Intéressant...

LA PRESSE & COMPAGNIE


Recherche d'archives de Google

The anglosphere yet reigns supreme - NEIL REYNOLDS


Lettres - Emballante, la vie!

BOLS À SOUPE... POUR FAVORISER LES RENCONTRES!

2014: le chaos

La domination du cirque québécois
La grande histoire du cirque: de Londres... au Québec


Y a-t-il plus de séismes que d'habitude?


La réforme du calendrier - Stéphane Laporte

La tour de Dubaï - Mario Roy


Les fantômes de Melissa Auf der Maur  -  Mathieu Perrault

Boom au Havre

Le squat du bout du monde  -  Patrick Lagacé
Joyeux festin à Chibougamau  -  Patrick Lagacé
Là où la route commence  -  PATRICK LAGACÉ

Soirée d’adieux à Matagami  -  Patrick Lagacé
Radisson, si sinistre…  -   Patrick Lagacé

C’est du trouble, mais...  -   Patrick Lagacé

Quand t’es bien dans ta peau...  -  Patrick Lagacé
La fille du 381 -  Patrick Lagacé
La grosse vie sale  -  Patrick Lagacé
Voir aussi La poétesse, la rivière et les saumons  -  Patrick Lagacé
Voir aussi De Tchernobyl à Sept-Îles  -  Patrick Lagacé

La meilleure défense - Patrick Lagacé


Tout le monde tout nu - Patrick Lagacé


Le 1er juillet : Une vie en suspens entre deux logements -  Judith Lachapelle

Journée annuelle des détritus

Du parmesan comme garantie de prêt
 
Payez ce que vous voulez !
Un resto dépliable en 90 secondes

Des conteneurs en guise de maisons

UN BATEAU, C’EST MOINS COÛTEUX  -  Hugo Meunier


Ministre en ascension -  NATHALIE PETROWSKI

GÉNÉALOGIE  POUR RETROUVER VOS RACINES, CREUSEZ AU BON ENDROIT - Marc Tison


INDUSTRIE PORCINE La grippe A (H1N1) fait une autre victime


Une blonde québécoise pour le marché américain

Plus tard, les vacances scolaires?  -  JEAN-PASCAL BEAUPRÉ
LA RENTRÉE : UN CASSE-TÊTE POUR LES COMMERÇANTS 


Succession au trône d'Angleterre : le Canada devra donner son appui


Les Canadiens veulent qu’Ottawa en fasse plus

Prêts au pire - Mario Roy


New York s'amuse à découvrir la poutine - Marie-Claude Lortie

Le Canada rate le filon d'or


Le bon ménage du sexe et des affaires


Don Juan peut aller se rhabiller - Marie-Claude Lortie


Louise Cousineau: madame télé
Madame Cousineau  - Yves Boisvert


La poule - Pierre Foglia


Notre Arctique
Arctique, la nouvelle guerre froide
Souveraineté sur l'Arctique - Le pari du dialogue
Les mésententes du Canada dans l'Arctique

Le 579 arrive en banlieue

 


La vraie histoire des Jos Louis

Freedom fighters, killer whales


20 photos historiques fascinantes que peu de gens ont vues


POTENTIELLEMENT UTILE

How to Get Rid of Fruit Flies
10 Tips for Getting Rid of Fruit Flies

How Do I Get Rid of Fruit Flies?

How do you get rid of fruit flies in your kitchen??

How To Get Rid Of Fruit Flies Fast!!!

How To Get Rid of Fruit Flies and Gnats Fast!!!

Fruit Flies, Begone! What's Your Tried-and-True Way To Get ...

How to Get Rid of Fruit Flie
How to Get Rid of Fruit Flies | Suburban Turmoil
How to Get Rid of Fruit Flies in your Kitchen (+ Tips from Herbies!)







RAMENER LE SOLEIL DANS LE STADE  -  Yves Boisvert
François Delaney a-t-il trouvé la solution la plus brillante pour le
toit du Stade olympique ? Plein de gens sérieux pensent que oui.
Dans le grand laboratoire en forme d’entrepôt, tout est méticuleusement rangé. Il y a des grues, des pistons, des roulettes de plastique et toutes sortes d’outils très propres.

Et puis, dans un coin, sous une étagère, comme une pile de vieux tapis industriels. C’est la toile originale du Stade olympique, coupée en 420 bandes de 50 pieds sur 10. Du kevlar, un matériau si résistant qu’on peut tirer dedans au fusil de chasse sans le percer.
François Delaney l’a achetée il y a 20 ans pour 1$. «Ça m’a coûté 156 000$ pour la découper et la transporter, par contre…»
Que diable fait-il avec des retailles d’une vieille toile déchirée? Des tabliers de protection pour des travailleurs d’usine de sciage. Des housses pour protéger l’équipement dans des mines pendant les explosions. Et on en vend des bouts par internet.
Je vous l’annonce: il en reste en masse.
Au-delà de ces quelques objets, cette toile a surtout servi à faire pénétrer François Delaney dans le monde complexe et tourmenté du Stade olympique. Il en connaît maintenant les moindres détails techniques.
Lundi dernier, dans son labo de L’Assomption, il m’a montré la trouvaille à laquelle il travaille depuis des années: un nouveau toit rétractable pour le Stade olympique. Quoi? Du soleil dans le Stade ?
Des experts séduits
Est-ce bien sérieux? Quand l’ancien membre du Comité organisateur des Jeux olympiques de Montréal et passionné de sport François Godbout m’en a parlé, j’ai eu la même réaction que tout le monde avant de rencontrer François Delaney: encore le toit du Stade! Et puis, qui est-il, ce Delaney, pas même ingénieur?
C’est un homme de 52 ans qui n’a pas de diplôme, mais des brevets dans 34 pays et des contrats avec Bombardier, General Electric, les Forces armées, des sociétés minières et j’en passe.
Et c’est un homme tenace. Quand la RIO lui a dit que son concept ne respectait pas l’intégrité architecturale du Stade, il est allé voir Roger Taillibert. Le père du Stade a trouvé l’idée si intéressante qu’il a écrit au premier ministre Jean Charest pour lui dire qu’il l’approuve.
Raymond Cyr était ingénieur à la Ville de Montréal pendant tout le chantier olympique et en coordonnait toutes les études techniques. «Je le connais par coeur, le Stade!» me dit-il.
Pour lui, Delaney tient une solution absolument ingénieuse, éminemment faisable et pratique.
L’ingénieur Serge Vézina, de la firme Dessau, est un des experts qui connaissent le mieux le Stade olympique.
M. Vézina, en plus d’avoir travaillé dans plusieurs très grands chantiers de par le monde, est celui que la Régie des installations olympiques a embauché comme expert dans son conflit judiciaire contre la firme Birdair.
Dans une lettre flatteuse datée du 3 juillet 2009, M. Vézina écrit que le concept est «prometteur» et «vraisemblable». Le concept est adapté aux singularités du complexe olympique, opine-t-il. En outre, il utilise des technologies de manutention «éprouvées». Certes, son étude était sommaire, mais Dessau était prête à signer une entente de collaboration et d’exclusivité avec M. Delaney en juin 2009, tellement on le prend au sérieux.
Le Groupe Canam, de SaintGeorges-de-Beauce, a participé à la construction de plus de 50 stades et amphithéâtres sportifs. C’est un des leaders nord-américains et mondiaux dans le domaine. On lui doit entre autres les quatre derniers complexes new-yorkais, dont le Yankee Stadium et celui des Jets. Canam est le responsable du toit rétractable des Marlins de Miami. Il a été choisi pour construire le prochain amphithéâtre des Penguins de Pittsburgh, dans la LNH, et il est sur les rangs pour le stade BC Place, à Vancouver.
Richard Vincent, vice-président à la recherche de Canam, est allé voir le projet de M. Delaney récemment et l’a trouvé très intéressant. «Je ne peux pas me prononcer sur les coûts en ce moment (une des spécialités de la firme), mais je pense qu’il est réalisable. C’est un projet qui me paraît très bien, qui utilise des technologies qui existent et qui a le grand avantage de ne pas ajouter de charge sur le stade, dont on nous dit qu’il a été affaibli. Et puis, ça permet de rouvrir le toit. Notre été est tellement court à Montréal, les gens ne veulent pas être enfermés.»
De 200 à 10 000 tonnes
La beauté du concept Delaney, en plus de nous redonner accès au ciel, c’est qu’il ne s’appuie pas sur le stade, et donc qu’il ne nécessite aucun travail de réfection de l’édifice. Il est soutenu par quatre piliers intégrés au stade et qui reposent sur le sol.
À l’origine, le toit du stade Taillibert devait peser 90 tonnes. Le concept réalisé par Lavalin l’a fait passer à 200 tonnes. Le toit est soutenu par des câbles tendus qui le stabilisent. Le mât d’origine avait une capacité de soutien maximale de 6000 tonnes. Il devait supporter une pression de 4500 tonnes pour stabiliser la toile.
Le deuxième toit, fabriqué par Birdair pour remplacer la toile de kevlar d’origine, pèse 3000 tonnes. Celui-là aussi a déchiré.
Actuellement, la R IO a approuvé u n t oit f i xe en acier conçu par SNC-Lavalin. Personne, ni au cabinet de la ministre Nicole Ménard (responsable de la RIO), ni à la Rio, ni à SNC-Lavalin, ne veut nous en dire le poids ou le coût. Il semble que ce soit un secret d’État!
L’information qui filtre parle d’un toit encore plus lourd que l’actuel (jusqu’à 10 000 tonnes), ce qui supposerait des travaux de renforcement du stade et du mât.
Vocation sportive
«Mon concept est un système très simple, sans entretien, sans électricité, sans graisse, sans essence, avec une technologie qui remonte au temps de Léonard de Vinci!» dit M. Delaney. Des pistons géants, installés sous le stade, montent et descendent pour tirer des câbles et déplacer le toit sur des rails. L’ouverture prend 20 minutes.
« On préserve la vocation sportive du Stade, ça ne devient pas seulement un centre de foire», dit François Godbout.
«Depuis la fin des Jeux olympiques, nous aurions dû avoir au moins deux championnats du monde, dit Raymond Cyr, mais on ne peut pas faire d’athlétisme si ce n’est pas en plein air et, si on veut du soccer de calibre international ou d’autres jeux (Commonwealth, panaméricains, etc.), il faut avoir un stade ouvert. Toutes les grandes villes se battent pour ça, et nous l’avons! Les Jeux ont été pensés pour laisser un héritage sportif à
la jeunesse d’ici, et on risque de le perdre.»
La RIO fait la sourde oreille
À la RIO, on connaît très bien M. Delaney. Des employés se sont d’ailleurs rendus à son laboratoire pour évaluer le projet, basé sur son système de monte-charge breveté et utilisé dans l’industrie (mais à beaucoup plus petite échelle). « C’était par courtoisie », dit la porte-parole, Mme Sylvie Bastien.
Une courtoisie qui a cependant duré des mois. La première fois, les gens de la RIO sont venus à quatre. Puis un employé y est retourné deux fois. Et M. Delaney est allé à la RIO une dizaine de fois. On lui a donné accès à des documents, on a longuement parlé du projet. L’intérêt des gens de technique semblait y être. «Allô la courtoisie!» réplique M. Delaney.
Qu’importe, pour la direction de la RIO, le dossier est clos: il y a eu un appel de candidatures en 2004, auquel n’a pas participé M. Delaney. L’appel exigeait un projet de toit fixe en PPP. SNC-Lavalin a été choisie en dernière analyse. Elle sera propriétaire et responsable du toit pendant 25 ans, période pendant laquelle la RIO lui versera des frais annuels. Après? Le toit revient à la RIO.
«Vous savez, des gens qui ont des idées pour le Stade, il y en a à tout bout de champ», ajoute Mme Bastien.
Vu les appuis qu’elle a reçus, l’idée de M. Delaney est toutefois pas mal plus que celle d’un patenteux de sous-sol.
Il a fait faire des soumissions pour chaque morceau de son concept. Il en arrive à 197 millions de dollars, mais avec un coût d’entretien d’à peu près zéro. Il est convaincu que c’est moins cher que celui de SNC-Lavalin, mais la chose est impossible à vérifier en ce moment.
«Je vis cette démarche-là avec détachement», dit M. Delaney, après toutes ces années. Il a tout de même investi des centaines de milliers de dollars dans l’aventure et a enregistré divers brevets dans le monde, car il croit que son concept pourra être adopté ailleurs, si ce n’est ici. Les toits rétractables, autrefois décriés, sont maintenant en vogue chez les constructeurs de stades, y compris dans des villes nordiques, de Minneapolis à Milwaukee à l’Europe du Nord.
Mais ici, apparemment, on vit encore le choc post-traumatique du toit percé et on semble empressé de boucher d’acier ce trou gênant. Pour un coût inconnu, la RIO s’est résignée à gaspiller une installation sportive et à se priver d’occasions d’attirer des événements internationaux, sauf peut-être des concours de caniches en hiver.
Il ne resterait alors des Jeux olympiques de Montréal qu’un édifice dénaturé, symbole permanent de honte collective. À moins que quelqu’un au gouvernement ne finisse par y jeter un regard neuf, pour donner une dernière chance au sport.
Qui sait, on pourrait finir par se réapproprier un stade où le soleil aurait de nouveau le droit de pénétrer. Et même (on peut rêver) par en être fier.


Avant de tuer le Stade  -  Yves Boisvert
On est sur le point de condamner pour de bon le Stade olympique et de se priver d’un lieu de manifestations sportives majeures assez rare. Me semble qu’avant d’y engloutir d’autres centaines de millions, un nouvel examen de la question s’impose.
La RIO a lancé un appel de candidatures il y a déjà cinq ans pour la construction d’un toit fixe. Elle a choisi la solution de SNC-Lavalin en PPP, mais Québec n’a pas encore tranché.
C ’ e s t donc l a der n i è r e chance de sauver ce qu’il reste de sportif dans ces installations. Au prix qu’elles nous ont coûté, ça vaut bien un ultime examen…
On est sans doute un peu trop lassés, et convaincus en fait qu’il n’y a plus rien à faire avec ce stade. Ce n’est pas une raison pour choisir une solution de débarras.
Aux dernières nouvelles, il tenait toujours. C’est aussi, même si ça ne fait pas l’affaire de tout le monde, une des seules structures reconnaissables de Montréal.
Alors, avant de le boucher pour de bon avec une soucoupe d’acier inamovible et de faire d’autres travaux de réfection, on devrait être convaincu que c’est la moins mauvaise des solutions.
Hier, je parlais de la solution suggérée par l’entrepreneur François Delaney : un toit en acier rétractable. Déjà, des ingénieurs m’ont écrit ou appelé pour dire que c’était très bien, correct, ou pas réalisable. Chacun a son idée, évidemment. Mais ce projet a le mérite de préserver l’ouverture et donc la vocation sportive du Stade, et de ne pas y ajouter de charge.
Ça peut toujours servir…
Quand les Nordiques de Québec ont pris le chemin du Colorado, tout le monde le disait : il n’y aura plus jamais de hockey professionnel dans cette ville. Trop petite, trop pauvre, oubliez ça.
La semaine dernière, le ma i r e de Québec , Régi s L a beau me, é t a i t da n s le bureau du commissaire de la Ligue nationale de hockey, et ce n’était pas pour l’inviter au carnaval. Soudain, ce n’est plus impossible.
Quand les Expos ont quitté Montréal pour Washington, tout le monde disait que plus jamais le baseball ne reviendrait ici. Trop petit marché, trop pauvre, oubliez ça.
Mais sait-on jamais ? Les Cubs de Chicago sont virtuellement en faillite. D’autres clubs perdent de l ’a rgent. Peut-être un j our y aura-ti l un projet de baseball à Montréal. Avoir un st ade branché sur le métro, même un stade imparfait, n’est pas un atout négligeable.
Si on fige dans l’acier le Stade olympique, avec un toit qui descend plus bas que l’actuel, comme le suggère l a Régie des i nsta l l ations olympiques, oubliez ça. Il faudrait construire un nouveau stade. Ce sera officiellement foutu pour le baseball, mais aussi pour les compétitions d’athlétisme et plein d’autres événements pour lesquels les grandes villes se battent.
Êtes-vous déjà allé dans le mât du Stade olympique ? Si je n’y avais pas été amené par la conférence de presse du marathon, le mois dernier, je n’y serais pas encore allé.
La vue sur Montréal, la montagne et tous les environs y est renversante. Mais ce qui m’a surtout frappé… c’est qu’il n’y a rien.
Rien. Qu’un grand observatoire vide, qu’on peut meubler au besoin de tables et de chaises. N’est-ce pas un endroit évident pour installer un restaurant, par exemple ?
Je n’i rais pas davantage au restau ra nt dans le mât du Stade, remarquez bien. Je constate simplement que pendant qu’on se fend en quatre pour construire toutes sortes de machins touristiques, on n’arrive pas à utiliser celui-là, évidence en forme de nez au milieu du visage montréalais.
Ce stade a tout de même coûté un milliard. Des endroits pour des foires, il n’en manque pas. Mais de stade olympique, qui peut se vanter d’en avoir un? Songez qu’on ne pourrait même pas y tenir les jeux du Commonwealth.
Qu’ont à dire les candidats à l a mairie de Montréal ? Voilà une installation de première importance, stratégique même. S’en remettront-i l s béatement aux décisions des fonctionnaires provinciaux e t d u g o u v e r n e ment d u Québec ?
Il y a un héritage en jeu, ici. C’est leur travail de prendre position pendant qu’il en est encore temps, pour qu’au moins un regard neuf soit porté sur cet étrange objet qui ne demande qu’à être revisité. ERRATUM — Dans le recours collectif intenté contre RadioCanada à cause des propos du psychiatre Pierre Mailloux, ce n’était pas 24 500 $ par membre de la communauté noire qui était réclamé (ce qui aurait fait 4 milliards) mais un total de 24,5 millions.




Décoincer la ville   -  MARIE-CLAUDE LORTIE
Il y en a qui ont aimé le dîner en blanc pour son côté élégant. Ils ont aimé s’habiller tout de blanc, jouer aux Gatsby modernes. Il y a ceux qui ont aimé manger, avec des inconnus, et faire partie d’une action commune enthousiaste. Il y en a qui ont aimé le secret entourant le dîner, le suspense qui nous a fait découvrir uniquement à 19 h 30, jeudi soir, après des semaines de préparations et longtemps après l’inscription sur le site web, que le pique-nique géant aurait lieu dans les jardins du Vieux-Port, juste à côté du chemin de fer et face à la place Jacques-Cartier.
Et puis, il y en a, comme moi, qui ont aimé l’idée d’imposer à la ville une pause repas publique.
« Courez, courez, vite si vous le voulez », avaient l’air de dire les 1200 convives au reste de la cité. « Nous, on s’arrête, on ouvre le mousseux et on mange. »
Honnêtement, l’exercice d’être habillé en blanc est rigolo. Imaginez comment les gars ont dû travailler fort pour ne pas avoir l’air d’agents Glad. Demander de plus un effort d’élégance est, je trouve, une façon de solliciter un certain respect pour le Repas avec un grand R, cette cérémonie cruciale de nos sociétés que l’on délaisse et bafoue quotidiennement à coup de cellulaires, de MP3 et de pogos et de poutines et patati et patata.
Bref, bonne idée que cette exigence douce, à la fois accessible et excentrique.
Mais de tout ce dîner, ce que j’ai préféré, c’est l’idée d’investir pacifiquement un bel espace public trop souvent oublié pour affirmer, collectivement, communément, deux choses : l’importance de l’habiter et l’importance de prendre le temps de se retrouver entre amis ou entre citoyens, pour manger un vrai repas.
Avec la ville en toile de fond, roulant à 100 à l’heure, la poésie et le calme du piquenique géant n’en étaient que plus frappants.
On le dit, on le répète, il faut prendre le temps de manger à table et avec d’autres, si possible. C’est meilleur pour l’esprit et la santé que grignoter seul, sur le bord d’un comptoir, de la bouffe achetée au casse-croûte du coin. Les recherches montrent année après année les effets positifs de la pause cuisine et de l’arrêt repas, assis, familial, convivial sur la santé des enfants et des ados notamment, puisque cela aide, entre autres, la diversité de l’alimentation. Quelle jolie extrapolation d’en faire une activité fédérative et publique.
Montréal a besoin de ce type de happenings pour se décoincer un peu. Prise avec une réglementation archaïque qui limite strictement la vente d’aliments à l’extérieur des restaurants, coincée dans une mentalité d’une autre époque pour tout ce qui touche la vente d’alcool, la ville vit dans un étrange cloisonnement. « Je n’ai pas l’impression qu’on nous traite en adultes », m’a fait remarquer un jour un ami français, qui se désolait de l’absence de vin dans un repas champêtre familial. Manger est synonyme de détritus. Boire est synonyme d’excès. Parc est synonyme de vide.
Alors on sépare toutes les activités et les vocations. Il y a les parcs. Il y a les panoramas. Il y a les restos. Il y a les bars pour les adultes. Il y a les casse-croûte pour les familles. Comme si tout cela se devait d’être mutuellement exclusif. Rares sont les points de rencontre où tout se mélange et se décline pour améliorer tout simplement la qualité de vie urbaine.
Prenons juste le centre de Montréal. Pourquoi n’y aurait-il pas un vrai restaurant dans le chalet de la Montagne, cette immense e n c ei n t e s pe c t a c u l a i r e désastreusement sous-utilisée par l’administration municipale, qui s’ouvre sur un des plus beaux panoramas de la ville ?
Pourquoi n’y a-t-il pas un vraiment bon restaurant au bord de l’eau dans le VieuxPort ? Pourquoi les voitures dans le parking près du quai de l’Horloge ont-elles, elles, une vue spectaculaire sur le fleuve et les îles alors que les clients des casse-croûte, eux, font face à la voie ferrée?
Pourquoi, malgré la présence d’une montagne au coeur de notre ville, n’a-t-on aucune terrasse surplombant Montréal ? Où peut-on même faire un pique-nique en admirant la ville du haut de la colline? Le parking du belvédère de Westmount ? Le parking du flanc nord-est du mont Royal ? Parkings, parkings…
Et puis, où sont les cafés et les lounges sur les rives du canal de Lachine?

J’espère que les prochains dîners en blanc investiront ces lieux aussi. Car apparemment, c’est la seule façon, pour le moment, de s’y arrêter, pour porter un toast et manger une bouchée à la santé de notre cité.



Les fantômes de Melissa Auf der Maur  -  Mathieu Perrault
SCIENCE-FICTION / Congrès Anticipation Melissa Auf der Maur ressent régulièrement la présence de fantômes. Toute sa vie, elle a été certaine de l’existence d’un monde parallèle. À l’adolescence, elle a découvert avec fascination la vieille série The Twili
Au congrès i nter nationa l de science-fiction Anticipation, qui s’ouvre aujourd’hui à Montréal, elle transposera demain au grand écran sa passion pour le fantastique. Son court métrage Out of Our Minds, dont ce sera la première montréalaise, a déjà eu un certain succès au festival de Sundance l’hiver dernier.
« J’ai toujours su qu’il y avait de la magie, un monde qu’on ne pouvait pas voir, des fantômes », explique en entrevue la chanteuse montréalaise. « Je n’ai jamais eu beaucoup de liens avec le monde de la science-fiction, mais je savais que j’avais des atomes crochus. »
Out of Our Minds est tiré d’une chanson éponyme de son plus récent album, qui invite à regarder le monde avec son coeur plutôt qu’avec sa tête. « C’est une histoire très simple. C’est une femme qui se met à faire des voyages dans le temps. Il y a des arbres qui saignent et des Vikings. » Mme Auf der Maur a choisi le réalisateur Tony Stone, après avoir vu un film de Vikings qu’il avait fait. Elle joue aussi un rôle dans son film.
Outre Twilight Zone, les inspirations de la chanteuse sont les oeuvres de David Lynch, particulièrement la série Twin Peaks, et l es pei nt r es brit a nniques préraphaélites du XIXe siècle. L’iconographie préraphaélite a souvent inspiré des chanteuses, par exemple Kate Bush, dont les vidéoclips des années 80 en sont un exemple.

Anticipation, qui se poursuit jusqu’à lundi, rassemblera des milliers de passionnés de fantastique et de science-fiction de partout dans le monde au Palais des congrès. Également, Melissa Auf der Maur participera à deux discussions publiques sur la construction du son dans les oeuvres fantastiques et sur l’impact de la technologie sur les films et la musique au XXIe siècle. Anticipation, le 67e congrès mondial de science-fiction, au Palais des congrès jusqu’au 10 août. Infos : www.anticipationsf.ca





Le squat du bout du monde  -  Patrick Lagacé
Notre chroniqueur poursuit sa tournée du Québec. Aujourd’hui : Sept-Îles.
« Il y a de la chicane, des fois. Tiens, il y en a une qui a dégénéré. Un gars a mis le feu à la maison de son voisin. Celui-ci s’est vengé en faisant la même chose... »
— Il ventait, il mouillassait, il faisait tous les temps. Une vieille Chevrolet Lumina verte s’est approchée de moi, tanguant sur le terrain inégal. Le type, chauve, son chat sur les cuisses, a baissé la vitre. — Veux-tu me l’acheter? — Pardon? — Veux-tu acheter mon saloon? Du menton, il désignait la petite habitation derrière nous, de biais, une cabane grosse comme ma main, décorée façon western. Le chat, lui, est monté sur le tableau de bord. — Euh... — Pour 2000$, c’est à toé. Pas de taxes. Icitte, le monde t’achale pas.
La Pointe de Moisie est, depuis 25 ans, un squat, une sorte de mini-bidonville en banlieue de Sept-Îles, érigé sur les ruines de Moisie, village fermé en 1967, pour cause d’inondations.
C’était une fin d’après-midi dudébutde juillet, il ventait, il mouillassait, il faisait tous les temps sur la Pointe de Moisie, un site magnifique parsemé d’habitations de fortune, occupées par des campeurs illégaux. La Pointe est, depuis 25 ans, un squat, une sorte de mini-bidonville en banlieue de Sept-Îles, érigé sur les ruines de Moisie, village fermé en 1967, pour cause d’inondations.
Un site magnifique, disais-je: la Pointe est située à la jonction de la rivière Moisie et du golfe du Saint-Laurent. Même par une journée pluvieuse, c’est beau. Malgré les habitations de fortune qui jonchent l’endroit. Le terrain appartient au ministère des Ressources naturelles. Mais c’est la Ville de Sept-Îles qui vit avec ce casse-tête.
Les squatteurs vivent dans des cabanes, le plus souvent construites avec du contreplaqué, comme ce saloon du gars au chat. Ou des cabanons achetés chez Réno-Dépôt et traînés jusqu’ici. Beaucoup de vieilles roulottes, aussi, issues d’un autre temps. Sans oublier un autobus scolaire dont la cheminée d’un poêle à bois sort par une fenêtre.
Plusieurs terrains sont aménagés. Premier arrivé, premier servi. Des résidants ont érigé des clôtures, décoré leur parterre. Je vous jure que j’ai aussi vu un spa, dans la cour arrière clôturée d’une petite maison en bois rond! Plusieurs drapeaux du Québec flottent au vent. Quelques drapeaux mohawks rouges, frappés d’une tête d’Indien, aussi.
Certaines habitations ont l’électricité, grâce à des génératrices. J’ai vu des gens regarder la télé dans leur salon. J’ignore ce qu’ils regardaient, mais le monde était à leur portée: une soucoupe satellite ornait leur roulotte. Des squatteurs ont installé des toilettes de fortune dans des barils de fer enterrés.
Un vieux monsieur passe. Il a grandi, jadis, à Moisie. Plusieurs des squatteurs, dit-il, sont d’anciens habitants du village évacué. Ils revendiquent une sorte de droit acquis. « J’habitais la rue Poirier, dit-il, pas trop pressé de s’identifier. J’habite ici trois saisons par année. L’hiver, je m’en vais. Mais il y en a qui restent ! »
Près de nous, une autre cabane est épinglée d’une pancarte À VENDRE. « Lui, il demande 5700$ pour sa maison! » dit-il, sourire en coin. La flambée des prix immobiliers s’est rendue jusqu’au squat du bout du monde...
« Si j’ai peur d’être expulsé un jour ? Regarde ma roulotte : c’est facile à déménager. En deux heures, je suis parti. »
Le vent s’est levé, il s’est mis à pleuvoir plus fort. Dans ce paysage de cabanes construites grâce au système D, électrifiées avec les moyens du bord, peuplées de gens pas très enclins à fraterniser avec l’étranger, on se serait cru, un instant, dans la tempête, dans une colonie de survivants d’une sorte de fin du monde.
La Ville de Sept-Îles aimerait bien « faire quelque chose » avec ce terrain superbe occupé illégalement par ces villégiateurs qui aiment vivre loin de tout. Mais quoi? On ne sait pas. Oui, bon, il y a des gens qui voudraient que la police rentre dans la place avec un bulldozer, me dit Claude Lessard, conseiller municipal du secteur, mais ce n’est pas une bonne idée.
« Ça peut être explosif. Il y a beaucoup d’Amérindiens qui habitent le squat. Il faut trouver une solution en accord avec le conseil de bande. Ils ont un droit acquis, c’est vrai. Mais autour des Amérindiens, il y a pas mal de Blancs... »
La Ville voudrait un certain contrôle. Une collecte des déchets, des règles pour les chiottes. Mais pour ça, il faudra faire payer les gens. Et, bon, l’Homme aime ce qui est gratis : plusieurs squatteurs, quand on leur demande ce qui les attire ici, répondent: « Ça coûte rien. »
On pourrait, façon romantique, croire à un village utopique dont les habitants ont choisi de vivre loin du tumulte du monde. C’est sans doute une partie de l’équation. Mais l’équilibre social, dans l’écosystème du squat du bout du monde, est fragile, dit-on...
« Il y a de la chicane, des fois, dit M. Lessard. Tiens, il y en a une qui a dégénéré. Un gars a mis le feu à la maison de son voisin. Celui-ci s’est vengé en faisant la même chose... »
Brian, qui habite ici avec sa femme et ses enfants: « Si tu fais tes affaires, pis que tu déranges personne, t’auras pas de problèmes. Mais y a du monde qui n’a rien à faire. Moi, je me suis fait voler mon quatre-roues ! »
Même son de cloche chez le type qui voulait me vendre son saloon, qui est revenu me faire un brin de jasette en me voyant écornifler dans son logis. Pas moyen de lui faire dire quoi que ce soit sur la « communauté », mettons. Motus et bouche cousue.
Question: « Y a beaucoup de gens qui vendent leur maison? »
Réponse: « Je sais pas. Je me mêle de mes affaires. »
Question: « Les gens se voisinent un peu, dans le coin? »
Réponse: « Je sais pas. Je m’occupe de mes affaires. »
En roulant dans le squat, pour les photos, j’ai embourbé la Rabbit dans le sable. Le sable, c’est pire que la neige, ou presque. J’ai eu beau avancer, reculer, je ne faisais que m’enfoncer davantage. Heureusement, ça n’a pas pris une minute qu’André et Stéphane sont venus m’aider.
Stéphane, jeune Innu, a attaché un câble sous mon auto. André, ex-pêcheur, a attaché l’autre extrémité à son vieux camion. Il a entrepris de me sortir de mon trou, à petits coups. Puis, il est sorti, fulminant. — J’ai pu de gaz! — Comment ça, pu de gaz? a demandé Stéphane en riant. — Me suis fait siphonner! — Par qui? — Par un siphonneux! André a donné à boire à son camion grâce à un réservoir portatif rouge et, une minute plus tard, merci messieurs, la Rabbit sortait de son trou. Et je retournais à Sept-Îles, terre parfaitement cadastrée, réglementée, électrifiée, taxée, dotée de l’eau courante, d’habitations rigoureusement soumises au Code du bâtiment et d’un système d’égouts en parfait et exemplaire état de marche.




Joyeux festin à Chibougamau  -  Patrick Lagacé
Notre chroniqueur est allé où peu de Québécois vont: en Jamésie et sur la Côte-Nord, au cours des dernières semaines. Pour sa seconde chronique estivale sur le Québec du bout du monde, il a roulé jusqu’à Chibougamau.
CHIBOUGAMAU — Si je vous demande dans quelle région trône Chibougamau, il y a de grandes chances que vous me donniez une des deux réponses suivantes : a) L’Abitibi. b) Chibougamau existe pour vrai ? Bien sûr que Chibougamau existe. J’y suis allé. Neuf heures de route de Montréal, on s’y rend en naviguant dans un océan d’épinettes noires, via la Mauricie et le Lac-Saint-Jean. Puis, soudain, alors qu’on ne l’espérait plus : Chibougamau.

Mais j e m’éga re. Dans quel le région, Chibougamau ? Et Lebel-surQuévillon, sa lointaine banlieue (quatre heures de route), tiens, tant qu’à y être ?
Si vous avez répondu l’Abitibi, bravo : vous faites la même erreur que tout le monde, ou presque… C’est en Jamésie. Oui, je sais, c’est un nom bizarre, pour une région. Mais elle existe, ne serait-ce que dans l’imaginaire des fonctionnaires provinciaux. La Jamésie. Même le nom est dur à prononcer.
Faut-il mettre l’accent sur le « James », et prononcer à l’anglaise ?
Faut-il mettre l’accent sur le « é », et prononcer à la française ? Aucune idée. Au fond, on s’en fout. Parce que la région a un problème plus grand que son nom: l’identité. Ou plutôt, le manque d’identité. Chibougamau est au coeur de cette quête.
Mario Fortin, jeune conseiller municipal et candidat déclaré à la mairie pour l’élection de novembre, ne fait pas de cachettes. Le leadership politique, en Jamésie, ou dans la région de la Baie-James, ou dans le Nord, appelez ça comme vous voudrez, fait défaut.
« On est comme gênés de s’affirmer », dit-il, accompagné de Jocelyn Cotes, un homme d’affaires du coin qu’il voulait absolument me présenter. Gênés, Mario ? « Oui. Tiens, Québec veut développer le Nord. Jean Charest va présenter un Plan Nord. Ça se jase depuis longtemps. Un prof de l’Université du Québec à Chicoutimi, Marc-Urbain Proulx, a déjà dit que le Saguenay– Lac-Saint-Jean devrait se positionner comme la capitale du Nord. C’est ridicule! Chibougamau est plus au nord! Sauf qu’on se le dit entre nous autres, que c’est ridicule. On ne le dit pas haut et fort… »
Jocelyn Cotes, un grand bonhomme qui possède des maisons, une stationservice, des dépanneurs et d’imposants biceps, opine du bonnet : « Ici, on est comme divisés, pris entre le Lac-SaintJean et l’Abitibi. On manque de force. On manque de leadership. On a de la misère à dire: Ça, c’est notre place… »
Récemment, Québec a t ranché : c’est par Chibougamau que passera la route des monts Otish, où des projets miniers (uranium et diamants) sont en développement. Pas par le LacSaint-Jean. Petite victoire pour une région qui s’estime ignorée par le reste du monde…
Qu’importe : ils sont nombreux, à Chibougamau, à croire que la route, et le développement, et les proverbiales retombées qui viennent avec, leur sera tôt ou tard « volée » par le Lac-SaintJean et ses politiciens ratoureux…
Autre sujet de contention, dans le chef-lieu de la Jamésie: HydroQuébec. Et sa politique, imbriquée dans les conventions collectives, de commutation des travailleurs.
Commuquoi ? Commutation : les employés de la société d’État qui travaillent dans les barrages de la Baie-James habitent le Saguenay ou l’Abitibi. On appelle leur horaire un « 8/ 7 » . C’est-à-dire : sept jours de travail, sept jours de congé. Et deux demi-journées de voyagement : les avions d’Hydro trimballent les employés.
Or, Chibougamau a un aéroport. Mais si un Chibougamois veut travailler dans un de ces barrages, il devra aller habiter à Rouyn-Noranda. Ou choisir de gagner Chibougamau, après le vol, par la route (sept heures!).
« La commutationdes employésplutôt qu’un mode résident pose un problème pour une région comme la nôtre », a plaidé la Ville de Chibougamau, en 2006, lors des audiences publiques sur les effets environnementaux et sociaux du projet de barrage sur la rivière Eastmain.
Chibougamau souhaite qu’HydroQuébec favorise l’établissement de travailleurs dans les villes de Jamésie. Traduction: oui à la commutation, mais à partir de ports d’attache de villes de la région. Comme Chibougamau. La demande a été ignorée. « Notre poids politique, dit Mario Fortin, est proche de zéro. »
Ah, oui. Mario voulait absolument que je rencontre Jocelyn Cotes. Parce que Jocelyn Cotes est, à Chibougamau, l’homme qui s’est battu pour convaincre un clown mondialement connu de venir s’établir à Chibougamau: Ronald McDonald.
« Je me suis battu quatre ans pour convaincre les gens de McDonald’s d’ouvrir une franchise ici. Ça n’a pas été évident. Pour bien du monde, y a rien, à Chibougamau! »
Jocelyn Cotes a offert au géant du Big Mac d’héberger une succursale dans un édifice où il comptait ouvrir une station-service flanquée d’un dépanneur.
« Quand j’ai mis la pancarte annonçant que McDo s’en venait, il y a du monde qui ne me croyaient pas. »
Pourtant, c’était vrai. En décembre dernier, le petit McDo est sorti de la terre et de la neige, près de l’entrée de la ville, là où la route 167 dépose les voyageurs épuisés…
« Ça monte le standard de notre ville, s’emballe Jocelyn Cotes. La plus grosse chaîne de franchises au monde a décidé de venir s’établir dans ce qu’on appelle un trou! »
Jocelyn Cotes n’en revient pas encore. Je pense qu’il se pince, des fois, le soir, en voyant les arches d’or dans sa ville. Les Chibougamois non plus: le McDo est toujours plein, un véritable succès auprès des Blancs et des Cris…
Allons, allons… Ne riez pas. Je vous entends rire d’ici: ce type s’excite parce que McDo a décidé de venir s’établir dans son village. D’abord, c’est pas un village, Chibougamau, c’est une ville. Ensuite, McDo est un symbole.
C’est comme si Ronald McDonald avait , en décembre, déc rété que Chibougamau existe...
– Dans le fond, t’es fier, Jocelyn. C’est le mot ? – Oui, oui… – Parce que vous avez un McDo, comme les autres…
– Parce que ça reconnaît, dit Jocelyn Cotes, notre juste valeur.

Là où la route commence  -  PATRICK LAGACÉ
Au cours des dernières semaines, notre chroniqueur est allé où vont peu de Québécois : en Jamésie et sur la Côte-Nord. Il nous présente ici une de ses chroniques estivales sur le Québec du bout du monde.
De tout mon voyage sur la Côte-Nord, il n’a pas fait beau. Une éclaircie à Sept-Îles, un après-midi de soleil faiblard à Mingan. Sinon, moche. Mais LCN me réjouissait , à mesure que j’avançais vers l’est : à Natashquan, il fait beau, roucoulaient les Miss Météo.

Ce n’est pas mêlant, l’hymne de mon voyage, c’était j’ai couché dans mon char, de Desjardins. J’ai roulé 400 milles sous un ciel fâché... Vous dire à quel point j’avais hâte d’arriver à Natashquan!
Puis, quand je suis arrivé à Natashquan, j ’ai comme eu envie d’envoyer une ou deux Miss Météo au goulag : il faisait un temps affreux, évidemment. Gris, mouillé, humide.
Bienvenue au pays de Gilles Vigneault. Natashquan, bien sûr, étant le village natal de Gilles Vigneault, notre chantre national...
J’allais à Natashquan surtout pour rencontrer François Bellefleur, le chef de la bande innue de Nutashkuan, la réserve en « banlieue » de Natashquan. Je l’ai cherché : courriels, appels, je me suis même présenté en personne au village mais bon, il était introuvable...
Dommage, je voulais faire le portrait de ce jeune chef qu’on dit « proactif », moderne. Je voulais savoir pourquoi il appuie La Romaine, entre autres... Pas de Bellefleur. Restait donc Natashquan-levillage-de-Gilles-Vigneault comme sujet du dernier papier de cette série. Un paquet de lecteurs m’ont encouragé, au début de ce périple, à aller faire un tour à Natashquan. Tous ont parlé d’un village sympathique, épargné par le temps, qui s’écoulerait plus lentement qu’ailleurs, où les habitants sont pittoresques...
Je suis allé écornifler au centre touristique, assis à une table, en lisant quelque recueil de Vigneault . J’espionnais d’une oreille distraite ce que disaient les touristes, en débarquant.
Tous – TOUS – parlaient de Vigneault. Un type: « Où est la maison de M. Vigneault? » Une dame, après 30 secondes, involontairement comique, sur le ton de la confidence, a demandé au jeune guide: « Et M. Vigneault, il va arriver quand? »
Vous dire la vulgarité de cette demande !
On affiche, dans les communautés de bord de mer, la table des marées. Il faudra peut-être, à Natashquan, afficher la table des apparitions de Gilles Vigneault, pour satisfaire les touristes qui débarquent, je le crains. J’imagine l’affiche :
« 26 j ui l l e t , 14 h 03 : M. Vigneault ira acheter du pain à l’épicerie.
27 juillet, 18 h 37 : M. Vigneault ira faire une promenade sur la plage, s’il y a un coucher de soleil. En cas de pluie, sortie remise au lendemain.
1er août, entre 9 h et 11 h 30 : M. Vigneault jasera avec de vieux amis, sur le parvis de l’église.
PRI ÈR E DE NE PAS NOURRIR LE POÈTE. »
Puis, plus tard, une autre dame faisait une conversation enjouée à un villageois, un petit vieux monsieur à la casquette de cuir. Elle pa rlait t rop for t et t rop lentement, comme si le villageois était débile. Si j’ai bien compris, le type à la casquette était un cousin de M. Vigneault.
Vous dire la joie à peine contenue de la tour iste ! Cou s i n de Vig ne a u l t , imaginez !
Elle a pris congé de lui en appuyant sur chaque syllabe, 10 décibels trop fort : « ÇA M’A FAIT PLAISIR DE VOUS RENCONTRER, MONSIEUR! MERCI ! »
Plus tard, ça m’a frappé. Tout ce mythe autour de Natashquan, « village hors du temps » ? De la fabulation de touristes, qui vont à Natashquan en espérant vivre dans un poème de Gilles Vigneault, comme les enfants espèrent voir Mickey Mouse en allant à Disney. Ce qui est le principal vice du tourisme : voyager pour trouver exactement ce qu’on veut trouver...
J e me s u i s d i t q ue M. Vigneault doit parfois avoir envie de lancer des roches aux touristes qui viennent en safari dans son village, qu’il n’a pas déserté...
Au bistro L’Échourie, Lucie Martineau, qui y sert les excellents plats de la maison, et Jennie, étudiante en sciences infirmières de 21 ans, ont accueilli mes observations cyniques avec bonne humeur.
Il y a vraiment quelque chose de spécial, ici, oublie les touristes, m’a dit Jennie.
Il y a les gens, m’a dit Lucie. Et le ciel immense et la mer et le bois...
Nata shqua n n’es t pa s un endroit spécial parce que Vigneault en a fait des poèmes et des chansons, a poursuivi Lucie. C’est le contraire : c’est si spécial que Vigneault n’a pu faire autrement que l’immortaliser dans ses mots...
Après l e souper, j ’ ai roulé avec Guillaume, le guide touristique – belge, pas f rançais –, j usqu’au bout de la 138, en écoutant Leonard Cohen à fond la caisse. Disons d’abord que le bout de la 138 n’est pas Natashquan, mais quelque part en territoire innu, passé la réserve. Ensuite, de l’autre bord de la Grande rivière Natashquan, on pouvait voir la forêt débroussaillée : la 138 qu’on va allonger, jusqu’à Grand Sablon...
La rivière grondait, direction le Golfe. L’air était pur et froid sur mon rocher surplombant le cours d’eau. En fumant sa cigarette, Guillaume m’a dit qu’il vient souvent dans le coin, qu’il bûche son bois, ici, l’hiver. Qu’il accompagne à l’occasion des amis québécois venus zieuter là où la 138 finit (ou plutôt, comme l’a observé Vigneault, là où elle commence)...
Le cynisme qui m’avait assailli s’est peu à peu dissipé. J’étais bizar rement bien, sur ce rocher, à regarder la rivière. Loin des touristes, près de mon idée d’une certaine patrie, je décolérais...
« Je suis loin en maudit, Guillaume, mais c’est con, je me sens totalement chez moi...
– Tu n’es pas le premier, a répondu mon Belge, à dire ça en débarquant ici, sur ce même rocher... »




Soirée d’adieux à Matagami  -  Patrick Lagacé
Notre chroniqueur est allé où peu de Québécois vont : en Jamésie et sur la Côte-Nord, au cours des dernières semaines. Pour sa troisième chronique estivale sur le Québec du bout du monde, il a roulé jusqu’à Matagami.
MATAGAMI — Je me suis pointé à l’hôtel Matagami et il y avait, devant, des tas de jeunes gens trop bien habillés. Ah, merde, une noce! Est-ce que le journaliste exténué veut dormir dans un établissement qui abrite une noce? Non. Surtout quand il a oublié ses bouchons à Chibougamau.
Je suis donc allé fouiner en ville, à la recherche d’un autre établissement. Il faisait beau, c’était chaud et humide.
Matagami, donc. Jadis ville-de-boom, celui de la construction des barrages du Nord. On l’appelle encore la porte de la Baie-James. C’est la dernière ville avant Radisson, construite au pied de LG2, à 600 kilomètres d’ici.
Larges avenues, un aréna, un centre communautaire, un (tout) petit centre commercial, un Boni-Choix, une école, un terrain de golf, une épicerie. Et, bien sûr, des bungalows, piteusement semblables à ceux qu’on voit à Fabreville ou à Baie-Comeau...
Partout, dans ce voyage au Québec, j’ai croisé l’unifamilialemoche, rectangle triomphant de mocheté, uniforme, laid, déprimant. Matagami, en cela, a beau être loin de la civilisation, elle n’en est pas si loin.
D’autres hôtels? Si. Nulle part où j’avais envie, au pif, de risquer une nuit. Quand ça ressemble à une épave de l’extérieur, je frissonne en pensant à la douillette…
Je suis retourné à l’hôtel Matagami. Et finalement, c’était pas une noce, toutes ces jeunes personnes en robes rouges à froufrous ou à complets trop grands. C’était le bal des finissants!
Tomber sur un bal des finissants, par hasard, à Matagami: le Dieu des chroniqueurs m’a touché de sa grâce…
Surtout qu’il n’y a pas si longtemps, j’étais moi-même en train de perdre cette bataille avec mon noeud de cravate (bleue, brodée de fleurs), juste avant mon bal des finissants, dans un hôtel (de Montréal).
C’était… Attendez que je compte… en 1989. Vingt ans. Non? Déjà?
J’ai donc épié le bal des finissants de l’école Le Delta, de Matagami, un soir humide de juin. Une affaire familiale. Les mères, les pères, les oncles, les tantes, les amis…*
Pas le choix: Huit finissants!
Une belle soirée. Les kids ont distribué des prix à leurs profs. Le tuteur des finissants, un jeune qui s’appelle JeanFrançois, a fait aumicro l’éloge de sa petite tribu, s’attardant aux qualités de chacun, lançant un ultime encouragement… À Tanya: « Fonce, t’es capable! » À Kimberley-Ann: « T’as du talent, mais faudra pas t’asseoir dessus… »
À Gabriel: « Tu vas devenir un bon policier, capable d’expliquer de long en large aux dames pourquoi tu leur donnes un ticket… »
i ls étaient huit.
Dans la salle de réception, parents et amis écoutaient, ravis, l’oeil vif. Drôle de bal des finissants, quand même, où je crois bien avoir compté une ou deux grands-mamans...
Plus tard, j’ai accroché Kate et PierOlivier, qui célébraient ce soir-là la fin de leur secondaire. Maudit qu’on est beau, à 17 ans! Je prenais des notes, en les écoutant me raconter leur vie avec cet aplomb caractéristique des ados qui ne savent rien de la vie, et c’est ce que je pensais: on n’est jamais plus beau qu’à 17 ans…
Kate, petite blonde à robe rouge vif. Pier-Olivier, grand garçon à la tignasse ébouriffée, au veston noir aux manches retroussées, façon Don Johnson dans Miami Vice. S’en vont au cégep, à RouynNoranda. Lui, en sciences de la nature. Elle, en technique de travail social.
Non, m’ont-ils juré, grandir ici, un peu loin de tout, au milieu des épinettes, n’a rien d’ennuyant. Bien sûr, c’est petit. Bien sûr, il faut faire deux heures de route pour aller magasiner, à Amos. Bien sûr, pour pratiquer certains sports, c’est pas évident.
Mais Kate et Pier-Olivier m’ont juré ce que leurs parents m’ont juré : vivre dans une petite ville, où tout le monde se connaît, c’est chouette, rien à redire…
Ou i , mais allez-vous revenir à Matagami un jour, les enfants?
Pier-Olivier: « Revenir ici? Je sais pas, ça va dépendre de mon métier… »
Kate, en se mordant la lèvre: « Non. Je veux devenir agente d’immigration, il n’y en a pas trop, trop, à Matagami… »
Et un bal des finissants avec grandmaman, ai-je dit à Kate avec un sourire en coin, c’est pas l’idéal pour faire le party…
« Leurs bébés s’en vont », a répondu Kate, sans gravité, pour expliquer l’aspect familial du bal.
J’ai compris, en notant la réponse de Kate, presque étouffée par une toune poche du DJ: à Matagami, le bal des finissants, c’est surtout un grand départ.
Les huit finissants de l’école s’en iront, en août. La plupart à quelques heures au sud, en Abitibi. Mais ils s’en vont. Reviendront-ils?
Le bal, ici, c’est le temps des adieux. Des adieux très civiques. Très personnels, aussi. Tiens, vers la fin de la soirée, le grand prof, Jean-François, a pris le micro. Au début, je n’ai pas saisi ce qu’il racontait. Puis, j’ai fini par réaliser qu’il lisait une lettre...
La lettre d’une mère à son fils. Je pensais qu’il s’agissait d’un truc glané sur le web, miettes de sagesse génériques qu’on s’envoie par courriel. Mais non, c’était la mère d’un des jeunes, qui avait écrit un texte pour l’occasion.
Des paroles intensément intimes, qui ont dû lui remuer les entrailles quand elle les a pondues. Elle sait bien que pour son grand gars, le cégep à Rouyn n’est qu’une escale sur un chemin qui va l’éloigner encore davantage de ses bras…
À mesure que le prof avançait dans le texte, le murmure de la foule s’est tu, pour écouter ces mots d’amour en crescendo. À la fin, silence ému.
La foule a suivi des yeux Gabriel, celui qui veut devenir flic. Gabriel a trouvé sa mère et l’a longuement, très, très longuement serrée dans ses bras, debout, devant tout le monde, avec ce manque de pudeur qui indique qu’on devient un homme.


Radisson, si sinistre…  -   Patrick Lagacé
Notre chroniqueur est allé visiter des coins éloignés du Québec, ces dernières semaines. Il termine ici la première partie de sa série de chroniques du bout du monde à Radisson, au pied de LG2. Prochaine étape: la Côte-Nord.
RADISSON — Radisson est une excroissance des grands travaux de la BaieJames. Les travaux ont fini par finir, mais Radisson est resté collé sur la carte géographique. On dit que c’est le village blanc le plus au nord du territoire québécois. Et je vous dis que c’est le plus sinistre. Si, sinistre. Le hic, et on s’en rend compte assez vite, c’est que personne ne veut être ici. Enfin, personne ne souhaite vraiment être ici. Tout le monde fait son temps, comme en prison. En attendant de sacrer son camp ailleurs…
On vient travailler à Radisson. Sinon, il n’y a rien. Un resto. Un bar. Une épicerie. Des mouches noires. Bien sûr, bien sûr, on va vous dire: mais il y a la chasse! Il y a la pêche!
Mais si tu n’aimes ni la chasse ni la pêche, tu fais quoi?
Tu travailles. Deux jobs plutôt qu’un, bien souvent…
On vient travailler, faire du cash, à Radisson. Quand on travaille pour l’État ou une de ses mamelles, le Nord, c’est payant. Primes, bonus, quelques billets d’avion annuels vers Montréal payés par l’employeur.
Tenez, prenez Germaine. Ce n’est pas son vrai nom. Mais si je vous donne son vrai nom, elle va se mettre dans la merde, professionnellement. Dans un village de quelque 300 personnes, sans oublier 300 employés d’Hydro-Québec (qui ne sont jamais plus de 150 à la fois: les effectifs se partagent deux shifts), on pèse ses mots.
Radisson, ce n’était pas le premier choix de Germaine. Mais c’est payant. D’autant plus que son chum travaille pour une bibitte étatique, lui aussi. Après cinq, six ans, ont-ils calculé, ils auront « un bon coussin », une mise de fonds pour acheter une maison… loin de Radisson. – Un bon coussin? Combien? – Bah, un bon coussin, là… – Arrête de niaiser, Germaine, combien?
– À deux? Autour de 80 000$, 90 000$...
Bravo, Germaine. Mais retenez ceci : pour Germaine, Radisson est un tremplin, une rampe de lancement, une escale.
Autre ombre sinistre sur Radisson: Hydro-Québec.
Au milieu du village, la société d’État a ses quartiers : le complexe PierreRadisson. Bunker d’une laideur soviétique, le complexe abrite les travailleurs affectés aux barrages du Nord. Qui y vivent en parfaite autarcie.
Ils y dorment (leurs dortoirs), ils y bouffent (leur cafétéria), ils y suent (leur gym), ils y boivent (leur bar) et ils s’y divertissent (leur club social).
Vous ne les verrez pas errer en ville. Pas souvent, en tout cas. Et ça irrite les gens de Radisson, qui entretiennent avec Hydro la proverbiale relation mêlée d’amour (beaucoup aimeraient y travailler) et de haine (beaucoup envient et méprisent les travailleurs qui ne se mêlent pas à la population).
« Et après leur shift, me dit Germaine, les gars d’Hydro prennent l’avion et ils s’en vont chez eux. Ils dépensent ailleurs l’argent qu’ils font ici. »
IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII S’il avait le choix, Patrice Maltais serait animateur à CHOI, pas à CIAU. Mais bon, il a 30 ans, il s’est mis à la radio sur le tard, et c’est ici qu’il fait ses classes. Oui, il aime ça: il a un micro.
Sauf que Patrice ne travaille pas pour une mamelle de l’État. Pas payant. Pas de billets d’avion vers le Sud dans son contrat. Il s’est trouvé un deuxième job, surveillant de parc, pour la municipalité.
« Il y a de l’argent à faire si t’es logé et nourri. C’est pas mon cas. Tu viens ici pour décoller dans la vie », philosophet-il, assis devant moi au seul restaurant de Radisson.
Patrice ne pêche pas, ne chasse pas. Reste le travail. Et le travail…
Il est fasciné par les relations entre les gars et les filles, ici. Disons que les filles ont l’embarras du choix. « La gent féminine est rare. Il y a 200 requins pour 40 proies. La fille a le choix, disons. Comme je dis souvent à ma mère: ici, même la plus laide a le choix… »
– Bah, il y a toujours l’internet, pour les filles, non?
– Oui. Mais quand tu rencontres une fille sur l’internet, que tu lui dis que tu habites Radisson, elles disent toutes la même chose. – Quoi donc? – « On va rester amis ! » Il m’a parlé d’une fille qu’il connaît. Même si elle avait un chum, dans le coin, elle se faisait ouvertement courtiser par d’autres Radissonniens en rut. « Évidemment, les autres filles la bitchaient, elle, la nouvelle… »
Patrice me raconte tout ça en riant. Et c’est drôle, en effet. On dirait une atmosphère de polyvalente. Sauf que, quand on cesse de rire, qu’on y pense un peu: les relations gars-filles – fuckées, toxiques, puériles – ajoutent une autre couche de vernis sinistre à l’endroit.
IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII Puis, en marge des gens qui viennent ici pour faire du cash (employés d’Hydro, Germaine) ou pour « commencer dans la vie » ( Patrice), il y a ceux qui fuient. Ceux qui débarquent à Radisson pour tirer les volets sur leur vieille vie…
C’est Germaine qui m’a expliqué la vie des fuyards pendant qu’on se faisait manger par les mouches noires dans la rue Pierre-Radisson:
– Prends des parents suivis par la DPJ. Un jour, ils en ont plein le dos. Tu viens ici et disons que c’est plus dur d’être suivi par la DPJ. On a déjà eu quelques mois sans travailleuse sociale, ici. Ou si tu dois de l’argent à quelqu’un: ça va être long avant qu’un huissier vienne cogner à ta porte…
– Pourquoi ? a i - j e i ngénument demandé.
– T’es à 2000$ de billet d’avion de Montréal! Ou 15 heures de route…
Voilà. Radisson, c’est ça. Une plaque tournante, un endroit où personne, ou presque, ne veut prendre racine. Ah, oui, un dernier truc. Il n’y a pas de cimetière, à Radisson. Quand je vous dis que c’est sinistre: on ne peut même pas y mourir.

CEPENDANT — Il y a une raison formidable d’aller à Radisson: pour visiter les barrages. C’est à couper le souffle. Il faut voir ça une fois dans sa vie. On sort de la visite du barrage Robert-Bourassa légèrement ébahi. Les turbines géantes, le roc taillé sur mesure, la puissance des lieux, l’évacuateur de crues géant, les immenses réservoirs au bout de rivières dont on a modifié le cours naturel: ces ouvrages sont un véritable Playboy Mansion pour ingénieurs. Tu regardes ça et tu dis wow, c’est ma tribu qui a construit tout ça. Bizarre qu’elle ait désormais de la misère à bâtir des CHUM.




Quand t’es bien dans ta peau...  -  Patrick Lagacé
Notre chroniqueur est allé où peu de Québécois vont : en Jamésie et sur la Côte-Nord, au cours des dernières semaines. Il nous présente ici une autre de ses chroniques estivales sur le Québec du bout du monde.
« Tout le monde est tout seul. À Montréal, tu sais, je pense qu’on peut même être plus seul que dans le fond des bois. »
MATAGAMI— Stéphane Bérubé habite le Nord depuis 1990. Une vie, ou presque, à brasser des affaires à Radisson puis, désormais, à Matagami. Dans la salle de réception vide de l’hôtel Matagami, il m’a explicitement dit ce que d’autres m’ont chuchoté à mots couverts depuis que je me promène en Jamésie: c’est plus facile de réussir, ici.
Plus facile qu’« en bas », je veux dire.
Stéphane était serveur à Québec. Pas de possibi l ité d’avancement . Même paie, mêmes assiettes pour les deux prochaines décennies. À moins d’ouvrir son resto... « Mais si j’avais ouvert un restaurant à Québec, j ’aurais fait faillite après trois mois, comme tout le monde. »
C’est donc à Radisson, le village blanc le plus au nord du territoire québécois, au pied de LG2, qu’il a acheté son resto. À 2000$ d’avion ou 15 heures de route de Montréal. Et il n’a pas fait faillite après trois mois. Il l’a vendu après 11 ans.
« J’ai travaillé fort. Dans le Nord, c’est facile d’être bon. Il n’y a pas 100 points de référence. C’est facile d’être le meilleur, même si t’es ordinaire. »
C’est ce que j’ai aimé tout de suite de Stéphane: sa candeur.
Il me montre son hôtel, un bel établissement, bien tenu, propre, où on mange bien. Pas un Hilton, mais loin d’être un trou. « À Montréal ou à Tremblant, avec un hôtel semblable, je me serais fait clencher! »
La clé? Il revient sur le travail: « Il y a peu de loisirs, ici. Alors on travaille. Si tu y mets du temps, de la constance, de la persévérance, ça marche. »
« C’est vrai que le Nord est un endroit où fuir. Il y a des emplois, et de bons emplois! T’arrives et, tout de suite, tu peux travailler. J’ai vu plusieurs exemples, ici, de gars traités comme des héros mais
Le Nord a toujours eu la réputation d’être une terre de recommencement, une zone franche où on peut « se refaire » et se faire oublier, où on peut fuir. Il y a des jobs et, bien souvent, les employeurs ne chipotent pas sur le CV ou les diplômes... qui, ailleurs, ne se démarqueraient pas. »
Mais le Nord, c’est un peu désertique, côté social. Il y a un bar, à Matagami, qui porte le nom de Caribou. Un terrain de golf. Tout le monde se connaît. Si vous volez une boîte de Kraft Dinner à l’épicerie, ne vous faites pas prendre : Amos, c’est loin pour aller faire son marché.
Stéphane Bérubé, à 42 ans, a l’air d’en avoir 35. Le Nord, c’est son Klondike, c’est son « Go West, young man », l’endroit où il a échappé, je le devine entre les lignes, à une vie ordinaire.
Aujourd’hui, il possède cet hôtel. Il a des maisons, qu’il loue, à Radisson. Des projets, des buts, des responsabilités, quoi. Il défend donc le Nord comme on défend sa patrie...
Tiens, en parlant de ce journaliste de Radio-Canada qui a exposé des failles de sécurité dans les barrages du Nord, en 2005, un épisode qui a considérablement nui au tourisme dans la région, selon lui. « Christian Latreille ? Il n’est pas le bienvenu, ici. »
J’ai oublié de vous dire : Stéphane Bérubé est gai.
Dur d’être gai au bout du monde, monsieur l’aubergiste?
« J’ai fait mon coming out à Radisson! Je me suis dit que je n’allais pas me cacher toute ma vie. Et ça a été facile. Moins dur que dans le fond d’un rang de village. De toute façon, quand t’es bien dans ta peau, t’es bien partout. »
Justement, parlons un peu d’amour...
Pas évident, dans de si petits villages (Matagami : 1200 personnes; Radisson: 500), de trouver l’âme soeur. Encore moins quand on est gai.
« Si ça me manque d’avoir un chum? Chercher pour chercher, bof... Même les filles ont de la misère. Tout le monde cherche comme dans un catalogue, non? Mais on trouve toujours un détail qui cloche, un défaut... »
Et le voilà, Stéphane, qui repart sur le célibat, qui afflige tant de gars et filles, ici ou en ville... C’est une tirade tranquille, je ne lui pose même pas de questions et, pourtant, Stéphane est intarissable sur le sujet.
« Y en a-tu, des sites de rencontre sur l’internet! Et pourtant, il y a plein de monde célibataire. On cherche la perfection... »
Bah, si tu étais à Montréal, Stéphane, tu pourrais aller dans le Village, statistiquement tu aurais plus de chances d’y trouver un chum.
Mon hôtelier sourit, vaguement ironique.
« Il n’y a pas de célibataires, à Montréal? Tout le monde est tout seul. À Montréal, tu sais, je pense qu’on peut même être plus seul que dans le fond des bois. »
Montréal S’il se sent « loin » ? La réponse classique, cabotine, qu’on m’a souvent servie, c’est : « Loin de quoi? » Oui, Stéphane se sent loin. Mais quand il en a assez, il saute dans l’avion et va au Mexique. Ou à Montréal.
Ah, Montréal ! Comme tant d’autres nordiques croisés dans ce voyage, Stéphane aime son coin de pays. Mais il aime bien, aussi, ne pas habiter Montréal. « J’aime les beaux côtés de Montréal. Les magasins, les restaurants. Mais c’est tout. Je vous regarde courir, stresser, pris sur les ponts: ça me tente pas! »
Récemment, il a dit à sa soeur, qui lui disait souvent de revenir, que non, il ne pensait pas retourner dans le Sud. Chez lui, c’est ici...
Il était temps que je parte. Stéphane m’a déposé à la sortie de la ville, où commence la route de la Baie-James. « Moi, j’ai adoré Radisson. Je ne sais pas si tu vas aimer, m’a dit Stéphane. Ça a beaucoup changé depuis les années où j’y étais... »
J’ai souligné dans mon calepin, au moment où nous arrivions à la guérite d’enregistrement, au kilomètre 6 de la route, le passage où Stéphane m’a donné unemiette de sagesse gratuite: Quand t’es bien dans ta peau, t’es bien partout...

À côté de la guérite, un 18roues de Kepa Transports m’attendait, mon transport pour Radisson. J’ai fait les 600 km de route rectiligne dans un océan d’épinettes avec Reynald Dunn, un type résolument bien dans sa peau. Je vous en reparle lundi.



La fille du 381 -  Patrick Lagacé
Notre chroniqueur est allé où peu de Québécois vont : en Jamésie et sur la Côte-Nord, au cours des dernières semaines. Il nous présente ici la cinquième d’une série de chroniques estivales sur le Québec du bout du monde.
— Au kilomètre 290, soit environ à mi-chemin sur la route de la Baie-James, le camion de Raynald Dunn a croisé un autre 18roues piloté par un de ses collègues. Le CB s’est mis à crépiter. Tradition: quand des truckers se croisent, ils jasent. – Ça va ben? – Oui, a répondu l’autre, ça va ben. J’suis du bon bord!

– Salut, Jacques, bonne rentrée « en bas » !
Raynald Dunn est chauffeur pour Kepa Transports, une entreprise de Vald’Or, propriété de Cris. J’aimerais vous dire depuis combien de temps Raynald conduit des camions, mais j’ai oublié: impossible de prendre des notes dans le siège du passager de la cabine d’un 18roues sur la route de la Baie-James. Ça brasse trop.
Chaque semaine, des dizaines de camions de Kepa font l’aller-retour entre l’Abitibi et la Baie-James pour alimenter en denrées Radisson et des villages cris comme Chisasibi, ainsi que les barrages d’Hydro-Québec.
Raynald Dunn a 59 ans, en paraît 10 de moins. L’expression « droit comme un chêne » le décrit bien. Le genre d’homme qui joue encore au hockey, qui pédale pour aller au boulot. En forme. Deux enfants – dont les photos trônent dans la cabine – un ado et une jeune femme: Raynald s’est mis à la paternité sur le tard. « Ça garde jeune! » dit-il.
Bref, Raynald Dunn fait mentir le mythe du trucker à grosse bedaine qui tient le coup avec des hamburgers et des photos de femmes en tenue légère dans la cabine...
Deux fois par semaine, Raynald se tape l’aller-retour entre Val-d’Or et Radisson. C’est lui et ses collègues de Kepa qui « alimentent » la Baie-James. Si la route est l’aorte de la Baie-James, Kepa est son sang.
Avec son ancienneté, mon chauffeur pourrait choisir une autre route, moins monotone...
« Oui, mais la route de la Baie-James, c’est l’fun. Il n’y a pas de trafic. Et presque pas d’inspecteurs du transport! »
Aujourd’hui, la remorque de Raynald Dunn est « pleine de sec », comme il dit : rien de périssable. Il s’en va décharger tout ça à l’aéroport de Radisson. Dodo dans la cabine ce soir puis, demain, retour vers l’Abitibi. Repos, famille, un peu de sport. Et après, hop, envoye « en haut ».
Bref, Raynald passe sa vie entre « en haut » et « en bas ». Raynald est le petitcousin de Sisyphe.
Raynald Dunn est le genre d’homme à la vie bien remplie: mille et un métiers, des chantiers de construction en Arctique (il a travaillé sur un brise-glace de la Garde côtière) à ce mastodonte roulant qui traverse la taïga québécoise à 98 km/ h, direction Radisson.
Le genre d’homme, aussi, qui joue de la guitare, qui a appris à chanter des chansons de jeunes, style Kaïn et Cowboys fringants, probablement parce que ça garde jeune ça aussi, de chanter des chansons qui ne sont pas de son temps dans les fêtes de famille...
Le genre d’homme heureux, j’en ai bien peur.
Le « 381 » est, comme son nom l’indique, la halte routière située au kilomètre 381 de la route de la Baie-James. Tous les routiers s’arrêtent au 381, administré par la Société de développement de la Baie-James. C’est la seule escale possible entre Matagami et Radisson.
Oubliez tout de suite la halte routière typique dotée de restos, de tables de pique-nique, de salles de bains et de verdure.
Pensez plutôt à un camp de concentration. Baraques préfabriquées qui abritent voyageurs et travailleurs, deux pompes à essence sorties des années 70, pas d’asphalte... Auschwitzien, vraiment. Lugubre et laid.
Ça explique peut-être cette ombre dans le sourire de Sophie Tanguay, 30 ans, qui travaille ici, à la cafétéria du 381. Abitibienne. Études en déco. S’est retrouvée ici, au milieu de nulle part, où elle représente 50% de l’effectif féminin de l’endroit, au milieu de 13 gars.
« Je finis demain, je suis à bout! Tu peux dire que j’aime ça, vivre loin. Avant, j’étais au Nunavut. »
Son horaire: 28 jours ici, au 381; 28 jours à travailler 10, 12 heures par jour. Temps libre : télé, web, baignade. Puis, après ces 28 jours de travail consécutifs, elle retourne deux semaines à Rouyn.
Je lui demande si c’est le fric qui l’attire ici. Il faut que ce soit le fric, j’imagine... Eh bien, oui et non, répond-elle. Non, parce que ce n’est pas payant en soi : même pas 20$ l’heure.
Oui parce que, pendant 28 jours, « on n’a rien à payer: on est nourri, logé, on ne dépense pas ». Un mois, ou presque, à ne pas sortir sa carte de guichet.
« J’aurais bien aimé travailler en décoration, mais j’ai fini dans le Nord parce qu’il n’y a pas assez d’argent, en bas... »
Au Nunavut, c’était mieux, dit Sophie. Plus payant. Elle travaillait en fonction d’un horaire 21/21: 21 jours au boulot ; 21 jours de congé. Six mois par année, donc. Elle est partie parce qu’on lui refusait de l’avancement. Un peu sexiste, le Grand Nord, dit-elle en essuyant des plateaux de la cafétéria...
Au fond de la salle à manger, Denis Lévesque officiait à LCN dans un téléviseur silencieux pendant qu’un Cri montrait son nouveau-né à tout le monde. J’ai noté les prix: club sandwich et poutine: 15,72$; grosse poutine: 7,97$; club sandwich: 12,18$.
Puis je suis allé manger ma moulée avec Raynald. « Pis, Sophie? Elle fait pas la baboune comme d’autres ici, dit-il. Son pot de tips est toujours plein. »
« L’hiver, a lancé Raynald en balayant l’horizon du bras, on peut voir des aurores boréales, la nuit. C’est impressionnant, tu les vois bouger dans le ciel... »
Deux heures et demie plus tard, nous arrivions à destination. Raynald est allé « dépinner » à l’aéroport, comme disent les routiers quand ils larguent leur remorque. Je lui ai demandé d’arrêter à la sortie de l’aéroport, pour photographier un panneau routier. Radisson: 30, Centrale LG1: 67, Nemiscau, 434.
Je suis remonté dans le camion, soudainementplus léger, quiamis le capversmon hôtel. La radio-satellite poussait les premières notes de Glory Days, de Springsteen, quand nous sommes entrés dans Radisson, à la tombée du jour. Il était 22h.




La grosse vie sale  -  Patrick Lagacé
Notre chroniqueur est allé où peu de Québécois vont : en Jamésie et sur la Côte-Nord, au cours des dernières semaines. Il nous présente ici la première d’une série de chroniques estivales sur le Québec du bout du monde.
LAC MISTASSINI — Sur le bateau, j’ai eu un flash. Que j’ai gardé pour moi, bien sûr. Mais ça m’est tombé dessus comme une tonne de briques : ici, je suis parfaitement inutile. Pire: ici, je suis un poids, un fardeau. Ici? Au milieu du lac Mistassini, au nord de Chibougamau, à la pêche, un jour de ciel bleu glorieux de juin dernier.

J’ai eu l’idée d’un road trip au Québec pour cette série d’été. J’avais envie d’aller voir où on ne va jamais, ou presque. Évidemment, j’ai mis le cap sur Chibougamau, ville qui représentait, quand j’étais petit, le bout du monde…
Là-bas, je suis tombé sur Frédéric Verreault, qui travaille chez Chantier Chibougamau, la scierie qui emploie des centaines de personnes. Aussi bien dire le poumon de la ville. — Tu viens dans le Nord? Faut que tu ailles à la pêche! Je t’arrange ça… — La pêche? Pourquoi ? Ils en vendent, au IGA… Frédéric a donc enrôlé un autre Frédéric (Boudreault) et Pascal Morissette, également employés de la scierie, pour montrer au journaliste de Montréal une tranche de vie du Nord. Sur le lac Mistassini, lac mythique, dit-on, pour les pêcheurs...
C’est, en tout cas, le plus grand lac naturel du Québec: 2300 km carrés. Presque 10 fois plus gros que la superficie de Montréal…
C’est pour ça que Pascal Morissette a un gros pick-up. Un très gros pick-up: pour tirer son gros bateau, qui lui permet de faire de gros voyages de pêche.
Pascal est notre guide, en cette journée radieuse. Un gars de bois. En cinquième année, il suivait déjà son père à la chasse. Chaque automne, il désertait l’école. Il se souvient encore de la première fois qu’il a tué. Il raconte, debout à l’arrière de son bateau:
« J’étais tout seul dans ma cache, avec ma .303 et mon petit poêle, pour manger. Pis là, j’ai entendu un orignal. Je l’ai vu, il approchait. Je shakais tellement! Je l’ai enligné… »
Pascal mime le geste, lève la carabine imaginaire, ferme un oeil. « Boum. » La bête est morte. C’était pas un orignal, c’était un caribou.
Et lui, Pascal, avait 11 ans.
Frédéric Verreault, Fred I, a commencé en lion: moins de 10 minutes après avoir lancé sa ligne, il a sorti un IMMENSE poisson, dans une petite baie, le salopard.
Puis, Fred II a pris quelques dorés, perché à l’avant du bateau, silencieux mais sans pitié pour les poissons.
Pascal, lui, veillait à ce que je n’éborgne personne en lançant ma ligne à l’eau, il ne prenait rien: il m’enseignait…
Rien à faire. Je ne prenais rien. Ou presque…
Dans toute ma journée de pêche, je n’ai pris qu’un seul poisson. J’oublie son vrai nom, mais les gars de bois se sont moqués en le voyant : « Un téteux, t’as pris un téteux! »
Il paraît que ça ne se mange pas, un téteux. On l’a remis à l’eau.
Pascal a mis un autre CD de country dans le lecteur. Du country! Musique du terroir. Quand il était petit, c’est ce que le père de Pascal faisait jouer, à la pêche. Il a acheté une machine qui transfère sur CD des chansons de cassettes.
D’où ces chansons de Serge Lebrun, f leuron du country québécois, qui accompagnait notre virée sur le lac. « Je ferais pas jouer ça dans mon salon, a dit Pascal, mais à la pêche, c’est vraiment un incontournable… »
Un extrait, tiens, je vous sens curieux: « Hey, chummy, lâche la routine, prends ta canne à pêche, ta carabine… On s’en va pêcher l’alose, et pis chasser l’ours à Mont-Laurier… »
Un huard est passé en flèche à bâbord. Gros oiseau filant comme un missile. N’eût été du coin-coin bizarre qu’il a fait, on ne l’aurait pas vu.
Pascal : « C’est pas la grosse vie sale, ça? »
Parlant de tracas, un orage nous est tombé sur la tête. Nous avons mis le cap sur le rivage, vers le camp de pêche d’un Indien. L’Indien n’était pas là. Un écriteau nous a accueillis, en anglais : Vous pouvez dormir ici, mais ramassez-vous.
Pascal m’a donné un couteau:
— Tu vas préparer les filets?
— Moi?
— C’est pas dur, tu vas voir… J’écoutais Pascal en pensant à ce livre de Jean-Paul Dubois, Hommes entre eux. Dubois met en scène un homme des bois qui vit en harmonie totale avec la nature, Floyd Paterson. Le genre d’homme qui pourrait survivre à la fin du monde.
Ce Pascal Morissette est du même crin. Il n’a pas besoin de la civilisation pour survivre.
Moi? Moi, je meurs quand les tablettes du IGA sont vides, évidemment.
Le doré gigotait encore quand, en décrivant un U, j’ai enfoncé le couteau sous la branchie, travaillant jusqu’à la queue. Je venais de le tuer. Et j’allais le manger.
J’ai exhibé mon premier filet, tout fier. Pas loin de nous, Fred II avait préparé un feu, il faisait cuire de la viande: ours, caribou, orignal, chevreuil. Pascal a pris le filet de doré de ma main, l’a posé sur la planche de bois.
« Touche », m’a-t-il dit, sourire en coin.
J’ai touché. Il y avait, je ne sais trop comment dire, comme un pouls dans la chair du doré, encore un semblant de vie dans ce qui allait nous nourrir.
Àtable, nousavonspréparé le repas. Drôle à dire, mais c’était une expérience intensément québécoise. Nous étions là, perdus dans le bois, en banlieue de Chibougamau, dans la cabane d’un Cri inconnu, à manger de la viande d’animaux sauvages tués par Pascal, homme des bois…
C’était, évidemment, épouvantablement bon. L’ours, surtout. Et le doré? Je ne me souviens pas d’en avoir mangé du meilleur. Rien, mais rien à voir avec celui qu’on pêche à l’épicerie…



Le 1er juillet : Une vie en suspens entre deux logements -  Judith Lachapelle
La collection de CD tient au creux de la main. Le téléphone se traîne dans la poche. La télé est aplatie. Bientôt, les voitures ne rejetteront qu’un nuage de vapeur d’eau et Guy Laliberté ne sera plus seul à prendre ses vacances dans l’espace. Mais d’ici
« Le 1er juillet, c’est comme si un rideau était arraché le temps d’une journée pour pouvoir épier la vie des autres. »
Un téléviseur dans les bras, une liste « à faire » entre les dents, une rengaine du Clan Panneton dans la tête, un double escalier en colimaçon à grimper... Et c’est reparti pour un autre 1er juillet de déménagement. Demain soir, des dizaines de milliers de ménages montréalais dormiront dans leur nouveau logement. Si, bien sûr, le fameux camion peut finir par arriver.
Jour de déménagement à Montréal, vers 1930.
« Le 1er juillet, c’est comme si un rideau était arraché le temps d’une journée pour pouvoir épier la vie des autres », songe Christopher Dewolve, journaliste et blogueur pour le cybermagazine Spacing Montréal. « Les Montréalais sont toujours un peu voyeurs! »
Durant les sept années qu’il a passées à Montréal, Christopher Dewolve s’estime « chanceux » de ne jamais avoir eu à déménager un 1er juillet. Par contre, il profite à fond du phénomène. « Le party, c’est pas la fête du Canada, c’est de regarder les gens déménager! »
Un phénomène qui amuse tout le monde, y compris les étrangers (les journaux américains en ont déjà parlé, la BBC britannique en a fait un documentaire). Tout le monde, sauf évidemment ceux qui déménagent... ou qui ont été recrutés pour descendre le frigo du deuxième palier.
Les origines de la grande migration annuelle des locataires québécois ne sont pas certaines, mais plusieurs hypothèses sont évoquées. Notamment celle qui remonte à la Nouvelle-France : au printemps, les censitaires rendaient hommage à leur seigneur. Peut-être en profitaient-ils aussi pour régler leurs comptes et déménager leurs pénates ailleurs, avant les semis ?
Le Réseau de diffusion d’archives du Québec (RDAQ) apporte quelques indications. Des observations sur la propension des Canadiens français à déménager le 1er mai remontent à 1750. Dans le premier Code civil du Canada, en 1866, « la date du 1er mai était déjà inscrite comme terme des baux », écrit le RDAQ.
Selon François Cartier, conservateur et archiviste au Musée McCord, les Écossais pourraient être derrière l’interdiction d’évincer un locataire durant l’hiver. « Et dans leur tradition, les gens pouvaient contester les baux qui arrivaient à échéance en mai. »
« Mais j’ai déjà lu que l’Église s’était opposée à ce que les propriétaires évincent les locataires n’importe quand », ajoute-t-il.
Le carcan du 1er mai a perduré jusqu’en 1974. Cette année-là, le gouvernement libéral de Robert Bourassa a aboli la durée fixe des baux et laissé locataires et
propriétaires s’entendre sur la date d’échéance du bail. De plus, pour corriger l’inconvénient de déménager avant la fin de l’année scolaire, la loi avait prévu de prolonger les baux expirant le 1er mai 1974 jusqu’au 30 juin 1975.
Mais même s’ils sont libres d’établir ensemble le terme du bail, propriétaires et locataires ont pourtant continué à conclure des baux d’un an, du 1er juillet au 30 juin.
Rester zen
Au fait, rien ne sert d’écrire une mise en demeure en attendant le camion de déménagement: un retard de quelques heures le 1er juillet n’émouvra sans doute pas le juge. Dans un jugement de la Division des petites créances en 2004, le juge Denis Charette écrivait : « C’est une situation fréquente, le 1er juillet, que les camions de déménagement arrivent en retard, parce qu’un client avait plus de meubles que prévu. [...] Dans les circonstances, un retard de trois heures et demie ou de cinq heures ne constitue pas une faute. »
Le pla i gnant dans cet t e affaire – un Montréalais qui réclamait 6325 $ à l’entreprise pour un déménagement qui n’a jamais eu lieu – attendait le camion à 13 h. Il a alors commencé à sortir tous ses biens de son ancien appartement pour les empiler sur le trottoir. Et puis, ce qui pouvait arriver de pire le 1er juillet se produisit : la pluie. Une averse courte, mais intense qui a tout détrempé, des chaussettes aux cassettes.
Mais, selon le juge, le plaignant « a couru à sa perte » . « I l n’est pas vraisemblable qu’il n’ait pas vu venir la pluie. Lorsqu’il a été conscient qu’elle s’en venait, il aurait dû protéger adéquatement ses meubles. D’ailleurs, de toute façon, si on prend un déménageur, c’est pour déménager. Il aurait dû, comme les autres locataires le font, se réserver une pièce du logement pour mettre ses meubles en attendant l’arrivée du déménageur, et laisser le nouveau locataire occuper le reste de l’espace. »
Les déménageurs sont arrivés entre 16h30 (selon la version du camionneur) et 18h (selon le client). Ce client, vert de rage, les a engueulés. Le ton a monté. Et les déménageurs sont partis, sans faire le déménagement.
Là-dessus, le juge a donné tort à l’enreprise, qui s’est justifiée en disant que les trois hommes ont « craint pour leur sécur ité » . Vraiment ? « Les déménageurs, qui sont capables de porter des meubles très lourds, ne devraient pas être intimidés par un client de la taille du " plaignant", ou même d’un ou deux voisins, puisque de toute façon le "client" avait intérêt à être déménagé, et non à se battre. » Pour cette raison, le juge a condamné l’entreprise à payer 175$ au plaignant, soit le montant du dépôt qu’il avait versé.
De la ruelle au salon
« Je pense que t ous l es Montréalais, sauf les plus capricieux, ont au moins quelques objets ou meubles qu’ils ont trouvés un jour dans la rue », croit Christopher Dewolve.
Sur un mur de l’appartement que cet étudiant à la maîtrise occupe aujourd’hui, à HongKong, deux bandes dessinées de Tarzan encadrées sont accrochées. « Je les avais trouvées dans une ruelle du Mile End après le 1er juillet, raconte-til. J’avais une amie qui s’était meublée entièrement avec des choses trouvées après le 1er juillet ! »

C’est peut-être aussi ça qui fait le charme de Montréal... « Dieu que je m’ennuie de Montréal ! », s’est exclamé un Ontarien à la suite de la publication d’un article de M. Dewolve sur le chaos du 1er juillet. « Il y a comme une désinvolture envers la vie de la rue qu’il n’y aura jamais à Toronto... »

Panneton, tout est dans le nom
« Il y a eu une chicane de famille il y a 20 ans, à la mort de mon épouse. Vous savez, la mère, ça tient tout. »
I l y a, bien sûr, l e Clan Panneton. Mais il y a aussi P a n ne t on & P a n ne t o n . E t l’Agence de déménagement Pierre Panneton& Associés. Et les Frères FP Panneton. Il y a même... le Plan pas con!
Le 1er juillet, à Montréal, « le party, c’est pas la fête du Canada, c’est de regarder les gens déménager! ». Un phénomène qui amuse tout le monde, y compris les étrangers. Tout le monde, sauf évidemment ceux qui déménagent...
Les Molson brassent de la bière, les Coutu vendent des pilules, et les Panneton déménagent. Et tout commence avec Roger Panneton, le patriarche de 77 ans de Panneton& Panneton, dans le business des boîtes empilées depuis 45 ans.
Dans le bon vieux temps, « les gens faisaient leurs boîtes euxmêmes », raconte M. Panneton père. Sur 100 déménagements, seulement deux clients demandaient aux déménageurs de faire et défaire leurs boîtes. « Aujourd’hui, c’est environ 30%. Les gens sont plus à l’aise. » Ils avaient aussi moins de possessions, estime le déménageur. « Y en avait qui n’avaient pas la télé, alors qu’aujourd’hui, les gens en ont trois ou quatre. » Un camion de 24 pieds suffisait à déménager un cinq et demi; aujourd’hui, les camions de 30 pieds sont bien remplis. Ce 1er juillet, Roger Panneton lancera 15 camions sur les routes. Le Clan Panneton, la plus grosse entreprise de déménagement au Québec, en aura une cinquantaine à Montréal seulement.
Les escaliers sont toujours aussi hauts, mais il y a plus d’ascenseurs. « Et les frigos étaient pas mal plus pesants. Aujourd’hui, le monde se plaint que c’est lourd, mais ça pèse rien! »
Roger Panneton ne déménage plus, mais il répond toujours lui-même au bout du fil de Panneton& Panneton. Il a eu 10 enfants – deux d’entre eux ont fondé les Frères Panneton, quatre sont au Clan Panneton, et Pierre Panneton a lancé sa propre agence. « Il y a eu une chicane de famille il y a 20 ans, à la mort de mon épouse. Vous savez, la mère, ça tient tout », dit l’homme. Mais à ce moment, Roger Panneton ne faisait déjà plus partie du Clan Panneton, piloté par ses enfants. Et parmi les enfants du Clan, une dispute sur la gestion de l’entreprise a entraîné le départ de certains membres.
Aujourd’hui, il y a quatre déménageurs Panneton, toutes des entreprises distinctes. Et elles ne doivent pas être confondues avec le Plan pas con... Sur son site internet, l’entreprise de déménagement affirme que le nom est « une référence à une expression française qui indique une bonne idée ». « Mais c’est sûr qu’il y a un jeu de mots avec la grosse compagnie de déménagement », dit, narquois, le président, Philippe Gredin.
La petite société, fondée en 1995, ne compte qu’un camion, deux pour les grosses journées. « Il y a des clients qui n’aiment pas le nom, ils trouvent qu’il y a un gros mot. Mais en général, les gens rigolent ! »

LA RENGAINE QUI COLLE AUX OREILLES
« Le Clan Panneton, pour déménager, le Clan Panneton, 9370707 ! » La rengaine colle aux oreilles, et c’est bien évidemment voulu. Pierre Cyr, le président, n’est pas peu fier de son coup. « Chaque année, il y a des agences de publicité qui m’offrent de rajeunir notre image en changeant la chanson. Je veux rien savoir ! » Il a travaillé dur, dans les années 90, pour obtenir de Bell un numéro de téléphone facile à retenir (à l’époque, il n’était pas possible de choisir son numéro). « Je me suis inspiré de l’Institut linguistique. Si les gens avaient retenu le fameux two-fivefour-six-o-one-one, ils allaient se souvenir du nôtre aussi ! »

Journée annuelle des détritus
Si le 1er juillet est la journée annuelle du déménagement, le 2 est sans doute celle du détritus, à en juger par les monticules de sofas troués, vieuxmatelas, meubles, sacs à déchets remplis de vêtements, résidus de démolition, électroménagers et autres biens abandonnés sur les trottoirs, qui donnaient hier à certains coins de la métropole des airs de dépotoir à ciel ouvert.
Une véritable montagne de déchets s’étendait sur plusieurs mètres devant un immeuble à logements de la 5e près de la rue Dandurand, dans le quartier de Rosemont. Les fauteuils, vêtements, bacs de recyclage remplis à ras bord, ventilateurs – presque tous enpiteux état – se trouvaient à l’intérieur du logement situé au rez-de-chaussée à l’arrivée des nouveaux locataires.
Une bien mauvaise surprise pour ces derniers, forcés de vider le contenu de l’appartement sur le
Avenue, trottoir, avant de pouvoir y emménager avec leurs effets personnels.
Même un album de vieilles photos représentant une famille en train de fêter Noël traînait dans l’amoncellement de déchets.
Des passants et véhicules ralentissent devant les déchets, en quête d’une trouvaille. Un automobiliste s’est arrêté, avant de s’emparer d’une planche de bois qu’il a déposée dans le coffre de sa voiture, puis il a poursuivi son chemin. « J’espère que la Ville va réagir vite pour ramasser ça, mais elle doit être débordée », a souligné Olivier Leduc, qui avait une vue imprenable sur les déchets du balcon de son logement, où il a emménagé hier. « Depuis hier soir, je vois des gens arrêter aux 10minutes pour fouiller dans les ordures », a constaté le jeune homme.
Sur l’avenue De Lorimier, près de Bellechasse, une pile de déchets s’élevait à environ sept pieds devant un triplex à vendre. Un passant qui déambulait sur le trottoir en a extirpé un vieux parapluie jaune, avant de poursuivre sa balade, l’air content de sa découverte.
La scène était semblable de l’autre côté de la rue, où les biens abandonnés encombraient un balcon et débordaient jusqu’au trottoir. Plus loin, rue Bourbonnière, des déchets, dont certains éventrés, jonchaient un long tronçon du trottoir.
Selon Statistique Canada, il y a environ 115 000 déménagements à Montréal chaque année, la plupart aux mois de juin et juillet. La Ville estime ramasser près de 50 000 tonnes d’objets de tout genre en moyenne chaque année.
Pour alléger le travail des autorités, six écocentres sont à la disposition des citoyens, dans lesquels on peut se départir d’objets encombrants, de détritus domestiques dangereux, de résidus de construction et de démolition ainsi que de matériaux secs.
Pour le reste, la Ville fera la collecte des déchets et des objets plus volumineux – comme les électroménagers et les meubles – selon divers horaires, disponibles sur le site ville.montreal.qc.ca/collecte.
Selon Alan DeSousa, membre du comité exécutif responsable du développement durable et de l’environnement, deux raisons expliquent la quantité de rebuts laissés à l’abandon: plusieurs citoyens planifient mal leur déménagement ou ignorent les façons de se débarrasser de leurs déchets. « On a observé une amélioration et une meilleure sensibilisation au fil des années, mais il y a encore trop de déchets dans les rues », a affirmé M. DeSousa. « Tout le monde veut un environnement propre, mais il faut aussi se responsabiliser individuellement », a ajouté l’élu.
Les citoyens peuvent s’informer en composant le 311 ou auprès de la ligne Info-collecte au 514-872-2237.


Du parmesan comme garantie de prêt
Les chambres fortes de la société Credito Emiliano renferment un bien très prisé des gourmets partout dans le monde, soit pas moins de 17 000 tonnes de fromage parmesan.

C’est que cette banque régionale italienne accepte le parmesan à titre de bien en garantie pour les prêts qu’elle consent, ce qui contribue à continuer de financer les producteurs de fromage du nord de l’ Italie tandis que sévit la pire récession depuis la Deuxième Guerre mondiale. Credito Emiliano, dont le siège se trouve près de Bologne, en Émilie-Romagne, dispose de deux entrepôts à atmosphère contrôlée où se trouvent environ 440 000 meules d’une valeur de 132 millions d’euros (204 millions de dollars).
« Ce système est vital pour nous », explique Giuseppe Montanari, 65 ans, producteur de fromage et négociateur qui utilise les prêts pour acheter du lait. « C’est une manière formidable de financer nos dépenses à des taux raisonnables, ajoute-t-il, et la banque ne risque pas grand-chose parce qu’elle peut toujours vendre le fromage. »
Le fromage est si précieux que chaque meule de 36 kg, d’une valeur d’environ 300€, porte un numéro de série afin qu’on puisse la retracer en cas de vol. En février dernier, des voleurs ont pénétré dans l’un des entrepôts et ont pris la fuite avec 570 meules avant d’être appréhendés par la police.
« Grâce au ciel, nous avons mis le grappin sur les voleurs avant qu’ils râpent le f romage », lance William Bizzarri, 58 ans, qui gère les entrepôts.
Active dans les vallées de la région d’Émilie-Romagne, au sud-est de Milan, la banque Credito Emiliano utilise le parmesan à titre de bien en garantie depuis 1953 et confie la gestion du fromage à une division appelée Magazzini Generali delle Tagliate.
La banque offre des prêts d’une durée pouvant atteindre 24 mois, soit l’équivalent du temps qu’il faut au f romage pour vieilli r, au taux interbancaire offert en euros, plus de 0,75 % à 2%, précise M. Bizzarri. La banque consent aux producteurs jusqu’à 80% de la valeur de leur produit selon les prix du moment sur le marché.
« Le parmesan sert à des opérations financières depuis le Moyen Âge », explique Leo Bertozzi, patron de l’Association des producteurs de parmesan reggiano. « Cela tient à la fois au fait de sa valeur, dit-il, étant donné que chaque meule contient l’équivalent de 550 litres de lait, et au fait que le vieillissement prend des années, ce qui rend le financement nécessaire jusqu’à ce que le produit puisse être vendu. »
La banque a déjà songé à prendre le prosciutto, une autre des spécialités de la r égion, et l ’ huile d’olive comme biens en garantie, mais ces produits sont plus difficiles à entreposer et à mettre en marché, indique M. Bizzarri. « C’est plus facile de les voler ou de les remplacer », dit-il.
L’ Émilie-Romagne est la seule région dans le monde qui a le droit légalement d’utiliser le nom parmigiano reggiano pour son f romage, dont la fabrication dans la région remonte aux alentours de 1200. Les ventes de parmesan ont atteint 1,54 milliard d’euros l’an dernier, dont 25% pour l’exportation, selon l’association des producteurs.
Une fois que la banque accepte le f romage comme bien en garantie, elle veille au processus de vieillissement, ce qui implique la nécessité de tourner les meules plusieurs fois par semaine et de les vérifier périodiquement pour déceler celles qui ont pu ramollir.
Tandis qu’un maître vérificateur tape chaque meule à l’aide d’un petit marteau de métal, M. Bizzarri tend l’oreille pour déceler un son creux, ce qui indiquerait que la meule est « ratée » et qu’il faut la détruire.
Les prix payés aux producteurs de parmesan étaient en moyenne de 7,27 €/kg en juillet dernier, comparativement à 7,49 € en janvier, selon l’association des producteurs de la ville de Reggio d’Émilie. Les prix ont atteint un sommet de 9,36 €/kg en janvier 2004.




Payez ce que vous voulez !
RESTAURATION
Depuis le mois de février, la Taverne Crescent, à Montréal, permet à ses clients de donner la somme qu’ils veulent pour leur repas.
S’inspirant de ce concept, le Bistro de l’Actuel, à Magog, a emboîté le pas en mars. La popularité de la formule est telle que les restaurateurs ont décidé de prolonger la promotion tout l’été.
Le concept aurait vu le jour en Angleterre et gagnerait aussi en popularité en Europe. Populaire un peu partout dans le monde, il est appliqué avec quelques variantes. À San Francisco, par exemple, le bar Honor Code utilise une formule qui repose sur l’honneur, comme le suggère son nom. Pour leurs consommations, les gens déposent dans la boîte prévue à cette fin la somme qu’ils jugent appropriée.
L’idée du restaurant à prix libre a branché le restaurateur montréalais Georges Pappas. « Un de mes amis avait vu le concept à Londres et je me suis dit wow! C’est fantastique comme idée parce que ça pousse le commerçant à se dépasser et à offrir un menu encore plus de qualité », raconte l’un des trois associés de la Taverne Crescent.
La question brûle les lèvres. Comment un restaurateur peutil prévoir un budget avec des points d’interrogation ? « C’est la question magique. Quand on s’est lancés dans le concept, on ne savait pas si on allait perdre notre chemise. On a fait beaucoup de promotion et des entrevues, ce qui a généré une publicité énorme », répond fièrement Georges Pappas.
Certaines conditions
Libre de donner ce que vous voulez? Oui, mais... Vous devrez choisir la table d’hôte, qui comprend une entrée, un plat et un dessert. À la fin, vous recevez l’addition, qui facture les consommations et à laquelle vous ajoutez le pourboire et les taxes.
« C’est drôle de voir le visage des gens quand ils se rendent compte qu’ils n’ont pas de montant pour le repas sur leur facture. Ils ne comprennent pas. Je me souviens de trois filles qui, en recevant l’addition, tenaient leur stylo nerveusement. Je leur ai dit : "Mettez le montant que vous voulez et repartez avec le sourire." Quelques jours plus tard, elles sont revenues nous voir », raconte l’homme d’affaires.
Bien pour le restaurateur, mais les employés paient-ils de leur pourboire le prix de cette liberté ?
« Ça ne m’est pas arrivé personnellement mais, dans les premiers mois, j’ai connu des serveurs qui sont tombés sur des clients qui ne laissaient que 3$. Jusqu’à maintenant, personne n’est parti sans payer. En général, les gens sont respectueux », explique Angel Garand, serveuse au Bistro de l’Actuel, en Estrie.
À la Taverne Crescent, les sommes que paient les clients pour ce menu « anticrise » sont variables. Certains groupes vont parfois jusqu’à donner plus d’une vingtaine de dollars, signale M. Pappas. Généreux quand on sait qu’un menu du jour coûte entre 8 et 15$ selon les endroits.
Qui est le véritable gagnant?
Pour Christian Désilets, professeur de publicité sociale au département d’information et de communication de l’Université Laval, il s’agit avant tout d’un moyen de marketing, d’une façon d’obtenir de la publicité gratuite. Avec cette formule, le restaurateur s’attire la sympathie du consommateur.
« Ce dont on se rend compte, c’est que les gens ont tendance à donner plus que ce qui leur est demandé. Ils entrent avec l’idée qu’ils pourraient ne pas payer, mais la mauvaise conscience se fait sentir et ils se sentent coupables. À la fin, les clients sont gênés de payer moins que ce que ça pourrait coûter au restaurateur », constate le spécialiste en communication.
À ses yeux, ce n’est pas une si bonne affaire pour le consommateur, qui n’est pas en mesure d’évaluer le coût réel de ce qui lui a été servi. « Si on avait opté pour une formule avec le prix réel indiqué, ça aurait pu être intéressant. Mais comme les gens ne savent pas, ils surestiment le prix », dit-il.
Si la crise a incité plusieurs restaurateurs à adhérer au concept, le spécialiste souligne que celuici n’a rien à voir avec la formule soupe populaire. « Ce que l’on voit, c’est que les gens qui fréquentent ces endroits ont généralement de l’argent. »
Il ajoute que la formule ne peut sûrement pas s’appliquer partout et qu’il y a clairement des quartiers et secteurs plus favorables que d’autres.
Il se demande également si la formule est durable. Le restaurant haut de gamme Little Bay, à Londres, avait mis de l’avant la promotion « donnez ce que vous voulez » en février. « Ça a été un succès, mais nous n’avons pas prolongé la promotion », inique Daniela, serveuse dans ce restaurant.
Menu anticrise, peut-être, mais s’il vous prend l’envie de savourer un cosmopolitan, l’une des boissons populaires à la Taverne Crescent, les 11$ qu’il coûte ne seront pas laissés à votre discrétion...



Un resto dépliable en 90 secondes
À première vue, il s’agit d’un banal conteneur maritime, comme on en trouve des centaines empilés dans le port de Montréal. Celui que l’on trouvera dès ce matin dans le Vieux-Port est cependant unique: il s’ouvre en 90 secondes pour devenir un petit restaurant de 28 places avec terrasse, et est équipé de panneaux solaires et d’une cuisine au propane pour plus d’autonomie.

Le « MuvBox » est une création du propriétaire des restaurants Pizzaïoles, Daniel Noiseux, qui sera officiellement annoncée ce matin devant une audience de gens d’affaires, de fonctionnaires et de journalistes. Il offrira tout l’été aux passants unmenu simplifié – chaudrée de palourdes, pizzas – avec comme mets-vedette des lobster rolls, ces pains à hot-dog farcis de homard haché appelés guédilles en Gaspésie.
Le restaurateur a signé un bail de cinq ans avec la Société du Vieux-Port et pourrait ouvrir un deuxième conteneur-restaurant l’été prochain. « Ce n’est pas un stand à hot-dogs, une roulotte ou un triporteur, précise en entrevue à La Presse M. Noiseux. On s’éloigne de la cabane à patates frites pour offrir de la cuisine haut de gamme. À ma connaissance, il n’existe rien de semblable sur la planète. »
Le modèle dévoilé ce matin est un prototype qu’on a généreusement équipé. Le MuvBox de base que le restaurateur veut offrir coûtera 150 000$, auxquels on pourra ajouter quelques dizaines de milliers de dollars d’option « selon le menu qu’on veut offrir », préciset-il. Tout y a été conçu dans un esprit « écologique » : les planchers des terrasses sont fabriqués à partir de pneus recyclés, les panneaux solaires fournissent près de 40% de l’énergie utilisée et on espère même à terme recycler l’eau de pluie. Une seule poussée de bouton et les panneaux s’ouvrent pour devenir des planchers. Il faut une quinzaine de minutes ensuite pour aménager l’espace.

Daniel Noiseux voit grand pour son MuvBox: que ce soit dans les festivals partout dans le monde, dans des sites de villégiature ou en ville, il estime que des milliers de restaurants de ce type pourraient être ouverts. Pour l’instant, un deuxième exemplaire a été commandé et sera livré à la fin de l’été, précise-t-il.


Des conteneurs en guise de maisons
Teo Siong Seng, le PDG de la société chinoise Singamas Container Holdings, s’attaque à la crise du transport maritime et du logement en même temps.
L’entreprise chinoise Singamas, deuxième fabricant mondial de conteneurs au monde, construit des « maisons dans des conteneurs » comprenant des électroménagers et des installations sanitaires.
Pour ce faire, Singamas, deuxième fabricant mondial de conteneurs au monde, construit des « maisons dans des conteneurs » comprenant des électroménagers et des installations sanitaires de manière à compenser la dégringolade de la demande des conteneurs traditionnels au moment où le commerce mondial ralentit.
M. Teo se tourne vers les maisons prêtes à monter, dont le prix de base est de 30 000$US, et d’autres conteneurs spécialisés comme des installations pour poissons vivants et des compacteurs de déchets ménagers, pour augmenter les marges de profit de son entreprise. Singamas a réduit sa production de conteneurs traditionnels de 95% au cours de la première moitié de l’année parce que les sociétés maritimes ont diminué leurs commandes.
Prêtes à monter
« Les gens peuvent obtenir ces maisons et les assembler très rapidement », a dit M. Teo lors d’une entrevue j eudi à Hong Kong. « Elles sont idéales lorsqu’il est difficile d’obtenir des matériaux de construction », a-t-il ajouté.
Les maisons prêtes à monter sont expédiées depuis la Chine et elles sont assemblées à destination. Les conteneurs forment les murs de la maison. Les prix oscillent entre 30 000 $ US et 100 000 $ US selon le nombre de chambres et d’autres options. Singamas vise le marché africain et celui de l ’Australie après avoir obtenu des contrats pour fournir des conteneurs à deux pays du Pacifique Sud, a dit M. Teo, sans élaborer plus avant.
L’entreprise a aussi vendu 4 0 0 c onteneu r s é quipés d’aquariumspouvantaccueillir des poissons vivants, a précisé Sylvia Tam, la directrice financière de Singamas. L’eau de ces aquariums peut être refroidie pour que les poissons puissent dormir pendant les longs voyages, ce qui les empêche de maigrir parce qu’ils ne nagent pas pendant ces trajets, a indiqué Mme Tam. Ces conteneurs coûtent plus de 25 000$US chacun, a-t-elle dit. Les conteneurs traditionnels transportés par les cargos coûtent une moyenne de 2131$US chacun.
Vendredi, à la fermeture des marchés, le t i t r e de Singamas grimpait de 1,4 % à 1,47 $HK (dollars de Kong Kong). L’action a plus que quadruplé cette année comparativement à la progression de 41% de l’indice de référence Hang Seng. Le titre de son concurrent plus i mposant, China International Marine Containers, a bondi de 67% cette année à la Bourse de Shenzhen.
Singamas cherche aussi à obtenir un contrat pour fournir des conteneurs à ordures ménagères à Shanghai , a indiqué M. Teo. L’entreprise souhaite parvenir à vendre jusqu’à 3000 de ces conteneurs chaque année dans le monde entier. Ces conteneurs coûtent j usqu’à 6000 $ US chacun.
Au cours de la première moitié de la présente année, l’entreprise a tiré 65% de ses revenus de la vente de conteneurs spécialisés comparativement à environ 18% avant la crise financière, a dit M. Teo. Auparavant, il avait prévu que les conteneurs spécialisés ne formeraient pas plus de 30% des ventes jusqu’en 2011.
L’entreprise, qui a réduit son effectif de plus du tiers, a stoppé la production des conteneurs traditionnels pendant deux mois au cours de la première moitié de l’année en raison de la baisse de la demande.






UN BATEAU, C’EST MOINS COÛTEUX  -  Hugo Meunier
La rareté et les coûts exorbitants d’un chalet au bord de l’eau encouragent de plus en plus de gens à investir dans un bateau, constate le Regroupement des plaisanciers du Québec.
Son directeur général, Marc Therber, dit observer le phénomène, même s’il faut d’abord avoir un intérêt pour la navigation de plaisance avant de faire le saut.
L’industrie nautique se porte selon lui assez bien au Québec, malgré la récession, la température et le prix de l’essence.
« Les gens décident d’acheter un chalet flottant et envisagent de l’utiliser ainsi dans leur processus décisionnel d’acquérir un bateau.
Certains optent pour un plus gros bateau ou choisissent telle marina en fonction du voisinage », explique l e directeur général du regroupement, qui compte 27 000 membres.
I l y aura i t se l on l u i en t re 500 000 et 1 million de propriétaires de bateaux de plaisance au Québec, tous types d’embarcations confondues. Pas réservé aux riches
Malgré un côté tape-à-l ’oeil, acquéri r un bateau n’est pas l’apanage des gens riches et célèbres, assure de son côté Sylvain Deschamps, directeur des marinas de Lachine, Montréal et Laval. « Les gens ont la perception que les plaisanciers sont riches, mais pas les propriétaires de chalets au bord de l’eau, dont la valeur moyenne tourne pourtant autour de 250 000$ ou 300 000$ », souligne M. Deschamps.
La plupar t des plaisanciers interrogés achètent d’ailleurs des embarcations d’occasion et sont aussi d’avis qu’un chalet au bord de l’eau ou des vacances de quelques semaines au Québec leur coûteraient plus cher.
« Et le chalet exige du travail, de l’entretien. Le bateau est un espace plus confiné, mais on ne peut trouver une meilleure évasion », résume M. Deschamps.






Ministre en ascension -  NATHALIE PETROWSKI
PIERRE ARCAND À la mi-cinquantaine, après une fructueuse carrière dans les médias commencée comme journaliste et terminée comme propriétaire et gestionnaire de stations de radio, Pierre Arcand aurait pu se retirer avec ses millions pour jouer au golf ou c
« J’adore la politique. Ça a toujours été le cas. Il n’y a pas un jour où je regrette ma décision. »
La politique, c’est comme n’importe quel métier, ça s’apprend. C’est ce que Jean Charest a dit à Pierre Arcand au lendemain de sa première victoire électorale dans Mont-Royal, en 2007.
Pierre Arcand, ministre des Relations internationales : « Quand j’étais président de Corus Québec, ça me mettait hors de moi de constater le piètre état de l’économie québécoise. Pendant que l’Alberta, la Colombie-Britannique et l’Ontario avaient des taux de croissance fabuleux, au Québec il ne se passait rien. C’est vraiment ça qui m’a poussé vers la politique. »
À l’époque, Pierre Arcand était une recrue vedette du Parti libéral. En plus d’être le frère du redoutable animateur Paul Arcand, il est le gendre de Francine Chaloult ( l’attachée de presse de Céline), le mari de Dominique Chaloult (la patronne démissionnaire des variétés à Radio-Canada), le neveu par alliance de Suzanne Lévesque et celui qui a lancé la carrière radio de Normand Brathwaite comme de Lucien Francoeur. Il arrivait chez les libéraux avec une fortune personnelle de plusieurs dizaines de millions et une carrière exemplaire de gestionnaire et d’entrepreneur.
Après avoir hérité de l’ancienne circonscription de Philippe Couillard, Pierre Arcand semblait promis aussi bien à la victoire électorale qu’à un important ministère. Pourtant, au lendemain de son élection, le nouveau député de Mont-Royal a plutôt été invité à prendre son mal en patience et à faire ses classes. D’avril 2007 à avril 2008, Pierre Arcand a été adjoint parlementaire au ministère du Développement économique et au ministère du Tourisme. Pour un homme habitué à être le patron et à n’avoir de comptes à rendre à personne, l’exercice d’humilité ne devait pas être évident.
Deux ans plus tard, sous les hauts plafonds de la première Bourse de Montréal devenue un hôtel chic du Vieux-Montréal, Pierre Arcand, maintenant ministre des Relations internationales, confirme la pointe de déception qu’il a ressentie.
« Si j’ai été déçu? Oui et non. Oui parce que, comme n’importe qui en politique, on espère toujours qu’on va jouer un rôle plus ou moins important. Mais non, parce que M. Charest m’a bien expliqué que la politique, c’est un métier et que, pour y faire sa marque, il faut comprendre comment ça fonctionne. Or, en l’espace de 18 mois, par mes fonctions d’adjoint à l’Économie puis aux Finances et au Conseil du Trésor, j’ai eu un cours intensif où j’ai appris énormément et qui m’a bien préparé aux fonctions que j’occupe en ce moment. »
Le rendez-vous avec Pierre Arcand a été pris avant que n’éclate l’affaire des règles d’éthique. Jusque-là, le parcours du ministre des Relations internationales avait été discret et sans gaffe majeure. À l’exception d’un point de presse où il avait candidement parlé de ses futurs voyages plutôt que de ses futures missions (chose qu’il a vite corrigée), sa feuille de route de ministre était bonne.
Tout dernièrement, à l’étude des crédits de son Ministère avec Louise Beaudoin, plusieurs pensaient que le néophyte se ferait manger tout rond par la politicienne aguerrie. Il n’en fut rien. « Non seulement l’étude des crédits n’est pas un exercice d’affrontement, plaide Louise Beaudoin, mais en plus Pierre Arcand est un gentleman, un homme civilisé et intelligent, d’un autre niveau que son prédécesseur ( Monique Gagnon-Tremblay). Il écoute, il veut comprendre. Malheureusement, conclut l’exministre, il croit au fédéralisme et va donc rester dans le rang quand il s’agira de défendre la présence du Québec sur la scène internationale. »
Reste que, à son retour d’une mission en Allemagne et en France il y a 10 jours, le problème de Pierre Arcand n’était pas son fédéralisme. C’était ses intérêts dans Métromédia Plus, une entreprise d’affichage dans le métro et sur les autobus. Pour lui permettre de garder ses actions dans l’entreprise, le premier ministre Charest a modifié les règles d’éthique du gouvernement. Arcand l’a appris en descendant de l’avion. Les journalistes l’attendaient de pied ferme. Il ne s’est pas défilé. Il a répondu aux questions en affirmant qu’il avait toujours fait preuve de transparence et qu’il n’avait rien à se reprocher. Il le croit encore.
« Dès que j’ai été élu, je suis allé voir le jurisconsulte Claude Bisson et j’ai déclaré tous mes intérêts. Après examen de ma situation, il m’a assuré que tout était beau et qu’il n’y avait aucun conflit d’intérêts. Je pensais que tout était réglé et c’est pourquoi je n’ai jamais demandé au premier ministre de modifier quoi que ce soit pour moi. »
Le seul problème avec cet argument, c’est que Pierre Arcand est allé chez le jurisconsulte alors qu’il était député et non ministre. Or, les règles sont plus strictes pour un ministre dont le dossier doit être examiné par les gens du Conseil exécutif. Ce sont eux qui ont vu que ses intérêts dans une entreprise qui pourrait un jour faire affaire avec le gouvernement étaient problématiques. Ils l’ont signalé au premier ministre, qui a choisi d’assouplir les règlements.
Évidemment, Jean Charest aurait pu demander à Pierre Arcand de se départir de ses actions. Pierre Arcand aurait pu lui-même le proposer. Mais de toute évidence, ce n’est pas dans la philosophie libérale. Comme l’explique Hugo D’Amours, l’attaché de presse de Jean Charest: « Si nous voulons avoir des gens de qualité en politique, des gestionnaires de premier plan comme M. Arcand, nous devons faire des accommodements. Notre objectif, ce n’est pas de les dépouiller de tout ce qu’ils ont. »
La remarque n’est pas sans saveur puisque, pour dépouiller Pierre Arcand de ce qu’il a, il faudrait quelques camions de la Brink’s. Depuis 2001, année où il a vendu à Corus Entertainment le réseau de radios acquises avec son associé Pierre Béland pour la modique somme de 165 millions, Pierre Arcand vaut plusieurs dizaines de millions. Même s’il refuse de chiffrer sa valeur financière, il confirme qu’il est indépendant de fortune. Pourquoi alors avoir gardé des actions de Métromédia Plus?
« Au moment de la transaction avec Corus, notre compagnie d’affichage était à vendre avec tout le reste. Mais Corus n’en a pas voulu, alors on a décidé de la garder. C’est aussi simple que ça », répond Pierre Arcand sans toutefois expliquer pourquoi il n’a pas vendu ses actions puisqu’il n’avait plus exactement besoin de l’entreprise pour vivre.
En guise de réponse, il se rabat sur la future loi sur l’éthique qui devrait bientôt voir le jour et qui, selon lui, clarifiera tout. En attendant, Pierre Arcand semble plus préoccupé par l’économie que par l’éthique.
« Quand j’étais président de Corus Québec, ça me mettait hors de moi de constater le piètre état de l’économie québécoise. Pendant que l’Alberta, la ColombieBritannique et l’Ontario avaient des taux de croissance fabuleux, au Québec il ne se passait rien. C’est vraiment ça qui m’a poussé vers la politique. Je me suis dit que si je pouvais faire le début d’une modeste différence au plan économique, ça valait le coup. »
Né en 1951 à Saint-Hyacinthe, Pierre Arcand a été le premier des cinq garçons de la famille à faire de la radio après des études aux HEC. L’animateur Michel Viens, qui a fait ses débuts avec lui à CKBS, rappelle que le futur ministre, à l’époque, couvrait la lutte et qu’il a peut-être même présenté Abdullah the Butcher lors d’une soirée de lutte à l’aréna de la région.
À son souvenir, Arcand avait une belle présence radiophonique et une grande facilité à s’exprimer et à improviser au micro. Il aurait pu aisément devenir une vedette de la radio comme son jeune frère. Mais assez rapidement, son intérêt pour la gestion a éclipsé toute velléité de vedettariat. Suzanne Lévesque se souvient de lui comme d’un patron souple et agréable doublé d’un grand stratège.
Stratège, en effet. En 10 ans, il est passé de directeur de l’info de CKAC à vice-président de Télémédia. Mais devant le refus du propriétaire de laisser ses cadres devenir actionnaires, il a fait partie de la bande des quatre cadres qui ont claqué la porte de Télémedia. Pendant que Paul-Émile Beaulne et Normand Beauchamp achetaient Radiomutuel, Arcand et son associé Pierre Béland hypothéquaient leurs maisons pour acquérir CFCF et CFQR, des stations en déclin qu’ils ont redressées brillamment.
« Un des moments les plus heureux de ma vie, raconte Arcand, c’est le jour où le directeur des programmes de CFQR, qu’on avait rebaptisée Q92, m’a annoncé qu’on venait de battre toutes les stations anglophones de la ville. Pourtant, tout le monde nous avait dit qu’on n’y arriverait jamais parce qu’on ne connaissait pas ce marché-là. Battre les Anglais sur leur propre terrain a été une de mes grandes joies professionnelles. »
Aujourd’hui, c’est la politique qui semble avoir pris le relais au plan de la satisfaction professionnelle. À l’entendre, rien, absolument rien ne lui déplaît dans son nouveau job. « J’adore la politique. Ça a toujours été le cas. Il n’y a pas un jour où je regrette ma décision. La politique ne peut pas tout changer, mais elle demeure à mon avis un véhicule important pour le changement, surtout en ce moment. D’ailleurs, on dit toujours que la population ne fait plus confiance aux politiciens. Pourtant, en campagne électorale, ce qui m’a le plus surpris, c’est le respect que je sentais dans le regard des gens quand je les rencontrais. »

Pierre Arcand ne sait pas ce que l’avenir lui réserve. Mais à voir les égards dont il est l’objet au gouvernement, il risque de nouveau de gravir plusieurs échelons avant d’en descendre un.


GÉNÉALOGIE 
POUR RETROUVER VOS RACINES, CREUSEZ AU BON ENDROIT - Marc Tison
Vous vous intéressez à vos ancêtres? Eux aussi. Il y a les passionnés. Et il y a les profiteurs. Voici comment les distinguer.

Vous vous appelez Tremblay? Connaissez-vous les armoiries de votre famille? Les voici, ci-contre. Vous pouvez en obtenir une copie numérique pour 20,93$, taxes incluses.
Les Simard en ont aussi. Et les Gagnon. Les Boisvert, les chanceux, ont même une devise: Conscienta et fama, connaissance et renommée. Mais avec une erreur d’orthographe: il fallait probablement lire conscientia. « Le mot conscienta n’est attesté dans aucun grand dictionnaire de latin classique », constate un professeur de latin de l’Université de Montréal, consulté pour l’occasion.
À ces armoiries, on peut adjoindre, pour 12,95$, un historique de son nom de famille – ramassis de généralités sur la France et la Nouvelle-France, mention du premier arrivant, plus quelques personnalités homonymes ( pour les Gauthier, on mentionne le couturier Jean Paul Gaultier !).
Toutcela, onl’apprend, onlevoit– et surtout on le paie – sur le site internet www.houseofnames.com
« Ces armoiries, on peut aussi les acheter dans les centres commerciaux », commente Claire Boudreau, médiéviste, titulaire d’un doctorat en héraldique et héraut d’armes de l’Autorité héraldique du Canada. « Ce sont des compagnies à but lucratif qui ont numérisé des dictionnaires de l’Ancien Régime et des index, et ils les vendent sans se soucier des liens généalogiques. »
Bref, il n’y a probablement aucun rapport entre vous et les armoiries censées correspondre à votre patronyme.
À qui s’adresser pour remonter sa lignée familiale sans puiser dans sa marge de crédit?
« Les archives nationales du Canada ou du Québec, les sociétés de généalogie dûment identifiées sont excellentes, il n’y a aucun problème, répond Gisèle Monarque, présidente de la Société généalogique canadienne-française. Ce qui est inquiétant, ce sont les sites payants qui s’annoncent un peu partout. »
Mêmes précautions à l’égard des chaînes généalogiques prédigérées trouvées sur l’internet à partir d’un nom de famille. « Il se peut que ce soit bien, poursuit-elle. Mais si vous n’en êtes pas sûr, imprimez-la et venez nous voir. »
La Société généalogique canadienne-française, la plus ancienne et la plus importante du Québec, a été fondée il y a 65 ans par un père franciscain. « Les gens payaient alors 700$ pour avoir leur chaîne généalogique, évoque Mme Monarque. Ça l’a fâché et il a fondé une société à but non lucratif. »
La cotisation annuelle de 45 $ donne droit à une revue trimestrielle. « Nous sommes des bénévoles. Notre but n’est pas de faire les chaînes généalogiques, mais de montrer aux gens comment les faire. »
Si elle met les gens en garde contre les recherches payantes plus ou moins approximatives, Mme Monarque reconnaît qu’il y a des chercheurs sérieux. Elle cite Micheline Lécuyer, qui gagne sa vie avec des recherches généalogiques approfondies. « Je ne fais presque plus de lignes ascendantes parce que presque tout le monde peut les faire, explique celle-ci. Je fais davantage une histoire de famille, avec toutes les preuves. À chaque génération, je trace le profil de l’ancêtre. »
Selon la complexité de la commande, le coût peut varier de 500$ à 2000$. Cher? « J’ymetsunminimum de 300 heures de travail », assure Mme Lécuyer.
De son côté, la Société généalogique canadienne-française cède à certaines demandes particulières et peut tracer une ligne généalogique directe pour 150$.
Mais il est beaucoup plus amusant de le faire soi-même.

CREUSERVOSRACINES SANSVOUS ÉCHINER
Dans la splendide salle de consultation du Centre d’archives de Montréal (Bibliothèque et Archives nationales du Québec), une dizaine de personnes sont attablées, penchées sur des répertoires.
« Quatre-vingt pour cent de nos usagers font de la généalogie », commente le bibliothécaire JeanFrançois Chartrand.
Parmi elles, Micheline Galaise vient deux fois par semaine depuis plus de 20 ans. Au fil des ans, elle a remonté les branches et les rameaux de son arbre généalogique sur 14 générations. « Ça remplit sept ou huit classeurs à anneaux », décrit-el le. Minutieusement manuscrits page par page!
Elle a appris avec les bons vieux documents sur papier.
Le principe de base consiste à remonter la filière des actes de mariage, qui donnent les noms des parents des mariés. Comment les trouver, ces mariages? Parcourons d’abord les outils traditionnels.
D’abord un d ic t ionna i re généalogique, pour connaître les lignées des premiers du nom en Amérique. L’ouvrage le plus réputé est le Dictionnaire généalogique de René Jetté. Il s’arrête cependant en 1730.
Puis le grand classique de la généalogie québécoise, la collection Drouin, qui a recensé et répertorié les registres de l’état civil, depuis les débuts de la colonie jusqu’en 1940.
Pour s’assurer de l’exactitude de l’arbre ainsi constitué, il faudra consulter les actes eux-mêmes. Comment? Connaissant maintenant la date et le lieu de chaque mariage, vous pouvez compulser les répertoires de baptêmes, mariages et sépultures, par ordre alphabétique d’entités géographiques. Quand vous avez repéré l’heureux événement, un code vous renvoie à l’acte lui-même, reproduit sur microfilm. Voilà pour le principe.
Le même travail peut se faire en bonne partie avec les banques de données informatisées.
Oumême à la maison, par internet. Mais tôt ou tard, on se bute à des bases de données payantes. L’avantage de se rendre à l’un des neuf centres d’archives de BAnQ, c’est que, une fois inscrit, on a accès gratuitement à tous ces outils fort utiles. En voici quelques-uns.
Index des décès et mariages
Les mariages et décès de 1926 à 1996 y sont indexés. « C’est très utilisé, indique Jean-François Chartrand. La généalogie, plus c’est récent, plus c’est difficile. Les gens ne sont pas encore décédés et, de nos jours, on ne se marie plus. »
La banque Parchemin
Indexée par nomde famille, elle recense les actes notariés, de 1626 à 1789. La société Archiv-Histo poursuit ce travail, avec le soutien financier de la Chambre des notaires du Québec. « C’est une source d’information drôlement intéressante pour les gens qui s’intéressent à la généalogie. On le trouve dans plusieurs bibliothèques municipales », commente le porte-parole de la Chambre, Antonin Fortin.
Ancestry
Cette importante banque d’archives a acheté les documents numérisés de la collection Drouin. « Ce qui est fantastique, c’est qu’on peut chercher par nom, ce qui n’était pas possible avant », explique Jean-François Chartrand.
Vous pouvez voir apparaître à l’écran l’acte de mariage de votre ancêtre premier arrivant – une expérience toujours émouvante. « L’indexation laisse un peu à désirer, indique-t-il toutefois. La rumeur veut qu’elle soit faite en Chine. »
Cette banque est accessible sur l’internet ( www. ancestry.ca), mais la consultation est payante. Après une période d’essai gratuite de deux semaines, un tarif de 11,95$ par mois s’applique. Avec un abonnement annuel, c’est 6,95$ par mois.
BMS 2000
Fruit de la coopération de 22 sociétés de généalogie du Québec et de l’Ontario, on y trouve des versions en ligne des répertoires généalogiques : mariages, baptêmes, sépultures, du début de la colonie à 1990.
Elle aussi est sur i nternet ( www. bms2 0 0 0. org) . L’abonnement est gratuit mais la consultation est payante. Un exemple : consulter 200 fiches coûte 20$.
Mes aïeux
La banque Mes aïeux est offerte depuis cette semaine sur le portail de BAnQ. Aussi accessible sur l’internet ( www.mesaieux. com), elle serait la plus complète au Québec pour les registres matrimoniaux. L’abonnement est gratuit. Mais dès qu’apparaissent les résultats d’une première recherche – année du mariage, ville et époux –, on nous apprend que les détails supplémentaires ne seront accessibles qu’avec un abonnement payant au Service Plus. Un exemple: consulter 150 fiches coûte 14,99$.
PRDH
Cette banque généalogique, accessible gratuitement sur l’internet ( genealogie.umontreal.ca), donne la date et le lieu du mariage ainsi que les noms des conjoints. Mais des frais sont exigés pour approfondir la recherche. « C’est fait par l’Université deMontréal, et c’est donc très fiable, commente JeanFrançois Chartrand. Les erreurs sont minimes. »
Familysearch
Le site Familysearch ( www. familysearch.org) est maintenu par les mormons, qui, pour des raisons religieuses, portent un intérêt considérable à la généalogie. Ce site est analogue à la collection Drouin sur Ancestry, mais alors que celle-ci avait compulsé les versions civiles des actes de mariage, les mormons ont répertorié les versions religieuses de ces mêmes actes. « Le curé était obligé de faire deux exemplaires, explique Jean-François Chartrand. Les différences entre les deux sont minimes, mais on peut quelquefois avoir dans l’une des informations qu’on ne trouve pas dans l’autre. »
L’accès est gratuit et on y trouve les copies numérisées des actes originaux, quelquefois de meilleure qualité que sur Ancestry.
À vous de jouer
Dans l’un des neuf centres d’archives de BAnQ (voir www. banq.qc.ca), avec un minimum d’aide de la part des (aimables) préposés et un peu de chance, on peut retracer le tronc de ses ancêtres en une demi-heure, soutient Jean-François Chartrand. « Mais quel est le plaisir de se dépêcher? » ajoute-t-il.
Micheline Galaise l’a compris. Elle n’a toujours pas fini de creuser. « J’en ai pour jusqu’à ma mort », lance-t-elle en souriant.

Vos armoiries personnelles ?
Vous êtes de basse extraction, vos ancêtres étaient d’obscurs manants et vos prétentions aristocratiques se résument à l’acte de propriété du chalet au lac Vaseux que vous tenez de votre grand-père ?
Qu’à cela ne tienne, palsambleu! Vous aussi pouvez avoir vos armoiries et votre devise personnelles, reconnues par la Couronne. Et patentées, de surcroît.
Si vous êtes citoyen canadien et avez contribué au bien de votre communauté, par exemple par un engagement bénévole qui témoigne de votre noblesse de coeur, vous pouvez demander à l’Autorité héraldique du Canada de vous conférer des emblèmes héraldiques personnels. Cette institution attachée au Bureau de la gouverneure générale a été créée en 1988.
Outre le formulaire I2006-1 dûment rempli, vous devrez fournir une preuve de citoyenneté canadienne, les noms de deux personnes de référence ainsi qu’une notice biographique faisant état de vos diplômes, de votre expérience professionnelle et de vos contributions bénévoles et communautaires. Cependant, le fait que vous n’ayez pas de diplôme ou d’activités bénévoles ne sont pas des obstacles, assure Manon Lévis, gestionnaire de la production à l’Autorité.
Si le héraut d’a rmes du Canada accède à votre demande, vous recevrez une facture de 435$ plus TPS pour les frais administratifs. Vous conviendrez ensemble des éléments à inclure dans le blason, en tout respect des règles héraldiques. La description écrite de ces éléments sera transmise à un dessinateur, qui produira un dessin préliminaire. Le coût : entre 300$ et 1000$.
Quand vous aurez approuvé l’ébauche, cet artiste réalisera les lettres patentes, peintes à la main et calligraphiées (avec or 24 carats aux endroits requis, précise-t-on). Cous avez le choix entre deux formats : feuille unique de 56 cm sur 76 cm (1800 à 3000$), ou feuillets doubles, chacun de 56 cm sur 38 cm (600$ à 2100$).
Tout est inclus : écu, cimier, heaume, lambrequins et devise
La concession de vos armoiries est consignée dans le Registre public des armoiries, drapeaux et insignes du Canada. Chaque année, une soixantaine de citoyens canadiens créent ainsi sur mesure leurs propres armoiries familiales. Pourquoi ? « Pour célébrer leur histoire, point final », explique Claire Boudreau, titulaire d’un doctorat en héraldique et première femme héraut d’armes du Canada. « On veut juste un emblème qu’on va donner à sa famille. Ça sert à réunir les générations. »
Auc u ne pr é t e n t i on , assure-t-elle. « C’est très ludique. C’est presque une thérapie : qui suis-je, qu’estce que je veux montrer de moi-même, quelle est ma devise ? »
Alors, quelle est la vôtre?


INDUSTRIE PORCINE La grippe A (H1N1) fait une autre victime

Les producteurs et les transformateurs viennent d’accoucher d’une nouvelle convention de mise en marché. Cela faisait plus d’un an que les discussions avaient été entreprises.
Même si la grippe A (H1N1) n’est plus associée nommément à la viande porcine, les producteurs de porc du Québec sont des victimes collatérales du virus. La pandémie est venue anéantir les jolies perspectives de 2009 en repoussant fortement les prix à la baisse.
Une hausse des ventes de porc aurait été plus que bienvenue après des années difficiles marquées par des maladies dans les troupeaux, des problèmes de surproduction mondiale et l’envol du dollar canadien.
Le prix de vente d’un porc se détaille aujourd’hui entre 110 et 120 $ sur le marché de gros, alors que le coût de production varie entre 150 et 160 $, tout dépendant de la f luctuation des prix du grain et du dollar canadien. C’est donc dire qu’un producteur perd une trentaine de dollars par porc, un écart que le président de la Fédération des producteurs de porc du Québec ( F PPQ), Jean-Guy Vincent, n’hésite pas à associer à la grippe A ( H1N1).
« On a été frappés de plein fouet, lance-t-il. Le H1N1 n’a pas d’impact au Canada, mais il a un fort impact aux États-Unis. Or, nos prix sont en fonction des prix américains, et les États-Unis ont perdu de nombreux marchés en raison de la pandémie. »
L e s pr o duc t e u r s o nt rapidement vu le prix de vente décliner à partir des premières nouvel l es de l’apparition du virus, au début de mai. Dommage, parce que dans les deux mois précédents, les prix n’étaient pas fantastiques, mais ils n’étaient pas très éloignés de la moyenne des cinq dernières années à la même période.
« Les prix n’étaient pas très élevés, mais les prévisions étaient excellentes pour cette année, précise Jean-Guy Vincent. Nous prévoyions que nous n’aurions probablement pas besoin d’intervention de notre assurance. Les marchés s’orientaient de façon à ce que nous retrouvions notre coût de production. »
Ç’aurait été plus que bienvenu après des années difficiles marquées par des maladies dans les troupeaux, des problèmes de surproduction mondiale et l’envol du dollar canadien. Les producteurs ont dû recourir à l’assurance de stabilisation des revenus bien largement qu’à l’habitude.
Une nouvelle convention
Au moins, le président de la FPPQ tire quelque chose de positif de la grippe A (H1N1). « Des consommateurs ont découvert la qualité de notre produit, les normes de qualité et le fait que la production et la transformation soient régies. Il y a un intérêt majeur des acheteurs de ce côté. »
M. Vincent, qui vient d’obtenir un deuxième mandat à la tête de la FPPQ, a d’autres raisons de se réjouir malgré la chute des prix. Les producteurs et les transformateurs viennent d’accoucher d’une nouvelle convention de mise en marché. Cela faisait plus d’un an que les discussions avaient été entreprises.
« Ça va générer 150 millions de dollars de plus dans la filière porcine », dit M. Vincent. Selon lui, la convention met la table pour une nouvelle relation d’affaires entre producteurs et transformateurs.
La convention prévoit qu’à chaque abattoir soit associé un volume de producteurs. La planification des sorties de porc sera faite directement entre le producteur et le transformateur, plutôt que par un canal unique centralisé.
« Cela permettra d’éviter ce qu’on a connu dans les dernières années, c’est-à-dire de voir des surplus de porcs pas abattus, explique M. Vincent. Les coûts de production seront aussi réduits. »
Selon lui, cette nouvelle façon de faire correspondra mieux à la mondialisation des marchés, et générera une meilleure compétitivité sur les marchés internationaux.
La nouvelle convention, d’une durée de quatre ans, entrera en v i g ueur l e 7 s eptembre prochain.



Une blonde québécoise pour le marché américain - Stéphanie Bérubé
La microbrasserie Charlevoix travaille sur une nouvel le bière depuis des mois. Une bière blonde, très forte, faite selon l’étonnante méthode champenoi s e , avec une fermentat ion toute naturelle. Le brasseur l’annonce exceptionnelle. Vous en avez l’eau à la bouche ? Eh! bien, il faudra la déguster aux États-Unis. Puisque, avec les nouvelles règles encadrant la fabrication et la commercialisation des bières, cette nouvelle blonde créée à Baie-SaintPaul ne sera ironiquement pas vendue ici.
Frédérick Tremblay, propriétaire de la microbrasserie Charlevoix, qui a officiellement inauguré ses nouvelles installations la semaine dernière dans le parc industriel de BaieSaint-Paul. C’est là que se brassera sa nouvelle bière forte, destinée au marché américain.
Au printemps dernier, Québec a publié les nouveaux règlements encadrant la fabrication de la bière. Les microbrasseries ne les ont pas aimés pour plusieurs raisons, dont le fait qu’elles n’ont pas été consultées avant la rédaction de ces règles qui les concernent directement. Pire encore: certaines de leurs bières pourraient être reléguées dans la catégorie « breuvage » parce qu’elles contiennent des ingrédients post-fermentation, et les bières contenant plus de 11,9% d’alcool deviendraient des spiritueux, selon ce qui est écrit.
Comme l a nouve l l e blonde de la microbrasserie Charlevoix contiendrait 15% d’alcool, son lancement a été remis aux calendes grecques. « Je crois que nous pourrions la commercialiser, mais avec le niveau de taxation des spiritueux, ce qui n’a aucun bon sens, explique Frédérick Tremblay, de la microbrasserie. Plutôt que de la vendre ici 25 $ la bouteille, nous allons la brasser pour le marché américain. »

Lors du dernier Mondial de la bière, à Montréal, la bière RIP de la brasserie Saint-Bock a raflé les grands honneurs. Premier prix pour cette bière à 14,5% d’alcool! « Nous allons continuer de la vendre et nous allons payer les taxes en conséquence, explique Martin Guimond, du pub de la rue Saint-Denis. Nous allons augmenter le prix et réduire nos marges. Mais les amateurs vont pouvoir continuer de l’apprécier. Comme un bon vin. »


Plus tard, les vacances scolaires?  -  JEAN-PASCAL BEAUPRÉ
Le mois de juillet est de plus en plus associé au temps maussade. Encore une fois cette année, dame Nature s’est attiré les foudres des Québécois: la pluie a maintes fois bousculé les plans des vacanciers.
Juillet a été moche : avez-vous rema rqué qu’on répète ce ref rain chaque année depuis quatre ans ? Lorsqu’on jette un c oup d’oei l au x données hi s tor iques d’Environnement Canada ou de Météomédia, on constate qu’une tendance est en train de se dessiner durant les deux semaines qui suivent la fin des classes au primaire et au secondaire : les journées à la fois chaudes et sans pluie ne sont pas légion ces dernières années.
Depuis 2006, entre le 25 juin et le 8 juillet, à peine 30% des journées ont franchi les 24° sans qu’on ait à sortir le parapluie, dans la région de Montréal. Pire encore, au moins six jours sur 10 ont été ponctués d’averses alors que les enfants commencent à goûter leurs premiers moments de vacances.
Les changements climatiques sont-ils responsables des précipitations fréquentes à la fin de juin et au début de juillet ? Que ce soit le cas ou non, la réalité est là: le temps est souvent pluvieux, et n’est pas exactement propice aux sorties avec les jeunes. Il fait souvent regretter aux parents de passer leurs vacances au Québec à cette période de l’année.
Par contre, on observe un autre phénomène intéressant : au cours des trois dernières années, la pluie est tombée deux fois moins souvent à la fin août et au début septembre qu’à la fin juin et au début juillet. Sans compter que le nombre de journées chaudes et ensoleillées a été de 10% plus élevé.
Alors, pourquoi ne pas déjouer dame Nature et envisager de repousser les vacances scolaires de deux semaines? Pour paraphraser Bernard Derome, il faudra vérifier si la tendance se maintient dans les années qui viennent. À commencer par les jours qui suivront le retour en classe à la fin août. Ce ne sera pas difficile à battre: seulement deux jours en deux semaines ont été superbes après la fin des classes cette année… et la pluie s’est manifestée dans 12 des 14 jours.
Bien sûr, en décalant les vacances scolai res, i l faut prendre garde de ne pas changer « une piastre pour quatre trente sous ». Mais, à première vue, l’été apparaît plus radieux dans sa dernière phase que dans sa première.
Évidemment, une mod i f icat ion du calendrier scolaire ne peut se faire en criant ciseaux et devrait être planifiée de longue haleine. Avant d’aller de l’avant, le gouvernement devrait s’entendre au préalable avec le corps enseignant, les professionnels et les employés de soutien. D’autres impacts, sur le transport scolaire notamment, devraient également être examinés avec soin. Une consultation des acteurs de l’industrie touristique serait également incontournable.

Mais en attendant de valider cette tendance, rien n’empêcherait la ministre Michelle Courchesne d’envisager cette piste de solution. Si les prochains étés sont le reflet des plus récents, les Québécois, et particulièrement les parents d’enfants d’âge scolaire, lui en seraient reconnaissants.



LA RENTRÉE : UN CASSE-TÊTE POUR LES COMMERÇANTS  -  Marc Tison
Vous croyez avoir des ennuis avec la liste d’articles scolaires de votre enfant ? Les commerçants se débattent tout autant, voire plus encore. Portrait d’une autre rentrée.
Pour les commerçants, la rentrée scolaire commence en hiver. C’est alors qu’ils doivent choisir et commander les articles que les parents s’arracheront – ou délaisseront totalement – en août suivant.

« Chaque mois de février, on tient une exposition dans un centre de congrès où les responsables de l’ensemble de notre réseau viennent faire leurs achats, décrit Alain Lafortune, premier vice-président achat et marketing chez Jean Coutu. On a des stands de rentrée scolaire et nos fournisseurs sont là. »
Mal heu r e u s e ment , les écoles ne produisent leurs listes de fournitures scolaires que quatre mois plus tard. « C’est sûr qu’on aimerait les avoir bien avant, car nos placements scolaires sont faits au mois de mars », déplore Bertrand Jobin, copropriétaire de la libraire Monic, à Pointe-aux-Trembles.
Il s’ensuit certains écarts entre la demande et l’offre, quand les bises d’automne sont venues. « On découvre les nouveautés et les modifications en même temps que tout le monde, ce qui cause des surprises », poursuit le libraire.
Un petit exemple ? L’école secondaire de son quartier avait coutume de demander la calculatrice Sharp 531W. « J’en vendais plus de 150. À un moment donné, un prof a voulu plutôt la TX30A de Texas Instruments. Je me suis réveillé avec 100 Sharp de trop. »
Le défi des gros : s’adapter au marché régional
Chez les bannières nationales, les acheteurs passent commande pour l’ensemble de la chaîne. Chez Bureau en gros, par exemple, tous les magasins ont sensiblement le même inventaire partout au Québec. « C’est pareil à 90 %, mais il y a de petites différences sur certains produits, précise Rudel Caron, directeur vente et exploitation pour le Québec. Chaque année, les magasins ont la possibilité de commander certains articles qui s’adaptent à leur marché. Dans le West Island, par exemple, les cahiers sont un peu différents. »
Les responsables des divers magasins peuvent faire part de leurs observations sur leur marché propre et les demandes de leurs clients. « On voit des petites améliorations d’une année à l’autre, constate Nathalie StPierre, directrice divisionnaire de la succursale de Greenfield Park. Par exemple, la boîte à lunch qu’ils ont sortie cette année était trop petite. On leur a fait le commentaire. Aux États-Unis et en Ontario, ils ne semblent pas vivre la même chose que nous. » Ici, décritelle, les parents cherchent des sacs à lunch spacieux, munis de nombreuses pochettes pour les collations du matin et de l’après-midi.
Une fois la poussière retombée, les chaînes font le retour sur la rentrée. « On se demande où on a manqué notre coup, explique Rudel Caron. Qu’estce qui était en demande cette année? Puis on s’adapte l’année suivante. Par exemple, les sarraus ont commencé à être en demande il y a deux ou trois ans, et maintenant, plusieurs magasins en ont. »
Le défi des petits : s’adapter à l’école voisine
Les petits commerçants l ocau x c omme la l i bra i - rie Monic doivent subir la concurrence féroce des grandes chaînes, qui réduisent les prix sur les articles les plus visibles : feuilles mobiles et cahiers, notamment. « C’est ridiculement peu cher, déplore Bertrand Jobin. Le volume d’affaires est élevé mais comme on vend tout à rabais, il y a peu de profits et c’est beaucoup de service et de taponnage. C’est aussi un risque financier parce qu’il faut commander beaucoup d’inventaires à l’avance. »
Parce qu’ils visent la clientèle locale, les petits commerçants doivent répondre au mieux aux demandes des écoles de leur quartier. « Ils demandent des choses très précises, quelquefois trop », constate le libraire.
Il cite la pâte à modeler odorante d’une marque précise, qu’une école primaire a exigée. Or, le fabricant, en difficulté financière, avait interrompu temporairement sa production. Bertrand Jobin l’a remplacée par une autre marque. « Et là, on a reçu un appel de l’école parce qu’ils font quelque chose
de spécial avec ça. » La pâte odorante servait aux exercices de reconnaissance des fruits à la maternelle.
Le produit fantôme
Grandes chaînes comme petits commerces font face à la même difficulté : « Les listes sont souvent mal faites », soutient Nathalie St-Pierre.
Le produit fantôme en est un exemple – numéro d’article incorrect, produit qui n’est plus vendu… « On se fait encore demander le duotang gris mais ça n’existe plus depuis des années, dit-elle. Les parents s’arrachent les cheveux. »
Rudel Caron, lui-même père de famille, suggère aux parents de ne pas s’inquiéter si cet indispensable duo-tang violet n’est pas disponible. Il est inutile de visiter trois magasins : les grandes chaînes distribuent à peu près les mêmes produits, assure-t-il. « Prenez le bleu pâle et inscrivez violet dessus », dit-il. De toute manière, tous les parents de la classe feront face au même problème et l’enseignant devra ajuster ses exigences au marché.
Sinon, ce sera un fournisseur de longue date qui disparaîtra. Les règles de plastique Buffalo, s pécif iées sur les l istes depuis Marguerite Bourgeoys, ont soudainement disparu du marché avec leur fabricant. « On est obligés de t rouver des équivalents », relate Bertrand Jobin. Et i l faut convaincre les parents que les 30 cm du nouvel objet sont bel et bien de longueur standard.
L’article-surprise
Soudainement et sans avertissement, un article inconnu l’année précédente devient indispensable. « Cette année, tout le monde a demandé les crayons Pentel effaçables à sec, affirme Bertrand Jobin. J’en ai commandé des quantités phénoménales de plus que l’an passé, et malgré ça, il a fallu se rabattre sur d’autres produits. Ça fait la même job, mais certains parents suivent la liste religieusement. »
Nathalie St-Pierre, sur la Rive-Sud, a dû elle aussi se débattre avec un article semblable. « Cette année, on nous a demandé un crayon à acétate avec une efface au bout. C’est nouveau, je ne sais pas qui fait ça mais il semble que les professeurs le connaissent et je vais essayer de les avoir pour l’année prochaine. »
Le lexique
Le très variable lexique scolaire est un autre obstacle aux communications entre commis et clients. « On est des guichets d’information, ce n’est pas évident, confie Nathalie St-Pierre. On engage des nouveaux chaque année et ils sont bien étourdis quand j’essaie de leur donner toutes les terminologies possibles de chaque produit. Et chaque année, il y a une école qui m’épate. »
Sa surprise de la rentrée : a c é t a t e . « On a t oujou r s appelé ça acétate ou acétate simple. Tout à coup apparaît feuille de plastique. On ne sait pas trop si c’est une feuille protectrice, un acétate, une pochette… »
Le fameux duo-tang – une marque de commerce – est sans doute le meilleur exemple. « Duo-tang, porte-foliotang, porte-folio à pochette, couvert de présentation, chemise de présentation à trois trous avec pochette : ils peuvent utiliser quatre mots différents d’une école à l’autre », critique Bertrand Jobin.
Même l’Office de la langue française en propose deux : classeur à attaches et reliure à attaches.
La nouvelle tendance
Chaque année, une nouvelle tendance s’installe, à laquelle il faudra répondre. Bertrand Jobin observe que pour couvrir les manuels scolaires, les parents délaissent de plus en plus les rouleaux de pellicule plastique. Ils leur préfèrent des j aquettes de plastique dans laquelle on glisse le volume. « C’est étonnant parce que c’est beaucoup plus cher. Mais c’est un souci d’économie de temps. »
Ou encore, sans rime ni raison, une couleur précise prendra la vedette. « Il y a deux ans, ils demandaient des cartables verts et bleus, poursuit-il. Cette année, c’est des cartables rouges. Je me suis fait vider et les fournisseurs sont en rupture de stock. Oubliez ça, les cartables rouges. »

C’est noté.

DES VENTES INESPÉRÉES
Aux États-Unis, les ventes d’articles de la rentrée en août ont chuté de près de 4% par rapport à la même période l’an dernier, qui elle-même avait fait piètre figure en comparaison des années précédentes. Les détaillants utilisent habituellement les ventes de la rentrée scolaire comme baromètre pour prédire celles des Fêtes, escomptant une constance dans l’humeur des consommateurs.


Circonspection, donc, pour les détaillants américains cet automne : devront-ils limiter les i nventaires, restreindre l’embauche?
Après les Fêtes, la rentrée est la période de l’année qui pèse le plus sur les finances des consommateurs, et par conséquent celle qui fait le plus tinter les caisses enregistreuses. Une enquête de la Banque Scotia, rendue publique cette semaine, montrait que les consommateurs canadiens entendaient dépenser en moyenne 310 $ pour la rentrée, autant que l’année dernière.
Ces intentions se concrétisent-elles dans les magasins ? « Malgré tout le contexte économique, on a eu une croissance des ventes, assez bonne d’ailleurs », constate Alain Lafortune, premier vice-président achat et marketing chez Jean Coutu. « C’est en augmentation sur l’an dernier. »
Même constat favorable chez Bureau en gros. « Le mois d’août s’est mieux passé que ce qu’on espérait et il y a beaucoup de gens qui n’ont pas encore fait leurs achats scolaires », indique Rudel Caron, directeur vente et exploitation pour le Québec.
Sur le terrain, toutefois, on observe une forte tendance à réutiliser les articles scolaires de l’année précédente. « Les gens ont recyclé beaucoup leurs articles scolaires, comparativement à l’année passée », indique Nathalie St-Pierre, directrice divisionnai re au magasin Bureau en gros de Greenfield Park.

Les vêtements pour enfants constituent l’autre poste de dépense important de la rentrée. « Depuis la rentrée des classes, je vois une augmentation », indique Richard Nault, propriétaire du magasin de vêtements L’aubainerie, à Pointe-auxTrembles. « Pas énorme, mais il y en a une. C’est un peu mieux que l’an passé quand on regarde les chiffres, mais pour moi, c’est beaucoup mieux, dans le contexte dans lequel nous sommes. C’est rassurant. »

GADGETS SCOLAIRES
Chaque rentrée voit apparaître une nouvelle fournée de gadgets pour impressionner les amis dans la cour d’école. La calculatrice en forme de Smar t i es ou de main, par exemple. Ou le stylo à tête de grenouille… Autre catégorie, les articles irrésistibles qui font fondre les filles. Citons la reliure avec impression floquée (avec du minou, quoi) et les sacs à l’effigie de Hannah Montana, personnage vedette de Walt Disney.



Les Canadiens veulent qu’Ottawa en fasse plus
Alors que Stephen Harper se prépare à entreprendre sa quatrième tournée dans l’Arctique, huit Canadiens sur 10 jugent que le gouvernement fédéral doit en faire davantage pour renforcer la souveraineté du Canada dans la région, révèle une étude que La Presse a obtenue.
Selon l’enquête commandée par le ministère de la Défense, plus de 65% des citoyens craignent les visées territoriales d’autres États comme la Russie ou les ÉtatsUnis sur l’Arctique canadien.
Ironie du sort, ces résultats sont révélés au moment où Moscou s’apprête à accomplir un geste symbolique dans le Nord. Cette semaine, l’armée russe a annoncé qu’elle souhaitait envoyer des soldats en parachute au pôle Nord en mai prochain afin de marquer le 60e anniversaire de l’atterrissage en parachute de deux scientifiques soviétiques.
Par ailleurs, les résultats tombent au moment où le premier ministre Harper s’apprête à entreprendre une visite de l’Arctique, du 17 au 21 août.
« Les Canadiens se préoccupent des enjeux du Nord depuis les années 1950 », a expliqué Joël Plouffe, spécialiste de l’Arctique à la chaire Raoul-Dandurand en études stratégiques et diplomatique de l’UQAM.
« En lisant le rapport, on peut toutefois constater que les Canadiens sont de plus en plus préoccupés par la question de l’Arctique. À mon avis, le sujet va prendre de plus en plus d’importance dans les prochaines campagnes électorales. »
Selon l’analyse, une majorité de Canadiens pensent que le gouvernement canadien devrait accroître le nombre de ses patrouilles dans le Nord.
Cette enquête a été menée l’hiver dernier auprès de 1450 résidants des provinces canadiennes et de 450 résidents des territoires du Nord. Des sondages au téléphone et des séances en groupe de discussion ont été réalisés. La marge d’erreur est de plus ou moins 2,6 points, 19 fois sur 20.


Charest patrouille le ciel de L.A.  -  Nicolas Bérubé
Démonstration des avions-citernes CL-415
LOS ANGELES — Jean Charest enlève son veston beige et grimpe à bord de l’hélicoptère Black Hawk du comté de Los Angeles. Le capitaine Tony Marrone, un homme solide à la mâchoire carrée, lui montre son siège.
À bord d’un hélicoptère Black Hawk, le premier ministre Jean Charest a pu observer les avions-citernes Bombardier CL-415 en action. Deux de ces avions sont loués au Québec chaque automne depuis 16 ans par le comté de Los Angeles, où les feux de broussailles sont de plus en plus fréquents.
« Vous avez la meilleure place à bord, M. le premier ministre ! » dit-il. Il montre du doigt le siège qui fait face à une grande ouverture dans le côté droit de l’appareil. En vol, il offre une vue non obstruée du ciel californien – et du sol, à plusieurs centaines de mètres.
Le premier ministre prend place, un sourire accroché aux lèvres. Le capitaine Marrone l’aide à boucler sa ceinture, sorte de pieuvre noire aux mu ltiples tent ac u les . L es autres passagers montent à bord, et quelqu’un referme les portes coulissantes. Le moteur démarre. Une vague odeur de kérosène remplit l’appareil.
But du voyage : observer les avions-citernes Bombardier CL-415 en action. Pilotés par des Québécois, deux de ces avions sont loués au Québec chaque automne depuis 16 ans par le comté de Los Angeles, où les feux de broussailles sont de plus en plus fréquents et dévastateurs.
Les Américains paient trois millions de dollars pour louer les CL-415 et leur équipage de 11 Québécois, experts dans l’entretien et le pilotage de ces bimoteurs uniques qui valent près de 30 millions pièce.
« Aujourd’hui, nous considérons que les pompiers québécois font partie de notre fa m i l le, note le c apit a i ne Marrone. C’est vous dire à quel point leur travail est apprécié pa r les pompiers d’ici. »
Attention aux motomarines
À travers les fenêtres du Black Hawk, les bâtiments de Los Angeles sont si petits qu’ils ressemblent aux circuits imprimés d’un ordinateur.
Le pilote fonce vers le nord, vers les montagnes de Santa Clarita. Au bout de 10 minutes, un immense lac apparaît au milieu des montagnes arides. C’est l’un des 12 points d’eau utilisés par les pompiers pour ravitailler les CL-415.
« Ces lacs sont populaires auprès des plaisanciers, explique le capitaine Marrone. Avant d’aller faire le plein, les CL-415 doivent communiquer avec les gardiens, qui font évacuer le lac. Il ne faut pas que des motomarines soient dans le chemin quand l’avion arrive. »
À notre droite, un avion jaune et rouge apparaît à l’horizon. Il file vers le lac de ravitaillement. L’avion ralentit. Bientôt, sa carlingue effleure le dessus des f lots à u ne vitesse de 130 km/h, laissant une longue traînée blanche. Après 12 secondes, l’avion reprend de l’altitude. Les pilotes pompiers sont prêts à relâcher 6000 litres d’eau.
L’avion décrit un arc audessus de la région. Au-dessus d’une crête, les réservoirs s’ouvrent. Un nuage blanc prend naissance sous l’avion. Des trombes d’eau frappent le paysage sec et mouillent une route désertée en contrebas. Les passagers de l’hélicoptère regardent la scène, médusés.
En route vers Hollywood
Le pilote de l’hélicoptère met le cap vers le sud. On su rvole bientôt les gratteciel du centre-ville de Los A ngeles . L’appa rei l s ’ap - proche ensuite des lettres « H ol ly wo o d », si h aute s qu’elles remplissent notre champ de vision.
« Incroyable. C’est à couper le souffle », murmure M. Charest, alors que le Black Hawk survole les vertes collines de Beverly Hills et les immenses villas qui y sont juchées.
« Il y a plus d’habitants à Los Angeles qu’au Québec au complet, dit-il, sondant le paysage du regard. C’est quand même quelque chose.»
De retour à la base de Van Nuys, M. Charest sert la main de l ’éq u ipa ge q uébé c oi s , et pose pour une photo de groupe. « S’il y en a qui ont des casiers judiciaires, c’est le temps de le dire », lance-t-il, pince-sans-rire.
De son excursion dans le ciel de Los Angeles, M. Charest dit retenir que les pompiers québécois accomplissent un travail essentiel et remarquable. Et que Los Angeles n’est sans doute pas un modèle de croissance à imiter pour le Québec.
« Comme Québécois, c’est impressionna nt de voir la densité de population. C’est à l’opposé de nos gra nds espaces. Et la place qu’occupe l’automobile est tellement importante ici... Je crois qu’on est bien chez nous. »