Langue
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Le gouvernement Marois rend facultatif l'apprentissage
de l'anglais intensif en 6e année primaire
L'opposition fustige le gouvernement Marois
Des bienfaits du bilinguisme...
Unilingual
anglophones least likely to value duality, poll finds
DES DOCUMENTS FINANCIERS EN ANGLAIS SEULEMENT?
UNE
ABERRATION
La
langue des sièges sociaux
Un
choix à faire
L’OBJECTIF INAVOUÉ
Préférable, mais non essentiel
Deux cas différents
Bilingualism needed? No for judges, yes for
auditors-general
Free-for-all
Les
langues de chez nous
Lettres
- La compétence des juges de la Cour suprême du Canada
Langue
- Le français en déclin, vraiment?
La carte de la peur
Le déclin du français
Le dilemme linguistique
Libre
opinion - Les vraies inquiétudes
Études
de l'Office de la langue française - Le français perd
toujours du terrain à Montréal
Lettres
- Recul des francophones à Montréal
Halte au recul
Lettres
- That's Montreal!
La leçon de français
Langue
française - Le glissement
« Just hire me! »
Du Canadien à la Caisse
Et si l'assimilation des Québécois n'était peut-être pas
pour demain, après tout ?...
Le gumbo au sirop d’érable
Le
prophète
de malheur
Et ne pourrions-nous pas nous fixer comme objectif de rendre
nos jeunes au moins bilingues ?...
Sondage
Léger Marketing-Le Devoir - Anglais: le Québec pour un
programme intensif
Une
méthode
très efficace
La
langue
de
chez
nous
Le
bilinguisme
essentiel
Gérard
Bouchard au Devoir - Tourner le dos à l'anglais serait
«criminel»
Une
nation
de
futurs
petits
salariés
«
PAS
UN
LUXE,
UNE
NÉCESSITÉ
»
« Le compte- gouttes, une perte de ressources et d’énergie
»
Brébeuf
etMarianopolis
s’échangeront
des
élèves
Incompatibles, l’anglais intensif et la réussite des
élèves ?
L’immersion
sous
la
loupe
des chercheurs
La
loi
101,
hier
et
aujourd’hui
An adult debate on language? Not yet
Christian
Paradis choisit l'école anglaise
De jeunes Québécois apostrophent Duceppe
Beaucoup plus de cours d'anglais
Consensus
on language needs modernizing
Anglos should challenge new school language law
Hardliners
crank up the emotion generator
Quebec’s English-language education bill is everyone’s
villain
Loi
103: les institutions anglophones se disent menacées
Legally clear and clearly absurd
Driven Montreal mom wins language fight
Sundered family a sign of what's to come
Family
of seven splits over Quebec language law
Enseignement
en anglais: St-Pierre veut protéger «l'image du Québec à
l'étranger»
La radicalisation linguistique de Pauline Marois
On respire par le nez (et en français)
La
bruxellisation de... Bruxelles!
Étude
- Faire son cégep en anglais, et risquer l'anglicisation
Linguistic
freedom for CEGEP students
Pauline
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La
loi
101
au
collégial?
-
Lysiane Gagnon
Le
PQ assujettirait les cégeps à la loi 101
Deltell
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Heureusement, il y a encore les garderies...
La
fenêtre
-
Rima Elkouri
Le retour du libre choix à l'école?
A
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Cour
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Cour
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Old myths about anglos die hard in Quebec
Les
mieux rémunérés au Québec ne sont plus ceux que l'on croit
Les
angoissés
de
la
langue
-
Alain Dubuc
Un
peu
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recul
-
André Pratte
La
vraie question
Anglais:
Curzi «joue les Cassandre», accuse St-Pierre
Anglicisation
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«alarmiste»
Vers
The
Province
of
Quebec?
No
Sir
-
Michèle Ouimet
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Une
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Handfield
Le Canada s’anglicise - Luc-Normand Tellier
La
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A
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La
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How
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Projet
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L'art
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-
André Pratte
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Punishing
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tour
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-
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Ecoles passerelles: Charest s'est couché devant la Cour
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Écoles
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-
Les
privilèges
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riches
-
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Bill
introduced to determine admission to English schools
Trois
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anglaise
Écoles passerelles - Surprenant appui du PLQ à une motion
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Can
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Écoles
passerelles: la ministre St-Pierre n'écarte pas le recours
au nonobstant
Un affront - ERIC CASAROTTO
Écoles passerelles: Québec pourrait recourir à la clause
dérogatoire
Pas si simple - André
Pratte
Advice
on language takes a hard line
«On ne doit pas être en mesure d'acheter des droits»
La loi 101 doit s'appliquer aux écoles passerelles, selon
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Mieux
que
renforcer
la
loi
101
-
André
Pratte
Les libéraux démontreraient-ils donc une petite tendance à
se moquer un peu de tout ce qui se peut se rattacher à la
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L'État et le français - Si lent
Et si l'on se mettait à réinvestir notre foi en le rêve du
bilinguisme ?...
English and French can live happily ever after - Globe
Editorial
Bilingualism
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Et si le bilinguisme du Canada n'était après tout
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Lettres
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Bilinguisme
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Nouveau-Brunswick
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Écoles
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Les
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Se pourrait-il que les Conservateurs ne se sentent
aucunement concernés par la promotion du bilinguisme au
Canada ?... Ou autrement dit, se pourrait-il que les
Conservateurs ne voient pas vraiment la nécessité de
réellement considérer le Québec en tant que peuple
fondateur ?...
La
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La
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Escarmouche à propos du bilinguisme des juges
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Écoles
passerelles: St-Pierre se défend de tergiverser
Craintes non fondées - Ronald Caza
Unanimes
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La
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Déçu,
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Chouinard
L'étrange
logique de la Cour suprême
Appui
unanime de la Chambre des communes - Malorie
Beauchemin
Bilinguisme
au Canada : Les universités ont un rôle à jouer
- Hugo de GrandPré
Le
NPD
relance un débat du Bloc - Malorie Beauchemin
La
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- RUDY LECOURS
LE
drame - CLAUDE PICHER
Voir aussi Test
de français plus difficile : Hécatombe en vue chez les
futurs profs
Voir Éducation...
Escarmouche
à propos du bilinguisme des juges - Hugo de
GrandPré
40 ans de la Loi sur les langues officielles :
LE FRANÇAIS PLUS FORT
Montréal,
les
immigrants
et
le
reste
du
Québec
- CLAUDE PICHER
Cégep
en anglais : Ma seule chance - Marie-Clode
Larocque
Concordia
- Les bébés sont naturellement bilingues!
Le
bilinguisme est bon pour les bébés !...
Défunt Programme de contestation judiciaire :
L’Université d’Ottawa obtient le mandat d’administration
- Hugo de GrandPré
L’anglais MARIO ROY
UNILINGUISME
Duceppe
et
Marois
se
portent
à
la
défense
de
Harel
Quel scandale ? - Gérald Larose
Fossoyeuses du français -
François Charbonneau
Le
Commissariat aux langues officielles veut analyser
la couverture médiatique
Une
paroisse anglophone se convertit... au français
État
du français au Québec : une question de feeling?
- ANDRÉ PRATTE
Léger
recul
du
français
au
Québec
Voir aussi LES
FRANCOPHONES
MANQUENT
À
L’APPEL
La
francophonie a 40 ans
Le
français progresse? Merci l'Afrique!
Francisation: 40% des allophones continuent de bouder les
cours
Sauver
une langue, un épisode à la fois
Respecter sa langue
Le
changement de l’orthographe
Mal
parlé, mal écrit
Une différence moins prononcée - RAPHAËL FISCHLER
La
bruxellisation de Montréal
Affaiblie, la loi 101 n'est plus d'aucune utilité
Le pire des séparatismes - Lysiane Gagnon
|
LE DEVOIR
Le
tout-à-l'anglais en Inde
THE GAZETTE
Official
Languages Act has served us well
Don't
legislate Supreme bilingualism
GLOBE AND MAIL
***
L'ACTUALITÉ
Cégeps anglophones : réformer
ou se dire « so what »?
Vive
la loi 101!
|
Loi modifiant la Charte de la langue
française
|
|
Le cégep ne change rien - Conrad Ouellon
Depui s plu s
i eu r s semaines, la question d’étendre au cégep l’obligation
de fréquenter un établissement de langue française est au
coeur de certaines discussions publiques. À ce sujet,
plusieurs arguments sont véhiculés dans les médias, dont deux
concernant les allophones qui paraissent inexacts.
Le premier prétend que les jeunes immigrants qui fréquentent
un cégep anglophone auraient davantage tendance à faire un
transfert linguistique vers l’anglais, c’est-àdire à adopter
l’anglais comme nouvelle langue d’usage à la maison. Le
deuxième argument affirme que la fréquentation d’un cégep
anglophone favorise l’insertion des immigrants dans les
sphères anglophones du travail et de la vie publique.
Ces arguments, bien que basés sur des données recueillies par
Statistique Canada lors des derniers recensements, ne brossent
pas un portrait exact de la situation. Certaines variables
auraient dû être prises en compte dans leur interprétation.
Mentionnons
l’origine des immigrants. Si, au lieu de comparer les
transferts linguistiques vers l’anglais des immigrants ayant
fréquenté un cégep, toutes origines confondues, nous les
regroupons par pays de provenance, par exemple les anglotropes
(allophones de langue maternelle non latine ou ne venant pas
de pays de la francophonie internationale) ou les francotropes
(allophones de langue maternelle latine ou venant de pays de
la francophonie internationale), nous obtenons des résultats
très différents.
En effet, on constate que la fréquentation d’un cégep n’a
pratiquement aucun effet sur les transferts linguistiques.
Bien que les données brutes de Statistique Canada démontrent
que les allophones qui ont fréquenté un cégep effectuent plus
souvent un transfert linguistique vers l’anglais, ce phénomène
n’est pas dû à la fréquentation d’un cégep de langue anglaise,
mais bien à leur origine. C’est ce facteur qui, dès le départ,
détermine s’ils seront plus sujets à fréquenter un cégep de
langue anglaise.
Cette même logique s’applique pour le second argument, soit
celui de la langue au travail. On constate effectivement que
la fréquentation du cégep a bien peu d’effet sur l’utilisation
du français ou de l’anglais au travail par les immigrants. Là
aussi, c’est leur origine qui semble déterminante.
Maintenant que nous avons fait le point concernant ces deux
arguments, la question que nous devons nous poser est la
suivante : comment convaincre ces immigrants anglotropes, qui
auraient tendance à intégrer les milieux scolaire et
professionnel anglophones, d’apprendre et d’utiliser le
français dans la vie commune publique au Québec? Là est le
véritable débat. Mais une chose est certaine, il est impératif
que les immigrants s’intègrent à la vie en français afin
d’assurer une meilleure cohésion sociale au Québec.
Appui unanime de la Chambre des communes -
Malorie Beauchemin
— La Chambre
des communes, à l ’ unanimité, appuie le Québec dans sa lutte
pour s’assurer que les i mmigrants acc ueillis su r son
territoire apprennent en premier lieu le français. Une motion
déposée par le NPD de Jack Layton, en réponse au revers subi
par Québec en Cour suprême sur la question de la langue
d’enseignement la semaine dernière, a reçu l’appui des quatre
formations politiques fédérales.
L’énoncé adopté st i pule que « la reconnaissance que les
Québécois forment une nation au sein d’un Canada uni comprend
notamment, pour le Québec, le droit de s’assurer que les
immigrants qui arrivent au Québec doivent apprendre le f ra
nçais d’abord et avant tout ».
« Une relique du passé »
Pour le lieutenant politique de Jack Layton au Québec, Thomas
Mulcair, le jugement de la Cour suprême, qui invalide la loi
104, rouvrant ainsi la porte à ce que des enfants d’immigrants
puissent accéder à l’école anglaise par le t r uchement
d’écoles-passerelles, est « une relique du passé » et une «
arme puissante » pour les partisans de la souveraineté du
Québec.
« Ce j
ugement donne la ca r te routière aux parents pour contourner
la loi 101 », s ’e st i nsurgé M. Mulcair, d’entrée de j eu,
la nçant le débat s u r s a motion à la Chambre des communes.
Le Bloc québécois a vivement a ppuyé l a mot i o n , profitant
de l’occasion pour r écla mer, à nouveau, que l e Québec s oi
t s o u s t r a i t à la loi ca nadienne sur le
multiculturalisme.
Du côté du Parti libéral, on a jugé que le NPD « défonçait des
portes déjà ouvertes », en présentant cette motion, ava nt de
f i nalement l ’a ppuyer. « Le Québec n’a pas besoin de la
Chambre des communes pour prendre en main sa destinée », a dit
le lieutenant québécois du PLC, Marc Garneau.
Quant au ministre de l’ Immigration, Jason Kenney, il s’est
contenté de dire qu’il é t a i t pr i mord i a l que les
immigrants qui arrivent au Canada apprennent une des deu x l a
ngues of f i c i el l e s , prioritairement le français au
Québec.
Le NPD espère maintenant qu’une telle motion unanime d’Ottawa
donnera des munitions à Québec pour sa réplique au jugement de
la Cour suprême et fera davantage réfléchir le plus haut
tribunal du pays lorsqu’il aura à nouveau à se pencher sur des
questions d’ordre linguistique touchant le Québec. Une telle
motion n’a toutefois pas force de loi.
Un affront - ERIC CASAROTTO
Lamise en
application de l’avis sur les « écoles passerelles »
mettrait en péril la paix linguistique
La population anglophone duQuébec se francise et les
néo-Québécois s’intègrent à l’éducation francophone.
Le Conseil supérieur de la langue française a récemment
soumis un avis au gouvernement du Québec. Il propose
l’application de la loi 101 aux écoles pr imai res privées
anglophones afin d’éliminer le phénomène des « écoles
passerelles », où l’élève pouvait faire la première année
et devenait admissible à l’éducation publique anglaise.
Le Conseil indique que « le nombre de personnes déclarées
admissibles à l’enseignement en anglais grâce à un passage
à l’école privée non subventionnée est passé de 628, en
1998, à 1379, en 2002 ». Ces chiffres semblent indiquer
une croissance importante, mais pris dans un contexte
élargi, ils démontrent un impact insignifiant dans le
secteur scolaire francophone, soit un dixième de
pourcentage (0,1%) des effectifs scolaires qui dépassent
le million.
Si l’avenir de la langue française s’évalue ainsi, il ne
reste guère d’espoir ! Il est donc clair que le problème
se situe dans la perception et non dans les chiffres. Une
analyse plus approfondie indique le contraire : la
population anglophone du Québec se francise et les
néo-Québécois s’intègrent de façon presque absolue à
l’éducation francophone. Le nombre d’élèves ayant obtenu
leurs certificats d’admissibilité à l’école anglaise
représente une goutte d’eau dans l’océan de l’éducation
francophone.
La communauté anglophone, représentant moins de 10% de la
population du Québec, s’intègre au fait français depuis
des années; 80% des jeunes anglophones âgés de 15 à 24 ans
sont bilingues, 40% des élèves du primaire et secondaire
sont inscrits dans un programme d’immersion et environ 20
000 jeunes, soit 21% de la population scolaire, sont
inscrits à l’école française.
Depuis
l’adoption de la loi 101, 90% des immigrants étudient dans
le secteur francophone. Le phénomène de l’assimilation
linguistique, bien amorcé, ne risque pas de s’inverser.
L’application de l’avis du Conseil pourrait mettre en
péril la paix linguistique. Le jugement de la Cour suprême
est perçu par la communauté anglophone comme un baume
palliatif pour un secteur éducationnel qui est en
décroissance depuis plus d’une génération. La commission
scolaire Lester B. Pearson, la plus grande commission
scolaire anglophone du Québec, a vu son effectif scolaire
diminuer de plus de 2300 élèves depuis 2005. L’application
de cet avis serait perçue comme un affront et il est
concevable que la communauté anglophone se mobilise.
La solution proposée par le Conseil pose une problématique
plus complexe. L’avis ne retient pas les instructions
claires de la cour, soit que le ministère de l’Éducation
doive tenir compte du cheminement de chaque élève dans
l’évaluation de son admissibilité à l’école anglaise. Il
faut conclure que la Cour suprême ne considérait pas
l’extension de la loi 101 comme une piste réaliste, sinon
cette option aurait fait partie intégrante de son
jugement. Ne pas en tenir compte ouvrirait la porte à de
plus amples procédures judiciaires. En plus de remettre en
question la paix linguistique, l’avis n’aurait aucun effet
mesurable sur la population scolaire francophone.
Un processus d’évaluation de chaque cas particulier
apparaît raisonnable si des critères définis s’appliquent.
Un nouvel élément, soit que l’élève ait fait trois ans
d’éducation au primaire en anglais, pourrait s’ajouter aux
conditions en vigueur lors de l’évaluation d’une demande
d’admissibilité. Cela éliminerait l’effet « passerelle »
et pourrait constituer une contrainte raisonnable et
réduire le nombre d’élèves admissibles à l’éducation
publique anglophone. Il est fort probable que les enfants
inscrits à l’école primaire privée y demeurent, évitant
ainsi le changement à mi-cycle.
Le gouvernement doit prendre position et éviter de
troubler la paix sociale et linguistique en se conformant
au jugement de la Cour suprême de manière juste et
équitable grâce à des moyens crédibles et pratiques. Comme
il n’existe pas de problème significatif mettant en péril
la langue française dans le système éducationnel, il est
donc impératif que sa décision soit guidée par les faits.
Craintes non fondées - Ronald Caza
Le jugement de
la Cour suprême n’ouvre pas la porte au retour du libre choix
linguistique en éducation
Le j ugement unanime de la Cour suprême au sujet des écoles
privées non subventionnées a fait couler beaucoup d’encre.
André Pratte le qualifie de « consternant ». Pour certains, il
claironnerait le retour du libre choix l i nguistique dans le
domaine de l’éducation. D’autres prétendent que la capacité de
l’Assemblée nationale d’assurer la pérennité de la langue f
rançaise aurait été amputée. Ces craintes sont sans fondement.
Il faut remettre les pendules à l’heure.
L’Assemblée nationale a adopté la loi 104 en 2002 afin de
modifier la Charte de langue française dans le but de répondre
aux inquiétudes face à la montée du phénomène dit des « écoles
passerelles ». Certains parents dont les enfants n’avaient pas
le droit à l’enseignement dans la langue de la minorité
inscrivaient ceux-ci dans une école privée non subventionnée
pendant un an ou moins afin de les rendre admissibles aux
écoles anglaises financées avec les fonds publics.
D’abord, la Cour suprême reconnaît que la Charte de la langue
française « constitue une loi d’une importance majeure au
Québec », que la langue française demeure menacée et doit être
protégée. Elle réitère que la Constitution de 1982 ne rétablit
pas le libre choix de la langue d’enseignement dans les
provinces.
Ensuite, la Cour suprême confirme le pouvoir de l’Assemblée
nationale de régler le problème des écoles qualifiées de «
passerelles ». Elle reconnaît que certaines écoles semblent
avoir été « créées dans le seul but de qualifier
artificiellement des enfants pour l’admission dans le système
d’éducation anglophone financé par les fonds publics ». Dans
ces cas, « on ne saurait affirmer que l’on se retrouve devant
un parcours scolaire authentique ».
Enfin, la
Cour suprême réitère que depuis 2005, l’admissibilité aux
écoles publiques de langue anglaise se détermine en procédant
à une évaluation qualitative globale du parcours scolaire d’un
enfant, en évitant une analyse strictement mathématique de ce
parcours qui ne se fonde que sur le temps passé dans les
écoles de la minorité. L’Assemblée nationale peut donc
interdire les parcours scolaires artificiels destinés à
contourner les objectifs de la Constitution.
Toutefois, la loi 104 interdit toute reconnaissance des
parcours scolaires qui se sont déroulés dans une école privée
non subventionnée. Ainsi, le temps qu’un enfant y a passé
n’est pas considéré du tout – ni qualitativement, ni
quantitativement – afin d’établir le droit de poursuivre des
études en anglais au Québec. La loi 104 a pour effet de
tronquer la réalité en créant un parcours scolaire fictif. Le
refus de prendre en compte les parcours scolaires dans les
écoles privées est total et sans nuance.
La loi 104 ne se contente donc pas de cibler les familles
ayant déjoué les règles bien établies limitant l’accès aux
écoles anglaises. La loi 104 prétend annuler le droit des
Anglo-Québécois ayant reçu toute leur instruction au Québec
dans une école privée non subventionnée de langue anglaise
d’inscrire leurs enfants dans des écoles privées
subventionnées. Les écoles privées non subventionnées ne
constituent pas des obstacles à la protection du français. En
effet, pratiquement aucun des élèves des 25 membres de
l’Association des écoles privées du Québec (AEPQ) n’a été mêlé
à ce qu’on appelle un « achat du droit ». La grande majorité
d’entre eux est passée d’une école primaire à une école
secondaire, au sein même du réseau de l’AEPQ.
La loi 104 n’apportait donc pas une réponse proportionnée au
problème des écoles « passerelles ». Les mesures adoptées
étaient excessives par rapport aux objectifs visés. La
solution retenue par l’Assemblée nationale en 2002 ne
constitue pas une atteinte mesurée aux droits des minorités,
car elle ne distingue pas entre les écoles passerelles et
celles qui ne le sont pas.
Il faut continuer à travailler ensemble pour protéger et
améliorer une société plurielle au sein de laquelle le
français constitue la langue commune. Assurons également la
pérennité des communautés de langue officielle. Ces objectifs
ne sont pas mutuellement exclusifs. Mais surtout, il faut
éviter de faire de la politique sur le dos des minorités
nationales du pays.
La Cour renvoie la balle à Québec - Hugo de
GrandPré
OTTAWA — La
Cour suprême a déclaré inconstitutionnels les changements
apportés à la loi 101 par le gouvernement Landry en 2002 pour
mettre fin au phénomène des écoles « passerelles ».
PHOTO ADRIAN WYLD, LA PRESSE
CANADIENNE
La Cour suprême a jugé
inconstitutionnels, hier, les changements apportés à la loi
101 par le gouvernement Landry en 2002 pour mettre fin au
phénomène des écoles « passerelles ». Dans les deux dossiers
qu’il était appelé à analyser, le plus haut tribunal du pays
a toutefois suspendu la décision pour une période d’un an.
Québec d é n o n ç a i t q u e des élèves majoritairement
allophones profitaient de ces écoles privées non
subventionnées pendant une courte période de temps pour
pouvoir ensuite faire le saut dans le système scolaire
anglophone subventionné.
Des familles avaient poursuivi le gouvernement, alléguant que
ces amendements étaient contraires à l’article 23 de la Charte
canadienne des droits et libertés, qui garantit aux citoyens
canadiens de recevoir leur éducation dans la langue officielle
de leur choix dans certaines circonstances, dont les cas où
ils ont déjà reçu la « majeure partie de leur éducation dans
cette langue ».
La Cour suprême leur a donné ra i son en principe, h i e r , d
a n s u ne dé c i s i o n u na ni me qui c onfi r me la
décision rendue par la Cour d’appel du Québec.
Dans les deux dossiers qu’il était appelé à analyser, le plus
haut tribunal du pays a toutefois suspendu la décision pour
une période d’un an.
Le juge Louis LeBel, qui a rédigé la décision, a noté que le «
choix politique » de Québec d’obliger tous les élèves sauf
exceptions à étudier en français dans la province était «
valide ».
Il a toutefois jugé contraire à la Charte canadienne des
droits et libertés la règle ajoutée à la loi 101 en 2002 selon
laquelle le gouvernement ne tiendrait pas compte du temps
passé par un élève dans une école privée non subventionnée
(EPNS) afin de déterminer si les études en anglais
correspondaient à la « majeure partie de leur éducation dans
cette langue ».
« La prohibition absolue de la prise en considération du
parcours scolaire dans une EPNS semble t r op draco - nienne
», a tranché le juge.
Réactions partagées
Les réactions quant à l’issue de cette cause qui dure depuis
sept ans ne se sont pas fait attendre. Le gouvernement du
Québec a promis de défendre la « primauté du français ». Les
partis souverainistes à Québec et à Ottawa ont dénoncé la
décision r endue pa r cet t e « cour d’une autre nation ».
Quant à l’avocat des familles qui ont i ntenté le recours,
Brent T yler, i l n’éta it pas entièrement satisfait. « Nous
sommes heureux en ce sens que la Cour a déclaré la législation
i nvalide. Mais nous sommes un peu préoccupés du fait que
maintenant, le dossier doit retourner au ministère de
l’Éducation », a-t-il déclaré.
« Ça a pris
sept ans pour obtenir ce jugement et maintenant, nous devons
repartir à zéro encore. »
La Cour suprême s’est prononcée sur deux dossiers dans cette
affaire. Dans le premier, celui de la famille Nguyen, les
juges ne se sont pas prononcés sur le droit de ces enfants
d’étudier en anglais au Québec, faute de preuve. Ils ont
plutôt renvoyé leur dossier – ainsi que celui de la vingtaine
d’autres familles qui s’étaient jointes au recours – au
gouvernement du Québec pour une nouvelle analyse en fonction
des critères à mettre au point dans la prochaine année.
Me T yle r a i nsi que les r eprésenta nts de c er t a i ns
intervenants, comme l’Association canadienne des écoles
indépendantes et l’Association des commissions scolaires
anglophones du Québec, ont dit souhaiter que le gouvernement
du Québec s’assoie maintenant avec eux pour repenser le
système.
« Nous e s pérons que la ministre va démontrer de la bonne foi
et gérer cela rapidement », a indiqué Brent Tyler.
Il a précisé que la situation des familles concernées à la
base par le litige avait beaucoup changé avec le temps.
Certains enfants ont déjà obtenu leur diplôme d’études
secondaires et d’autres ont quitté la province, a-t-il
souligné.
Stéphane Beaulac, professeur de droit à l’ Université de
Montréal, ne croit pas que le fait que la Cour suprême ait
ainsi renvoyé la balle au gouvernement du Québec créera un
cauchemar bureaucratique.
« Le cas par cas existe déjà, a-t-i l noté. La déliv r a nce
des certificats d’exemption à l’école publique en français,
c’est un système qui existe depuis le début de la loi 101.
Avec cette décision et quand la modification de l’a rticle 73
de la Charte de la langue française arrivera, on aura des
critères supplémentaires pour orienter le pouvoir
supplémentaire des fonctionnaires. »
Famille Bindra
Le second dossier, celui de la famille Bindra, est légèrement
différent du premier. La fille aînée de la famille avait été
déclarée admissible à l’éducation en anglais en vertu d’une
autorisation spéciale.
Or, ces autorisations spéciales, accordées par exemple pour
des motifs humanitaires, avaient aussi été visées par un
changement législatif en 2002. La constitutionnalité de ce
changement a été remise en cause par les parents de cette
jeune fille, qui souhaitaient aussi envoyer son petit frère à
l’école anglaise.
Dans ce cas-ci, les magistrats de la Cour suprême ont donné
droit aux demandeurs et permis à leurs enfants d’étudier en
anglais au Québec. Le juge Lebel a écrit que l’interdiction
touchant ces autorisations spéciales contrevenait à la Charte,
parce qu’elles éta ient « de nature à empêcher totalement le
regroupement des enfants d’une famille dans un même système
scolaire ».
Dans l’ensemble, le professeur Beaulac a dit croire que la
Cour suprême a rendu un jugement modéré. « Le juge LeBel a
vraiment pris le temps de bien expliquer, sauf que,
malheureusement, l’histoire est reprise trop rapidement par
les politiciens, qui déforment cet effort marqué et clair pour
ne pas rendre cette décision outrageante, eu égard aux
principes généraux de fédéralisme et de protection de la
langue française. »
Déçu, Québec ripostera... d’ici un an - Tommy
Chouinard
QUÉBEC — Déçu
du jugement de la Cour suprême, Québec envisage entre autres
d’assujettir à la loi 101 les écoles a nglophones pr i vées
non subventionnées. Ce serait un moyen d’éliminer le recours à
ces « écoles passerelles » pour c ontou r ner la l oi et
obtenir le droit d’accéder au réseau anglophone f i nancé par
l’ État.
La ministre responsable de la Charte de la langue française,
Christine St-Pierre, a confirmé hier que c’est l’un des
scénarios à l’étude. « Nous avons demandé des avis juridiques
sur cette hypothèse », a-t-elle affirmé lors d’un point de
presse.
Aucune décision n’a toutefois été prise. « Nous allons
analyser toutes les possibilités », a indiqué la ministre, se
gardant de préciser quels sont les autres scénarios.
Les « écoles passerelles »
Le gouvernement Charest entend utiliser le temps que lui
alloue la Cour suprême – jusqu’à un an – pour trouver un autre
moyen que la loi 104, déclarée inconstitutionnelle, afin de
colmater l a brèc he da ns l a Charte de la langue française.
Des parents anglophones et allophones contournent l a loi 101
en envoyant leur enfant dans une « école passerelle » pendant
une courte période de temps pour ensuite réclamer le droit de
f réquenter le réseau régulier de langue anglaise.
Québec ne peut recourir à la clause dérogatoire pour interdire
cette pratique. Comme le prévoit la Charte canadienne des
droits et l ibertés, une province ne peut se soustraire aux
obligations de l’article 23 garantissant le « droit à
l’instruction dans la langue de la minorité ».
« Le gouvernement va prendre le temps qu’il lui faut pour
étudier ce jugement, a affirmé le premier ministre Jean
Charest. On va travailler avec tous les parlementaires pour
arriver à une solution qui est le reflet de nos valeurs
québécoises. Ça i nclut, au premier rang, la primauté du
français. »
M. Charest a souligné que, selon la Cour suprême, « l’objectif
législatif » du gouvernement – protéger la langue f ra nçaise
dans l ’enseignement – est « valide ».
Pour quelques
dollars
La chef du Parti québécois, Pauline Marois, demande au
gouvernement d’ajouter à la Charte québécoise des droits u ne
c l ause i nter prét a t i ve a f i n d’assurer la primauté du
français, ce que celui-ci a refusé jusqu’ici. Elle propose
également que la loi 101 s’applique aux « écoles passerelles
».
La décision du plus haut t ribunal du pays a ranimé le débat
linguistique à l’Assemblée nationale. « La Cour suprême vient
d’ouvrir une brèche dans la protection de l a l a ngue f r a
nçaise, puisqu’elle va permettre, pour n’importe quel
francophone ou a l l ophone, pour quelques millier s de dol l
a r s , d’échapper à la loi 101 et de s’acheter une éducation
en anglais pour ses enfants et toute sa descendance », a lancé
Pauline Marois lors de la période des questions.
« La Cour suprême, cour n o m mé e p a r u n e a u t r e
nation , vient cha rc uter encore une fois un i nstrument
fondamental pour la nation québécoise », a-t-elle ajouté, un
discours repris par le chef bloquiste Gilles Duceppe à Ottawa.
Charest choqué
Cette remarque a fait bondir le premier ministre Jean Charest.
Mme Marois « interprète cette affaire-là sous la lorgnette du
Parti québécois. Elle affirme une chose qui, franchement, est
choquante, à savoir que la Cour suprême est la cour d’une
autre nation », a-t-il affirmé au cours d’un débat houleux. M.
Charest a rappelé que la Cour d’appel du Québec avait d’abord
invalidé les dispositions de la loi 104, adoptée à l’unanimité
sous le gouvernement Landry en 2002.
La chef péquiste a accusé le premier ministre de défendre les
juges de la Cour suprême plutôt que la langue française.
Fixant son adversaire d’un air grave, Jean Charest a dit avoir
l ’ i ntention de « combattre avec toutes (ses) forces ceux et
celles qui cherchent à créer de la chicane » à des fins «
partisanes ».
Pour Pauline Marois, la décision de la Cour suprême risque de
ranimer les tensions linguistiques. « Si le gouvernement ne
réagit pas rapidement, il y a toujours des risques de dérapage
quand on parle des questions linguistiques. C’est fragile,
c’est sensible. Chaque fois qu’on se retrouve devant les
tribunaux supérieurs, c’est toujours pour en perdre un
morceau, pour un peu reculer. Et ça, ça ne peut pas faire
autrement que de heurter les francophones. »
Les universités ont un rôle à jouer - Hugo de
GrandPré
Bilinguisme
des employés de la fonction publique fédérale
OTTAWA — L’État économiserait une fortune en formation
linguistique si les universités et les Canadiens prenaient
plus au sérieux l’apprentissage des deux langues officielles,
estime le commissaire aux langues officielles, Graham Fraser.
Le
commissaire aux langues officielles, Graham Fraser, compte
faire de l’apprentissage des deux langues officielles dans
le cadre de la formation postsecondaire l’un de ses
principaux chevaux de bataille pour les années à venir.
Dans une entrevue-bilan sur la première partie de son mandat,
M. Fraser a déclaré à La Presse qu’il comptait désormais
encourager un changement des mentalités à cet égard au Canada.
Le commissaire aux langues officielles estime que pour éviter
de froisser les susceptibilités régionales, Ottawa a trop
insisté sur le fait que la Loi sur les langues officielles ne
visait que les services offerts par le gouvernement.
L’un des résultats, et non le moindre, souligne M. Fraser :
depuis l’adoption de la loi, il y a 40 ans, c’est trop souvent
le gouvernement fédéral, donc les contribuables, qui, au bout
du compte, ont assumé la facture pour la formation de
fonctionnaires.
« C’est triplement cher, a-til fait remarquer. D’abord, ça
prend beaucoup plus longtemps de faire en sorte qu’un employé
devienne bilingue à 50 ans qu’à 20 ans. Deuxièmement, il le
fait à plein salaire. Et troisièmement, il y a le coût de
remplacement quand cette personne sort de son emploi pour
suivre un cours de formation. »
« Si les universités et les individus assumaient un peu de
cette responsabilité de l’importance du bilinguisme individuel
dans le contexte du plus grand employeur du Canada, ce serait
beaucoup plus efficace », juge-t-il.
Le Commissariat aux langues officielles publiera d’ici un mois
le rapport d’une étude dans lequel il dressera une série de
recommandations tant pour les gouvernements provinciaux et
fédéral que pour les universités elles-mêmes.
Il mettra aussi en ligne en même temps un site web qui
fournira des informations aux étudiants de niveau
postsecondaire sur les possibilités de programmes et de
formations linguistiques.
De l’avis de
Graham Fraser, ces efforts sont à ce stade-ci plus que
nécessaires. « Il y a un renouvellement dramatique de la
fonction publique », a-t-il dit.
« Chaque année, pendant au moins 10 ans, il y aura entre 12
000 et 15 000 emplois qui vont s’ouvrir au gouvernement
fédéral – dont 5000 emplois de postes bilingues –, parce qu’il
y a toute une génération de baby-boomers qui prennent leur
retraite. »
Nouveau combat
Cela fait trois ans aujourd’hui que M. Fraser a été nommé
commissaire aux langues officielles, pour un mandat de sept
ans. La préparation pour les Jeux olympiques et la lutte pour
la survie du Programme de contestation judiciaire sont parmi
les enjeux qui ont marqué la première partie de son mandat. Il
compte faire de la formation postsecondaire l’un de ses
principaux chevaux de bataille pour les années à venir.
Certaines statistiques lui donnent des munitions. Le
recensement de 2006 a en effet révélé qu’à l’extérieur du
Québec, la connaissance du français stagne ou diminue chez les
jeunes adultes anglophones. Certains semblent même en perd r e
en vieillissant.
Selon Statistique Canada, 14,7 % des jeunes anglophones de 15
à 19 ans étaient bilingues en 2001. « En 2006, alors que
ceux-ci avaient cinq ans de plus (de 20 à 24 ans), seulement
12,2 % se déclaraient bilingues », ajoute-t-on dans le rapport
du recensement.
Le Québec est la province la plus bilingue du Canada. En 2006,
plus du tiers des francophones (36 %) et plus des deux tiers
des anglophones (69 %) se disaient bilingues.
Mais la bataille n’est pas gagnée d’avance, estime le
commissaire Fraser. « C’est un défi réel, qui dépasse la
tradition que l’on a maintenue depuis 40 ans. »
Le NPD relance un débat du Bloc - Malorie
Beauchemin
OTTAWA —
Affirmant vouloir défendre les droits des travailleurs, le NPD
s’immisce dans un débat cher au Bloc québécois : forcer les
entreprises de compétence fédérale implantées au Québec à
respecter la loi 101. Le chef adjoint et seul député québécois
du NPD, Thomas Mulcair, a déposé hier un projet de loi
modifiant le Code canadien du travail pour y inclure le droit
de travailler en français au Québec.
En juin dernier, le Bloc québécois avait mordu la poussière
aux Communes avec un projet de loi similaire, déposé en
février. Conservateurs et libéraux avaient alors reproché aux
amendements proposés de brimer les droits de la minorité
anglophone du Québec et des francophones du reste du Canada.
Les médias anglophones aussi avaient protesté.
C’était la deuxième tentative du Bloc québécois de faire
imposer le français aux banques, aéroports, compagnies de
télécommunications, bureaux de Postes Canada et autres
entreprises de compétence fédérale qui font affaire au Québec.
Le Bloc évalue qu’il y a entre 200 000 et 250 000 travailleurs
qui ne sont pas couverts par la Charte de la langue française.
Mais contrairement aux projets de loi bloquistes, le texte
déposé par le NPD ne propose pas de modifier la Loi sur les
langues officielles.
«On est en train de créer un nouveau droit au Québec. On
n’enlève rien aux francophones hors Québec, a souligné M.
Mulcair. Pour ce qui est des anglophones du Québec, j’en suis.
Demandez-leur de trouver dans cette liste quelque chose qui
vient brimer leurs droits. Je ne vois rien. »
Le projet de
loi néo-démocrate précise d’ailleurs que les exigences prévues
(offres d’emploi, conventions collectives, communications
rédigées en français, droit d’exercer ses activités en
français), «n’ont pas pour effet d’exclure une langue autre
que le français ; l’usage de cette autre langue ne doit
cependant pas l’emporter sur l’usage du français».
« C’est tellement net, clair et précis que j’ai l’impression
que le gouvernement conservateur va avoir du mal à trouver un
prétexte pour ne pas l’appuyer », a jugé M. Mulcair. Il estime
que ce serait une façon, pour le gouvernement conservateur, de
faire un « geste concret pour la reconnaissance de la nation
québécoise ».
L’appui éventuel du gouvernement conservateur est toutefois
loin d’être acquis. «La loi fédérale sur les langues
officielles s’assure déjà de protéger la langue française au
Québec», s’est contenté de répondre Deirdra McCracken,
porte-parole du ministre responsable des langues officielles,
James Moore.
Même son de cloche chez les bloquistes, qui estiment que le
projet de loi néo-démocrate pourrait ne pas aller assez loin.
«Si ça se limite à avoir le droit (de travailler en français),
ça existe déjà en vertu des deux langues officielles. Ce n’est
pas ça que l’on demande. C’est que la langue de travail soit
reconnue comme étant le français, a dit le chef du Bloc,
Gilles Duceppe. On va étudier attentivement le projet. Si ça
va dans la bonne direction, on n’a pas de problème à
l’appuyer.»
Du côté des libéraux, on doute qu’une telle modification au
Code du travail puisse se faire sans heurter les droits des
anglophones. «Si ça peut faire avancer le fait français au
Québec sans porter atteinte aux droits des minorités soit
anglophones au Québec ou francophones ailleurs, on va
l’appuyer, a dit le critique libéral Pablo Rodriguez. Mais ce
n’est pas garanti. On doit voir ce qu’il y a là-dedans.»
La méconnaissance des langues officielles coûte cher
- RUDY LECOURS
La maîtrise
médiocre de l’anglais ou du français est la grande responsable
de l’appauvrissement des nouveaux immigrants et de la
sous-utilisation de leurs compétences.
Depuis 25 ans, leur bienêtre économique se détériore, déplore
Craig Alexander. Dans une nouvelle étude intitulée Litteracy
Matters : Helping Newcomers Unlock Their Potential ( La
littératie compte pour aider les nouveaux arrivants à libérer
leur potentiel), l’économiste en chef adjoint du Groupe
financier Banque TD constate que la nonmaîtrise d’une des deux
langues officielles est une lacune sérieuse chez bon nombre de
nouveaux immigrants. « Cela diminue leurs résultats sur le
marché du travail », déplore-t-il, et représente une perte
annuelle de 3,4 à 5 milliards de dollars pour l’économie
canadienne.
M. Alexander constate que la situation de l’immigrant, sur qui
repose le gros de la croissance démographique du Canada, se
détériore. S’appuyant sur les données des recensements et de
l’Enquête sur la population active réalisés par Statistique
Canada, l’auteur constate qu’un nouvel i mmigrant (moins de
cinq ans) gagnait 85 cents pour chaque dollar empoché par un
Canadien de naissance durant les années 70. Ce n’est plus que
66 cents.
Avant, l’écart
de revenu était comblé au bout d’une à deux décennies.
Désormais, « le faible niveau initial signifie que l’écart va
se prolonger plusieurs années durant ».
À quoi cela est-il dû ? La réponse de l’auteur est sans
équivoque : à la connaissance médiocre d’une ou de l’autre des
langues officielles, ce qu’on appelle un faible degré de
littératie. Cela vient du fait que les pays d’origine des
nouveaux arrivants ont beaucoup changé au fil des ans.
En 1981, 53 % des immigrants n’avaient ni l’anglais, ni le
français comme langue maternelle. C’est désormais 80 %. Près
de six immigrants sur dix venaient d’Asie en 2006, contre à
peine 12 % en 1981.
La barrière
linguistique compromet l’utilisation optimale des compétences
des immigrants. «Sans maîtrise adéquate de l’anglais ou du
français, leurs études et leur expérience professionnelle ne
seront ni reconnues ni mises en valeur convenablement »,
déplore-t-il.
Cela est d’autant plus coûteux que le gros des nouveaux
arrivants est plus instruit que les Canadiens de naissance.
Plus de la moitié de ceux qui sont arrivés entre 2001 et 2006
détiennent un diplôme universitaire, comparativement à 20%
pour les nés ici. Selon une analyse du recensement de 2006, le
quart des immigrants avec un diplôme universitaire détenait un
emploi ne requérant que des études secondaires. « Pire,
l’écart de revenus entre des immigrants et des Canadiens de
naissance avec des diplômes d’études postsecondaires est
encore plus grand que celui entre ceux qui ne possèdent pas de
tels diplômes », se désole M. Alexander. Bref, détenir des
qualifications ou des diplômes ne permet pas d’échapper à la
pauvreté initiale associée au changement de pays.
En revanche,
la maîtrise d’une des deux langues officielles le facilite.
Plus la maîtrise est grande, meilleures sont les chances
d’occuper un emploi et de gagner davantage.
Voi l à pourquoi l ’auteur préconise la mise sur pied de
programmes d’apprentissage des langues officielles dont les
résultats pourraient être comparables sur une base
quantitative. De nombreuses initiatives tant publiques que
privées existent au pays, mais on ne peut les comparer ce qui
compromet leur utilité. « Il faut encourager les décideurs
politiques à faire de la collecte et de la compilation de
données sur la littératie un investissement prioritaire », dit
l’auteur.
LE drame -
CLAUDE PICHER
Du débordement
des urgences au délabrement du réseau routier montréalais, du
taux de suicide chez les jeunes garçons aux finances publiques
malades en passant par le fléau du décrochage scolaire au
secondaire, il ne se passe pratiquement plus une journée sans
que les médias nous tracent un portrait de plus en plus
déprimant du Québec d’aujourd’hui.
Pourtant, il est une plaie qui, à mon avis, transcende tous
ces problèmes: le peu d’estime que les Québécois portent à
leur propre langue.
Ainsi, dans La Presse d’hier, ma collègue Marie Allard nous
apprenait que les f uturs enseignants sont plus nombreux que
jamais à échouer à leurs tests de français. Il est vrai que le
nouveau Test de certification en français écrit pour
l’enseignement ( TECFEE) est plus difficile qu’avant.
Pourtant, si on en juge par les deux exemples de questions
publiées hier dans La Presse, le test n’a rien de compliqué.
Il suffisait de relever une grossière erreur de syntaxe et
d’identifier correctement un complément direct. J’ai beaucoup
de difficulté à croire que des étudiants au baccalauréat en
éducation sont incapables d’y arriver. C’est pourtant la
réalité. La dramatique réalité. Encore plus fort : Marie
Allard a repéré quelques questions représentatives, et elle a
choisi, croyez-le ou non, de publier... les deux plus
difficiles !
Déjà, avec les
anciens tests, les résultats des futurs étudiants en
enseignement étaient catastrophiques : taux d’échec de 48 % à
l’ Université de Montréal ! Avec l’avènement du TECFEE, on
peut s’attendre à une « hécatombe » (le mot est de ma
collègue, et il n’est certainement pas exagéré).
Cette nouvelle est assez épouvantable, mais pas très
surprenante. Je reçois une couple de centaines de courriels
par semaine. Il est impossible de répondre à tout le monde,
mais je me fais un point d’honneur de les lire tous. Les
fautes de français pullulent, y compris chez les
professionnels, les étudiants et même, ô horreur, chez les
professeurs d’université.
Ce laxisme généralisé risque de nous coûter fort cher.
Un peuple qui ne sait pas communiquer est condamné à la
déchéance économique. C’est plus vrai aujourd’hui que jamais.
Les frontières tombent, le commerce international atteint un
volume sans précédent, les technologies de l’information et
des télécommunications connaissent un essor foudroyant,
l’avenir appartient à l’économie du savoir.
Dans ce monde qui
évolue à toute vitesse, près de quatre jeunes Québécois sur
dix se lancent dans la vie avant même d’avoir terminé leur
secondaire. C’est la tragédie du décrochage, déjà assez
épouvantable en soi. Quand on sait qu’en plus, une forte
proportion d’aspirants aux études universitaires est incapable
de réussir un test élémentaire de français, il y a de quoi
s’arracher les cheveux.
Rien ne fait plus mauvaise i mpression qu’une l et t r e
bourrée de fautes. Parlez-en à n’importe quel directeur des
ressources humaines, dans n’importe quelle entreprise : entre
deux curriculum vitae, l’un écrit en bon français, l’autre
avec des fautes, c’est toujours le premier qui l’emporte.
Une fois entré sur le marché du travail, le nouvel employé
peut être appelé à une foule de choses : visiter des clients,
participer à des réunions, écrire des notes de service,
prendre des commandes au téléphone, convaincre, discuter.
Mieux il saura s’exprimer, plus grandes seront ses chances de
promotion ou d’augmentation salariale.
C’est aussi vrai pour les entreprises. Une récente étude de
HEC Montréal montre que la mauvaise qualité de la langue, sur
les étiquettes ou la documentation accompagnant un produit,
influence négativement le client potentiel. Pour le
consommateur, les fautes de français dénotent « un manque de
professionnalisme, de sérieux, ou même de considération pour
les clients ».
Ce n’est pas
tout. De nos j ours, le français ne suffit plus. Là aussi, les
meilleurs emplois, les défis les plus stimulants,
appartiendront de plus en plus aux personnes bilingues, voire
trilingues.
Or, tous les experts s’entendent sur ce point : mieux on
maîtrise sa langue maternelle, plus c’est facile de bien
appendre une langue seconde.
En massacrant le français comme ils le font trop souvent, en
négligeant leur syntaxe et leur orthographe par paresse ou
parce qu’ils pensent que ce n’est pas i mportant, en
s’enfermant dans leur jargon joualisant, les Québécois ne font
pas seulement preuve de mépris envers eux-mêmes, ils se
condamnent à de bien pauvres lendemains.
Je ne peux m’empêcher de conclure en empruntant une citation à
l’a nthropologue Serge Bouchard : « Si vous croyez que
l’éducation ne sert à rien, essayez donc l’ignorance ! »
LES FRANCOPHONES MANQUENT À L’APPEL - Marie Allard
Les allophones
sont désormais plus nombreux que les francophones
dans les écoles publiques de l’île de Montréal
Il y a désormais moins d’enfants francophones qu’allophones dans
les écoles publiques de l’île de Montréal. Et, encore jamais vu
: plus de 20 % des élèves sont nés à l’étranger. Les facteurs
qui expliquent ces changements sont nombreux, tout comme les
défis qui en découlent.
Pou r la prem ière f ois , l e n o m b r e d ’é l è ve s
allophones a surpassé celui des francophones dans les écoles
publ iques de l’île de Montréal, a appris La Presse. « La
majorité est comme inversée, a dit hier Dominique Sévigny,
auteur du P or t ra it so c io c u lt u rel des élèves inscrits
dans les écoles publiques de l’île de Montréal au 30 septembre 2
0 0 8 . C ’est u ne tenda nce lourde, qui devrait se poursuivre
à moins qu’il arrive quelque chose de majeur au niveau de
l’immigration. »
PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE
Ces enfants fréquentent l’école de la
Petite-Bourgogne, où la langue maternelle la plus commune est
le bengali (celle de 97 enfants). Suivent le français (langue
maternelle de 96 enfants), l’anglais (56 enfants), l’arabe (45
enfants), l’espagnol (21 enfants), le tamoul (21 enfants) … et
une trentaine d’autres langues.
En 2008, à peine 39 % des élèves des écoles primaires et
secondaires étaient de langue maternelle fra nçaise. « Ce taux
chute graduellement, au moins depuis 1998 », a indiqué M.
Sévigny. Quant à la proportion d’élèves de langue maternelle
autre que le français ou l’anglais, en consta nte aug mentation
, el le a at tei nt 39, 5 % . L e pa rt d’élèves a nglophones
stagne autour de 22 % (ces données incluent les écoles
anglaises).
L’une des causes de cette nouvelle réalité : la hausse du nombre
de jeunes immigrants. Près de 38 000 élèves des écoles de l’île
éta ient nés à l’étranger en 2008, soit 5000 de plus qu’en 2005.
Ils forment désormais 20,63 % de la population scolaire, du
jamais vu. « Il y a une accélération de leur croissance », a
souligné le chercheur du Comité de gestion de la taxe scolaire
de l’île de Montréal.
Leurs principaux lieux de naissance étaient l’A lgérie (2 ,1 %
de t ous le s élève s de l’île y sont nés), Haïti (1,6 %), le
Mexique (1,3 %) et les É tats-Un is (1 , 2 %), le pourcentage
d’élèves nés dans ces deux derniers pays s’étant accru en 2008.
Moins de 4 0 %
des élèves étaient nés au Québec, comme leurs deux parents. L es
autres éta ient nés au Québec de deux parents nés à l’étranger
(23,1 %, ce taux plafonne depuis 2005), nés au Québec dont un
parent est né à l’étranger (9,9 %) ou nés ailleurs au Canada ou
dont les deu x pa rents sont nés ailleurs au Canada (2,4 %).
Concentration ethnique très forte pour 60 écoles
L’é c o l e la plu s mu ltiethnique de l’île est toujours le pav
i l lon Héber t , da n s l’arrondissement de SaintL au rent .
Tou s s e s élève s (100 %) sont nés à l’étranger ou nés ici de
deux parents venus d’ailleurs. Fait nouveau, un total de 59
écoles de l’île comptent 75 % ou plus d’élèves « issus d’autres
cultures », 10 de plus qu’en 2007. Or, des effets négatifs
peuvent appa raître qua nd la concentration eth n ique est très
forte, atteignant ce seuil de 75 %, selon Marie Mc A ndrew,
professeure à l’Université de Montréal.
Ma lheu reusement, plus l’immigration de sa famille est récente,
plus un élève est susceptible de résider dans une zone
défavorisée. C’est le cas de 46,1 % des élèves nés à l’étranger,
en légère baisse de 1 % par rapport à l’année précédente.
« Pa rc-E xtension est u n quartier d’accueil des nouveaux
immigrants qui ont peu de moyens, a illustré M. Sévigny. Quand
ils ont plus de moyens, ils quittent habit uel lement pou r de s
qua rtiers moi ns défavorisés. » D’autres immigrants les
remplacent alors. « Il y a u ne rotation , a recon nu le
chercheur, et ç’a un effet probablement négatif sur la cohésion
sociale. »
Une tendance qui devrait durer - Catherine Handfield
Augmentation du
nombre d’immigrés, taux de natalité plus élevé, concentration
des nouveaux venus à Montréal, fuite des familles francophones
vers les couronnes : les causes de l’augmentation du nombre
d’élèves allophones dans les écoles publiques de l’île de
Montréal sont nombreuses. Et les défis qui en découlent, bien
réels.
Pour la
première fois, la proportion d’élèves nés à l’extérieur du
Canada a franchi le cap des 20 % dans les écoles publiques
francophones et anglophones de Montréal. En 2008, 37 957
élèves (ou 20,63 %) étaient nés à l’étranger.
Michel Paillé, démographe spécialisé en linguistique, n’est
guère étonné des résultats de l’étude du Comité de gestion de la
taxe scolaire, qui démontre que les allophones ont surpassé les
francophones dans les écoles publiques de l’île. « C’est une
tendance qui s’installe depuis plusieurs années et qui devrait
durer », note M. Paillé.
Première explication : les nouveaux arrivants ont des familles
plus nombreuses. Selon les données du recensement de 2001, les
femmes a l lophones qu i habitent l’île de Montréal donnent
naissa nce à 1,7 en fa nt en moyenne, soit 30 % de plus que les
francophones.
Non seulement les immigrés ont-ils plus d’enfants, mais ils sont
également plus nombreu x qu’ava nt , note Marie McAndrew,
titulaire de la chaire du Canada sur l’éducation et les rapports
eth n iques de l ’ Un iver sité de Montréal. Québec vise à
obtenir 55 000 nouveaux i m m igra nts en 2 010 , soit 40 % de
plus qu’il y a 10 ans. Qui plus est, le gouvernement favorise
l’immigration des fa m illes, précise M m McAndrew.
L es nouveau x a r riva nts s’installent en grande majorité à
Montréal, ajoute Michel Paillé, ce qui est dû, à son avis, aux
faibles politiques de régionalisation du gouvernement. À
l’opposé, les familles de francophones « de souche », elles, ont
de plus en plus tendance à s’installer en banlieue pour élever
leurs enfants, ajoute M. Paillé.
Dernier facteur : les francophones et les anglophones sont plus
nombreux que les allophones à étudier dans le réseau privé. «
Écoles publiques et privées confondues, les élèves francophones
et anglophones sont encore plus nombreux que les allophones su r
l’ île », précise M ichel Paillé.
Des défis
Les écoles publiques de l’île de Montréal accueillent depuis
plus de 15 ans une forte clientèle de nouveaux arrivants. Ces
élèves y sont généralement bien intégrés, estime Rachida Azdouz,
spécialiste des relations interculturelles à l’Université de
Montréal.
La constante augmentation des allophones pose tout de même
certains défis, dont la forte concentration de nouveaux
arrivants dans certaines écoles. Une situation qui nuit à leur
intégration à la société québécoise, estime Mme Azdouz. « Qui
intègre qui ? se demande-t-elle. Il faut préserver un bassin de
francophones pour permettre la socialisation des nouveaux
arrivants allophones. »
Les écoles publiques et la société en général ont encore un «
énorme travail à faire » pour intégrer les parents à la déma
rche d’intégration de leurs enfants, ajoute Mme Azdouz. « Si les
parents n’y sont pas associés, ils risquent de perdre leur
sentiment de compétence », dit-elle.
D’ailleu rs, les défis liés aux nouveaux venus sont au coeur de
la nouvelle planification stratégique 2010-2014 de la Commission
scolaire Ma rguerite-Bourgeoys. Sa présidente, Diane LamarcheVe
n n e , e x pl iq u e q u e la com m ission scola i re souhaite
offrir une formation plus étoffée aux nouveaux professeurs pour
mieux cerner les problématiques liées aux élèves allophones. On
prévoit également parfaire le prog ra m me d ’i ntég ration des
parents, ajoute Mme Lamarche-Venne.
« Oui, il y a des défis, mais il y a avant tout de grandes
réussites, conclut-elle. Les élèves issus d’autres cultures
apportent une richesse inestimable et sont une source de
motivation pour tous. »
La langue quoi? - Marie-Claude Lortie
« Les en fa nts,
j ’a i u ne question pour mon article… » Ils venaient de rentrer
de l’école et faisaient tout sauf leurs devoirs.
« Il y a combien d’enfants dont le français est la langue
maternelle dans votre classe ? » – La langue quoi ? – Combien
d’enfants nés da n s des fa m i l les où ils ont appr is le fra
nça is en premier…
– Comment on est supposés savoir ?
– Ok, combien il y a de Canadiens français dans votre classe ?
Je c roya is qu’avec cette expression, j’aurais un début d ’idée
de la composition so c io - démog r aph ique du groupe, histoire
de comparer tout ça avec cette recherche sur l’école publique
montréalaise qui dit qu’il y a maintenant moins d’écoliers dont
« la langue maternelle » est le français ou l’anglais que
d’enfants dont la « langue maternelle » est, disons, l’arabe ou
le farsi, bref, autre chose.
Combien de francophones ? Pour eux, tous leurs amis sont
francophones même si c’est une langue apprise à l’école. Après
tout, ils parlent français quand ils jouent...
Donc j’ai lancé « Canadiens français ».
– Tu demandes combien il y a de Français dans nos classes ?
– Non , de Ca nadiens français…
– C’est ça, des Français qui habitent au Canada.
– Non, des gens qui parlent français et qui sont nés dans des
familles où tout le monde parle français et a toujours parlé
français…
Et puis, perdant patience : « Est-ce qu’il y a du monde avec des
noms comme Bouchard ou Tremblay ! »
– Ok, pas
comme nous alors, m’ont-ils répondu…
J ’ava is oubl ié l ’o r ig i n e irlandaise de leur nom de
famille.
« Qu’est-ce que tu veu x savoir exactement, maman ? » m’ont-ils
demandé gentiment. – Rien. Honnêtement, je ne voyais aucunement
l’intérêt de continuer cet échange absurde, de leur expliquer
les nuances entre f ra ncophones , a l lo - phones, nés ici, pas
nés ici, la ngue maternelle, la ngue parlée… À leur dire en quoi
u n Côté ou u n L ortie est différent d’un Levy, Lopez,
Bensimon, Mavrikakis… Pour les enfants, les copains ont des
noms. Ordinaires ou drôles, mais juste des noms. Ils ne voient
pas de liens avec les origines culturelles, ne trouvent aucune
information pertinente les concernant lorsqu’on évoque le pays
de naissance de l’un ou la langue parlée par les grands-parents
d’un autre. À moins qu’il y ait un lien avec le soccer ou la
cuisine.
« Maman, on peut en faire nous aussi du couscous… »
Tant que les copains savent parler français, là, dans la cour
d’école, avec eux, qu’ils savent jouer au ballon chasseur et
sont prêts à embarquer dans une partie de Rock Band sur la Wii…
Est-ce politiquement correct de dire que pour nos enfants mont
réa la is , aujou rd ’hu i , maintenant, les différences
culturelles et linguistiques ne comptent plus ? Je ne crois pas.
Je dirais plutôt simplement socialement évident.
Dans la métropole, le métissage tous a zi muts a mené notamment
par l’immigration, la loi 101 et l’adoption internationale est
en marche depuis longtemps, laissant dans son sillage des
petites copines aux traits chinois ayant grandi à Rosemont, des
joueurs de soccer blonds comme les blés, qui se font engueuler
en croate par leurs parents, des voisins d’origine tchèque qui
mangent de la tourtière avec du ketchup aux fruits. Même si on
continue de poser la question dans les documents officiels,
l’idée même de « langue maternelle » est un concept qui, de plus
en plus, tient à un fil.
À quoi ser t-i l qua nd , quoi qu’il en soit, on passe son
adolescence à regarder Oc cupation double et à li re Aurélie
Laflamme ?
J’ai peur d’où on va aller, maintenant, avec ces chiffres sur le
français langue maternelle sous un seuil historique à Montréal.
Je sais que plusieurs voudront, à tout prix, qu’on s’en serve
pour sonner l’alarme au sujet de la survie de la langue. Et que
plusieurs s’en serviront pour revenir sur la très dure situation
de nos écoles publiques, qui doivent veiller à la francisation
de tous ces jeunes.
Sauf qu’insister sur l’étiolement de la place du français langue
maternelle et appuyer ainsi sur un des boutons les plus
sensibles de notre identité collective n’est pas la voie à
emprunter si on veut avoir une réflexion à peu près zen sur ces
questions.
Ce qu’il faut, c’est revenir su r le ma nque d’investissement
général dans notre système scola i re, su r les résultats de la
réforme, et, chose cruciale, sur la qualité du français
enseigné. Ce qu’il faut, c’est parler de toutes les sortes de
problèmes scolaires qui poussent, réellement, les enfants plus
favorisés vers le privé. Et si le français nous tient tant à
coeur, pourquoi ne pas se questionner aussi, en chemin, tant
qu’à y être, sur les ba r r ières à l ’e m - ploi pou r les i m
m igra nts francophones ?
À la place, on parlera de langue maternelle. Pourquoi ?
Pourquoi, avec ce mot, aller à la racine de différences
culturelles que nos enfants, eux, ne voient pas ?
Ils
sont en train de nous montrer comment effacer ces distinctions
et passer à autre chose. Suivons-les.
Escarmouche à propos du bilinguisme des juges -
Hugo de GrandPré
OTTAWA — Le
commissaire aux Langues of f ic iel les , Graham Fraser, et le
ministre du Patrimoine et des Langues officielles, James
Moore, ont poliment exprimé des opinions diamétralement
opposées sur la question du bilinguisme des juges de la Cour
suprême, hier, à l’occasion du lancement d’un colloque qui a
lieu cette semaine à Ottawa pour souligner les 40 ans de la
Loi sur les langues officielles.
Soulignant dans son discours le progrès réalisé au Canada en
matière de dualité linguistique depuis 1969, année de l’entrée
en vigueur de la loi, le commissaire Fraser a insisté sur le
fait qu’il reste encore beaucoup de chemin à parcourir. Il a
appuyé son propos de l’exemple du bilinguisme des juges de la
Cour suprême du Canada.
Devant une centaine de personnes, dont le ministre du
Patrimoine et des Langues officielles, M. Fraser a indiqué
qu’il était à son avis « normal et raisonnable que ceux qui
plaident devant la Cour suprême puissent le faire dans la
langue officielle de leur choix, sachant qu’ils seront compris
au moment où ils s’expriment et non par le truchement de la
voix d’un interprète ».
En point de
presse, quelques minutes après le discours de Graham Fraser,
le ministre James Moore a soutenu une opinion contraire –
celle de son gouvernement – et rappelé qu’il avait voté contre
le projet C-232 du député néo-démocrate Yvon Godin.
Ce projet, qui souhaite imposer le bilinguisme aux magistrats
de la plus haute cour du pays, a passé le stade de la deuxième
lecture à la Chambre des communes et est à l’étude en comité
parlementaire.
« Je suis d’accord avec le principe énoncé par Graham Fraser,
a commencé par dire M. Moore, mais je ne crois pas que, si
quelqu’un n’est pas parfaitement et entièrement bilingue, cela
doive l’écarter comme candidat à la Cour suprême. » Il a
ajouté que, selon lui, « l’excellence juridique devrait être
le critère le plus élevé ». « Nous ne devrions pas empêcher
des gens de servir à la Cour suprême du Canada s’ils ne sont
pas parfaitement compétents dans les deux langues officielles.
»
Mais M. Fraser a contredit le ministre Moore à son tour, dans
un autre point de presse, quelques minutes plus tard. « Je
n’accepte pas l’idée que la langue n’est pas une partie
centrale de la compréhension légale, quand les lois sont
écrites tant en français qu’en anglais, que la version
française a une force égale et que, parfois, une cause va
tourner autour de cette zone grise entre la formulation en
français et celle en anglais. Je pense qu’on ne peut pas faire
de distinction entre la compréhension légale et la
connaissance du droit dans les deux langues », a-t-il tranché.
40 ans de la Loi sur les langues officielles :
LE FRANÇAIS PLUS FORT - Robert Asselin
Depuis 40
ans, la Loi sur les langues officielles lui fournit une
protection partout au Canada
À l’occasion du 40e anniversaire de la Loi sur les langues
officielles (LLO) du Canada (proclamée le 7 septembre
1969), il est sain de se demander si elle a eu les effets
positifs escomptés pour notre pays.
PHOTO ÉTIENNE
RANGER,LEDROIT
Le ministre du Patrimoine canadien
et des Langues officielles, James Moore, était sur la
colline du parlement hier, pour célébrer le 40e
anniversaire de la Loi sur les langues officielles.
Les plus pessimistes affirmeront qu’elle n’a pas freiné
l’assimilation des francophones et que, de toute façon, le
Canada n’est pas – et ne sera jamais – vraiment bilingue.
D’autres diront qu’elle a coûté trop cher. Ce ne sont là
que des distractions.
Globalement, la loi a grandement aidé la cause du français
dans cette grande marée d’anglophones que constitue
l’Amérique du Nord. C’est d’ailleurs ce que pense la
grande majorité de Canadiens qui, sondage après sondage,
continuent à manifester leur appui à la dualité
linguistique et à croire qu’elle est un élément
constitutif et distinctif de l’identité canadienne.
En 1969, l’objectif initial de la loi était fort simple:
mettre le français sur le même pied d’égalité que
l’anglais au sein des institutions fédérales. Il n’a
jamais été question de « bilinguiser » tous les Canadiens.
Au cours des 40 dernières années, il y a bien eu des
ratés. Certaines institutions fédérales continuent, année
après année, à bafouer l’esprit de la loi. Le leadership
politique n’est pas toujours au rendezvous. Mais, même si
nous savons tous que dans les faits, l’égalité n’est
jamais acquise, la langue française jouit aujourd’hui
d’une protection constitutionnelle et légale qui a
contribué à la rendre plus forte au sein de notre pays.
Si la loi
101 a été bénéfique à la préservation et à
l’épanouissement du français au Québec, la LLO l’a été
tout autant pour les francophones vivant ailleurs au
Canada. C’est la loi de 1969 qui a mené à l’enchâssement
de certains droits linguistiques – dont celui de pouvoir
faire instruire ses enfants en français dans toutes les
provinces canadiennes – dans notre Constitution en 1982.
Et c’est cet enchâssement qui a mené à un renforcement
substantiel de la loi en 1988. Il est évident que la
vitalité des communautés f rancophones du Canada ne dépend
pas – et ne devrait pas dépendre – que des droits. Le
droit seul n’expliquerait pas que des milliers d’Acadiens
déferlent dans les rues de Dieppe et de Caraquet le 15
août lors du tintamarre. Une disposition constitutionnelle
ou légale ne sera jamais un substitut à la fierté
identitaire et à la motivation des parents de transmettre
leur langue et leur culture à leurs enfants.
Mais il est indéniable que la loi a aidé les francophones
vivant à l’extérieur du Québec à assumer un plus grand
contrôle – il est vrai parfois par le truchement de luttes
devant les tribunaux – de certains domaines névralgiques à
leur développement, par exemple en éducation et, de plus
en plus, en santé.
Des institutions comme l’Université de Moncton et
l’hôpital Montfort ne seraient pas aujourd’hui les
fleurons qu’ils sont devenus pour les Acadiens et les
Franco-Ontariens si la LLO n’avait pas préalablement créé
un environnement favorable à leur maintien et à leur
développement.
Montréal, les immigrants et le reste du Québec -
CLAUDE PICHER
Le do s s i e r -
c ho c pr é - senté dans La Presse la semaine dernière par mes
collègues Marie Allard et Catherine Handfield nous apprend que,
pour la première fois, les élèves allophones sont plus nombreux
que les francophones dans les écoles publiques de l’île de
Montréal.
Ensemble, les petits qui parlent arabe, espagnol, italien,
créole, chinois, tamoul, vietnamien, bengali et des dizaines
d’autres langues forment maintenant 39,5 % de la clientèle
scolaire montréalaise, contre 39% pour les francophones et 21,5%
pour les anglophones.
Au-delà du caractère spectaculaire de cette nouvelle, il fallait
bien s’attendre à ce que cela arrive inévitablement un jour ou
l’autre.
Dans le dossier de l’immigration, le Québec est catégoriquement
divisé en deux entités aussi différentes que l’eau et le feu:
Montréal d’une part, le reste de la province de l’autre. Cela
est connu depuis longtemps, mais un coup d’oeil sur les chiffres
compilés par l’Institut de statistique du Québec permettra de
mieux mesurer l’abîme qui sépare Montréal des régions.
En 2007, dernière année pour laquelle on dispose de statistiques
régionales complètes, l’île de Montréal a accueilli à elle seule
32 600 immigrants. Si on ajoute Laval, la Rive-Sud et la
couronne nord, on arrive au total de 38 000. Pendant ce temps,
le reste du Québec n’en recevait que 7100. Autrement dit, la
région de Montréal attire cinq immigrants sur six, et la vaste
majorité d’entre eux choisit de s’installer dans la ville
centre. Ces chiffres ne concernent que l’immigration
internationale, et ne tiennent donc pas compte des migrations
interprovinciales.
Or, l’année 2007 n’a rien d’exceptionnel. De très loin, Montréal
a toujours été le premier choix des immigrants qui s’installent
au Québec. Entre 1987 et 2007, le Québec a accueilli 754 000
immigrants. De ce nombre, 625 000 ont élu domicile dans la
région de Montréal, dont 527 000 dans l’île même. En moyenne
depuis 20 ans, 83% des nouveaux arrivants s’installent à
Montréal.
Dans ces
conditions, il ne faut pas s’étonner si les petits allophones
sont devenus plus nombreux à l’école que les petits
francophones, et la tendance ne fera que s’accentuer. Au
rythme où les choses évoluent, les allophones dépasseront le
cap des 50% de la clientèle scolaire dans 17 ans; à ce moment,
c’est-à-dire en 2026, les élèves francophones ne seront plus
que 29%.
Il se peut même que cela arrive avant 2026, parce que Montréal
souffre d’un solde migratoire i nterprovincial négatif
chronique.
Systématiquement, chaque année, des milliers de Montréalais
choisissent d’aller vivre dans une autre province; la
métropole a ainsi perdu 19 600 résidants en 2007 seulement (la
moyenne des 20 dernières années est de 16 000 départs).
Certes, il y aussi des Canadiens des autres provinces qui
déménagent à Montréal, mais ils sont moins nombreux: en
moyenne 8700 par année. Ainsi, en 20 ans, le solde migratoire
interprovincial de Montréal s’achève par une perte de 146 000
citoyens. C’est un drame. Il n’existe pas de statistiques
permettant de chiffrer les migrations interprovinciales en
fonction de la langue maternelle, mais on peut certainement
penser que tous les groupes linguistiques, francos, anglos et
allophones confondus, sont représentés chez ceux qui
choisissent de quitter Montréal et le Québec pour une autre
province.
Si la population de Montréal se maintient malgré un solde
interprovincial négatif, c’est évidemment à cause de la forte
immigration internationale.
Toujours est-il que la prodigieuse force d’attraction de
Montréal auprès des immigrants internationaux ne laisse pas
beaucoup de place aux nouveaux venus, dans les régions. À cet
égard, il existe un monde de différence entre Montréal et le
reste du Québec.
Depuis 20 ans, nous venons de le voir, Montréal reçoit en
moyenne 31 300 immigrants par année. La ville de Québec arrive
très loin derrière avec 2000. Quand on sort de ces deux
villes, les chiffres tombent à des niveaux hadaux. En tout et
partout, depuis 1987, le Saguenay– Lac-Saint-Jean reçoit en
moyenne 290 immigrants par année; la Mauricie, 230; le
Bas-Saint-Laurent, 71; l’Abitibi-Témiscamingue, 45; la
Côte-Nord, 28; enfin, sur les quelque 40 000 immigrants qui
s’installent au Québec chaque année, seulement 20 optent pour
la Gaspésie.
Cégep en anglais : Ma seule chance -
Marie-Clode Larocque
Imposer le
cégep en français empêcherait des francophones de devenir
bilingues
Je voud ra is ex pri mer mon indignation devant l’idée
saugrenue de Bernard Landry de ne permettre l’enseignement
qu’en français au cégep.
PHOTO ANDRÉ PICHETTE,
ARCHIVES LA PRESSE
Des élèves bavardent devant le collège
Dawson, à Montréal.
Je suis une des nombreuses étudiantes qui a terminé son
secondaire avec une connaissance de la langue anglaise très
limitée. La seule solution qui s’offrait à moi pour devenir
bilingue était de m’inscrire à un cégep en anglais.
Quand on n’est pas doué pour les langues, commencer à
apprendre une deuxième langue à l’âge de 17 ans n’est pas
idéal. Lorsqu’on commence un programme dans un cégep en
anglais après une éducation en français, on se rend compte
bien rapidement que l’enseignement au secondaire n’était pas
très utile.
Mon éducation
dans un cégep en anglais était la seule possibilité
d’apprendre l’anglais, une façon d’avoir une connaissance de
la langue anglaise plus poussée que ce qui est enseigné au
secondaire. Ma seule chance de postuler pour des postes qui
requièrent le bilinguisme des candidats.
Déjà que l’enseignement de l’anglais est de piètre qualité au
primaire et au secondaire, je ne comprends pas comment un
politicien peut choisir une option qui limite la connaissance
de la langue anglaise des Québécois qui s’inscrivent au cégep
en anglais. Connaître deux langues ne mettra pas en danger le
français. Regardez les Scandinaves qui parlent parfaitement
anglais même si leur langue maternelle est seulement parlée
dans leur pays.
Au Québec, les allophones, qui sont obligés d’aller au
secondaire en français, sont favorisés, car ils parleront plus
de deux langues. Les anglophones ont également plus de chance
d’être bilingues que moi, avec le système d’éducation en
place. Ces deux groupes auront ainsi une longueur d’avance sur
moi lors de l’obtention d’un emploi dans la métropole. Une
aberration!
Le bilinguisme ou le plurilinguisme ne met pas en danger le
français. Par contre, mettre des bâtons dans les roues des
Québécois qui veulent se prévaloir de la connaissa nce de l’a
nglais met en danger l’essor des Québécois sur la place
mondiale. Bernard Landry est fidèle à sa vision politique d’a
nta n , soit u n Québec surprotégé qui n’interagit pas avec le
reste du pays et du monde.
Défunt Programme de contestation judiciaire : L’Université
d’Ottawa obtient le mandat d’administration - Hugo de
GrandPré
à des
Canadiens de bénéficier d’un appui financier du gouvernement
fédéral pour intenter des poursuites judiciaires lorsque leurs
droits linguistiques avaient été brimés. En juin 2008, Ottawa
avait finalement réglé la cause à l’amiable en s’engageant à
mettre sur pied un programme similaire.
Annoncé en juin 2008, le Programme d’appui aux droits
linguistiques, qui disposera d’un budget annuel de 1,5 million
de dollars, doit entrer en vigueur avant la fin de l’année.
D’ici là, le ministre Moore doit encore annoncer qui fera
partie du comité d’experts chargé de sélectionner les dossiers
financés par le programme. Le comité sera composé de quatre
représentants des deux communautés linguistiques officielles,
de quatre juristes et d’un médiateur.
La création de ce nouveau programme avait été annoncée en même
OTTAWA— C’est l’Université d’Ottawa qui sera chargée
d’administrer le nouveau Programme d’appui aux droits
linguistiques qui remplacera le défunt Programme de
contestation judiciaire, a appris La Presse.
Le ministre du Patrimoine, James Moore, profitera de la
semaine de festivités entourant le 40e anniversaire de la Loi
sur les langues officielles pour en faire l’annonce dans la
capitale ce matin. Chose rare, il sera accompagné de l’ancien
ministre libéral de la Justice, Allan Rock, aujourd’hui
recteur et vice-chancelier de l’Université d’Ottawa.
La décision du gouvernement Harper d’abolir le Programme de
contestation judiciaire peu après son arrivée au pouvoir, en
septembre 2006, avait soulevé un tollé et lui avait valu une
poursuite judiciaire de la part de groupes de défense des
droits desminorités linguistiques. Ce programme permettait
temps que celle de la Feuille de route pour la dualité
linguistique canadienne, un plan d’action échelonné sur cinq
ans qui donnait suite au Plan d’action pour les langues
officielles présenté par Stéphane Dion en 2003. Du 1,1
milliard prévu dans la Feuille de route, des projets de 593,8
millions ont déjà été rendus publics.
Sondage
L’annonce duministre duPatrimoine au colloque 40 ans de
langues officielles au Canada est l’une des nombreuses
activités prévues à Ottawa cette semaine pour célébrer
l’anniversaire de la Loi sur les langues officielle,
promulguée par le gouvernement Trudeau en 1969. Quelques
minutes avant l’allocution de James Moore, le directeur
général de l’Association d’études canadiennes, Jack Jedwab,
dévoilera les résultats d’un sondage mené par Léger Marketing
pour cette association, qui a organisé le colloque.
Obtenu par La Presse, ce sondage mené sur le web indique
notamment que les Canadiens, et particulièrement les
francophones, méconnaissent le système des langues
officielles. Par exemple, la moitié des Canadiens français
(49%) croient que le bilinguisme officiel signifie que tous
les habitants du pays doivent parler le français et l’anglais,
tandis que seulement 25% des anglophones pensent la même
chose. En réalité, la Loi sur les langues officielles exige
que des services dans les deux langues soient fournis dans les
secteurs du gouvernement fédéral où il existe une forte
demande en ce sens.
Ce sondage a été mené dans la semaine du 17 août auprès de
1366 personnes. Il est difficile de déterminer la marge
d’erreur d’un tel sondage, mais celle d’une enquête
téléphonique de la même envergure serait d’environ 2,7 points
de pourcentage, 19 fois sur 20.
Les autres activités prévues cette semaine incluent une table
ronde sur le rôle du droit dans l’avancement d’une langue,
vendredi à l’Université d’Ottawa, à laquelle participera
l’ancien juge de la Cour suprême Michel Bastarache. Ce soir
aura lieu le lancement d’une exposition de caricatures
politiques dans l’immeuble de Bibliothèque et Archives Canada,
près du parlement. L’exposition doit durer tout l’automne.
L’anglais MARIO ROY
Aucune autre
nation que la nôtre n’a une relation aussi schizophrénique avec
l’anglais.
Les pugilats, attendus par certains avec délectation, auxquels
Louise Harel aura à se livrer avec la langue anglaise dans sa
course à la mairie de Montréal illustrent encore une fois une
situation connue. Elle concerne notre vieux contentieux national
avec l’anglais. Avec la langue du colonisateur. La langue de
l’empire, l’ancien et le nouveau. La langue du capital et de la
mondialisation. limites de la décence – apparaît aux Québécois
comme un geste politique noble, dicté par un souci démographique
incontournable.
Sauf erreur, aucune autre nation au monde n’entretient une
relation aussi schizophrénique avec l’anglais.
Cette attitude est paradoxale. Car le français exerce encore
aujourd’hui dans le monde un pouvoir intellectuel – presque
moral – sans commune mesure avec sa réalité démographique,
politique ou utilitaire. Surtout au sein des élites de nombreux
pays, cela se traduit par une force d’attraction du français qui
n’est due qu’au génie de cette langue, à sa puissance
intrinsèque.
De la même façon, la force de l’anglais ne réside pas d’abord
dans le nombre: le mandarin serait alors dominant. Ni dans sa
relation avec les pouvoirs. Ni même dans son utilité, pourtant
très grande. Mais plutôt dans l’histoire, le savoir, la culture,
les valeurs, que l’anglais véhicule.
Peut-on, sans fréquenter l’anglais, vivre aujourd’hui sur notre
planète en y étant convenablement informé? Suffisamment connecté
à la culture contemporaine, au sens large? Assez au fait de ce
qui se dit, s’écrit et surtout se pense à la fine pointe de
presque tous les domaines, bassement pratiques ou hautement
songés, dans lesquels l’intelligence humaine s’exerce?
Raisonnablement à l’aise avec les codes de civilisation que
construit le génie d’une langue au fil des siècles, l’anglais
ayant – que ça plaise ou non – distribué les siens à la démesure
de sa zone d’influence?
Certes, tout ça a de l’importance ou n’en a pas, au choix du
client.
Mais on ne
peut s’empêcher de constater que, ne fut-ce que pour être un
authentique antiimpérialiste, anticapitaliste et
antimondialiste, il faut être capable de lire Noam Chomsky
dans le texte : c’est la seule façon de comprendre toutes les
subtilités du discours de ce linguiste américain réputé être
l’intellectuel le plus cité dans le monde.
Visiblement, nous sommes toujours fâchés avec l’anglais.
Il ne s’agit pas ici de soupeser la possibilité qu’il y a à
être maire de Montréal lorsqu’on est unilingue francophone.
Pourquoi pas, en effet? Difficile, sans doute. Mais en
pratique faisable à la condition d’être bien entouré, surtout
en déplacement à l’étranger – dans l’ouest de l’île, par
exemple.
La question est plus large, plus essentielle pour tous, plus
vitale pour chacun.
Au Québec, à cause de notre passé conflictuel en cette
matière, nous ne voyons les questions linguistiques que sous
deux angles, démographique et politique, accessoirement
accompagnés d’un troisième, l’utilitaire. De sorte que ce qui
fait la réelle puissance d’une langue semble nous échapper.
Rejeter l’anglais – de toutes les façons possibles,
ouvertement ou insidieusement, tout en demeurant à peu près à
l’intérieur des
UNILINGUISME Duceppe et Marois se portent à la défense
de Harel
« Le maire
d’Ottawa, capitale du Canada, pays supposément bilingue, où
vivent 15% de francophones, ne parle pas français. Est-ce qu’il
y a eu une ligne dans The Gazette pour dénoncer cette situation
épouvantable? Pas du tout! »
Que Louise Harel soit capable ou non de prononcer un discours en
anglais ne devrait pas entacher sa candidature à la mairie
deMontréal. C’est du moins ce que soutiennent politiciens et
représentants syndicaux qui se sont portés à sa défense hier, à
la suite des critiques soulevées par sa méconnaissance de la
langue de Shakespeare.
PHOTO BERNARD BRAULT, LA PRESSE
À l’invitation du MouvementMontréal
français, Gilles Duceppe s’est adressé à la foule réunie au
parc des Faubourgs.
Pour le chef du Bloc québécois, la polémique prouve qu’il y a
deux poids, deux mesures entre le Québec et le reste du Canada.
« Le maire d’Ottawa, capitale du Canada, pays supposément
bilingue, où vivent 15% de francophones, ne parle pas français.
Est-ce qu’il y a eu une ligne dans The Gazette pour dénoncer
cette situation épouvantable? Pas du tout! »
Plusieurs élus de la Chambre des communes ne maîtrisent pas les
deux langues officielles, a-t-il ajouté. « Et je n’ai pas vu de
hauts cris sur des ministres unilingues à Ottawa qui nous
répondent en anglais. »
La chef du Parti québécois, Pauline Marois, qui a pour les mêmes
raisons fait l’objet de railleries lors de la dernière campagne
électorale provinciale, s’est opposée à ce que la connaissance
de l’anglais soit un préalable pour tous les élus francophones.
« On ne peut pas reprocher (à Louise Harel) d’être unilingue :
nous ne vivons pas dans un État bilingue. Le Québec est
francophone », a-t-elle déclaré hier en marge d’une
manifestation organisée par le Mouvement Montréal français. « On
est en train de perdre le nord avec cette histoire. Le Québec
est d’abord et avant tout une province francophone, dont la
seule langue officielle est le français », a renchéri Claudette
Carbonneau, présidente de la CSN.
Plus incisif,
le président de la Centrale des syndicats du Québec, Réjean
Parent, a crié au scandale : « On est supposément dans la
métropole française d’Amérique, et quand une femme de coeur se
présente, le reproche qu’on lui fait, c’est de ne pas être
capable de débattre en anglais ? » Il craint que la polémique
ne détourne le débat des véritables enjeux de la campagne
électorale. « Il faut éviter de raviver des tensemblées hier à
l’invitation du Mouvement Montréal français pour faire
pression sur Québec et Ottawa afin d’établir le franmis de
l’avant par son parti, qui prévoit l’application de la loi 101
aux entreprises de compétence fédérale établies au Québec et
sions linguistiques inutiles dans le contexte actuel. »
Loi 101
Quelque 300 personnes, dont plusieurs artistes, se sont
rasçais comme langue commune de tous les services publics
offerts dans la province.
Gilles Duceppe a dit craindre un recul du français au Québec
maintenant que le projet de loi assujetties au Code canadien
du travail, a été rejeté cette semaine par une majorité de
députés fédéraux. « Si on n’avance pas, on recule. Le rejet de
ce projet de loi, ça veut dire qu’il y a encore 200 000
travailleurs qui ne jouissent pas des prescriptions de la loi
101, dans les banques, les aéroports, les ports, les
entreprises de télécommunications. C’est beaucoup », a-t-il
déclaré.
Mais selon Luc Thériault, président du Mouvement Montréal
français, le repli est déjà bien amorcé et le français est en
moins bonne santé qu’à pareille date l’an dernier. «
Trente-deux ans après l’adoption de la loi 101, le moins qu’on
puisse dire, c’est qu’elle manque de vigueur. On tolère le
français plutôt qu’on le respecte. »
Quel scandale ? - Gérald Larose
(NDE : Ok, on se calme, bonhomme !... )
Louise Harel
n’a pas à être bilingue pour se faire élire maire de Montréal
L’auteur est président du Conseil de la souveraineté du
Québec.
Elle est unilingue! Et elle veut se présenter à la mairie de
Montréal. Quel scandale! Il est unilingue et il a été élu
maire d’Ottawa. Quel scandale ? Chaque fois, on se surprend à
constater que « ces gens-là, monsieur » (pour reprendre une
expression de Jacques Brel dans Les bourgeois – et ils en
sont!) ont une indignation à deux gabarits.
La presse anglophone s’est déchainée. Il ne lui en faut pas
beaucoup pour que son racisme latent remonte à la surface.
Louise Harel, « le monstre… l’idiote… que seul MomBoucher
dépasserait comme repoussoir de Gérald Tremblay... etc. » ose
poser sa candidature à la mairie de Montréal! Quel scandale! «
Elle ne parle pas l’anglais. C’est une impolitesse », éructe
Peter Trent, ancien maire de Westmount. Haro!
Est-il
nécessaire de rappeler qu’au Québec, le français est la langue
officielle, publique, commune, normale et habituelle de
l’État, de l’administration, du travail, de l’enseignement,
des communications, du commerce et des affaires. Le Québec est
français! Montréal aussi!
Il est vrai qu’il y a un décalage entre l’affirmation de la
loi 101 et la réalité du Québec et de Montréal en particulier.
En dépit de cela, 87% des Montréalais ont une connaissance du
français; 60% le parlent à la maison; 19% parlent plutôt
l’anglais; et 21% y parlent une autre langue que le français
et l’anglais, ce qui est moindre que l’anglais. Quel scandale
y a-t-il à élire dans une métropole une maire qui parle la
langue que comprennent 87% de ses commettants dans un État qui
a déclaré cette langue officielle, publique, commune, normale
et habituelle ?
Alors qu’il n’y a pas de scandale à Ottawa? Une capitale d’un
pays bilingue où vivent 17,7% de locuteurs français. Où comme
toujours, c’est un unilingue anglais qui a posé sa candidature
et qui a été élu maire. Sans que cela ne soulève quelque vague
que ce soit.
Ainsi donc, il est scandaleux pour une unilingue française de
poser sa candidature dans la métropole d’un État français et
acceptable pour un unilingue anglais d’être élu maire d’une
capitale d’un pays bilingue. Cherchez l’erreur ! Ce Québec est
colonisé, maintenu qu’il est dans un cadre dont il ne s’est
pas encore libéré.
Fossoyeuses du français - François
Charbonneau
Les
entreprises québécoises s’efforcent de faire oublier leur
origine quand elles s’installent dans une autre province
Si Guy Laliberté avait eu ce réflexe de colonisé, c’est le
Sun’s Circus qui triompherait aujourd’hui partout sur la
planète.
L’auteur est directeur de la revue Argument et professeur à
l’École d’études politiques de l’Université d’Ottawa. S’il
n’est pas toujours possible de recevoir des services en
français à Montréal, imaginez un peu la situation à
l’extérieur du Québec où les francophones vivent le plus
souvent en contexte linguistique minoritaire. Depuis des
décennies, les communautés francophones du Canada tentent,
avec plus ou moins de succès, de sensibiliser les petites et
les grandes entreprises à l’importance d’assurer un affichage
dans les deux langues officielles du pays. Malheureusement,
très peu d’entreprises ont choisi d’afficher en langue
française à l’extérieur du Québec, préférant l’unilinguisme
anglais.
Malgré ce constat d’échec, tout ne semblait pas perdu pour le
million de francophones hors Québec. En effet, depuis une
dizaine d’années, bon nombre d’entreprises originaires du
Québec ont littéralement envahi le marché des autres provinces
canadiennes. On pouvait espérer que ces commerces montrent la
voie aux autres entreprises en offrant un service dans les
deux langues à leur nouvelle clientèle. Quoi de plus naturel,
en effet, pour ces sociétés habituées à transiger en français
comme en anglais. On aurait aussi pu s’attendre à une plus
grande sensibilité pour le bilinguisme au moment de l’embauche
du personnel.
On est loin du compte. Non seulement les entreprises
québécoises n’offrent la plupart du temps aucun service en
français à leur clientèle, mais elles font pire. Bien pire !
Lorsqu’elles s’amènent en Ontario ou dans les autres provinces
canadiennes, elles font tout pour faire oublier leur origine,
même lorsqu’elles s’installent là où sont concentrés les
francophones du Canada.
Même pas bilingue!
Par exemple, on ne trouve aucun af fichage en f rançais chez
Corbeil Appliances dans les succursales que j’ai visitées. Le
slogan « Vous voulez, vous pouvez » de chez Rona, une autre
chaîne où il n’y a aucun affichage en français, devient « the
canadian how-to people ». Vous voulez du service en français
chez St-Hubert à Ottawa? Aucun membre du personnel n’a pu
m’offrir ce service lors de mon dernier passage à cette
rôtisserie de la rue Saint-Laurent dans une région qui ne
manque pourtant pas de main-d’oeuvre bilingue. Vous avez envie
de déjeuner Chez Cora? Eh bien en Ontario et dans l’ouest du
pays, il faudra plutôt trouver « Cora’s Breakfast », où j’ai
été incapable d’obtenir un menu en français à Winnipeg (
Manitoba) qui compte une importante population francophone.
Le Casino du
Lac-Leamy, pourtant une société d’État du gouvernement du
Québec ( !), fait sa publicité à Ottawa in English only (et
c’est sans parler des spectacles qu’on y présente qu’y ont
toujours un titre anglais – en sol québécois !). On pourrait
multiplier les exemples.
S’il s’agissait d’un ou deux exemples, dans des villes très
anglophones du pays, il n’y aurait pas de quoi fouetter un
chat. Malheureusement, cet abandon empressé de la langue
française par les sociétés québécoises dès qu’elles traversent
la rivière Outaouais force à conclure qu’il s’agit là de
politiques d’entreprise sciemment réf léchies. Les
entrepreneurs québécois pensent sans doute qu’ils doivent
faire oublier leur origine française pour faire affaire au
Canada « anglais ».
C’est ce même réflexe, disons-le franchement, de colonisé, qui
a fait retirer l’accent aigu sur le prénom de Céline Dion sur
ses albums en anglais. Vous aviez remarqué ? Mais pensez-y un
instant… Qui a bien pu penser que « Celine » vendrait mieux
ses albums que « Céline » ?
C’est cette mentalité totalement absurde qui explique que les
sociétés québécoises qui font affaire dans le reste du Canada
choisissent sciemment de s’y faire fossoyeuses du français. Et
c’est ainsi qu’elles font des affaires bilingues au Québec, et
en anglais seulement dans le reste du Canada.
On peut se compter chanceux que Guy Laliberté n’a pas eu,
jadis, ce vilain réflexe. S’il l’avait eu, c’est le Sun’s
Circus qui triompherait aujourd’hui partout sur la planète.
BILINGUISME
DANS LES AÉROPORTS - Piètre performance à la veille des Jeux
Des problèmes persistent sur le plan des services de
traduction et d’interprétation.
— À quelques mois des Jeux olympiques de Vancouver, qui
attireront des millions de visiteurs au pays, le commissaire
aux langues officielles, Graham Fraser, sonne l’alarme sur le
faible rendement des aéroports canadiens en matière de
bilinguisme.
Après
40 ans, il reste encore beaucoup de chemin à parcourir pour
assurer la dualité linguistique dans les institutions
fédérales, a conclu hier Graham Fraser, commissaire aux
langues officielles.
Des cinq plus importants aéroports du pays, seul celui de
Montréal offre des services adéquats dans les deux langues
officielles, constate le commissaire dans son rapport annuel
2008-2009, rendu public hier, et qui marque le 40e
anniversaire de la Loi sur les langues officielles.
Si les services sont en général offerts en anglais et en
français, rares sont les employés qui s’adressent aux
voyageurs dans les deux langues officielles – comme l’oblige
la Loi –, même pour les simples salutations de base.
« C’est assez lamentable. De toute évidence, la question de
l’offre active ne fait pas partie de la culture de service
dans les aéroports, sauf à Montréal », a souligné M. Fraser.
Tant Air Canada que l’administration aéroportuaire et
l’Administration canadienne de la sûreté du transport aérien (
ACSTA) ont échoué aux contrôles du Commissariat aux langues
officielles à Vancouver, Toronto, Ottawa et Halifax.
Selon le commissaire, la solution passe par une meilleure
formation des employés. D’autres institutions fédérales,
dit-il, comme le Centre national des arts ou le Musée des
civilisations, ont réussi à inculquer à leur personnel la
culture de l’offre active de services bilingues.
« Il faut que ce réflexe de service soit généralisé dans les
institutions qui servent le public», a estimé M. Fraser.
À huit mois de
l’ouverture des Jeux olympiques d’hiver de 2010, le
commissaire s’inquiète toujours de la faible présence du
français dans l’organisation. « On voit des écarts entre cequi
est actuellement enplace et ce qui est nécessaire, a-t-il dit.
Le défi est considérable. Je pense qu’on a sous-estimé
l’ampleur de la tâche. » Des problèmes persistent sur le plan
des services de traduction et d’interprétation, notamment.
Après 40 ans, il reste encore beaucoup de chemin à parcourir
pour assurer la dualité linguistique dans les institutions
fédérales, a finalement conclu le commissaire aux langues
officielles, soulevant l’ire des partis de l’opposition, qui
critiquent le manque de leadership du gouvernement
conservateur de Stephen Harper.
«Non seulement on n’avance pas, mais on recule, a estimé le
critique libéral en matière de langues officielles, Pablo
Rodriguez. Il faut que le leadership vienne de la plus haute
structure, du premier ministre, de ses ministres, des
sous-ministres, pour que ça se reflète sur les fonctionnaires,
sinon ça ne peut pas marcher.»
Le député néo-démocrate d’Acadie-Bathurst, YvonGodin,
considère pour sa part que le «gouvernement viole » la loi sur
le bilinguisme depuis 40 ans, en ne forçant pas ses
institutions à offrir des services dans les deux langues.
L’opposition juge par ailleurs « inacceptable » la situation
dans les aéroports.
Le ministre des Transports, John Baird, s’est dit « prêt à
agir pour être sûr que tous les citoyens du Canada reçoivent
de bons services de qualité dans le choix de leur langue
officielle » dans les grands aéroports du pays.
Son collègue responsable du Patrimoine canadien, James Moore,
a promis que les Jeux olympiques seraient une « grande
amélioration » en matière de bilinguisme par rapport à ceux de
1988, qui constituaient déjà un important progrès par rapport
aux Jeux de 1976.
«Ce sera un grand succès pour les deux langues officielles et
chaque Canadien, dans chaque coin de ce pays, pourra célébrer
nos athlètes dans la langue officielle de son choix », a dit
le ministre Moore, jugeant que les efforts déjà consentis
seront suffisants, ce dont doute le commissaire Fraser, qui a
sommé le gouvernement de mettre les bouchées doubles.
EN FRANÇAIS, MON AUTO! - Gilles
Vachon
J’ai récemment
fait la location à long terme d’un véhicule Toyota. Mon choix
s’est porté sur une Mat r i x , notamment parce que cette
voiture avait le mérite d’être entièrement const ruite au
Canada et aussi parce qu’elle avait un système Bluetooth
intégré. Sans être particulièrement protectionniste, je
voulais encourager des travailleurs ontariens. Le s ystème
Bluetooth intégré au volant me promettait de ne plus me
préoccuper de recharger et de manipuler le bidule dont je me
servais.
Pas
question pour Gilles Vachon de « causer » en anglais avec
son auto. Sa décision est prise : il va acheter une auto
allemande dont le système de reconnaissance vocale est aussi
offert en français.
Au moment de la livraison, j’ai constaté que le système de
reconnaissance vocale de cette voiture était unilingue anglais
et que je devais donner mes instructions en anglais. J’ai
protesté auprès de Toyota Canada, mais on a ignoré ma requête.
J’ai finalement expédié une mise en demeure à Toyota. J’ai
demandé qu’on apprenne à ma voiture à me parler en français,
ou à défaut qu’on me change cet te voiture pour un modèle
bilingue, ou encore qu’on annule la transaction.
Pour toute réponse, j ’ai reçu un courriel de Toyota qui me
confirme avoir construit cette voiture avec un système de
reconnaissance vocale uniquement en anglais (au Canada !) et
estime respecter toutes les lois du Québec : « Nous sommes
désolés de ne pas être en mesure d’offrir le français pour le
système Bluetooth destiné à la Matrix 2009. Notre logiciel a
été conçu avec l’anglais pour seule langue d’exploitation sur
ce modèle. (…) Nous pouvons aussi conf i rmer que notre examen
des exigences l inguist iques du Québec indique que nous
sommes conformes à ces exigences. En conséquence, nous ne
sommes pas en mesure de satisfaire à la demande exprimée dans
votre lettre. »
Je suis aussi un homme passionnément francophone et
passionnément fier de son identité. Je ressens donc cette
vague émotion rebelle et nationaliste qui s’inquiète de ne
plus être aussi manifestement fière et affirmée. Quand on veut
nier mon droit à ma langue dans un Canada inclusif, c’est moi,
et pas que ma langue, qui se révolte.
Il y a 30 ans, on aurait boycotté Toyota pour son mépr is .
Les plus mal i ns me diront que le système Bluetooth
n’existait pas ! Je répondrai que certaines tiédeurs non plus!
Il y aura 32 ans, le 26 août 1977, un certain gouvernement
faisait adopter la Charte de la langue française.
Il y a 30 ans,
un certain Camille Laurin aurait cert a i nement pr i s la
peine d’éc r i re t rès pol i ment à Yoichi Tomihara ( PDG de
Toyota) pour lui expliquer un certain impératif français. Il
est faux de prétendre que tout est égal et que les choses ne
s’entendent bien qu’en ouverture et en accommodements
raisonnables. Et l’ouverture des autres à ma réalité, à ma
fierté et à mon identité, où est-elle?
Quant à Toyota, se trouvera-t-il un Office de la langue
française pour réagir, une société Saint-JeanBaptiste pour
s’indigner, un ministre pour causer du Québec avec Toyota ?
Et t r ouve r a - t - on u n Canadien anglophone et partisan
du vivre-ensemble inclusif canadien pour m’appuyer, me dire
qu’il m’aime assez, comme à la veille d’un réferendum, pour
affirmer que je mérite d’être respecté par une voiture
construite au Canada? Ou un plus courageux qui me dira « speak
white » ! Comme semble le faire Toyota ?
Non ! Dans ma voiture vendue au Québec et construite au
Canada, je refuse d’entendre une voix unilingue anglaise me
faire la liste des options et jamais, au grand jamais, je
n’accepterai de dire « call home ». Chez moi, c’est en
français. Je ne dirai pas non plus « redial » pour parler à
des représentants de Toyota, but I will « call back ».
Par fierté, même si personne ne me suit, et même si on me
traite d’extrémiste et de nazi, j’assume pleinement et
entièrement que le 26 août, ce sera clairement la fête de la
langue française. Is that clear ? Je profiterai de cette date
pour déclarer mon petit boycottage personnel des produits
Toyota. J’achèterai une Allemande qui me cause français ! Tant
pis pour les travailleurs ontariens !
Le Commissariat aux langues officielles veut
analyser la couverture médiatique
Les
Anglo-Québécois se sentent « invisibles »
« L’étude va permettre au commissariat de mieux comprendre la
relation qui existe entre les médias québécois et la communauté
anglophone. »
— Devant les plaintes répétées des groupes de défense de la
minorité anglophone au Québec, le Commissariat aux langues
officielles entend analyser la présence et la représentation de
cette communauté dans les médias québécois.
« La communauté de langue anglaise du Québec se sent invisible
non seulement face à la majorité, mais aussipar rapport à
elle-même », indique le Commissariat dans un document obtenu en
vertu de la Loi d’accès à l’information.
Le Commissariat aux langues officielles (CLO) souhaite ainsi
confier le mandat à un tiers d’analyser la couverture médiatique
accordée aux Québécois de langue anglaise, dans les médias
francophones et anglophones de la province.
« L’étude va permettre au commissariat de mieux comprendre la
relation qui existe entre les médias québécois et la communauté
anglophone, pouvant ainsi servir comme point de départ à une réf
lexion sur la place de cette communauté dans la société
québécoise et à la recherche de moyens d’en augmenter la
visibilité », stipule le document, daté du 15 décembre 2008.
Bien que son mandat soit davantage axé sur le respect du
bilinguisme dans les institutions fédérales, le Commissariat
considère que le travail d’analyse serait « cohérent » avec un
de ses objectifs stratégiques, soit de contribuer au
développement et à l’épanouissement des communautés de langue
officielle minoritaire au pays.
L’étude aurait
dû être en cours à l’heure actuelle. Or, aucun consultant n’a
répondu à l’appel d’offres, publié pendant trois semaines cet
hiver, explique-ton au Commissariat aux langues officielles.
« On n’a trouvé personne pour faire l’étude. Quand ces choseslà
arrivent, c’est soit qu’on a fait appel à une expertise très
spécialisée qui n’est pas disponible à ce moment-ci, ou encore
les termes de référence ne semblent pas particulièrement
intéressants aux soumissionnaires », déplore Robin Cantin,
porte-parole du CLO.
Néanmoins, l’organisme Quebec Community Groups network (QCGN), à
l’origine des critiques qui ont convaincu le commissaire de se
pencher sur la question, tient mordicus à ce que l’étude aille
de l’avant, quitte à modifier les paramètres de l’appel
d’offres.
« Ça n’en restera pas là. L’idée de faire une recherche pour
vraiment voir ce qu’il en est, vérifier les perceptions, c’est
important pour tout le monde », souligne Robert Donnelly
président du QCGN.
Maintenant que le rapport annuel du commissaire aux langues
officielles a été rendu public, mardi, le Commissariat pourra se
pencher sur la question et décider s’il refait un appel d’offres
différent ou modifie le projet d’étude, a indiqué le
porte-parole du CLO.
Une paroisse anglophone se
convertit... au français
- ÉGLISE UNIE DE SAINTE-ADÈLE
« Dans les
Laurentides, les jeunes sont de plus en plus francophones – et
les anglophones connaissent tous aussi le français –, alors on a
plus de chances de trouver de la relève en passant au français.
»
Le Québec compte une paroisse protestante francophone
supplémentaire depuis novembre. Menacée de fermeture, une église
de Sainte-Adèle croit avoir trouvé son salut en se
convertissant… au français. Une première au pays.
Construit
en
1952, le bâtiment de l’Église unie de Sainte-Adèle charme
depuis longtemps les passants avec son architecture coquette.
Johanne Gendron entend maintenant attirer les fidèles avec ses
messes célébrées en français.
L’Église unie de Sainte-Adèle ne comptait plus que cinq, voire
six fidèles quand elle a dû se rendre à l’évidence: la situation
ne pourrait plus durer très longtemps ainsi. Il fallait trouver
du sang neuf pour regarnir les bancs le dimanche. Mais où?
Pourquoi pas dans les rangs de la communauté francophone, qui
représente plus de 80% de la population du charmant village des
Laurentides ? a suggéré la nouvelle pasteure – francophone –
Johanne Gendron.
Le conseil de la paroisse, formé en majorité de ce qu’il
convient d’appeler « des personnes d’un âge vénérable »,
anglophones, s’est réuni en assemblée générale pour débattre de
la question. « Et on a trouvé que c’était une bien bonne idée
finalement », dit Margaret Hourston, trésorière de l’Église
unie.
« Nous avons déjà eu une communauté très active, mais au fil des
ans, elle a diminué beaucoup. Dans les Laurentides, les jeunes
sont de plus en plus francophones – et les anglophones
connaissent tous aussi le français –, alors on a plus de chances
de trouver de la relève en passant au français »,
explique-t-elle d’une voix douce.
Depuis novembre, Johanne Gendron prononce toutes ses homélies,
toutes ses lectures et toutes ses prières en français. Au
besoin, elle donne quelques explications en anglais – qu’elle
parle à la perfection –, mais elle n’a pas eu de plaintes de
fidèles. Au contraire: l’une d’entre eux, unilingue, a plutôt
décidé de suivre des cours de français… Sur le lutrin de l’orgue
de Marcel Day, 86 ans, les partitions sont les mêmes qu’avant
Noël. « Dans une langue ou une autre, l’essentiel du message
reste inchangé et c’est ce qui compte. »
Une première
L’initiative de Sainte-Adèle est une première au Québec, « et
fort probablement au Canada », dit le porte-parole de l’Église
unie du Canada, David Fines. « C’est un geste très courageux que
d’autres églises n’ont pas osé faire, et elles ont été obligées
de fermer. »
Les résultats de la métamorphose sont toutefois encore timides.
Hier, 11 personnes ont assisté à la célébration hebdomadaire,
dont trois acteurs incontournables : la pasteure, son mari et
Marcel, toujours fidèle au poste devant son orgue.
Margaret Hourston espère en voir plus du double d’ici la fin de
l’année. « Elle est optimiste! » réagit Johanne Gendron, qui
préfère ne pas se fixer d’objectif. « Mais on sent qu’il y a
plus d’intérêt. On parle plus de nous dans la communauté »,
insiste-t-elle. Elle croit que l’Église unie pourrait attirer
les francophones déçus de certaines positions du Vatican. « Nous
ouvrons notre porte aux homosexuels et nous acceptons de marier
des couples divorcés », rappelle-telle. Depuis quelques
semaines, un nouveau visage vient régulièrement faire son tour
et deux supporteurs de Johanne Gendron l’ont suivie de son
ancienne église de Prévost à celle de Sainte-Adèle.
À la fin de la cérémonie, devant le parvis de la petite église,
les conversations se poursuivent dans un joyeux mélange
d’anglais et de français jusque dans le restaurant où le groupe
a pris l’habitude d’aller bruncher chaque semaine. « J’espère
juste qu’on pourra toujours continuer à le faire quand on sera
très nombreux! » dit Mme Gendron.
État du
français au Québec : une question de feeling? - ANDRÉ
PRATTE
Le portrait
de la situation du français que dépeint Luc Plamondon est
caricatural.
Le grand pa rol ier Luc Plamondonareçulasemaine dernière la
Médaille d’honneur de l’Assemblée nationale du Québec, un
hommage pleinement mérité, il va sans dire. À cette
occasion, M. Plamondon y est allé de propos étonnants sur
l’état du français au Québec. Ainsi, selon lui, « la langue
française dégringole un peu » : « La langue française, ici,
est en danger tous les jours, de plus en plus. »
Nous partageons le souci du célèbre auteur pour la vigueur
du français au Québec. Cependant, le portrait qu’il dépeint
de la situation est caricatural. Bien sûr, la langue
anglaise continue d’exercer ici un fort attrait, en
particulier parmi les immigrés. La vigilance à cet égard est
et sera toujours de mise.
Cela dit, au-delà des anecdotes il y a les faits. Les études
de Statistique Canada et de l’Office québécois de la langue
française infirment la thèse du recul du français par
rapport à l’anglais. Depuis 15 ans, la proportion de
personnes de langue maternelle française dans la région
métropolitaine de Montréal est passée de 68% à 66%, un léger
fléchissement c’est vrai, mais un fléchissement qui ne s’est
pas fait au bénéfice de la communauté anglophone (14% à
13%). C’est le poids des allophones qui a augmenté (18% à
22%), ce qui était inévitable compte tenu de la dénatalité
et de la forte immigration qui ont caractérisé cette
période.
Selon Luc
Plamondon, le gouvernement du Québec devrait faire davantage
pour « promouvoir le français » auprès des immigrés. C’est
vrai. Cependant, il faut reconnaître que les efforts déjà
consentis ont porté fruit: entre 1991 et 2006, la proportion
de Québécois allophones capables de parler français a grimpé
de 69% à 75%. La situation de la langue au Québec n’est pas
seulement « une question de feeling » ; il faut s’appuyer
sur des données fiables.
Le récipiendaire de la Médaille d’honneur a aussi observé
que les jeunes Québécois sont trop souvent tentés par le «
franglais ». Encore là, nous partageons l’inquiétude de M.
Plamondon bien qu’elle nous paraisse un peu paradoxale
venant de l’auteur de Le monde est stone, Coeur de rocker et
Tiens-toé ben j’arrive!. En ce qui a trait à la qualité de
la langue, il faut se garder de faire preuve d’une nostalgie
mal fondée. S’il est triste que le français de beaucoup de
jeunes d’ici soit parsemé de mots anglais et même, qu’ils
échangent parfois en anglais entre eux, il faut se rappeler
qu’à une époque pas si lointaine, les Québécois francophones
multipliaient les « muffler », « bumper » et autres « wiper
».
M. Plamondon s’en est pris aux politiciens qui restent « les
bras croisés » devant la menace qui pèse sur le français. La
Société SaintJean-Baptiste de Montréal a loué son « courage
». L’auteur des extraordinaires Starmania et
Notre-Damede-Paris aurait fait preuve de plus de courage
encore s’il avait invité les gens de son milieu à être des
modèles pour ce qui est de la qualité de la langue. Car tous
preux défenseurs de la langue française dans leur discours,
nombre d’entre eux n’ont aucun scrupule à laisser tomber des
énormités du genre: « Ça l’a pas de sens » et « C’était un
hostie de bon show. »
Léger recul du français au Québec
C'est dans la tourmente que l'Office québécois de la langue
française (OQLF) a rendu public, mercredi, son bilan quinquennal
sur la situation du français au Québec.
Une analyse préliminaire de ce bilan, qui s'appuie sur
18 fascicules et études, permet de constater que la langue
française est en léger recul au Québec, plus particulièrement à
Montréal. Une bonne part des données provient des recensements
de 1991 à 2006.
Langue maternelle
Comme rapporté par la présidente-directrice générale de l'OQLF,
France Boucher, un peu moins de 80 % des Québécois avaient
comme langue maternelle le français en 2006. Il s'agit d'un
léger recul par rapport aux années précédentes. En tenant compte
uniquement de l'île de Montréal, ce taux chute à moins de
50 %.
Le faible taux de fécondité de la population de langue française
et son vieillissement de plus en plus rapide permettent
d'expliquer ces baisses. De plus, le poids des allophones
augmente de façon générale au Québec, en particulier sur l'île
de Montréal, alors que le nombre de francophones diminue.
Langue de travail
En matière de langue de travail, les résultats observés sur
l'île de Montréal sont très différents de ceux du reste du
Québec. En effet, 93 % des gens hors de Montréal
travaillent « uniquement » ou
« principalement » en français. Dans la région de
Montréal, ce taux tombe à 72 %. Sur l'île de Montréal, il
n'est que de 65 %.
Réaction de la ministre
Réagissant lors d'un point de presse au bilan de l'OQLF, la
ministre de la Culture, des Communications et de la Condition
féminine, Christine St-Pierre, convient qu'il reste encore
beaucoup de travail à faire malgré plusieurs points positifs.
Parmi ceux-ci, elle note la francisation des grandes entreprises
qui a atteint des sommets historiques. Elle ajoute que les
immigrants choisissent de plus en plus le français et qu'il faut
maintenir le cap en cette matière. Enfin, elle se réjouit de
constater que les produits culturels québécois attirent de plus
en plus les allophones et les anglophones.
Toutefois, d'un point de vue démographique, elle prend note de
la diminution de la proportion des francophones dans l'ensemble
du Québec et à Montréal. C'est pourquoi elle entend s'inspirer
du bilan pour mettre en place un plan d'action au cours des
prochaines semaines. Tout en écartant la possibilité de modifier
les dispositions de la loi 101, elle a l'intention de protéger
et de promouvoir la langue française.
Tout un contrôle
Il faut souligner que le travail des journalistes pour prendre
connaissance du bilan et des études n'a pas été facile. En
effet, l'OQLF a exercé un contrôle serré de l'information
divulguée. Il va sans dire que le millier de pages qui composent
ce bilan fera l'objet d'analyses au cours des prochains jours.
Plus tôt, Radio-Canada apprenait qu'un climat tendu règne à
l'OQLF. Sa présidente, France Boucher, n'a pas permis à son
propre comité d'experts d'approuver ce bilan avant qu'il soit
rendu public. Le président du comité a même décidé de
démissionner.
Le Canada s’anglicise - Luc-Normand Tellier
La
proportion de francophones décline rapidement
Un redressement est-il possible ? Il est permis d’en douter.
M. Pratte nous invite à prendre « un peu de recul » quand il
s’agit de porter un jugement sur la possible anglicisation
de l’île de Montréal. Ce recul consiste, selon lui, à
regarder non pas l’île de Montréal, mais bien l’ensemble du
Québec qui ne saurait s’angliciser puisque le nombre
d’anglophones y diminue.
Prenons encore un peu plus de recul et faisons le même type
de raisonnement et constatons, suivant la même logique, que
le Canada s’anglicise inexorablement puisque la proportion
des francophones y diminue de plus en plus vite.
En 1760, lors de la conquête, les francophones constituaient
99% de la population d’origine européenne du Canada. En
1861, les francophones représentaient 34% de la population
du Canada-Uni. En 1931, la proportion de Canadiens de langue
maternelle française était de 27,3% dans l’ensemble du
Canada. Cinquante ans plus tard, en 1981, elle n’était plus
que de 25,6%. En 50 ans, cette proportion a baissé de 1,7
point.
Au cours des 25 années qui ont suivi, entre 1981 et 2006, la
même proportion est passée de 25,6% à 21,8%. En 25 ans, elle
a baissé de 3,8 points, ce qui représente 2,2 fois la baisse
enregistrée entre 1931 et 1981. Grosso modo, la baisse a
doublé en une période deux fois plus courte.
Si la même accélération du mouvement de marginalisation du
français au Canada se poursuit et si la baisse continue à
doubler dans des périodes toujours deux fois plus courtes,
quand la proportion de Canadiens de langue maternelle
française (comprenant toujours le français) devrait-elle
atteindre 0%? La réponse mathématique à cette question est
la suivante: en 2024, soit dans 14 ans !
Par contre,
s’il n’y a pas d’accélération et que la proportion de
Canadiens de langue maternelle française continue à baisser
de 3,8 points par tranche de 25 ans (comme entre 1981 et
2006), quand le 0% serait-il atteint ? En 2150, soit dans
140 ans.
Un redressement est-il possible? Il est permis d’en douter.
La proportion de Canadiens de langue maternelle française
n’a cessé de décliner depuis 1941. De 2001 à 2006, elle a
baissé dans toutes les provinces canadiennes sans exception.
Les deux plus fortes baisses ont été enregistrées au Québec
et au NouveauBrunswick, les deux seules provinces où cette
proportion est supérieure à 4,1%. Au Québec, elle est tombée
pour la première fois en bas des 80%.
Il tient de l’évidence que le pouvoir d’attraction du
français ne pourra que diminuer au fur et à mesure que la
proportion de Canadiens de langue maternelle française
baissera. Comment certains commentateurs ordinairement
éclairés peuvent-ils ne pas voir ces choses? Limiter
l’analyse au seul Québec, à Montréal et à la banlieue de
Montréal, comme ils le font, est une très grave erreur. Tant
que le Québec fait partie intégrante du Canada, son destin
est forcément canadien.
P rendre « un peu de recul » peut être bon, prendre un peu
plus de recul est encore meilleur. Pour voir ce qui attend
la francophonie en Amérique du Nord, il vaut mieux regarder
ce qui se passe dans l’ensemble du Canada plutôt qu’à
Hérouxville ou à Saint-Clinclin.
Ayant un grand-père anglicisé au point d’avoir changé son
nom ainsi que deux oncles et une tante entièrement
anglicisés, je suis bien placé pour le dire.
Une différence moins prononcée - RAPHAËL FISCHLER
Montréalais
quadrilingue né en Belgique, l’auteur est professeur agrégé
à l’École d’urbanisme de l’Université McGill. Sa langue
maternelle est le français. Il répond à l’opinion de Mathieu
Bock-Côté qui a été publié samedi sous le titre « La
bruxellisation de Montréal ».
Il est trompeur de comparer la situation linguistique de
Bruxelles à celle de Montréal
À l’heure de la mondialisation, les métropoles ont tendance
à se distinguer de plus en plus de leurs hinterlands
(arrière-pays) régionaux ou nationaux. Dans l’analyse qu’il
fait de ce processus au Québec, Mathieu Bock-Côté commet
aussi bien des erreurs de fait que des erreurs de jugement.
Comparer Montréa l à Bruxelles et prétendre que « Bruxelles
accuse de plus en plus son contraste identitaire, l
inguistique et démographique avec la société dont elle est
la métropole » est trompeur.
Bruxelles est en fait de plus en plus néerlandophone depuis
que la Communauté flamande en a fait sa capitale; elle
représente donc mieux qu’avant la dualité linguistique du
pays. Il est vrai qu’on y trouve plus d’immigrants que dans
les autres villes belges, mais la différence est bien moins
prononcée que celle qui existe entre Montréal et le reste du
Québec.
Quant aux
diplomates, « eurocrates » et autres fonctionnaires qui y
vivent en grands nombres, ils sont à Bruxelles parce qu’ils
ont la drôle de tendance d’habiter les capitales politiques.
Il est également trompeur de dire que « Montréal sera
majoritairement anglaise » en 2016. Les anglophones (de
souche) n’y seront qu’une minorité. Les allophones, dont la
très grande majorité parlera le français (même si c’est
comme langue seconde), y formeront une autre minorité.
Si ces deux minorités, ensemble, pèseront plus lourd dans la
balance démographique que les francophones de souche, cela
sera dû principalement à deux choses : le fait que les
francophones ont trop peu d’enfants pour assurer leur avenir
démographique et économique et le fait qu’ils s’installent
en banlieue en grands nombres, pour y vivre le rêve
américain.
« LareconquêtedeMontréal » dont M. Bock-Côté parle a déjà eu
lieu. (Elle a d’ailleurs été très bien documentée dans le
livre de Marc C. Levine, qui porte exactement ce titre.) Si
elle est à refaire, cela n’est pas, cette fois, pour
renverser les conséquences d’une hégémonie militaire et
économique. C’est pour contrer les effets de choix que les
Québécois francophones font sciemment de jour en jour,
d’année en année.
Ceux qui scandent « Maîtres chez nous » doivent être
conséquents. Être « maître » veut dire être responsable,
c’est-àdire ne pas imputer à d’autres la responsabilité de
problèmes que l’on a créés soi-même.