La suggestion
la plus audacieuse du comité? Réduire la fréquence de
livraison. Les employés travailleraient du lundi au vendredi
mais, en certains endroits, le facteur passerait seulement
trois fois par semaine. Une solution choc qui mérite néanmoins
d’être examinée. Il y a longtemps que les communications
urgentes ne transitent plus par la poste ordinaire. Et la
plupart des enveloppes qui atterrissent dans nos boîtes à
lettres pourraient arriver deux jours plus tard sans que
personne n’en souffre.
Le rapport parle aussi d’augmenter le prix du timbre de base
de 5 à 7 cents au cours des deux prochaines années et
d’imposer ensuite une majoration annuelle fixe. Personne ne
s’en réjouira, mais on aurait tort de crier au vol. Depuis
plus de 10 ans, les augmentations de tarifs sont limitées aux
deux tiers de la hausse de l’IPC (indice des prix à la
consommation). Une décision irresponsable, déconnectée de la
réalité et qui fausse les perceptions de la population. Les
Canadiens paient beaucoup moins cher que les Français, les
Italiens, les Allemands ou les Japonais pour envoyer une
lettre à l’intérieur de leurs frontières, alors que le
territoire est beaucoup plus vaste et la population beaucoup
moins dense.
Il est aussi grand temps de dépoussiérer le moratoire sur la
fermeture des bureaux de poste ruraux, décrété il y a 15 ans.
Pas pour éliminer les services en région, mais pour arrêter de
protéger des zones depuis longtemps sorties de l’isolement
rural comme Moncton… ou Boucherville.
La Société
canadienne des postes a par ailleurs présenté un plan très
ambitieux au comité. Il faudra l’examiner avec un oeil
critique. Déjà, les PME et les grandes entreprises se
plaignent de ses services « accélérés » ou « améliorés », plus
coûteux et qui ne les intéressent pas. Les investissements
futurs devront répondre aux besoins réels de la clientèle, et
non aux idéaux de la direction.
Le coût des grands projets a doublé - Bruno
Bisson
L’AMT
attribue les hausses de coûts à une « nouvelle
méthodologie »
Les grands projets de modernisation des trains de banlieue
de la métropole vont coûter au moins deux fois plus cher
que prévu, indiquent les projections les plus récentes de
l’Agence métropolitaine de transport (AMT), dont
PHOTO PATRICK SANFAÇON,
ARCHIVES LA PRESSE
Les coûts de tous les
grands projets prévus sur le réseau ferroviaire des
trains de banlieue subiront des hausses de 30%, dans les
meilleurs cas.
La Presse a obtenu le plan d’immobilisations préliminaire
2010-2012.
Selon le document, les coûts de tous les grands projets
prévus sur le réseau ferroviaire des trains de banlieue,
ainsi que les projets majeurs de développement du réseau
et d’entretien du matériel roulant, subiront des hausses
de 30%, dans les meilleurs cas ; la hausse est de plus de
400% dans le cas du projet de gare intermodale
Lucien-L’Allier, au centre-ville (voir autre texte).
Ces 10 projets majeurs de l’AMT, qui figuraient déjà au
plan triennal 2009-2011, devaient coûter un peu plus de
440 millions, selon les prévisions publiées il y a un an.
Dans le plan 2010-2012, les prévisions d’investissements
pour les mêmes projets totalisent, aujourd’hui, 921
millions. C’est plus du double par rapport à l’an dernier,
soit une augmentation de 108% (voir le tableau).
Dans un échange de courriels avec La Presse, l’AMT a
attribué une partie de ces augmentations à une nouvelle
méthode de calcul des coûts imposée par Québec. Cette
méthode oblige les organismes publics « à identifier les
risques et à estimer les coûts et les échéanciers de la
façon la plus complète et réaliste possible », afin de
réduire les « imprévus » et l es fortes augmentations de
coûts pendant leur réalisation.
« Ainsi, note l’AMT, le calcul budgétai re i nclut
diverses catégories de coûts. comme les études et
l’ingénierie détaillée (plans et devis), la surveillance
des travaux, la gestion de projet, la construction, les
contingences, l ’ i nf lation et les frais d’intérêts et
d’émission d’obligations. »
Une «
marge de risque » peut aussi être ajoutée à l’évaluation
des coûts de certains autres projets, selon leur nature ou
leur état d’avancement, précise aussi l’AMT. Quant aux
projets qui subissent les plus fortes augmentations de
coûts, ils ont fait l’objet d’une « redéfinition complète
», dan le cas de la gare Lucien-L’Allier, de modifications
majeures ou d’ajouts d’équipements qui en font grimper les
prix.
De 123 à 355 millions
C’est notamment le cas du plus important (et du plus
urgent) des 10 grands projets d’infrastructures et
d’équipement ferroviaires, celui des centres d’entretien
prévus à Lachine et à Pointe-SaintCharles . La
construction des ateliers est nécessaire à l’entretien des
locomotives et des voitures flambant neuves commandées à
Bombardier en 2007 et 2008 au coût d’environ 680 millions.
La livraison des premières voitures est attendue au cours
des prochaines semaines. Les locomotives arriveront à
partir de la fin de 2010.
Au printemps 2008, le coût prévu pour la réalisation d’un
centre d’entretien unique était estimé à 123 millions.
Avant la fin de l’année, et au terme d’études qui ont
démontré la nécessité de construire deux ateliers, le coût
était déjà passé à plus de 200 millions.
Et en mai dernier, La Presse a révélé que la construction
de deux centres d’entretien coûterait plutôt 355 millions
presque trois fois la somme prévue au printemps 2008.
Selon l’AMT, plusieurs fac teurs ont contr ibué à cette
spectaculaire hausse, notamment l’acquisition de deux
terrains au lien d’un seul, et la décision de l’AMT
d’équiper les deux centres « d’ateliers complets, pour
assurer l’homogénéité du niveau d’entretien et la
fiabilité du service ».
L’agence gouvernementale justifie aussi l’ampleur et la
hausse des coûts par « une augmentation de 165% de la
flotte à garer et à entretenir sur le réseau du CN, dont
les 58 voitures de la ligne de Deux-Montagnes ». Le
doublement des coûts de démolition, de décontamination, de
raccordement aux services publics et de construction des
chemins d’accès, est lié à l’aménagement des deux centres
au lieu d’un seul.
La facture passe de 40 à 215 millions - Bruno
Bisson
Le «
réaménagement » de la gare Lucien-L’Allier, au
centre-ville, coûtera cinq fois plus que prévu, révèle
le plan d’immobilisations préliminaire 2010-2012 de
l’Agence métropolitaine de transport (AMT), que La
Presse a obtenu.
Une maquette de la gare
Lucien-L’Allier.
L’an dernier, dans son PTI 2009-2011, l’AMT estimait les
coûts du projet à 40 millions. Un an plus tard, selon le
PTI 2010-2012, la future gare intermodale du centreville
coûtera 215 millions. Une hausse de 438% en un an
qu’aucune documentation ne permet d’expliquer.
Dans un échange de courriels avec La Presse (l’AMT n’a
pas répondu à nos appels), la porte-parole de
l’organisme, Martine Rouette, écrit que « le projet a
fait l’objet d’une redéfinition complète » depuis l’an
dernier.
La gare Lucien-L’Allier, voisine du Centre Bell, est la
deuxième en importance du réseau de trains de banlieue
de l’AMT. Elle est fréquentée chaque jour par environ 11
000 usagers. Trois des cinq lignes de trains de l’AMT
(Dorion/ Rigaud, Delson/Candiac, Blainvi l le/
Saint-Jérôme) arrivent et repartent de cette gare d’une
conception un peu spartiate.
Le projet de l’AMT prévoit l’aménagement d’une aire
couverte offrant aux passagers une protection contre les
intempéries, un « éclairage convivial », des quais et
des aires d’attente chauffés, un accès piétonnier plus
facile vers le métro, et « un système d’information à la
clientèle lié aux autres services de transport ».
L’AMT souhaite aussi «donner une signature à la gare par
l’installation de marquises au design architectural
soigné ». Le budget prévoit aussi l’acquisition de la
gare, de ses quais, des voies ferrées, et leur remise à
niveau.
« Le
PTI 2009-2011 prévoyait la réhabilitation et
l’amélioration des quais de la gare, a écrit Mme
Rouette, pour justifier la différence entre les coûts.
Le projet a évolué, et les besoins ont été réévalués en
fonction de la réalité du développement de notre réseau
».
Contradictions
La lecture du PTI 20092010-2011 contredit toutefois les
propos de Mme Rouette. Dans ce document, le projet de la
« Gare intermodale LucienL’Allier », évalué à 40
millions, prévoit exactement les mêmes caractéristiques
que celles décrites dans le projet de 215 millions prévu
au plan 20102012, un an plus tard.
De fait, les textes de présentation du projet de la gare
Lucien-L’Allier sont exactement les mêmes dans les plans
triennaux 2009-2011 et 2010-2012. Seuls les prix ont été
changés. Centres d’entretien et sites de garage
Location/acquisition et réfection de 25 voitures et 7
locomotives Réfection d’infrastructure ferroviaire -
Subdivision Westmount Amélioration de la signalisation
et des infrastructures - Subdivisions Vaudreuil et
Adirondack Gare intermodale Lucien-L’Allier Prolongement
Saint-Eustache (train de Deux-Montagnes) Doublement de
la voie ferrée entre Bois-Franc et Roxboro/ Pierrefonds
Étagement de la Jonction de l’Est Connexion de la ligne
Blainville/Saint-Jérome au tunnel du mont Royal
Signalisation-accroisssement de capacité ligne
Blainville/ Saint-Jérôme
Dans le PTI 2010-2012, l’Agence souligne que cette gare
est dans « un emplacement stratégique du centreville de
Montréal, appelé à connaître un développement urbain
soutenu au cours des prochaines années».
En plus du temple du Canadien de Montréal, la future
gare intermodale pourrait aussi être la voisine d’un
important complexe d’hôtels, de bureaux et de condos
projeté par le géant immobilier Cadillac Fairview, qui a
récemment fait d’importantes acquisitions de terrains
dans le même secteur, en plus de la gare Windsor,
voisine du Centre Bell.
Le tramway coûtera plus cher que prévu -
Martin Croteau
La
construction d’une ligne de tramway entre le
VieuxMontréal, le centre-ville et le secteur
Côte-des-Neiges pourrait coûter jusqu’à 750 millions, 50%
plus que ce qui avait été prévu à l’origine, selon une
étude rendue publique vendredi par la Ville de Montréal.
Selon le projet proposé aux élus,
le tramway sillonnera les rues du centre-ville et du
Vieux-Montréal avant de rejoindre la rue Jean-Talon en
passant par le chemin de la Côte-des-Neiges.
L’étude menée par le consortium Genivar-Systra propose aux
élus de bâtir un tracé qui sillonnera les rues du
centreville et duVieux-Montréal avant de rejoindre la rue
Jean-Talon en passant par le chemin de la Côte-des-Neiges.
Dans son évaluation initiale, en 2003, l’Agence
métropolitaine de transports (AMT) estimait que ce tracé
de 12,5 km pourrait être réalisé au coût de 500 millions,
soit environ 40 millions le kilomètre.
Or, conclut le nouveau rapport, l’estimation originale ne
tenait pas compte des contraintes techniques liées à la
pente. Le tram devra en effet escalader le f lanc de la
montagne par le chemin de la Côte-des-Neiges. Le
ralentissement des travaux pendant l’hiver pourrait
également faire gonf ler la facture. Résultat : «
L’estimation budgétaire globale des coûts du tramway peut
être évaluée à quelque 60 millions$/km », peut-on lire
dans l’étude.
Sur un tracé de 12,5 km, donc, la facture pourrait grimper
à 750 millions.
50 000
voyageurs par jour
Cette nouvelle estimation ne décourage pas le responsable
du transport au comité exécutif, André Lavallée, bien au
contraire. Car le même rapport calcule que 110 000
voyageurs emprunteront le train urbain tous les jours en
haute saison, dont 50 000 sur le tracé Côtedes-Neiges.
Cela en ferait l’un des trams les plus utilisés en
Amérique du Nord.
« La performance du tramway justifie sa construction,
estime M. Lavallée. Car on ne pourra pas améliorer la
performance en fait de service d’autobus. »
La Ville de Montréal souhaite que les tramways, disparus
en 1959, reviennent dans la métropole d’ici 2013. Mais
l’administration Tremblay souhaite avoir une estimation
plus détaillée des coûts et de l’affluence avant de lever
la première pelletée de terre.
« On a assez d’information pour passer à la phase 2,
résume M. Lavallée, mais on n’a pas assez d’information
pour commencer la construction demain matin. »
Non, mais on en a-tu, du fun? - Yves Boisvert
Quoi ?
Régis Labeaume sort de ses gonds ? C’est le temps de
mettre fin à mes vacances.
Vous me direz : le Maire de la Belle Ville de Québec (
MBVQ) passe très peu de temps dans ses gonds. Y a pas de
nouvelle là. En a-t-il seulement, des gonds ?
C’est un peu vrai, j’avoue.
Il y a des nouvelles qui n’en sont pas. Par exemple : «
Le tramway de Montréal coûterait plus cher que prévu. »
Quoi? Une estimation erronée de la même agence qui a
fait construire le métro de Laval? Stupéfiant.
On avait prévu que le tramway, qui partirait de la
Côtedes-Neiges pour aller dans le Vieux-Montréal,
coûterait 40 millions le kilomètre. Ce sera plutôt 60
(fois 12,5 km). Voyez-vous, les études « ne tenaient pas
compte des contraintes techniques liées à la pente ».
Tu parles d’une maudite malchance. Une pente ! En plus,
on n’a pas tenu compte du « ralentissement des travaux »
causé par l’hiver.
Hon. Une pente! De la neige ! Ils n’y avaient pas pensé.
On ne peut pas penser à tout. Ils avaient dû faire une
simulation en Arizona ou dans la station spatiale.
Personne, apparemment, n’avait remarqué que dans «
Côte-des-Neiges » , il y a « côte » et il y a « neige ».
Toujours est-il que le MBVQ Labeaume est furieux contre
Alain Simard, qui veut tenir ses FrancoFolies en juin
plutôt qu’en juillet. Montréal va ramasser la crème des
artistes francophones, dit le maire.
J’imagine que le maire a consulté Gérald Tremblay avant
d’inviter le Cirque du Soleil un mois à Québec, ou quand
les organisateurs du Grand Rire (festival de l’humour) ont
commencé à se coller sur les dates de Juste pour rire.
Non, il ne l’a pas fait? Gérald Tremblay devrait sortir de
ses gonds !
Il a de très gros gonds, le maire Tremblay et il n’en sort
pas souvent.
Mais que lui aurait répondu le maire Labeaume ? Écrase,
Gérald. On est en concurrence pour les touristes, les
subventions, les commandites. Bonne chance. Il arrive ce
qui devait arriver, au fond, avec la croissance de
l’industrie des festivals. À peu près inexistants il y a
40 ans, ils sont maintenant partout. Ils se multiplient,
se copient, se dédoublent. On va bientôt en vomir.
Les villes
s’en réclament, en font une vitrine dans la grande
concurrence qu’elles se livrent. Voyez la stratégie de
Toronto depuis cinq ans : détrôner Montréal comme ville de
festivals. Sur plusieurs terrains, c’est fait.
Le maire de Québec n’a pas tout à fait tort de dire que
les événements, largement subventionnés, ne devraient pas
se nuire dans un monde idéal et subventionné. Mais il y en
a tellement qu’on voit mal comment le faire sans une
mainmise de l’État, ce qui serait excellent pour la
planification mais désastreux pour la créativité.
Chaque bled a son festival, chaque date a son festival. Le
temps et l’espace sont tapissés de festivals. Je me
demande parfois ce que les êtres humains faisaient il y a
30 ans. On devait s’ennuyer affreusement. Non, mais on en
a-tu, du fun, maintenant?
M’est avis que cette petite guerre larvée ne finira pas de
sitôt. Certainement pas dans une année d’élections
municipales, en tout cas.
Gomery municipal
Cette nouvelle-là en est une vraie : John Gomery qui se
lance en politique municipale, comme chef de la trésorerie
et directeur de conscience de Projet Montréal.
Il nous reste à évaluer correctement l’énigmatique Richard
Bergeron, mais qui dira que ce n’est pas une bonne
nouvelle pour la vie municipale ? Louise Harel lui a
souhaité la bienvenue. Gérald Tremblay lui a plutôt envoyé
un coup de coude : il n’est plus objectif, il fait ça pour
appuyer sa fille, dit le maire, qui est candidate de
Projet Montréal.
Ah bon? Depuis quand fautil être objectif en politique ?
Il y a deux ans, le juge Gomery a fait un don important à
la bibliothèque de McGill, pour qu’on démarre une
collection sur l’éthique dans la vie publique. Il se
trouve qu’une de ses filles est aussi responsable de la
collecte de fonds de cette université. Aurait-il redonné
autant à son alma mater si sa fille n’y travaillait pas ?
Aucune idée. Est-ce que ça enlève de la valeur à son
geste? Évidemment pas. C’est un acte absolument cohérent
et honorable, comme celui de s’engager en politique dans
le même parti que sa fille et de contribuer au débat sur
l’intégrité et l’éthique en politique municipale.
En voyez-vous beaucoup d’autres, à Montréal , qui aient
autant de crédibilité en la matière? Car enfin, le
scandale des commandites, sur lequel il a enquêté, est
indissociable de la question du financement occulte des
partis politiques. Qui est mieux placé que John Gomery
pour forcer le débat sur ce grand tabou?
Alors je dis: bienvenue, M. Gomery.
Tout d’un coup que la politique municipale deviendrait
quasiment intéressante?
F â c he z - vous pa s , M. Labeaume, mais ce festival-là
éclipsera sûrement la campagne à la mairie de Québec, vu
que tout y va si bien qu’on prévoit une course à un.
Le projet Turcot pourrait coûter deux fois
plus cher que prévu
Selon la
présidente du Conseil du Trésor Monique Gagnon-Tremblay
« Le projet ne partira pas et après ça, dans un mois, le
maire va dire : il faut ajouter telle autre chose, telle
autre chose. On va avoir une estimation réelle des coûts. »
— La facture du projet de reconstruction de l’échangeur
Turcot sera de toute évidence revue à la hausse. La
présidente du Conseil du Trésor, Monique Gagnon-Tremblay,
parle même d’une augmentation possible de 50% à 100%.
Questionnée, hier, par La Presse, la
présidente du Conseil du Trésor, Monique Gagnon-Tremblay,
a estimé que les coûts d’un projet de l’envergure de
Turcot pouvaient varier de 50% à 100%.
En 2007, lors de l’annonce du projet, le gouvernement avait
évalué les coûts à 1,5 milliard de dollars. La note pourrait
finalement s’élever à 2,25 voire 3 milliards, selon les
déclarations de la ministre.
Questionnée par La Presse hier afin de savoir si
l’estimation des coûts demeurait la même, Monique
Gagnon-Tremblay a offert une réponse qui laisse bien peu de
doute sur ce qui adviendra de la facture.
« Ce qui arrive, c’est qu’il y a une différence entre des
dépassements de coûts et une estimation réelle», a-t-elle
affirmé. Lors de l’annonce du gouvernement, il y a deux ans,
le projet était au stade «initial ». Une fois qu’un projet
de cette envergure est plus avancé, mieux défini,
l’estimation « peut varier de 50% à 100% en termes
d’augmentation de coûts », a poursuivi la ministre.
Une telle explosion des coûts est possible dans le cas de la
reconstruction du complexe Turcot. « Ça peut arriver »,
a-t-elle reconnu.
« On est en train d’évaluer tout ». Par exemple, « si, après
les audiences du BAPE, le projet est modifié, ça peut
comporter des coûts, et il faut en tenir compte », a-t-elle
expliqué.
La ministre a donné l’exemple du nouveau CHUM. En deux ans,
la facture a plus que doublé, passant de 850 millions à
1,855 milliard en tenant compte du centre de recherche. « Ce
n’est pas parce que c’était des dépassements de coûts.
C’était parce qu’ils ont ajouté des blocs opératoires, des
salles… Dans celui-là (NDLR le projet Turcot), la même chose
peut arriver. »
Selon elle, lorsqu’un projet est au stade « initial », le
gouvernement annonce l’investissement minimum requis. « On
est capable de dire que ça ne sera pas en bas de tel montant
», a-t-elle dit. En juin 2007, Québec prévoyait un «
investissement sans précédent évalué entre 1,2 et 1,5
milliard » pour la reconstruction de l’échangeur Turcot.
Puis, quand il a annoncé que le projet sera réalisé en
partenariat public-privé ( PPP) – décision aujourd’hui
remise en question –, il notait que « les coûts sont évalués
à plus de 1,5 milliard de dollars de 2007 ».
Monique Gagnon-Tremblay a affiché un certain malaise lorsque
les questions sur les coûts du projet se sont faites plus
insistantes. « Ma collègue (des Transports, Julie Boulet)
est plus au fait des coûts. Moi, je ne peux pas m’avancer
làdessus parce que je n’ai pas pris le dossier vraiment.
Même ce matin, ma collègue m’expliquait exactement ce que ça
voulait dire la construction. Moi, je ne suis pas de
Montréal, je ne sais pas, je ne connais pas ça. Ma collègue
me disait ce que ça voulait dire le fait de construire en
remblai. »
Un peu plus
tôt , lors de la pér iode des quest ions à l ’Assemblée
nationale, Mme Gagnon-Tremblay affirmait que le coût du
projet était de 1,5 milliard de dollars mais ajoutait que «
quand on va donner le feu vert, on va connaître les tenants
et aboutissants, et on va avoir les véritables chiffres».
« Le projet ne partira pas et après ça, dans un mois, le
maire va dire: il faut ajouter telle autre chose, telle
autre chose. On va avoir une estimation réelle des coûts »,
a précisé Mme GagnonTremblay en entrevue.
La facture pour la construction d’« une salle de spectacle
en plein champ, c’est facile à évaluer » . C’est une autre
paire de manches pour Turcot, « un projet aussi complexe
avec autant de choses à faire autour », a-t-elle noté.
Cette histoire rappelle celle de la modernisation de la rue
Notre-Dame. Les coûts projetés ont doublé depuis l’annonce
du projet, en novembre 2007, passant de 750 millions à 1,5
milliard de dollars. En février, Julie Boulet a demandé à
ses fonctionnaires de revoir l’ensemble du projet, un
exercice toujours en cours.
Comme pour le nouveau CHUM, Québec envisage de reveni r sur
la déc i sion de reconstruire le complexe Turcot en PPP et
d’opter pour le mode conventionnel, notamment en raison de
la crise économique. « Si un moment donné, des éléments du
PPP ne sont pas au rendez-vous, il faut que le gouvernement
prenne les décisions appropriées », a déclaré Monique
Gagnon-Tremblay.
Dans le cas de Turcot, « avec autant d’expropriations, avec
beaucoup de logements sociaux, il y a des risques que le
gouvernement devra prendre seul. Car si on fait assumer ces
risques par des consortiums privés, la prime peut être si
élevée qu’on est mieux finalement de prendre les risques
nous-mêmes. »
Questionnée à l’Assemblée nationale sur les nombreuses
critiques exprimées lors des audiences du BAPE, en
particulier celles du maire Gérald Tremblay, Julie Boulet a
déclaré que « c’est un projet en constante évolution. Nous
sommes à l’écoute. Et ce projetlà sera bonifié en fonction
des commentaires du BAPE ».
Quelques instants plus tard, Monique Gagnon-Tremblay a
répondu au PQ que « c’est faux de prétendre qu’on va ajouter
au fur et à mesure constamment. C’est important de contrôler
les coûts, c’est important de contrôler les échéanciers,
d’éviter les dérapages ».
Le projet consiste à reconstruire quatre échangeurs qui
composent le complexe Turcot dans le sud-ouest de Montréal
où circulent environ 280 000 véhicules par jour. La mise en
service est prévue en 2015.
L’informatisation des dossiers de santé
inquiète le vérificateur
Renaud
Lachance prévoit des retards et des dépassements de coûts
— Il y a un bogue majeur dans un vaste projet informatique
du ministère de la Santé, révèle le vérificateur général
du Québec. Le Dossier de santé du Québec ( DSQ), qui vise
l’informatisation des dossiers des patients, risque encore
d’être retardé, et les coûts de ce projet augmenteront «
fort probablement ».
Le Dossier de santé du Québec
(DSQ), qui vise l’informatisation des dossiers des
patients, risque encore d’être retardé, et les coûts de
ce projet augmenteront « fort probablement », a soutenu
hier le vérificateur général du Québec, Renaud Lachance.
« Il va mal, le projet » , a résumé Renaud Lachance en
conférence de presse, hier. Dans son rapport, il dit «
douter » que les échéanciers et les coûts seront
respectés. « Quand on dit doute, c’est un mot poli pour
dire qu’on doute fort, fort, fort. C’est ça que ça dit »,
a-t-il lancé.
En 2006, Québec avait annoncé que le DSQ coûterait 563
millions de dollars – 260 millions provenant de Québec et
303 millions, d’Inforoute Santé du Canada. L’implantation
devait se réaliser en quatre ans et 95 000 professionnels
de la santé devaient utiliser ce nouvel outil.
Or, en avril dernier, Québec a reporté d’un an, en j uin
2011, la date de fin du projet, le déploiement dans toutes
les régions. Selon le vérificateur, malgré ce report, le
risque que l’échéancier ne soit pas respecté « est élevé
».
Qui plus est, « il y a un risque important que (les
professionnels de la santé) n’adhèrent pas au DSQ ». Dans
plusieurs cas, médecins et pharmaciens préfèrent se
concentrer sur la création de dossiers informatiques
locaux des patients plutôt que de travailler à leur mise
en réseau (par le biais du DSQ).
Le
ministère de la Santé vise 5500 utilisateurs d’ici
décembre 2010 pour « assurer la pérennité des
investissements ». Et actuellement, il ne prévoit que 37
000 utilisateurs ultérieurement – il n’y a pas
d’échéancier précis dans ce cas –, presque trois fois
moins que ce qui avait été annoncé en 2006.
Quant au budget de 563 millions de dollars, le risque de
dépassement est très grand, selon le vérificateur général.
Ce budget n’a pas été modifié depuis 2006. Les
investissements préalables, d’abord évalués à 327 millions
– ils n’ont jamais été révisés non plus –, ne sont même
pas comptabilisés dans ce budget. Pas plus que les
dépenses récurrentes pour l’exploitation et l’entretien
des équipements, qui représentent environ 87 millions par
an selon les experts. Le projet coûterait donc un milliard
de dollars dans les faits.
Le Conseil des ministres n’a même pas un portrait « juste
et à jour » du déroulement du projet, même s’il a demandé
formellement d’être tenu informé. Des informations qui
devaient lui être transmises – sur l’évaluation des
risques, par exemple – ne l’ont jamais été.
L’an dernier, le vérificateur général avait formulé des
recommandations au ministère de la Santé pour améliorer la
gestion du DSQ. Or, sept des douze recommandations (58%)
n’ont pas été mises en application, dont celle visant à
s’assurer que tous les coûts ont été estimés.
Le ministre de la Santé, Yves Bolduc, nie tout problème. «
Actuellement, on a dépensé 145 millions de dollars, et,
pour se rendre à terme dans quelques années, on devrait
atteindre la somme d’environ 565 millions de dollars »,
a-t-il dit. « On est très inquiets du manque de sérieux
avec lequel le ministre traite du dérapage financier que
confirme le rapport du vérificateur général », a répliqué
le critique péquiste en matière de santé, Bernard
Drainville.
Chronique
d’un dérapage annoncé - ARIANE
KROL
Même la nouvelle date de livraison du nouveau système du
ministère de la Santé paraît irréaliste.
L’a mbi t i eu x pr oj et de dossier informatisé du
ministère de la Santé est mal parti. Il n’a pas encore
défoncé ses budgets ni ses échéanciers, mais il est en
bonne voie de le faire, prévient le vérificateur général.
Le dossier santé du Québec (DSQ) doit permettre aux
médecins et à d’autres professionnels de la santé
d’accéder à des informations importantes sur le patient –
médicaments prescrits, tests de labo, etc. Ainsi, on
économisera du temps, on facilitera les diagnostics et les
traitements, on réduira les risques d’erreurs et on
évitera des dédoublements. Formidable. Mais pour ce faire,
il faut installer un gigantesque système capable de
partager les données dans tout le Québec. Et ça, ça risque
de prendre beaucoup plus de temps, et de coûter pas mal
plus cher qu’on le pensait au départ. L’ennui, c’est que
personne ne peut dire combien.
C’est la deuxième fois en moins de deux ans que le
vérificateur examine ce projet. La moitié des
recommandations formulées en mars 2008 n’ont pas été
suivies de façon satisfaisante, signale-t-il dans son
nouveau rapport, rendu public jeudi.
Le gouvernement québécois pensait finir de déployer le
système l’an prochain, moyennant 563 millions. Il a
repoussé l’échéance en juin 2011, mais n’a pas ajusté le
budget. D’ailleurs, même la nouvelle date de livraison
paraît irréaliste. Les projections duministère de la Santé
tablent sur une implantation débutant cette année, alors
que le projet pilote ne sera même pas terminé. Celui-ci
poursuit jusqu’à la fin mars 2010… s’il n’est pas prolongé
de nouveau. Prenez le temps nécessaire pour roder la
machine, mais ajustez vos projections en conséquence.
La
facture totale n’est pas plus précise. D’une somme de 563
millions, en attente de révision, il faut ajouter les
investissements préalables (327 millions, à revoir
également) et les coûts récurrents du système, qui restent
à évaluer (jusqu’à 85 millions par an).
Ottawa s’est engagé pour 303millions et Québec ramassera
le reste de la note. D’où l’intérêt d’avoir l’heure juste,
aussitôt que possible. Ça ne sera pas agréable à entendre,
mais ça mettra une saine pression sur les responsables du
projet. Car les contrôles aussi ont besoin d’un tour de
vis. « Plusieurs contrats signés ne figurent pas dans le
portrait et doivent être ajoutés. Enfin, certaines données
sont manquantes, notamment en ce qui concerne les montants
», signale le vérificateur. Pas exactement des détails.
Tout n’est pas négatif dans ce rapport. Mais le flou qu’il
signale est inquiétant. Le DSQ est une entreprise
pharaonique qui intègre une douzaine de projets. Tous sont
en retard – jusqu’à trois ans dans certains cas. Ces
délais font grimper l’addition. Surtout que ce sont en
majorité des consultants externes qui gèrent les projets :
le compteur tourne. Et on ne sait même pas si les
provisions pour dépassements de coûts sont suffisantes.
Le Ministère a accepté toutes les recommandations du
rapport et promis de mettre ses prévisions à jour dans son
budget annuel. C’est encourageant, mais le vérificateur
doit continuer à suivre le projet de près. Car le
potentiel de dérapage est énorme.
Rue
Notre-Dame : « Les coûts ont explosé », dit la ministre
Actuellement
le projet est revu, et « le résultat de ce travail sera prêt
pour le mois d’août… à peu près. »
— Devant des factures qui ont grimpé de façon exponentielle,
Québec et Montréal ont décidé de mettre en veilleuse leurs
projets de réfection de la rue Notre-Dame. On est retourné à
la table à dessin en attendant de reprendre les discussions
à la fin de l’été.
Une
facture de 750 millions avait été prévue pour la réfection
de la rue Notre-Dame, mais de nouveaux calculs l’ont fait
grimper entre 1,3 et 1,5 milliard, a expliqué hier la
ministre des Transports, Mme Julie Boulet. « Avec la
Ville, on a convenu de prendre une pause et de revenir à
des coûts plus acceptables pour les fonds publics »,
a-t-elle indiqué.
C’est ce qu’a indiqué hier la ministre des Transports, Julie
Boulet, à la commission parlementaire qui faisait l’étude
des crédits de son ministère. « Les coûts ont explosé. On
prévoyait 750 millions, mais avec les nouveaux calculs on
est entre 1,3 et 1,5 milliard. Avec la Ville on a convenu de
prendre une pause et de revenir à des coûts plus acceptables
pour les fonds publics », a souligné la ministre Boulet.
Actuellement le projet est revu, et « le résultat de ce
travail sera prêt pour le mois d’août… à peu près »,
a-t-elle ajouté. Depuis le début de la décennie, Québec et
Montréal tergiversent sur le type de travaux à effectuer sur
ce tronçon. Pour Montréal, la hausse des coûts est
considérable – on passait de 160 millions à 300 millions.
La réfection de Notre-Dame reste « une priorité pour notre
gouvernement, on est conscients de l’importance stratégique
de ce tronçon, de la proximité du port et du nombre de
véhicules lourds qui y circulent », a souligné la ministre.
Toutefois,
il y a encore beaucoup de discussions « sur le concept ».
Québec a parlé avec la Ville d’un boulevard urbain, mais
l’objectif premier de Québec est d’augmenter la fluidité.
On s’était entendu sur quatre voies dans chaque direction.
De chaque côté, il y aura une voie réservée au covoiturage
et une autre au transport collectif. À l’avenir les budgets
devront avoir été prévus avant de procéder à des annonces, «
cela nous évitera des expériences comme celle de Notre-Dame
», a observé la ministre Boulet.
Dans son récent rapport, début avril, le vérificateur
général du Québec, Renaud Lachance, critiquait le manque de
vision du ministère des Transports pour la région de
Montréal. Pour la métropole, Transports Québec n’était pas
parvenu à mettre en place « un mécanisme permanent et formel
de concertation pour assurer la cohérence de l’ensemble des
priorités d’intervention des acteurs de la région et établir
un consensus ».
Les coûts de huit projets majeurs, toujours en plan, depuis
l’an 2000, dont la réfection de Notre-Dame, avaient grimpé
de 285%, de 1,3 à 5 milliards en neuf ans, constatait-il.
Trains
de banlieu : les coûts ont plus que doublé
La
dernière estimation, totalisant 355 millions, est précise
« à plus ou moins 5% », a assuré le président de l’Agence
métropolitaine de transport, Joël Gauthier.
Les coûts de construction prévus pour les centres
d’entretien et les garages des trains de banlieue de la
métropole ont plus que doublé depuis l’automne dernier,
pour atteindre 355 millions de dollars, a appris La
Presse.
Le président de l’Agence métropolitaine de transport
(AMT), Joël Gauthier, a indiqué en entrevue que deux
nouveaux centres d’entretien seront construits au sudouest
de Montréal afin de prendre la relève du CN et du CP qui
ne souhaitent pas poursuivre l’entretien des locomotives
et des voitures de l’AMT à l’expiration de leurs contrats
actuels, en juillet 2010.
Selon le président de l’AMT, le premier centre d’entretien
sera construit au coût de 119 millions, dans la gare de
triage Sortin, située dans l’arrondissement de Lachine. Le
conseil d’administration de l’AMT a approuvé la semaine
dernière l’acquisition de cette immense gare ferroviaire
duCP, au coût de 9,5 millions.
Quant au futur centre d’entretien projeté dans des anciens
ateliers du CN, situés à Pointe-SaintCharles, dans
l’arrondissement du Sud-Ouest, son coût est passé de 165
millions, prévus l’automne dernier, à 236 millions, selon
les plus récentes projections de l’agence provinciale.
En août dernier, dans son projet de plan triennal
d’immobilisations (PTI), l’AMT prévoyait des coûts
combinés de 168 millions pour ses centres d’entretien et
les garages de jour pour « parquer » son matériel roulant,
qui assure le service sur les cinq lignes de trains de
banlieue exploitées par l’AMT, dans la métropole.
Par la suite, dans son PTI révisé, adopté en décembre
2008, les coûts de ces projets étaient en hausse, à 203,2
millions.
En entrevue, M. Gauthier a expliqué que ces estimations
avaient été faites à partir de projets qui étaient
toujours en évolution, et au stade de la planification. La
dernière estimation, totalisant 355 millions, est précise
« à plus ou moins 5% », a assuré le président.
« La
décision a été prise en février dernier, a indiqué le
président de l’AMT. On a alors procédé accompagné par un
dossier d’affaires, qui doit tenir compte de tous les
frais prévisibles ou susceptibles de s’ajouter aux coûts
prévus ».
« Cela fait en sorte qu’on a rajouté des coûts pour la
décontamination des deux terrains, a expliqué M. Gauthier.
Nous avons des avis juridiques, qui disent que nous à des
changements au niveau de la définition du projet. On a
aussi dû ajuster en fonction d’une nouvelle politique sur
la gouvernance des grands projets, mise en vigueur en 2008
par le Conseil du Trésor. Cette politique prévoit que tout
projet de plus de 40 millions soit n’aurons pas besoin de
décontaminer complètement parce qu’il y aura une
continuité d’usage sur les deux sites. On a tout de même
prévu des coûts de 40 millions. »
La construction de ces deux centres d’entretien
ferroviaire sera financée à 75% par le ministère des
Transports du Québec et à 25% par l’AMT. M. Gauthier
affirme que des pourparlers sont toutefois en cours entre
Québec et Ottawa pour obtenir la participation du
gouvernement fédéral à ces projets, par l’entremise de ses
programmes d’infrastructures. Le président a précisé que
quatre modes de réalisation, incluant un projet en
partenariat avec le secteur privé, ont été examinés dans
le plan d’affaires, qui a été préparé par des experts de
PricewaterhouseCoopers.
L’AMT, qui confie présentement l’entretien de ces
locomotives et voitures au CN et au CP, devra aussi
trouver un nouveau partenaire pour gérer les deux centres
d’entretien. L’agence prévoit lancer un appel d’offres
international.
Pour l’agence provinciale, qui gère le réseau des trains
de banlieue de la métropole et qui est responsable du
développement des transports en commun, le temps commence
à presser dans ce dossier.
En entrevue à La Presse, M. Gauthier a affirmé que le CP a
déjà confirmé qu’il n’était plus intéressé à poursuivre
l’entretien du matériel roulant de l’AMT, en raison des
coûts de main-d’oeuvre importants que cela lui
occasionnerait. Selon M. Gauthier, l’AMT devrait donc
prendre en main l’entretien de sa flotte dès juin 2010, au
moment prévu pour la prise de possession de la gare de
triage Sortin.
M. Gauthier a dit souhaiter que la construction des
nouveaux bâtiments et l’aménagement des ateliers soient
complétés pour juillet 2012. Entre-temps, l’AMT prendra
livraison des 20 locomotives bi-mode et des 160 voitures
de passagers neuves, commandées à Bombardier, à la fin de
2008, au coût de 622 millions.
La réserve du vérificateur
- YVES BOISVERST
J’ai
en horreur les mises à mort professionnelles sans
procès, en l’absence du principal intéressé et alors
qu’aucune urgence ne le justifie, sinon l’opportunisme
politique.
L’affaire Jean-Guy Chaput, qui n’en est pas vraiment
une, soulève deux questions au-delà de la gestion des
fonds publics. La première est le rôle même du
vérificateur général. La seconde est la tentation de
régler des comptes politiques sous couvert de défendre
l’éthique.
Selon notre chroniqueur, le
vérificateur général du Québec, M. Renaud Lachance,
devrait réapprendre le sens du devoir de réserve
s’il veut conserver la crédibilité de sa précieuse
institution.
Commençons par la première. Pour un homme qui regarde
à la dépense de tout un chacun, M. Renaud Lachance est
assez prodigue de ses commentaires.
Le véri ficateur général du Québec, s’il veut
conserver la crédibilité de sa précieuse institution,
devrait réapprendre le sens du devoir de réserve.
Or, le décalage entre les déclarations de M. Lachance
et le contenu de son rapport est agaçant.
Il n’a pas, en conférence de presse, à qualifier de «
somptueux » le train de vie du président de la SODEC.
Pour commencer, parce que c’est une faute de français.
Ce qui est somptueux est magnifique – comme une
chambre avec vue sur la baie de Cannes. Mais ce qui
est somptueux n’est pas nécessairement « somptuaire »,
c’est-à-dire extravagant, exagérément luxueux.
Cette faute de français recouvre à elle seule toute la
confusion des genres que pratique un vérificateur
général qui sort de la comptabilité pour entrer dans
l’opportunité politique.
Entendons-nous bien: il se peut qu’une chambre à 1300$
soit un gaspillage de fonds publics. Mais il se peut
aussi que le choix soit défendable pour des raisons
d’affaires, notamment parce qu’il a ainsi accès à des
gens du milieu et parce qu’il y fait des réunions. Ça,
je ne le sais pas, mais le vérificateur non plus.
Le
vérificateur devrait donc se contenter de constater la
conformité des dépenses avec les normes
gouvernementales, observer leur évolution et exposer
les faits comptables. Ce qu’il fait dans son rapport.
Pas aller chez André Arthur et faire des commentaires
avec un sourire en coin.
Ce sera ensuite aux gens de la SODEC, à son conseil
d’administration et au gouvernement d’analyser la
situation et de juger si on dépasse les bornes.
Au lieu de cela, on a vu la ministre Christine
St-Pierre sauter sur l’occasion pour dire que M.
Chaput n’avait plus sa confiance. Même le premier
ministre lui a montré la porte, disant qu’il voyait
mal comment il pouvait terminer son mandat, qui
s’achève pourtant en octobre. Le tout pendant que M.
Chaput est à Cannes et avant même que le CA de la
SODEC ne se réunisse.
Audi alteram partem, dirait Bernard Landry : écoutons
avant de décider, entendons donc Chaput avant de lui
trancher le cou.
Cette précipitation sent le règlement de comptes à
plein nez. Certes, le chapitre du rapport du
vérificateur général laisse voir une légèreté certaine
en ce qui concerne la gestion des fonds à la SODEC. Il
y a lieu de critiquer plusieurs aspects: repas sans
pièces justificatives, repas entre employés de
l’organisme.
Mais y a-t-i l eu f raude? Malversation? Enquête
policière ? Pas le moins du monde.
Je ne sais pas qui est Jean-Guy Chaput, je n’ai aucune
idée de ses qualités, défauts, compétences, sports,
loisirs, chasse et pêche.
Mais autant je n’aime pas les profiteurs de fonds
publics, autant j’ai en horreur les mises à mort
professionnelles sans procès, en l’absence du
principal intéressé et alors qu’aucune urgence ne le
justifie, sinon l’opportunisme politique.
Le chef du SPVM obtient 400 000$ - Éric
Clément
Une
bonification de retraite sera accordée à Yvan Delorme
pour l’inciter à garder son poste
Pour convaincre Yvan Delorme de demeurer chef du
Service de police de la Ville de Montréal, l’ad
ministration du ma ire Gérald Tremblay a décidé de lui
verser au moins 400 000$ en prestations
supplémentaires de retraite, a appris La Presse.
Yvan Delorme, directeur du
Service de police de Montréal, sera reconduit dans
ses fonctions pour une durée de trois ans.
Le contrat de travail d’Yvan Delorme expirait le 13
avril 2010, mais l’administration T remblay a deva ncé
cette échéance pour prolonger ce contrat de trois ans.
Demain, le conseil d’agglomération devrait adopter la
recommandation du comité exécutif, qui vise à proposer
au ministre de la Sécurité publique, Jacques Dupuis,
de reconduire M. Delorme dans ses fonctions avec une
prime de rétention de 400 000$.
L’administration Tremblay explique qu’il s’agit d’une
«mesure exceptionnelle». Il est rare, dit-on, que l’on
fasse appel au Programme de prestations
supplémentaires des cadres de direction de la Ville
pour accorder un tel bonus à un cadre.
« Pour M. Delorme, on va reconnaître, pour une année
de travail, deux années de prestation dans le régime
de retraite pour les prochaines années», explique
Jean-Yves Hinse, directeur des relations
professionnelles au Service du capital humain de la
Ville.
Selon lui, la Ville a décidé d’agir ainsi afin de
s’assurer de conserver les services de M. Delorme,
devenu chef de la police de Montréal à l’âge de 43 ans
en avril 2005, à l’époque où Frank Zampino était
encore président du comité exécutif.
«Quand
on est rendu à des échelons tels que celui où se
trouve M. Delorme, on est très sollicité dans le
marché, dit M. Hinse. Alors cette pratique-là, sans
être très étendue, se voit assez régulièrement, tant
dans le secteur public que dans le secteur privé. On
offre, audelà du régime de base, des prestations
supplémentaires de retraite pour faire en sorte de
rendre plus attrayante la fonction qu’il occupe. »
M. Delorme touche actuellement un salaire de 194 000
$. En avril 2010, il aura 26 ans et sept mois de
service à la Ville. Selon la nouvelle disposition, on
lui donnera au jour 1 de l’application du nouveau
contrat une prestation de retraite supplémentaire,
comme s’il avait déjà fait un an et cinq mois de
travail supplémentaire. « En avril 2011, au lieu de 28
ans de service à la Ville, on comptera 30 ans de
service, et ainsi de suite », explique M. Hinse.
La Ville calcule que cette promesse représente 400
000$ si M. Delorme prend sa retraite en 2013 et vit
jusqu’en 2033. Cela pourrait représenter évidemment
une somme supérieure s’il vit plus longtemps.
Hier, l’opposition officielle a voté contre la
proposition de prolonger le contrat de M.Delorme parce
que l’administration Tremblay a refusé de scinder la
proposition en deux, en séparant la prolongation du
contrat et les modalités liées aux 400 000$.
«Dans le contexte financier actuel, compte tenu des
compressions dans les services policiers – on parle de
13,8 millions – et des coupes qu’on doit faire à la
Ville, soit 155 millions, dont 20 millions dans les
arrondissements, et comme l’entente avec les cols
bleus n’est pas signée, je pense que c’est indécent et
que cela ne devrait pas avoir lieu, a dit Benoit
Labonté à La Presse. L’argument de l’administration
était très faible. On dit que c’est parce qu’il a été
nommé jeune qu’on doit agir ainsi. À ce compte-là,
tous les jeunes nommés à la Ville pourraient un jour
réclamer la même chose. Et encore une fois, je veux
être bien clair, ce n’est pas un jugement sur la
qualité et le mérite du directeur de police. »
En entretien avec La Presse, le maire Tremblay a dit
hier soir que les 400 000$ ne sont pas un bonus mais
le résultat d’une promesse qu’avait faite Robert
Abdallah, l’ex-directeur général de la Ville, à M.
Delorme quand il a été choisi directeur. «Les
directeurs généraux de la Ville avaient les mêmes
conditions, dit le maire Tremblay. Le directeur du
Service incendie également, sauf que, dans le cas
d’Yvan Delorme, malgré les promesses qui avaient été
faites, ça n’avait jamais été finalisé.»
Le triomphe de la banlieue -
André Pratte
On l’a
vertement dénoncée, on s’est beaucoup amusé aux dépens
de ceux qui l’habitent . De Serge Ménard à Nathalie
Normandeau en passant par Louise Harel, les ministres
des Affaires municipales ont promis de freiner son
expansion. Et pourtant, la banlieue continue d’attirer
de plus en plus de Québécois.
Selon les plus récentes projections démographiques de
l’Institut de la statistique du Québec, les régions
qui connaîtront la plus forte croissance de leur
population au cours des 20 prochaines années se
trouvent en banlieue de l’île de Montréal : Laval (+
29% de 2006 à 2 0 31), Lanaudière (+ 38%), Laurentides
(+ 34%) e t Mon t é r é g i e (+ 22%). En 1991, 32% de
la population du Québec habitait Montréal et sa
banlieue; en 2031, cette proportion atteindra 39%.
Au sein de la région métropolitaine, l’île de Montréal
continuera de subir une fuite vers la banlieue. Et
c’est sans compter la croissance de la banlieue de
Québec, de Gatineau et des autres villes de la
province. Le Québec est déjà et sera de plus en plus
une nation de banlieusards.
Pendant ce temps, des régions mythiques stagnent,
voire se dépeuplent. Le Saguenay– LacSaint-Jean
comptait 292 000 habitants en 1991; il en aura perdu
37 000 en 2031. La CôteNord aura perdu 20 000
habitants, la Gaspésie 14 000, l’AbititiTémiscamingue
14 000 et le Bas-Saint-Laurent, 10 000. Dans certaines
de ces régions, l’exode a ralenti au cours des
dernières années, mais cela s’explique par l’âge
avancé des habitants qui restent. Dans deux décennies,
38% de la population de la Gaspésie et des
Îles-de-la-Madeleine aura plus de 65 ans,
comparativement à 21% dans l’île de Montréal. Il est
sans doute bien vu qu’un gouvernement parle d’«
occupation du territoire » (les libéraux ont même
désigné un ministre responsable de ce dossier); quoi
qu’ils disent, politiciens et fonctionnaires
n’arriveront pas à contrer une tendance aussi lourde.
Quant
à la « banlieusardisation » du Québec, elle ne se
manifeste pas seulement par la croissance fulgurante
de la population en périphérie des grandes villes. Le
nombre d’emplois y augmente aussi, notamment les
emplois manufacturiers (voir l’étude de Mario Polèse
publiée par l’ISQ). L’offre de services commerciaux et
culturels est désormais impressionnante, ce que
symbolise à merveille le complexe Dix30 à Brossard.
Cet te évolut ion amène son lot de défis. Par exemple
: comment l’État québécois arrivera-t-il à payer à la
fois pour garder ouverts écoles et hôpitaux dans des
régions en déclin et pour en construire de nouveaux
dans les régions en croissance?
De tels dilemmes ne changent rien aux faits: n’en
déplaise à ses nombreux détracteurs, la banlieue a
triomphé. Ce triomphe s’explique simplement : la
banlieue correspond aux besoins, aux goûts et aux
moyens financiers d’un très grand nombre de Québécois.
On n’arrivera pas à freiner ce mouvement; de toute
façon, il est trop tard. Les instances publiques
devraient plutôt consacrer leurs énergies à prendre
des mesures permettant de rendre la vie en banlieue
plus conforme aux exigences du développement durable,
notamment en s’assurant que le territoire agricole
soit vigoureusement protégé.
LES PARADOXES DE LA PROGRESSION URBAINE - Marie Allard
Ce n’est
pas d’hier que les jeunes familles vont s’installer en
banlieue. « C’était vrai dans les années 60 et 70, mais on
n’était pas obligé d’aller aussi loin », dit Paul Lewis,
professeur à la faculté de l’aménagement de l’Université
de Montréal. Jadis, on déménageait à Longueuil ;
aujourd’hui, on poursuit sa route jusqu’à Candiac ou à
Saint-Philippe.
« Tant que le principal revenu des vi l les sera les
impôts fonciers, les zones constructibles vont être
exploitées, analyse Sylvain Paquette, chercheur à la même
faculté. Sur ce plan-là, les dés sont un peu pipés. »
Collectivement, « c’est un peu problématique, observe M.
Lewis. Ça nous force à construire de nouvelles
infrastructures, et les enfants sont de moins en moins
capables d’aller à l’école à pied. Ce qui n’empêche pas
qu’il va falloir mettre beaucoup d’argent dans les écoles
des quartiers centraux, qui vieillissent. »
Même pour
les familles, « ce n’est pas nécessairement bon sur le
plan financier, dit le professeur. Elles sont obligées
d’acheter une deuxième voiture et de passer un temps fou
dans les déplacements. » Sans compter l’impact
particulièrement négatif sur l’environnement. « Plus on
s’installe en banlieue, plus on est dépendant de
l’automobile, souligne-t-il. Si le prix de l’essence
double ou triple, les banlieues excentrées vont devenir
moins intéressantes. »
Standards trop élevés ?
En cont repa r t ie, « d’un point de vue individuel, on ne
trouve pas de logement acceptable en ville, reconnaît M.
Lewis. Le problème, c’est que nos standards de qualité ont
changé. On veut au moins une chambre par enfant. On est
dans une société où on imagine qu’il est impossible
d’élever des enfants au troisième étage, alors que c’est
comme ça que nos parents ont fait. »
Le phénomène n’est pas près de se résorber. « On est dans
un système qui ne semble pas vouloir mettre des
contraintes à l’étalement urbain ou des incitatifs pour
rester en ville, indique le professeur. On laisse faire
les municipalités comme elles veulent, les gens comme ils
veulent, et le gouvernement ramasse les factures pour les
nouveaux services, la construction d’échangeurs, d’écoles,
d’hôpitaux. Si on faisait payer les gens pour le coût de
l’installation des services – vous voulez une école, vous
allez la payer –, peut-être que ça ralentirait. »
LES VIEUXQUARTIERS SE VIDENT
Seules trois commissions scolaires – sur 70 dans tout
le Québec – seront en croissance l’an prochain. Il s’agit
des commissions Marguerite-Bourgeoys (ouest de l’île de
Montréal), des Trois-Lacs ( Vaudreuil-Dorion) et
Sir-Wilfrid-Laurier (secteur anglophone de Laval). Ces
chiffres cachent une autre réalité : les écoles peuvent
être pleines à craquer dans les nouveaux lotissements
résidentiels d’une région et se vider dans les vieux
quartiers. Même s’il n’y a pas nécessairement de hausse de
clientèle dans l’ensemble d’une commission scolaire, le
besoin d’ouvrir de nouvelles écoles (et de fermer les
anciennes) peut être criant. Dans l’ensemble du Québec, la
tendance est à la baisse, avec une perte de plus de 18 000
élèves dans le secteur public l’an prochain.
LES ÉCOLES DÉBORDENT EN GRANDE BANLIEUE - Marie
Allard
Ça peut
sembler paradoxal : alors qu’on ferme des écoles à
Longueuil, on en réclame de nouvelles à Mirabel, à
Vaudreuil-Dorion et à Candiac. Faute de place dans des
écoles pleines à craquer, des centaines d’enfants ne
peuvent être scolarisés dans leur qua
Demain matin, la ministre de l’Éducation, Michelle
Courchesne, inaugurera la nouvelle école secondaire de
Mirabel, construite afin d’accueillir une population
scolaire en expansion. Alors que des écoles ferment dans
les vieux quartiers, celles de la deuxième couronne
débordent.
« Il y a encore des secteurs en croissance, même si,
globalement, la clientèle scolaire est en décroissance
», dit Denis Pouliot, porte-parole de la Fédération des
commissions scolaires.
Officiellement, à peine trois des 70 commissions
scolaires de la province compteront plus d’élèves l’an
prochain: Marguerite-Bourgeoys (ouest de l’île de
Montréal), des Trois-Lacs (région de Vaudreuil) et
Sir-Wilfrid-Laurier (secteur anglophone de Laval). Mais
cela cache une réalité plus complexe. « Il y a des
quartiers qui se construisent, où les jeunes familles
s’installent, ce qui oblige les commissions scolaires à
demander la construction d’écoles au ministère de
l’Éducation, même si d’autres secteurs de leur
territoire sont en décroissance », note M. Pouliot.
« Ça nous prendrait des écoles sur roulettes, mais on
n’en a pas », blague Jocelyn Blondin, président de la
commission scolaire des Portages-de-l’Outaouais. Pendant
que l’est de son territoire se vide d’enfants, l’ouest
explose. « Dans le secteur d’Aylmer, nous construisons
une nouvelle école primaire de 550 élèves, pour une
ouverture en septembre 2010, dit M. Blondin. On prévoit
déjà en demander une autre dans trois ou quatre ans. »
Gestion des deniers publics
Il reste à savoir si Québec acceptera de financer un
énième établissement. « Les projets doivent être
analysés cas par cas, indique Jean-Pascal Bernier,
attaché de presse de Mme Courchesne. Il faut regarder
différents facteurs, dont notamment la proximité des
autres écoles ainsi que les projections démographiques.
» Dix requêtes sont actuellement « en analyse », selon
une liste fournie par le Ministère.
«
Souvent, le Ministère oblige les commissions scolaires à
remplir les écoles qu’elles ont déjà avant d’en
construire de nouvelles, indique M. Pouliot. Les parents
sont mécontents parce que c’est plus loin de chez eux.
C’est évidemment une question de gestion des deniers
publics, mais il faut que ça reste raisonnable. Si on
multiplie les coûts de transport scolaire, ce n’est pas
mieux. »
Écoles demandées à VaudreuilDorion et à L’Île-Perrot
Maintenant qu’elle a sa nouvelle école secondaire à
Mirabel, la commission scolaire de la Rivière-du-Nord
réclame deux écoles primaires supplémentaires. L’une
pour desservir Mirabel et Saint-Colomban, l’autre pour
Saint-Hippolyte, Prévost, SainteSophie et Saint-Jérôme,
où affluent les jeunes familles.
Déjà, cette année, 100 élèves de Rivière-du-Nord ont dû
changer d’école, faute de place dans leur quartier. Et
le Ministère « prévoit pour notre secteur une
augmentation de la clientèle au préscolaire et au
primaire jusqu’en 2017 », ont fait valoir les
commissaires lors de leur conseil du 14 avril.
À la commission scolaire des Trois-Lacs, on prévoit une
hausse du nombre d’élèves au moins jusqu’en… 2019. Deux
nouvelles écoles primaires (ou deux agrandissements)
viennent d’être demandées, à VaudreuilDorion et à
L’Île-Perrot. « Il faut ajouter 51 classes au primaire,
on ne parle pas de quelquesunes de plus », souligne
Colette Frappier, conseillère en gestion aux Trois-Lacs.
À Vaudreuil-Dorion, comme à Mirabel ou à Candiac, « on
devientune banlieue deMontréal, note Mme Frappier.
Avant, on était une deuxième couronne, mais ça a changé.
»
Plus de 80 enfants de maternelle déplacés - Marie Allard
« Ce qui
vient me chercher davantage, c’est le manque de vision des
autorités. Je me sens trahie de ne pas avoir de services
de proximité. »
Plus de 80 enfants ne commenceront pas la
maternelle à l’école de leur quartier en septembre, à
Candiac en banlieue sud de Montréal. Ils seront plutôt
envoyés en bus… dans une petite école de Sainte-Catherine,
9 km plus loin. Le problème? L’école JeanLeman,
l’établissement de leur quartier, est pleine à craquer
avec 830 élèves cette année, alors que sa capacité est de
750.
Faute de place, la petite Camilia,
4 ans, ne commencera pas la maternelle à l’école
Jean-Leman, à Candiac. Elle devra plutôt aller en bus
dans une école de Sainte-Catherine, neuf kilomètres plus
loin, avec 80 autres enfants. « On n’espère pas la
construction d’une nouvelle école, on l’exige », dit
Chantal Gratton, sa mère.
« Pour la prochaine rentrée, on a
suffisamment de population pour remplir sept classes de
maternelle à Jean-Leman », indique Marie-Louise Kernéïs,
présidente de la commission scolaire des
Grandes-Seigneuries. Or, il n’y a de place que pour deux,
voire trois groupes.
Chantal Gratton a appris dans une lettre
reçue le 14 mai que Camilia, sa fille de 4 ans, allait
devoir changer d’établissement. « Il y a un bris de
confiance: ma fille a toujours pensé que JeanLeman serait
son école, dit-elle. Mais ce qui vient me chercher
davantage, c’est le manque de vision des autorités. Je me
sens trahie de ne pas avoir de services de proximité: je
n’ai pas de médecin, je n’ai pas eu de place en CPE avant
que ma fille ait 4 ans, même si je me suis inscrite sur la
liste d’attente à trois mois de grossesse. J’ai
l’impression perpétuelle que les services n’ont pas vu
venir la hausse du nombre d’enfants. Pourtant, on a toutes
accouché dans les hôpitaux de la région! »
Candiac, qui comptait 11 000 habitants en
1995, en a maintenant près de 18 000. « Dans le secteur de
Jean-Leman, ça construit beaucoup », explique Danielle
Leggett, porte-parole de la ville de Candiac, qui
reconnaît que l’école est surpeuplée. « De notre côté, les
prévisions avaient été faites, on savait que ça s’en
venait, dit-elle. Mais les gens de la commission scolaire
sont plus sur les freins, ils ont moins envie de
construire alors qu’ailleurs on ferme des écoles. »
Nouvelle école réclamée d’urgence
Au contraire, il y a quatre ans que la commission
scolaire réclame une nouvelle école, selon Mme Kernéïs. Le
ministère de l’Éducation a préféré financer – avec l’appui
de la communauté – un agrandissement. Sept classes
supplémentaires ont été inaugurées à Jean-Leman en 2006. «
Dès l’année suivante, on a été obligés de changer des
enfants d’école », note la présidente.
Aujourd’hui, la croissance est telle à Candiac et à
SaintPhilippe que la construction d’un nouvel
établissement est réclamée d’urgence. « Nous avons
effectivement reçu une demande en ce sens, confirme
Jean-Pascal Bernier, attaché de presse de la ministre de
l’Éducation. Le Ministère en fait l’analyse. »
En attendant, « on a essayé de simplifier au maximum
la vie des parents, d’avoir le moins d’impact possible
tout en conservant le meilleur service aux enfants »,
assure Mme Kernéïs. Les familles continueront de
reconduire tous leurs enfants au service de garde de
l’école Jean-Leman – que fréquentent 89% des élèves de
maternelle. Ce n’est qu’au moment de la classe que les
petits prendront un bus pour Sainte-Catherine, où ils
trouveront des installations prévues pour eux ( petites
toilettes, petits lavabos, etc.). Les pauvres devront donc
se familiariser avec deux écoles, dénoncent des parents
qui font circuler une lettre ouverte contre cette
décision.
« Quand on a sélectionné ce quartier, c’était pour
la jeunesse des voisins – ça grouille d’enfants, ici – et
pour la proximité des écoles, souligne Chantal Gratton. On
n’espère pas la construction d’une nouvelle école, on
l’exige. »
Le « club » des entrepreneurs sous la loupe
- André Noël
Une
douzaine d’entreprises de travaux publics se
partageraient les contrats
La nouvelle escouade anticorruption, annoncée
officiellement hier, va tenter d’éclaircir un mystère
qui hante bien des Québécois depuis des années :
pourquoi les entrepreneurs réussissent-ils à obtenir
beaucoup plus d’argent pour asphalter une route ou une
rue au Québec que dans le reste du Canada?
PHOTO IVANOH DEMERS
ARCHIVES LA PRESSE
La construction d’une chaussée
d’autoroute urbaine à deux voies coûte 790 000 $ le
kilomètre au Québec, soit 50 % de plus que la
moyenne canadienne (d’environ 527 000 $ le
kilomètre).
De source sûre, La Presse a appris que l’escouade va
s’intéresser particulièrement à l’un des plus
importants entrepreneurs en travaux publics, actif
surtout à Montréal, à Laval et dans les
Basses-Laurentides. Et encore plus précisément à deux
ouvrages routiers que son entreprise réalise et a
réalisés. L’un d’eux a été financé par le ministère
des Transports et la Ville de Montréal. Ses coûts ont
explosé, passant du simple au double.
Des données issues d’une vaste étude de T ransports
Canada ont montré il y a deux ans que la construction
d’une chaussée d’autoroute urbaine à deux voies coûte
790 000 $ le kilomètre au Québec, soit 50 % de plus
que la moyenne canadienne (d’environ 527 000 $ le
kilomètre). L’éca rt avec l’Ontario est moins
important, mais quand même significatif, avec une
différence de 20 %.
La Sûreté du Québec a en main une déclaration sous
serment qu’un fonctionnaire du ministère des
Transports a signée après avoir rencontré un
entrepreneur qui faisait partie d’un « club » formé
par une douzaine d’entreprises de travaux publics.
L’entrepreneur avait confié à ce fonctionnaire que les
membres du club se partageaient les contrats. En
apparence, les contrats étaient donnés aux plus bas
soumissionnaires à la suite d’appels d’offres. En
vérité, les entreprises se concertaient pour
déterminer, à tour de rôle, qui remettrait la
soumission la plus basse… laquelle était toujours plus
élevée que les coûts réels.
D ’a u t r e s s o u r c e s p a r - lent du «
Fab-fourteen », ou « Fabulous-14 », un groupe
d’entreprises qui chercheraient à se partager de
grands contrats. L e Bu reau de la concurrence du
Canada a fait des enquêtes à ce sujet dans des
municipalités du Québec, mais sans aboutir.
Surveillance
La SQ pourrait avoir plus de moyens de surveillance,
notamment grâce à l’écoute électronique et à son
réseau d’informateurs, dont certains frayent avec les
milieux criminels. Des entrepreneurs ont déjà été
filmés ou photographiés avec des membres de la mafia.
Des enquêteurs se dema ndent si la ma fia n’exige pas
une commission sur leurs profits. Un entrepreneur qui
a d’importants c ont r a t s ave c la V i l le de
Montréal a été battu au début de l’été. Un dirigeant
d’une autre entreprise de travaux publics a été
tabassé à son tour, la semaine dernière.
Le succès ou l’échec de la nouvelle escouade aura un
grand impact, non seulement à Montréal, mais à la
grandeur du Québec. Cette année, le MTQ va accorder
environ 1800 contrats, dont le total variera de 2 à
2,5 milliards de dollars. Une surfacturation de 20 %
signifierait que les Québécois payent des centaines de
milde partis politiques, ou carrément à des élus ou à
des fonctionnaires, parfois par l’entremise de firmes
d’ingénieurs, afin que tous ferment les yeux sur un
système répandu de surfacturation.
« Les policiers de la SQ (attachés à la nouvelle
escouade) auront pour mandat spécifique d’enquêter sur
des questions Une surfacturation de 20 % signifierait
que les Québécois payent des centaines de millions de
dollars de trop, chaque année, pour leurs
infrastructures, lions de dollars de trop, chaque
année, pour leurs infrastructures, qu’il s’agisse des
routes, des conduites d’eau et d’égouts, des tunnels
de métro ou des bâtiments publics.
La nouvelle escouade cherchera à savoir si les
entreprises appartenant au « Fab-14 » versent
illégalement de l’argent comptant aux caisses occultes
de corruption et de malversation, a indiqué le
ministre de la Sécurité publique, Jacques Dupu is , au
cou rs d’u ne conférence de presse, hier. Ils
s’adjoindront un certain nombre de personnes qui sont
des gens des renseignements criminels, qui sont aussi
des gens de certains ministères, notamment du
ministère des Transports. Les raisons sont évidentes :
il y a beaucoup de contrats qui sont actuellement
octroyés en matière d’infrastructures. On veut
surveiller ça de très près. »
Des experts du ministère des A f fa i res mu n ic ipa
les et du ministère du Revenu appuieront aussi
l’escouade, laquelle sera composée de 17 policiers et
de trois procureurs, a ajouté le ministre. L’escouade
fera partie de la division des crimes économiques de
la SQ.
« Nous ne pouvons pas accepter comme société que des
gens s’enrichissent illégalement, que ce soit par la
corruption, la malversation ou les fraudes fiscales, a
dit M. Dupuis. Le message que nous tenons aujourd’hui
à la population du Québec est celui-ci : nous sommes
là pour protéger l’intégrité de la société. Notre
message aux bandits est celuici : on est sur votre
dos. Nous intensifions ces luttes-là. »
Une pègre divisée et sans leader - André
Cédilot
Attentats au cocktail Molotov, intimidation dans les
bars, dans les rues et dans les parcs: à Montréal, les
gangs de rue surtout, mais aussi de petits revendeurs
i ndépendants tentent de se tailler une place dans le
trafic de drogue en attendant que se réorganisent les
Hells Angels et la mafia montréalaise, ébranlés par
les nombreuses razzias de la police depuis trois ans.
Selon les spécialistes, cette vague d’incidents
illustre le « fractionnement » de la pègre
montréalaise et les luttes de territoire que se
livrent les trafiquants des échelons inférieurs en
l’absence d’un véritable leader depuis l’arrestation
de Vito Rizzuto, en 2004.
« La mafia et des motards sont ébranlés, c’est sûr, et
il n’y a personne d’assez fort qui a l’envie, ni
peut-être la force, du moins pour l’instant, de réagir
à tous ces petits trafiquants qui cherchent à se faire
une place coûte que coûte », avance Pierre de
Champlain, auteur de livres sur le crime organisé et
ancien analyste du service de renseignement de la GRC,
à Ottawa.
Poussant plus l oin la réflexion, M. de Champlain
estime que le temps où des organisations comme la
mafia et les motards dominaient à Montréal achève
peut-être. « Comme toute chose, le milieu interlope au
sens traditionnel, avec une hiérarchie, l’aura d’un
chef comme Vito Rizzuto, par exemple, est peut-être
appelé à changer. De plus en plus, on a aujourd’hui
des criminels qui s’allient selon les besoins, au gré
des circonstances », dit-il.
Selon
lui, on ne peut plus vraiment parler de gangs de rue
comme dans les années 80. Certes, il y a encore des
petites bandes qui se créent au coup par coup et se
défont aussi rapidement. « Mais il y en a d’autres qui
existent depuis des années et qui prennent de plus en
plus de place», assure M. de Champlain. Avec le
résultat que leurs chefs sont aujourd’hui des
criminels d’expérience et qu’ils sont en mesure de
négocier, sinon de rivaliser avec la mafia et les
motards.
Des enquêtes récentes ont notamment démontré que
d’anciens membres de gangs de rue comme Dany Cadet
Sprince, à la tête des Syndicates, ou le clan des
frères Zéphir s’occupaient de la distribution de la
drogue dans le centre-ville pour le compte des Hells
Angels. « Les gangs de rue prennent de plus en plus de
place. Il y a constamment de nouveaux venus et le
territoire est de plus en plus fragmenté. À moins d’un
coup de force, la mafia et les motards peuvent de
moins en moins les ignorer et devront apprendre à
faire avec eux », soutient M. de Champlain.
Af fa ibl i s pa r les raids policiers qui ont culminé
avec l’opération antimafia de novembre 2006 et la
toute récente opération SharQc, qui a touché les cinq
chapitres des Hells Angels, les deux gangs, aussi
dominants soient-ils, ne sont pas nécessairement en
mesure de passer à l’action pour le moment. « La mafia
et les motards sont fragilisés, tous les principaux
leaders sont en prison, en probation ou recherchés »,
souligne l’ancien spécialiste de la GRC.
C’est ce qui explique, à n’en pas douter, que les
mafiosi montréalais aient acheté la paix quand le gang
des frères Célestin a pris d’assaut des bars et des
cafés qu’ils détenaient dans l’est de la ville, plus
particulièrement dans le quartier
Rivière-des-Prairies, l’an passé. Après plusieurs
fusillades, le calme est soudainement revenu. C’est
peut-être ce qui se passe depuis quelque temps dans le
quartier Saint-Michel, mais cette fois à coups de
cocktails Molotov et de bombes incendiaires.
Six Hells à la retraite libérés sous caution
- André Cédilot
Inculpés en marge d’une série de meurtres survenus
durant la guerre contre les Rock Machine et leurs
alliés, six membres à la retraite des Hells Angels ont
pu recouvrer la liberté, hier, en échange de
cautionnements allant de 5000$ à 125 000$.
À la sortie de la salle d’audience, les avocats des
motards se félicitaient de la décision du juge James
Brunton, de la Cour supérieure. Les procureurs du
gouvernement ont quant à eux rapidement annoncé leur
intention de faire appel. Il y a quelques semaines, un
juge de la Cour du Québec a rejeté la demande de mise
en liberté provisoire de 13 autres accusés.
Arrêtés dans le cadre de l’opération SharQc, les six
exmotards – John Coates, 43 ans, Bruno Dumas, 50 ans,
Claude Berger, 60 ans, Maurice Soucy, 57 ans, Jacques
Dumais, 41 ans, et François Goupil, 39 ans – ont
assuré au juge qu’ils seraient présents à leur procès.
Ils ne pourront quitter le Québec, devront respecter
un couvre-feu entre 19h et 7h, se présenter
régulièrement à la police et se tenir loin des débits
de boissons et du milieu criminel.
À l’instar d’une centaine de leurs anciens comparses,
les six motards à la retraite sont accusés d’une
kyrielle de meurtres – jusqu’à 22 dans certains cas –
qui, selon le ministère public, auraient été commis
par les Hells Angels durant la guerre qui les a
opposés aux Rock Machine, de juillet 1994 à juin 2002.
Ils sont aussi accusés de complot, de trafic de drogue
et de gangstérisme.
Le
juge Brunton, conscient de l’impact qu’aura son
jugement sur le public, a obtenu des avocats de la
défense la levée de l’ordonnance de non-publication
qui pesait sur l’enquête sur cautionnement. Estimant
que la publication du détail de la preuve pourrait
nuire à la tenue d’un éventuel procès, le ministère
public s’est vainement opposé à cette demande du juge,
pour le moins inusitée. « Il importe que le public
comprenne bien les motifs de la décision », a-t-il
invoqué, tout en précisant qu’il ne pourrait y avoir
de procès avant au moins un an.
En gros, si le juge Brunton a accordé des
cautionnements aux six ex-motards, c’est que le
dossier d’accusation est complexe et que la majeure
partie de la preuve – du moins celle présentée devant
lui – est basée sur les déclarations du délateur
Sylvain Boulanger. Selon le juge, il n’y a pas non
plus de preuve formelle, si ce n’est dans le cas de
BrunoDumas, selon laquelle les prévenus ont trempé
dans des activités illicites depuis qu’ils ont quitté
les Hells Angels.
« La poursuite semble avoir des preuves solides, mais
elles n’ont pas encore été validées par un tribunal »,
estime le juge Brunton. C’est en remontant 20 ans en
arrière que les policiers en sont arrivés à
reconstituer les liens existant entre les différents «
chapitres » des Hells Angels et à cerner leurs
activités illicites. Au procès, il restera, selon le
juge, à déterminer le rôle et la « responsabilité
individuelle » de chacun des 156 accusés.
Principal témoin à charge, Boulanger recevra 2,9
millions pour ses services. Il demandait 10 millions à
l’origine. Dans le jugement rendu hier, le juge
souligne que Boulanger avait quatre bonnes raisons de
balancer ses « frères » motards : il cherchait
vengeance, mais il ne voulait pas aller en prison et
il voulait « sécuriser » sa famille. L’importante
récompense a aussi compté.
Accalmie chez les gangs de rue
- Caroline Touzin
Ils
commettent moins de crimes que l’an dernier, soutient
le SPVM
Alors que la criminalité est en hausse de 12% depuis
le début de l’année à Montréal, les crimes liés aux
gangs de rue sont en baisse. Cette « accalmie » ne
diminue par les ardeurs du Service de police de la
Ville de Montréal (SPVM) pour qui la lutte contre les
gangs de rue est toujours la priorité.
Malgré des compressions de
13,8 millions, le SPVM assure qu’il ne relâche pas
sa lutte contre les gangs de rue.
Cette baisse est attribuable aux efforts du SPVM pour
contrer le phénomène, et non à une diminution du
nombre de membres de gangs, selon le directeur adjoint
et responsable du dossier des gangs de rue au SPVM,
Jacques Robinette. « Actuellement, il y a une certaine
accalmie », a-t-il souligné hier en conférence de
presse, au moment de son bilan semestriel sur les
gangs de rue.
Bon an, mal an, Montréal compte de 300 à 500 membres
de gangs de rue majeurs, selon le SPVM. Des membres de
gangs de rue majeurs ont d’ailleurs pris part à la
mini-émeute qui est survenue dans un parc de
MontréalNord à la mi-juin, a indiqué le directeur
adjoint.
Depuis janvier, 64 projets d’enquête visant les gangs
de rue ont été amorcés. Un nombre équivalent à celui
de l’an dernier, et ce, malgré les compressions de
13,8 millions imposées par la Ville ce printemps, a
fait valoir M. Robinette.
La Fraternité des policiers de Montréal avait alerté
la population au printemps, prédisant un été « chaud »
en raison du manque de moyens pour enquêter sur le
crime organisé. Des allégations que la direction du
SPVM nie avec véhémence. « La lutte contre les gangs
de rue est notre priorité. Aucune enquête n’a été
touchée et ce ne sera pas le cas dans l’avenir non
plus », a dit M. Robinette.
Les
crimes commis par les gangs, dont les meurtres, ont
même baissé, selon le SPVM.
En 2008, la police a attribué aux gangs de rue le
quart des homicides et près de la moitié des voies de
fait (48%) commis à Montréal. Tous crimes contre la
personne confondus, il s’agit de 1 infraction sur 25.
Depuis le début de 2009, 3 meurtres sur les 14 commis
dans la métropole sont liés aux gangs de rue. C’est
deux de moins qu’à la même période l’an dernier.
Toutefois, il y a eu plus de tentatives de meurtre
liées aux gangs qu’en 2008 (20 contre 17).
Le SPVM a aussi saisi 52 armes à feu dans ses
opérations antigangs. La moitié de ces armes ont été
saisies durant l’opération Axe, la plus importante
enquête sur les gangs de rue menée par le corps
policier à ce jour (55 arrestations, dont 25 personnes
accusées de gangstérisme en février).
Au cours des dernières semaines, des crimes commis par
des gangs de rue dans l’Ouest-de-l’Île, notamment à
Pierrefonds, ont suscité des craintes chez les
citoyens du secteur. Ce n’est toutefois pas devenu le
nouveau « point chaud » de la ville, nuance M.
Robinette. Les crimes de gangs sont répartis aux
quatre coins de Montréal, selon une compilation faite
par le SPVM des meurtres et tentatives de meurtre liés
aux gangs survenus depuis janvier 2007 (Nord: 6
meurtres/32 tentatives; Sud: 6/36; Ouest: 8/23; Est:
7/26).
Le SPVM a tenu à rappeler que la lutte contre les
gangs de rue est une « responsabilité collective », et
non pas seulement l’affaire de la police. On a observé
une diminution de la quantité d’information transmise
par les citoyens au moyen de la ligne de dénonciation
anonyme Info-Crime.
Quand la SQ s’intéresse à la corruption
- YVES BOISVERT
Oh,
monsieur le maire, monsieur le maire ! Nos chicanes
municipales sont maintenant étalées dans LE magazine
de référence, The Economist. Ça fait un peu désordre.
Le jour même, La Presse publiait une entrevue
absolument étonnante avec le grand patron de la Sûreté
du Québec, Richard Deschesnes.
Étonnante d’abord parce qu’il confirme officiellement
la tenue de cinq enquêtes criminelles sur des
allégations de corruption autour de travaux municipaux
à Montréal.
Étonnante ensuite parce qu’il fait part publiquement
de son opinion sur l’ampleur du problème de la
corruption dans le monde municipal. En 28 ans de
carrière comme policier, il n’a jamais rien vu de tel
– cinq enquêtes autour de la métropole.
Remarquez bien, pas besoin de remonter aux années
1940. En 1978, Gérard Niding, qui était président du
comité exécutif de la Ville de Montréal, a dû
démissionner quand on a appris qu’il s’était fait
construire un chalet de 150 000$ à Bromont aux frais
de l ’ent repreneur Régis Trudeau, qui avait obtenu un
contrat pour les Jeux olympiques de 1976. Niding s’est
avoué coupable d’abus de confiance et de corruption et
Trudeau a aussi été reconnu coupable d’abus de
confiance.
C’est en quelque sorte la lutte contre la corruption
municipale qui a mené Jean Drapeau au pouvoir, en
1954. Dans les années 1960 et 1970, les scandales de
corruption ont éclaté dans le monde municipal
québécois les uns après les autres.
Tout ça pour dire que si, de mémoire, M. Deschesnes
n’a jamais rien vu de tel, ça ne veut pas dire que
c’est nécessairement pire que jamais.
Pour ceux qui seraient tentés de désespérer de
l’époque et de sa moralité, je citerai le ministre de
la Justice du Québec Jérôme Choquette qui parlait
ainsi en 1970: « La corruption existe à tous les
niveaux de la société, au point que la fibre morale de
cette province est en train de s’effriter. »
Je
n’essaie pas de banaliser le phénomène. Disons
simplement que c’est un combat incessant.
Ce qui est intéressant, c’est précisément qu’i l y ait
des enquêtes. C’est signe que des gens se plaignent,
des informations circulent. La difficulté des enquêtes
de corruption est qu’il n’y a pas de victime
apparente, du moins qui soit prête à parler. Ceux qui
savent sont complices.
Je pense à une ville du Québec qui a une réputation
légendaire de corruption systématique et très bien
organisée : il n’y a apparemment aucune enquête
là-bas. L’absence d’enquête n’est pas pour autant une
preuve de probité.
L’aut r e élément qui me f rappe dans l ’ entrevue du
chef Deschesnes, c’est qu’il en appelle à la formation
d’une escouade spécialisée dans le domaine. On sait
que les policiers sont toujours friands de nouvelles
escouades, de nouveaux effectifs et de nouveaux
budgets. Mais que le chef de la SQ vienne dire
publiquement que le phénomène est suffisamment grave
pour justifier un tel groupe, voilà qui est très
significatif.
Certains ont peut-être honte de voir Montréal ainsi
écorché. Soyons sérieux. Toutes les grandes villes
nord-américaines ont fait face à ce genre de problème,
y compris jusque dans les corps de police à
l’occasion.
Maintenant qu’on en parle et qu’on sent une volonté…
policière de s’y intéresser, les politiciens
montréalais et les autres seraient malvenus de ne pas
être pour la vertu.
Entre deux sorties contre La Presse et ses vilains
journalistes, le maire Tremblay pourrait peut-être
appuyer l’initiative, même.
Une intervention de moins d’une minute -
Caroline Touzin
Treize
secondes. C’est le temps qui s’est écoulé entre la
demande de renfort de l’agent Jean-Loup Lapointe,
alors qu’il a fait une clé de bras à Dany Villanueva
sur le capot de son auto de police, et le moment où sa
coéquipière, Stéphanie Pilotte, a demandé des
ambulances pour les trois jeunes blessés par balle.
PHOTO IVANOH DEMERS,
LA PRESSE
Les parents de Fredy
Villanueva, Lilian Maribel Madrid Antunes et
Gilberto Villanueva, au palais de justice hier.
Au total, toute l’intervention policière a duré moins
d’une minute: dumoment où les deux agents sont sortis
de l’auto, dans l’intention de distribuer des constats
d’infraction au groupe de jeunes qui jouaient aux dés
dans un stationnement, jusqu’à ce que l’agente Pilotte
appelle les secours après le quatrième coup de feu
tiré par son coéquipier.
Le temps de l’intervention a été établi, hier, à
l’enquête du coroner André Perreault, où la policière
Stéphanie Pilotte a poursuivi son récit de la
fusillade du 9 août 2008 qui a coûté la vie à Fredy
Villanueva, 18 ans.
« Ça laisse présumer qu’on a été rapidement vers une
méthode plus forte. Et peutêtre dans une situation
d’escalade plutôt que d’essayer de calmer le jeu », a
déploré le porte-parole de Mouvement Solidarité
Montréal-Nord, François Bérard, en marge des
audiences.
Pour sa part, l’avocat de la Fraternité des policiers
de Montréal, Michael Stober, a lancé cet avertissement
à ceux qui seraient tentés de juger rapidement: «C’est
toujours facile, après, de décortiquer. Il faut être
là dans le feu de l’action.»
La policière a été longuement contre-interrogée, hier,
sur les étapes à suivre dans l’utilisation de la force
que l’on enseigne à l’École de police. En théorie, le
policier devrait utiliser des outils intermédiaires,
comme un bâton télescopique ou du gaz poivre, avant de
se servir de son arme à feu, « la dernière étape
lorsque la vie du policier est en danger », a-t-elle
expliqué. Mais le 9 août 2008, « on était un nombre
inférieur au nombre d’attaquants », a-telle ajouté.
Après avoir appelé du renfort, l’agent Lapointe a fait
un crocen-jambe à Dany Villanueva, puisque ce dernier
résistait à son arrestation. Le policier l’a pris au
cou en essayant de le maîtriser au sol pendant qu’il
se débattait toujours, et a finalement tiré quatre
coups de feu. Stéphanie Pilotte a vu brièvement Fredy
Villanueva s’approcher du policier avec une main en
demi-lune, « comme pour étrangler », avant de recevoir
deux coups de feu. Elle n’a pas vu Fredy Villanueva ni
les autres jeunes, à l’exception de son frère Dany,
toucher au policier.
Pour
atteindre Jeffrey Sagor Metellus au dos d’une
quatrième balle, le policier a fait un balayage de «
90 à 180 degrés » avec son arme, toujours selon la
policière. Une version différente de celle de l’agent
Lapointe, inscrite dans son rapport remis un mois
après l’incident du 9 août 2008. « Je fais feu tout en
avançant l’arme devant moi et en la dirigeant vers le
centre des masses qui sont sur moi », a-t-il écrit.
En contre-interrogatoire, l’avocat du policier, Me
Pierre Dupras, a d’ailleurs tenté de faire dire à la
policière qu’elle n’avait pas de « rapporteur d’angle
» au moment de la fusillade, et que c’était sans doute
moins de 90 degrés. La jeune femme a toutefois
maintenu sa version.
La jeune policière a aussi réitéré que son physique (5
pieds 1 pouce et 135 livres) n’avait rien à voir avec
le déroulement dramatique de l’événement. Elle a
ajouté que l’utilisation d’« outils intermédiaires »
comme du gaz poivre aurait présenté un risque pour son
partenaire et elle, car ils étaient trop près de
l’individu qu’ils tentaient de maîtriser (Dany
Villanueva).
De plus, la présence d’un système de positionnement
par satellite dans les voitures de police n’aurait pas
permis aux renforts d’arriver plus rapidement, selon
elle.
C’est que son partenaire et elle n’ont pas indiqué
leur « localisation » à la centrale de police avant de
mener leur intervention. S’en est suivi un long
échange paniqué sur les ondes de police durant lequel
la répartitrice a tenté à sept reprises de trouver
leur emplacement.
Cela s’explique par le fait que les deux policiers
avaient signalé qu’ils allaient répondre à un appel
pour une plainte de bruit boulevard Langelier, alors
qu’ils étaient plutôt dans le stationnement de l’aréna
près du parc Henri-Bourassa.
Le contre-interrogatoire de la policière se poursuit
aujourd’hui au palais de justice de Montréal. Ironie
du sort, la policière qui a été blessée par balle lors
des émeutes du 10 août 2008 à Montréal-Nord, Sabrina
Dufour, est une bonne amie de la policière Stéphanie
Pilotte. La veille des émeutes, l’agente Dufour a été
l’une des premières personnes à aller réconforter son
amie, en état de choc après avoir participé à
l’intervention policière qui s’est soldée par la mort
de Fredy Villanueva. Elle a même conduit Mme Pilotte
chez elle après le drame. Le lendemain, l’agente
Dufour a reçu une balle à une jambe au cours de
l’émeute. Le tireur n’a toujours pas été arrêté. –
ENQUÊTE
DU CORONER SUR LA MORT DE FREDY VILLANUEVA
L’agente Pilotte donne sa version -
Caroline Touzin
C’est entourée de deux gardes du corps et accompagnée de son
collègue Jean-Loup Lapointe que l’agente Stéphanie Pilotte a
fait son entrée à l’enquête publique du coroner sur la mort
de Fredy Villanueva, hier, au palais de justice de Montréal.
La
jeune femme à la voix et à l’allure juvéniles a
commencé son témoignage très attendu en résumant sa
courte expérience comme policière. Après avoir obtenu
son diplôme collégial en techniques policières, en
2006, elle a suivi une formation à l’École nationale
de police, a été embauchée par le SPVM et a été
affectée à la patrouille dans Montréal-Nord en février
2007. Elle comptait 18 mois de service au moment de
l’incident.
Sa
coéquipière régulière de patrouille n’avait
guère plus d’expérience qu’elle, soit trois ans.
L’agente Pilotte a expliqué au
coroner André Perreault que toutes deux étaient
affectées « au secteur chaud », surnommé « le Bronx »
par les policiers. « On peut voir de tout à
MontréalNord », a-t-elle dit, dont beaucoup de «
problématiques » de flânage, de vols et de conflits
entre locataires et propriétaires.
Lorsque
Me François Daviault, le procureur du coroner, a
voulu savoir si elle se sentait en sécurité de
patrouiller dans « le Bronx » avec une collègue
aussi peu expérimentée qu’elle, l’avocat du
SPVM, Me PierreYves Boisvert, s’est opposé à la
question. Le coroner
Perreault a accueilli l’objection puisque le 9 août
2008, l’agente Pilotte ne patrouillait pas avec sa
coéquipière habituelle, mais bien avec M. Lapointe.
Dans la journée du 9 août, tous les policiers du PDQ
39 plus expérimentés que Mme Pilotte avaient refusé de
faire des heures supplémentaires. La jeune agente,
elle, a accepté. C’était la première fois qu’elle
faisait deux quarts de travail d’affilée. Au début de
son second quart, elle a été jumelée à l’agent
Lapointe qui, lui, avait alors cinq ans d’expérience.
Tous deux se « connaissaient » pour s’être croisés au
poste, sans plus, a-t-elle expliqué.
Le début de leur quart de travail s’est déroulé
normalement, a-t-elle indiqué. Vers 17h, l’agent
Lapointe a inscrit le nom de « sujets d’intérêt » dans
l’ordinateur de l’auto de police afin de procéder à
des « enquêtes de renseignements ». L’un de ces sujets
d’intérêt était Jeffrey Sagor Métellus (atteint d’une
balle dans le dos durant l’intervention policière plus
tard ce soir-là). Puis, vers 18h55, soit 15 minutes
avant l’arrivée des agents Pilotte et Lapointe au parc
Henri-Bourassa, ils ont croisé Métellus en répondant à
un appel rue Lapierre. Métellus était dans une entrée
de stationnement et il ne faisait « pas grand-chose »,
a témoigné l’agente Pilotte hier. Jean-Loup Lapointe
l’a reconnu. « Ils ont échangé quelques mots, rien de
spécial. Je ne sais pas pourquoi ils se connaissent »,
a-t-elle ajouté.
Les
policiers ont ensuite continué leur chemin vers le
stationnement derrière l’aréna Maurice-Duplessis, où
les patrouilleurs de Montréal-Nord ont l’habitude
d’aller, a relaté Mme Pilotte, puisque cet endroit
offre une vue d’ensemble sur le parc Henri-Bourasssa.
En tournant le coin, les deux agents ont vu un groupe
de quatre à six jeunes « debout », « penchés vers
l’avant » et « en cercle ». Ils étaient encore à
plusieurs mètres des jeunes lorsque Jean-Loup Lapointe
a dit à sa coéquipière: « Ah! ils jouent aux dés. »
L’agente Pilotte, elle, ne voyait pas de dés à ce
momentlà. Par la suite, la policière a accepté un
appel non prioritaire pour une affaire de bruit en
utilisant un bouton de son terminal d’ordinateur.
Bien qu’elle ait accepté l’appel, l’agent Lapointe est
sorti du véhicule de police. Mme Pilotte a alors
décidé de sortir à son tour et de se diriger vers un
des jeunes qui quittait le groupe. Aucun des deux
agents ne le connaissait. « Je voulais empêcher
l’individu de partir en poursuite à pied », a indiqué
la policière, hier. Il s’agissait de Dany Villanueva,
le frère de Fredy.
Me François Daviault a interrompu le témoignage de la
policière avant d’entrer dans le coeur de l’incident,
hier, alors que la journée d’audience se terminait.
À s a s or t i e de la sa l le d’audience, Me Alain
Arsenault, l ’ u n des avocats du c l a n Villanueva,
s’est dit surpris d’apprendre que les deux agents
s’étaient déjà engagés à répondre à un appel pour une
plainte de bruit après avoir constaté que les jeunes
jouaient aux dés. « Pourquoi n’ont-ils pas
continué leur chemin? » se
demande l’avocat. Surtout qu’une seule personne en
cinq ans a été accusée relativement à des jeux de
hasard dans un lieu public à la cour municipale de
Montréal, a révélé Me Arsenault aux médias, en citant
un document transmis aux parties intéressées par le
procureur du coroner dans le cadre de l’enquête
publique.
L’agente Pilotte poursuivra son témoignage le 9
décembre, à la reprise des audiences.
Le SPVM et la SQ se font écorcher
- Caroline Touzin
Le
Service de police de la Ville de Montréal aurait
bafoué certaines de ses règles internes liées au
transfert d’enquête à un autre corps de police à la
suite de la mort de Fredy Villanueva.
La mère de Fredy Villanueva,
Lilian Maribel Madrid Antunes, hier au palais de
justice de Montréal.
Selon ces règles, l ’agent Jean-Loup Lapointe aurait
dû être « isolé tout en s’assurant qu’il est
accompagné d’un superviseur de quartier » après avoir
tiré sur le jeune Villanueva le 9 août 2008. De plus,
le policier était tenu de « collaborer à l’enquête ».
Le document i nterne du SPVM i ntit ulé « Mode de
fonctionnement. Intervention particulière » détaillant
les règles à appliquer en cas de politique
ministérielle a été déposé en preuve, hier, à
l’enquête publique du coroner André Perreault au
palais de justice de Montréal.
La Sûreté du Québec a aussi été écorchée, hier, en
cette troisième journée d’audience. Au moment de mener
son enquête criminelle sur les agents JeanLoup
Lapointe et Stéphanie Pilotte du SPVM, le
sergentdétective Bruno Duchesne de la SQ ignorait tout
de ces règles qu’il aurait pu invoquer pour forcer
l’agent Lapointe à « collaborer ».
Habilement questionné par le coroner André Perreault,
l’enquêteur Duchesne a admis avoir pris connaissance
de ces règles plusieurs mois après la fin de son
enquête, soit en janvier dernier. Selon les règles du
SPVM, le policier impliqué dans une i ntervention
durant laquelle une personne perd la vie doit «
collaborer » et « demeurer disponible aux fins de
l’enquête ». Le policier de la SQ n’a pas cherché à
savoir, non plus, l’identité du « superviseur de
quartier » qui aurait dû « isoler » l’agent Lapointe
ce soir-là.
Plus t ôt c e t t e s e maine, l ’a gent Duchesne a
révélé que les agents Lapointe et Pilotte n’avaient
pas été isolés, contrairement aux jeunes témoins du
drame. Les deux agents sont plutôt allés au poste de
quartier ensemble puis ont partagé l a même ambulance,
accompagnés d’un représentant syndical. Hier,
l’enquêteur est revenu sur sa déclaration en disant
qu’on pouvait interpréter « isoler » dans le sens de «
sortir des lieux ». À ses yeux, la directive aurait
ainsi été respectée. Et que de toute manière, « ça a
été fait avant que la SQ entre en fonction », alors il
n’aurait rien pu faire.
L es
avocats du clan Villanueva ne sont pas du tout de cet
avis. En marge de l’enquête, Me Alain Arsenault s’est
indigné de cette situation de « deux poids, deux
mesures ». « Il devait être isolé de tous. La
directive interne de la police de Montréal n’a pas été
suivie par le policier responsable à ce moment-là. Il
n’y a aucune ambiguïté. On peut faire de la
sémantique, mais ça ne résiste pas à l’analyse », a
dit l’avocat du jeune Jeffrey Sagor Metellus aux
journalistes présents.
D’autres révélations ont fait mal paraître le SPVM,
hier. L’enquêteur Duchesne s’est fait refuser l’accès
aux « antécédents déontologiques » de l’agent Lapointe
à moins de justifier par écrit les raisons de sa
requête. Or, la SQ considérait qu’elle n’avait pas à j
ustifier quoi que ce soit. Ainsi, le SPVM ne les a
jamais transmis. De plus, la SQ a demandé au SPVM de
lui transmettre les notes de leur premier briefing le
soir où l’enquête a été transférée. C’est dans ce
briefing que le SPVM a indiqué à la SQ une thèse de
départ erronée selon laquelle les agents avaient été «
encerclés, jetés au sol et étranglés ». Le SPVM a
répondu à la SQ que de telles notes n’existaient pas.
Des photos des blessures des deux agents ont
d’ailleurs été dévoilées, hier. Aucun n’a de blessure
au cou. L’agent Lapointe a une égratignure à un coude
et sa coéquipière, deux égratignures aux genoux et
quelques r ougeurs au x avant-bras.
Des questions jamais posées
L e c or oner P e r r e a u l t a aussi voulu savoir
pourquoi l’enquêteur Duchesne n’avait pas interrogé
l’agente Pilotte après qu’elle lui eut remis son
rapport si elle n’était pas considérée comme suspecte.
« Oui, j ’ai eu des questionnements s upplémenta i r e
s dans ma tête, mais on n’avait toujours pas le
rapport de M. Lapointe », a répondu le policier.
L’enquêteur Duchesne estimait que l’agente Pilotte
aurait pu dévoiler à son coéquipier « l’orientation de
l’enquête » si elle était interrogée.
L a SQ n’a posé qu’u ne seule question de vive voix à
l’agent Lapointe durant son enquête, a relevé le
coroner Perreault. Deux collègues de M. Duchesne sont
allés le rencontrer au bureau de son avocat Me Pierre
Dupras le 15 août 2008. « As-tu fourni un rapport à
ton supérieur immédiat ? » lui ont-ils demandé.
Pourtant, la SQ savait qu’il ne l’avait pas encore
remis, a fait valoir le coroner. Cette rencontre a été
courte puisque l’agent Lapointe a invoqué son droit au
silence.
« Nous, les policiers, on est honnêtes »
- Caroline Touzin
L’enquêteur de la SQ explique pourquoi rien n’a été
fait pour éviter que les deux policiers impliqués
n’accordent leurs violons
L’enquête de la Sûreté du Québec ( SQ) sur les deux
policiers de Montréal impliqués dans la mort de Fredy
Villanueva a démarré sur des bases erronées en raison
du « jeu du téléphone », a-t-on appris, hier, à la
reprise de l’enquête publique du coroner sur la mort
du jeune homme de 18 ans dans un parc de
Montréal-Nord.
PHOTO FRANÇOIS ROY,
LA PRESSE
Bruno Duchesne, qui dirigé
l’enquête de la Sûreté du Québec sur les deux
policiers de Montréal impliqués dans la mort de
Fredy Villanueva, a livré sa version des faits et
expliqué le déroulement de son enquête, hier, au
palais de justice de Montréal.
Autre révélation qui a fait réagi r le nouveau coroner
André Perreault : la SQ n’a pris aucune mesure afin
d’éviter que les agents Stéphanie Pilotte et Jean-Loup
Lapointe « se contaminent », dans le jargon policier,
et accordent leurs versions des faits, alors que
toutes les précautions ont été prises dans le cas des
jeunes témoins du drame.
Selon les premières informations fournies par le
Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) à la
SQ, les agents Lapointe et Pilotte avaient été «
encerclés, projetés au sol et étranglés » par une
vingtaine de jeunes présents au parc Henri-Bourassa le
9 août 2008. Or, l’enquête menée par la SQ en vertu
d’une politique ministérielle ne corrobore pas cette
version des faits, a témoigné hier son enquêteur
principal, Bruno Duchesne, au palais de justice de
Montréal.
Aucun des 111 t émoins i nt e r r o gé s pa r la SQ au
cours de son enquête n’a dit que les policiers avaient
été « encerclés, projetés au sol et étranglés », a
reconnu l’enquêteur Duchesne, longuement
contre-interrogé par Me Alain Arsenault, l’avocat d’un
des deux jeunes blessés par balle, Jeffrey Sagor
Metellus.
Me Arsenault a demandé à l’enquêteur Duchesne s’il
avait été « induit en erreur » par les policiers du
SPVM. « On n’a pas tenté de nous induire en erreur. On
nous a donné l’information qu’on possédait à ce
moment-là », a répondu l’enquêteur de la SQ,
visiblement irrité par la question.
L’enquêteur Duchesne a dit ne pas se rappeler qui lui
a fourni ces informations parmi le groupe de policiers
du SPVM qui lui a fait un « briefing » à son arrivée
au parc Henri-Bourassa, vers 23 h. Il met cela sur le
compte du « jeu du téléphone » qui « déforme un peu ».
Lors de cette rencontre, il a aussi été informé qu’un
des jeunes blessés par balle, Jeffrey Sagor Metellus,
était un « membre actif d’un gang de rue ».
Questionné sur les règles e n t o u r a nt u n e p ol
i t i q u e ministériel l e, l ’e nquêteu r Duchesne a
c a ndidement admis ne jamais les avoir lues. Le
policier qui compte 15 ans de métier en était à sa
première expérience à titre d’enquêteur principal dans
une enquête sur un autre corps de police.
Deux
poids, deux mesures ?
Après l eu r i nter vention qui a mal tourné, les
agents Pilotte et Lapointe se sont rendus ensemble au
poste de quartier 39, où ils ont rencontré un délégué
syndical. « Une pratique courante », selon M.
Duchesne. Les deux agents sont ensuite montés dans la
même ambulance en direction de l’hôpital Notre-Dame,
toujours avec leur représentant syndical. Puis
lorsqu’ils ont obtenu leur congé peu de temps après,
ils sont revenus ensemble au poste de quartier. La SQ
n’était pas inquiète que les deux policiers ajustent
leurs versions. « Nous, les policiers, on est honnêtes
», a répondu l’enquêteur Duchesne.
La SQ n’a jamais interrogé les agents Lapointe et
Pilotte alors que les jeunes témoins du drame ont été
« isolés » les uns des autres, puis questionnés au
poste de police dans les heures suivant le drame.
L’agente Pilotte a remis un rapport écrit à son
supérieur au SPVM, qui l’a ensuite transmis à la SQ
cinq jours après l’événement, comme le prévoit la Loi
de police, a précisé l’enquêteur Duchesne. L’agent
Lapointe, lui, a remis son rapport un mois plus tard.
Cela a fait sourciller le nouveau coroner à l’enquête,
le juge André Perreault. « Tout ce t emps-l à , ç a l
es met à l’abri de l’i nterrogatoire ? » a demandé le
coroner. « On a suivi les étapes. C’est leur devoir de
fournir un rapport », a répliqué M. Duchesne.
Après avoir reçu le rapport de l’agente Pilotte,
l’enquêteur n’a pas cru bon l’interroger, car sa
version était « concluante » et corroborait celle des
témoins civils. De plus, l’enquêteur Duchesne voulait
éviter que « l’orientation de l’enquête » ne vienne
aux oreilles de l’agent Lapointe. L’avocat de la Ville
de Montréal, Pierre-Yves Boisvert, s ’e st d’a i l leu
r s opposé au moins à deux reprises en affirmant que
l’enquête du coroner n’était pas une « enquête sur
l’enquête de la SQ ».
Les policiers sont intervenus auprès de six jeunes,
dont Fredy Villanueva, parce que ces derniers
contrevenaient à un règlement municipal en jouant aux
dés dans un lieu public, a conclu l’enquête de la SQ.
Aucun des jeunes n’a menacé les policiers avec une
quelconque a r me. L’agent Lapointe a tiré quatre
coups de feu, dont trois ont atteint Fredy Villanueva.
La Couronne n’a pas porté d’accusation criminelle
contre les deux agents.
Une trentaine de personnes ont assisté à la reprise de
l’audience – suspendue depuis mai dernier –, dont la
famille Villanueva, le président de la Fraternité des
policiers de Montréal, Yves Francoeur, ainsi que des
militants de la Coalition contre la répression et les
abus policiers.
QUELQUES EXTRAITS DE LA CONSULTATION
Je
conduisaisma voiture Lexus. Il (le policier) est
sorti de sa voiture, m’a plaqué sur le capot puis
m’a passé brutalement les menottes. Il m’a dit que
j’étais en état d’arrestation. Dès qu’ils m’ont
relâché, je me suis rendu au poste de quartier. J’ai
dit au policier responsable que je venais porter
plainte pour arrestation abusive et profilage
racial. (…) Il a refusé de me donner les formulaires
en me renvoyant à internet. (...) Je suis sorti
frustré du poste de police, où on a refusé
d’enregistrerma plainte.
Trois sergents de la SQ font face à la
déontologie
MANIFESTATION AU SOMMET DE MONTEBELLO EN 2007
Trois sergents de la Sûreté du Québec qui avaient
infiltré une manifestation lors du sommet des chefs
d’État nord-américains à Montebello, en 2007, devront
comparaître devant le Comité de déontologie policière.
PHOTO FRANÇOIS ROY,
ARCHIVES LA PRESSE
Trois sergents de la SQ
avaient infiltré une manifestation lors du sommet
des chefs d’État nord-américains à Montebello, en
2007. Sur la photo, un manifestant finit sa bière
près d’un feu en pleine rue après que la police eut
lancé des gaz lacrymogènes.
Dans une décision rendue lundi, le Comité de
déontologie policière a accueilli la demande de
révision à l’égard des trois sergents pour « avoir
manqué de respect et de politesse à l’égard d’une
personne », pour « avoir tenu des propos injurieux et
avoir utilisé un langage obscène », pour « ne pas
avoir respecté l’autorité de la loi en incitant les
gens à la violence », pour « avoir refusé de
s’identifier alors qu’une personne lui en a fait la
demande » et pour « avoir abusé de son autorité en
utilisant la force ».
Cette cause se rapporte à la manifestation qui avait
eu lieu lors du sommet de Montebello, les 21 et 22
août 2007.
Dans ce cas, le plaignant est David Coles, président
du Syndicat canadien des communications, de l’énergie
et du papier.
Une preuve vidéo a été déposée lors de l’étude de la
plainte par un commissaire à la déontologie policière.
En première instance, le commissaire avait rejeté la
plainte de M. Coles, le 19 mai dernier, d’où la
demande de révision.
Le syndicat manifestait, comme d’autres personnes,
lors du sommet des c hefs d’État.
La
preuve démontre que M. Coles et ses compagnons
manifestaient, « normalement vêtus, sans masque,
identifiés par un drapeau de grande dimension portant
leur sigle », rapporte le comité dans sa décision.
Après un certain temps, « la foule de manifestants, à
laquelle M. Coles et son groupe ne veulent pas se
mêler, s’approche d’eux avec à leur tête trois
individus masqués, dont l’un porte ostensiblement une
pierre dans la main », rapporte encore le comité.
« Ces personnes sont pointées par des manifestants
comme étant des policiers. Tant M. Coles que les
autres syndiqués leur demandent de retirer leur masque
et à celui en possession d’une pierre de la jeter au
sol. Ces gens, qui sont de fait des policiers,
refusent de se démasquer. Celui qui tient une pierre
ne s’en désarme pas et pousse vigoureusement M. Coles
en lui proférant des obscénités. Il s’agit en
l’occurrence des trois policiers intimés », écrit
encore le comité.
Ces fa it s ont mené à l a plainte de M. Coles pour
actes dérogatoires présumés par des policiers.
Dans sa décision en révision, le Comité de déontologie
ordonne au commissaire de citer les trois sergents
devant le Comité dans les 15 jours suivant la date de
cette décision.
Il ordonne aussi au commissaire de poursuivre son
enquête concernant la plainte de vol du drapeau du
syndicat.
Il confirme cependant la décision du commissaire
rejetant les reproches adressés à l’inspecteur de la
Sûreté du Québec.
Intervention trop musclée Deux policiers du SPVM
suspendus sans solde
« Le
geste du policier était excessif. Au moment où le coup a
été porté, l’agent Colas avait déjà perdu le contrôle de
l’intervention. »
Donner un coup de poing à la tempe d’un voleur de
voiture qui tente de s’enfuir ou, pire, lui assener un
coup à la tête avec son arme de service, ne constitue
pas un usage normal de la force pour un policier.
Voilà ce que vient de statuer le Comité de déontologie
policière du Québec, dans une décision concernant une
intervention musclée faite par deux policiers du SPVM,
le 23 décembre 2003.
Ce jour-là, les policiers Éric Colas et Louis Sant, qui
ont écopé de suspensions sans solde respectives de 10 et
20 jours, pourchassent un véhicule volé, à bord duquel
se trouve le présumé voleur, Serge Hébert.
Une
fois le véhicule intercepté, dans la cour sans issue
d’un commerce, les deux policiers sortent de leur
voiture, s’approchent du véhicule du fuyard et visent
le conducteur avec leur arme de service. L’agent Sant
fracasse alors la vitre de la portière avec sa
matraque. Puis, alors que le suspect tente d’atteindre
le bras d’embrayage pour fuir, l’agent Colas lui donne
un coup de poing à la tête.
« Bien que le coup porté par l’agent Colas n’ait pas
causé de blessure, le policier visait la tempe qui, de
son propre aveu, est un endroit dangereux pouvant
causer une blessure grave, lit-on dans la décision du
comité de déontologie. Le geste du policier était
excessif. Au moment où le coup a été porté, l’agent
Colas avait déjà perdu le contrôle de l’intervention
et était en état de panique. »
L’intervention des policiers prend ensuite un tournant
presque tragique: dans le but d’extraire le suspect de
son véhicule, l’agent Sant lui donne un coup à la tête
avec son arme de service. « Un coup de feu part à la
suite de l’impact et M. Hébert perd connaissance »,
lit-on dans le rapport. Le suspect, qui n’a pas été
atteint par le projectile, s’en tire avec des
blessures superficielles.
Aucune jurisprudence n’existe pour une intervention
semblable, indiquent les commissaires. « L’agent Sant
connaissait le risque et le danger que son geste
pouvait avoir, car il a averti son collègue de se
déplacer, concluent-ils. Pour le Comité, il s’agit
d’un geste irréfléchi, dangereux et excessif fait par
le policier, dont la conséquence aurait pu être
tragique. Les agents Colas et Sant avaient tous deux
plus de 10 ans d’expérience au SPVM lors de
l’incident. Le fait qu’ils n’aient ni l’un ni l’autre
la moindre inscription en déontologie à leur dossier a
été pris en compte par les commissaires.
Une
réforme pour qu’il y ait plus de policiers sur le terrain
« Si
tu veux vraiment affaiblir le crime organisé, il faut
que tu travailles sur les produits de la criminalité,
donc des saisies d’actifs. » Avec l’opération SharQc,
la police a saisi quelque 2 millions en espèces.
En poste depuis un an, le chef de la Sûreté du Québec,
Richard Deschesnes, a entrepris une réforme des
structures de son organisation pour « avoir plus de
monde sur le terrain et moins dans les bureaux ». En
entrevue exclusive à La Presse, le directeur général
de la SQ a souhaité « une ligne de commandement plus
directe, plus rapide ».
Le policier de 49 ans détient une maîtrise en
administration des affaires. Son but est de diminuer
le nombre de paliers de gestion pour mettre plus de
policiers sur le terrain. Déjà, la semaine dernière,
un membre de la direction a rencontré les officiers du
corps policier pour leur présenter cette nouvelle
structure. Ainsi, les enquêtes seront divisées en cinq
créneaux: intégrité de la personne, renseignements
criminels, enquêtes régionales, intégrité financière
et crime organisé.
Des enquêteurs seront déplacés des grands centres vers
certaines régions, a expliqué le chef de police, qui
est réputé pour être branché sur les régions. « Les
cinq créneaux vont nous permettre d’être plus
performants, d’avoir une meilleure coordination, un
meilleur échange de renseignements et, lorsque
nécessaire, de créer des task forces », a indiqué M.
Deschesnes (voir autre texte).
Autre exemple : la quarantaine de policiers chargés de
recueillir des renseignements dans la section de la
lutte contre le terro-
Un printemps faste
La SQ
a connu un printemps 2009 aussi rempli, sinon plus,
qu’en 2001, lorsqu’elle a réalisé avec les autres
corps policiers de la province sa première rafle
d’envergure contre les motards. Dans les trois
derniers mois, la SQ et ses partenaires ont réalisé
331 perquisitions et 343 arrestations visant le crime
organisé. 5345 policiers. Avec l’opération SharQc, la
police a saisi quelque 2 millions en espèces. Cinq
blocages des propriétés du Hells Angel Marvin « Casper
» Ouimet – d’une valeur de 10 millions – ont aussi été
réalisés.
« On veut mettre une pression constante sur le crime
organisé », ajoute M. Deschesnes. Cet été, les
enquêteurs vont rester aux risme travailleront
désormais aux côtés des enquêteurs des crimes contre
la personne dans le créneau « intégrité de la personne
». Cette décision a été mal reçue par certains
policiers, qui privilégient le mode renseignement au
mode enquête pour lutter contre le terrorisme, selon
nos informations. Le chef de police en est conscient.
Il est convaincu que ses troupes comprendront le
bien-fondé de la réforme lorsqu’elles auront toutes
les informations en main. L’opération SharQc,
notamment, a permis d’inculper 156 personnes, dont 111
membres actifs ou retraités des Hells Angels.
Depuis Printemps 2001, la SQ a « évolué », selon son
chef. « La présence des procureurs au dossier dès le
début nous aide à recueillir une meilleure preuve. Si
tu veux vraiment affaiblir le crime organisé, il faut
que tu travailles sur les produits de la criminalité,
donc des saisies d’actifs », souligne celui qui dirige
aguets. « Les criminels ont une facilité à développer
leur relève », indique-t-il.
Parlant de relève, alors que la police de Montréal est
en mode compressions, la SQ compte embaucher quelque
200 policiers cette année. La SQ dessert 1038 des 1115
municipalités du Québec. Son chef est d’ailleurs en
pleine tournée provinciale pour rencontrer les
dirigeants des différentes MRC. Ces dernières années,
de petites municipalités ont critiqué le manque de
présence de la SQ sur leur territoire ainsi que les
coûts de son service. « Depuis le dernier contrat de
travail en 2005, 62 nouveaux contrats avec des MRC ont
été signés. On a beaucoup amélioré notre desserte. On
a encore des choses à améliorer, bien sûr, de concert
avec les élus, mais on travaille fort là-dessus », a
souligné le chef, qui est originaire de Chicoutimi.
La SQ a aussi été chargée cette année de faire enquête
sur les deux policiers de Montréal mêlés à la mort de
Fredy Villanueva à Montréal-Nord. À l’ouverture de
l’enquête publique du coroner (suspendue depuis), on a
appris que ces deux policiers n’avaient jamais été
interrogés par la SQ. L’enquêteur de la SQ a reçu des
rapports écrits des policiers de Montréal deux
semaines après l ’ événement. « L’enquête du coroner
ayant arrêté, on n’a pas eu la chance de voir la suite
des événements qui viendra fournir des explications »,
a dit M. Deschesnes, qui souhaite la reprise de
l’enquête du coroner.
« L’indice le plus important de satisfaction, pour
moi, c’est la confiance de la population envers la
Sûreté. C’est important pour nous autres, que ce soit
lorsqu’on mène des enquêtes indépendantes (sur un
autre corps de police), des enquêtes sur le crime
organisé ou sur l’intégrité financière des
institutions », a conclu le grand patron de la SQ.
Travaux de 3,9 millions au Centre judiciaire Gouin
Les
rafles des derniers mois risquent d’engorger les
tribunaux
Les opérations policières d’envergure réalisées ces
derniers mois contre le crime organisé forcent le
ministère de la Justice à délier les cordons de la
bourse. Pour juger tous ces prévenus, le Centre
judiciaire Gouin, un palais de justice construit à
Montréal il y a quelques années à peine, devra être
rénové au coût d’environ 3,9 millions de dollars, a
appris La Presse.
PHOTOIVANOHDEMERS,
ARCHIVES LA PRESSE
Le présumé motard Salvatore
Cazzetta, arrêté lors de l’opération SharQc, à la
mi-avril. Au total, les corps policiers du Québec
ont arrêté près de 400 présumés criminels depuis
février 2009.
Les travaux de modernisation qui coûteront 3 875 000
$ ont déjà commencé sans tambour ni trompette. Ils
n’ont fait l’objet d’aucune annonce du gouvernement
Charest. « La décision a été prise à la suite de
l’opération SharQc. On avait déjà reçu des demandes,
mais on ne pouvait pas commencer les travaux avant
cette opération policière pour ne pas mettre la puce
à l’oreille à qui que ce soit », a expliqué à La
Presse, une porte-parole du ministère de la Justice,
Me Johanne Marceau.
Avec l’opération SharQc à la mi-avril, la Sûreté du
Québec a donné un dur coup à l’organisation des
Hells Angels en inculpant 156 personnes, dont 111
membres actifs ou retraités du puissant gang de
motards.
Au total, dans le cadre d’opérations majeures, les
corps policiers du Québec ont arrêté près de 400
présumés criminels depuis février 2009 (Axe, SharQc,
Cerro, Dictature, Machine, Sable et Borax). Un
engorgement des tribunaux est à prévoir.
Le
Centre judiciaire Gouin a été construit à toute
vitesse au coût de 16,5 millions de dollars en
prévision des nombreux et gros procès des motards
découlant de l’opération Printemps 2001. Ce palais
de justice est déjà muni de portiques de sécurité
(détecteurs de métal) et les box des accusés sont
sécurisés. Les deux salles d’audience sont plus
vastes que celles du palais de justice de Montréal.
Un tunnel relie le Centre judiciaire Gouin à la
prison de Bordeaux, sa voisine, facilitant les
déplacements des prévenus.
Après les superprocès des Hells Angels, le Centre
judiciaire Gouin a été peu utilisé. Il a servi à la
tenue du procès du gang de la rue Pelletier en 2006
et plus récemment à celui des cinq présumés membres
de gang de rue acquittés du meurtre d’une victime
innocente d’une guerre de gangs, Raymond Ellis.
Aucun agrandissement extérieur n’est prévu, selon Me
Marceau, du ministère de la Justice. Il s’agit
d’agrandir les bureaux de la poursuite et de
moderniser les équipements multimédias. Les travaux
sont faits à la demande, entre autres, de l’équipe
de travail de la Direction des poursuites
criminelles et pénales chargée de l’opération
SharQc, a précisé Me Marceau. L’équipe composée de
45 personnes (procureurs et enquêteurs) est à
l’étroit dans ses bureaux actuels du Centre Gouin,
confirme la porte-parole de la DPCP, Martine Bérubé.
À titre de comparaison, l’équipe de la poursuite
était deux fois moins grande à l’époque de Printemps
2001.
De plus, « des améliorations des installations
technologiques sont rendues nécessaires en raison de
l’ampleur de la preuve dans SharQc qui a été amassée
grâce à des moyens modernes », indique Mme Bérubé de
la DPCP.
Une portion des travaux devrait être terminée en
septembre alors que des procès découlant de
l’opération Colisée s’y tiendront (arrestation en
2006 de 90 personnes présumément liées à la mafia
italienne). L’échéancier de la fin des travaux est
fixé en décembre.
ALLÉGATIONS DE CORRUPTION À MONTRÉAL Le chef de la
SQse dit « préoccupé »
« On
va prendre les mesures pour mener à bien ces
enquêtes-là dans les délais les plus rapides, tout
en étant conscients que ça ne prendra pas une
semaine. »
Le patron de la Sûreté du Québe c , Ri c ha r d
Deschesnes, est tellement « préoccupé » par
l’infiltration du crime organisé dans l’économie
légale, que lors d’une interview exclusive accordée
à La Presse, il a révélé qu’il songe à créer un «
task force » d’enquêteurs affectés à temps plein aux
récentes allégations de corruption et de
malversation à Montréal.
Le grand patron de la Sûreté
du Québec, Richard Deschesnes, est en poste depuis
un an.
« De mémoire de policier », le directeur général de
la SQ, qui compte 28 ans de carrière, n’a jamais vu
autant d’enquêtes en cours sur des allégations de
corruption dans la métropole. « On va prendre les
mesures pour mener à bien ces enquêtes-là dans les
délais les plus rapides, tout en étant conscients
que ça ne prendra pas une semaine. Les gens ne nous
pardonneraient pas de faire des enquêtes bâclées,
rapides, qui ne mèneraient à rien », souligne le
policier âgé de 49 ans, directeur de la SQ depuis un
an.
En vertu de la loi sur la police, la SQ a la
responsabilité unique d’enquêter sur les allégations
de corruption et de malversation des fonctionnaires
judiciaires, gouvernementaux ou municipaux. Le corps
policier provincial mène actuellement cinq enquêtes
touchant la Ville de Montréal. La plus ancienne,
celle sur le contrat de construction du Centre
intergénérationnel d’Outremont, a été ouverte il y a
un an et demi.
« C’est clair que la SQ est préoccupée par
l’infiltration du crime organisé dans l’économie
légale. Ça inclut l’obtention de contrats par
malversation, a indiqué le chef de police. J’ai
demandé à mes gens des enquêtes criminelles de faire
le nécessaire pour que ces enquêtes-là soient menées
avec diligence, dans les règles, de façon à traduire
devant les tribunaux ceux qui ont commis des
infractions criminelles. »
La direction de la SQ évalue actuellement la charge
de travail de ses enquêteurs de la division des
crimes économiques. « Ce sont des enquêtes
complexes, qui ne peuvent pas se faire rapidement.
Elles nécessitent beaucoup d’analyses de documents,
de rencontres de personnes. Disons qu’on a pas mal
de dossiers. Nos gens sont très occupés présentement
», résume ce chef reconnu pour être un spécialiste
des opérations délicates.
Coup de main
La
SQ compte environ 800 enquêteurs dans tout le
Québec. De ce nombre, une soixantaine sont
affectés aux crimes économiques. Une quarantaine
d’autres forment un groupe spééquipes composées
d’enquêteurs aux expertises complémentaires et
chargées de résoudre un dossier précis. Le corps
policier l’a fait dans le passé pour enquêter sur
le scandale des commandites et les dépenses du
lieutenant-gouverneur Lise Thibault , rappel
le-t-i l . Les récentes allégations concernant
Montréal nécessitent-elles une telle équipe? « On
pourrait penser ça », répond-il. cialisé dans la
criminalité fiscale organisée. « Ce n’est pas
énorme, c’est sûr et certain. On évalue
présentement où l’on va prendre des enquêteurs
d’autres groupes pour leur donner un coup de main
», dit M. Deschesnes, sans vouloir préciser
combien d’enquêteurs sont af fectés à l’heure
actuelle aux dossiers montréalais.
Le chef de la SQ croit beaucoup aux « task forces
» , des
Un entrepreneur, Paul Sauvé, a récemment dénoncé
dans La Presse l’intervention du crime organisé
dans l’attribution des contrats à la Ville de
Montréal. À la suite de ces révélations, la SQ a
réactivé une ligne téléphonique, la semaine
dernière, pour récolter des informations du public
sur des actes d’intimidation, de violence et de
corruption dans le milieu de la construction
(1-800-659-4264).
Bâtir la preuve
« Au début de ma carrière, j’ai travaillé en
région, sur la Côte-Nord notamment. On me disait
souvent : " Un tel vend de la drogue, tout le
monde le sait, pourquoi vous ne l’arrêtez pas?" "
Tout le monde le sait", ce n’est pas une preuve
quand tu arrives à la cour. Parmi "tout le monde",
il faut trouver des témoins directs pour bâtir la
preuve », illustre le chef de police.
Bien que certains élus ou ex-élus de Montréal
aient dit ne pas avoir été interrogés par la
police concernant des allégations de corruption,
cela ne signifie pas qu’ils ne le seront jamais.
Le chef de la SQ n’est pas autorisé à donner des
renseignements sur les enquêtes en cours.
Toutefois, fait-il remarquer, « c’est important
quand on rencontre quelqu’un d’avoir en main
toutes les informations nécessaires pour pouvoir
le confronter. Dans certains cas, on fait une
première rencontre préliminaire. On travaille les
informations et on revient le voir pour des
précisions. Dans d’autres cas, on va attendre à la
fin de l’enquête. Chaque enquête a son plan »,
explique-t-il.
L’encerclement
des Hells - André Cédilot
Les
policiers ont fait des rafles contre les motards « avant
qu’il ne soit trop tard »
« Il fallait agir avant qu’il ne soit trop tard. On ne
veut pas faire face aux problèmes qu’on a avec la mafia,
qui a, depuis 40 ans, pris le contrôle de certains
secteurs de l’économie. »
Commencée il y a 10 ans, au plus fort de la guerre des
motards, la mobilisation de la police contre les Hells
Angels commence à porter ses fruits. Marquée par 81
dossiers d’enquête, cette patiente stratégie
d’encerclement a culminé avec l’opération SharQc, qui a
permis d’inculper presque tous les membres du puissant
gang de motards québécois, le 15 avril dernier.
Proche des Hells Angels, Yannick
Larose, 36 ans, était en vacances au Mexique lors de
la rafle policière du 20 mai pour démanteler un réseau
qui s’imposait agressivement dans le commerce de
l’esthétisme automobile. La Sûreté du Québec a donné
son signalement à Interpol.
Grâce à la loi antigang, héritage empoisonné de Maurice
Boucher et de la guerre des motards, le ministère public
a pu mettre en accusation pas moins de 156 personnes,
dont 111 membres, actifs ou retraités, des Hells Angels.
Vingt-cinq individus sont toujours recherchés.
L’opération SharQc est l’une des plus importantes des
annales judiciaires nord-américaines.
Tout en montrant encore une fois la forte implication
des Hells Angels dans le trafic de drogue, le prêt
usuraire et d’autres activités illicites, toutes ces
opérations coup-de-poing s’imposaient, étant donné
l’apport grandissant des motards et de leurs associés
dans des entreprises légales, avec tous les risques de
concurrence déloyale et de corruption que cela laisse
planer.
« Il fallait agir avant qu’il ne soit trop tard. On ne
veut pas faire face aux problèmes qu’on a avec la mafia,
qui a, depuis 40 ans, pris le contrôle de certains
secteurs de l’économie », a souligné un policier qui a
participé à plusieurs enquêtes. À l’en croire, c’est ce
qui a incité les gouvernements à appuyer davantage
l’action de la police au cours des dernières années, en
renforçant les lois et en injectant des millions de
dollars dans la lutte contre le crime organisé.
À l’instar du gouvernement, les policiers s’inquiètent
sérieusement de ce qui se passe dans le secteur de la
construction: appels d’offres truqués, soumissions
arrangées, collusion, trafic d’influence, pots-de-vin,
hausse à répétition des coûts des travaux, fraudes
fiscales, tout semble permis dans ce milieu. La Sûreté
du Québec a plusieurs enquêtes en cours. L’une d’elles
concerne les paradis fiscaux, aux îles Caymans et en
Europe.
Le plus incroyable, c’est que la police récolte une très
petite part de tous ces biens acquis avec l’argent sale.
À peine 5 millions de dollars ont été gelés à la suite
de l’opération SharQc, Québec. Le policier cite
l’exemple de la soudaine série de méfaits qui a marqué
l’entrée en scène, il y a trois ou quatre ans, des Hells
Angels Mario Brouillette et David Rouleau dans une
entreprise de construction de la région de Lanaudière.
liens du Hells Angels Normand Mar v i n « Casper »
Ouimet avec l’ancien dirigeant de la FTQ-Construction.
L’opération Colisée, qui a permis d’écrouer les gros
bonnets du clan Rizzuto, a étalé au grand jour l’immense
fortune de la mafia montréalaise et l’étendue de ses
ramifications dans le monde des affaires à Montréal et
ailleurs dans le monde. « Les motards suivent les traces
de la mafia », soutiennent les policiers.
Les Hells Angels possèdent, directement ou par le
truchement de prête-noms, des firmes de construction et
d’aménagement paysager, des ateliers mécaniques, des
bars, des restaurants, des commerces de voitures
d’occasion et de pièces, etc. Ils ont des propriétés et
des actions à la Bourse, ils investissent dans les
pierres précieuses et dans les bien que la loi fasse
maintenant porter le fardeau de la preuve aux accusés en
matière de produits de la criminalité.
Étonnamment, même si elle est en vigueur depuis quelques
années déjà, cette disposition n’a pas encore été
sérieusement éprouvée devant les tribunaux. « Les
enquêtes restent longues et complexes. Les motards sont
protégés par des prête-noms et des compagnies-écrans, et
ils sont bien conseillés », soutiennent les policiers
qui luttent contre le blanchiment d’argent. Selon eux,
c’est encore les inspecteurs du fisc qui font le plus
mal.
Les motards sont beaucoup plus frustes que les mafiosi.
« Ils mènent leurs business légitimes de la même façon
qu’ils mènent leur trafic de drogue: par l’intimidation
», note un spécialiste de la lutte antimotards de la
Sûreté du
Dernièrement, les policiers de la SQ s’en sont pris au
petit empire de Yannick Larose, 36 ans, un autre ami de
Brouillette, qui tentait de prendre le contrôle des
ateliers d’esthétique automobile dans la grande région
de Montréal. L’enquête a été entreprise à la suite de
plaintes d’hommes d’affaires qui ont été menacés ou dont
les commerces ont fait l’objet de vandalisme ou
d’attentats au cocktail Molotov. Selon les enquêteurs,
Larose, qui a un lourd casier judiciaire, se cache au
Mexique avec sa famille. Son nom figure sur la liste des
personnes recherchées par Interpol.
Cette
offensive de la police ne se fait pas toute seule. Elle
met à contribution des procureurs de la Couronne, des
analystes, le fisc, les douanes, les services
correctionnels et d’autres organismes, comme la Régie
des alcools, des courses et des jeux (RACJ). « Quand la
Régie révoque ou suspend le permis d’un des bars des
motards, c’est le beurre qu’ils mettent sur leur pain
qui s’envole », a noté un enquêteur de l’escouade
moralité-alcool de la police de Montréal. Dans l’analyse
des dossiers qui lui sont soumis, la RACJ se préoccupe
plus que jamais des prête-noms qui sollicitent des
permis.
C’est l’opérationPrintemps 2001 qui a vraiment ouvert
les yeux de la police sur la richesse des Hells Angels.
Des documents comptables informatisés ont démontré que
la « table » des Hells Angels Nomads, qui s’occupait de
distribuer la drogue à quatre des cinq autres sections
de l’organisation, avait empoché à l’époque 111,5
millions en 18 mois.
Ces gains étaient le résultat de la vente de 2180 kg de
cocaïne et de 1088 kg de haschisch. C’est sans compter
la marijuana, l’ecstasy et toutes les autres activités –
extorsion, prostitution, recrutement de danseuses nues,
etc. – auxquelles ils peuvent s’adonner. Plus
indépendants, les Hells Angels de Sherbrooke étaient les
seuls à ne pas s’approvisionner auprès des Nomads.
Depuis cette vaste enquête, et forts de leurs succès
devant les tribunaux (une quarantaine de membres des
Nomads et de leur filiale des Rockers de Montréal ont
notamment été condamnés), les policiers n’ont cessé de
talonner les Hells Angels afin de leur briser les reins.
Avec sept équipes de choc ( Escouades régionales mixtes)
mises sur pied aux quatre coins du Québec, ils ont
continué les coups de force et multiplié les
arrestations de membres et d’alliés des différentes
sections.
À l’instar de ce qui se passe à Montréal, la stratégie
est assez évidente : les enquêteurs s’attaquent d’abord
aux maillons faibles, souvent de fidèles soldats de la
base et de petits chefs. À l’aide d’informateurs
recrutés au fil du temps, qu’ils transforment au besoin
en agents sources payés à la semaine de façon à diriger
leur travail d’infiltration, ils remontent jusqu’aux
têtes dirigeantes. En somme, plus ils font d’enquêtes,
plus ils accumulent de renseignements, plus ils sont en
mesure d’entreprendre des enquêtes fructueuses.
Exemple tout frais : l’opération SharQc est le fruit de
l’analyse de 58 vieux dossiers d’enquête et des
résultats de 23 autres enquêtes faites entre 2006 et
2009, avec l’aide de quatre agents sources. L’un d’eux
est un ancien membre haut placé des Hells Angels de
Sherbrooke, Sylvain Boulanger, qui touchera 3 millions
pour ses services.
Suivis pas à pas par une équipe de 11 procureurs avisés,
les enquêteurs ont étoffé leur dossier à l’aide de
filature, d’écoute électronique et de saisies à la
sauvette (« entrées subreptices », dans le jargon
judiciaire).
Faisant preuve d’imagination et d’audace, comme durant
l’opération Printemps 2001, les policiers ont notamment
réussi à filmer des rencontres secrètes (des « messes »,
comme ils disent) organisées par les Hells dans des
chambres d’hôtel, des chalets isolés et même sous une
tente géante à Lennoxville, à l’arrière du repaire des
Hells de Sherbrooke. Les policiers ont notamment épié
des rencontres jusqu’en Colombie-Britannique et au
Nouveau-Brunswick. Ils ont aussi capté sur vidéo
l’intronisation de nouveaux membres québécois en...
République dominicaine.
À Montréal, les policiers ont fait tomber coup sur coup
les deux réseaux appelés à prendre la relève des Nomads
et des Rockers dans la distribution de drogue au
centre-ville. « Dès qu’une enquête se terminait, et on
en menait parfois quatre de front avec les différentes
escouades, on était prêts à en commencer une autre », a
souligné un détective montréalais. C’est ainsi, en
s’attaquant à la « clique » des Syndicates, que la
police a épinglé Mario Brouillette en 2006. Il en a été
de même en début d’année avec les frères Lavertue,
écroués à la suite d’une enquête visant les frères
Zéphir, devenus les nouveaux paons du centre-ville pour
le compte des Hells Angels.
Ainsi, avant même l’opération qui a emporté il y a 10
jours Daniel Leclerc, des Hells Angels Nomads de
l’Ontario, décrit comme le patron de la « compagnie » du
boulevard Saint-Laurent, les rafles à répétition ont
tellement déstabilisé les Hells Angels qu’ils ont peine
à maintenir l’ordre parmi les revendeurs du
centre-ville.
Faute d’associés inf luents, ils ont fait appel à de
vieilles connaissances et à des videurs de bar pour
tenter de faire entendre raison aux récalcitrants. « Ils
composent avec les petits trafiquants puisqu’ils ne les
maîtrisent pas », soutiennent les policiers. Certains
craignent tout de même pour leur vie et se mettent à la
solde des motards, en attendant mieux.
Un entrepreneur se met à table -
Denis Lessard
Quand un
entrepreneur en difficulté frappe à la porte des Hells
Angels, il ne sait pas qu’il s’apprête à vivre un
cauchemar. Il ne sait pas non plus qu’il perdra le
contrôle de son entreprise et vivra sous la menace et la
terreur. Le crime organisé trouve
« On se retrouve avec ces gens-là qui gèrent nos
chantiers, raconte Paul Sauvé. Et quand tu commences à
regimber, il y a des pièces d’équipement qui valent des
milliers de dollars qui disparaissent. »
Les policiers l’avaient prévenu la veille. Deux années
d’interrogatoires, cela crée des liens. Le 15 avril, jour
de cette opération top secrète, Paul Sauvé, entrepreneur
de Montréal, se trouvait à Toronto. Vissé à sa télé
d’hôtel, dès 6h, il regardait les premières images de
l’opération SharQc, la plus grosse frappe de l’histoire de
la Sûreté du Québec, celle qui devait décapiter les Hells
Angels.
« J’ai l’impression d’avoir mis
mes culottes, d’avoir aidé à l’arrestation de 111 Hells,
mais mon entreprise est dans une situation financière
pire qu’avant », résume l’entrepreneur Paul Sauvé dans
un entretien de plusieurs heures accordé à La Presse.
« J’ai vu les hél icoptères. Comme c’était une journée
claire, on voyait qu’ils allaient à Sorel. Je voyais les
policiers arrêter les gars et je me disais: Wow, la Sûreté
m’a pas menti, ça arrive! J’étais content, je me suis dit
: Je ne veux tellement pas qu’une autre personne ait à
vivre ça! »
Paul Sauvé a vécu un véritable cauchemar il y a deux ans
quand il s’est retrouvé, du jour au lendemain, avec un
Hells Angels dans son entreprise. Il a vu de l’argent
liquide circuler, il a reçu des menaces. C’est alors qu’il
demandé à ce qu’on le sorte de cette impasse.
Car l’opération SharQc qu’il regardait à la télé, Paul
Sauvé y était pour quelque chose. Il en était de même pour
la série de perquisitions réalisées au printemps à la
FTQ-Construction et chez plusieurs entrepreneurs de la
grande région de Montréal.
« J’ai l’impression d’avoir mis mes culottes, d’avoir aidé
à l’arrestation de 111 Hells, mais mon entreprise est dans
une situation financière pire qu’avant », résume M. Sauvé
dans un entretien de plusieurs heures accordé à La Presse
de son bureau de la rue Sainte-Catherine.
« Y a-t-il d’autres entrepreneurs que moi au Québec qui
pensent que l’industrie de la construction a besoin d’un
‘shake up’? Je pense que oui », lance-t-il.
Jouer avec le feu
Le petit-fils d’Albert Sauvé, chef-maçon au chantier de
l’oratoire Saint-Joseph, a joué avec le feu et s’est fait
de bien curieuses relations en 2006, dans l’espoir de
sauver son entreprise et décrocher d’importants contrats.
L’entreprise familiale, LM Sauvé, était en crise de
croissance. Pour faire mentir les statistiques, Paul Sauvé
a voulu faire bondir le chiffre d’affaire annuel de 1 à 30
millions de dollars. Mais un important contrat, celui de
la réfection de l’église St. James, rue Sainte-Catherine,
s’est malheureusement transformé en gouffre financier.
Résultat : plus de 3 millions de pertes. « Une réussite
urbanistique, un désastre financier », résume-t-il. LM
Sauvé devait retrouver la voie de la rentabilité. Et vite.
Paul Sauvé frappe alors à la porte du Fonds de solidarité
de la FTQ. On est au début de 2006. « Son entreprise était
en difficulté financière extrême. Un rapport de la firme
comptable Raymond Chabot était très clair », résume Josée
Lagacé, porte-parole du Fonds. Le Fonds repousse sa
demande. C’est ce dossier de LM Sauvé qu’est allé chercher
la police quand elle a perquisitionné au Fonds de
solidarité, confirme-t-elle.
Le monde de la construction au Québec a des ramifications
surprenantes. Sauvé se frotte un moment à la FTQ dans un
projet d’école de maçons. Ses chantiers s’embourbent à
cause de la multiplication des plaintes à la CSST. Une
autre fois, il a des problèmes pour payer ses cotisations
à la Commission de la construction. Devant lui, affirme M.
Sauvé, Jocelyn Dupuis, directeur de la FTQ-Construction, a
passé un coup de fil à un cadre de la Commission pour
ordonner qu’on accorde un sursis à LM Sauvé. Joint par La
Presse, M. Dupuis a refusé de commenter.
Aux abois, M. Sauvé cherche des conseils partout. Il dote
l’entreprise familiale d’un conseil d’administration. Un
autre entrepreneur venu de l’industrie des grues lui
recommande de nouveaux contremaîtres, plus efficaces.
C’est alors que Sauvé accueille Normand « Casper » Ouimet
sur sa liste d’employés. Ouimet est un membre influent du
chapitre des Hells de Trois-Rivières, un des très rares
motards à avoir échappé au coup de filet de la SQ en
avril. Il est toujours en cavale, recherché par la police.
« Surintendant » bien particulier, Casper Ouimet devient
un pivot dans les relations de travail de l’entreprise. M.
Sauvé n’est pas dupe, il sait très bien qu’il joue avec le
feu, qu’il « parle avec le diable ». « Les cinq ou six
mois qui ont suivi sont assez lourds sur la conscience »,
convient-il.
« Il y a toutes sortes de personnages que j’ai vus arriver
sur mes chantiers, raconte l’entrepreneur. À un moment
donné, cela devient évident que c’était des motards, des
Hells Angels en règle. »
Machine à laver l’argent
Mais avec
l’arrivée de ces « bad guys », la productivité « est
passée de 50% à 250%... overnight » sur les chantiers de
Sauvé. Aussi, plus de problèmes pour obtenir des grues, un
problème récurrent pour la maçonnerie. « Ça arrive de
partout », ajoute Sauvé. Ouimet paye désormais directement
les ouvriers en argent comptant, en remet, quand il le
faut, pour les heures supplémentaires.
En retour, toujours selon M. Sauvé, LM Sauvé paie des
factures comme fournisseur à la société à numéro de
Ouimet. La police a en main la liasse des chèques
identifiés, versés par LM Sauvé à ce faux « fournisseur ».
Les nombreuses perquisitions survenues dans le secteur de
la construction au printemps visent essentiellement à
vérifier l’étendue du phénomène.
Le motard Casper Ouimet a le bras long – mais sait bien
qu’il doit rester sur son territoire. Quand LM Sauvé
soumissionne pour un projet à Toronto, Paul Sauvé est
accueilli à l’aéroport du centre-ville par deux
fier-à-bras qui menacent de lui « casser les jambes ». «
Casper told us that you won’t do the contract », lancent
les deux matamores, se souvient Sauvé.
Sauvé n’est pas facilement impressionnable pourtant. « Des
gars avec plein de tatouages et pas de cheveux sur la
tête, j’en avais 20 sur mon payroll. Ce n’est qu’une
apparence. Ils font les lunchs de leurs enfants le matin.
Mais des gars comme Ouimet, on voit dans leurs yeux que ce
n’est pas la même chose. Eux, c’est des vrais », résume
Sauvé.
« Une fois que vous avez traversé ce pont, il faut être
équipé fort pour retraverser la rivière », soupire
l’entrepreneur, qui avoue avoir été « bien niaiseux »
d’avoir ainsi joué avec le feu. « On se retrouve avec ces
gens-là qui gèrent nos chantiers, raconte l’entrepreneur.
Et quand tu commences à regimber, il y a des pièces
d’équipement qui valent des milliers de dollars qui
disparaissent. »
Ces relations avec le monde interlope tournent vite au
vinaigre. Selon Sauvé, ces nouveaux « patrons » veulent le
mettre en touche, prendre le contrôle de l’entreprise. «
Ils voulaient le nom LM Sauvé. Ils ont pris le contrôle de
mon entreprise, pour me ramener à un rôle de vendeur. »
Quand on essaie de le convaincre d’aller prendre deux mois
de repos dans un centre spécialisé à Joliette, le bouchon
saute.
Casper Ouimet, « plus large que haut, tatoué partout », se
fait menaçant. « À un moment donné, il ouvre sa valise
d’auto et me montre sa veste de Hells ‘patché’. Il me dit
: « Dans mon monde, quand il n’y a pas de corps, il n’y a
pas de procès. » « Je vois sa veste avec des ailes... »,
se souvient Sauvé.
Un matin, quand Ouimet se présente au bureau, il a un
comité d’accueil. Sauvé a retenu les services d’une agence
de sécurité. Le motard tourne les talons sans demander son
reste.
« L’épisode des Hells, moralement ça m’a jeté à terre.
Vous ne pouvez pas imaginer à quel point. C’est un coup de
deux par quatre dans le front », lance Sauvé.
On passe à table
Un cousin, agent de la GRC, lui recommande d’aller voir la
police. Et de prendre un garde du corps – il embauchera un
agent de la SQ à la retraite. Sauvé passe à table devant
les enquêteurs de l’escouade des fraudes fiscales. Ici,
son histoire ne surprend personne. Justement, la SQ
fouille depuis des mois la « pénétration » du crime
organisé dans l’économie.
« Ils m’ont dit qu’ils enquêtaient sur ces choses-là
depuis deux ans, qu’il y avait d’autres entreprises
touchées », résume Sauvé.
Dans la preuve qui sera déposée à la suite de l’Opération
SharQc, la police dévoilera d’ailleurs des vidéos où des
motards, réunis en concile, disent ouvertement qu’ils
doivent pénétrer l’économie légitime pour blanchir les
revenus de la vente de stupéfiants, confiera une source
policière.
Après sa volte-face, Sauvé se fait intimider. Son ex-femme
reçoit un coup de téléphone de menaces. Sa petite fille de
7 ans s’en rend compte. En entrevue, l’entrepreneur a vite
les larmes aux yeux quand il raconte que sa fille
recommence à peine à monter à l’étage à la maison quand il
fait noir. « Elle me demande toujours si les ‘bad guys’
vont revenir », lance-t-il. Les parents de Sauvé sont
aussi intimidés au téléphone. On menace même sa soeur
Hélène.
À l’été 2007, cela se corse. Sauvé doit faire une
présentation pour un contrat de 6 millions pour l’hôtel
Westin. À la toute veille de ce « pitch » important,
stationné square Victoria, il se trouve dans l’auto avec
son garde du corps quand une autre voiture est venue
heurter la sienne. « Je me fais rentrer dedans dans mon
char trois fois, bang, bang, bang... Le gars avance,
recule... trois fois. Ça n’a pas de bon sens. »
Quand il sort du véhicule, l’agresseur prend la poudre
d’escampette. « La SQ a fait une belle job, en infiltrant
l’industrie de la construction, mais il reste beaucoup à
faire. Ce n’est que le début... », prédit-il.
Offensive
contre la pègre asiatique - HUGO MEUNIER
Offensive contre un réseau de trafic de marijuana
LES FORCES POLICIÈRES NE CHÔMENT PAS DEPUIS LEDÉBUTDE
L’ANNÉE. APRÈSAVOIR NOTAMMENT CIBLÉ LES GANGS DE RUE, LES
HELLS ANGELS ET LAMAFIAITALIENNE, LA SQS’EST ATTAQUÉE À
LAMAFIAASIATIQUE.
Quatre-vingt-seize
suspects,
la majorité d’origine vietnamienne, ont été arrêtés hier.
Après les opérations d’envergure contre les motards et
contre le crime organisé italien et autochtone, c’était au
tour de la pègre asiatique d’être dans le collimateur des
autorités hier matin. Quelque 800 policiers ont mené une
offensive majeure contre des trafiquants, soupçonnés de
produire, de distribuer et d’exporter du cannabis vers les
États-Unis.
Cette nouvelle frappe policière, baptisée Borax, visait
l’arrestation de 196 suspects, la majorité d’origine
vietnamienne. Quatrevingt-seize d’entre eux ont été
arrêtés hier et la plupart ont déjà comparu devant le
tribunal. Les autres seront appelés à le faire sous peu.
L’opération, orchestrée par la Sûreté du Québec avec
l’aide de la Gendarmerie royale du Canada et des corps
policiers municipaux, s’est amorcée en 2005.
Au tout début de l’enquête, les policiers visaient
notamment les commerces de vente de matériel de serres
hydroponiques. Ceux-ci racolaient les producteurs de
marijuana au sein de la communauté vietnamienne à l’aide
de dépliants publicitaires vantant leurs produits.
Au fil de leurs recherches et à la suite de plaintes de
citoyens, les policiers se seraient aussi intéressés à une
compagnie exploitée par des Asiatiques qui se chargeait de
récupérer les déchets de pot chez leurs compatriotes
actifs dans ce commerce illicite.
C’est en suivant un camion de cette « entreprise de
transport de résidus de marijuana » que les policiers ont
découvert une série de serres hydroponiques. Remplis de
déchets de pot, des conteneurs étaient parfois abandonnés
dans des ruelles, au nez des enfants qui y jouaient. Des
parents ont d’ailleurs manifesté leur mécontentement aux
policiers à ce sujet.
En général, la marijuana asiatique prenait la route des
États-Unis. Certains passeurs la faisaient transiter par
les territoires autochtones de Kahnawake ou d’Akwesasne
avant de l’expédier en sol américain. D’autres se
contentaient de l’écouler sur le marché québécois et
ailleurs au pays.
Une quarantaine d’endroits – des résidences et une dizaine
de commerces – ont fait l’objet de perquisitions à
Montréal, à Laval et à Longueuil. Plusieurs de ces
propriétés servaient à cultiver le fameux Quebec Gold,
prisé des consommateurs.
Une des perquisitions a eu lieu chez C. N!, commerce
spécialisé en matériel de jardinage de la rue Cunard, dans
le parc industriel du quartier Chomedey, à Laval.
Sous la pluie battante, les policiers faisaient le pied de
grue dans le stationnement de l’entreprise, hier matin, en
attendant l’arrivée d’un serrurier qui pourrait leur
donner accès à l’entrepôt. L’entreprise servait
apparemment à contrôler la qualité de la marijuana
destinée au marché noir.
Un autre
des commerces visités par la police se trouvait dans un
petit centre commercial du boulevard Langelier, à
Saint-Léonard. Discrètement établi entre deux garderies
et une entreprise de comptabilité, le centre
d’équipement spécialisé en culture hydroponique TTN
Garden appartenait aussi à de présumés trafiquants,
indiquent les enquêteurs.
Des piles de boîtes remplissaient ce local défraîchi.
Les commerçants voisins semblaient consternés. « Le gros
monsieur d’origine asiatique qui travaillait là me
saluait, sans plus. Ça me surprend parce que c’était
toujours tranquille », a déclaré Lucie Bisecco,
propriétaire des garderies L’univers de Loulou et Le
royaume de Lucie.
Agentes immobilières
Au moins deux agentes immobilières seraient au nombre
des accusées. L’une d’elles, Jenny ( Thuy Huong) Nguyen,
employée de Remax, semblait jouer un rôle clé dans cette
affaire. Elle est accusée d’avoir comploté pour produire
de la marijuana et d’avoir incité des gens à commettre
un acte criminel.
Âgée de 31 ans, la jeune femme aurait tenté de faciliter
l’accès à des propriétés à ses clients désireux
d’aménager des serres hydroponiques sous leur nouveau
toit. Mme Nguyen habite place Arthur-Buies, dans l’est
de la ville.
Selon un voisin, la police avait fait une descente en
2007 au duplex qu’habite l’accusée depuis quelques mois.
Les locataires de l’époque y avaient déjà fait une
plantation de marijuana à chacun des trois étages de
l’immeuble. Pour ne pas attirer l’attention, un couple
d’origine vietnamienne y venait à l’occasion, mais
personne n’y habitait à plein temps. « Parfois, on les
voyait sortir en pyjama pour sauver les apparences »,
souligne ce voisin.
Quelques mois après la descente, une pancarte à vendre
de la société ReMax a été plantée sur le terrain.
L’agente immobilière avait pour nom Jenny Nguyen. Elle a
finalement acheté elle-même l’immeuble, pour y emménager
avec son conjoint Kevin Mai, également accusé dans cette
affaire. « Je ne sais pas trop comment réagir devant
leur arrestation. Je suis content, mais j’ai peur en
même temps », résume ce voisin.
La grande majorité des 96 suspects ont comparu en
après-midi par vidéoconférence depuis les palais de
justice de Montréal, de Laval et de Longueuil. Ils ont
presque tous été relâchés en échange d’une caution
variant de 1500$ à 3500$. Une quinzaine d’entre eux
demeurent écroués. Malgré l’ampleur de l’opération,
aucune accusation de gangstérisme n’a été déposée.
Selon toute vraisemblance, ce commerce illicite a permis
la création de plusieurs petits réseaux indépendants et
non d’une seule et même organisation structurée.
Un bilan final de l’opération sera dévoilé demain par la
Sûreté du Québec. On en saura plus sur le fonctionnement
exact des réseaux de trafiquants. « Les activités
gravitaient autour d’une dizaine de commerces qui
vendaient de l’équipement pour faire de la culture de
cannabis », a simplement souligné Joyce Kemp,
porte-parole de la SQ.
Une pègre implantée de la côte Ouest
aux serres québécoises - Judith Lachapelle
Des manufactures de la côte Ouest aux
serres québécoises - Judith Lachapelle
Une
communauté discrète, une structure familiale, une
langue difficile à maîtriser... Traquer la
criminalité d’origine asiatique est un défi de
taille pour les autorités. Mais tous les rapports
policiers le confirment: à la faveur des rafles qui
ont décimé les gangs de motards et les autres
malfrats en tout genre, l’influence de la filière
asiatique n’a cessé de croître.
Les criminels d’origine
asiatique se spécialisent surtout dans la
production de drogue. Hier, les perquisitions ont
touché une dizaine de commerces qui vendaient de
l’équipement pour faire la culture de cannabis.
Au Québec, le crime organisé d’origine asiatique
(COSA, dans le jargon policier) est surtout
représenté par des ressortissants vietnamiens
arrivés au pays dans les années 80 et 90. Moins
instruits et nantis que leurs compatriotes débarqués
dans les années 70, plusieurs se sont installés à
Vancouver et ont vécu de petits salaires dans des
manufactures avant d’être récupérés par le crime
organisé.
Ces dernières années, parce qu’ils se sont fait
prendre ou parce « qu’ils sentaient la soupe chaude
», expliquait l’an dernier en nos pages l’enquêteur
Roch Côté de la GRC, nombre de jardiniers d’origine
vietnamienne se sont déplacés vers l’est. Ils sont
cependant toujours les principaux producteurs de
marijuana en Colombie-Britannique.
Production
Au Canada, des ressortissants d’origine chinoise
dominent l’importation d’héroïne, selon un rapport
mixte États-Unis– Canada sur le trafic
transfrontalier de drogues, publié en 2004. Ce même
rapport précise que les organisations asiatiques
sont aussi très actives dans la production et
l’importation d’ecstasy (MDMA).
Mais
les criminels d’origine asiatique se spécialisent
surtout dans la production de drogue. Hier, les
perquisitions ont touché une dizaine de commerces
qui vendaient de l’équipement pour faire la culture
de cannabis.
La production est souvent éparpillée dans des
résidences privées. En 2004, l’opération Kato a
entraîné l’arrestation de 30 ressortissants
vietnamiens et la découverte de 63 serres
intérieures dans des résidences de la banlieue
montréalaise, des Laurentides et de Lanaudière. À
Repentigny, quatre serres ont été trouvées dans un
même pâté de maisons !
L’arrestation d’un couple d’origine vietnamienne
dans une résidence de Vaudreuil, en 2005, donne une
idée de l’organisation. Le couple, qui avait vécu à
Vancouver, habitait une maison qui appartenait à sa
fille, qui vivait toujours sur la côte Ouest. Dans
la maison, les policiers ont découvert 1490 plants
de marijuana – une production jugée « considérable »
par les policiers puisque la moyenne des
perquisitions dans le secteur à l’époque était de
200 plants !
Les plants étaient partout, du sous-sol aux
chambres. « Le seul endroit qui semble avoir été
utilisé pour fins d’habitation était le salon où un
lit avait été placé en face du foyer », écrit le
juge JeanGuy Boilard dans son jugement.
L’approvisionnement électrique avait été détourné du
compteur, ont constaté les policiers. Selon le
témoignage d’un expert de la Sûreté du Québec lors
des audiences, ces détournements d’électricité «
sont plus sophistiqués et moins facilement
détectables » lorsqu’ils sont faits par les
cultivateurs d’origine asiatique que par les autres.
Malgré tout, selon la soeur de l’accusée, le couple
ignorait qu’il y avait une culture de marijuana dans
cette maison dont ils n’occupaient que le salon!
Selon son témoignage, le couple était à Vaudreuil
pour percevoir le loyer de la location de la maison
de sa fille. Le juge Boilard s’est montré sceptique.
« Si ma compréhension des propos de ce témoin est
exacte, l’affirmation étonne », a-t-il laconiquement
commenté.
(NOUVELLE)
DESCENTE CHEZ LES HELLS ANGELS
NOUVEAU
COUPDE FILET CONTRE LE CRIME ORGANISÉ. APRÈS LES
OPÉRATIONS RÉCENTES AXE ET SHARQC, LES POLICIERS ONT
LANCÉ HIER L’OPÉRATION MACHINE, QUI A DÉMANTELÉ UN
RÉSEAU DE TRAFIQUANTS RELIÉ AUX HELLS ANGELS. UNE RAFLE
PAYANTE, QUI A MENÉ À PRÈS DE 50 ARRES
Décrit comme l’eldorado des trafiquants québécois, le
centre-ville de Montréal est un constant sujet de
préoccupation pour la police.
La police a effectué, hier, une nouvelle rafle
d’envergure contre les Hells Angels et les trafiquants
de drogue qui hantent le centreville de Montréal.
Cette fois, les enquêteurs avaient pour principales
cibles l’ancien chef des Rock Machine, Salvatore
Cazzetta, 54 ans, et son acolyte Daniel « Poutine »
Leclerc, 40 ans, responsable de la « compagnie » qui
contrôle le trafic dans le secteur du boulevard
Saint-Laurent. Ces deux motards sont passés dans le camp
des Hells Angels au cours des dernières années.
Grâce à ses contacts dans la réserve de Kahnawake,
Cazzetta dirigeait un florissant réseau de contrebande
de tabac. Il s’approvisionnait auprès de Peter Rice, un
homme d’affaires autochtone qui est également associé
avec lui dans une compagnie ayant l’exclusivité au
Québec de la distribution de la boisson énergisante
Cintron, commanditaire de la station de télévision TQS.
Selon la police, Salvatore Cazzetta et ses sbires
disposaient à Kahnawake d’un immense entrepôt qui leur
servait de lieu de rencontre. Ils y faisaient transiter
la drogue, les cigarettes et l’argent sale. Caché parmi
les arbres, l’immeuble était protégé par une haute
clôture, des portes blindées et des caméras de
surveillance.
Cinquantaine d’arrestations
L’opération Machine a permis l’arrestation d’une
cinquantaine de personnes liées au trafic de drogue et à
la contrebande de tabac partout au Québec. Au fil de
l’enquête et des 36 perquisitions d’hier, les policiers
ont saisi 160 000$ en espèces, 860 roches de crack, 4000
comprimés de méthamphétamine, de la cocaïne, de la
marijuana, du haschisch, 34 800 livres de tabac ainsi
que 12 armes à feu.
« Assez pour rempl i r une remorque de 53 pieds », a
noté en conférence de presse le commandant Yves Miron,
de la division du crime organisé de la police de
Montréal. Les enquêteurs ont aussi découvert 11
coffres-forts qu’ils tentaient d’ouvrir en fin de
journée hier.
Décrit
comme l’eldorado des trafiquants québécois – à coup de
2000 roches de crack par semaine, a souligné
l’inspecteur Bernard Lamothe, le réseau empochait plus
de 2 millions de dollars par année –, le centre-ville de
Montréal est un constant sujet de préoccupation pour la
police. Depuis le printemps 2006, c’est la quatrième
grande opération dirigée contre les Hells Angels et
leurs acolytes qui ont la mainmise sur le trafic de
drogue dans ce secteur névralgique de la métropole.
Il y a trois ans, les policiers à l’origine des projets
Charge/ Bromure s’étaient attaqués au Hells Angels Mario
Brouillette, du chapitre de Trois-Rivières. Avec l’aide
des Syndicates, d’anciens membres de gangs de rue, le
motard trifluvien avait pris la relève du chef Nomad
Maurice Boucher et de son club des Rockers de Montréal,
démantelé en 2001.
Après un coup de balai donné l’an dernier dans le but de
ramener le calme dans le secteur de la rue Saint-Hubert,
les policiers montréalais ont récidivé lors de
l’opération Axe, écartant cette fois le clan des frères
Jean et Patrick Lavertue, chargés d’approvisionner en
cocaïne des revendeurs du centre-ville liés aux frères
Emmanuel et Jean-Ismaël Zéphir. D’après l’enquête, ces
deux pionniers des gangs de rue étaient en lien avec les
chefs des Syndicates emprisonnés depuis 2006.
Enquête entamée en 2007
Le ratissage d’hier, auquel ont participé 600 policiers,
est le résultat d’une enquête entamée en mars 2007.
Cazzetta et Leclerc étaient à la tête de trois cellules
distinctes, mais s’entraidaient. Des hommes de confiance
s’occupaient de distribuer la drogue et le tabac à des
revendeurs dans la grande région de Montréal, ainsi que
dans les régions de Québec, Mont-Tremblant et
Mont-Laurier.
Incarcéré depuis l’opération SharQc qui a décimé les
rangs des Hells Angels à la mi-avril, Salvatore Cazzetta
a appris à la prison de Bordeaux les nouvelles
accusations qui pèsent sur lui. Quant à Leclerc, il a
été appréhendé chez lui, à Candiac. À l’instar de 17
autres prévenus, il a comparu par vidéo au palais de
justice de Montréal. Un seul a été mis en liberté
provisoire. Les autres personnes arrêtées, dont Peter
Rice, 62 ans, et ses fils, Burton, 34 ans, et Peter
Francis, 31 ans, ont comparu de même à Longueuil et à
Saint-Jérôme. Pa rmi les suspects , 20 répondent à des
accusations d’actes de gangstérisme.
À la suite de l’opération SharQc, Leclerc, des Hells
Angels Nomads de l’Ontario, s’était terré un temps avant
de reprendre ses activités à Montréal. « À l’instar de
Cazzetta et des autres Hells, on le voyait parfois dans
des bars ou des restaurants, mais il était loin d’être
omniprésent. Il contrôlait ses affaires à distance », a
indiqué un officier. Ancien Rock Machine, Leclerc a pris
du galon au terme de la guerre des motards.
En
2000, alors qu’il n’était qu’un simple prospect des Rock
Machine, Leclerc et sept acolytes avaient été les
premiers au Canada à être jugés pour gangstérisme. Trois
d’entre eux avaient été reconnus coupables de ce chef
d’accusation. Leclerc avait été simplement condamné pour
trafic de marijuana. « Je suis content de m’en être
sorti, ça valait la peine de se battre, mais je suis
déçu pour les autres », avait-il dit en quittant
l’enceinte du tribunal.
La contrebande de cigarettes fait un
tabac
Le tabac
crée l’accoutumance, même pour le crime organisé. Après
s’en être désintéressés pendant quelques années, les
Hells Angels ont repris le trafic de cigarettes en
tirant profit des discrètes installations de Peter Rice
et de ses deux fils, dans la réserve de Kahnawake.
L’inspecteur Bernard Lamothe
(notre photo), chef de la division du crime organisé
du SPVM, a indiqué en conférence de presse hier qu’à
Kahnawake, Salvatore Cazzetta et son gang utilisaient
comme quartier général un entrepôt que la famille Rice
« n’a cessé d’agrandir depuis quatre ans ».
Fabriquées sur place, les cigarettes de contrebande
portaient même des marques spécialement réservées au
puissant gang de motards, telles les Choppers, les
Fighters, les Patriots et les Import A. Selon la police,
Salvatore Cazzetta et sa bande payaient aussi les
caisses de cigarettes moins cher que les autres
trafiquants qui font affaire sur la réserve.
À en croire la dénonciation déposée au palais de justice
de Longueuil, Cazzetta comptait sur l’aide de deux
fidèles compères des défunts Rock Machine pour écouler
ses stocks de tabac. Très actifs dans la guerre des
motards qui a sévi de 1994 à 2001, Alain Brunette, 45
ans, et Serge « Merlin » Cyr, 51 ans, sont sortis de
prison il y a à peine 18 mois.
Les cigarettes étaient distribuées un peu partout au
Québec par des hommes de main. L’un d’eux avait été
arrêté en décembre 2006, dans la région de Lanaudière,
au volant d’un camion transportant 8810 livres de tabac.
À Kahnawake, Cazzetta et son gang utilisaient comme
quartier général un entrepôt que la famille Rice « n’a
cessé d’agrandir depuis quatre ans », a indiqué en
conférence de presse l’inspecteur Bernard Lamothe, de la
police de Montréal.
Immeuble
jalousement gardé
Surnommé « monopole » par les enquêteurs, l’immeuble
était peu visible et hautement sécuritaire. Outre des
appareils de surveillance, il y avait deux gardiens en
faction 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Sur les lieux,
les policiers ont notamment saisi des armes à feu, des
gilets pare-balles, des chandails aux couleurs des
Hells, de la machinerie lourde volée et du tabac.
Des membres de la communauté autochtone s’étaient
d’ailleurs plaints à la police locale de la présence des
gangsters montréalais dans les parages. C’est ce qui
explique que les policiers autochtones aient aussi
aisément collaboré à l’enquête, même s’il s’agissait
d’une affaire de contrebande de tabac. « Il ne
s’agissait pas de l’industrie du tabac, mais de revente
de stupéfiants par des gens du crime organisé de
l’extérieur de la réserve », a répondu l’inspecteur
Lamothe aux journalistes qui s’étonnaient de cette
soudaine ouverture des peacekeepers de Kahnawake.
Tout récemment, le gouvernement du Québec a dit perdre
annuellement 200 millions en taxes impayées à cause de
la vente illégale de cigarettes. Au début de 2007, il y
avait au moins 8 fabricants accrédités et plus de 130
kiosques de vente de tabac dans la seule réserve de
Kahnawake. Comme c’était le cas au début des années 90
quand le trafic de tabac a atteint son pic, « de plus en
plus de réseaux organisés comme les Hells Angels
achètent de grosses quantités de tabac et utilisent des
courriers pour livrer les cigarettes à leurs clients »,
indiquent les spécialistes de la lutte contre le crime
organisé. Les organisations autochtones sont aussi
beaucoup plus structurées qu’avant.
L’autorité des Hells Angels affaiblie au
centre-ville
Depuis
l’opération SharQc, les Hells Angels ont beaucoup de
difficulté à faire régner l’ordre dans le centre-ville.
Faute de combattants de premier plan, a-t-on appris de
diverses sources, ils ont récemment fait appel à de
vieilles connaissances du milieu ou à des fiers-à-bras
recrutés dans les bars afin de faire entendre raison à
des petits revendeurs de rue venus d’un peu partout, et
qui s’installent sans permission sur des portions de
leur territoire. « Si tu ne vends pas pour nous, tu
lèves le camp », s’est fait dire un jeune trafiquant de
pot. « Ils se sont présentés à six. Je n’ai pas eu le
choix, et je travaille pour eux depuis quelques jours »,
a-t-il confié à La Presse.
Selon
lui, le prix de la roche de crack est passé de 20$ à 25$
il y a quelques semaines dans certaines zones de
revente. Plus inquiétant, des membres de gangs de rue
ont entrepris une tournée dans des bars et des
restaurants, en vue d’imposer leur loi. Ils font aussi
du recrutement. « Pour l’instant, ils font simplement
sentir leur présence. Ils ne font pas trop de grabuge,
si ce n’est que parfois ils par tent sans payer ou
simulent une escarmouche. Mais on reste vigilants », ont
déclaré deux serveurs d’un after-hours de la rue
Sainte-Catherine.
La SQ frappe encore chez les Hells
L’opération Dictature lève le voile sur les activités
illicites de l’entreprise X Vitres-Teintées
La police a franchi une autre étape dans sa lutte contre
l’infiltration des Hells Angels dans l’économie légale, en
démantelant hier un réseau qui s’imposait agressivement
dans le commerce de l’esthétisme automobile.
L’opération
d’hier avait pour objet le démantèlement d’un réseau
gravitant autour de l’entreprise X Vitres-Teintées, qui
s’imposait agressivement dans le commerce de l’esthétisme
automobile.
Après avoir récemment entrepris de débusquer les motards
intégrés dans le milieu de la construction, les policiers
lèvent cette fois le voile sur les activités illicites de
l’entreprise X VitresTeintées, dont les 23 franchises sont
éparpillées un peu partout au Québec.
À l’aube hier, après deux ans d’enquête, quelque 150
policiers de la Sûreté du Québec ont fait irruption dans
18 commerces et résidences privées, la plupart dans la
couronne nord de Montréal, mais aussi à Trois-Rivières et
à Québec. Vingt mille plants de marijuana, une soixantaine
d’armes à feu, environ 70 000$ en argent liquide et neuf
véhicules ont été saisis. L’opération, baptisée Dictature,
était pilotée par le Service des enquêtes contre le crime
organisé de la SQ.
Au total, 27 personnes ont été épinglées et ont comparu
hier après-midi par vidéo au palais de justice de Joliette
sous un grand total de 140 chefs d’accusation. On les
accuse, entre autres, de divers complots, d’extorsion, de
gangstérisme, de production de marijuana, de trafic de
cocaïne ainsi que d’armes à feu et de monnaie contrefaite.
Trois personnes sont toujours au large, à commencer par le
présumé cerveau de l’organisation, Yannick Larose, à la
tête de X Vitres-Teintées.
Larose se cache actuellement au Mexique avec sa conjointe,
également visée par un mandat d’arrêt. Son entreprise
venait d’ouvrir une succursale à Puerto Vallarta et avait
des projets d’expansion en Europe, indique-t-on sur leur
site internet.
Une demande d’extradition a été faite pour le rapatrier.
Larose, dont l’épais casier judiciaire remonte à 1992,
entretenait des liens étroits avec l’influant Hells Angel
Mario Brouillette, du chapitre de Trois-Rivières, avant
que ce dernier ne se retrouve à l’ombre pour importation
de cocaïne, en 2006.
Selon la
police, Larose et ses acolytes tentaient de s’emparer du
contrôle du commerce des vitres teintées, principalement
dans les régions de Montréal et de Lanaudière. Larose et
ses complices voulaient consolider leur monopole sous
trois bannières, en s’associant avec les entreprises
spécialisées en vitres teintées commerciales et
automobiles Protex et Pelti.
Pour y parvenir, les suspects n’hésitaient pas à faire de
l’intimidation, des menaces et même des voies de fait à
l’endroit d’entrepreneurs concurrents.
Les policiers soupçonnent le réseau d’être responsable
d’incendies criminels. En parallèle à ses activités
licites, Larose dirigeait un réseau de trafiquants de
marijuana et de cocaïne.
Les policiers ont perquisitionné à la résidence de Larose,
située dans un quartier cossu de Mascouche. Avec une
petite fontaine d’eau trônant au milieu de la pelouse et
ses statues de dragon de chaque côté de la porte, Larose
menait la vie de château.
Unvoisinn’était pas surpris outre mesure de l’arrestation
de Larose. « C’était le voisin parfait, toujours poli, qui
entretenait bien sa maison. On ne l’a pas vu depuis
longtemps. On l’a toujours trouvé louche, surtout depuis
qu’il a fait installer des caméras chez lui », a-t-il dit.
« Le nomest sali »
Sauf Larose, aucun autre franchisé de la bannière X
VitresTeintées – des propriétaires indépendants – n’a été
arrêté. Selon la police, ils n’ont aucun lien avec les
activités illicites reprochées à Larose et son gang.
Ils risquent toutefois d’être écorchés par toute cette
mauvaise publicité. « C’est sûr que le nom est sali.
Depuis ce matin, les clients appellent pour savoir ce qui
se passe. Le téléphone ne dérougit pas », a expliqué un
franchisé de l’Estrie, José Rousseau.
M. Rousseau dit avoir appris en même temps que tout le
monde hier matin la nature des activités de Larose, qui a
pris en charge l’entreprise il y a quelques années. «
Depuis qu’il est propriétaire de l’entreprise, il poussait
beaucoup et voyait grand », a souligné cet indépendant.
DES
CHANGEMENTS À PRÉVOIR DANS LA RUE
La frappe
policière qui a décimé les Hells Angels, la semaine dernière
au Québec, risque de secouer le milieu criminel à court
terme. Elle n’a toutefois pas encore nui au commerce de la
drogue.
Le coup dur porté aux Hells Angels n’empêche pas encore les
consommateurs de se procurer aisément de la drogue. Des
soubresauts sont cependant à prévoir dans les sphères plus
élevées de cet univers.
Certains
prévoient
un été mouvementé dans les bars. Des organisations
pourraient essayer de s’implanter dans ces lieux de vente
et ainsi mettre la main sur une part du gâteau.
Comme c’est généralement le cas, les autres organisations,
comme la mafia, pourraient pallier en partie l’absence des
Hells Angels. Les changements dans la rue semblent déjà
avoir commencé, même si les hommes de confiance des Hells
tentent de maintenir le navire à flot. Il ne faut pas
oublier que 24 des 27 personnes toujours en fuite sont des
membres en règle et continuent sans doute de tirer les
ficelles en coulisses.
Selon nos sources, des changements sont déjà perceptibles
dans les prix de gros des stupéfiants. Il est plus difficile
et plus coûteux d’obtenir de la cocaïne au kilo. Au lieu de
50 000$ à 60 000$, comme depuis un bon moment, le prix du
kilo est maintenant de 70 000$ à 80 000$. Même le prix du
crack a grimpé: une roche se vend 25$ au lieu de 20 $. Il
est possible que cette hausse soit artificielle (voir
encadré).
De nouveaux visages ont déjà fait leur apparition sur le
terrain, a raconté à La Presse un vendeur de stupéfiants à
la solde des HA. « Une fois que les gros (les membres en
règle) sont partis, c’est comme un changement de
gouvernement. Il y a déjà des gens qui ont commencé à se
faire tasser par de plus gros trafiquants », a constaté cet
homme qui exploite une « route » à Montréal.
Il travaille depuis quelques années pour une « PME » qui
livre de la drogue à domicile, surtout de la marijuana et de
la cocaïne. « Tous les numéros de vendeurs sont encore bons
et les gars qui vendent dans les bars sont toujours là », a
assuré le revendeur, qui estime gagner entre 500$ et 1000$
par jour.
I l croit cependant que le coup de filet de la semaine
dernière contre ses « employeurs » aura un impact sur son
gagnepain. « Les nouveaux patrons vont décider s’ils me
gardent ou non. Je sais déjà que mon temps est compté », a
résumé le trafiquant.
« Plusieurs avaient déjà placé leurs pions »
Dans les bars du centre-ville, on avance que plusieurs
motards épinglés la semaine dernière s’attendaient à
recevoir la visite des policiers. « Plusieurs avaient déjà
placé leurs pions », ont expliqué des employés interrogés
par La Presse.
Certains prévoient d’ailleurs un été mouvementé dans les
bars. Des organisations pourraient essayer de s’implanter
dans ces lieux de vente et ainsi mettre la main sur une part
du gâteau. « Ça va être le free for all et ceux qui vont le
plus écoper sont les propriétaires de bars et les portiers
», s’est inquiété un employé.
Selon lui, les gangs de rue sont déjà en train de
s’organiser pour prendre le contrôle de quelques bars du
centre-ville. « Ils ont commencé en poignardant les trois
employés de l’after-hours Circus, dans la nuit de samedi à
dimanche dernier », a suggéré cette source.
Il faut éviter de faire des liens hâtifs, a nuancé de son
côté Charles Mailloux, inspecteur à la division du crime
organisé au Service de police de Montréal. Le policier n’a
pour le moment aucune raison de croire que l’agression
survenue au Circus soit le fait des gangs de rue ou d’un autre
groupe désireux de prendre le contrôle de l’endroit.
Il est également trop tôt pour mesurer l’impact de l’opération
SharQC, ajoute l’inspecteur Mailloux. « On accumule du
renseignement. Il est trop tôt pour savoir qui veut prendre le
contrôle », a-t-il résumé.
Il faudra donc patienter quelques semaines, voire quelques
mois, pour vraiment savoir qui prendra la relève des Hells
Angels.
Pour l’heure, le SPVM, à l’instar des autres corps policiers
de la province, maintient une pression sur le milieu.
Des policiers ont d’ailleurs fait une « visite administrative
» dimanche soir au club Opéra, au centre-ville. Plusieurs
clients auraient été interrogés et photographiés par les
policiers.
« La demande est toujours là »
De son côté, Michel JuneauKatsuya, ancien cadre du Service
canadien du renseignement de sécurité (SCRS) et actuel
président de la firme de sécurité Northgate, estime que
plusieurs groupuscules pourraient essayer de s’emparer du
marché des HA. Parce que la demande sera toujours là,
explique-t-il. « Mais les Hells ne sont pas totalement
éliminés. D’autres membres du groupe pourraient désigner des
émissaires dans le but de maintenir le trafic, mais ça ne sera
pas facile », croit M. Juneau-Katsuya. Il est également d’avis
que les effets de l’opération SharQc ne se feront pas trop
sentir chez les consommateurs. « Ça va peut-être amener un
certain désordre, amener des gens à se trouver de nouveaux
fournisseurs, mais tout devrait se stabiliser assez rapidement
», a-t-il résumé.
Même son de cloche du côté de la criminologue Chantal Perras,
qui a rédigé un mémoire sur le rôle des policiers lors de
l’opération Printemps 2001. « Une telle frappe policière n’est
pas un coup d’épée dans l’eau. S’il n’y en avait pas, les
groupes de criminels prendraient toujours plus d’expansion.
Mais je ne pense pas qu’on va enrayer le trafic de la drogue,
il fait partie de la société », a souligné Mme Perras.
Pour s’en rendre compte, une simple balade autour du parc Émi
l ie-Gamel in suf f it . Peu importe l’envergure ou le nombre
d’opérations menées contre le milieu criminel, les petits
revendeurs y sont toujours fidèles au poste, bien visibles.
L’un d’eux, un jeune rouquin dissimulé sous un capuchon,
hélait sans subtilité les passants un peu plus tôt cette
semaine, juché sur une poubelle devant l’entrée de l’UQAM. En
grommelant, il a dit ne pas croire que ses ventes seront
influencées d’une quelconque manière par l’opération contre
les motards. « Je ne suis pas ici pour donner des informations
», a-t-il lancé, coupant court à l’entretien.
Les hommes de confiance prennent la relève
Comme c’est
la coutume dans le monde interlope, les hommes de confiance
des motards épinglés au cours de l’opération SharQc ont
aussitôt pris les affaires en main.
Mais , selon le l ieutenant Daniel Guérin, porte-parole de
l’Escouade régionale mixte de Laval, ces remplaçants des HA
n’ont pas tous les atouts pour assurer la relève. « Ils vont
tenter de maintenir le trafic des stupéfiants, mais ces
trafiquants ont moins de crédibilité ou suscitent de la
méfiance parce que ce sont de nouveaux visages, a souligné
le policier. C’est là qu’ils vont commettre des erreurs, se
mettre dans l’embarras. Et nous, on les a à l’oeil. »
Le lieutenant Guérin croit que ces changements ne seront
pas vraiment perceptibles dans la rue. « La base est assez
stable. Ce ne sont pas des membres en règle qui écoulent de la
drogue dans les bars », a rappelé le lieutenant Guérin.
De plus gros trafiquants indépendants, habitués à collaborer
avec les HA, pourraient aussi profiter de la situation pour
gagner un peu de terrain. Sans oublier les autres mafieux déjà
actifs à Montréal.
À la suite de Pr i ntemps 2001, les policiers avaient vite
remarqué de nouveaux visages chez les trafiquants. Un bon
exemple est celui des frères Jean et Patrick Lavertue, arrêtés
récemment lors de l’opération Axe. Les deux hommes et leurs
associés avaient remplacé les Syndicate depuis 2006 afin
d’alimenter les gangs de rue en cocaïne.
Les gangs de rue ne sont pas assez solides
Même s’ils
ont pris du galon depuis l’époque de l’opération Printemps
2001, les gangs de rue n’ont pas les reins assez solides
pour dominer le marché de la drogue à Montréal, estiment des
spécialistes interrogés.
Il
faudra patienter quelques semaines, voire quelques mois,
pour vraiment savoir qui prendra la relève des Hells
Angels dans les transactions de drogue, selon des
spécialistes.
« Certains pensaient que les gangs de rue allaient avoir la
mainmise sur le trafic de drogue après Printemps 2001, mais
ce n’est pas arrivé », explique le lieutenant Daniel Guérin,
porteparole de l’Escouade régionale mixte de Laval.
Selon lui, les gangs de rue ne sont tout simplement pas
assez organisés et puissants financièrement pour damer le
pion aux motards. « La structure des gangs de rue est
incroyablement changeante. Ils peuvent rêver de prendre le
territoire des HA, mais n’ont pas les moyens de s’emparer
d’un marché comme celui-là », explique le lieutenant Guérin,
qui a participé aux deux grands coups de filet contre les
motards.
Michel Juneau-Katsuya, un ancien cadre du SCRS et actuel
président de la firme de sécurité Northgate, affirme
néanmoins que les gangs de rue ont gagné en importance
depuis Printemps 2001 et pourraient être tentés d’élargir
leur influence. « Mais le phénomène des gangs de rue est
surtout urbain et les HA sont éparpillés dans plusieurs
coins du Québec », note-t-il.
Les gangs de rue d’aujourd’hui sont
toutefois appelés à devenir des acteurs importants. « Ils sont
dans le milieu depuis 15 ou 20 ans, des liens d’affaires se
sont tissés avec le temps. Ce ne sont plus des petits jeunes
sans expérience », indique l’inspecteur Mailloux, à la
division du crime organisé au SPVM.
Est-ce que les gangs de rue, généralement divisés entre eux,
pourraient être tentés de s’unir pour s’emparer du marché
montréalais? « Il n’y a pas de signe avant-coureur d’union
entre les Bleus et les Rouges », assure l’inspecteur Charles
Mailloux.
Une telle alliance surprendrait également Michel
JuneauKatsuya. « C’est possible lorsqu’il y a un séisme de
cette nature dans le monde du crime organisé. Mais
habituellement, c’est lorsque la carte est pleine que les
unions se forment. Lorsqu’il y a un trou, c’est généralement
au plus fort la poche », illustre-t-il.
Malgré des récents coups de filet importants contre les HA et
la mafia – avec l’opération Colisée –, il ne faut pas négliger
la présence des autres organisations criminelles actives à
Montréal, comme les mafias russe, chinoise, juive et
mexicaine, souligne M. Juneau-Katsuya.
Des comptables flics - Serge
Ménard
Les forces
policières doivent intégrer ces professionnels dans leurs
rangs pour combattre les crimes économiques
Il est temps de s’y attaquer avec la même énergie et la
même imagination dont nous avons fait preuve à l’égard des
motards criminels.
L’auteur est un ancien ministre de la Sécurité publique du
Québec, présentement député de MarcAurèle-Fortin et
porte-parole du Bloc québécois en matière de sécurité
publique. L es victi mes des gra ndes f raudes qu i ont a
l i menté l’actualité depuis un certain temps mér itent
cer ta i nement toute notre sympathie. L eu r dét resse su
sc ite en nous une émotion profonde et un sentiment
d’horreur à l’égard de ceux qui en sont responsables.
À défaut de pouvoir indemniser complètement toutes les
victimes, je crois que nous leur devons de prendre des
mesures qui vont rendre plus difficile la commission de ce
type de crime et permettre d’en poursuivre leurs auteurs
plus souvent et plus efficacement.
Pour cela, je ne crois pas que d’importants changements
législatifs soient nécessaires. Nous avons déjà proposé
six mesures qui pourraient aider les v ic ti mes et
rétabli r la confiance dans notre système judiciaire sans
tomber dans la dérive démagogique.
La plus importante d’entre elles concerne les forces
policières, car les carences ne sont pas tellement dans
les lois que dans les moyens de les appliquer.
Il faut apporter de toute urgence, des changements
radicaux dans les organisations policières tant fédérales
que provinciales ou dans celles des grandes villes.
Il est vrai que beaucoup d’efforts ont été déployés pour
lutter contre les crimes violents et le trafic de drogues.
Les crimes économiques dont les conséquences
n’apparaissaient pas aussi dramatiques ont été négligés.
Il est temps de s’y attaquer avec la même énergie, la même
imagination dont nous avons fait preuve à l’égard des
motards criminels en créant l’escouade Carcajou et ses
successeurs qu’on appelle aujourd’hui « escouades mixtes
». Mixtes parce qu’elles regroupent des policiers de
différents corps policiers, ce qui permet de mettre en
commun leurs renseignements criminels, qui sont par nature
secrets.
Mais la
problématique des crimes économiques est bien différente
de la criminalité des gangs violents. Il faut que les
enquêtes sur les fraudes soient de plus en plus menées par
des comptables professionnels avec l’assistance de
quelques avocats et de quelques policiers dans des
escouades consacrées à la lutte contre les grandes
fraudes. Il faut que ces comptables aient une formation
universitaire et soient membres d’une corporation
professionnelle. Il serait bon d’y ajouter également des
personnes qui ont une bonne expérience dans le monde de la
finance.
Cela suppose que les organisations policières acceptent ce
qu’on appelle les entrées latérales, c’est-à-dire l’entrée
dans la force de police de professionnels qui, à cause de
leur compétence, peuvent devenir policiers sans avoir
passé par la filière habituelle. Il faut aussi qu’on
puisse les payer et leur donner un rang qui correspond à
leur formation et à leur expérience.
Il faut que de jeunes diplômés en comptabilité remplis
d’idéal puissent envisager de consacrer toute leur
carrière professionnelle à lutter contre la fraude.
Il va sans dire qu’ils devraient subir un certain
entraînement de nature policière avant d’occuper leurs
fonctions mais il est plus facile de donner un cours de
base en techniques policières à un comptable professionnel
que de faire d’un policier un véritable comptable. Et
puis, ils travailleraient dans des équipes
multidisciplinaires.
Je sais que les organisations policières ont toujours été
réfractaires à cette idée des entrées latérales comme,
avant Carcajou, elles l’étaient à l’idée de partager leurs
renseignements criminels. Il est temps pour les corps de
police de prendre conscience des avantages qu’il y a à
intégrer l’expertise dans leurs rangs.
Je suis convaincu que les enquêtes avanceraient beaucoup
plus rapidement si les milliers de documents comptables de
toutes sortes saisis au cours des perquisitions étaient
examinés par des personnes rompues à la comptabilité des
grandes entreprises et qui peuvent distinguer où se
trouvent les indices de ce qui est anormal, suspect et qui
cache des activités frauduleuses pour, finalement,
découvrir où s’en trouve la preuve.
Pour reconnaître ce qui est anormal, il faut bien
connaître ce qui est normal. Il faut savoir lire des
bilans complexes et les interpréter, c’est un art qui
s’apprend mais ce n’est pas à l’école de police qu’on
l’enseigne.
Évidemment,
il y aura un coût à cela, mais pour le moment, on peut
dire que d’une certaine façon, ce sont hélas les victimes
qui en écopent.
Les cyclistes de performance retrouvent leur
piste
Circuit
Gilles-Villeneuve du parc Jean-Drapeau
La Société du parc Jean-Drapeau fait marche arrière. Les
cyclistes de performance pourront continuer à s’entraîner
sur la piste du circuit Gilles-Villeneuve. Fraîchement
installées, les barrières de ralentissement ont été
retirées.
La décision unilatérale des dirigeants du parc
Jean-Drapeau de limiter la vitesse des cyclosportifs sur
le circuit avait suscité la grogne des principaux
intéressés la semaine dernière. D’autant plus que la
solution de rechange proposée consistait à déplacer les
athlètes autour du bassin olympique. Cela avait eu pour
effet de susciter du mécontentement chez les usagers du
bassin (kayak, bateaudragon, aviron) qui n’avaient pas
davantage été consultés.
La Société du parc JeanDrapeau a finalement convié les
représentants de groupes cyclistes à une rencontre, hier,
durant laquelle différentes solutions ont été trouvées. «
D’entrée de jeu, la Société a reconnu qu’elle aurait dû
nous consulter. La discussion a été très positive sur un
mode de collaboration », s’est réjoui le directeur général
de la Fédération québécoise des sports cyclistes, Louis
Barbeau.
En plus de retirer les barrières de ralentissement, la
Société va installer une meilleure signalisation sur le
circuit. Les cyclistes plus lents devront rouler à droite
sur la voie cyclable. Les plus rapides, à gauche. Les
cyclosportifs peuvent atteindre des vitesses de 35 à 40
km/h à l’entraînement. Les dos d’âne posés récemment
resteront en place dans la voie réservée aux
automobilistes. Une portion du circuit qui était à double
sens pour les automobilistes redeviendra à sens unique.
Autre victoire pour les athlètes : aucune contrainte
d’horaire ne leur sera imposée.
Prudence
De leur
côté, les groupes de cyclistes de performance devront
sensibiliser leurs membres à faire preuve de prudence sur
le circuit. La Société a répertorié 27 accidents sur le
circuit l’été dernier, dont 12 ont nécessité un transport
en ambulance. « On va sensibiliser notre monde à être
vigilant en grande période d’achalandage, notamment
lorsque les baigneurs se rendent en masse à la plage du
parc. La sécurité est la préoccupation de tous », indique
M. Barbeau.
La médaillée paralympique Chantal Petitclerc est
satisfaite du dénouement. La coureuse en fauteuil roulant,
qui s’entraîne chaque semaine sur le circuit, a aussi été
invitée à la rencontre d’hier. « Tout le monde va pouvoir
cohabiter de façon sécuritaire », indique celle qui
s’était inquiétée la semaine dernière, en entrevue à La
Presse, que les athlètes de haute performance se fassent
encore une fois « tasser » au profit des sportifs
récréatifs.
La Société du parc JeanDrapeau n’a pas accordé d’entrevue,
hier. Sa direction publiera un communiqué sur la question
aujourd’hui, a dit l’assistante de la directrice des
affaires publiques, Nathalie Lortie.
Une manifestation réunissant plusieurs centaines de
cyclistes avait eu lieu vendredi dernier sur le circuit
pour protester contre la décision de la direction du parc.
Le circuit Gilles-Villeneuve est l’endroit d’entraînement
de prédilection des cyclosportifs, qui roulent à une
vitesse trop élevée pour circuler sur les pistes
cyclables. C’est le seul endroit à Montréal où ils peuvent
maintenir une vitesse de pointe.
Le maire Tremblay pédale en mode compromis
CIRCUIT
GILLES-VILLENEUVE
Le maire Gérald Tremblay prend au sérieux les complaintes
des cyclistes de performance du circuit Gilles-Villeneuve.
« On va trouver une solution dans les plus brefs délais »,
a-til lancé du tac au tac à La Presse, au cours d’une
conférence pour dégager des sommes d’urgence afin de venir
en aide aux démunis de Montréal.
La Fédération québécoise des
sports cyclistes recommande à la Société du parc
Jean-Drapeau et à la Ville de Montréal de de consacrer «
le Circuit à l’entraînement et non à la promenade ».
Afin d’y parvenir, la Fédération estime que les
cyclistes de promenade devraient être dirigés vers les
450 kilomètres de pistes cyclables que compte désormais
Montréal.
Aussitôt qu’il a pris connaissance de la cohabitation
chaotique vélo-auto, le maire assure qu’il a contacté son
frère, Marcel Tremblay, responsable du dossier à
l’exécutif de son administration municipale. Ce dernier a
joint la direction générale de la Société du parc
Jean-Drapeau, en matinée hier, pour trouver « un compromis
acceptable pour tout le monde ».
« Montréal est une ville de cycl istes, a rappelé Géra ld
Tremblay. Le Tour de l’île vient de fêter son 25e
anniversaire. Nous venons d’implanter le système de vélos
Bixi. Il y a certainement une façon d’organiser les
horaires pour faciliter la cohabitation des cyclistes et
automobilistes sur le circuit », a-t-il dit.
À la suite d’un article publié hier dans La Presse,
révélant les détails d’une engueulade musclée entre deux
cyclistes et un gestionnaire de la Société du parc
Jean-Drapeau, la direction a pour sa part choisi de
demeurer peu bavarde.
Impossible de savoir ce qui va advenir des dos d’âne
installés pour rendre le circuit impraticable à haute
vitesse. De même que les solutions envisagées.
Nathal ie Lessa rd, por teparole de la société
paramunicipale, a d’abord dit : « On n’accordera plus
d’entrevue d’ici la rencontre avec les fédérations
concernées, dont Vélo Québec. »
« On veut
juste préciser qu’il s’agit d’un problème avec les
cyclistes de performance, pas avec les cyclistes en
général, de promenade. La rencontre aura lieu mardi. Et on
fera le point par la suite », a-t-elle ajouté.
Pétition
Sur le site internet de Vélo Québec, une pétition
demeurera en ligne encore toute la journée.
Au moment de mettre sous presse, hier, el le comptait près
de 3000 signataires. En plus de dénoncer la situation, la
Fédération québécoise des sports cyclistes recommande à la
Société du parc Jean-Drapeau et à la Ville de Montréal de
consacrer « le Circuit à l’entraînement et non à la
promenade ».
A f i n d ’ y pa r ve n i r , la Fédération estime que les
cyclistes de promenade devraient être dirigés vers les 450
kilomètres de pistes cyclables que compte désormais
Montréal.
L’accès aux véhicules sur le circuit devrait être
restreint. Et une voie devrait être créée pour le patin à
roulettes, ajoutet-on. La Fédération voudrait enfin «
rédiger des consignes de sécurité en collaboration avec
les groupes cyclosportifs » pour notamment rendre
obligatoire le port du casque de vélo.
CHRONIQUE D’UNE FIN ANNONCÉE - Caroline
Touzin
CYCLISME
DE PERFORMANCE SUR LE CIRCUIT GILLES-VILLENEUVE Les rues
de Montréal sont le théâtre d’une rivalité marquée entre
deux clans : les automobilistes et les cyclistes. Des deux
côtés, les reprochent fusent et, quand leurs routes se
frôlent, les juron
Face à la grogne des sportifs, la Société a mis de l’eau
dans son vin, hier. Les représentants de groupes cyclistes
seront consultés en début de semaine prochaine.
Dès l’automne dernier, à la suite d’une engueulade musclée
avec des cyclistes, l’un des directeurs de la Société du
parc JeanDrapeau a annoncé ses couleurs : il leur a prédit
la fin du cyclisme de performance sur le circuit
Gilles-Villeneuve, a appris La Presse.
Quelques mois plus tard, la Société décidait d’installer
des barrières de ralentissement et des dos d’âne, ce qui a
mis en rogne les cyclistes qui empruntent régulièrement le
circuit.
L’engueulade a eu lieu lorsque le directeur principal,
exploitation, Gilles Ballard, circulait en voiture sur le
circuit. Signe de la cohabitation difficile entre
automobilistes et cyclistes à Montréal, les versions de la
Société du parc Jean-Drapeau et des deux cyclistes
impliqués, Raphaël Henr i-Jol icoeur et Charles-Antoine
Julien, diffèrent. Mais tous trois confirment
l’altercation, ainsi que l’annonce de l’installation des
barrières.
Le directeur général de la Société, Christian Ouellet, n’a
pas permis à son directeur exploitation, Gilles Ballard,
de raconter sa version à La Presse. C’est la porte-parole
de la Société, Nathalie Lessard, qui a été mandatée pour
raconter l’altercation à laquelle elle n’a pas assisté.
Par ailleurs, face à la grogne des sportifs, la Société a
mis de l’eau dans son vin, hier. Les représentants de
groupes cyclistes seront consultés en début de semaine
prochaine, a promis, hier, la porte-parole de la Société,
Mme Lessard. La Société n’exclut plus de réserver des
plages horaires sur le circuit aux cyclistes de
performance. « Tout est sur la table à nouveau », a-t-elle
dit en précisant que « la problématique de sécurité
demeure ». L’an dernier, 27 accidents impliquant des vélos
s’y sont produits.
Pourquoi les sportifs n’ont-ils pas été consultés au
départ? « Au parc Jean-Drapeau, on a 5 millions de
visiteurs par an. Si on se met à consulter tout le monde,
on ne serait pas capable d’avancer », a expliqué Mme
Lessard.
Sans consulter les cyclistes ni les usagers du bassin
olympique (aviron, kayak, bateau-dragon), la Société a
récemment décidé de déplacer les cyclistes de performance
qui s’entraînent sur le circuit Gilles-Villeneuve vers le
bassin olympique. Or, cela ne fait l’affaire ni d’un côté
ni de l’autre. À l’entraînement, les cyclosportifs roulent
généralement au-dessus de 30 km/h (limite permise par la
Ville sur le circuit).
Tensions palpables
L’histoire
des cyclistes Raphaël Henri-Jol icoeur, 24 ans, et
Charles-Antoine Julien, 34 ans, en dit long sur les
tensions qui règnent entre les automobilistes et les
sportifs sur les lieux. Fin septembre, par une journée
pluvieuse, tous deux roulaient dans la voie réservée aux
cyclistes sur le circuit – une boucle de 5 km. Les
triathlètes pédalaient à 25 km/h pour récupérer de leur
entraînement, selon leur version. M. Ballard circulait
dans la voie des automobilistes. Pour éviter un camion
garé dans sa voie, M. Ballard aurait changé de voie,
empruntant celle des cyclistes, sans regarder au préalable
si la voie était libre.
Le conducteur aurait frôlé Raphaël Henri-Jolicoeur. Ce
dernier a eu le réflexe de signaler sa présence en cognant
sur le toit de la voiture avec sa main. « À mon sens,
c’est lui qui était dans l’erreur. J’ai eu peur pour ma
vie », souligne le jeune homme qui travaille dans une
boutique de vélos.
Selon son récit, M. Ballard a ensuite baissé sa vitre pour
l’injurier. Il lui aurait dit qu’il était directeur du
site. « Il nous a dit qu’il en avait assez des cyclistes.
Qu’on était dangereux et qu’on n’avait aucune conscience
du monde. On sentait qu’il avait
une frustration latente envers les cyclistes en général »,
raconte le triathlète.
Son partenaire d’entraînement, Charles-Antoine Julien,
corrobore sa version. « La réaction du directeur était
démesurée par rapport à l’événement qu’il avait engendrée.
Sa voiture n’était pas endommagée; nous n’étions pas
blessés. Il était hors de lui », décrit l’athlète qui fait
son doctorat en informatique à l’Université McGill. M.
Ballard est ensuite allé se garer près de son bureau,
toujours sur le circuit, selon la version des cyclistes.
Ces derniers ont décidé d’aller lui parler dans le
stationnement. « Il m’a dit qu’il n’y avait rien à
discuter. Et qu’il allait se débarrasser de nous autres »,
ajoute M. Jolicoeur. Le directeur leur a alors parlé de
l’installation des barrières de ralentissement.
« Pas poli »
Le direc teur exploitat ion reconnaît que l’altercation a
eu lieu. Il ne nie pas avoir parlé des barrières, selon la
porte-parole de la Société, Mme Lessard. Mais ce sont les
deux cyclistes qui ont coupé M. Ballard dans la voie
réservée aux automobilistes, selon la Société. « M.
Ballard a voulu les rattraper pour leur dire que c’était
dangereux. Il a emprunté la voie des vélos pour passer
devant eux, puis s’est arrêté plus loin pour leur parler.
Ça n’a pas été poli d’aucune des parties », explique la
porte-parole. L’un des cyclistes a frappé la voiture avec
son pied, raconte-t-elle. Les deux athlètes seraient plus
tard rentrés à la réception du pavillon du Canada – dans
lequel la Société a ses bureaux – pour poursuivre
l’altercation.
Les deux triathlètes nient être entrés dans le pavillon. «
Au moment de l’altercation, le directeur m’a raconté que
c’était son troisième incident impliquant un vélo.
Peut-être a-t-il mêlé les histoires. Nous, on n’est jamais
allés à son bureau », se défend Raphaël Henri-Jolicoeur.
Son ami et lui conservent un souvenir amer de cet
incident. « On dirait qu’il n’y a pas de place pour nous.
Sur les routes, les voitures trouvent qu’on les ralentit.
Et sur les pistes cyclables, on va trop vite », constate
Charles-Antoine Julien. « Si le directeur était un
cycliste, il n’aurait pas pris cette décision », conclut
Raphaël Henri-Jolicoeur.
ÀQUI LA FAUTE?
Les
automobilistes accusent les cyclistes d’ignorer le Code de
la sécurité routière. Les cyclistes accusent les
automobilistes de rouler en fous. À qui la faute?
« Ce n’est la faute ni à l’un ni à l’autre, tranche Jacob
Larsen, étudiant à la maîtrise à l’École d’urbanisme de
l’Université McGill. Le problème n’en est pas un de
comportement; c’est un problème d’urbanisme. »
Dans le
cadre d’une recherche, l’étudiant mène actuellement un
sondage en ligne au sujet des pistes cyclables
montréalaises. Un des buts de l’enquête : comprendre ce qui
cause les conflits sur les pistes cyclables. « La recherche
tend à démontrer que même si on multiplie les pistes
cyclables, les cyclistes préféreront quand même utiliser le
chemin le plus rapide pour arriver à destination, quitte à
rouler dans une rue normale. Le hic, c’est que les routes, à
Montréal, n’ont jamais été pensées en fonction des
cyclistes. Les automobilistes sont donc souvent surpris par
la présence de cyclistes », explique-t-il.
« Même les pistes cyclables ne sont pas pensées en fonction
des cyclistes », ajoute le chercheur. La rue Sherbrooke en
est un bon exemple: « On a voulu maintenir deux voies dans
chaque sens, en plus de la piste cyclable et des trottoirs.
Le résultat, c’est que les voies ne sont pas assez larges ni
pour les voitures ni pour les vélos, et cela cause de la
friction, explique Jacob Larsen. Faute d’aménagements
adéquats, autant les cyclistes que les automobilistes
prennent des risques. » Pour participer au sondage de Jacob
Larsen: http ://tram.mcgill.ca/cycling.html
Un cocktail
explosif - MICHÈLE OUIMET
Qau
Danemark, 410 en France, 380 en Angleterre.
Il y a davantage de cyclistes urbains qui utilisent
leur vélo sur une base régulière. Ils roulent plus
longtemps et plus souvent. Et parfois, plus
dangereusement. Je vous l’ai dit, je l’admets. Mea
culpa.
En 20
ans, le parc automobile a doublé à Montréal. Donc plus
d’autos, mais aussi plus de cyclistes. Et de plus en
plus de nids-de-poule. Un cocktail malsain. Quand je
veux rouler, vraiment rouler, j’enfourche mon vélo de
course et je parcours la montagne et les cimetières.
Parfois, je traverse le pont Jacques-Cartier et je
file sur le circuit Gilles-Villeneuve. Pour le plaisir
de pédaler sans arrêt sur de l’asphalte lisse, le nez
collé sur mon guidon, loin des bruits de la ville. La
paix, la grande paix.
La Société du parc Jean-Drapeau a décidé de chasser
les cyclistes du circuit en installant des barrières
de ralentissement. La chose s’est faite rapidement,
phénomène rarissime à Montréal. La décision a été
prise en mai par le comité de gestion de la Société,
elle a été entérinée peu de temps après par le conseil
d’administration et les premières barrières ont été
installées lundi. Une opération éclair.
Les cyclistes amateurs de vitesse sont en rogne. Ils
vont se résigner à rouler dans les pistes ou les rues
de la ville. Le cocktail vélo-auto sera encore plus
explosif.