et droit de McGill.
Mme Somerville attribue en partie au déclin de la religion
le fait que les Québécois se montrent si favorables à
l’euthanasie. « C’est difficile d’argumenter contre
l’euthanasie si on n’a aucune croyance religieuse... »
note-t-elle.
Suzanne Philips-Nootens, professeure à la faculté de droit
de l’Université de Sherbrooke, appelle pour sa part à la
prudence dans l’analyse des résultats du sondage.
« Les répondants se sont prononcés sur une situation
abstraite, dit-elle. Mais le jour où les gens deviennent
réellement malades, les études démontrent que leur opinion
sur l’euthanasie a tendance à changer. »
Bachelet
gagnera-t-elle « sa » guerre ? - Olivier Ubertalli
Chili La
première femme présidente du Chili, Michelle Bachelet,
semble sur le point de gagner l’une des plus importantes
batailles de sa présidence. Offrir la pilule du lendemain
gratuitement dès l’âge de 14 ans. Mais l’initiative
demeure hautement contro
VALPARAISO ET SANTIAGO — Face à l’immense bâtiment
rectangulaire du Congrès chilien, situé dans le port de
Valparaiso, deux groupes de jeunes manifestants se font
face
PHOTO ELISEO FERNANDEZ,
REUTERS
lendemain38 Des militants pro-vie
se sont fait entendre hier devant le Congrès chilien à
Valparaiso. La présidente Michelle Bachelet est sur le
point de remporter sa bataille pour rendre plus
accessible la pilule du .
D’un côté, on trouve les opposants au projet de loi sur la
gratuité de la pilule du lendemain dans les hôpitaux
publics pour les adolescentes – à partir de 14 ans – et
sans autorisation préalable des parents.
Ils brandissent plusieurs pancartes qui témoignent de leur
colère face au texte en discussion. Sur l ’ une d’entre
elles, on peut lire : « Gouvernement immoral, ta pilule
est illégale ».
Casquette sur la tête et chemise bleue soigneusement
repassée, le jeune Rodolfo Marcone soutient que « la vertu
ne vient pas en capsule. Le gouvernement devrait plutôt
présenter un projet de loi qui parle de la sexualité d’un
point de vue plus humain ».
À quelques mètres de là, AnitaPeña, militante féministe
aux cheveux bouclés noirs et aux lunettes rouges, est
venue avec quelques amies soutenir le projet de loi. «
Aujourd’hui nous vivons dans un système discriminatoire.
La pilule du lendemain doit être prise en charge par le
système de santé public », affirme-t-elle dans le
brouhaha.
Discrimination
L’accès
à la pilule du lendemain est aujourd’hui discriminatoire
au Chili, car elle peut s’acheter en pharmacie sur
ordonnance d’un médecin, mais est interdite dans les
dispensaires publics. Or, certains n’ont pas les
ressources pour payer une consultation privée.
Chaque année, 38 0 0 0 enfants naissent de mères
adolescentes dans le pays sudaméricain. Dans les milieux
défavorisés, une fille sur cinq de moins de 20 ans a déjà
un enfant, contre une sur trente dans les classes aisées.
La gratuité de la pilule du lendemain constitue « LA »
bataille de Michelle Bachelet, la première femme
présidente du Chili. Celle que la socialiste a érigée en
symbole de sa lutte contre les inégalités sociales et en
faveur des femmes. Les trois principaux candidats à la
présidentielle de décembre prochain se sont ralliés au
texte.
Pays très catholique
Mais la gratuité de la « píldora », comme on l’appelle au
Chili, reste un sujet controversé dans un pays très
catholique et où l’avortement est strictement interdit.
Malgré la réticence de certains alliés politiques, les
critiques de l’Église et surtout le veto du tribunal
constitutionnel en 2008, Michelle Bachelet n’a jamais
renoncé à son projet. Elle est désormais sur le point de
le faire approuver, après trois années de débat houleux.
Le Sénat chilien devrait entériner le texte dans les
prochains jours, à la suite du vote positif de la Chambre
des députés à la mi-juillet.
À ses opposants, la présidente socialiste qui termine son
mandat en mars prochain répond : « Laissez aux femmes leur
liberté de conscience, af in qu’el les décident si elles
prennent ou non la pilule. Il est du devoi r de l ’ État
de leur fournir une alternative qui ne soit ni
l’avortement ni la grossesse. »
Menacée au début et à la fin -
Nestor Turcotte
Jadis un
don, la vie est devenue un choix pris par d’autres
L’auteur réside à Matane et est philosophe. Jeune , mes pa
rent s me disaient, lorsqu’un nouvel enfant naiss a i t –
nous étions 13 à la table –, que Dieu leur avait envoyé un
autre fils, une autre fille et qu’ils étaient bien
contents de recevoir ce cadeau venant directement du ciel.
La vie venait de Dieu et personne ne songeait à
l’interrompre.
Des militants pro-choix qui ont
manifesté dans les rues de Montréal en mai dernier. De
toute évidence, ils ne partagent pas le choix de notre
lecteur. Le débat sur l’avortement divise le pays depuis
plus de 30 ans.
La famille se réjouissait de voir arriver une nouvelle
figure au milieu d’une marmaille déjà nombreuse. Il n’y
avait pas de technique pour empêcher un enfant de
commencer sa croissance dans le sein de la mère. Il y en
avait encore moins pour l’extirper avant qu’il lance ses
premiers cris, le moment de la naissance venue.
Jadis, la vie était un don. Maintenant, la vie est un
choix. Un choix pris par d’autres, alors que l’intéressé,
lié à ce droit des autres, n’a aucune possibilité de dire
s’il est d’accord ou pas avec le choix pris en son
absence.
Chaque année, depuis 1980, environ 30 000 enfants ne
naissent pas à cause du choix que quelqu’un fait à leur
place. Près d’un million d’enfants n’ont pas vu le jour au
Québec, depuis une trentaine d’années, parce que des
personnes ont décidé qu’ils ne verraient tout simplement
pas le jour. Pour un petit peuple comme le nôtre, ce
nombre d’interruption de grossesses a déstabilisé
drôlement l’équilibre démographique du Québec.
Du point de vue légal, l’article 223 du Code criminel
affirme qu’un enfant devient un être humain au sens précis
de la loi lorsqu’il est complètement sorti, vivant, du
sein de sa mère. Sorti jusqu’au nombril, il n’est pas
juridiquement un être humain. Le Canada est un des rares
pays au monde à ne pas avoir de loi pour encadrer la
pratique de l’avortement. Le politicien qui oserait en
faire une perdrait assurément ses élections !
Jeune, mes
parents me disaient, lorsqu’une personne mourait, que le
bon Dieu était venu la chercher et qu’il fallait se
soumettre à sa volonté. Les gens mouraient habituellement
à la maison familiale, dans la dignité, entourés de leurs
proches. Personne ne songeait à abréger les jours de
quelqu’un et il aurait été indigne, voire criminel de le
faire ou de songer à le faire. Les analgésiques ou autres
médicaments pour soulager la souffrance n’existaient peu
ou pas. Chaque malade offrait ses souffrances pour son
salut éternel.
Le débat entourant l’euthanasie devrait reprendre à
l’automne 2009. Le projet de loi C-384 légalisant
l’euthanasie et le suicide assisté « pour toute personne
de 18 ans ou plus éprouvant une souffrance mentale ou
physique qu’elle juge insupportable » sera débattu à la
Chambre des communes. Selon moi, cette question est trop
grave pour être mise entre les mains des politiciens. La
question devrait être tranchée par voie référendaire. Elle
ne le sera sans doute pas. Comme celui de l’avortement.
Les politiciens ne veulent pas faire réfléchir les
citoyens sur la vie et la mort. Ils sont trop préoccupés à
se faire réélire.
Techniquement, il est possible d’éliminer les malades qui
le souhaitent et qui ne veulent plus être à la charge de
personne. Le testament biologique autorise médecins et
proches à ne pas tenter de réanimer un patient.
L’euthanasie passive et active prend lentement place dans
les moeurs et certains pays, comme la Belgique et les
Pays-Bas, autorisent les proches d’un malade à aider un
malade à mettre fin à ses jours.
La vie est limitée maintenant par le choix des autres.
Elle est menacée à son départ comme à son terme.
Ce monde, accroché uniquement aux plaisirs et à la
satisfaction du moment, ne souffre plus que quelqu’un
vienne briser ses plans de carrière. Avant de naître ou de
mourir, l’être en construction, en perte d’autonomie ou en
phase terminale pose problème à celui qui se croit en
santé.
Que faire pour redonner le sens du respect de la vie, tant
à ses débuts qu’à son terme? Retrouver un minimum de sens.
Car c’est le sens qui donne à la vie à venir et à la vie
qui se termine, toute sa signification. Si ce n’est plus
cela, chacun peut être autorisé à faire n’importe quoi
avec la vie de l’autre.
Les autruches - Marie-Claude Lortie
Je ne sais
pas si vous vous en souvenez mais, il y a 20 ans, on a aussi
eu un été pourri.
Rien à voir avec le climat. L’été a été nul car traumatisé
par l’affaire Chantal Daigle, cette fille enceinte qui
voulait avorter et contre qui son ex-chum avait demandé une
injonction. À l’été 1989, au lieu de se prendre le bec sur
la météo, on s’engueulait sur les droits de Jean-Guy
Tremblay (dont on ne savait pas encore à quel point il était
violent avec ses petites amies) autour de la piscine. Au
lieu de parler sans arrêt de pluie, on parlait de Cour
suprême, de foetus, de droits, de la vie, de son début et de
quand on peut ou on ne peut pas.
Je ne sais pas si vous vous en souvenez, mais même si ce ne
fut pas un bel été à cause de tous ces déchirements
envenimés, des questions importantes ont été tranchées sous
le ciel d’août de cette année-là. On a mis les points sur
les i. La Cour suprême a donné raison à Daigle (qui avait
déjà avorté). Elle a décidé que le foetus n’était pas un
être humain. Les hommes ont appris qu’ils ne pouvaient
forcer une femme à mener une grossesse à terme. Et depuis,
le droit de choisir n’a plus été remis en question.
La discussion pénible a porté ses fruits.
Cette année, il faudrait avoir le courage de saisir
l’occasion pour replonger dans la vie et la mort afin de
parler d’un autre sujet du même registre qu’on ne cesse de
balayer sous le tapis : l’euthanasie. Je sais, je sais... Ma
i s comme le disa i t récemment Yves Robert, le secrétaire
du Collège des médecins, à un journaliste du « Éviter le
débat contribue à entretenir l’hypocrisie générale autour de
cette question. Dire que cela ne se fait pas parce que c’est
illégal est complètement stupide... Nous devons arrêter de
nous cacher la tête dans le sable. »
Le Collège doit émettre officiellement un avis sur la quest
ion à l ’ automne. Profitons-en.
Si on le fait, aura-t-on droit, au Québec, à une chicane
de famille collective douloureuse à la Daigle? Peut-être. Mais
peut-être pas non plus. Le sondage d’Angus Reid montre que les
Québecois sont très majoritairement en faveur d’une ouverture.
Les trois quarts disent qu’ils sont fortement ou modérément en
accord avec la légalisation de l’euthanasie.
L’affrontement idéologique, c’est plutôt à Ottawa qu’il risque
d’avoir lieu. Puisque c’est le Code criminel fédéral qui
interdit l’euthanasie, on n’a pas le choix d’en parler avec
les Canadiens des autres provinces, y compris ceux des
régions, disons, plus conservatrices du pays, celles dont on
peut se douter qu’elles n’ont pas exactement trouvé géniale la
scène de la mort assistée du personnage de Rémy Girard dans
les Invasions barbares...
Les groupes religieux qui essaient tout ce qu’ils peuvent,
depuis l’arrivée au pouvoir des troupes de Harper, pour
remettre en question la légalité de l’avortement se préparent
depuis longtemps déjà à contrer tout ce qui toucherait
l’euthanasie du bout du doigt.
Donc, débat philosophique, éthique, médical en vue sur fond de
confrontation de valeurs avec le reste du pays. Le cocktail
pourrait être corsé, surtout si cela se passe sur la scène
électorale.
Les politiques auront-ils envie d’y goûter ? Pas sûr. Mais il
faudra finir par le crever, cet abcès. Car la question ne
cessera pas d’être posée et reposée par les babyboomers qui
viei l l issent, voient leurs parents mourir et n’ont pas
envie de finir comme eux. Pas envie de voir leur corps devenir
public dans des hôpitaux où on oublie ce qu’est l’intimité, la
gêne, la pudeur. Pas envie d’avoir mal, très mal, en attendant
que la fin arrive toute seule.
Renouveler la mort passerat-il par l’euthanasie ? Il faudra,
un jour, en parler.è
Un premier pas vers la légalisation du suicide
assisté - Mali Ilse Paquin
LONDRES— «
Onm’a redonné ma vie! » C’est avec cette déclaration
étonnante que Debbie Purdy, qui envisage de mettre fin à ses
jours, a remporté une victoire juridique sur le suicide
assisté à la fin du mois dernier à Londres.
PHOTO ARCHIVES ASSOCIATED
PRESS
Debbie Purdy a remporté une victoire
juridique sur le suicide assisté le mois dernier à
Londres. Souffrant de sclérose en plaques, la Britannique
de 46 ans a obtenu que la loi à cet égard soit clarifiée.
Elle veut s’assurer que son mari, Omar Puente (à droite),
ne soit pas inculpé s’il devait être complice de son
suicide.
Souffrant de sclérose en plaques, la Britannique de 46 ans
semble avoir provoqué un premier pas vers la légalisation du
suicide assisté au pays.
La femme a obtenu des lords juges – l’équivalent de la Cour
suprême – que la loi à cet égard soit clarifiée. Elle
voulait s’assurer que son mari, Omar Puente, ne soit pas
inculpé s’il devait être complice de son suicide. Elle vivra
plus longtemps, selon elle, puisqu’elle n’aura pas à passer
à l’acte avant d’être complètement dépendante de son mari.
Debbie Purdy compte se rendre à Dignitas, la controversée «
clinique du suicide » située en Suisse.
« Je veux vivre ma vie mais je ne veux pas souffrir
inutilement jusqu’à la fin de mes jours, a dit Mme Purdy
après la décision des lords. Ce jugement me permettra de
faire un choix éclairé avec Omar à savoir s’il voyagera avec
moi en Suisse. »
Actuellement, une loi promulguée en 1961 interdit d’aider
une personne à se suicider. Depuis la fondation de
l’association Dignitas, environ 120 Britanniques se sont
rendus en Suisse. Or, aucun des proches qui les ont
accompagnés n’a été poursuivi par la justice britannique.
Edward Turner est l’un d’eux. Sa mère, Anne Turner, atteinte
d’une rare maladie dégénérative, est morte à Dignitas en
2006.
« Les pol i c i ers m’ont demandé des explications sur mon
rôle dans le suicide de ma mère. Ils ont été délicats. Ils
ont dit : " Si vous avez seulement tenu sa main, ça va. Si
vous avez administré la dose létale, c’est autre chose",
affirme le comptable de 43 ans à La Presse.
Edward
Turner applaudit la démarche de Debbie Purdy, qui voulait en
quelque sorte forcer la main des autorités pour que ce qui
se passe sur le terrain soit reflété dans la loi.
Sa victoire oblige le procureur général, Keir Starmer, à
clarifier le flou juridique. Ses directives seront publiées
en septembre et soumises à une consultation publique au
printemps 2010.
« Si on se fie au passé, ses lignes directrices seront
humaines et compatissantes », dit Jo Cartwright, du groupe
de pression Dignity in Dying. Le Parlement au pied du mur
La Grande-Bretagne est à un tournant, croit une sommité sur
le suicide assisté, Penney Lewis.
« Le procureur général a précisé que ses lignes directrices
s’appliqueraient autant en Grande-Bretagne qu’à l’étranger.
Ainsi, des suicides assistés pourraient avoir lieu ici sans
poursuites judiciaires. Je crois qu’il essaie d’amener le
Parlement à changer la loi », explique Mme Lewis,
professeure en éthique médicale à l’université King’s
College.
Le Parlement britannique, qui a maintenu le statu quo dans
le passé, pourrait donc replonger dans cet épineux débat ,
une boîte de Pandore aux yeux des plus conservateurs.
Pourtant, le vent semble tourner. Le numéro 2 du parti au
pouvoir, Harriet Harman, a affirmé être sympathique à la
cause de Debbie Purdy la semaine dernière à la BBC.
L’opinion publique est aussi favorable à un assouplissement
juridique face au suicide assisté, selon les sondages. Il y
a quelques semaines, le double suicide d’un vieux couple
d’artistes, le chef d’orchestre Sir Edward Downes et sa
femme Joan, avait ému tout le pays.
L’euthanasie: pour ou contre?
La nouvelle
selon laquelle le Collège des médecins du Québec envisage
d’entrouvrir la porte à l’euthanasie a suscité de nombreux
commentaires. En voici quelques-uns :
Elle est déjà morte
PHOTO ANDRÉ TREMBLAY,
ARCHIVES LA PRESSE
Enfin un signe d’ouverture au bon sens ! J’étais contre
l’euthanasie. Comme j’étais contre l’avortement, les deux
principes étant le même: la protection de la vie. Mais ça ne
marche pas comme ça. Je devrais dire: ça ne marche PLUS comme
ça. Mon ex-belle-mère souffre d’alzheimer depuis plus de 20
ans, dont les 18 dernières années en soins prolongés. Elle
n’est plus consciente de rien depuis des années. C’est un
légume qui salit ses couches, ne se lève plus de son lit, ne
communique plus, n’est plus l’ombre de cette belle femme
vivante et attentionnée qu’elle fut. Cette femme est morte
depuis des années. Avec la multiplication de ces cas qui
s’annonce en raison du vieillissement de la population, je ne
vois pas comment on pourra collectivement s’en sortir. Le
système de santé semble craquer de toutes parts. Tout va
casser si on ne fait rien pour donner aux malades condamnés un
choix réel d’abréger leurs souffrances. Nous devons appuyer
les démarches du Collège des médecins.
Raynald Collard
Le droit à la dignité
Bon nombre de gens qui commentent cette délicate question ont
perdu de vue ce que devrait être la finalité de la médecine:
le bien-être des personnes. L’acharnement thérapeutique et
technologique, pour maintenir en vie à tout prix des personnes
qui ne retrouveront jamais une qualité de vie minimale, est
indécent. On considérerait comme cruel un tel acharnement sur
un animal et on n’hésiterait pas à mettre fin à ses
souffrances. Toute personne devrait avoir le droit de mourir
dans la dignité. Il reste à baliser ce droit pour prévenir des
abus.
François Jalbert
La mort fait partie de la vie
Les gens ont oublié que la mort fait partie de la vie.
Aujourd’hui, tout le monde veut l’immortalité. On maintient
vivants des gens qui devraient mourir, on les prolonge, on les
fait souffrir atrocement. Est-ce vraiment pour améliorer leur
qualité de vie ? J’en doute. Quand le voyage est terminé, on
débarque. Si mon avenir se résume à être un légume, au revoir
la vie et bonjour le créateur.
Bernard Ouellet
Écouter la
vie
L’euthanasie, tout comme l’avortement, constitue un problème
pour nos sociétés parce que nous avons une vision très
matérialiste et dualiste de la vie. Si nous savions écouter la
vie elle-même, cette lumière consciente que nous sommes, au
lieu de suivre notre bavardage mental, il n’y aurait rien à
décider et surtout personne pour décider, simplement suivre
les instructions.
Jean Bouchart d’Orval
La souffrance de vivre
Dans le blogue de l’édito, André Pratte écrit: « Selon The
Globe& Mail, le Collège proposerait que, pour soulager une
douleur intolérable, il soit légal d’augmenter la dose
d’analgésique au point où cela constitue une euthanasie. » Ça
se passe dans les hôpitaux et les établissements de soins
palliatifs tous les jours. Ma mère est morte de cette manière
et je remercie le médecin qui a pris cette décision. Provoquer
une « sédation palliative » – joli euphémisme pour décrire un
coma profond! – dans le cas d’un patient cancéreux qui n’en a
plus que pour quelques jours à vivre de toute manière, je veux
bien, mais ça ne réglera pas le cas des gens aux prises avec
une maladie dégénérative grave et qui font le choix d’en finir
avec une existence dont ils ne veulent plus. Soulager la
douleur, c’est bien, mais comment voulez-vous soulager la
souffrance de vivre?
Robert Giroux
Une piqûre et libérons un lit
Dans le numéro de La Presse de mercredi dernier, la Dre
Michelle Dallaire vantait les mérites de la « sédation
palliative », une approche permettant « d’endormir le malade
sans effectivement remettre en cause les buts des soins
palliatifs ». Voilà une approche qui me parait digne de l’être
humain. J’ai pu en constater le bienfait dans la mort d’une
personne très proche de moi. Mais je suis sans illusion, on
permettra éventuellement l’euthanasie. La mentalité actuelle
veut que la seule vie digne soit celle des gens en santé. Il
est indigne d’être malade. Une femme peut décider si ce qui
grandit en elle est un enfant ou une masse indésirable. Elle
va accoucher ou se fera avorter. L’avenir du foetus se joue
selon le bon vouloir de madame. Il en sera de même pour la fin
de vie. Te voilà tellement malade que tu es indigne. Une
piqûre vite fait et libérons un lit. Prochaine étape, le
meurtre par compassion avec décoration.
Albert Champagne
Le refus de la souffrance - Michelle
Dallaire
Comment
peut-on croire que marcher vers l’ultime inconnu puisse être
facile ?
L’auteure est médecin et travaille en soins palliatifs. Il est
certain que l ’ ex pé - r ience vécue par M. JeanMarc Leduc (
La Presse, 8 juillet) au chevet de son frère a été très
pénible. Ses propos en témoignent. « Mon frère… agonie de
plusieurs jours, … mort de soif, drogué à mort… »
La souffrance d’un être cher nous émeut, et parfois elle nous
déchire. Bien souvent, c ’est notre propre fin qui se dessine
et s’y attache alors notre façon personnelle, voire unique, de
juger les événements. Monsieur Leduc y vient lorsqu’il exprime
que « l’idée de devoir me dégrader inexorablement et de ne
plus pouvoir respirer » lui apparaît inacceptable au point de
vouloir une anesthésie générale. Il refuse le traumatisme et
l’angoisse de la mort. Il veut contrôler l’issue finale.
Ce refus de la souffrance est exprimé par plusieurs. On peut
se demander si ce n’est pas aussi un refus de la vie. Qui n’a
pas souffert durant son périple ? Souf f r i r n’est-i l pas
devoi r s’ajuster à la différence, au changement, au deuil et
aux pertes qui surprennent, bouleversent et traversent
inexorablement la vie ? La mort n’est-elle pas la fin de ce
voyage ? Comment peut-on croire que partir, quitter tout,
marcher vers l’ultime inconnu puisse être facile ?
Au jour le
jour, j’accompagne des malades qui quittent la vie et les
déchirements sont inévitables. Cependant, il faut voir aussi
l’apaisement de ces malades et de leurs proches lorsque leurs
besoins sont entendus et reconnus. Petit à petit, malade et
proches se remémorent les bons moments, échangent sur la
beauté de la vie partagée, pleurent ensemble, certes, mais la
sérénité qui s’installe fait du bien à chacun.
Certains, cependant, confrontés au choc de la mort qui frappe,
vivent une souffrance tellement envahissante qu’un soulagement
impérieux est exigé. Cette souffrance dite totale résiste
parfois aux approches usuelles de soins. Sachons cependant
qu’aucun malade n’y sera abandonné. À ce moment, il est
possible d’endormir le malade sans effectivement remettre en
cause les buts des soins palliatifs. Cette approche se nomme «
sédation palliative » et elle correspond tout à fait au voeu
émis par M. Leduc. J’espère donc que ces propos pourront
l’informer et le rassurer.
Pour terminer, soulignons que les besoins en eau et en
aliments en fin de vie sont minimes. Peu s’en plaignent. Quant
à l’agonie, disons que quitter le corps se déroule
naturellement et généralement de la même manière. La
coloration de la peau change, la respiration s’embarrasse,
devient plus superficielle, des râles apparaissent, des pauses
respiratoires s’installent, les yeux sont souvent entrouverts,
le coeur ralentit, la respiration cesse. C’est le silence.
Concevoir un enfant pour en sauver un autre
- Mathieu Perrault
Les tests
génétiques ont révolutionné la fertilisation en éprouvette. Il
est maintenant possible de concevoir un bébé dont le cordon
ombilical sera génétiquement compatible avec une grande soeur
ou un grand frère qui a besoin d’un don de cellules souches
« On ne fait jamais d’enfant strictement par altruisme. On
peut vouloir un enfant pour des motifs purement égoïstes.
Pourquoi alors interdire la naissance d’un enfant qui sauvera
une vie ? »
On les appelle les bébés-médicaments. Ils ont été conçus en
éprouvette au terme d’un processus de sélection d’embryons,
afin qu’ils aient la meilleure compatibilité génétique
possible avec une soeur ou un frère plus âgé atteint d’une
maladie grave de la moelle épinière. Quand ils naissent, les
cellules de leur cordon ombilical sont immédiatement inoculées
à l’enfant malade pour reconstituer une moelle saine.
PHOTOFOURNIE PARWARNER BROS
Le film My Sister’s Keeper, avec
Cameron Diaz (à gauche) et Sofia Vassilieva, traite du sujet
controversé des bébésmédicaments, ces enfants conçus dans
l’espoir d’une compatibilité génétique qui sauverait une
soeur ou un frère aîné.
Cette pratique controversée est née aux États-Unis il y a une
dizaine d’années et a depuis été discutée, interdite puis
approuvée en France et au Royaume-Uni. Elle est arrivée cet
été dans les cinémas avec My Sister’s Keeper, un film de Nick
Cassavetes mettant en vedette Cameron Diaz. Basé sur le roman
éponyme publié en 2004 par la romancière américaine Jodi
Picoult, lui-même inspiré par des faits réels, le film relate
l’histoire d’un bébé-médicament qui, à 12 ans, après avoir
donné du sang et de la moelle épinière à sa grande soeur
malade, poursuit ses parents pour éviter qu’ils ne l’obligent
à lui donner un rein.
Le vrai bébé-médicament, qui s’appelle Adam Nash, n’a donné
que son cordon ombilical à sa grande soeur, Molly Nash. Cette
dernière, qui a maintenant 14 ans (Adam en a 9), était
atteinte d’une leucémie grave qui nécessitait la destruction
des cellules de sa moelle épinière pour les remplacer par les
cellules saines tirées du cordon ombilical de son petit frère.
Leurs parents, qui habitent Denver, avaient même organisé une
cérémonie religieuse autour du don d’Adam à sa soeur. Adam
avait été conçu en éprouvette, après un processus de sélection
consistant à prélever quelques cellules de plusieurs embryons,
pour déterminer quel était l’embryon le plus compatible avec
Molly aux points de vue génétique et immunologique.
L’instrumentalisation est de toute façon bien relative, selon
Bryn Williams-Jones, philosophe bioéthicien au département de
médecine sociale et préventive de l’Université de Montréal. «
On ne fait jamais d’enfant strictement par altruisme, dit-il.
On peut vouloir unenfantpourdesmotifs purement égoïstes.
Pourquoi alors interdire la naissance d’un enfant qui sauvera
une vie? Il n’y a pas de raison qu’il soit moins aimé
simplement parce qu’il a été l’instrument de la guérison d’un
autre enfant. »
Au Canada
Il n’y a
jamais eu de bébémédicament au Canada , dit M. Williams-Jones.
« Il y a eu beaucoup de débats sur le sujet en
Grande-Bretagne, il y a une dizaine d’années, parce que des
parents étaient obligés d’aller aux États-Unis pour recourir à
cette méthode. Finalement, les autorités médicales
britanniques l’ont permise. »
Selon Angela Campbell, professeure de droit à l’Université
McGill, on pourrait invoquer la Loi fédérale sur la
procréation assistée tant pour interdire le recours aux
bébés-médicaments que pour l’autoriser. « La loi ne parle pas
de tests génétiques préimplantation, sauf pour décourager les
tests sur le sexe, dit Me Campbell. On pourrait considérer que
cette précision signifie que les autres tests génétiques sont
aussi découragés, ou alors estimer que ce qui n’est pas
interdit est permis. »
Le gouvernement fédéral va probablement préciser quels tests
génétiques sont permis et lesquels sont interdits dans le
cadre de la mise en application de la Loi sur la procréation
assistée, indique Julie Cousineau, du Centre de recherche en
droit public de l’Université de Montréal. « Il est certain
qu’il y aura des précisions pour éviter que l’on tombe dans
l’eugénisme », dit Me Cousineau. Pour le moment, le
gouvernement du Québec conteste la loi fédérale pour une
question de compétence. La Cour d’appel a donné raison au
Québec, et le dossier est devant la Cour suprême.
Santé Canada a fait des consultations il y a quelques années
sur la question des bébés-médicaments, mais le conflit de
compétences avec le Québec a forcé le report de la publication
du résultat de ces consultations, selon Me Cousineau. La
Société européenne de reproduction humaine et d’embryologie a
déjà réfléchi à la question et a proposé que les parents ne
soient autorisés à faire un bébémédicament que s’ils avaient
déjà le projet d’avoir un autre enfant. Me Cousineau note
toutefois que cela est difficile à déterminer.
Un bébé-médicament pourrait-il poursuivre ses parents pour ne
pas avoir à donner de moelle épinière en cas de rechute de la
leucémie de son grand frère ou de sa grande soeur, comme dans
le film My Sister’s Keeper? « Il y a eu au Québec le cas d’un
enfant de 5 ans qui avait peur des aiguilles, dit MeCampbell,
de l’Université McGill. Les médecins hésitaient à se servir de
lui comme donneur de moelle épinière pour un frère. La Cour a
décidé que les parents pouvaient prendre la décision pour
l’enfant parce qu’il n’était pas en mesure d’évaluer les
conséquences de son refus de donner de samoelle. On peut aussi
faire le parallèle avec les jugements qui ont obligé des
adolescents membres des témoins de Jéhovah à subir une
transfusion sanguine parce qu’ils n’étaient pas assez mûrs
pour comprendre les conséquences de leur refus. »
La Commission de l’éthique opte pour le statu quo
- Judith LaChapelle
MÈRES
PORTEUSES
Le recours aux mères porteuses doit rester une activité
d’exception dont l’ État ne doit pas faciliter le recours,
sans non plus l’interdire complètement, selon des experts en
éthique mandatés par Québec pour se pencher sur la question.
Par ailleurs, ces mêmes ex perts esti ment que les enfants
nés d’un don de gamèt es ( s per me, ov ule ou embryon)
devraient avoir le droit de connaître leurs origines comme
les autres enfants adoptés.
La Commission de l’éthique, de la science et de la
technologie du Québec a remis hier au ministère de la Santé
et des Services sociaux son avis à la suite de ses
réflexions entamées en 2007. Le Ministère lui avait confié
le mandat de lui faire des recommandations sur les enjeux
éthiques liés à la procréation assistée.
Au Québec, les mères porteuses et les couples qui font
affaire avec elles agissent actuellement dans la
clandestinité et dans un f lou juridique. Néanmoins, c
roient les éthiciens, Québec ne devrait pas changer sa loi
pour faciliter ou encadrer cette activité comme l ’ont fa it
d’autres provinces canadiennes. Le principe de la nullité
des contrats de la gestation pour autrui doit être maintenu,
disent les experts, pour ne pas qu’une femme qui porte un
enfant ne soit forcée de le remettre si elle change d’idée.
Risques d’exploitation
La
Commission juge que la gest ation pour autrui « comporte des
risques d’exploitation des femmes qui sont i nacceptables
sur le plan éthique ». Par contre, une interdiction totale
de la gestation pour autrui « peut inciter au tourisme
procréatif et augmenter ainsi les risques d’exploitation des
femmes pauvres à l’étranger ».
Un encadrement de la pratique n’est pas souhaitable, dit la
Commission, même si elle confine les gens concernés à agir
dans l a cla ndestinité. « Parce qu’à partir du moment où on
l’encadre, ça devient une pratique », dit la présidente de
la Commission, Édith Deleury.
La Commission recommande aussi que le don de gamètes reste
fondamentalement a nonyme et gratuit. Par contre, elle croit
que certaines dépenses devraient être remboursées aux
donneurs et préconise la création d’un organisme chargé
d’encadrer les pratiques des cliniques de fertilité en la
matière.
Et les donneurs doivent être sensibilisés au besoin de leur
progéniture de connaître leurs origines. Québec doit donc
amender le Code civil « pour résoudre l’inégalité de droit
entre les enfants adoptés et les enfants issus de dons quant
à l’accès à leurs origines en appliquant les mêmes pratiques
qu’en matière d’adoption ».
Enfin, le diagnostic préimplantatoire doit être davantage
balisé afin d’éviter, par exemple, que des parents s’en
servent pour des raisons non médicales, comme pour
sélectionner le sexe de l’enfant à naître.
Les opinions haineuses font-elles de mauvais
parents ?
Garde
parentale et liberté d’expression : un débat qui soulève les
passions
« On ne peut pas enlever des enfants à leurs parents
simplement parce que ceux-ci ont des opinions qui font peur. »
Peut-on endoctriner nos enfants avec des idées haineuses sans
pour autant se disqualifier comme parents ? Cette question est
au coeur d’un procès qui a commencé cette semaine à Winnipeg.
Ce procès a pour protagonistes un homme qui réclame la garde
de deux enfants, des travailleurs sociaux qui la lui refusent
et une fillette convaincue qu’il faut tuer les Noirs en les
fouettant jusqu’à ce qu’ils meurent.
L’affaire a commencé il y a un peu plus d’un an, quand la
petite fille, alors âgée de 7 ans, est arrivée à l’école avec
une immense croix gammée tracée au stylo-feutre sur son bras.
Ses jambes portaient des slogans haineux, évoquant la
supériorité des Blancs et d’Adolf Hitler.
Le personnel de l’école a tenté d’effacer ces dessins, mais
quand l’enfant est revenue le lendemain, elle arborait les
mêmes inscriptions. Quand les services sociaux se sont mis de
la partie, ils ont eu droit à une collection d’horreurs
débitées avec la plus grande certitude.
« Ceque les gensne comprennent pas, c’est que les Noirs
devraient mourir », a affirmé la fillette à un travailleur
social. Notre monde est un monde de Blancs. »
À l’époque, la fillette vivait avec sa mère et son beau-père,
aujourd’hui séparés, et son petit frère, maintenant âgé de 3
ans. À un moment, le couple avait transformé les bambins en
outils de propagande, en collant leurs photos sur des affiches
clamant « Recherché: un avenir pour les enfants blancs ».
Selon les services sociaux, les enfants écoutaient des films
néonazis avec les parents. La mère avait décrit, sur un site
web, combien elle trouvait jolis ses enfants lorsqu’ils
marchent au pas de l’oie…
Il y a un peu plus d’un an, les Services de la famille et de
l’enfance, équivalent manitobain de la DPJ (direction de la
protection de la jeunesse), ont placé les enfants en famille
d’accueil. Motif : les dommages émotifs qu’ils subissent en
baignant dans un environnement idéologique aussi rébarbatif.
C’est l’homme qui réclame aujourd’hui la garde des deux
enfants. Il prétend que skinhead ou pas, il peut exercer
correctement son rôle parental. Et il poursuit le gouvernement
manitobain pour atteinte à sa liberté d’expression.
Mais la DPJ manitobaine n’en démord pas : ce qui lui tient à
coeur, c’est le bien-être de ces enfants élevés dans une
famille « dysfonctionnelle ».
Oui, le couple
a rempli la tête de la fillette d’idées répugnantes,
conviennent tous les commentateurs. Mais plusieurs se
demandent si c’est une raison suffisante pour le séparer de
ses enfants.
Exception faite des slogans racistes qu’elle répète sans
broncher, la petite fille ne semble pas avoir été maltraitée,
souligne Lindor Reynolds, chroniqueuse au Winnipeg Free Press.
Enjeux de la cause
Jointe par La Presse, elle réfléchissait à voix haute sur les
enjeux de cette cause dont l’intérêt dépasse les frontières du
Manitoba. Elle craignait le précédent qui, une fois établi,
risquerait d’ouvrir la porte à des dérapages. « Nous devons
réfléchir attentivement à ce que les parents ont le droit de
dire dans l’intimité de leur maison. Par exemple, des tas de
gens sont opposés au mariage gai. Mais cela justifierait-il
qu’on leur retire la garde de leurs enfants? »
Margaret Wente, du Globe and Mail, abonde dans le son sens. «
Les enfants peuvent être abusés de différentes façons, et
aider votre enfant à dessiner une svastika sur son bras n’est
que l’une d’entre elles. Mais le remède imposé par le
gouvernement est pire que le mal. Car être séparé de ses
parents, c’est difficile », écrivait-elle hier.
Une telle histoire pourrait-elle arriver au Québec?
Théoriquement oui: la loi prévoit que de mauvais traitements
psychologiques susceptibles de causer un préjudice à l’enfant
peuvent justifier un placement en famille d’accueil.
« On peut imaginer qu’un enfant imprégné d’un discours haineux
peut soulever des réactions qui lui portent préjudice »,
suppose Nathalie Bibeau, adjointe à la directrice de la
protection de la jeunesse. Mais cette possibilité n’a jamais
été testée au Québec.
« Dans cette affaire, l’intérêt de l’enfant doit primer sur la
liberté d’expression », croit David Matas, porte-parole de
B’nai Brith à Winnipeg. Selon lui, cette enfant transformée en
affiche de propagande raciste subit un dommage qui va la
marquer pour la vie.
Mais pour l’avocat québécois Julius Grey, la question ne se
pose même pas: « On ne peut pas enlever des enfants à leurs
parents simplement parce que ceux-ci ont des opinions qui font
peur. »
Car la fillette et ses parents ont beau promouvoir la violence
à l’égard des Noirs, jamais ils ne sont passés à l’action.
Briser des familles pour crime d’opinion, c’est un jeu
extrêmement dangereux, prévient le juriste. La question se
pose: qui sera le prochain?
La liberté de refuser - YVES BOISVERT
L’évaluation
de la maturité est un exercice périlleux. Quand il est
question de vie ou de mort, dans une situation tout de même
urgente, on peut accepter que la loi fixe à 16 ans l’âge de
cette maturité.
La question vient d’être posée avec un témoin de Jéhovah, mais
elle pourrait l’être avec n’importe qui: à quelles conditions
un adolescent peut-il refuser des soins médicaux vitaux?
La semaine dernière, la Cour suprême a été appelée à trancher
la cause d’une adolescente du Manitoba atteinte de la maladie
de Crohn, une maladie chronique de l’intestin. L’enfant avait
14 ans et 10 mois à son arrivée à l’hôpital. Elle avait perdu
du sang et les médecins recommandaient une transfusion.
L’adolescente étant témoin de Jéhovah, elle s’opposait à la
transfusion. Trois psychiatres ont été convoqués à son chevet.
Tous ont conclu qu’elle était pleinement consciente des
risques pour sa santé: dommages aux organes internes et,
éventuellement, la mort. Elle ne souffre d’aucune maladie
psychiatrique. Elle n’obéit pas aux ordres de ses parents,
c’est sa propre volonté, ont-ils dit unanimement.
La loi manitobaine permet aux adolescents de refuser des
soins, mais à partir de 16 ans. Avant, on peut les forcer si
c’est dans leur meilleur intérêt.
Un juge a ordonné les transfusions et l’adolescente a pris du
mieux. Pour le principe, elle a néanmoins porté la décision en
appel, et jusqu’en Cour suprême, où on vient de la maintenir.
On a évidemment invoqué la liberté de religion. Mais depuis un
certain temps déjà les tribunaux refusent cet argument quand
il s’agit de traitements vitaux pour un enfant.
Ici, c’était la liberté tout court de cette adolescente qui
était en cause. Son autonomie, son droit de faire ce qu’elle
veut de son corps. Sa sécurité également, puisque pour elle
l’intrusion d’un sang étranger dans ses veines est
inadmissible.
Il est insensé que la loi ne permette pas à une adolescente de
démontrer qu’elle a la maturité requise pour prendre une
décision aussi grave, même si elle n’a pas encore 16 ans,
plaidait-elle.
Les juges de la Cour suprême ont rejeté l’argument à six
contre un… mais pas tant que ça. Un groupe de quatre juges,
menés par la juge Rosalie Abella, a dit que la loi est valide,
mais qu’elle doit être interprétée pour permettre à
l’adolescent de faire cette preuve.
Fort bien, mais elle a justement fait cette preuve, selon les
experts. Alors de quel droit ne l’écouterait-on pas?
C’est le point de vue du juge Ian Binnie, seul dissident. La
Charte, écrit-il, ne protège pas seulement ce que la majorité
trouve judicieux. On n’a pas besoin d’une Charte pour protéger
cette liberté-là. C’est aussi la liberté de refuser des soins
parce qu’on estime qu’ils sont contraires à la volonté divine,
quoi qu’en pensent les médecins, les juges et la société en
général.
La question
n’est donc pas ce qu’on fait de cette liberté… mais plutôt qui
l’exerce et quand.
Le juge Binnie estime que la loi ne peut pas forcer une
personne par ailleurs « mature » à subir un traitement.
Logique. Mais en ce qui me concerne, je me rangerais avec la
juge en chef Beverley McLachlin: l’évaluation de la maturité
est un exercice périlleux. Quand il est question de vie ou de
mort, dans une situation tout de même urgente, on peut fort
bien accepter que la loi fixe à 16 ans l’âge de cette
maturité. Même si, comme pour la majorité, c’est arbitraire.
L’État a le droit et la responsabilité de protéger les enfants
et, pour cela, on peut accepter cette limite à l’autonomie
individuelle.
Notons qu’au Québec, le Code civil fixe à 14 ans l’âge du
consentement aux soins. On prévoit que l’établissement peut
s’adresser aux tribunaux en cas de refus, mais la loi n’en dit
pas tellement plus long. On peut imaginer toutes sortes de cas
où un adolescent refuserait d’être soigné, pas seulement pour
des raisons religieuses. Faut-il acquiescer automatiquement ?
L’expérience suggère que, dans le doute, les tribunaux
préfèrent se tromper du côté de la vie et de la santé de
l’enfant que du côté de sa liberté.
Bon calcul.
Le laitier à cheval
Je quitte pour les vacances. Encore cette année, vous m’avez
envoyé beaucoup de courriels. Merci. Encore cette année, je
vous dis que je ne peux pas toujours répondre. Je vous lis,
par contre.
Ainsi, Mme Vena, qui m’a écrit au sujet de ma chronique («
Souvenirs en papier ») où je comparais mes sentiments face à
la lente disparition du papier journal à ceux des laitiers qui
ont dû abandonner leur cheval au profit du camion.
« Mon père était laitier chez J. J. Joubert et le cheval était
le meilleur travailleur d’une laiterie », dit-elle. En plus
d’être docile et travaillant, par temps froid, il paraît que
quand le laitier s’était un peu trop réchauffé au p’tit blanc
(pas son père), le cheval retrouvait tout seul le chemin de la
laiterie.
Je l’ignorais, madame, et peut-être que M. Joubert aussi, sans
quoi il y aurait pensé à deux fois avant d’acheter un parc de
camions. Résultat: il n’y a même plus de laitiers. En tout
cas. Soyons optimistes: on met encore de la crème sur nos
fraises. Quoi? Oui, je sais, je sais, c’est une sale saison
pour les fraises. On se reprendra avec les bleuets d’Abitibi,
qui annoncent la fin des vacances, quelque part en août.
D’ici là, bon été.
Meurtre au Kansas - LYSIANNE GAGNON
LYSIANE GAGNON
Cet horrible incident montre jusqu’à quel excès de fanatisme
certains militants pro-vie sont prêts à aller.
Le Dr George Tiller a été abattu dimanche matin devant une
église duKansas par un militant du mouvement provie. Le médecin,
depuis longtemps la cible de menaces, avait été blessé par un
tir de balles en 1993.
Spécialisé
dans les avortements tardifs, le DrGeorge Tiller a été tué
dimanche matin au Kansas.
Ce médecin se spécialisait dans les avortements tardifs, au-delà
de la 24e semaine de grossesse, soit au stade où le foetus
serait viable en dehors du corps de la mère – au stade où il a
tout d’un bébé.
Il n’y a que trois cliniques aux États-Unis qui pratiquent de
tels avortements. C’est là que vont les très rares Québécoises
qui requièrent ce genre d’intervention. Une intervention,
notons-le bien, que la presque totalité des médecins et des
infirmières se refusent à pratiquer, et pour cause. On est ici à
la frontière de l’infanticide, et l’on se demande par quelle
inconscience certaines femmes peuvent retarder à ce point leur
décision. (Les avortements thérapeutiques, motivés par une
malformation congénitale, se font avant la 22e semaine.)
Même Henry Morgentaler, à qui les Canadiennes doivent d’avoir
triomphé de l’esclavage de la maternité imposée, se refusait,
dans ses cliniques, à pratiquer des avortements au-delà de 16
semaines. Il recommandait à ces femmes de mener leur grossesse à
terme et de donner leur enfant en adoption.
Bien sûr, ce
n’est pas parce que le métier du Dr Tiller tenait de la
boucherie qu’il méritait d’être assassiné. Cet horrible
incident, qui d’ailleurs s’ajoute à bien d’autres attentats,
montre jusqu’à quels excès de fanatisme certains militants
pro-vie sont prêts à aller. Le meurtrier, qui a d’ailleurs été
arrêté, paiera de sa liberté ce meurtre, odieux comme tous les
meurtres. Il reste que l’avortement ultratardif, passé le seuil
de viabilité autonome du foetus, constitue une sale vitrine pour
les partisans du libre-choix, et une vitrine trompeuse de
surcroît, car la plupart des avortements (de 85 à 90%) sont
effectués au cours des 12 premières semaines.
L’assassinat du Dr Tiller fait resurgir la question de
l’avortement, qui est toujours, hélas ! d’une brûlante actualité
dans la politique américaine. Tous les yeux seront désormais
tournés vers la juge Sonia Sotomayor, que le président Obama
vient de nommer à la Cour suprême, mais qui devra d’abord passer
par l’épreuve d’un comité sénatorial. La juge Sotomayor part
gagnante parce qu’elle est la première personnalité hispanophone
– et la seconde femme – à accéder à la Cour suprême, mais comme
elle n’a jamais statué, jusqu’ici, dans une cause portant sur
l’avortement, c’est probablement sa position sur l’avortement
qui sera au centre des interrogations des sénateurs
conservateurs.
Pour les opposants à l’avortement, cette nomination est
cruciale… et ils semblent avoir l’opinion publique de leur côté
; selon un récent sondage Gallup, 51% des Américains seraient
contre l’avortement, et seulement 42% en faveur. La formulation
de la question est absurde, cependant. Qui donc est « pour »
l’avortement? Ce n’est pas sans raison que le mouvement «
pro-choix » a mis l’accent sur le libre choix de la femme plutôt
que sur l’IVG elle-même: effectivement, l’avortement est une
solution de dernier recours.
Une solution pour laquelle la fille de Sarah Palin, la
catastrophe ambulante que John McCain avait choisie comme
colistière, aurait certainement dû opter, au lieu de se
retrouver, à 17 ans, mère d’un enfant non voulu, plaquée par son
petit ami et forcée d’arrêter ses études. La pauvre enfant fait
actuellement des tournées pour recommander aux jeunes
l’abstinence (qu’elle-même n’a pas pu pratiquer !) tout en
vantant les joies de la maternité… Un fouillis de contradictions
et une jeune vie gâchée parce que sa mère refusait le principe
même de la contraception! L’entêtement idéologique de ces
intégristes républicains, outre qu’il est parfaitement utopique,
est presque criminel…
Des pubs de bière jugées sexistes -
Émilie Côté
Deux
campagnes publicitaires de Molson Coors et Labatt Budweiser
font beaucoup jaser Un party avec les filles du camp Bud? La
Coors Light, une bière « plus froide que la fille de 24 à
qui t’en as donné 32 » ? Deux campagnes publicitaires de
bière font bea
« C’est un combat qui ne cesse pas », lance Jeanne Maranda,
la fondat r ice de la MeuteMédiAction, un organisme qui
dénonce le sexisme dans les publicités. « Le principe est
toujours le même. On présente une femme sexy d’une beauté
parfaite avec des slogans qui diminuent la femme », ajoute
sa collègue, Josée Quenneville.
PHOTO ROBERT SKINNER, LA
PRESSE
Les publicités du camp Bud, comme
celle-ci, à la station de métro Bonaventure, ont fait
réagir les groupes de femmes. « Lors d’un trajet, j’ai vu
leurs mini-shorts rouges sur des méga-affiches à TOUTES
les stations. La campagne de publicité de Budweiser est si
agressive… » a écrit Marianne Prairie, l’une des Moquettes
Coquettes, sur un blogue féministe.
Si le camp Bud est une campagne publicitaire, c’est aussi
une dizaine de « vrais » camps organisés avec des « vraies »
filles un peu partout au Québec, auxquels participeront les
gagnants d’un concours web, à l’aide d’un code numérique
qu’ils trouvent à l’intérieur des caisses de Budweiser.
À Montréal, difficile de ne pas voir les filles du camp Bud,
dont la préposée au barbecue et la joueuse de volleyball.
Surtout dans les stations de métro. « Lors d’un trajet, j’ai
vu leurs minishorts rouges sur des méga-affiches à TOUTES
les stations. La campagne de publicité de Budweiser est si
agressive… Ça ne me surprendrait même pas que vous les ayez
croisées au fin fond des bois… » écrit Marianne Prairie,
l’une des Moquettes Coque t t e s , su r l e blogue
www.jesuisféministe.com.
Le collectif Les délicates attentions, dont les membres
n’ont pas la langue dans leur poche, a même fait une affiche
en riposte à la campagne de Bud. Leur slogan: « Je suis
autonome: je me branle tout seul! »
« Les femmes ne sont pas des instruments masturbatoires de
luxe, (…) il est bien indélicat de la part de la compagnie
de broue de prendre leurs consommateurs fétiches tant aimés
pour des décérébrés », écrivent les blogueuses.
Quant aux pubs de Coors Light, c’est plutôt sur les routes
qu’elles attirent l’attention: « Une bière plus froide que
la fille de 24 à qui t’en as donné 32 », peut-on lire sur
des panneaux d’affichage. Sur le site internet de la marque
de bière, les slogans proposés par les internautes vont
encore plus loin: une bière plus froide « que ton ex », «
qu’une Ontarienne » ou encore « que ta femme frustée (sic)
».
Juniper Glass, coordonnatrice à la Fondation Filles
d’action, est heureuse de voir que des femmes dénoncent ces
campagnes publicitaires. « L’important, c’est d’avoir un
esprit critique face aux images dépassées », dit-elle.
Encore des plaintes
Le Conseil d’éthique de l’industrie québécoise des boissons
alcooliques a reçu plusieurs plaintes concernant les deux
campagnes. Mais le président, Claude Béland, ne pouvait pas
s’entretenir avec La Presse, car le tout est à l’étude.
Labatt, dont
relève Budweiser, n’a pas été en mesure de répondre à nos
questions, parce que la responsable des relations avec les
médias est en vacances. Jennifer Damiani, du service des
communications, a toutefois indiqué qu’elle n’avait reçu
aucun avis du conseil pour l’instant. Labatt respecte le
code d’éthique des associations canadienne et québécoise des
brasseurs, assure-t-elle, de même que les normes canadiennes
de publicité.
« Tous nos messages sont conçus selon les règles », dit
aussi Douglas Chow, conseiller principal aux relations
publiques de Molson Coors.
Il n’en demeure pas moins que, au cours des deux premières
années d’activité du conseil d’éthique, la plupart des
plaintes visaient les publicités de Molson Coors et de
Labatt Budweiser, le plus souvent pour leur caractère
sexiste. En 2008, Molson a récolté 151 des 221 plaintes pour
son « calendrier des plus belles filles de l’Est du Québec
», qui a été retiré après une dizaine de jours de
controverse en juillet 2008.
Les deux brasseurs ne font pas partie du Conseil d’éthique
de l’industrie québécoise des boissons alcooliques, auquel
l’adhésion est volontaire et dont les décisions ne vont pas
plus loin que l’avis. « Nous estimons que la réglementation
actuelle est efficace et suffisante », dit Douglas Chow.
Les Normes canadiennes de la publicité (NCP) voient aussi
leur téléphone sonner souvent à cause des publicités des
deux grands brasseurs. « La plupart du temps, les plaintes
que nous recevons au sujet des annonceurs de bière
concernent l’image de la femme », souligne la directrice des
communications, Danielle Lefrançois.
Plus ça change, plus c’est pareil
Bien qu’elles suscitent des plaintes, les pubs comme celle
du camp Bud reviennent année après année. Selon Josée
Quenneville, de la Meute-MédiAction, les organismes qui
établissent les normes de publicité n’ont aucun pouvoir, car
les brasseurs sont seulement invités à adopter leur code
d’éthique. « C’est de l’autorégulation. C’est ça, le
problème. »
Et les plaintes ? « Ces publicités sont très remarquées,
donc le risque n’est pas énorme, dit la publicitaire Anne
Darche. On fesse fort pour le segment qu’on vise, quitte à
éclabousser. Et regardez, on est en train d’en parler! »
« Le sexe vend, renchérit Denyse Côté, professeure au
département de travail social de l’Université du Québec en
Outaouais. Ça pogne et ça fait vendre de la bière. »
Personne de la Fédération des femmes du Québec ni de la
Coalition nationale contre les publicités sexistes n’était
en mesure de commenter.